Bonne ou mauvaise nouvelle, je crois que je n’ai plus vraiment le temps d’attendre pour annoncer ma grossesse à ma hiérarchie… Mon ventre commence à s’arrondir légèrement, je n’ai plus la même forme physique. Je suis encore capable d’assurer mes tours de gardes pour le moment mais cela aggravera mon cas si j’annonce ça lorsque je serait totalement incapable de mener mon service à bien… Je n’aurai pas penser qu’avoir un entretien avec Owain me stresserait autant. Non pas que j’appréhende vraiment sa réaction mais plutôt mon avenir au sein de la Garde.
Arrivant dans le couloir, mon estomac se tord. Pour une fois, bébé n’y est pour rien… Chaque pas fait résonner le bruit de mes talons comme un gong annonçant mon exécution. La porte entrouverte du bureau de mon capitaine laisse filtrer une raie de lumière indiquant sa présence active une ombre passant régulièrement devant la source. Je toque sans plus attendre, je suis pile à l’heure prévue pour mon entretien, et m’annonce.
Aube Grassim, mon Capitaine.
Que l’on me donne un brigand à traquer, je le passerai au fil de mes sabres sans sourciller. Demandez moi d’annoncer que je suis enceinte à un capitaine normalement sympa, je tremble comme une feuille…
Finalement, au du moins, parce qu’il s’agissait des premiers jours. Owain était assez étonné face à la charge de travail. Le garde s’était imaginé une montagne de responsabilité, mais lorsqu’on faisait face au problème Atheas, les contraintes d’un capitaine qui était plus de type administratif ou réunion avec le couple royal, étaient bien plus insignifiantes. Puis vint dans son travail, les rencontres, les demandes. Les gardes qui s’occupaient de la protection du palais, qui trouvait le temps de venir jusqu’à son bureau afin de lui demander quelques choses. De nécessaire ou d’inutile. Parfois des pertes de temps, d’autre fois des problèmes en perspective. Ainsi, face au toquement Owain aurait pu parier sur les faits à venir.
« La première à se moquer est la première à me rendre visite. »
Lâcha-t-il sous le ton de la rigolade face à l’annonce de la jeune garde. Owain n’avait jamais été très protocolaire stricte, et même avec ce brassard temporaire, il ne comptait pas changer ses habitudes. D’un geste de la main, il indiqua à sa cadette de prendre un siège si le cœur lui en disait. Il ne savait pas la raison de sa présence de ce bureau et encore moins le temps que cela pouvait prendre.
« Qu’as-tu besoin de ton capitaine ? »
Tout en accusant sur le titre qui était le sien le temps qu’un meilleur candidat soit mis en lumière. Autrement, le garde prenait un malin plaisir face à ce titre qui semblait du miracle, d’autant plus qu’Aube avait ce malin plaisir, depuis son refus, de lui faire rappeler qu’il aurait pu vivre de ce titre jusqu’au restant de sa carrière. Par ailleurs, cela permettait très légèrement d’appuyer sur le fait qu’il avait bien plus de pouvoir qu’un garde royal à ce jour, et c’est véritablement plaisant. Même s’il n’était pas du genre à en profiter, du moins, pour ce genre de chose.
Un sourire se dessine sur mon visage à la réponse du Capitaine de la Garde Royale par intérim. Il est bien vrai que je me suis permise de le taquiner lorsqu’il a refusé la promotion mais je doute qu’il l'ait vraiment mal pris. Il peut très certainement comprendre notre état d’esprit à ce moment.
Toujours la première Mon Capitaine, quelque soit la situation.
Et le pauvre ne se doute pas qu’il va vivre une première avec moi… Malgré son invitation à m’asseoir dans un fauteuil, je n’oublie pas de le saluer comme il se doit avant et de fermer la porte. Un salut militaire franc et respectueux. Même s’il n’est capitaine qu’un temps, il reste mon capitaine et un garde valeureux que je respecte. Je m’assoie enfin face à lui grimaçant un peu en constatant que ma tenue commence à ne plus être adaptée à l’évolution de mon corps. Est-ce qu’il va quand même s’amuser à m’en faire baver pour se venger de l’autre jour ? Il n’est pas le genre à abuser du pouvoir non ?
Je viens faire une annonce à ma hiérarchie pouvant avoir un impact significatif et temporaire sur ma capacité à assurer pleinement mes fonctions.
Je braque mon regard dans le sien curieuse de voir comment il réagit à cette annonce. Le jeune capitaine n’est assurément pas au bout de ses surprises avec son bataillon… La gorge nouée, la suite du discours que j’ai préparé reste coincé. Souflant longuement pour essayer de calmer mon coeur, j’essaye de reprendre mon calme.
Je suis enceinte mon Capitaine.
Voilà, c’est dit ! Plus qu’à attendre la fin de la tempête...
« Je t’écoute. »
Avait-il répondu d’un sérieux hors norme. De toute évidence, cette simple mise en bouche avait suffi pour qu’Owain prenne part au souci. Aube n’était pas venue pour discuter ou bien même pour se moquer de lui, elle était bien là pour lui faire part d’un problème. Plus encore, qui entacherait son rôle de garde royale et ce n’était pas quelque chose à prendre à la légère. Un air grave s’était dessiné sur son faciès, qui peu à peu s’était dématérialisé à chaque seconde suivant sa révélation.
« Ah ! »
Une surprise des plus étonnante. Owain aurait pu imaginer des centaines de raison, jamais il n’aurait pu s’imaginer qu’une des gardes étaient enceinte. Mais cela pouvait peut-être paraître déplacé, car il ne connaissait pas la demoiselle dans les détails, peut être que sa condition n’était aucunement souhaité. Mais cela pouvait peut-être paraître déplacé, car il ne connaissait pas la demoiselle dans les détails, peut être que sa condition n’était aucunement souhaité.
« Tu sais de combien de mois ? »
S’affalant au fond de son fauteuil, l’une de ses mains s’était élevé afin de gratter l’arrière de son crâne. Il était dans une position des plus délicate et ne savait pas ce qu’on pouvait attendre de lui dans ces conditions. Glissant finalement son bras fraîchement élevé, ballant le long du siège de capitaine.
« Tu me colles un sujet sensible dès le début. »
Grognon qu’il était.
Cela serait presque amusant de le voir si concentré à l’évocation d’un problème. On a pas l’habitude de voir Owain comme ça habituellement… Un soupire m’échappe alors que son expression s’affaisse lentement après l’annonce de ma grossesse. Presque morte de rire lorsqu’il n’arrive qu’à me sortir un “Ah” digne d’un Capitaine prit au dépourvu. S’il n’y avait pas mon avenir de garde en jeu, je pourrais en rire avec lui…
Je ne vais pas mourir Owain, je vais juste avoir un bébé. Je ne vais pas être indéfiniment absente…
Enfin, j’espère… Et, c’est sur ses épaules que cela repose. Plutôt surprise, je hausse un sourcil lorsqu’il me demande depuis combien de temps. Elle est où l’engueulade à laquelle je m’attendais ? A moins qu’il attende de voir si j’ai attendu trop longtemps avant de l’annoncer… Non, il n’est pas comme ça… Être capitaine ne l’aura pas changer tant que ça quand même ?
Environ deux mois…
Mes oreilles se baissent lamentablement en même temps que mon regard. Ce n’était pas prévu du tout de faire un bébé. Fort heureusement, Ryuji est là et semble plutôt ouvert au fait d’avoir un enfant à élever. Je sourie lorsque ses mimiques reviennent aux galops et me fait remarquer que je lui colle un sacré machin dans les mains. Un brin d’humour me prend.
Il faut bien bizuter le nouveau Capitaine non ? Je t’avoue, hormis te l’annoncer, je ne sais pas du tout ce qu’il faut faire.
Je me serai certainement bien passer d’y mettre une telle implication mais si ça peut lui éviter les blagues des collègues. Un sanglot m’échappe d’un coup, mon humeur sautant encore du coq à l’âne. Tout mon stress qui se dégonfle comme une panse de porc gonflée me fait pleurer à torrent devant lui révélant mes peurs et mes doutes...
Une erreur… Mais j’ai décidée de garder ce bébé ! Il n’a rien fait, il n’a pas à payer pour les bêtises de ses parents, tu ne crois pas ?
Une femme enceinte, dans ce genre de contexte était assez problématique. Les divers maux, les moments d’impossibilité. Des potentiels problèmes liés à la grossesse ou les simples complications basiques. Ainsi, sans un seul mot Owain s’était finalement levé de son siège parcourant le bureau qui était le sien pour une faible durée – du moins, il l’espérait. S’avançant vers la bibliothèque, il en ressortie un énorme tas de feuille qu’il feuilleta à la volée.
« Hum. »
Acquiesçant aux propos d’Aube, non pas par rapport au bizutage, mais bien parce qu’il entendait qu’elle souhaitait le garder. C’était une bonne chose en soit, une expérience. Bien que le souci était ailleurs et d’ordre plus technique, le fait que cela soit une bêtise ne changeait rien. Du moins. Ah. Il se retourne tel un coup de vent, papier toujours en main.
« Le père est d’accord ? »
Parce que décider de l’élever était une chose. Mais si Aube se retrouvait seule face aux nécessités d’une mère, le problème grimpait plus encore sur l’échelle de la complexité. Après tout, s’occuper d’un jeune enfant alors que son travail lui offre des horaires assez stricts, si elle restait dans la garde après la naissance du bambin. Personne ne pourrait se permettre d’avoir un parent inquiet pour sa progéniture à longueur de journée. Dans le fond, le capitaine intérimaire s’inquiétait plus de savoir si elle aurait quelqu’un pour l’accompagner ou si elle se retrouvait seule, plutôt que d’apprendre que le père n’était peut-être pas du même avis.
Même si ses mimiques reviennent en force, il reste bien trop sérieux pour l’homme que je connais… Derrière ce masque d’une Aube plaisantant se cache une Aube anxieuse et apeurée. L’inconnue de la grossesse puis de la maternité, l’inconnue quant à mon avenir dans la Garde, le risque que Ryuji se détourne de nous une fois le bébé dans mes bras… Trop de choses oppressantes pour la renarde simple que je suis. Des angoisses qui perturbent presque autant mon sommeil que les effets secondaires de la grossesse. Regarder le capitaine presque impassible qui feuillette des feuilles à la recherche de je ne sais quelle informations accroît encore mes peurs. Déjà des flashs de mon éviction de la garde s’imposent à moi lorsque je partage ma décision de garder cet enfant malgré les conditions dans lesquelles il a été conçu. De marbre, il ne réagit qu’à peine à la question posée et à mes pleurs, trop absorbé par les papiers. D’un coup, il se retourne vers moi comme s’il avait un éclair de génie. Sa question me laisse pensive… Ryuji a bien dit qu’il serait là et, pour le moment, il s’y tenait compte tenu du nombre de fois où j’ai pu me retrouver chez lui depuis que je lui ai annoncé. Penaude face à cet interrogatoire devenant de plus en plus dénué de chaleur, je répond machinalement comme la garde que je suis séchant mes larmes au passage.
Oui, il semble accepter l’idée d’avoir un enfant. On ne formera certainement jamais une famille au sens classique du terme mais il s’implique un peu dans tout ça…
Ne serait-ce que l’idée de m’installer un temps chez lui ne m’attire pas… Et pourtant, cela serait la meilleure solution pour les premiers mois de vie du bébé. Il pourrait profiter pleinement de son père plutôt que de devoir attendre que l’un de nous décide de s’imposer chez l’autre. Nous ne sommes pas fait pour vivre ensemble sous un même toit, l’attirance physique est élevée entre nous mais il n’y a pas d’amour. Du moins de mon côté…
De toute façon, ce n’est pas comme si on allait former une famille. Pour le moment, c’est exclus de mon côté…
Peut-être suis-je idiote de vouloir garder mon indépendance dans ma situation mais je refuse de m’enfermer comme mes soeurs auprès d’un homme.
« Ce n’est pas très grave, l’important est que tu ne te retrouveras pas toute seule avec l’enfant. »
Avait finalement répondu Owain. Dans d’autres circonstances, avec une autre personne. Peut-être que cela aurait pu sonner bien plus grave, qu’Aube aurait reçu mainte et mainte moralité sur son comportement. D’une part, parce que la naissance n’était pas souhaitée et que faire preuve d’une telle idiotie en étant garde royal n’allait pas être oublié. Mais aussi parce qu’il pouvait être assez mal vue de se retrouver mère célibataire pour certains cas et certaines personnes. Et sur ce coup, Owain était bien plus inquiété sur la décision à prendre plutôt qu’à l’habitude moralisatrice. Du moins, tant est-il qu’il aurait pu faire preuve d’un brin de moral pour ce genre de situation.
Puis d’un soupir, le garde avait refermé le document pour retourner s’asseoir en face de sa cadette de formation. Le visage qui n’abritait aucun sourire, une expression assez neutre, mais qui n’était pas vraiment négative.
« C’est bien ce que je craignais, je ne trouve aucun cas identique. »
Retrouvant le contact de son siège d’un bruit sourd, Owain qui s’était presque laissé tomber sur le fauteuil. La garde royale était du genre assez strict sur la sélection de ses gardes, et même de ses lointains souvenirs, son père ne lui avait jamais parlé d’une telle situation. Pourtant persuadé que ce n’était pas une première, toujours est-il que si cela était déjà arrivé ce n’était pas recensé dans les documents sur lesquels il avait mis la main.
« J’espère que tu as conscience que ça risque d’être difficile pour toi ? »
Owain aurait pu évoquer la grossesse avec l’inquiétude d’une personne qui n’en connaissait rien. Mais en vérité, il se sentait bien plus concerné pour le plan du travail tant il n’avait aucune connaissance en la matière.
« Et qu’il y a de forte chance que la commission ne laisse pas ça passer. On ne peut prendre les risques de te laisser à la surveillance du palais. »
Parce que cela signifiait garder une personne qui n’avait qu’une partie de ses capacités à mettre à la disposition dans la surveillance. Peut-être que dans la garde civile, cela pouvait passer, mais ici. Ce n’était même pas imaginable ne serait-ce qu’une seconde.
« Depuis combien de temps, tu es au courant ? »
Un poids s’envole de mes épaules lorsqu’il ne semble pas se lancer dans un discours sur la morale et tout ce qui va avec. Je sais que tomber enceinte n’était aucunement prévue dans mon programme et encore moins une bonne idée mais Lucy m’a donné un enfant à la faveur d’une aventure avec Ryuji… C’est mon devoir maintenant d’en prendre soin. Comme tout bon garde, je cache mon anxiété derrière un masque neutre. Masque de convenance qu’Owain lui même arbore lui aussi. Mes oreilles se dressent lorsqu’il m’avoue ne pas trouver de cas similaire au mien dans les documents à sa disposition. Chose qui me semble quand même étonnante compte tenu de la proportion de femme dans la Garde du royaume…
C’est étonnant quand même…
Je soupire, ça sent de plus en plus le renard roussi là… Un second souffle suit rapidement le premier lorsqu’il évoque les difficultés prochaines qui m’attendent et la commission de la Garde. Autant le guérisseur de la caserne qu’Arya m’ont prévenu de la grosse fatigue et la perte de capacité physique qui m’attendent d’ici un ou deux mois maintenant… Mais pour le moment, je suis encore capable d’assurer le coup. Et après, il va falloir envisager une petite reconversion…
Pour le moment, je peux encore assurer mes tours de garde, mon ventre commence à peine à grossir. Le Guérisseur pense que je devrait cesser d’ici un ou deux mois maximum. Je pourrais peut-être assurer quelques cours à l’Académie en attendant la fin de ma grossesse et de me remettre en forme et revenir à mon poste. Qu’en penses-tu ?
La question de mon avenir au sein de la Garde a été un long conflit dans ma caboche au moment de décider si oui ou non, je gardais cet enfant… L’Académie m’est apparu comme un bon compromis. Donner des cours aux futurs gardes n’est pas trop exigeant physiquement selon les enseignements et je pourrais certainement leur apprendre des choses… Enfin, encore faut-il que cela soit accepté par Owain puis la Commission et enfin, les responsables de la Civile en charge de l’Académie… Autant dire que ce n’est pas gagné. J’hésite à simplement éluder sa question concernant le moment où j’ai appris que j’était enceinte… Comment dire que j’ai mis un mois entier à venir annoncer ça ?
A peu prés un mois… Avec toutes les questions qui se sont bousculée dans ma tête, la nécessité de parler de tout ça avec le père, le temps est passé si vite…
Je me reconstitue une carapace de façade me préparant à un nouveau sermons. Comment aurais-je pu l’annoncer alors que moi-même, je n'étais pas certaine de l’accepter et de vouloir mener à terme cette grossesse. La voix cassée, je le questionne sur la suite à donner à mon annonce officielle.
Qu’est-ce que je dois faire maintenant que tu es au courant ?
Aller savoir ce que les bureaucrates de l’administration ont pondu comme procédure à suivre pour annoncer qu’une femme garde va donner la vie…
Capitaine intérimaire n’était qu’un titre, mais les responsabilités qui en découlaient été autre chose. Ce n’était pas très évident pour Owain de gérer ce genre d’histoire, surtout pour une première fois. Il en venait d’ailleurs même à regretter avec légèreté d’avoir proposé de l’occuper le temps que l’administration y trouve un véritable capitaine. Un léger soupir, Owain écoute avec attention les informations que lui offrait Aube. C’était une bonne chose que son état ne soit pas encore problématique, encore plus si un guérisseur l’affirmait. Quelques réflexions, un ou deux mois. Sans doute qu’elle n’en ferait qu’un, car personne ne prendrait le risque d’attendre le dernier moment. Pour ce qui était de l’Académie… C’était une autre histoire.
« L’idée peut être bonne, mais c’est surtout à la Commission d’avoir son avis là-dessus. »
Rare était les gardes royaux qui trouvaient du temps à donner aux nouvelles recrues, l’expérience que pouvait apporter un jeune garde comparé à un garde dit à la retraite n’étaient pas là même, et surtout beaucoup plus intéressante quand tenu de la procheté de leur âge et d’expérience. Et finalement, une grimace qui s’affiche comme écho.
« Un mois. »
Le fait qu’elle est attendue un mois avant d’en informer un cadre supérieur pouvait être perçu comme problématique. Comme si Aube avait attendu le dernier moment pour informer de l’inévitable, et cela pouvait être assez mal prit en fonction de l’interlocuteur.
« Pas grand-chose, j’imagine. Évite d’ébruiter sur ton état dans un premier temps. Qu’elles sont les personnes au courant ? »
Le mieux était de garder cette histoire secrète jusqu’à ce qu’elle puisse arriver officiellement aux oreilles de la commission, car si quelqu’un y mettait la main dessus avant, la gestion du cas pouvait être un peu plus problématique.
« Dans l’idée, je dois prévenir la Commission pour voir ce qu’il va advenir. À mes yeux, tu ne resteras qu’un mois au palais, puis tu seras démisse de tes fonctions de garde royales pendant un temps… Comprends que je ne peux pas risquer de te garder un peu plus longtemps. »
Owain ne cherchait pas à cacher que ne sachant quoi faire avec son poste, il ne pouvait pas risquer d'éventuel problème en la gardant le plus longtemps possible. Et un léger silence, si elle était chanceuse, en fonction de comment Owain présenterait le dossier, elle pourrait obtenir un poste à l’Académie jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus enseigner vers la fin de sa grossesse. Une fois, l’enfant mit au monde, elle resterait encore enseignante avant d’être sûre qu’elle puisse reprendre son poste au sein de la famille royale. Et dans le pire des cas… Il n’en avait pas la moindre idée.
« Je vais présenter l’idée de l’Académie, ça leur fera sans doute plaisir d’avoir un autre enseignant même si ça sera pour une courte durée. Si tout se passe bien, tu reviendras parmi nous après ? »
Intonation parfaitement maîtrisée. Peut-être que l’envie de revenir dans la garde ne serait pas présente une fois face à la vie qu’elle engendra. Ou bien qu’elle trouverait un réel plaisir à enseigner si l’idée était acceptée.
Je sens une pointe de contrariété dans la voix du Capitaine lorsqu’il reprend ma réponse. En plus de sa grimace, il est clair que ce n’était pas une réponse qu’il espérait… Je me sens tout de même obligé de me justifier un minimum.
Jusqu’à il y a peu, je n’était pas encore certaine de ne pas vouloir chercher un moyen d'arrêter tout ça… Il m’a fallu beaucoup de temps pour accepter tout ça et finalement me décider à continuer la grossesse et au moment où j’ai finalement voulu l’annoncer officiellement, il y a eu le Rassemblement de la Garde, ça a encore repoussé de quelques jours.
J’ai conscience qu’il aurait été préférable d’en parler plus tôt mais j’en était tout bonnement incapable avant. J’ai eu besoin de temps pour me faire à l’idée que, finalement, je n'étais pas prête à sabrer la vie d’un petit être innocent. Encore moins, celle de l’enfant grandissant en moi. Mon regard se perd dans les étagères de livres et autres documents lorsqu’il me demande d’éviter de trop parler de ma grossesse autour de moi. Peut-être a-t-il peur que cela donne des idées à d’autres femmes de la Garde ? Je souris lorsqu’il souhaite connaître la liste de ceux étant au courant de mon état. Une liste de problèmes en devenir ?
Dans la garde ? Athena Winterhound, elle était avec moi quand je l’ai appris. Et tous ceux qui aurons fait le lien entre mes nausées et une grossesse...
Donc potentiellement, toute la Garde au final… Il y a un peu plus de monde au courant à l’extérieur de la Garde mais cela ne posera pas de problème à Owain. Une, c’est déjà bien assez à gérer je crois. Je soupire lorsqu’il m’explique qu’il va soumettre le problème à la commission et surtout qu’il ne me laissera pas plus d’un mois à mon poste. Cela me laisse un pincement au coeur même si je suis consciente que je ne pourrait plus protéger la famille royale… Je sens déjà mes capacités physiques diminuer alors dans un mois…
Je comprend, c’est nécessaire pour la sécurité du royaume.
Je me voulais compréhensive alors qu’au fond de moi, la peur bouillonne. Qu’est-ce que je vais faire si on me refuse la possibilité de faire un peu d’enseignement le temps de finir ma grossesse ? Je ne veux pas avoir à aller voir Ryuji la queue entre les jambes pour réclamer son aide. Et encore moins repartir pour réclamer une aide providentielle à mes soeurs… Non, il me faut ce poste à l’Académie pour mon propre bien et celui de mon petit renardeau. Owain semble plutôt optimiste lorsqu’il annonce qu’il va aussi en discuter avec l’Académie. Peut-être qu’ils pourront influencer la Commission si mon profil les intéresse ? Puis vient la question fatidique, vais-je revenir à la Royale après tout ça…
C’est ce que j’ai en tête. Me remettre en forme après la naissance pour reprendre mon poste de Garde Royale. Enfin si l’on veut bien encore de moi d’ici là…
Le travail de Garde Royale me laissera du temps pour m’occuper correctement de mon bébé tout en assurant mes tours de garde. Je trouverai bien un moyen pour m’organiser avec les collègues. Toutes les informations me semblant avoir été données, je me lève du fauteuil.
Merci Owain… Je m’excuse de te mettre ça entre les mains alors que tu viens juste de prendre la place de Capitaine.
Je lui met un dossier tout sauf simple entre les mains mais je suis certaine qu’il fera au mieux pour tout le monde. Malgré son habituelle manie de faire des blagues, j’ai confiance en sa capacité à faire au mieux pour tout le monde.
Lâcha-t-il sans la moindre raison, comme un grand frère qui aurait pu être déçu par sa cadette. Il avait cet air souriant, bien changeant du faciès qu’il montrait depuis le début de cette histoire. Pour certain, cela pouvait être perçu comme un manque grave de professionnalisme, mais pour Owain, ce n’était que son quotidien.
« Il faut donc espérer que le reste de la garde soit aussi futé que moi. »
Les bras qui se croisent sur son torse tandis qu’il acquiesce. Un idiot qui s’accepte tel qu’il est, ayant conscience de sa propre prestance. En vérité, Owain aurait sans doute pu avoir remarqué sa grossesse s’il était un peu plus dans l’observation de ses compares. Chose qu’il devait dorénavant faire en tant que capitaine de la garde royale, en plus de devoir surveiller la princesse Owain était bien obligé de gérer à la bonne vie des autres gardes. Mais sur ce point, Aube avait, comme qui dirait, était le dernier de ses soucis ces derniers temps.
« En tout cas, ça me rassure que tu comprennes. »
Il avait imaginé un scénario un peu plus grave, celui d’une garde mécontente. Celle qui aurait pu refuser à ne pas avoir la certitude d’enseigner, qui n’accepterait pas d’être évincé de la garde le plus tôt possible. Mais Aube était jeune et sans doute se sentait-elle obligé de suivre l’avis d’Owain. Non pas en tant que capitaine, mais bien parce qu’il possédait plus d’expérience qu’elle et que sa vision était tout autre. Puis son coude appuyé sur l’accoudoir, sa main portant sa tête. L’ensemble de son corps légèrement incliné sur la droite, Owain observait attentivement Aube.
« Tu n’as pas à t’excuser, ce n’est pas comme si tu aurais pu attendre plusieurs mois, à attendre qu’on ait un vrai capitaine pour informer la hiérarchie ahahah. »
Un léger rire, celui qui joue sur deux idées. D’une part, qui tente de briser l’atmosphère qui se veut assez pesante, mais aussi ce rire grave et fort, forcément faux qui fait prendre conscience des événements. Le dossier n’était pas joué d’avance, d’autant plus qu’Owain n’avait jamais eu de réel contact avec la commission. Il s’agirait aussi de sa première grosse affaire en tant que capitaine, ainsi, il ne savait pas vraiment comment présenter les choses. Mais il n’était pas défaitiste pour autant, beau parleur qu’il est. Et ses doigts viennent tapoter le bureau, léger son de bois qui prend alors place dans la pièce.
« Garde en tête que je ne te promets rien, bien que j’essayerais de faire mon possible pour que ce soit plaisant pour toi. J’imagine que ce n’est pas une situation très rassurante, alors avoir une assurance auprès de la garde serait un réel atout. Essaye de profiter de tes derniers jours au palais si je puis dire, et je te convoquerais lorsque j’aurais un peu plus de nouvelle. »
Et sur ses mots, s’ensuivit un silence qui invita Aube à sortir du bureau.
Le dossier bien en évidence sur le bureau, plusieurs feuilles qui recensaient l’état de pensée des différents membres de l’administration et aussi la finalité de la discussion. À cette instant, seule la concernée était attendue.
Je pensais me sentir moins stressée après avoir mis au courant Owain de ma grossesse et de ma volonté de donner des cours aux futurs recrues mais en fait, une nouvelle forme de stress a tout simplement prit la place… Commencer à chercher un nouveau logement, attendre de savoir si la Commission va accepter ou non de me laisser enseigner quelques mois. Finalement, c’est un peu l’avenir de mon bébé qui se joue là… Pas d’enseignements, plus de revenu pendant plusieurs mois et difficile de trouver un autre truc en étant enceinte avec le ventre de plus en plus arrondi. La convocation à me rendre au bureau d’Owain n’aurait pas forcément pu tomber plus mal… Cela faisait un moment que je ne m'étais pas sentie autant au fond du trou… Depuis plusieurs heures, j’ai mal à la tête et un manque d’énergie violent… Avoir vomit tripes et boyaux ce matin n’y est certainement pas pour rien… Les coups sur la porte de la chambre sont un véritable supplice et encore plus la voix aiguë du messager du Capitaine. Même si j’attendais cette convocation, je ne peux m’empêcher de maudire Owain… Vu mon état, je me contente d’un simple chemisier propre et d’un short d'entraînement. Imaginant très bien ma tête affreuse, je passe également mon collier supprimant mes attributs lupins afin de ne pas laisser l’image d’une Aube dans un état déplorable.
Il me faut un temps certain pour atteindre le bureau du Capitaine ayant eu besoin de plusieurs arrêts en chemin pour ne pas m’effondrer. Je toque sur la porte et entre dès que l’on m’autorise à entrer. Fermant la porte derrière moi, je m'arrête à deux pas du bureau en me mettant au garde à vous. Blême, je salut mon capitaine et annonce mon arrivée.
Aube Grassim au rapport. Vous m’avez fait demander mon Capitaine ?
Qu’est-ce que ça fait mal d’être au garde à vous…
À peine avait-elle fait un pas dans le bureau qu’Owain avait remarqué son visage pâle et son souffle a demi coupé. D’un léger secouement de tête de droite à gauche, il arrivait à trouver formidable le fait qu’Aube s’entête pour le protocole alors que lors de leur dernière rencontre, le capitaine intérimaire lui avait fait comprendre que ce genre de chose n’existait pas vraiment. Après tout, ils faisaient tout deux parties de la garde royales, son grade n’était là que pour mettre des paillettes aux yeux le temps que la commission trouve un soldat qui accepterait d’endosser le rôle de manière plus réelle.
« Désolé de t’avoir fait appeler, j’aurais pu venir, mais je ne savais pas où tu te trouvais exactement. »
Une excuse réelle bien qu’elle ne l’était qu’à demie. C’était sa personne qui parlait plutôt que la vision d’un capitaine, ce genre de nouvelle devait être solennel plutôt qu’une simple visite de courtoisie. Son regard se pose sur la demoiselle pour essayer de lire son visage, de toute évidence, la garder plus longtemps dans le palais pouvait réellement s’avérer risqué.
« J’ai des nouvelles de la commission sur ton cas. »
Entre cas et problème, Owain avait hésité quelques instants. Une grossesse qui n’avait pas été désirée, bien que la décision d’Aube pouvait être respectable. Son travail qui ne pouvait plus exister à cause de son état de santé et de ses baisses de capacités. Plusieurs mois qui avaient été étudiés, une idée qui avait été proposée et qu’il avait tenté de garer en tête de ligne. Certains membres de la commission semblaient avoir été réticents, d’autre voyaient cela comme une aubaine. Alors Owain avait défendu la proposition afin d’appuyer le choix de sa camarade de garde.
« Comme je te l’avais déjà dit la dernière fois, tu vas être demie de tes fonctions de garde royale. »
Un brin dramatique lorsqu’il voulait l’être. Ses yeux qui se posent sur le dossier qui lui faisait face, entrouvert sur son bureau.
« Ta place sera normalement gardée jusqu’à ce que tu puisses reprendre du service. Mais comme je ne pense pas toujours être capitaine à ce moment-là, il pourra peut-être y avoir des changements… »
Du moins, il l’espérait. Non pas pour les changements et que donc, la possibilité que sa place puisse sauter ou même disparaître -autrement que par le désir de la concernée. Mais bien qu’il ne garderait pas le garde de capitaine de manière si longue, car cela lui prenait beaucoup plus de temps qu’il l’avait imaginé. Au point que les nuits se faisaient de plus en plus rare et qu’il lui était arrivé de manquer une ou deux fois les disparitions, pourtant visibles, de la princesse.
« Mais pendant le temps de ta grossesse, et jusqu’à ce que tu ne puisses plus tenir. Tu es envoyée à l’académie comme tu l’avais demandé. Tu seras instructrice pour les nouvelles recrues. Je compte sur toi pour nous trouver de bon profil histoire de renflouer nos rangs. »
Crevée et blême, je fais mon entrée dans le bureau temporaire d’Owain sachant très bien que s’il m’a fait venir, c’est que la Commission a décidée de mon avenir au sein de la Garde. Cet avenir est un stress qui ne me quitte pas depuis plusieurs semaines tant l’enjeu est grand pour moi comme pour le bébé. Au garde à vous devant son bureau, je hoche la tête et m’assoie en soupirant lorsqu’il m’y invite, je ne suis pas sûre que j’aurai pu rester debout tout du long de toute façon… Je lui sourit lorsqu’il s’excuse de m’avoir fait venir alors qu’il aurait pu venir.
Ce n’est pas un soucis Capitaine.
Ce n’est pas plus mal que je sorte de la chambre… Après cette entrevue, je passerai voir le guérisseur de la Caserne voir ce qu’il pourrait faire pour moi. Etre autant fatiguée n’est pas normale à mes yeux quand bien même je soit enceinte. Enfin, Owain confirme qu’il a des nouvelles de la Commission concernant ma situation au sein de la Garde. Clairement, il m’est impossible de continuer à être dans l’effectif actif beaucoup plus longtemps… Mon état d’aujourd’hui en est l’exemple parfait. Mais je me sens capable de donner des cours à l’Académie pendant plus longtemps, c’est moins physique et plus calme. Avoir une garde royale en instructrice me semble un bon compromis également. Mon visage se ferme à l’annonce redouté de mon retrait de l’effectif actif d’ici peu. Un pincement au coeur me prend comme si cela été comme une page qui se tourne définitivement. Pincement un peu amoindris par le fait que je pourrais réintégrer mon poste dès que je serais physiquement apte à reprendre ma position de Garde Royale. Je baisse les yeux à la mention du fait que ce point est tout de même soumis à la bonne volonté du futur Capitaine de notre régiment.
Merci Owain, je sais que tu as tout fait pour faire en sorte que tout se passe pour le mieux. Tu serais un bon Capitaine si tu décidais de rester.
Mes yeux s’emplissent de larmes, s’il n’en a pas parlé, c’est que l’option “académie” n’a pas été retenue par la Commission. Et avec elle, tous mes espoirs pour garder un peu d’indépendance s’envolent. Je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire pour subvenir à mes propres besoins puis à ceux du bébé avant de reprendre les patrouilles au Palais… Peut-être que je devrais rentrer dans mon village natale et demander de l’aide à mes soeurs… Compter sur Ryuji pour faire en sorte que son bébé ne manque de rien… Que des choses que je déteste avoir à faire… Perdue dans mes pensées, je relève les yeux vers lui lorsqu’il reprend la parole. Malgré moi, les larmes se mettent à couler le long de mes joues non plus de peur mais de joie. Instructrice à l’Académie de la Garde… La garantie de pouvoir subvenir à mes besoins puis à ceux de bébé en attendant de revenir ici.
Merci Owain… Merci ! Je promet de t’envoyer des profils intéressants ! Merci !
Ma joie n’est pas feinte, c’est un véritable soulagement que de savoir que je ne vais pas me retrouver sans argent d’ici peu et que je pourrais m’occuper correctement de mon bébé. Bébé que je commence à vraiment attendre et avoir envie d’en prendre soin. Il me faut quelques instants pour calmer mes larmes et me reprendre en main pour poser les questions qui découlent de cette décision.
A partir de quand serais-je censée rejoindre l’Académie ? Qui dois-je aller voir pour préparer mon arrivée ?
Des questions d’ordre purement organisationnel mais nécessaire pour préparer proprement mon départ de la Garde Royale et mon arrivée en tant qu’instructrice à l’Académie.
« C’est normal Aube, tu n’as pas besoin de me remercier… »
Et Owain le pensait réellement. À ses yeux, il n’avait fait que tenir son rôle de capitaine. Celui qui, conscient des capacités d’une de sa subordonnée avait fait son possible pour qu’elle puisse avoir ce qu’elle espérait.
« Par contre si tu pouvais hum. Sécher tes larmes, je n’ai pas vraiment envie que tu sortes d’ici les yeux rouges. »
Parce que les rumeurs allaient de bons trains, et ce même si chaque personne qui côtoyait cette caserne était censée être assez intelligent pour ne pas se laisser faufiler d’informations totalement inventées. Mais cela, c’était plutôt dans l’espoir parce que les faits étaient bien différent. Owain qui se délectait des rumeurs lorsqu’elles étaient en lien avec autrui, tentant d’éviter celle qui possédait son nom dans la parole. Même si ce n’était pas toujours très évident. Pourtant, une chose était sûre, fraîchement promu -même si cela n’allait pas durer toute une vie-, le garde espérait ne pas avoir d’autre problème à régler. Et voir une jeune garde enceinte, sortir du bureau du Capitaine pouvait être un problème… Très difficile à traiter en fonction de la personne qui passerait par là et de son imagination débordante.
« Dans un mois. Cela a été vu avec le guérisseur de la garde, il estime que lorsque t’es trois mois seront atteints, tu ne pourras plus du tout assurer ton rôle de garde royale. »
Ce qui lui permettrait de mettre ses idées en place sur sa nouvelle affectation. Elle pouvait aussi préparer son départ en bonne et due forme, même si Owain espérait qu’elle reviendrait bien même s’il n’était plus aux commandes directes de la garde. Et sur ces mots, sa main agripper le dossier d’Aube afin de voir qui allait la prendre en charge sur son arrivée.
« … Un certain, Edward Guthjenord… Je ne le connais pas, mais il s’occupera de toi dans les premiers jours de ton arrivée à l’académie… Histoire de te donner quelques tips de ce que j’ai compris. »
Et il haussa des épaules en replaçant le dossier sur son bureau d’intermédiaire.
« Voilà, à moins que tu aies d’autres questions, je ne te retiendrais pas plus longtemps. »
Je ris par réflexe lorsqu’il me demande de sécher mes larmes avant de sortir. Contente que ma demande de devenir instructrice ait été accepté, je ne relève pas la possibilité de le taquiner. Je suis bien trop concentrée sur la suite des événements pour cela. Beaucoup de questions se pressent dans ma tête concernant cette évolution de carrière que je veux temporaire pour le moment. A moins qu’être instructrice me plaise vraiment et que je décide de rester à l’Académie si la Commission le veut bien aussi… Plus que un mois avant d’être écartée du service actif. Cela est court mais si le guérisseur juge que cela est nécessaire, je préfère me ranger à son avis. Ma maigre expérience de grossesse me fait même soupirer d’aise de me savoir au “repos” si tôt.
Bien reçu, mon Capitaine. Je prendrai rendez-vous avec le Guérisseur pour un bilan de fin de service actif à la fin du mois.
Cela me laisse un peu de temps pour préparer mon départ du service actif et mon arrivée à l’Académie. Mine de rien, cela représente une bonne charge de travail à faire avant. Je me note mentalement le nom de la personne avec qui prendre contact à l’Académie en vue d’arriver dans de bonnes conditions. Je me souviens de mon apprentissage de garde à l’Académie, cela ne devrait pas être trop compliqué d’encadrer ces jeunes. Et au pire, les punitions, c’est là pour ça. A ce qu’il paraît, la nouvelle Capitaine de la Civile est une accro de la natation, ça pourrait être amusant de les envoyer porter une missive à la Capitaine à la nage en guise de punition. Proposant de me laisser vaquer à mes occupations si je n’ai plus de questions, Owain met fin à cette entrevue. Me relevant pour un salut formel, je m’incline.
Merci à vous Capitaine pour avoir défendu mon dossier. Ce sera avec plaisir que je reviendrai à la Garde Royale une fois mon bébé né. Si je peux me permettre mon Capitaine, accepteriez-vous d’être le parrain du bébé ?
Une proposition lancée comme ça, je n’ai pas grand monde pour assurer le rôle autour de moi. Même s’il aura Ryuji comme figure masculine, il est amené à s’absenter pour ses missions. Un point de repère plus stable serait certainement meilleur pour son développement.
« Je. »
Owain était pour ainsi dire troublé. Il connaissait Aube étant donné qu’ils travaillent ensemble depuis quelque temps, mais jamais il n’aurait imaginé qu’on lui offre une telle proposition. À vrai dire, ils n’étaient pas spécialement intimes, des collègues qui s’entendaient bien parfois, pouvant boire un peu en sortant de leur garde respectif. Le rôle de parrain était généralement confié à un bon ami des parents de l’enfant, du moins c’était ainsi qu’Owain voyait les choses. Non pas qu’il n’était pas capable de se considérer comme telle aux yeux de sa cadette, mais généralement, on proposait cela à d’anciens amis.
« On m’offre le grade de Capitaine, et maintenant celui de parrain ? »
Blagua-t-il pour gagner du temps dans sa réflexion. Une charge de travail peut être supplémentaire, bien qu’Owain ne savait pas comment Aube voyait les choses.
« En tout cas, j’espère que tu ne me fais pas cette proposition parce que je sais m’occuper des enfants. »
Une légère raillerie, les mots qui ne tromperaient personne dans la garde royale, Owain qui pouvait d’un certain point de vue être considéré comme le gardien de la princesse plutôt que de son garde attitré. Il était de notoriété commune qu’Atheas pouvait être assez difficile à vivre, car il était toujours compliqué de savoir sur quel pied danser avec elle. Ses multiples fugues et farces n’étaient pas non plus de tout repos. Et Owain était malgré tout à ses côtés depuis presque une dizaine d’années dorénavant. De longs temps qu’ils avaient passés ensemble, les premiers temps avaient été les plus compliqués, car Owain n’avait jamais eu de petite sœur. Alors il avait hésité sur la façon de traiter avec une enfant qui n’avait même pas atteint la dizaine. Plus encore, leur différence de statut rendait l’échange toujours très compliqué. Mais aujourd’hui, c’était bien différent. Bien plus simpl… Quoique, non.
Mais au fond, ses paroles étaient aussi tournées comme une remarque. S’il acceptait de devenir parrain, il aurait un certain rôle envers ce nouveau-né. Bien qu’Owain souhait accepter par pure fascination de cette nouveauté, il ne pouvait se permettre d’accepter si cela l’obligerait à les garder ou de s’en occuper de manière répétée. Alors il avait haussé les épaules, parce que parrain était tout de même un mot qui lui était bien étranger dans le rôle qu’il devait entretenir.
« Si tu me promets que je ne serais pas un baby-sitter bis, je n’ai pas de raison de refuser. »
Parce qu’après tout, ce n’était qu’un enfant supplémentaire. Bien qu’en vérité, c’était un peu plus compliqué…
« Allez file maintenant, avant que tu me demandes d’être le père aussi. »
Et il avait rigolé sans le moindre gêne.
Ma proposition de faire de lui le parrain de mon bébé est, on ne peut plus réfléchie. Cela le laisse un peu troublé que ce soit à lui que je fasse cette demande mais mon choix est purement logique. Une figure masculine stable, fiable et à même de bien s’occuper d’un enfant, ça ne court pas les rues. Même Ryuji ne colle pas vraiment à cette description… Je souris lorsqu’il ironise sur sa situation.
C’est que les gens doivent voir des qualités que tu ne vois pas chez toi.
Une réponse pleine de sérieux qui reflète tout à fait ce que je pense de lui. Un Garde Royal parmi les meilleurs de l’unité mais surtout un être humain doté de qualités humaines remarquable. Je pose une main sur mon ventre déjà bien rebondi en riant à l’idée qu’il puisse croire que mon choix n’est guidé que par son expérience avec la princesse.
Cela en fait partie mais ce n’est pas tout, promis.
Je sais qu’il sera un véritable amour avec le bébé, ce n’est même pas une question que je me pose. Peut-être que je ne devrais pas attendre de lui qu’il soit un modèle pour cet enfant… Un modèle de droiture, de justice et tout simplement, un modèle d’humanité au cas où Ryuji ne soit plus là pour le faire. Tout sourire lorsqu’il semble accepter le rôle de parrain à la condition de ne pas être une nourrice pour l’enfant, je sautille presque sur place telle une gamine pleine d’énergie.
C’est promis, je trouverai bien une ou deux gardes toujours prêtent à câliner un bébé pendant leur repos journalier.
Les femmes ne manquent pas à la Garde. Et celles qui aimeraient avoir des enfants mais sans en avoir non plus. Un vrai travail d’équipe à la Caserne. Décidant de me mettre à la porte, il rigole même à l’idée que je puisse lui proposer d’être le père de ce bébé. La main déjà sur la poignée, je me retourne vers lui un sourire en coin.
Je prend note de ta proposition, si jamais Ryuji venait à disparaître ou s’enfuir comme un malpropre, on en rediscutera.
Je lui fait un clin d’oeil charmeur qui doit certainement être gaché par mon gros ventre de femme enceinte mais tant pis, cela m’amuse de le taquiner. Avant d’être le Capitaine, il est l’un des nôtre.