Cela devait être une journée comme les autres.

Se lever, se laver, s’habiller avant de crapahuter à droite à gauche pour les travaux de la journée. Sax était donc allée déverrouiller une porte à une vielle dame qui avait peur pour son chat, ainsi que de retrouver le code d’un coffre pour un riche marchant. Heureusement que le cadenas était rassuré par la présence de son maître, sinon elle aurait sans doute mis une heure de plus pour résoudre la situation avec des questions stériles. Elle avait même eu un petit pourboire « Pour cette technique peu orthodoxe. » La jeune rousse n’allait pas s’en plaindre. Elle pourrait ainsi se refaire l’ourlet de sa robe qu’elle avait abimée en se faufilant entre les passants.

Oui cela aurait dû  être une journée banale à en pleurer.

Mais voilà, quand elle pensait tranquille, les catastrophes n’étaient jamais très loin. L’après-midi pointait le bout de son nez et elle s’activait pour la dernière course de la journée. Sax ne faisait pas attention, grommelant sur la boue qui salissait ses bottes. Et il eut l’impact, et l’éclair.

Elle tomba en arrière couinant d’une manière étrangement grave. Elle ouvrit les yeux, notant une demoiselle d’à peu près son âge avec son cheval. Encore un peu sonnée, elle tenta de se relever non sans difficulté. Elle ne remarqua pas tout de suite la hauteur et elle commença :

« Tu devrais faire atten… MAIS C’EST MOI LA ? »


Elle cria bien plus fort qu’elle ne pensait. Finalement, la jolie demoiselle se révélait être sa copie conforme, un peu plus petit. Et puis elle réalisa que c’était elle qui était plus grande. Elle regarda ses mains, ses bras. Ce n’était pas les siens, mais celui d’un homme plutôt musclé visiblement. Dans un autre contexte, elle aurait sans doute été enchantée d’une telle mésaventure. Mais voilà :

« … Je peux pas y aller comme ça… »

Comment pouvait-elle travailler dans ces conditions ?

Sax fixait son reflet, réalisant que c’était peut-être une bonne idée de qui avait volé son magnifique corps. Elle sourit et s’introduit donc avec une révérence. :

« Sax Saw serrurière, à ton service. »

Il était fort probable que les passants soient interloqués de voir un homme de cette stature aussi maniéré. Mais l’ancienne rousse n’y pensa pas un seul instant, et elle était plus avide de connaître l’identité de son interlocuteur. Bien sûr elle fut un peu déçue que Shane, comme il se présentait, ne semblait pas venir d’une bonne famille. Mais bon, au moins il ne semblait pas dénué de bon sens c’était déjà ça.

Toutefois, sa requête compliqua ses plans, presque plus que le changement de corps à proprement parler.  Elle alterna son regarde entre le cheval et son compagnon d’infortune, hésitante. Sax n’était pas forcément quelqu’un de très à l’aise avec les animaux, et se faire passer pour un éleveur n’était pas encore un mensonge  qu’elle avait en stock. Surtout qu’elle n’avait aucune idée du temps que cela allait prendre. Elle tenta d’articuler, avec maladresse :

« Oui, mais… C’est vraiment obligé que j’y aille ?... Ah il doit te connaître. »

Elle soupira, tentant de rassembler ses idées. Sans doute que c’était important, et elle n’était vraiment pas l’envie de le faire poireauter ou qu’il la supplie, pour une fois.  Elle resta silencieuse quelques instants continuant, avec un peu plus d’assurance.

« J’ai une porte à réparer en ville, mais c’est important ce que tu as à faire, non ? Dans ce cas commençons par toi ! Etant totalement incompétente, on peut faire semblant que tu es l’apprenti qui doit faire tout toute seule comme ça on me demandera rien… Ca te va ? »

Cela serait sans doute plus rapide, sachant que le maréchal n’était vraiment pas très loin. Elle admira un peu plus la bête immaculée, se demandant combien de temps cette farce durerait.

Et si elle pouvait encore parler aux portes sinon elle était mal barrée.  

A vrai dire, elle ne s’attendait pas à autant de facilité. Une part d’elle était impressionnée par l’homme qui lui avait pris son corps, littéralement. Elle avait souri, hochant la tête aux explications incompréhensible du maréchal-ferrant – qui n’était pourtant que deux mots misérables mots - elle le laissa mener la danse.  
Malgré tout, elle comprit de son compagnon de fortune devait être à l’aise dans son métier. Elle enviait cela, avouons-le. Elle avait choisi son métier par défaut, avec ce don qui était presque la risée de tous. Elle faisait la fière, mais il elle pouvait elle échangerait sans état d’âme. Bon peut-être pas pour un autre pouvoir de conversation si c’était pour échanger ses portes par des chats ou des chevaux, il n’y avait pas vraiment grand intérêt. A cet instant elle se demanda qu’elle fût le don de son compagnon. Vraiment, dommage qu’il ne soit pas riche.

Le timing était parfait, alors qu’il la rassura que tu avais bien gérer, même s’il avait fait tout le boulot, son double demanda ta particularité, elle devint presque timide. Elle se toucha les doigts, esquivant le regard par honte. Elle ria jaune commençant ainsi :

« Ahah… Bah… Je parle aux meubles. Et on ne rit pas s’il te plait ! »

Elle préféra prévenir la casse. La cloche sonna, ce qui ramena à la réalité.

« Mon rendez-vous ! »

Sans vraiment réfléchir, elle prit sa main et l’entraîna dans une course impromptue. A vrai dire, il était plus aisée de se mouvoir dans ce corps, mais elle ne put s’empêcher de se sentir fière d’avoir la peau si douce. La préparation de l’herboriste était vraiment efficace. Elle courrait, mais comme dopé par l’enveloppe d’athlète, elle se permit de demander :

« Du coup ton don à rien à voir avec nos déboires ? »

Ils devaient passer à travers le marché, alors elle freina et tenta de se faufiler ccomme elle pouvait.

C’est-à-dire sans grand succès.  

Touché.

Sax s’arrêta brusquement dans la rue, pour tenter de réfléchir.  Au final elle n’avait pas d’autre réponse à donner à part :

« On avisera, c’est juste la porte à côté ! En tout cas merci pour ton aide pour la foule !»

Une voix trop fluette et enjouée pour le corps de gaillard qu’elle empruntait.

Elle toqua à la porte et mis  Shane devant elle, priant pour un miracle.  Un grommellement et une voix enrouée entrecoupée de toux grasse annonça péniblement :

« J’ai la crève laissez-moi en paix ! Je veux voir personne ! »

Bon il semblait que les astres répondaient à ses vœux. Peut-être pourrait-elle demander un riche mari mais elle était trop soulagé pour d’égoïste pensées. Elle soupira de soulagement, avant de repenser à leur problème premier. Comment récupérer leurs corps respectifs ?  Elle se tourna vers son compagnon de fortune et demanda avec peu de conviction :

« Maintenant qu’on est au point de départ, que devenons faire ? Je n’ai jamais entendu parler de personnes qui échangent de corps sans le vouloir. Peut-être qu’en cherchant de notre côté on irait plus vite ? Enfin n’aie pas peur pour ton corps je n’y toucherais pas… Trop, enfin voilà ! »

Avouons-le,  elle allait en profiter un peu, après tout elle n’avait jamais été assez proches d’un homme pour ne pas être curieuse. Mais elle ne prendrait pas trop de risque et elle espérait qu’il en ferait de même.