Elle se surprit à sourire alors que les bulles de savons crépitaient dans le bain. La jeune fille était déjà propre, mais elle profitait. Encore, quelques secondes. Quelques minutes. Elle voulait imprégner ce sentiment et ne jamais l'oublier. L'eau chaude qui coulait entre ses formes, la douceur de sa peau propre. Son seul regret était que cet endroit magique ne pouvait soigner ses cicatrices, qui elles, restaient malgré tout. Et si Arya changeait soudainement d'avis ? Si elle refusait d'un seul coup tout ce qu'elle lui avait promis, si ce rêve se brisait ? Arya seule en avait le pouvoir. Ainsi, Krysta avait décidé. Si le prix à payer pour vivre dans de si bonnes conditions étaient de lui donner du plaisir et de l'aider, alors soit : elle le ferait aussi bien que possible. L'aventurière regardait cependant son corps avec désarroi.
- Comment faire... Est-ce que j'arriverais à la rassasier ? Elle semble tellement difficile à combler...
Krysta soupirait. Vivons au jour le jour, n'est ce pas ? Chaque chose en son temps. Peut-être... Que c'est naturel, au final. Comme Arya le disait si bien... On donne, on reçoit... C'est finalement quelque chose d'assez primitif, tout les animaux font ça. Alors pourquoi n'y arriverait-elle pas ? Peut-être était-il tout simplement temps de profiter de l'instant présent, et de ne pas se soucier de ce qui allait se passer.
Il fallu attendre que l'eau se refroidisse pour que Krysta sorte de son bain. Alors qu'elle prenait une serviette pour s'essuyer, un énorme cri retentit dans la pièce. Ce n'était pas Drew, ni même un cri humain. Il s'agissait de son estomac, qui avait probablement réalisé la chance qu'avait sa peau de recevoir un tel traitement, et qui demandait à présent sa part. La faim était si intense que la jeune fille se courbait, la douleur d'un ventre vide n'avait jamais été si forte. Krysta hésitait un instant, puis haussait la voix à travers la porte, après avoir enfilée une sorte de peignoir.
- E-Excusez-moi ? Il y a quelqu'un ? Je meurs littéralement de faim... Serait-il possible... D'avoir quelque chose, ou de me préparer un repas... ?
La jeune fille était véritablement gênée de demander une telle chose. Auparavant, si elle avait faim, elle allait chasser, voler, ou cueillir des fruits pour se rassasier. Mais là, c'était intenable. Il lui fallait quelque chose avant de reparler à Arya. Si par malheur elle décidait que c'était son moment, elle ne pourrait même pas lui répondre favorablement tant elle souhaitait avoir quelque chose sous la dent. Pourvu qu'une de ses servantes soit dans les parages... La première impression était surement primordial.
En ressortant, j'essore ma longue chevelure et monte sur le pont. Comme d'habitude, les gardes m'ouvrent les portes, et je fais un clin d'oeil à Drew qui s'est réveillé. Je rentre dans mon aile, me dirigeant vers la salle de bain. C'est là où devrait se trouver ma nouvelle amie, mais surtout, c'est aussi là où on peut trouver de quoi s'essuyer. J'entends justement sa voix. Un appel à l'aide, dirait-on... Mais j'ai la fâcheuse tendance de ne même plus remarquer que je suis nue malgré mes écailles. Il n'y a que les autres que ça dérange, et de toute façon, les gens qui habitent ici y sont habitués. Il va bien falloir que Krysta aussi s'y habitue, le plus tôt sera le mieux.
Je la dépasse pour rentrer dans la salle de bain, encore pleine de vapeur. J'attrape d'abord une serviette pour mieux essuyer mes cheveux, qui malgré tout resteront humide. Lorsqu'on trimballe une tignasse qui caresse le creux des genoux, on finit par abandonner l'idée de les sécher manuellement...
Je ressors finalement avec un autre peignoir, ma peau claire ayant refait surface, je rejoins Krysta à la marche rapide, redescendant alors d'un étage. Si elle avait déjà trouvé la salle à manger, elle pourrait admirer la plus grande pièce du château. Haute de deux étages, les murs décorés d'armes, trophées et tableaux, des meubles à tous les murs et au centre, une table un peu trop longue, parsemée de hautes chaises en bois et sur laquelle sont posés, comme entre tous les repas, des plats remplis de fruits divers. Les grandes fenêtres sont trop hautes pour qu'on y voit autre chose que le ciel, à moins qu'on ne soit sur la rambarde du deuxième étage, permettant l'accès direct dudit étage à la table et donnant également sur un petit balcon. Le genre de pièce qui témoigne très bien des goûts luxurieux de la famille. Si on pouvait faire un reproche, c'est que certains éléments commençaient à avoir de l'âge. Mais tout cela donnait à la pièce une ambiance chaleureuse, grasse, et très agréable à mon goût.
- Je... Oui, oui, très confortable. J'ai pensé que je pouvais le porter, vu que mes vêtements sont... un peu sales. Mon... mon appétit commence à me dévorer, j'y vais de ce pas.
La jeune fille quittait la pièce sans plus attendre, laissant Arya dans son intimité. Cette apparition assez soudaine et surprenante du fait de ses écailles avait un peu décontenancée Krysta qui s'empressait malgré tout de descendre les marches afin d'arriver dans la salle à manger. C'était probablement l'endroit qu'elle souhaitait le plus à présent, les grognements de son estomac devenaient de plus en plus insistant.
Et le spectacle comblait une nouvelle fois toutes ses attentes, il les surpassait même ! Son regard était comme hypnotisé face à ces hauts murs de pierre qui donnaient une impression luxueuse à la pièce. Les meubles en bois, quant à eux, rendaient l'atmosphère plus chaleureuse tout en insistant sur l'histoire probable de la famille Tolevira. Malheureusement pour elle, il était un peu tôt pour rester ainsi en extase devant une telle architecture. Ce qui était dorénavant la cible du regard affamé de Krysta, c'était bel et bien les fruits posés sur les tables, qui n'attendaient qu'à atterrir dans le gosier de la jeune aventurière. Des couleurs différentes, des formes propres à chacun, elle ne pouvait même pas tous les nommer, mais elle en avait déjà l'eau à la bouche, c'était certain.
- C'est... magnifique. Je suis désolée, je ne peux plus attendre de goûter à toutes ses merveilles.
Elle remarquait finalement qu'Arya avait d'ores et déjà fait son apparition, cette fois-ci, avec sa peau naturelle qui lui allait bien mieux, il fallait le dire. Elle portait également un peignoir et ses -très- longs cheveux noirs et humides lui donnaient cette allure suffisante. Bien qu'elle vivait dans la richesse, elle semblait finalement être une fille assez simple, bien loin des robes, des paillettes, et des petites fleurs. Cette absence d’exubérance, en tout cas en apparence, l'aidait à se sentir bien et à se mettre à sa place, bien que tout les opposait. Krysta lui souriait légèrement, laissait apparaître des fossettes discrètes, avant de se ruer à une table pour croquer dans un premier fruit à pleine dent. Le jus coulait dans sa gorge alors que le goût sucré excitait ses papilles qui n'avaient plus été au travail depuis bien longtemps.
Le premier étant déjà engloutit, elle s'attaquait au deuxième fruit, puis rapidement, un troisième était déjà dans sa main alors qu'elle n'en avait pas encore terminé le second. Il ne fallait pas être un détective de renom pour comprendre que la jeune fille appréciait grandement ses précieux fruits qui disparaissaient un à un. Mais il n'était pas non plus difficile de comprendre que ces fruits n'avaient pas l'air d'avoir grand effet sur son estomac vide de plusieurs jours. En effet, la faim ne semblait pas disparaître, et Krysta n'avait qu'une hâte : Qu'autre chose, comme un plat de résistance, arrive sur ses tables.
Les domestiques échangent un regard légèrement gêné avant de me regarder, sans trop savoir quoi faire.
La ville... Bonne idée. Mais je ne vais pas les faire courir là-bas en les attendant.
Je retourne dans la salle à manger et interpelle Krysta, ma dirigeant déjà vers la sortie da plus directe vers la cour.
Voilà qui devrait me donner l'occasion d'aller acheter mes plantes et de l'emmener dans une auberge. Un endroit qui lui sera certainement bien plus familier. Naturellement, je n'ai jamais posé le pied dans les auberges du village perché, puisque mon domicile se trouve juste à côté. Il faut dire que, même si elle est parfois titanesque, ma faim peut toujours être contenue en attente d'un repas.
Je repense à nos premières conversations. Il y a des points que je dois éclaircir à son sujet... Je vais profiter du trajet. Tenter de savoir ce que je pourrais encore tirer d'elle.
C'est vrai, dernièrement, il m'arrive de ne plus les prendre. Il faut croire que je commence vraiment à prendre la confiance quant à mes capacités. Ce qui me semble tout à fait normal puisque la dernière personne à avoir pu me défaire était garde royal... Et puis, je suis souvent accompagnée de Drew, alors personne n'est assez fou pour me vouloir du mal.
S'asseyant sur une chaise en bois en mangeant ses nombreux fruits, la jeune fille avait donné une bonne petite entrée à son estomac. Ce dernier en réclamait en revanche encore, ce qui étonnait même Krysta, qui n'avait pas l'habitude de manger autant. Elle remarquait rapidement que les servants et Arya se démenaient comme ils le pouvaient pour préparer un repas en vitesse, ce qui l'a dérangeait quelque peu.
Elle se relevait lorsqu'Arya apparu à nouveau, les mains vides de nourritures. Dommage. Elle proposait ainsi d'aller au village perché pour se rassasier. D'un côté, l'idée était assez bonne puisqu'elle permettait à Krysta de découvrir ce village qu'elle ne connaissait pas. Elle pourrait aussi y trouver de la nourriture, mais d'un autre côté, elle avait déjà adopté ce château luxueux qu'il lui était difficile de quitter si soudainement, sans ses armes qui étaient restées dans la salle de bain. Le duo habillée en peignoir semblait donc se diriger vers le village, alors que Krysta hochait la tête aux dires d'Arya.
- Je suis désolée, je n'ai pas l'habitude de manger comme ça... D'habitude, c'est même l'inverse. Mais là, je ne sais pas ce qu'il se passe.
De toute manière, elle ne comptait pas lui dire "non" tout de suite. Après avoir goûté à ce château, il lui était difficile de ne pas en redemander. La malédiction de la richesse, surement... Tout en marchant, elle essayait tant bien que mal de chercher un sujet de discussion, mais rien ne lui venait. Peut-être que le silence était la meilleur des discussions, parfois. Ce n'était pas plus mal et Krysta n'était pas du genre à se faire des amis rapidement et à s'attacher aux gens. C'était donc naturellement Arya qui engageait la conversation. Encore une question sur ses fameuses capacités... Elle semblait y accorder une grande importance, tout de même. Était-il intelligent de la faire attendre encore plus ? La jeune fille haussait les épaules à sa question.
- Pas grand chose, honnêtement. Je traîne dans la capitale, mais je n'aime pas particulièrement ce lieu. Trop de monde. Donc j'aime bien traîner dehors, dans la forêt, par exemple. C'est plus calme et on y trouve toujours de la nourriture. Il est pas rare que je dorme dehors quand les températures sont adéquates. Sinon, j'aime bien prendre en filature des personnes que je suspecte faire des délit. Une sorte de... jugement personnel, peut-être. Je crois que la garde ne fait pas bien son travail.
Krysta réfléchissait un instant. Ce n'était surement pas ce qu'elle attendait, comme réponse. Arya voulait savoir et connaître son pouvoir, mais était il correct de lui infliger cela maintenant ? Elle semble tellement sans défense comme cela. Mais sa transformation pourrait l'arrêter, si les choses empirent. Peut-être.
- Tu souhaites le connaître ? Mon pouvoir ? Loin de moi de douter de ce que tu as dans le ventre, mais... Je dois m'assurer que tu puisses m'arrêter, si jamais. Cela fait longtemps que je ne l'ai plus utilisé. Il risque d'être affamé.
La jeune fille s'était arrêtée de marcher un instant, tout sourire ayant disparu. Elle s'était également assurée d'être complètement seule ici, avec Arya, bien sûr, car elle se doutait déjà de sa réponse.
Ce peignoir n'est pas optimal pour user de mon pouvoir, mais c'est assez ouvert malgré tout. Quatre tentacules sortent du dessous de l'habit, enroulant chacun des membres de la jeune fille en un éclair tout en la plaquant au sol. L'étreinte était trop puissante pour qu'elle fasse le moindre mouvement, autre que de la tête. Je me mets debout au dessus d'elle, puis à genoux, reproduisant une position sensuelle. De la main gauche, je caresse sa joue, sereine.
Les tentacules reviennent lentement dans mon dos, laissant la rousse libre de ses mouvements, à l'exception près que je ne bouge pas d'où je suis. Mon don a un effet particulier sur mon corps... Un effet qui se couple plutôt bien avec ma position actuelle. Qui me donne envie d'y rester. Mais je ne veux pas l'effrayer... Je me force donc de m'écarter, la laissant se relever. Un autre effet est justement de me donner faim, mais ça, ça va s'arranger rapidement.
C'est un peu bête, mais je n'ai aucun restaurant sympathique à lui proposer. De toute façon, je ne pense pas qu'elle aie besoin d'un repas de riche pour combler son appétit. Le but principal est de remplir son estomac, pas de contenter ses papilles.
Et ça, elle ne s'y attendait pas. A peine avait-elle eu le temps d'observer les tentacules qui sortaient du peignoir d'Arya que ces dernières étaient déjà enroulées autour de ses jambes, la faisant basculer. Quelques instants plus tard, c'était ses bras qui étaient immobilisés de la même façon, la rendant totalement à la merci de la jeune fille. Krysta, quant à elle, grimaçait en se faisant plaquer au sol, détestant être dans une position si soumise. Ses yeux émeraudes étaient plantés dans ceux d'Arya mais son regard semblait ailleurs, comme si elle était devenue un petit agneau sans défense face à sa proie. La main d'Arya avait eu l'effet d'une claque qui l'avait ramené à la raison.
Heureusement, son immobilité s'arrêtait alors que la femme aux cheveux noirs se retiraient. Ce sentiment d'incapacité lui rappelait bien trop ce qu'elle avait vécu ce soir là. Sa torture, ses blessures, et sa longue captivité de quatre années. Le choc psychologique ne disparaissait pas et revenait sans cesse. Krysta se relevait en détournant son regard perdu, qui semblait même triste. Elle remettait son peignoir en place et recommençait sa marche aux côtés d'Arya, refusant de croiser ses yeux.
- Ton pouvoir est très puissant, sans nul doute. Je n'ai pas à m'en faire, je ne suis qu'un amuse-bouche pour toi. Pour que tu comprennes mon pouvoir, je dois t'expliquer comment je l'ai eu, et te dévoiler mon passé. Je n'aime pas en parler, et je n'aime pas me livrer. J'ai l'impression que ça me rend vulnérable.
Krysta marchait en silence pendant quelques minutes. Elle ignorait par où commençait, ni si elle devait réellement lui en parler. Mais Arya lui avait promis. Elle avait dit qu'elle l'aiderait. Et jusqu'à présent, elle avait assumé ses promesses. La jeune fille aux cheveux de feu commençait son discours d'une vois monotone mais à un rythme plutôt rapide et saccadé.
- Ce pouvoir est apparu au bout de quatre ans de captivité. Mon tortionnaire m'avait enlevé et m'avait fait subir les pires atrocités pendant 1439 jours. Je les ai comptés. Un à un. Il m'obligeait, en faite. Je n'ai jamais compris pourquoi. Je pensais que j'allais mourir, mais Il m'est apparu. J'ai... un démon en moi. Ce soir-là, il m'a sauvé. Je ne comprenais pas, mais j'agissais. Mon bourreau me regardait sans comprendre, d'abord. Et puis, je me suis cassé un doigt. Puis mon poignet pour me défaire des liens qui m'attachaient à un poteau. Et puis, j'ai compris à cet instant. Je le voyais hurler de douleur en tenant sa propre main. Alors, j'ai pris une de ses lames et je l'ai enfoncé dans ma jambe. Moi, je ne sentais plus grand chose. Lui, par contre, il s'était écroulé au sol, la même jambe en sang... Je ne me souviens pas comment je l'ai tué, j'ai du tomber dans les pommes. Mais je l'ai fais, à mon réveil, il était dans un sale état.
Krysta s'arrêtait une nouvelle fois de marcher. Son regard n'évoquait ni tristesse, ni joie. Elle racontait son histoire d'une façon impassible. Mais il ne fallait pas être un devin pour savoir que cela l'avait profondément marquer. Difficile de ne pas l'être en se faisant torturer à l'âge de 10 ans. Autant continuer l'histoire.
- J'ai parlé d'un démon. Il me parle, parfois. Il veut que je souffre, tu sais. Alors je me fais du mal. Un peu. Parfois. Pour le rassasier. Et là, ça fait longtemps que je ne l'ai pas utilisé. J'ai peur qu'il en veut beaucoup.
Arya était peut-être folle. Mais Krysta n'était de loin pas une sainte. Et si elle était complètement persuadée qu'un démon vivait en elle, ce n'était que le fruit de son imagination. Une sorte de symbolisation de sa souffrance d’antan. La réalité, c'est qu'elle se croit profondément redevable vis à vis de son pouvoir pour l'avoir sauvé. Elle ne veut pas l'avouer, bien sûr, mais la souffrance qu'elle s'inflige par moment lui rappelle d'où elle vient. Elle en a besoin pour continuer de vivre.
Krysta détournait à nouveau le regard vers son interlocutrice, un léger sourire triste, reconnaissable à ses fossettes qui n'apparaissaient pas, était visible.
- Voilà. Tu sais tout. Alors, suis-je toujours un met savoureux pour toi ?
Elle n'ose pas me regarder. Cette gêne est bien réelle. Mais elle n'a pas sa place dans mon monde... Je me colle à la rousse et attrape son poignet en cherchant son regard pour l'inviter à me regarder, voir au plus profond de mes iris écarlates. J'hésite sur l'ordre des choses. Je mets ma stratégie en place, bloc par bloc, cachant tout derrière mon sourire impassible habituel. Puis il s'étire, offrant un vrai sourire en coin à la petite flamme. Commençons par répondre à sa question. J'approche mon visage du sien, lentement, pour ne pas la surprendre, jusqu'à l'embrasser. Juste deux secondes, pour le geste.
Je marque une pause en m'éloignant pour la laisser appréhender mes paroles. Je regarde le lac, un peu plus loin. Cette eau dont je suis amoureuse.
C'est toujours le même problème, au fond. Les gens manquent d'optimisme. Ils se laissent abattre au lieu de se relever plus forts. Ils ont peur de se blesser en utilisant leurs propres armes.
Krysta fut surprise de ne pas avoir eu un réflexe sur la défensive lorsque son poignet fut soudain attrapée par Arya. Peut-être était-ce dû à ce qu'elle lui avait révélé ? Elle regardait le visage de son amie s'approcher tout doucement. Au fond d'elle, elle savait ce qui allait se passer. Immobile, les battements de son cœur se voulaient plus important. Krysta fermait les yeux. La chaleur corporelle d'Arya se rapprochait, lentement, jusqu'à ce que les deux lèvres se touchaient enfin. Un frisson parcourait son corps, tandis que l'aventurière profitait de ses deux petites secondes de douceur que le destin lui offrait. Elle semblait soudain libre, délaissée d'un poids qu'elle avait porté depuis bien trop longtemps. Était-ce donc ce que l'amour offrait aux autres ?
De l'amour... Non, il était bien trop tôt pour en parler. Une amitié ? Si soudaine ? L'esprit de Krysta était tourmenté de toutes sortes de sentiments qu'elle n'avait jamais connu. Les lèvres se détachaient enfin et l'émeraude rouvrit ses yeux, heureuse mais décontenancée de la situation. Pourquoi cette fille lui avait été apparu si soudainement ? Encore perdu dans ses pensées, elle écoutait attentivement les dires d'Arya.
- Ne sommes-nous pas finalement dictés par notre pouvoir ? Jusqu'alors, je pensais qu'il fallait les différencier. Je voulais le renier et l'abandonner. Vivre ma vie, seule, car je n'en avais pas besoin. Mais... peut-être qu'une autre alternative existe, finalement. Ton père, lui le savait. Moi, je n'ai eu que mon bourreau. Je ne peux pas l'admirer, comme tu admires ton père. Car il m'a dévoré, détruit, brisé, sans vouloir m'aider derrière.
Krysta réfléchissait. Et si la figure paternelle sur laquelle elle devait se reposer, c'était son démon ? Au final, c'est lui qui l'avait sauvé. S'il est vrai que nous avons notre pouvoir depuis notre naissance, alors ce démon qui sommeille en elle avait attendu le bon moment pour apparaître. L'idée même de devoir lui parler l'effrayait toujours. Mais en voyant tout ces pouvoirs... Celui d'Arya, qu'elle semblait contrôler à la perfection. Ou même celui de cette garde, Sue, qui était une réelle projection de sa force. Pouvait-elle faire de même ?
- Je ne sais pas si ce château est assez grand pour mon démon et moi. Non, en faite, je ne sais pas si je veux vivre avec lui. Je veux vivre d'autre chose que de souffrance et de douleur. Je veux de la tendresse, du calme, de la sérénité. Je veux ton château, je ne veux pas construire le mien. Il serait abîmé, en ruines, à deux doigts de s'effondrer. Je ne peux pas l'imaginer autrement que sombre et tortueux. C'est ce qu'est mon pouvoir, non ? Il ne sert qu'à faire du mal, je ne veux pas de ça. Et son appétit est bien trop grandissant, il m'engloutirait si je lui donnais plus d'espace.
Krysta comprenait bien ce que son interlocutrice lui disait. Mais tout cela lui semblait bien trop lointain. Evidemment, ça fonctionnait pour elle car son pouvoir lui donnait un contrôle quasi total. Celui de Krysta n'était guidé que par une motivation : Donner de la souffrance. Le seul contrôle qu'elle avait, c'était sur la vie ou la mort de son ennemi. A quoi bon vivre dans une telle vie ?
- Tu comprends, mon soucis ? Ce pouvoir m'oblige à être ce que je hais le plus au monde. Il me fait devenir ce démon assoiffé de souffrance. Mais je ne veux pas revivre cela. Pourtant... Le moins je l'utilise, le plus je veux l'utiliser. C'est ambivalent, n'est ce pas ? C'est une sorte de robinet à moitié fermé. Goutte par goutte, il remplit la jarre d'eau jusqu'à ce qu'elle déborde. Alors, je dois la vider, et elle se remplira toujours autant. Mon château serait engloutit. Il ne peut exister.
Rien que d'en parler, cette envie grandissait. Souffrir, sentir cette adrénaline qui grandissait en elle, sentir la température froide de son sang couler sur sa peau... Elle voulait revivre cela, mais se refusait de le concevoir. Une soif insatiable alors que la source est tellement proche, elle était même devant ses yeux...
Difficile de faire adopter une vision optimiste à quelqu'un d'aussi pessimiste. Mais il n'y a pas de solution miracle. Son pouvoir est ce qu'il est. Un don avec un contrecoup. À elle de choisir si elle veut voir ça comme un bénédiction ou une malédiction. Il n'y a pas d'échappatoire à son démon, juste la possibilité de le voir sous un angle avantageux. Quoique...
Voilà que mon ventre aussi se met à gargouiller. De toute façon, je ne pense pas avoir plus à dire. Il existe un moyen plus rapide que la marche pour arriver aux habitations du village.
Aussitôt dit, je ressort mes tentacules. Deux saisissent fermement Krysta au buste et à la taille, les autres s'accrochent à un arbre proche et commencent à nous hisser en hauteur, puis s'accrochent à des branches, nous trimballant d'un arbre à un autre rapidement. À cette allure, on atteint rapidement le village perché, et je redescend un peu pour trouver plus facilement une auberge. En toute logique, elles sont plus proches du sol afin d'accueillir les voyageurs. Quand je repose Krysta et fait disparaître les appendices, je suis essoufflée, et affamée. Si tout cela était déjà fatiguant pour n'importe qui, l'usage de ces bras marins était d'autant plus crevant.
Trouver une auberge n'est pas très difficile quand on sait où chercher. En même temps, elles ne sont pas cachées. Je tire Krysta dans la première avant de m'écrier, à destination de n'importe quel serveur ou serveuse..
On devrait rapidement nous prendre en charge. Honnêtement, je pourrais avaler n'importe quelle potée comestible, pourvu que ça vienne rapidement. Je m'assied à la première table libre en balayant toute la pièce du regard. Il y a quelques autres personnes en train de boire. Naturellement, personne ne mange à cette heure. Les gens nous regardent bizarrement, comme d'habitude. À force je ne prends même plus la peine de chercher pourquoi. Peut-être les peignoirs?
Maîtriser son pouvoir. Maîtriser sa peur, sa souffrance, sa douleur. Cela reviendrait à accepter son passé et son vécu. L'accepter, et non l'oublier. L'assumer, et non le renier. Krysta savait ne pas en être capable actuellement. Mais il était clair qu'elle allait devoir faire un choix sous peu qui dicterait probablement son destin. Quoi qu'était sa réponse, elle était profondément heureuse d'avoir rencontré Arya. Cette dernière semblait la comprendre et était prête à l'aider. Ses motivations réelles lui étaient encore assez flous et inconnus, mais à l'instant T, elle ne pouvait que lui être reconnaissante.
- Merci d'être là, Arya. Je le pense vraiment. Je ne sais pas encore ce que je ferais. Ni comment, ni quand. Mais j'ai l'impression d'y voir plus clair. Un enchanteur... ? Cela me paraît assez... étrange. Je n'ai jamais entendu parler de ça, mais ça reste une option, en effet. La tentation de vivre avec lui, comme tu vis avec ton pouvoir m'enchante. Mais je ne sais pas si ce serait possible, un jour.
Krysta positionnait une main sur son ventre toujours vide. Elle le sentait encore crier famine. C'était sûr : à ce train là, autant retourner au château que les plats seront prêts. Elle regardait Arya d'une manière un peu incrédule, sans savoir ce qu'elle avait derrière la tête. Avant même qu'elle puisse dire quoi que ce soit, une tentacule arrivait autour de sa taille. Un cri de surprise s'échappait de la jeune fille alors qu'elle se faisait tirer par ces tentacules à une vitesse extrême. Eh bien, heureusement qu'elle n'avait rien avaler d'autres que des fruits ! Sinon... Disons que ça serait sorti par le même orifice d'entré.
En quelques minutes, voilà Krysta d'ores et déjà à terre, tandis que les tentacules qui la tenaient revenaient à leur propriétaire. Alors qu'elle titubait légèrement, loin d'être habituée à des sensations fortes comme cela, elle avait remarqué la fatigue apparente d'Arya. Un tel pouvoir semblait très énergivore, proportionnel au pouvoir qu'il pouvait être. La jeune aventurière se laissait tirer par la jeune femme, elle connaissait probablement mieux les lieux qu'elle. Le contact avec sa peau lui plaisait, chose qu'elle répugnait il y a encore quelques jours. Peut-être est-ce du à sa relation qui se passait bien pour le moment.
Le regard de Krysta balayait la pièce lorsque les deux personnages rentraient à l'intérieur. Les auberges du village perché ne semblaient pas être si différentes que celles de la capitale. Les mêmes ivrognes semblaient boire leur mixture amer, alors que les serveuses semblaient tout aussi sympathiques. Elle fronçait un sourcil aux regards des personnes présentes, avant de se rappeler que le peignoir qu'elles portaient en était sans aucun doute la cause. Elle se hâtait de trouver une table à laquelle s'asseoir, son estomac réclamait une quelconque nourriture plus que jamais.
- On te reconnaît, ici ? Quand je vois toutes ces personnes présentes, j'ai l'impression que tu avais l'embarras du choix. Mais c'est tombé sur moi. Je me sens... privilégiée, pour une fois. Dis moi, au final, tu as réussis à trouver les plantes que tu cherchais ? Il me semble que c'était ce que tu faisais avant qu'on se rencontre. Ou bien des fruits ? Je ne sais plus, maintenant.
Elle voulait plus la connaître, la découvrir. Savoir ce qu'elle faisait de ses journées. Connaître ses goûts et ses couleurs. Car elle avait trouvé quelqu'un qui pouvait l'aider, en tout cas pour l'instant. Leur relation allait-elle durer toute la vie ? Peut-être. Peut-être pas. Ce qui importait, c'était l'instant présent, n'est ce pas ? Elle n'avait pas oublié tout les accords que présentaient ce "pacte", qu'elle avait déjà plus ou moins accepté. Il était hors de question de partir maintenant alors qu'Arya lui avait ouvert tant de portes, dont celle de son propre château. Mais pour y rester, elle allait devoir lui rendre la monnaie de la pièce. Donner, et recevoir, c'est ce qu'elle avait dit. Et pour l'instant, elle n'avait pas énormément donné.
Je lui offre un sourire malicieux avant qu'une charmante serveuse vienne nous proposer un repas simple, ayant entendu ma demande. Elle sourit. Pas comme n'importe quelle serveuse sourit, non, elle a l'air amusée. Je hoche la tête pour accepter ce qu'elle nous propose en portant son regard. Je le connais, ce regard. Et tous mes doutes se confirment quand, avant de s'en aller, la serveuse lève un sourcil en regardant rapidement Krysta.
Je lui lâche un clin d'oeil coquin pour ponctuer le tout, et qu'il n'y ai aucun doute possible sur ce dont je parle. S'il y a, certes, une pointe d'humour dans mes paroles, elles ne sont pas vides de vérité pour autant.
Je regarde encore les personnes présentes, bien peu étonnée de voir que nous sommes le centre d'attention, puis je hausse la voix pour faire mon annonce.
Quelques rires, puis l'affaire est réglée. Une petite bourse atterrit sur notre table, je vérifie son contenu puis enlève la seule couche qui cachait mon corps, laissant apercevoir, à la grande déception de l'acheteur, une robe d'écailles recouvrant tout sauf mes membres et ma tête. À vrai dire, être complètement nue ne m'aurait pas dérangée, mais je me délecte des réactions autour de moi.
La Satyre... Voilà un nom peu rassurant si Krysta ne la connaissait pas un tant soit peu. En revanche, il fallait dire qu'il lui allait comme un gant, elle semblait avoir une réelle passion pour la luxure, et elle ne s'en cachait aucunement. Cet honnêteté et cette transparence qui émanait d'Arya lui plaisait, elle qui détestait la malhonnêteté et le doux plaisir qu'avaient les humains à cacher leurs secrets les plus intimes et sordides.
Une fois n'était pas coutume, voilà que cette fameuse "Rubis" revenait dans son récit. Elle se demandait un instant qui était cette mystérieuse personne, et ce qu'elle avait fait pour qu'Arya la considère tellement. Elle ne semblait pas être du genre à s'attacher aux autres, mais cette tierce personne semblait au minimum jouer un rôle dans la vie de sa nouvelle amie. Pas besoin de creuser plus de ce côté. Si Krysta passait plus de temps avec Arya, il était plus que probable que leurs chemins se croisent à un moment ou un autre.
La serveuse arrivait assez rapidement. Enfin, elle allait pouvoir se rassasier ! Krysta fut surprise de voir le petit jeu de sourire qui s'opérait devant elle à son insu. Ainsi, Arya était belle et bien connu ici, même par la serveuse, ou surtout par la serveuse. Elle fut embêtée pendant quelques secondes, se demandant si elle n'était pas, au final, qu'une femme parmi tant d'autres qui sera délaissée lorsqu'une prochaine personne perdue croisera le chemin en or qu'Arya proposait. Seul l'avenir pourra répondre à cette interrogation qui restera pour elle. Il n'était pas question de gâcher ce moment, et elle haussait un sourcil, amusée.
- Fais attention... Peut-être que ton bout de viande est encore une proie... Que tu n'as pas encore attrapée dans ton piège nuptiale. Il serait bête qu'elle s'échappe, non ?
Elle lui souriait d'une manière maline, amusée de la situation, mais son message cachait une certaine part de vérité. Elle ne comptait pas être un trophée qu'elle avait déjà gagnée. Même si son expérience se résumait à un baiser qu'elle venait de recevoir, son tempérament un peu vulgaire pouvait refaire surface ; être dans une situation de faiblesse n'était pas quelque chose qu'elle affectionnait particulièrement.
Là où elle avait parfaitement raison, en revanche, c'était pour payer ce repas. Elle n'avait vécu que quelques minutes dans ce château, mais il fallait croire qu'elle en avait déjà pris l'habitude ! C'est vrai qu'il fallait payer la nourriture qu'on achetait. Logique implacable. La logique qui échappait à Arya, en revanche, c'était que si la serveuse la connaissait, elle savait que sa richesse pouvait lui permettre de payer un million de repas comme celui-ci, et qu'elle n'avait pas besoin de faire ce qu'elle s'apprêtait à faire pour payer.
"Mon habit à celui qui paye !". Krysta ne pouvait s'empêcher de pouffer de rire face à l'ironie de la situation. Pendant un instant, elle ne pouvait s'imaginer que des personnes allaient réellement payer pour la voir ôter son peignoir. Il faut croire qu'elle se trompait sur toute la ligne, puisque quelques secondes plus tard, une bourse arrivait dans les mains de sa nouvelle amie. Les Hommes sont ainsi tellement prévisibles... Autant profiter du spectacle, évidemment...
Sauf si des foutues écailles cachaient absolument tout. Krysta se maudissait un instant d'avoir pensé qu'Arya n'avait pas un plan B. Mais au vu de la tête complètement détruite du payeur, ça en valait la chandelle. Elle rigolait encore, bien heureux qu'elle lui ai offert un tel spectacle, avant de reprendre un petit peu son sérieux, elle qui n'était pas habitué à rire si souvent.
- Eh bien ! Que de talent. Je devrais m'en inspirer, ça peut servir, pour payer un futur repas. Tu n'es donc pas l'ange que tu m'avais promis d'être... Imagine la déception de cet homme qui n'aura pas ce qu'il désire...
Evidemment, elle plaisantait, n'ayant absolument aucune considération pour ce pervers qu'elle aura oublié demain matin. Quoi qu'il en soit, l'amuse bouche était à présent terminé, place au plat de résistance : La douce odeur du repas qui arrivait parvenait à ses narines et tout ses sens étaient en ébullition, prêt à dévorer le plat qui arrivait.
Le repas arrive, une petite assiette chaude qui me semble suffisante pour survivre jusqu'au vrai repas. Il ne me faut pas longtemps pour absorber la moindre parcelle de nourriture dedans, j'ai l'habitude d'engloutir des repas d'ogre, ça n'a même pas l'effet d'une entrée pour mon estomac. Mais je n'ai pas encore assez de nourriture à disposition pour en venir à effrayer Krysta. Les gens ne sont pas toujours prêts à voir une personne de mon envergure dévorer la moitié d'une silure en quelques minutes.
Je place la petite bourse sur le côté de la table pour que la serveuse y trouve son compte sans qu'on ne perde plus de temps ici pendant que Krysta termine son assiette. Il n'y a certainement pas assez en trop pour payer l'herboriste en plus. Tant pis, ce sera pour un autre jour... De toute façon, je serai trop occupée avec ma nouvelle invitée pour aller cuisiner ce soir. Une fois qu'elle a fini, je salue la serveuse en me levant et me dirige vers la sortie. Je viens d'avoir une petite idée, puisque nous sommes ici.
Sur ces mots, le même manège que précédemment. En quelques secondes, nous voici en train d'escalader rapidement les arbres. Après quelques minutes, Krysta remarquerait peut-être que la direction n'était pas celle du château, et que je montais vraiment très haut. il faudrait encore plusieurs minutes pour atteindre l'endroit que je souhaitais, plutôt difficile d'accès. Une arbre, plus large que les autres, et bien plus grand. En arrivant sur une de ses dernières branches, les dernières qui puissent nous supporter du moins, on avait une magnifique vue sur la foret. Seuls quelques arbres au loin semblaient rivaliser avec la taille du nôtre. On pouvait aussi voir le lac, et le dessus du château, au loin. Je place Krysta debout sur la branche, et moi de même, assurant mon équilibre avec mes appendices. Je tiens la petite flamme par les hanches, la laissant admirer l'étendue verte que peu d'hommes ont la chance d'observer un jour. Il ne vaut mieux pas avoir le vertige ici. Je me colle à elle en l'enlaçant à la taille, posant mon menton sur son épaule, à nouveau essoufflée. Cette tendresse qu'elle demande, j'en ai bien trop à donner. Je fais disparaître mes écailles pour laisser passer la chaleur entre nos corps.
Sous l'effet de l'excitation du moment et de mon pouvoir, mes mains deviennent aventureuses. Il y a cette sensation étrange dans mon ventre dont je ne me lasserai jamais. L'envie de se laisser tomber.
Ange ou démon... N'est-ce pas finalement la même chose ? Le premier ne diffère du second que par une réflexion qui ne s'est pas encore présentée à lui. Arya en était la parfaite représentation, un temps incarnant la gentillesse divine, puis en devenant la créature du diable, capable des pires vices... Une telle ambivalence était rare à souligner.
Quoi qu'il en soit, le fameux repas tant attendu était finalement devant Krysta. Elle le dévorait en pensant avoir battu un record mondial, mais c'était sans compter Arya qui semblait l'avoir terminé bien avant elle. Étrangement, la jeune fille était déjà rassasié, après cette simple assiette. Un estomac qui criait haut et fort qu'il avait faim pour au final être remplie assez rapidement, signe qu'il n'avait pas vraiment l'habitude d'être rassasié très souvent. La carrure de Krysta le démontrait aussi, elle était plutôt maigre, même pour son âge, ce qui faisait ressortir sa poitrine assez développée, par ailleurs.
Pas vraiment le temps de digérer ! A peine avait-elle fini son assiette qu'Arya se dirigeait déjà vers la sortie. Avait-elle quelque chose en tête ? Probablement, puisque, à peine passé le bas de la porte, les mêmes tentacules venaient enrouler la taille de l'aventurière, la soulevant brusquement avant de repartir en voyage. C'était reparti ! Prions pour que son estomac en pleine digestion tienne, car ce n'était pas Arya qui allait freiner l'allure. Elle semblait vraiment pressée de rentrer au château, en tout cas. Était-ce déjà pour ce soir ?
Elle fronçait légèrement les sourcils. Entre deux secousses, et même si elle n'avait pas vraiment un sens de l'orientation ultra développée (sans blague, c'est pas comme si elle s'était perdue dans la forêt pendant six jours...), Krysta comprenait rapidement que la destination était bien différente de ce qu'elle pensait. Le château, au lieu de se rapprocher, devenait de plus en plus petit, alors que les arbres étaient plus nombreux. Prendrait-on de la hauteur ? Elle observait le spectacle qui se tenait sous ses yeux, alors qu'ils arrivaient finalement à destination et que ses petites jambes trouvaient enfin le sol.
- Pas de doute, ton bout de viande ne peut pas s'enfuir d'ici...
Elle se retournait pour observer le paysage, au loin. Le château semblait à présent si petit, si insignifiant, alors qu'il était tellement imposant de prêt. Le lac, quant à lui, était devenu une vulgaire flaque d'eau. Le monde dans lequel nous vivons est si minuscule, et ce n'est qu'en prenant de la hauteur qu'on peut voir sa réelle conception. Elle souriait discrètement alors qu'elle fut surprise de sentir la présence féminine qui commençait à l'enlacer. Un petit mouvement vers l'avant démontrait encore qu'une certaine crainte restait instinctif, mais elle se laissait finalement faire, inclinant sa tête vers celle d'Arya, ses mains rejoignaient les siennes au niveau de sa taille. Quel moment magique.
- Je vois que nous avons les mêmes péchés mignons. La nature, la liberté... Il n'y a rien de mieux, n'est ce pas ? Je suis pauvre, tu es riche, et au final, nous nous sommes retrouvées à l'endroit que nous affectionnons particulièrement : la Nature. Même si, parfois... Un bon repas, un bon lit chaud... Ce n'est pas plus mal. Je ne sais pas si tu vas profondément changer ma vie, Arya, mais... Merci. Juste merci.
Krysta sentait que ses mains se mouvaient. D'un mouvement lent mais fluide, la fille à la chevelure de feu se retournait pour voir le magnifique visage de son Ange déchu. Elle lui souriait avant de positionner ses mains derrière sa nuque, approchant sa tête de la sienne. Elle déposait un léger bisou sur ses fines lèvres avant de répéter le processus sur sa joue et son cou, ses mains caressaient le début de ses cheveux. L'aventurière voulait la connaître, la sentir, la toucher, sentir sa température et la douceur de sa peau. Enfin, ses mots descendaient le long de son corps pour défaire son peignoir. Voilà qu'à présent, elle prenait les devant, et le tout de la manière la plus naturelle possible, ce qui ne lui ressemblait pas vraiment. Mais ne fallait-il pas prendre une initiative, parfois ? C'était en tout cas ses mots.