"ATCHA"
Un reniflement. Un juron. Le pas de l'homme s'accélère au rythme de sa voix qui peste. Au loin on peut entendre le fracas des épées d'entrainements, les ahanements des hommes au torse ruisselant de la sueur de l'effort, les rigolades et autres bravades de ceux qui s'arrachent les faveurs des femmes guerrières de la garnison. Mais de là où nous nous tenons, ce n'est que le pas rapide d'un homme pressé de couper court à la mascarade qui habite ses naseaux depuis maintenant trop longtemps. Beaucoup moins classe qu'on se le dise, mais derrière chaque badge, aussi doré soit-il, se cache un être humain comme tout les autres avec ses petits déboires du quotidien.
Le Capitaine Al Rakija était de ceux qui ne daignait apporter trop d'importance au fameux statut qui ornait désormais sa poitrine. Oui il était Capitaine, depuis maintenant presque deux ans pour dire vrai, mais son comportement restait éternellement celui d'un jeune loup derrière lequel se cachait la sagesse d'un vieux roublard. Difficile de savoir sur quel pied danser avec un énergumène pareil, une couleur variable qui lui avait valu une réputation tout aussi colorée. Mais avec le temps, les questionnements quand à son efficacité s'amoindrissaient et malgré ses idées novatrices au caractère non-académique, les résultats qu'il ramenait de ses affectations étaient toujours exemplaires. A quelques détails prêts, mais à quoi bon chipoter face à quelqu'un qui n'en a cure.
"ATCHA"
Un second éternuement. Un second juron. Un raclage de nez à en faire pâlir de jalousie la grande Compagnie des Cuivres et leurs mélodies endiablées de trompette. De couloirs en virages, Yuduar se mouchait par intermittence sur le chemin le menant directement aux quartiers des médecins de la Caserne. A coup sûr qu'un des savants du coin aurait une pillule d'on-ne-sais-quoi pour guérir ça avant qu'il passe pour le plus gros des jambons durant la grosse réunion de la semaine prochaine. Déjà qu'il passait pour un rigolo les trois-quart du temps, pas besoin de tendre le bâton pour se faire cogner en toute gratuité.
Arrivé enfin à sa sainte destination après cette épopées nasalement animée, c'est avec l'élan digne des plus grand goujat du Royaume que le Capitaine toqua sommairement à la porte de la salle de médecine pour tourner la clanche dans la continuité de son mouvement.
"Bien le bonjour Doc' vous auriez pas un..."
Il s'arrêta immédiatement. Un arrêt net, abrupt, soudain. Le médecin en faction n'était pas l'habituel Doc Muliphen et sa mine affable -ou blasé selon les points de vue- mais un autre habitué du coin qui répondait au nom de Sashang. Un peu plus jeune que Yuduar, surement pas loin de sa trentaine, sa peau ambrée et ses yeux en amandes furent tout aussi étonné que le Capitaine suite à son entrée en fanfaronnade. Le détail qui créa l'étonnement: la présence d'un tiers non prévue au programme.
"Ah. Je, oui en effet..." Yuduar poussa un soupir, yeux écarquillés et rictus avec la bouche en cul de poule "Je dérange peut-être non?"
En face de Sashang une jeune demoiselle. Fort jolie pour ce qui en est, c'est à se demander si ce genre de tenue est vraiment réglementaire au sein de la Garde mais allons bon. Surement une Garde Royale vu le genre de soierie légère qu'elle portait, à n'en point douter. La mine basse, du moins vu d'ici, ses cheveux blancs coupés court cachaient son visage qui ne daigna se retourner pour accuser l'arrivée du gradé au nez coulant. Encore une qui allait avoir de quoi faire les choux-gras de la bonne réputation du Capitaine Al Rakija. Puis à défaut de ses fausses nasales toujours en éruption, ses yeux bouffis du mal qui l'habitait firent trainer une larme acide qu'il chassa d'un revers de manche. Yuduar renifla, une énième fois, puis resta coi face au silence gênant qui venait de s'installer dans la salle de consultation du médecin de la Garde.
Il était très tôt quand elle avait pris le chemin du cabinet du docteur de la Garde. Tellement tôt d’ailleurs qu’il n’était pas présent quand elle était arrivée. C’était une manie, une mauvaise manie certes mais ne s'en était une que d’arriver toujours trois plombes à l’avance et ce peu importe l’endroit où elle se rendait. Mais dans un sens elle n’aurait pas fait plus de choses en attendant comme une idiote devant la porte qu’en tournant et retournant comme une crêpe dans son lit. Sans parler de sa colocataire et amie, Sue qui se plaignait depuis plusieurs jours de ses quintes de toux et ses ronflements à répétition. Déjà qu’elle ne dormait que très peu, cette dernière se faisait un plaisir de lui tirer un coup de poing dans les côtes dès qu’elle arrivait à fermer l’oeil et devenait, par conséquent, bruyante. Enfin, il fallait de toute façon qu’elle passe par cette case-là.
Riley ne s’étonna pas de ne pas voir le médecin habituel, elle ne le connaissait pas ou peu. Peut-être l’avait-elle entrevue quelques fois mais pas suffisamment longtemps ni souvent pour que son visage ne se note dans son esprit. Sans parler du fait qu’elle évitait le plus souvent possible de se rendre dans cet endroit. La jeune garde finit tout de même par entrée à la suite du jeune homme, une fois qu’il l’y eut invité.
- Mal de gorge, toux, nausée. Énuméra-t-elle a voix basse juste avant que l’auscultation ne commence. Pour le reste elle se contenta de hocher la tête ou de la secouer en guise de réponse. Faisant un faible « aaaah » lorsqu’il lui fut demandé de le faire. Diantre qu’elle n’aimait pas ça, se faire tripoter de tous les côtés comme un animal de laboratoire. Il ne manquait plus qu’une personne entre et ce serait la cerise sur le gâteau. Et Riley ne savait pas à quel point Lucy pouvait être farceuse, du moins pas jusqu'à ce que quelqu’un vienne toquer à la porte, ouvrant cette dernière avant même d’en avoir reçu l’autorisation.
« Une Angi… » commença le médecin, coupé dans son élan par la porte maintenant ouverte et une voix qui semblait parler du nez.
La jeune garde gardait la tête baissée et la bouche irrémédiablement close. Pas par soucis de timidité ou de malaise comme elle pouvait le faire en temps normal. Non cette fois c’était différent et peut-être bien plus dangereux que ce qu’elle avait bien pu imaginer. Dans un mouvement qui aurait, en temps normal était délicat et agile, elle se leva de la table.
- Allez-y. Je peux patienter. Murmura-t-elle tout en relevant la tête. Révélant un visage bouffit au nez rouge pivoine qui semblait avoir vu passer plus de mouchoir qu’un homme en mal d’amour. Sa peau d’habitude pâle était presque translucide et ses yeux à demi ouvert se voulaient malgré elle larmoyant au possible. Si elle n’avait pas reconnu sa voix, elle reconnaissait maintenant son visage et cela ne l’aidait pas à vouloir rester sur place. Sa mémoire des visages était sans aucun doute mauvaise mais elle s’était fait violence pour ne pas oublier ceux de ses supérieurs et il aurait été mentir que de dire qu’elle n’avait pas reconnu le capitaine. Malgré son état, elle franchit en quelques enjambés l’espace les séparant et se mit au garde-à-vous, la sueur perlant sur son front comme si elle sortait d’un entraînement.
« Vous ne devriez pas Adilys... » Enchaîna prestement le doc. Et il eut raison, mais intervint certainement un peu trop tard.
Tordu par un spasme purement involontaire, Riley s’était pliée en deux et avait déversé tout son soûl sur les godillots de son supérieur. Le tout agrémenté de gargarismes incontrôlable dont elle se serait sans aucun doute passé. Une fois délestée de son dernier repas elle se redressa, son visage ayant viré aussi rouge que son nez et ne pipa mot. Si la situation avait été gênante a l’arrivée du capitaine, ce n’était rien à côté de l’instant présent. Les yeux ronds comme des soucoupes elle le fixait, sans être capable d’articuler le moindre mot. Le médecin lui ne savait pas lequel des deux il fallait ou non regarder. Cette journée commençait sous les meilleurs auspices
Il ne bougea même pas, ni même un sommaire mouvement de recul. Il resta là, droit comme I entrain de la regarder lui vomir allégrement sur les chausses. Le docteur vira au blanc immédiatement, il semblait pris d'un malaise à lui faire tourner de l'oeil tellement la situation venait de soudainement virer à la catastrophe. La garde quant à elle se redressa aussi rouge qu'une tomate face à un Yuduar immobile seulement animé de ses yeux écarquillés de surprises.
"AH!" lâcha t-il pour ponctuer l'événement d'une onomatopée qui en disait long "Et bien on peut dire que c'est une manière d'entamer la conversation hein... Doc' vous auriez une..."
"Oui, oui, oui, tout de suite Capitaine, mes plus plates excuses!" répondit le pauvre Sashang en s'activant comme électrocuté par le dessous de son siège.
"Pas besoin de vous excuser mon brave -ATCHA-" reniflement "Envoyez moi un torchon pendant que vous y êtes!"
Le pauvre doc' arriva à toute berzingue armé d'une serpillère qui trainait dans un coin et lança une serviette carrelée au Capitaine qui commença à essuyer les impacts qui mouchetaient son pantalon. Tout en accomplissant son oeuvre, Yuduar releva la tête vers la Garde.
"Bon, Adilys c'est ça? Reprenez votre place et respirez un bon coup, enfin pas dans cette direction, ou allez vous chercher une bassine. Par le grand Kirin, vous feriez fuir un Crapaureau avec une mine pareille!"
Yuduar restait Yuduar, même avec de la gerbe plein les pompes. Sa bonhomie naturelle, son franc parler et son tact légendaire, il en avais même encore le sourire aux lèvres. L'air commençait à s'imprégner des relents méphitiques du repas rendu, une odeur dont il fut principalement épargné grâce à ses naseaux irrémédiablement bouchés. Pour dire vrai, quand on a passé le plus clair de son temps dans les tavernes jusqu'à pas d'heure, à trainer avec bon nombres d'aventuriers prêt à raconter milles et unes histoires au rythme des bières et de l'eau de vie, on est plus à une galette prêt qui colle aux semelles. Puis c'était pas de sa faute à la pauvrette, à la voir comme ça on aurait presque dit qu'elle allait partir se fustiger dans un coin en récitant des prières à Lucy d'un ton monocorde. Sashang aussi semblait se décomposer, blanc comme un linge entrain de jouer de la serpillère sur le sol. Yuduar éternua une fois de plus, renifla bruyamment une fois de plus. La scène était certes étrange mais il n'y avais pas mort d'homme.
Immobile et silencieuse, elle ne daigna s’activer machinalement que lorsqu’ils l’incitèrent tous les deux à s’asseoir en tête à tête avec une bassine. Elle ne se fit d’ailleurs pas prier longtemps et traversa à petite enjambée la distance qui l’a séparée de la table de consultation, se saisissant au passage de ce qui s’approchait le plus d’une bassine. Enfin, elle prit place et prit plusieurs longues inspirations avant de poser son front sur le bord de la bassine.
Sans attendre le docteur se mit alors à fouiner et farfouiller dans ses placards, pestant par moments. Une fois qu’il eut récupéré tout ce qui semblait lui être utile, il se mit à pilonner, couper et faire infuser le tout, ne revenant qu’au bout d’un moment considérable vers Riley, qui, toujours la tête fourrée au fond de la bassine donnait le meilleur d’elle-même pour ne pas subir davantage d’humiliation.
- Prenez ça. Cela devrait vous remettre sur pied en un temps record. Vous n’avez rien de bien méchant mais si vous étiez venu avant, nous n’en serions pas là.
Pour toutes réponses, Riley le fusilla du regard.
- Ah et euh… Il lui tendit alors de quoi se brosser les dents. - Dès que vous vous sentirez un peu mieux, n’hésitez pas.
Manquant de s’étouffer, la jeune garde se saisit sans attendre de la petite fiole qu’il lui tendait ainsi que du nécessaire de toilette. Le docteur quant à lui s’en retourna vers sa serpillière, l’essorant avec un air déprimé tout portant à nouveau toute son attention sur le capitaine.
Abandonnant sa nouvelle amie, la jeune Adilys débouchonna le petit contenant avant d’en humer l’odeur. Odeur qui se voulait malheureusement âpre et terriblement désagréable. L’espace d’un instant elle se demanda si ce n’était pas là une blague de mauvais goût ou une punition qui lui était infligée. Si elle avalait ça, elle était presque sûre qu’elle le rendrait immédiatement. Cependant elle ne pouvait pas faire la fine bouche et après avoir esquissé un nombre assez incalculable de grimace, elle avala tout le contenu non sans un violent haut-le-coeur qu’elle eut un mal fou à réprimer. Après ça, elle se laissa tomber en arrière, s’adossant contre la table d’auscultation. Avec un peu de chance, ce produit fonctionnerait très bien et elle pourrait reprendre son poste dans l’heure qui suivrait. Même si elle ne se faisait pas de grands espoirs, elle ne pouvait s’empêcher de croiser les doigts. Elle ferma ensuite les yeux, écoutant vaguement l’échange des deux hommes pour se changer les idées en attendant les effets miracle de son médicament. Ce ne fut qu’au bout de plusieurs minutes que son estomac cessa enfin de danser la samba, lui permettant ainsi de se redresser.
D'un côté Yuduar finissait de se nettoyer sommairement avec un air las sur le visage, principalement dut au refus de coopérer de ses sinus. De l'autre Adilys entrain de prier la sainte-bassine avec une ferveur aussi puissante que silencieuse. Une fois le sol principalement épongé, ce brave Sashang concocta un remède de cheval pour la Garde tout en s'excusant du regard à l'intention du Capitaine. Ce dernier chassa les inquiétudes du noble médecin d'un geste désabusé de la main, il comptais attendre là au calme et en profita pour aller ouvrir une fenêtre, que ce soit pour aérer ses frusques ou tout simplement faire un courant d'air bienvenue dans la salle.
Ayant fini ses petites affaires avec Adilys, Sashang revint à Yuduar qui scrutait le ciel, penché à la fenêtre sans la moindre pression.
"Capitaine..." murmura t-il comme pour éviter de le déranger "Elle vas se reposer un instant, qu'est-ce que je peux pour vous?"
"Elle vas mieux au moins?" demanda Yuduar sans pour autant murmurer à la hauteur du médecin, n'étant pas un grand passionné des messes basses.
"Oui, oui, elle devrais être requinqué dans quelques minutes mais il faudra que je lui donne un traitement après, c'est juste un palliatif là. Bref, c'est pour un rhume vous?"
"Hm, j'en sais trop rien en vrai." il renifla bruyamment comme pour lui donner raison malgré lui "Après ça m'en a tout l'air sauf que ça me crame l'intérieur du pif comme si j'y avais calé deux piments avant de m'endormir. Je sais pas si l'image vous parle..."
Le médecin eu en effet un air perplexe qui lui valu quelques secondes de réflexion avant de reprendre "Je, oui en effet, c'est étrange. Venez avec moi."
Il installa Yuduar sur un tabouret haut et entama une auscultation sommaire. Plusieurs instrument médico-magiques étaient à sa disposition, il en profita pour faire un tour de la santé globale du Capitaine. Réputé pour avoir une excellente constitution, aucun signaux alarmants n'étaient présent ailleurs que dans le tarin du soldat.
Questionnant sur l'origine du mal, Yuduar se risqua à une explication volontairement floue.
"C'est arrivé en revenant de mission. Une assignation simple en soit, chasser des illuminés en forêt qui collaient les miquettes aux gens du coin, la routine quoi. Bon y'a eu quelques complications en chemin, un artefact à la con qui a fait des siennes, j'ai eu quelques effets secondaires blablabla -ATCHA-" reniflement "Mais en soit rien de bien décoiffant. Puis là en rentrant, quoi, deux trois jours a peine après ce bordel, bim, mon nez qui devient une corne d'abondance. Et avec un mal de chien en plus. Des piments j'vous ai dit, enfin tout comme."
L'exposé du capitaine avait de quoi faire lever les sourcils de l'assemblée présente, ce qu'il décrivait comme une simple mission de routine s'apparentait plus à un récit d'aventuriers qu'une classique journée de garde. Mais Sashang sachant à qui il avais a faire, il ne perdit pas de temps sur l'effet de surprise et s'affaira à enchainer sur le ton de la conversation.
"Je peux traiter les écoulements. Normalement les éternuements diminuerons. La douleur par contre c'est étrange, il faudrait qu'on se fixe un moment pour faire des vérifications. J'ai un collègue spécialisé en maux magiques, je verrais pour le faire venir ou au pire je vous donnerais son adresse, son cabinet est sur l'avenue vers le Palais."
Suite de quoi il commença a préparer une décoction cette fois à l'attention de Yuduar. Tout en le regardant entrain de popoter son remède de plantes et d'on-ne-sais-quoi d'autre, le Capitaine toujours assis sur son tabouret tourna son attention vers Adilys qui était désormais adossée et en proie à une possible méditation. Ou bien elle dormait, allez savoir.
"Adilys? Vous êtes vivante au moins?"
Bien que redressée, ses yeux restaient fermés plus par précaution que par réel besoin. Elle ne daigna les ouvrir a nouveau que lorsqu’elle entendit l’un des membres de la petite assemblée s’adresser a elle. Dans un premier temps elle se contenta de regarder le capitaine, dont le nez avait toujours l’air de faire des siennes. Puis elle pivota légèrement sur la gauche afin de s’asseoir sur le bord de la table d’auscultation, sa bassine ne la quittant pas.
- Je crois bien que oui. Murmura-t-elle tout en passant une main sur son ventre, qui contre toute attente paraissait s’être réellement calmé. Ne pouvant s’en empêcher elle relâcha un bruyant soupire avant de poser son front sur le bord de la bassine. – Enfin ! Ces maux d’estomac étaient véritablement intenables. Puis comme s’il ne s’était jamais rien passé, elle glissa de la table et traversa la pièce avec le nécessaire de toilette toujours a la main, disparu dans ce qui pouvait s’apparenter à des toilettes publiques et ne revint que lorsque le goût dû vomit eut totalement et entièrement disparu de sa bouche. Autrement dit, après un sacrément bon moment.
- Docteur ? Dit-elle d’une voix beaucoup plus forte qu’a l’accoutumée. – Désolée de vous interrompre. Elle tourna son regard pâle et désolé vers le capitaine quelques instants avant de reprendre, tapotant nerveusement ses doigts contre son avant-bras, ainsi que son pied sur le sol. – N’auriez vous pas fait une petite erreur dans le dosage ? Pas que je remette en doute vos compétences bien au contraire mais j’ai l’impression d’être montée sur ressort et je me fais violence pour ne pas sauter dans tous les sens. Sincèrement, je ne tiens plus en place. Tout en se taisant, ses membres continuaient à marteler avec force. Finalement c’est avec une pirouette habile qu’elle se retrouva en face de Yuduar. – Capitaine, si vous êtes disposé, que diriez-vous d’un entrainement en attendant que le docteur ait terminé ses décoctions ?
- Adilys, ça ne serait pas raisonnable… Grommela le médecin tout en attrapant la recette qu’il avait servie à la jeune femme quelques minutes avant, la passant en revue. De son côté, Riley suppliait presque son supérieur du regard
Pendant ce temps là, Sashang et le Capitaine continuèrent à discuter de tout et de rien. Des nouvelles sur le Doc Muliphen qui semblait se tâter à repartir au grand-port pour ouvrir un cabinet indépendant en dehors du service de la Garde, Sashang parla de sa femme qui attendait leur premier enfant, le tout accueilli par une franche tape de camaraderie entre les deux omoplates de la part de Yuduar. Ils n'étaient pas spécialement proche mais l'équipe médicale de la Caserne était tenue en haute estime pour le Capitaine, il considérait ouvertement que c'est grâce à des braves comme eux que la Garde peut se permettre autant de liberté durant les assignations ou les entrainements. Sans leurs services, leurs connaissances, leurs pouvoirs, la sécurité et l'état de santé de plus d'un brave se retrouverait entraver de bien des problèmes. Ainsi, les minutes s'égrainèrent dans une ambiance chaleureuse de discussions presque mondaines mais dont la présence du gradé égayait le tout à la manière d'une fin de journée autour d'une mousse. Les inquiétudes du médecins se déridaient, Yuduar but sa décoction et s'allongea un instant puis Adilys réapparue après s'être remise en jambe.
Mais contre toute attente son retour ne fut pas celui attendu. Certes elle avais repris des couleurs et semblait partiellement débarrassée de ses petits soucis mais en l'occurrence elle tenait clairement d'une forme de furie. Tout en l'écoutant déblatérer, Yuduar se releva avec le sourire aux lèvres malgré son air groggy. Le docteur et lui échangèrent un regard à la fois surpris pour le médecin et amusé pour le Capitaine, qui rajouta un léger haussement d'épaule face à la situation pour compatir à l'étonnement.
"Un... entrainement?" au delà de son faciès rigolard et de son nez en pleine révolution, un air interdit habitait ses prunelles noisettes. Le médecin signifia immédiatement son désaccord mais Yuduar leva une main à son encontre pour poliment reprendre la parole "Et bien, ce n'était pas prévu en soit mais pourquoi pas, l'idée me plait." il renifla, une fois de plus, puis commença à se masser l'arrête du nez pour tenter de respirer normalement. Adilys était proche de lui, peut-être même un poil trop proche a vrai dire, un constat qui le fit se décaler légèrement sur la droite pour se mettre à mi-chemin entre le médecin et elle "On s'installe dans une salle pas trop loin, comme ça on pourra repasser derrière si jamais y'a un soucis. Puis au pire, qu'est-ce qui pourrait se passer?" la dernière question fut clairement adresser à sashang qui ne semblait clairement pas rassuré par le côté débonnaire de Yuduar.
"Je m'y oppose quand même, par devoir médicale, même si je ne peux pas vous en empêcher. Si la différence de tension est trop forte pour vous -Riley-, vous risqueriez de tomber dans les vappes pendant deux bonnes heures. Vous pouvez même avoir des sautes d'humeurs très changeantes. Quant à vous -Capitaine-, les plantes que je vous ai données ont un conte-coup qui à tendance à provoquer une légère hémophilie, la moindre coupure pourrait abondamment saigner et risquerait de créer une infection de fait."
Une fois le topo terminé, un silence s'installa dans la salle, seulement entrecoupé par l'excitation latente de la Garde qui ne semblait pas tenir sur place. Mais le regard entendu qu'échangèrent les deux guerriers en dit long sur la décision finale à venir.
"Bon et bien au moins on est courant! Je vous proposerais bien de venir superviser ça mais vous avez pas l'air d'avoir quelqu'un pour vous remplacer sur votre quart donc bon..." rapportant son attention sur sa subordonnée, il claqua des mains et se frotta les paumes avec un air réjoui "Je vous promet pas un grand duel mais vu ce qu'as dit le docteur je propose une petite session de combat rapproché, main nue sans arme, technique d'auto-défense et de maitrise de l'adversaire! Pas de risque de coupure et si ça tourne de l'oeil je devrais pouvoir vous rattraper sans me gaufrer. Enfin, normalement. Alors Adilys vous en dites quoi?"
Yuduar avait un air de gamin sur le visage, tout content de trouver un peu d'action dans cette morne journée. Certes ses naseaux en feu allaient le gêner mais le flot continuel qui en découlait semblait s'être déjà calmé. Et puis au pire ce serais un bon double entrainement, la justice ne pouvait pas s'arrêter pour un simple nez en flamme, apprendre à composer avec sa situation présente était un classique de la formation d'un garde tout comme d'un aventurier. Car un behemot se moque bien de savoir ce que vous avez mangé la veille et de l'état de votre estomac quand il se décide de vous foncer dessus. Sashang soupira sans retenue, enfouissant son front dans sa paume sous le poids de la consternation. Travailler avec des Gardes ne devait pas être tout les jours une sinécure, composer avec Al Rakija et ses idées toujours plus lumineuses les unes que les autres, c'était encore un degré au-dessus.
Bien que dans un état second, le respect qu’avait Riley pour ses semblables n’étaient pas altéré. C’est pourquoi, après l’énoncé elle garda la bouche close tout en ne pouvant empêcher ses membres de s’agiter. Un sourire triomphant étira ensuite ses traits et elle emboîta le pas à son capitaine sans jamais se faire prier.
- Ne vous inquiétez pas Shanshang ! J’ai la tête dure et un corps solide ! Définitivement, les prononciations n’était pas son fort et clairement le nom de se docteur lui semblait imprononçable. C’est la raison pour laquelle elle s’était contentée de l’appeler « doc » ou « docteur » depuis le début de leur entre vue. Enfin, la n’était plus la question. Adilys se rangea alors dans l’ombre de son vis-à-vis tout sourire et pas moitié moins contente que lui de pouvoir rendre cette matinée plus intéressante qu’elle n’aurait du l’être.
- Bien ! Je suis mauvaise dans ce domaine ! Mais bien ! Cela me permettra peut-être d’améliorer mes compétences. Un nouveau sourire étira ses traits. - Pour ce qui est des chutes, laissez donc faire ! Je suis plus coriace qu’une vulgaire bactérie ! Puis elle se mit a trottiner, dépassant Yuduar pour se ranger dans un coin de la pièce une fois qu’ils furent entrée.
Une chose était sûre, les combats à mains nues ne faisait franchement pas partie des qualités premières de la jeune femme. Bien entendu elle n’était pas totalement incapable. Après tout elle était dotée d’une taille non négligeable mais son principal atout résidait dans le maniement de ses armes. Ces dernières faisaient un poids considérable, aussi, la force des bras de Riley était clairement conséquente. Et c’était la dessus qu’elle s’était toujours reposée. Manquant cruellement de technique, c’était la force brute qui était sa principale alliée dans ce genre d’échange. Sauf que cette fois, face à un homme comme lui, elle n’était pas convaincu que cela suffise. Malheureusement, son trop plein d’excitation lui fit vite oublier ce genre de possibilité et elle se mit à s’échauffer rapidement.
Quelques pas chassés, une montée de genoux et voilà que la jeune femme se présenta à nouveau devant le brun.
- A vous l’honneur capitaine ! Arquant les jambes, elle se tint prête. Du moins, aussi prête que pouvait l’être une garde enivrée par un médicament dont elle ne connaissait que trop peu les effets.
"Ce sera l'occasion de se dérouiller alors! Le combat rapproché à main nue est d'une importance capitale pour un garde qui se respecte, l'art de savoir appréhender un malfrat sans avoir à dégainer, maitriser sa cible sans avoir recours à la magie, désarmer sans le recours de son arme et intervenir sans avoir à verser le sang." énuméra le Capitaine avec ton presque magistrale. C'est que le sujet lui tenait à coeur, n'ayant jamais vraiment compris pourquoi une telle discipline n'était pas inculquée plus tôt avec plus de sérieux lors des années d'académie. Terminant sur un clin d'oeil rigolard à l'adresse de la garde, il ouvrit la porte de la salle d'entrainement "Tout ça sans compter le fait de savoir et pouvoir se défendre en situation d'urgence sans nul autre défense que nos mimines à portée de main."
Fier de sa blague douteuse, il rigola, toussa et éternua, dans cet ordre précis. Après un juron et un énième reniflement, il alla s'accouder à un reposoir non loin pour se défaire des maigres pièces d'armure qu'il portait en cette simple journée. Une fois le cache-coeur métallique de retiré ainsi que son fidèle baudrier de lame, il s'occupa à faire quelques moulinets des bras afin de se dénouer les articulations. En face de lui Riley semblait montée sur ressort et s'agitait dans tout les sens comme une puce sous l'emprise d'une drogue énergétique. Ne sachant trop quoi en penser, il s'avança vers le centre de la pièce, bras ballants le long du corps avec un faux air de trainer les pieds de lassitude. A l'invective de la garde, Yuduar soupira faussement avec le sourire aux lèvres.
"Bien, bien, bien. On vas commencer avec quelques échanges pour voir ce que ça raconte et de là on avisera sur quels points axer notre séance." tapant le sol de la pointe de sa botte, il remis l'ordre des priorités à jour "Ne retenez pas vos coups non plus mais faites attentions à vos appuis. Le sol étant de pierre, une mauvaise chute ne serait pas des plus agréables. Sur ce..."
Yuduar s'avança en gardant son air rieur face à une Adilys sur le pied de guerre. Sa défense était sommaire mais son état d'excitation palpable rendait ses mouvements nerveux difficile à lire. L'oeil aguerri du capitaine repéra quelques failles évidentes sans pour autant capitaliser sur ce qui pouvait n'être que d'évidentes ouvertures à la faute. Enfin, il fallait bien commencer quelque part.
Balançant son droit d'un air pataud en direction du visage de son adversaire du moment, il garda une distance volontairement maladroite pour renforcer l'aspect débutant de ce coup tout bonnement évident. Il s'agissait là du coup le plus basique possible, un crochet du droit en direction du faciès. La réponse ne se fit pas attendre et la garde gauche de la demoiselle se leva pour accueillir le coup sans broncher. D'un élan presque immédiat et synchronisé, la dextre habile de la demoiselle fendit l'air d'un mouvement sec et droit pour cueillir le visage du Capitaine. Retour évident à un démarrage tout aussi évident. Un éclat rieur s'alluma dans les prunelles irisées de doré du Capitaine, son centre bas fit sauvagement monter sa main gauche qui attrapa sans merci le poignet de sa partenaire pour dévier son bras entier prêt d'elle dans un axe haut. Laissant le poids de son corps agir en contre-balançant naturellement les appuis effervescents de Riley, Yuduar s'approcha à presque apposer son bassin sur celui de son adversaire puis laissa simplement sa jambe gauche faucher l'arrière du mollet laissé à découvert. En temps normal la chute sur le dos serait la fin logique d'une telle avancée mais le Capitaine lâcha délibérément le poignet précédemment enserré pour retenir la garde entre les deux omoplates.
Ainsi figés dans une position qui s'apparenterait presque à la pose finale d'un duo de danseur, le Capitaine sourit et contre-balança la garde sur ses deux jambes.
"Vos réflexes sont bons mais votre lecture est sommaire. L'idée n'est pas de frapper mais de contrôler. Si l'impact est la finalité, le vas et vient des mouvements forment le chœur qui chante les possibilités. Il faut d'abord écouter avant d'interpréter à la hâte."
A la fin de son explication, ses yeux se plissèrent de douleur a cause de son crâne qui le lança terriblement d'un coup d'un seul. Comme si ses naseaux venaient de se décider à embraser son cerveau, le mal s'étendait de l'arrête de son nez jusqu'à loin derrière ses oreilles. Portant deux doigts dans les cavités de ses yeux pour appuyer sur les points de douleurs évidents, il se déconcentra de la situation présente bien trop longtemps à son goût. Mais elle n'allait pas attaquer alors qu'il semblait soudainement aux prises avec son état du jour non? Au pire, cela l'obligerait à composer avec sa situation présente, ce n'était pas un mauvais exercice en soit. Dangereux possiblement, mais pas mauvais.
- Comme vous voudrez ! Pour l’instant elle se fichait bien du sol en pierre et des éventuelles blessures qu’elle pourrait s’infliger. D’un autre côté, elle se voyait mal blesser l’un de ses supérieurs. Même dans un état d’excitation proche de celui d’un kerberus au pays du barbecue, elle n’aurait pu mettre de côté ce genre de « détail ». Riley n’attendait qu’une chose, qu’il donne le signal de départ. Ce qu’il fit rapidement pour son plus grand bonheur.
Il envoya dans un premier temps un coup du droit. Simple, lent, maladroit. Un peu trop d’ailleurs. Riley le para donc sans aucune difficulté. Bien que montée sur ressort, elle n’était pas sotte. Un homme comme lui ne pouvait se contenter d’attaque aussi basique et peu précise. Cependant, elle comptait bien se servir de ça pour contre attaquer à son tour. De sa main maîtresse elle envoya le même coup, avec plus de rapidité et plus de force. Elle savait que face à sa technique elle ne faisait pas le poids, alors il fallait avant tout qu’elle ne perde aucune occasion d’utiliser ses maigres atouts. Malheureusement tout ne se passa pas exactement comme elle s’y attendait. Alors qu’elle était presque totalement certaine que son poing allait atteindre sa cible, il le dévia sans aucune difficulté. Pire encore, elle ne comprenait pas vraiment comment, mais il avait réussit à venir faucher sa jambe gauche, qui ,même si elle n’était pas sa jambe d’appuis principale, suffit à lui faire perdre l’équilibre. La garde avait aussi pu sentir le jeu de poids et de contre-balancement qu’il avait effectué sur elle. Une technique qu’elle ne maîtrisait pas franchement, par manque de travail sans aucun doute. La blanche attendit ensuite la chute, qui ferait sans doute mal. Mais c’était un petit prix a payer pour la médiocrité. Dans une autre situation, c’est probablement de sa vie qu’il aurait été question. Alors dans le fond, ce n’était pas si grave. Mais le coup ne vint pas et avant qu’elle se rende compte qu’il l’avait rattrapé de justesse elle était debout sur ses deux jambes.
Loin d’être découragée, elle se mit de nouveau à trépigner sur place tout en l’écoutant, prenant la parole ensuite.
- Je n’ai absolument rien compris à votre histoire de chœurs chantant les possibilités mais j’ai parfaitement compris que je manque de technique. En soit ce n’est pas une grande découverte. D’ailleurs, comment avez vous fait pour contre-balancer mon poids, enfin je veux dire… Elle stoppa son flot de parole en le voyant se masser les orbites. - Euh… Capitaine ? Vous allez bien ?
Riley pensa à l’attaquer après tout cela serait sans doute le seul moment où elle pouvait espérer avoir le dessus sur lui. Mais au-delà de sa quantité innombrable de défaut, elle n’était pas fourbe et se voyait mal tenter de coller une raclée à un supérieur hiérarchique hors d’état. Alors elle se pencha légèrement, s’approchant sans doute un peu trop près.
- Vous voulez que j’aille chercher le docteur ? Même si elle semblait calme, les mouvements de ses doigts sur son bras et les tapotements de son pied sur le sol prouvait un absolue contraire.
"Hm, c'est bon, allez pas déranger le doc juste pour..." soudainement dans son mouvement leurs visages se frôlèrent bien plus prêt que ce que ses yeux clos auraient pus imaginer "Wowowo!" sursauta t-il en ouvrant les mirettes d'un coup d'un seul, ce qui eu pour effet de laisser la lumière taper vivement sur son cerveau avec d'autant plus d'instance "C'est un peu prêt, un peu plus prêt que ce que j'avais pensé enfin, bref, voila, on vas reprendre l'entrainement." continua Yuduar en toussotant à moitié dans sa barbe, s'écartant avec une tape amicale sur l'épaule de sa subordonnée, l'air de rien.
Il s'ébroua le visage pour se redonner contenance et se dénoua une nouvelle fois les épaules suite aux quelques tensions qu'il venait de subir a cause de ses maux de têtes. Ses yeux mouillés par de nouvelles larmes acides et assassines, il s'essuya le bord des paupières en jurant dans un dialecte typique de la Ville-Aquatique, aux consonnes roulées sous la langue avec véhémence.
"Alors oui, le chant du mouvement, le contrôle du poids, tout ça. Voila. Bon, bien, rapprochez vous en fait, j'ai un exercice parfait pour ça!" tout en faisant sa moitié du chemin et en tachant de faire fi du précédent événement de proximité, le Capitaine démarra son explication en levant les deux bras perpendiculairement devant lui comme une position de garde "Postez vos bras comme moi, bien droit, en contact, mais sur l'extérieur des miens . Il faut toujours que nos avant-bras restent en contact le long de l'excercice, que ce soit juste le poignet ou bien jusqu'au coude, d'accord? Bien. Le poids et le centre viennent du bassin, de son ancrage tant horizontal que vertical. Mais on vas pas mettre la charrue avant les boeuf pour le moment et se concentrer sur ce fameux choeur des mouvements." essayant de capter l'attention de la guêpe blanche qui semblait danser sur place en face de lui, Yuduar peinait à formuler ses phrases d'une traite, clignant des yeux avec douleurs et soupirant par intermittence pour se donner de l'élan "Bien, là j'ai l'intérieur et vous l'extérieur, d'accord? Je suis le défenseur, vous êtes l'attaquante. Tout en gardant le contact avec mes bras vous allez essayer de me porter un coup et moi je vais donc essayer de déjouer toutes vos tentatives. Dut au fait du contact obligatoire et permanent vous allez vite avoir la sensation de vous empêtrer dans un sac de noeud impossible à démêler, c'est normal. Mais de mouvement en mouvement, la fluidité faisant son office, vous allez voir au fur et à mesure les possibilités de passages, les moments où vous pourrez accélérer, tenter des saccades plus vives. Puis au bout d'un moment, sans s'arrêter pour autant, je passerais attaquant et vous serez à la défense. C'est compris?"
Les bras en contact, une quarantaine de centimètre les séparant, il avait tenté d'expliquer ça à la manière d'un jeux pour deux enfants entrain de s'amuser dans les ruelles de la capitale. En soit c'était à peu prêt ce qu'il fallait en retenir, cet exercice bien que basique était diablement efficace pour apprendre les combinaisons à éviter pour ne pas se faire surprendre dans une empoignade. A niveau égale entre deux combattants férus de corps à corps, la rapidité et la fluidité d’exécution pouvait en devenir tout bonnement incroyable de virtuosité. Mais pour le moment l'objectif était à la découverte et à la sensibilisation. Adilys avait le potentiel, une force sèche certaine et un corps qui invite à la légèreté d'un mouvement fluide et contrôlé. L'enseignement pouvait même lui servir pour ses rixes à l'épée à vrai dire.
Yuduar rigola seul dans ses pensées en reniflant légèrement d'un air dégagé, comptait bel et bien verser tout son régiment à cette pratique mais elle allait être la première à en faire le test. D'ici une paire de semaine, ce serais plusieurs centaines de soldats rangés par duo qui allaient devoir se plier à l’exercice. Il nota mentalement quelque part dans sa tête que Riley ferait possiblement une bonne camarade d'entrainement à sa nouvelle Lieutenant, la fière et intrépide Prêth. Puis revenant à son présent, il cligna plusieurs fois des yeux pour en chasser la buée de douleur et sourit avec chaleur à son élève surexcitée du jour.
"Dès que vous êtes prêtes, à vous l'honneur Adilys!"
Bientôt, elle aussi franchit la distance qui les séparaient afin de venir apposer ses avant bras sur ceux du basané. Toujours aussi perplexe, ses yeux ne cessaient d’aller et venir entre ses bras et le visage du capitaine. En l’instant elle ne voyait pas bien comment cela pourrait lui servir. C’était à n’en point douter une situation des plus inconfortables pour elle. Principalement parce qu’elle avait toujours eut l’habitude d’être libre de ses mouvements, or, cette fois elle devrait s’entraver volontairement. Néanmoins elle savait pertinemment que l’homme qui lui faisait face était sans nul doute beaucoup plus doué qu’elle dans ce genre de discipline et ne tenta donc même pas de remettre en doute son exercice. Alors c’est sans discuter qu’elle vint positionner ses membres par dessus les siens sans perdre une miette des explications qu’il voulait bien lui donner.
La garde hocha ensuite la tête, sans pour autant être certaine d’avoir tout compris. Elle devait attaquer et lui défendre, c’était globalement tout ce qu’elle avait saisit, alors une fois en position, elle fit glisser plusieurs fois ses avant bras sur les siens afin de voir quel genre de mouvement elle était libre de faire. Finalement quand ce fut fait, elle reposa son regard d’opale sur le visage de son supérieur, toujours incertaine dans ses mouvements. A choisir, elle aurait sans doute préféré que ce soit lui le premier attaquant, cela lui aurait sans doute permis d’observer un peu les techniques qu’il mettait en place. Enfin, il fallait bien première fois à tout. Alors après qu’il ce soit mit à renifler pour la énième fois et qu’il ait sourit, elle lui répondit par une esquisse qui étira à peine les coins de sa bouche puis recula sa jambe droite afin de garder un appuie stable.
- Bien, j’y vais. Prévint elle, ne se voyant pas le prendre par surprise dans l’état où il était. Dans un premier mouvement peu assuré mais qui n’en était pas moins vif elle appuya son poignet gauche sur celui du capitaine dans l’espoir d’attirer son attention sur celui ci alors que celui de droite coulissait jusqu’à son coude, visant clairement et ouvertement ce qui se trouvait en face de son poing. Ce n’était pas un mouvement technique, ni même un mouvement compliqué a effectuer mais pour une première fois elle ne trouvait pas ça si terrible. Ensuite, elle tenta autre chose et enroula son poignet droit autour du sien à la manière d’un serpent pour tenter de l’atteindre sous un autre angle tout en bloquant un maximum son amplitude de mouvement. Son bras gauche lui s’était attaché a reproduire le même mouvement qu’avait effectué son jumeau en premier lieu. Incertaine, elle n’était pas convaincu d’effectuer les meilleures techniques mais c’est tout ce que son imagination avait pu produire jusque là.
"Bien, ça commence à venir à ce que je vois, doucement mais surement." il se montra soudainement un peu plus directif dans sa défense, plus ferme, imposant un rythme différent a contrario de celui de Riley. "Tu vois comme chaque mouvement implique un autre mouvement, comme tout s'enchaine et se répond? C'est à ce genre de chose que faisait référence "le chant des possibilités." tout en continuant la danse d'entrainement, il oralisa ce qu'il se passait devant eux "Ton bras monte, tente de contourner ma défense par le haut, le mien appui et redescend. Que vas tu faire? Passer ton attention sur la gauche en essayant de rouler sur l'intérieur pendant que ta droite réessaye le contournement. Tout se suit et s'écoute sans jamais se délier. Et puis ensuite..." laissant sa phrase en suspend, ses appuis devinrent plus sec, saccadés, presques un peu brut mais sans pour autant perdre le contact "Tu peux briser le rythme. Accélérer, saccader, surprendre, reprendre. La défense n'oblige pas à rester passif, il ne faut pas hésiter à prendre les devants et imposer son propre rythme par moment." ses ardeurs se calmèrent et la fluidité revint à eux "Dans un combat réel, chaque mouvements, chaque pose, tout forme une esquisse qui peut se lire et s'interpréter pour trouver la meilleure réponse."
Riley ne manquait pas de potentiel et ses mouvements devenaient de plus en plus sûrs, comme si elle commençait enfin à se prendre au jeux sans avoir à se saturer de milles et unes questions déroutantes. A un moment le Capitaine demanda calmement à réduire le rythme afin de prendre une légère pause: son nez refaisait encore des siennes et menaçait de couler à nouveau telle la corne d'abondance qu'il était en cette sainte journée. D'une excuse polie il se recula de quelques pas pour veiller à la sécheresse de ses narines durant l'entrainement. Se retournant vers la garde aux cheveux d'albâtre, les yeux rougis mais le sourire aux lèvres malgré tout, il pris une grande inspiration tout en se déliant les poignets en avançant.
"Bien! Tu veux continuer avec ça, tenter une pratique plus directe ou peut-être passer sur le bassin et la gestion du poids? Pour la suite c'est toi qui décide, je commence à voir que tu fourmilles de partout donc choisis ce qui te fait envie, on aura toujours le temps pour le reste une autre fois!"
Ils continuèrent comme cela pendant un moment. Moment qui passa trop vite au goût de Riley et qui ne pu réprimer une petite grimace déçu lorsqu’il lui demanda une pause. Penchant la tête elle lança un regard au capitaine. Son nez semblait refaire des siennes et ses yeux étaient de nouveaux plus larmoyant que jamais. Alors elle obtempéra sans rechigner et recula d’un pas tout en décollant ses avant bras des siens. Elle lui laissa ensuite le temps de respirer en faisant plusieurs fois le tour de la pièce afin de se contenir, épongeant prestement son front à l’aide d’une serviette miteuse qu’elle trouva dans un coin et sans même se demander d’où elle pouvait bien provenir. Enfin, la voix de Yuduar la rappela et elle franchit la distance les séparant en quelques enjambées. Elle l’écouta ensuite et baissa la tête à mesure qu’il parlait.
Sans comprendre le pourquoi du comment, un poids lui tomba sur l’estomac avant de lui donner l’impression d’écraser sa poitrine. Portant une main sur cette dernière, elle aspira plusieurs longues bouffées d’air qui semblaient avoir du mal à passer et se redressa. On ne lui demandait certes pas souvent son avis mais le peu de fois où cela lui était arrivée, jamais elle n’avait réagit de cette façon. Pourtant cette fois elle ne put se contenir et sans vraiment en comprendre la raison. Un sanglot violent et purement irrationnel secoua son corps entier.
- C’est… euh… Gentil de… Tenta-t-elle d’articuler avant que sa voix ne s’étrangle malgré elle dans un flot de larme intarissable. Elle qui n’était pas du genre à extérioriser se voyait dans une posture des plus incongrue. Malgré tout elle tenta de continuer de parler. - De me… Laisser le ch-o-o-o-o-ix. Dit-elle tout en hoquetant de plus belle, s’accroupissant ensuite comme l’aurait fait une gamine mécontente à qui on refuse son goûter du jour. Pinçant les lèvres dans l’espoir de contenir au maximum les émotions qui perçaient déjà ses yeux de perles nacrés. Elle se sentait contente, stupide et en colère contre elle même. Un véritable bouillon d’émotion qui ne lui était pas familier.
Diantre, le docteur n’avait pas menti, elle risquait bel et bien des sautes d’humeur. Pas des moindres d’ailleurs. Cependant, même dans la position enfantine qu’elle arborait, ses doigts ne cessaient de marteler avec force le tissus qui recouvrait son bras.
Lorsque Yuduar demanda son avis a Riley sur la suite du programme il s'attendait à beaucoup de chose. Le fait qu'elle choisisse l'activité la plus dynamique à ses yeux, voir même qu'elle propose quelque chose de totalement différent mais ô combien plus direct comme entrainement. Mais la voir tomber en pleurs d'un coup d'un seul, ça celle là il ne l'avait pas vue venir. Un sourcil s'était déjà amorcé en voyant la jeune fille baisser le minois comme si elle était aux prises avec une honte des plus violentes. Puis les larmes arrivèrent un peu, puis beaucoup, puis un véritable torrent. Modifiant les notes cristallines de sa voix pour hacher mots et syllabes, il en devenait presque difficile de comprendre ce qu'essayait de communiquer la pauvre garde aux prises avec ses émotions. D'un air sceptique, Yuduar passa vite à un air presque alarmé, à la manière d'un papa poule il s'avança vers la guerrière main en avant tout en fléchissant ses jambes en position presque accroupie pour se mettre à sa hauteur.
"Nom d'un p'tit Kirin, qu'est-ce qu'il se passe Adilys? J'ai dit quelque chose qui vous a dérangé peut-être? Vous avez à nouveau mal quelque part?"
Les jambes pas encore totalement fléchies, Yuduar était en suspend comme assis sur une chaise imaginaire entrain de s'avancer avec prudence pour jauger l'état de Riley. Sa façon de se mettre en boule lui rappelait ses propres enfants, ce qui eu le don d'allumer un soleil dans son coeur de père comblé. Surement l'un des faits qu'il faisait qu'il ne désirait pas trop s'approcher au risque de "l'étouffer" comme lui avait déjà dit son fils du haut de sa dizaine d'années. L'enfant devenait homme trop rapidement au goût de son père mais c'est là un sujet pour un autre jour.
Yuduar termina accroupi, les avants bras posés sur les genoux à quelques courts mètres d'Adilys, le regard inquiet et soucieux face à la scène en court. Le vouvoiement lui était revenu naturellement lors de son élan d'inquiétude, à la manière d'une distance émotionnelle face à cette demoiselle qu'il ne connaissait encore que peu, mais très vite le tutoiement repointa au bout de sa langue en même temps qu'un sourire sur son visage.
"Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi peut-être? Demander un peu d'eau à un page? Appeler Sashang?"
Cela commençait à faire beaucoup de questions. Mais il tenait à ce que la demoiselle se sente le mieux possible et parvienne à surmonter ses émotions entrain de faire de violentes embardées imprévues. Quelle était la cause d'une telle fluctuation en soit? Serait-ce la préparation de Sashang justement? Etrange.
Cependant, elle ne détachait pas ses yeux de lui. Elle s’était attendu à bien des réactions de la part du méconnu Al Rakija mais certainement pas à cette attitude des plus paternalistes. Les yeux ronds comme deux billes de billard elle le fixait encore et encore. Diable ce qu’ils pouvaient avoir l’air sot tout les deux. L’avantage, c’est qu’il avait eut le mérite de tarir les larmes de la jeune femme.
A l’instar du poids qui lui était tombé sur la poitrine lorsqu’il lui avait demandé son avis. Ce fut cette fois sur l’estomac qu’elle ressentit cette sensation. Sauf que cette fois cela était différent. Complètement différent même. Ses yeux encore rougit et bouffit se firent rieur et elle se mit à pincer les lèvres dans l’espoir de réprimer un sourire.
- Non...J-j-je… Je suis contente. Articula-t-elle avec difficulté, les lèvres serrées. - C’est juste… Elle inspira une grande bouffée d’air avant de se mordre les lèvres avec force. - Je n’ai pas l’habitude qu’on me demande mon avis. La garde se laissa ensuite tomber sur les fesses et posa une main sur son front dans l’espoir de se cacher partiellement la vue et surtout d’ôter son supérieur de son champs de vision. « C’est à rien n’y comprendre » pensa-t-elle. Et pour cause. Quelques instant auparavant, elle s’était mise à pleurer et avait ressentit un sentiment d’une immense force qui lui avait broyé les entrailles alors que cela n’aurait pas du être le cas. Et maintenant que Yuduar était penchée sur elle dans une attitude des plus sympathique à son égard elle était au bord de la crise de fou rire. Chose qu’elle ne pouvait certainement pas se permettre. Premièrement parce qu’il était son supérieur, deuxièmement parce que rien ne prêtait à sourire. Du moins pas au point d’en faire une syncope.
Les joues gonflées et le visage cramoisis à force de se retenir. Riley se faisait violence pour ne pas éclater. Malheureusement l’émotion eut facilement le dessus et elle tomba à la renverse dans un rire tonitruant qui égalait sans aucun doute celui du brun dans ces moments de franche rigolade. Roulant sur le côté, elle passa les bras autour de son ventre sans cesser de s’esclaffer.
- J’suis désolée cap’taine ! Réussit-elle à placer entre deux rires étranglés. - J’vais d’venir folle à ce rythme. Nouvel éclat de rire. - Vous êtes sûr que Shashang est vraiment docteur ? Et elle repartie de nouveau dans les tours, un air hilare et encore plus stupide que lorsqu’elle pleurait, collé au visage.
Plusieurs minutes passèrent ainsi avant qu’enfin elle soit capable de contrôler ses éclats et de se redresser, s’appuyant sur ses bras afin de tenir son buste droit. Même si elle ne riait plus, son visage entier représentait à lui seul la définition de l’hilarité.
- Le bassin et les poids du corps. C’est très bien. Dit-elle à bout de souffle. - Nous devrions nous y mettre avant que mes humeurs en décide autrement.
"Et bien prenez le plis Adilys parceque j'ai souvent tendance à consulter les troupes avec qui je travail!" commenta Yuduar avec un air enjoué sur son visage rougit par la maladie.
Il ne fallut pas bien longtemps pour qu'un véritable volte-face émotionnelle arrive pour complètement changer la donne. Alors que Riley s'était installée pour prendre ses distances et surement récupérer de ses larmes, tout son corps se tordit soudainement pour exalter un rire qui vint l'assiéger sans merci. Une humeur qui était bien plus dans les cordes du Capitaine qui se mit à se joindre au rire avec son grand sourire de nigaud aux yeux bouffis.
"Pas de soucis prenez votre temps, Sashang avait annoncé la couleur de toute façon! Puis mieux vaut ça que de vous voir vous écrouler en larme à même le sol non?" il se frappa les côtes tel un gaillard "Puis rire ça fait bosser le maintien!" Yuduar se releva et en profita pour allé se moucher afin de libérer ses sinus toujours bouchés de toutes part, ne s'empêchant pas pour autant de rire de bon coeur lorsque Riley demanda si Sashang était vraiment médecin "Ahahah, je vous comprend oui! C'est pas Muliphen mais sa maitrise de l'alchimie et de l'herboristerie font le boulot! Avant il était officier d'une unité médicale de terrain, apparemment capable de concocter un remède pour tout et n'importe quoi avec juste ce qu'il avait sous la main, aucune magie demandée. Un sacré avantage si vous voulez mon avis, je suis content pour lui qu'il puisse se poser au calme et juste bosser en tant que médecin régulier pour la Caserne!"
Ils continuèrent ainsi à bavasser sur le sujet tandis que Riley reprenait du poil de la bête. Yuduar, moitié blagueur et moitié conteur, amena plusieurs anecdotes sur la table. Dont la fameuse histoire de Sashang qui aurait fabriqué une poudre aphrodisiaque pour faciliter les échanges d'une jeune recrue timide avec sa première amourette, un sujet qui n'as jamais été prouvé mais qui avait fait les choux gras des histoires de cuisine pendant un moment. Au grand plaisir du capitaine qui aimait y manger au calme, en marge du grand réfectoire des troupes.
Lorsque Adilys retrouva ses moyens et s'affaira à se relever, Yuduar se décrocha du pan de mur sur lequel il s'était adossé durant la conversation. La demoiselle semblait d'attaque à reprendre l'entrainement. Le Capitaine lui demanda si elle ne préférait pas arrêter là pour aujourd'hui mais la garde répondit par la négative, désireuse d'aborder le sujet qui avait piqué son attention plus tôt: le contrôle du poids. S'avançant vers elle, non sans se libérer les narines une dernières fois avant de reprendre du service, Yuduar se remonta les manches pour entamer la théorie qui précède la pratique.
"Avant de commencer, il faut d'abord comprendre le principe des trois plateaux horizontaux et de la verticalité. Et oui ça peut sembler bizarre pour un garde toute ces notions qui vont à l'encontre de juste "cogner", mais sans le savoir tout le monde s'en sert déjà." il se posa à quelques mètres de Riley, bien droit, les bras légèrement écartés "L'équilibre d'un corps est donc constitué de trois plateaux horizontaux. Le plateau haut, épaules, bras, omoplates." Il dessina d'amples mouvements circulaires devant lui comme une chorégraphie de combat, immobile, démontrant l'horizontalité de cette strate "Vient ensuite le plateau centrale. Celui du bassin, là où se centre l'équilibre. Tripes, pubis, fessiers." fléchissant légèrement sur ses jambes il fit un simple tour de bassin "Puis bien entendu le dernier plateau celui des pieds. Le plateau du sol qui nous fait prendre nos appuis et tenir debout" toujours jambes fléchies et tout en gardant le contact de ses bottes sur le sol, le capitaine se déplaça de côté en côté en glissant ses pieds sur les pierres "Et ses trois plateaux sont reliés verticalement par un axe connu de tous, la colonne vertébrale. Bien qu'elle s'arrête à la nuque d'un côté et au bassin de l'autre, il faut la voir comme s'élevant haut vers le ciel et s'enfonçant profondément dans la terre des deux côtés." termina t-il en se donnant une tape entre les deux omoplates. Il laissa un temps à Riley d'assimiler ces bases avant de continuer plus en avant, s'assurant d'un regard de la bonne compréhension de la garde
"Donc, pourquoi le bassin?" repris t-il en posant ses deux mains sur son aine "Simplement parcequ'il est celui qui régit le centre de cette structure, l'équilibre de chacun. Vous avez déjà dut remarquer que si on met son bassin vers l'avant, nos épaules recules pour équilibrer. De même, bassin vers l'arrière, les épaules vont vers l'avant. Et les pieds dans tout ça ils changes leurs appuis à chaque fois eux aussi." tout en adoptant les dites positions unes par unes pour démontrer son exemple , Yuduar se laissa se tordre dans d'étranges postures puis revint à la normal "Notre corps s'adapte tout seul naturellement, il compense nos mouvements pour toujours garder notre équilibre. Mais en ce qui nous concerne, maintenant qu'on a conscience de tout ça, on vas venir et perturber cet équilibre avec nos propres mouvements. Comme les échanges qu'on a fait plus tôt avec juste les bras, on à vu chaque mouvement appel un autre mouvement en réponse n'est-ce pas?" il s'avança prêt de la garde, ne sachant trop si il pouvait se permettre de la toucher ou non, qui plus est au niveau de la zone du bassin qui peut vite être considéré comme un espace très personnel "Maintenant... Comment vous montrer ça sans avoir l'air de vous tripoter les hanches... Ah! Oui! Imaginez que dans un combat d'épées, un coup haut oblige votre adversaire à se contorsionner pour accuser l'assaut. Ses épaules légèrement désaxées vers l'arrière. Donc son bassin équilibre vers l'avant." il mima la pose d'une garde haute in extremis, volontairement plus maladroite que ce qu'on peut voir traditionnellement afin de grossir l'évidence "Dans ce genre de cas, entrer dans l'espace de votre adversaire et déséquilibrer son bassin suffira surement à lui faire perdre l'équilibre. Il tombera peut-être au sol, du moins trébuchera, toujours est-il que vous aurez l'avantage pour terminer le combat et possiblement le désarmer sans avoir à verser du sang." poussant son bassin vers l'arrière avec force volontairement, le capitaine se laissa clopiner maladroitement quelques pas en arrière.
"Bref! Voila pour la théorie avec quelques exemples imagés! Si ça vous parle on peut passer à la pratique et si vous avez des questions, hésitez pas c'est maintenant qu'il faut les poser!"
Il aurait peut-être dut s'arrêter en chemin? Peut-être que cela faisait trop d'un coup pour la jeune garde qui était en plus aux prises avec ses sautes d'émotions. Pour Yuduar qui pratiquait ce genre d'exercice depuis des années, ces notions étaient comme une seconde peau, mais pour un total étranger à ce genre d'art, ce devait être comme un dialecte étranger des plus obscurs.
Il termina malgré tout avec son petit sourire de sale gosse amusé, guettant la réaction de la soldate. Une des victimes de l'apprentissage haut en couleur des méthodes Al Rakija.
Elle opina ensuite de la tête lorsqu’il lui signifia qu’il valait mieux rire que pleurer. Pour sa part, elle préférait quand ses émotions étaient neutre. Que cela soit de la joie ou de la tristesse, elle trouvait qu'elles ne lui allaient pas vraiment, la neutralité était sans doute l’émotion qui la définissait le mieux. Elle eut d’ailleurs du mal à cacher sa surprise au sujet de Shashang. Bien entendu les doutes qu’elle avait émit au sujet de sa profession était purement rhétorique, elle avait toute confiance envers la garde que cela soit dans le choix du médecin ou même de ses horaires de travail. Mais de là à ce que l’homme qui s’était occupé d’elle ait un palmarès aussi glorieux, elle ne s’y était pas attendu. Tant mieux, Riley aimait les gens qui forçait le respect.
Plusieurs fois sa bouche format un « o » admiratif lorsque Yuduar se mit à lui conter diverses anecdotes toujours au sujet du docteur, posant les questions qui lui venait à l’esprit. Ce fut un moment des plus banals mais qui permit à la jeune femme de remettre à la fois ses idées en ordre et mieux maîtriser ses états d’âmes qui bien que sous contrôle menaçaient par moment de reprendre le dessus. La garde finit tout de même par se lever, elle était maintenant prête à passer aux choses sérieuses et le capitaine dû s’en rendre compte puisqu’au moment où elle se tint enfin droite, il s’était déjà décollé du mur et se tenait face à elle.
La première phrase qu’il prononça la fit déchanter. Ils étaient repartie dans des explications à la mord-moi-le-nœud, elle en était convaincu. Cependant elle se concentra de toute ses forces sur les mots qu’il prononçait s’efforçant d’en saisir tout le sens, lorsqu’il effectuait un mouvement, elle n’hésitait pas à l’imiter quitte à paraître stupide mais cela lui permettait de s’imprégner de ce qu’il tentait de lui enseigner. Aussi surprenant que cela pouvait paraître la blanche semblait avoir parfaitement compris de quoi il en retournait et au contraire du premier exercice, elle trouva celui ci beaucoup plus adapté pour elle. Possiblement parce qu’elle avait plus tendance à se servir du poids de son corps que de ses mains. Après tout elle combattait avec rarement avec les mains libre et surtout le poids de ses armes l’obligeait sans aucun doute à doser correctement le poids de son corps. Si avec les années elle s’y était habituée et le faisait maintenant machinalement, avant il suffisait d’un faux pas pour que le poids inégal de ses lames lui cause du tord et la déséquilibre. Il aurait été mentir que de dire qu’avant d’être redoutable, Riley avait été le vilain petit canard qui s’échinait à se rajouter des bâtons dans des roues déjà crevées au préalable. Mais c’était ainsi, elle était têtue et surtout les armes lourdes l’avait toujours fasciné, aussi, elle s’était penchée vers le nodachi puis s’était rendu à l’évidence et avait choisit le katana, d’une taille moins extravagante comme second choix. Mais cela avait porté ses fruits et même si elle n’était certainement pas maîtresse dans l’art que tentait de lui inculquer le brun, elle n’était pas totalement en reste.
- Nous sommes en entraînement. Je sais que vous n’êtes pas la pour… Tripoter. S’entendit-elle répondre machinalement. A défaut d’être bavarde, elle était observatrice et aimait analyser les personnes à qui elle avait affaire. Certes elle n’avait pas pu le faire comme bon lui semblait à cause de son état et aussi de l’entraînement mais Yuduar n’avait rien de ces pervers aux mains baladeuses que l’ont pouvait croiser dans la garde. Alors s’il tentait de la toucher, il aurait la chance de ne pas prendre un revers d’une brutalité sans précédent. Ensuite elle effectua un mouvement similaire au siens. D’abord vers l’avant puis vers l’arrière. Elle le refit une seconde fois, tout en prenant un peu plus cet effet de garde haute qu’il avait eut juste avant. Une fois revenue à sa place initiale, elle effectua de nouveau les premiers mouvements qu’il avait exécuté tout en marmonnant dans sa barbe « Épaules, bras, omoplates. Tripes, pubis, fessier. Pieds, sol. Colonne. ». Elle fit bouger chacune des parties qu’elle citait, comme pour s’assurer qu’elles étaient toutes en capacités de fonctionner puis elle releva son regard d’opaline vers son supérieur.
- Je crois que j’ai compris ce que vous vouliez dire. Mais je préférerais vous laisser commencer pour m’en assurer. Puis elle pencha la tête sur le côté. - J’ai une question. Pourquoi donc personne ne nous enseigne ça ? Nos apprentissages sont bons. Mais nous apprenons avant tout à manier les armes. Manier des armes est une bonne chose. Mais les manier tout en maîtrisant ce que vous me montrez pourrait permettre des mouvements plus rapides, plus fluides, de meilleur réflexes et d’utiliser nos lames bien moins souvent. Alors pourquoi ? Riley pouvait paraître remettre en cause toute son éducation mais ce n’était pas le cas, elle ne comprenait sincèrement pas pourquoi elle n’avait jamais eut l’occasion de se familiariser plus avec cette forme de combat. Les armes étaient utile ça ne faisait aucun doute mais maîtriser un adversaire sans avoir à lui couper une jambe et un bras était aussi une option. Elle repensa à certain de ses prisonniers d’il y a quelques années, à défaut d’être douée en corps à corps, elle avait fait soit usage de son arme comme dissuasion, soit les avaient assommés avec une droite bien placée. Ils ne faisaient pas le poids, de simple citoyen ne pouvait pas contrer les attaques d’un garde ou rarement mais qu’en serait-il advenue si elle était tombée sur quelqu’un comme Yuduar ? Elle aurait sans doute été obligée de ramener un cadavre ou au mieux un futur cadavre si tant est qu’elle ait réussit a s’en sortir indemne.
Riley était une élève particulièrement exemplaire. Vive d'esprit et avide d'informations, elle semblait faire preuve d'une concentration toute particulière afin d'assimiler pour le mieux cet enseignement qui pouvait paraitre contre-intuitif par rapport aux méthodes de la Garde. Puis, comme pour souligner la sagacité qui l'habitait, arriva une question à laquelle Yuduar ne s'était pas attendue: pourquoi un tel enseignement n'est pas naturellement prodigué par la Garde? Le Capitaine se recula de quelques mètres et laissa parler son rire face à une question si franche, innocente, presque ingénue. Il se l'était posée lui aussi, plus d'une fois à vrai dire. Et si les réponses étaient tout aussi multiples que cryptiques, il en arriva à l'explication qu'il allait désormais oraliser.
"Ahah, une excellente question que voila!" souligna t-il en revenant de se moucher "Mais pour être tout à fait franc, il n'existe pas de réponse précise à pareille interrogation." il s'adossa contre une rame d'arme d'entrainement en regardant le ciel à travers la lucarne qui éclairait la pièce d'une lumière blanchâtre "Comment dire... Avec le temps j'ai eu l'occasion d'y réfléchir à plusieurs reprises. Il est vrai que ça pourrait sembler logique de former tout les hommes à ces méthodes de combat et, en ce qui me concerne, c'est bel et bien ce que je compte faire avec les troupes qui m'accompagneront dorénavant. Mais hélas plusieurs facteurs rentrent en jeux. D'abord la formation. Elle requiert quelqu'un qui à plein conscience de ces rudiments et de leurs multiples applications afin de les transmettre le mieux possible, ce qui n'est pas monnaie courante pour commencer." Yuduar s'avança vers Riley, bras ouvert pour montrer la scène qu'ils dressaient à eux deux "Ensuite, il faut garder à l'esprit que même si la théorie se transforme avec le temps en pratique, tout le monde n'est pas également réceptif face à un tel enseignement. Pour certains cela peut demander un long procédé de désapprentissage de leurs anciens automatismes et au final, en situation de réel danger, ne pas les aider du tout. En conclusion, former les hommes aux armes et au combat en armure est en soit plus facile, moins couteux, moins complexe et mène à un résultat presque tout aussi efficace. Une grosse épée qui tape fort, une grosse armure qui encaisse bien, des classiques indémodables n'est-ce pas?" il mima un homme engoncé dans une armure trop épaisse en trainant derrière lui une arme imaginaire bien trop lourde pour lui puis termina son exposé en riant de nouveau "Non, cet apprentissage sert plus à parfaire des bases déjà acquises, rajouter la souplesse du corps à ceux déjà dotés de la souplesse d'esprit. L'idéal serait possiblement de rajouter un enseignement de la sorte à l'Académie, même si je ne sais pas trop comment pourraient réagir une tribu de marmots dans la fleur de l'âge face à tout ça! Ahahah! Je mène ce combat discrètement, dans le fond j'ai pas envie qu'on me file gain de cause tout ça pour me foutre Instructeur de l'Académie et m'évincer de l'Etat-Major d'un même élan. Le genre d'occasion dont se priverais pas quelques officiels de la Commission, mais ça c'est un autre sujet."
Claquant des mains comme pour bercer la bulle de récit qu'il venait de créer par son exposé, le Capitaine s'avança vers la demoiselle pour se mettre dans la même position de garde que lors du premier exercice.
"Bon, revenons à nos bouctons! On vas reprendre là où on s'est arrêtés plus tôt, ce sera notre base neutre! Mais cette fois on a le droit de décrocher les bras pour porter des coups. L'idée n'est pas d'atteindre directement mais de déséquilibrer, si à un moment t'as l'impression de réussir à perturber le rythme, hop! Tu avance dans ma zone, toujours penser au bassin comme centre, et tu fait en sorte de me coller sur le cul. Je vais y aller molo pour commencer, si tu sens une ouverture hésites pas, même si c'est possiblement une feinte ou quoi. Chaque essais que tu ne tentes pas est un essai où tu ne pourras pas t'améliorer. Se faire avoir est le meilleur moyen d'apprendre!"
Riley se prépara en face de lui, il allait être désormais temps d'augmenter un peu le tempo et la température de la salle. Yuduar renifla, une petite bulle d'ivresse sembla éclater dans sa cage thoracique. Cette journée était franchement plus amusante que ce à quoi il s'était préparé en se levant ce matin!
Dans l’idée, elle comprenait ce que voulait dire Yuduar. La jeune garde aurait presque même pu dire qu’elle était en accord avec ce qu’il disait. Mais ce n’était pas tout à fait vrai. Pourquoi ne restreindre cet enseignement qu’aux gardes de son escouade. Ce qui était d’ailleurs faux vu qu’il était actuellement entrain de le lui enseigner à elle. Plus encore, les jeunes recrues bien que souvent en pleine crise d’adolescence, se plieraient bon gré mal gré aux enseignements que leurs instructeurs jugeraient bon de leur enseigner. Du moins pour elle, c’est ainsi qu’avait toujours fonctionné la garde. On les disciplinait, on leur apprenait à obéir et même si ils n’étaient pas doués dans quelconque forme de combat, on leur apprenait point final. Néanmoins les points qu’il soulevait étaient vrais. La majorité des soldats apprenaient à frapper avant de réfléchir et la majorité d’entre eux portaient des armures bridant la plupart de leur geste, de même ils choisissaient des armes lourdes. La dessus elle ne pouvait pas vraiment les critiquer, elle même avait toujours eut un amour inexplicable pour les armes démesurément grandes et son nodachi en était la preuve. Plusieurs fois les instructeurs avaient essayés de l’en dissuadé mais elle n’en démordait pas. Seul son mentor avait finalement réussit à lui glisser un katana entre les mains. Elle avait mit de long mois mais avait finit par s’y faire et avait du se rendre à l’évidence, lors de combat dans des lieux confinés, le nodachi faisait plus preuve d’un handicap que d’une arme. Pourtant elle avait toujours prit soin de le manier à la perfection mais sa grande taille en faisait véritablement un fardeau par moment. C’était ainsi que le katana avait trouvé grâce à ses yeux. Pour ce qui était de l’armure… Elle n’était pas un exemple puisqu’elle n’en portait pas. La aussi cela avait été un combat de chaque instant pour ses formateurs. Malheureusement la jeune femme était une véritable tête de mule quand elle le décidait et finalement il avait été convenu qu’elle n’en porte pas. Ce qui en soit lui permettait d’effectuer des mouvements plus rapide, plus fluide. Mais son corps en avait payé le prix plus d’une fois. De même que le budget qui incombait à ses tenues.
Sans doute aurait-elle pu lui exprimer le fond de sa pensée. Mais ce n’était pas son genre. Riley était d’une nature à ne pas remettre en cause les pensées de ses supérieurs sauf lorsque cela la concernait directement et encore. De plus, elle ne connaissait le capitaine que depuis seulement quelques instants, peut-être était-il de ces supérieurs qui vous colle un blâme uniquement parce que vous n’êtes pas d’accord. En soit, elle n’en savait rien et ne voulait pas tenter le diable. Alors elle se tut et garda pour elle le fond de sa pensée.
Revenant enfin à leur sujet principal, elle se mit en position. La jeune femme espérait avoir bien compris l’exercice et afin de s’en assurer elle décida de faire la première action, utilisant la même approche que lors de leur premier échange, envoyant son bassin vers l’avant dès lors qu’elle eut la plus petite sensation que son adversaire était moins stable, essayant d’entrer dans sa zone de confort pour le déséquilibrer un peu plus encore. Pour ce qui était de la réussite, avec une personne comme son vis-a-vis, ce n’était pas une mince affaire mais elle pourrait au moins voir si elle avait bien compris ou non ce qu’il lui avait expliqué un peu plus tôt.