Un verre ne se boit jamais seul..
Même si ce lieu possède nombre de qualités, il n’était pas exempt de défauts. Après une mission, il fallait faire la queue interminable avec d’autres aventuriers au « Bureau des Récompenses » pour valider la réussite de la mission et toucher sa prime. Si on souhaitait toucher sa récompense, il fallait être prêt à attendre longtemps, certains jours de pointe, la queue pouvait durer plus de deux heures.
Cette tâche éprouvante accomplie, Nayru n’avait plus qu’une seule envie, rentrer à l’auberge où elle séjournait, manger quelque chose, prier Lucy pour la journée d’aujourd’hui et celle de demain et aller se coucher pour se lever aux aurores.
Avant de sortir, concentrée sur son objectif d’atteindre son lieu de séjour et pensant à se dévouer à la Déesse, elle bouscula avec son épaule un de ses collègues qui passait par là. N’étant pas vraiment la plus forte physiquement de la Guilde et ayant l’esprit ailleurs, c’est elle qui tomba fessier par terre sur le plancher de la Guilde.
Comme si elle venait de se réveiller, Nayru était dans un état de culpabilité, elle se rendit compte que sa volonté égoïste d’accéder à ses besoins primaires l’avait empêchée de prêter attention à son environnement. Sans doute un signe punitif de la Déesse pour la prévenir qu’il est nécessaire de rester attentive aux autres humains, qu’elle n’était pas la seule personne à avoir des priorités aussi basiques soient-elles que d’aller dormir un peu.
Cherchant avant tout à s’expliquer, la jeune dame aborda la personne avec qui elle venait d’entrer en contact, un homme beaucoup plus grand qu’elle et donc la corpulence de guerrier justifiait de lui-même le fait qu’elle était tombée au sol.
« Par la Déesse, je vous présente mes excuses cher collègue, dans ma précipitation je ne vous avais point remarqué. Vous allez bien ? »
Un verre ne se boit jamais seul
Le Tourmenteur revient d’une longue traque au lézard ailé, la queue entre les jambes. Il n’est tombé que sur des bêtes, certes féroces mais aussi inintéressantes à ses yeux. Peu importe, le guerrier essuie une odeur de sueurs bien virile comme on en fait à l’accoutumée à chaque retour d’escarmouche. Quelques blessures superficielles ici et là, de la terre partout sur sa parure de Baal. L’adopté n’a pas même pensé à se dévêtir des pouvoirs de son serviteurs, influant sans surprise aussi sur son humeur. Peu importe, la majorité sait se tenir quand il est ainsi, c’est déjà ça de pris. Problème : personne n’aurait la décence de lui dire de changer de tenue, ne serait-ce que pour l’intégrité des lieux et des bonnes mœurs.
Plongé dans ses songes, Beowulf ne remarque pas la maladroite. Elle lui rentre dedans puis tombe. Ses yeux suivent le mouvement de la perturbatrice et la regardent tout simplement choir au sol. Un silence. Certains aventuriers commencent à agripper moult objets en fonction de leurs croyance ou niveau de témérité. Une figurine à l’effigie de la Déesse, une relique magique, épée, tabouret, trèfle à quatre feuille… Tout ce qui leur passe sous la main sera bon à prendre pour contenir l’excès de rage du regard nacré. Collègue ?
▬ Hmm…
Il saisit son arme enchantée puis la brandit doucement au dessus de son épaule. La tension est à son comble. Quelques filets électrisés se dégagent de lui et finir par s’abandonner à ses pieds. Puis, une lumière, un bruit sourd, un éclair qui traverse le plafond. Le sauvage azuré s’exprime de vive voix.
▬ J’AI SOIF !
Cela est vrai.
▬ À BOIRE, FEMME !
Un autre silence, puis la musique reprend doucement et les rires reviennent peu à peu - toujours légèrement timides cependant. La scène nous montre deux choses : ça ne dérange personne qu’il éclate la toiture et ils savent très bien qu’une des manières de calmer ses colères est de l’abreuver abondamment. Pour le bâtiment, l’homme n’est pas en reste. Il paiera les réparations. Enfin, les payer… Certains aventuriers aux pouvoirs liés au BTP se hâtent déjà à la tâche. Les iris du colérique se déposent une nouvelle fois sur la silhouette de l’impudente, l’air sévère.
▬ J’ai dis que j’avais soif.
Apparemment, il a soif.
Un verre ne se boit jamais seul..
Les pouvoirs de cet homme aux cheveux bleus était impressionnant. Une gerbe électrique détruisit une partie de la guilde et cela sans le moindre effort. Nayru se demandait si de nombreux aventuriers avaient la même force, le même potentiel de destruction. Ce pouvoir d’électricité était bien trop dangereux. Nayru pu comprendre aisément qu’elle n’était pas encore de taille face à un individu de son espèce. Mais le fait qu’elle se trouvait à la guilde, qu’il n’y avait aucune raison de se battre et que son royaume était régi par des lois la rassurait dans l’idée que l’individu n’allait rien faire.
Bien que la tension fût à son comble, elle put redescendre immédiatement après que le guerrier azuré en question demanda à boire. D’une manière peu élégante cela dit. Aucune qualité de gentleman pour le coup. Nayru n’aimait pas trop ses manières, mais au vu de la façon dont s’est déclenché le pouvoir de l’homme, la femme de foi ne pouvait qu’y voir un lien de cause à effet. Sa maîtrise (bien) loin insuffisante de son pouvoir avait influencé son comportement selon la jeune dame.
Quand elle fit sa formation au temple pour suivre le chemin de la Déesse, Nayru apprit avant tout à garder son sang-froid et de réagir de manière rationnelle face aux situations qui se présentaient à elle. L’homme avait soif, elle avait faim, autant faire une pierre deux coup.
« Eh bien on peut aller boire un verre si le cœur vous en dit. Vous fréquentez souvent la taverne en face de la Guilde ? Juste à côté de l’auberge des aventuriers ? Nous pouvons nous y rendre de ce pas. Qu’en dites-vous ? »
Avec ou sans lui, elle irait se rendre en ce lieu pour satisfaire ses besoins nutritifs, alors autant y aller accompagnée. Cela pouvait toujours être sympathique.