Aussi elle fit de plus grandes enjambées rendant son avancée plus ardue avec sa grande robe. Elle aimait ses belles parures, mais par moments dans ces situations d'urgence, ses tenues sont pesantes. Elle entra avec une garde qu'elle connaissait plutôt bien. Il faut dire qu'elle avait entendu des belles paroles à son sujet, sur ses faits. Elle ne voulait pas la mettre dans l'embarras, mais elle savait et espérait que cette jeune femme irait loin. Une chose traversa l'esprit de la reine, trop inquiétée de son retard qui avait couru comme une antilope dans le couloir. Les pas de sa garde étaient un peu plus éloignés que d'habitude. Elle n'osa pas se retourner de suite, mais lorsqu'elle monta sur le trône, elle soupçonna dans quelle condition elle avait pu la mettre... Comment dire c'était gênant... Son inquiétude lui avait fait oublié ce détail pourtant voyant qu'elle avait aperçu bien avant... Elle mordit sa lèvre en lui souriant... Elle savait que ses inquiétudes passagères pouvaient nuancer ses agissements. Elle n'avait pas tenu compte d'elle... Sa garde avait un ventre arrondi, elle avait dû .... endurer de plus grandes difficultés que la sienne pour suivre cette allure imposée.
" ... Je croyais être en retard. Excusez moi, nous aurions pu prendre plus notre temps."
Du regard, elle cherchait un siège pour se racheter, elle aimait que chacun puisse être à son aise, surtout ceux qui donnaient de leur temps pour une meilleure vie au château. C'était indigne d'elle... Elle n'osait pas lui dire frontalement encore. Elle s'avança vers un siège situé plus contre le mur pour le rapprocher d'Aube.
" Je crois que peu de monde va venir aujourd'hui, aussi si vous souhaitez vous reprendre... "
Elle se mordit la lèvre, elle ne supportait pas être ainsi à côté de la plaque. Au moins, elle avait à présent de quoi mieux se reprendre. Allys espérait juste qu'elle accepterait. D'ordinaire, les gardes se tenaient toujours debout afin de mieux intervenir en cas d'intrusion ou d'une nécessité. Comme il n'y avait personne pour le moment, cette combattante pouvait au moins prendre le temps qu'elle voulait tant que personne n'était annoncé. La reine n'était même pas montée sur son trône, elle avait secrètement envie d'échanger avec elle. Elle avait toujours admiré les personnes qui savaient remplir tout comme elle leur devoir et était fidèle à leur condition...
" Vous serez mieux assise, croyez-moi." continua-t-d'encourager.
Un soupire bruyant m’échappe. Faire le pied de grue devant les appartements de la reine de bon matin est un peu la partie la moins plaisante de ma mission du jour… Certainement l’une des dernières même avant de changer d’affectation pour cause de bébé trop fatiguant. Ce n’est pas comme si ma mission d’aujourd’hui était vraiment à risque de toute façon. Suivre la Reine comme son ombre au cas où, c’est un peu comme des vacances… Avant d’une alerte ne me pousse à devoir sacrifier ma vie pour la Reine, le royaume sera certainement à feu et à sang. Mission qui commence très tôt, fort heureusement mes nausées matinales se sont calmées… Postée bien droite juste à côté de la porte, une main sur le pommeau d’un sabre, j’entend la Reine s’activer depuis un bon moment maintenant. Je me demande bien ce qui peut prendre autant de temps, certainement un secret de reine. Prenant mon mal en patience, je me dis que cela pourrait être pire… Je pourrais être dehors pour effectuer les rondes de sécurité en pleine chaleur au lieu d’attendre au calme et au frais.
Cette attente presque passive me laisse le temps de réfléchir à ma situation… Il est clair que je ne vais plus pouvoir assurer physiquement mon poste d’ici peu de temps. Mon ventre s’arrondit de plus en plus, signe que le bébé grandit bien au détriment de mes forces… Je soupire en passant une main sur mon ventre, un passage au tailleur va s’imposer… La plupart de mes vêtements ne me vont déjà plus. La sortie de la Reine Allys me fait sursauter. Telle une furie, elle déboule dans les couloirs aussi rapidement que sa robe semble lui permettre. Je me précipite à sa suite sans un mot bien trop occupée à gérer ma respiration pour ne pas mourir sous l’effort imposé… Malgré mes efforts pour me tenir suffisamment proche d’elle pour assurer sa sécurité, je me retrouve distancée de quelques pas lorsque nous arrivons à la salle du trône. Les gardes royaux assurant la sécurité à l’entrée me lancent un regard désolé lorsque je passe entre eux à la suite de la Reine. Laissant ma Reine s’installer, je prend directement la place qui m’est destinée non-loin du trône. Assez loin pour ne pas déranger ma Reine mais assez près pour pouvoir la protéger en cas de besoin. Précaution nécessaire même si je me demande qui serait assez idiot pour attenter à la vie de la Reine Allys dans le Palais. Je me tourne vers elle lorsque je l’entend s’excuser d’avoir forcer le pas. Me mettant au garde à vous, je m’excuse d’incommoder les pensées de sa majesté.
Ce n’est pas un souci votre Majesté, nous nous adaptons à vos besoins.
Quand bien même je soit enceinte, la famille royale passe avant mon bien-être. Mes yeux s'écarquillent lorsque je la voit se diriger vers un siège placé contre un mur. Je reste pantoise lorsqu’elle rapproche le fauteuil de ma place en me proposant de m’asseoir… Les ragots de la Caserne décrivant la reine Allys comme une personne merveilleuse à l’écoute des gens autour d’elle ne sont donc pas exagérés… Les yeux pleins de larmes, je m’incline devant elle.
Je vous remercie ma Reine, votre sollicitude me touche vraiment.
Le protocole voudrait que je refuse poliment mais comme elle me le fait remarquer, il n’y a pour le moment personne pour échanger avec la Reine et donc aucune menaces. Et, je dois bien avouer qu’après la course imposée, je ne me sens pas aussi vaillante qu’habituellement… Assise, quelques larmes coulent le long de mes joues sans aucune raisons… Honteuse de me montrer ainsi devant une personne aussi importante, mes oreilles et ma queue s’affaissent mollement.
Mes excuses ma Reine… Cela m’arrive sans raison depuis quelques temps…
Elle sait certainement les problèmes posés par une grossesse vu qu’elle a eu deux enfants… J’essuie sans ménagement les larmes et lève des yeux inquiets vers la Reine qui se tient toujours près de moi.
Ma Reine ? Puis-je faire quelque chose pour vous ?
Même si ma mission est de la suivre comme son ombre en toute circonstance, je ne me voit pas ne faire que cela et ne pas veiller à ce qu’elle se sente bien.
Elle avait déjà observer cette femme renarde bien des fois, elle lui paraissait si pleine de vie. Elle l'attestait une nouvelle fois bien que Allys n'ait pas eu l'impression d'avoir fait quelque chose d'exceptionnelle. Elle lui sourit sincèrement puis finit par un petit rire amusé. Elle dit simplement en cherchant un siège pour se poser près d'elle.
" Actuellement, vous savez, je n'ai pas de besoin qui pourrait être rempli dans l'immédiat, mais... parlez-moi de vous. Nous avons bien le temps d'échanger, surtout que comme vous le constatez les foules ne se pressent pas en cette matinée... " Elle lui fit un regard chaleureux, un peu attendrie, un brin curieuse et... se mordit la lèvre en tentant de résister à certaines questions qui se bousculaient. Elle espérait que son service n'avait pas compliqué sa grossesse... Oh elle avait vraiment tout d'une future maman. Elle avait toujours eu une envie de protéger ceux qui étaient affaiblis comme une sorte de mère dans le sens le plus large du terme. Elle espérait n'avoir pas manqué de jugement dans d'autres circonstances, auquel cas elle s'en voudrait certainement.
" Ne vous en faites pas ... je me demandais juste si tout se passait pour le mieux et... enfin je suis à votre écoute"
Franchement, elle se sentait indiscrète, mais tout de même il s'agissait peut-être là de sa visite du matin. Cette fois ce n'était pas quelqu'un de l'extérieur venu échanger avec elle, mais une personne de son personnel. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle se sentait très proche, mais elle avait une certaine empathie, disons le. Elle était tout à fait disposée à entendre des réclamations, des questions... des doutes peut-être même si la jeune femme ne lui donneraient peut-être pas. Service oblige. Très bien, elle allait lui montrer en insistant ses intentions.
" Vous êtes pour le moment ma visite du matin, j'ai tout mon temps à vous consacrer. "
Les racontars de la Caserne ne sont pas toujours faux finalement. La reine Allys est bien comme mes collègues la décrivent. Une femme belle, avenante et attentive aux personnes qui l’entoure. Alors que c’est moi qui doit la protéger, je dois bien avouer qu’elle prend plus soin de moi que l’inverse… La traversée au pas de course du palais n’a pas été de tout repos et m’a littéralement vidée de mes forces. Prenant le temps de s'installer à côté de moi comme une personne lambda et non comme il sied à une reine, elle me demande de lui parler de moi. Une moue d’incompréhension se dessine sur mon visage ce doit être une caractéristique des nobles de se montrer curieux. Mais de là à ce que la Reine en personne s’intéresse à mon cas… Rougissant, je pose mes mains à plat sur mon ventre.
Je ne sais quoi dire votre Majesté.
Le regard chaleureux qu’elle porte sur moi me fait penser à celui de ma mère lorsqu’elle regardait mes soeurs durant leurs grossesse. Celui d’une mère heureuse de voir sa fille avoir un bébé à son tour. Un petit sourire se dessine lentement sur mes lèvres mais reste timide. Discuter ainsi avec la reine est stressant pour quelqu’un comme moi même si elle se montre rassurante et affirme juste vérifié que tout va bien pour moi. Mon sourire s’affirme lorsqu’elle déclare sans ambage qu’elle me dédie son temps puisqu’il n’y a personne d’autre pour venir échanger avec elle.
Merci de prendre tant en considération mon état, ma Reine. Pour l’instant, tout semble bien se passer, Bébé a enfin fini de me torturer à longueur de journée.
Et vue les nausées que je me suis payée durant plus d’un mois, ce n’était pas gagné… Maintenant, je n’ai plus que des douleurs dans le dos et une grosse fatigue le soir. En plus d’un ventre qui semble s’arrondir de jour en jour…
Même si on ne forme pas une famille, le père est là pour suivre la grossesse. J’espère qu’il le sera toujours à la naissance. Enfin… Il a l’air plus ou moins heureux d’avoir un enfant…
Les mots de mon amant me revinrent d’un coup. Il s’est dit “peu affecter” pour le moment… Qu’adviendra t-il lorsqu'il me verra avec le bébé dans les bras ? Ma mine s’assombrit à l’idée qu’il puisse nous abandonner le bébé et moi…
Allys n'était pas le genre de personne à s'en offusquer. Sa grossesse avait tout l'air d'être une épreuve. Elle se souvint encore des siennes survenues assez rapidement après sa rencontre avec Grimvor. Elle était si heureuse et chacune d'elle avait son histoire, ses nuits d'insomnie, ses pensées, ses projets d'avenir. Elle avait adoré se projeter durant ces moments. C'étaient de vrais bouleversements dans sa vie... sa vie qu'elle avait partagé avec tous ces êtres qui lui avaient apporté tant de bonheur. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle n'avait pas du tout souffert, non ça elle le concédait complètement ; c'était aussi une épreuve. Cette jeune femme semblait savoir où elle avançait tout en endossant patiemment jusqu'à l'heureuse venue de ou des enfants d'ailleurs...
" Ce devait être compliqué avec votre fonction, je présume.. D'autant que... sans vouloir vous brusquer votre corps a beaucoup changé... Je m'en veux encore de ne pas l'avoir remarqué... "
Allys se mordit les lèvres, elle venait de dire à une femme qu'elle avait trop grossi. A force de chercher les mots, elle en venait à céder à une espèce de facilité déconcertante impropre à sa fonction.
" Excusez ... mais vous savez, vous me faites beaucoup penser à une amie qui a eu des jumeaux, il y a peu. Des amours. Comme vous, sa grossesse n'a pas été sans inconvénient, disons le. C'était même plutôt éprouvant. Elle était soulagée comme vous quand ses bébés se sont un peu assagis. Cela a dû vous faire plaisir de dormir à nouveau correctement."
Ce que lui dit Aube ensuite l'inquiéta de façon peu visible, elle avait senti des petits picotements qui ne présageaient rien de bon. Dans ce genre de moment, elle avait une position idéale pour aider, mais également délicate.
" L'essentiel c'est que vous vous projetiez avec cet enfant, vous savez qu'en travaillant ici ; vous ne serez jamais seule. Il y aura toujours une personne pour vous soutenir. Ce père a de la chance de vous avoir, vous avez l'air de vouloir le meilleur pour ce ou ces enfants. Vous savez ... vous êtes une personne bien, je le sens bien"
Comment ne pas comprendre comme une pointe d'incertitude dans ce qu'elle venait de lui dire ? Elle lui parlait de famille en disant que le père était plus ou moins heureux.... Ce plus ou moins était de trop à n'en pas douter. Allys sentait cette gêne qu'elle avait toujours, mais elle était heureuse qu'elle lui fasse cette confidence.
" Les personnes invoquant le mot famille ont toute mon estime. Elle est tellement importante également pour moi. Je suis convaincue que vous saurez lui ou leur en offrir une famille qui vous correspondra à tous".
Elle ignorait combien de membres cette famille pouvait comporter. Une famille rassemble avant tout des personnes qui s'aiment : le lien du sang peut être une base mais n'est rien de plus qu'une branche sur laquelle s'appuie ce mot. Lorsqu'elle parlait, on sentait tout le dévouement qu'elle pouvait déployer pour ceux qu'elle aimait. Allys se ravisa en toussotant un peu. Elle pouvait elle aussi être gênée de montrer ses sentiments. Elle se mit à sourire doucement.
" Nous passons tous par des chemins différents, mais vous voyez nous ne sommes pas si différentes."
Est-ce que j’ai bien entendu ? Sa majesté vient-elle de m’annoncer qu’elle pense que j’attend non pas un enfant mais peut-être deux ? Déjà un seul bébé est une source infinie de stress alors deux ! Pourquoi Lucy, pourquoi moi ? Elle se trompe… Elle se trompe forcément, je ne peux pas attendre deux petits, je ne pourrais jamais assumer deux bébés ! Je vais vraiment avoir besoin de Ryuji pour m’aider si j’ai bien deux bébés dans le ventre… Un “deux” m’échappe dans un soupire alors que mes oreilles s’affaissent lamentablement. Jusqu’à ce que j’évoque Ryuji et l’absence d’une réelle famille autour de cet enfant. Non, je refuse d’envisager qu’il puisse y en avoir plusieurs ! Les mots de la reine me laissent interdite… Du soutien, j’en reçoit un peu sous la forme de ma prochaine mutation à l’Académie et de mes collègues gardes toujours prêts à me délester d’un tour de garde éprouvant. Ryuji aussi aimerait bien me soutenir plus mais c’est moi qui refuse… Je ne veux pas me retrouver enchaîné à un homme juste parce qu’il m’a mise enceinte…
Une famille… C’est compliqué ma Reine… Ryuji et moi… On est pas mariés, on est même pas un couple amoureux… Juste des amants qui ont eu le malheur de donner la vie… Je crois bien qu’il serait prêt à me prendre pour épouse si moi-même je ne repoussais pas cette idée.
DIfficile sûrement de comprendre cette situation pour elle qui n’a jamais connu ce genre de situations. Les nobles n’ont pas la même façon d’envisager la vie que nous autres simple peuple. Même si je suis bien obligée de mettre un peu mon avenir entre les mains de Ryuji, je reste une renarde indépendante éprise de libertée. Les mots d’Allys me transperce comme une flêche tant par leur sens que par les sentiments qui transparaissent dans sa voie. A n’en pas douter sa famille est importante et elle l’aime d’un amour inconditionnel. J’ai un peu honte de moi face à tant d’amour, moi qui n’arrive pas à ressentir un véritable amour pour le bébé qui grandit en moi… Je dois bien ressentir quelque chose au fond de moi pour avoir décider de continuer la grossesse mais rien qui ressemble à un amour comme la reine peut ressentir pour sa famille… De nouveau les larmes aux yeux, je me cache le visage pour ne pas montrer mes larmes à la Reine lorsqu’elle évoque nos similitudes. Parler ainsi à coeur ouvert avec elle a ouvert la boîte de Pandore de mon coeur laissant s’échapper mes craintes, mes doutes…
J’ai peur ! Et si je n’arrive pas aimer ce bébé ? Et s’il n’est pas comme moi ? Est-ce qu’il arrivera à s’identifier à une mère si différente de lui ? J’ai peur de l’avenir… Ryuji sera t-il toujours là quand j’aurai le bébé dans les bras ? Est-ce qu’il n’aura pas peur lui aussi le moment venu…
Bien que je lutte pour ne pas pleurer, de lourdes larmes s’échappent de mes yeux accompagnant mes sanglots dans ma crise de panique. Une panique essentiellement centrée sur l’avenir et ma rencontre avec ce bébé non désiré mais si innocent...
Allys gardait son regard braqué sur elle dans l'espoir qu'elle parvienne à se confier à elle. En ce moment, c'était un sujet sensible de son côté, mais elle ne souhaitait à personne de souffrir d'inquiétude face à un certain sentiment de solitude. Elle n'avait pas eu à se plaindre, mais elle savait combien la solitude pouvait lui peser quand ses doutes et son inquiétude l'assaillaient. Sur le coup, elle se rendit que sous le coup de l'émotion, elle n'avait pas fait attention à cet unique mot pourtant lourd de sens " malheur".... Elle ne souhaitait donc pas cet enfant... Non, ce n'était pas cela ... Que voulait cette jeune femme ? Dans quoi s'était elle embarquée ? Alyss gardait son émotion intacte de toutes ces questions qui bouillonnaient en elle doucement. Elle voulait l'aider de son mieux. Ses doutes vinrent exploser peu de temps après où elle explosa sur sa remise en cause de son rôle de mère et sa capacité à prendre cette charge... Raison de plus si elle est enceinte de jumeaux... Que venait de dire Alyss... Après l'avoir fait trotter, voilà donc qu'elle en venait à la faire craquer. Elle mordit sa lèvre discrètement. Alyss rapprocha son siège pour passer son bras autour de ses épaules et lui tapoter le dos doucement. Elle invitait à ce que tous ses doutes sortent d'elle, qu'ils aillent vivre leurs vies ailleurs.
" Qu'est ce qui motive cette peur ? Dis moi... Depuis quand ressentez-vous cette peur ...? Vous savez il est difficile d'assumer certains choix ou même de suivre une route que l'on s'est promis de suivre... ".
La reine s'écarta d'elle pour se placer non pas à côté mais face à elle. Elle ne voulait pas l'accompagner dans ce témoignage poignant mais qu'elle s'accroche à elle pour se défaire un peu de cette crainte trop virulente.
" Vous savez... j'étais destinée à devenir reine.. On pourrait croire que je ne me suis jamais posée de questions. La vérité c'est que seuls ceux qui veulent bien faire, se préoccupent sont ceux qui s'en sortent. J'ai passé des nuits d'insomnie plutôt désagréables... j'ai eu peur d'être seule, j'ai eu peur de ne pas savoir comment procéder et pourtant j'ai trouvé du soutien, j'ai trouvé la force... J'ignore si cela vous aide, mais... ne vous laissez pas abattre. Si les réponses ne peuvent venir aujourd'hui, vous ne devez pas précipiter"
Elle oubliait le décès de son père qu'elle avait dû non seulement voir enterré dans le sens propre du terme mais aussi dans le sens abstrait. Sa mère ne pouvait plus gouverner, elle devait prendre sa place. Point final. C'était comme cela. Et pourtant, c'était bien le moment le plus éprouvant de sa vie. Elle prit par les épaules la jeune femme pour la redresser tout doucement.
" Vous êtes devenue garde royale. Vous en avez bravé des dangers, celui-là est identique aux autres. Vous saurez faire au mieux. Vous êtes arrivée jusque là c'est bien une preuve de votre efficacité. Vous savez j'ai un fils qui est très différent de moi, cela n'empêche pas que je reste sa mère à ses yeux et que nous avons partagé de bons moments... La différence n'est un obstacle que si vous l'identifiez comme telle... "
Elle voulait la pousser à aller de l'avant à son rythme en croyant en elle. C'était beaucoup de choses certes, mais si elle pouvait lui transmettre un tant soit peu d'espoir et d'optimisme elle le ferait. Elle lui tendit ses deux mains avec un air énigmatique.
" Puis-je vous montrer quelque chose...? "
Peur, peur irrationnelle de l’avenir, peur de ne pas être capable d’assumer mon choix de sauvegarder la vie de cet enfant innocent. Recroquevillée sur mon siège, les larmes coulent en un flot ininterrompu tachant mon chemisier presque trop petit pour se refermer sur mon gros ventre. Le contact doux de la Reine qui me serre contre elle et me tapote le dos me fait sursauter. Ses questions résonnent en moi comme une multitude de coups de massues faisant écho à mes craintes et peurs. A travers mes larmes, je bafouille une réponse à ses interrogations l’origine de mes peurs qui me tiennent éveillée une bonne partie de la nuit au fur et à mesure que mon ventre s’arrondit et que la naissance approche.
Je… Je n’ai pas pu… Il est innocent, je n’ai pas pu me résoudre à le priver de sa vie… Mais, je ne suis pas prête… Je ne sais pas m’occuper d’un bébé !
Aussi loin que je me souvienne, j’ai fui ce que ma mère voulait m’apprendre préférant me promener en forêt comme une renarde libre de toute attache. Changeant de position pour se placer devant moi, Allys essaye de me rassurer en me racontant son ressenti lorsqu’elle a dû prendre la place de Reine d’Aryon avant de continuer en me parlant de sa relation avec le prince. Des mots non pas d’une reine à son sujet mais d’une mère ayant l’expérience à une future mère apeurée par l’avenir… Des mots que ma mère a certainement prodiguée à mes soeurs avant de disparaître. Levant mes yeux embrumés par les larmes vers elle, je ne sais quoi lui dire. Au fond, je sais qu’elle a raison, demi-renarde ou pas, je reste la maman de ce bébé qu’il soit normal ou demi-animal comme moi… Mais, cela ne m’empêche pas d’avoir peur du regard innocent de l’enfant qui grandit en moi. Je me force à faire un petit sourire à la Reine décidant que j’ai déjà bien trop abusé du temps qu’elle m’accorde.
Merci, ma Reine… Vos mots me touchent vraiment.
D’une main, j’essuie les larmes coulant sur mes joues mouillant un peu plus mon chemisier et me redresse. Plus que jamais, je comprend pourquoi notre royaume est aussi prospère. Avec une reine aussi bienveillante, il ne peut en être autrement. Je cligne des yeux incrédules lorsqu’elle me tend ses mains m’invitant à les prendre. Je m'exécute un brin inquiète tout de même.
Tout ce que vous voulez ma Reine…
Une demande bien mystérieuse mais elle est le genre de personne en qui ma confiance est entière. Le contact de ses mains contre les miennes est chaud réchauffant imperceptiblement mon coeur et me réconfortant en me donnant l’impression d’être soutenue par la femme d’expérience qu’elle est.
" Je suis désolée, nous devons nous rendre dans une pièce plus éloignée dans le palais. Elle n'est pas si loin mais nous devons quitter cette pièce. Je veux vous remettre quelque chose... Vous pouvez vous placer à mes côtés, je ne pense pas qu'il y ait de dangers dans ces couloirs pour aujourd'hui."
Elle avait toujours vécu dans la vie de château sans jamais remettre en question tout ce qui pouvait s'y dérouler sauf une fois qu'elle avait été amie avec une domestique. Elle refusait qu'elle la précède. Très souvent, si on la connaissait, elle agissait ainsi pour montrer un certain lien du moins une volonté de pas être la reine, mais une personne voulant s'investir. Cette simplicité, elle l'avait retrouvée en son époux. A ses côtés, elle avait pu développer cette envie de vouloir offrir ce qu'elle souhaitait réellement tout en gardant sa place.
" Dans deux minutes, nous y serons... ne vous inquiétez pas, j'en prends toute la responsabilité."
Elle ne voulait pas que la jeune femme ait un blâme alors qu'elle allait obtenir une promotion, ce serait malvenu. Elle marchait doucement en se disant qu'en plus cela lui ferait sans doute du bien pour évacuer toute cette tension qu'elle avait bien senti. Elle imaginait assez ce que cela aurait donné d'élever ses enfants seule. C'était une épreuve terrible de remises en question, d'évolution dans un avenir incertain que même les yeux brillants d'un enfant ou le coeur battant d'une mère ne peuvent taire.
" Quand vous aurez votre promotion... que voudrez-vous faire en premier, dites moi ? "
Des fêtes, des projets, elle pouvait tout lui dire, elle était prête à l'entendre. Elle voulait qu'elle parte avec du positif et dans l'idée qu'elle n'était pas seule, que d'autres pouvaient la comprendre et la soutenir. Elle n'avait pas besoin d'elle pour le savoir mais elle tenait à renforcer ce sentiment. Le couloir s'élargissait de plus en plus ouvrant sur de multiples portes. La reine sortit une clé de sa manche. Les robes bouffantes avaient un côté positif, on pouvait y ranger son petit havre de paix sans que personne ne le sache. Elle lui fit un sourire confiant en lui faisant signe d'attendre. Elle avait en plus du jardin une pièce qui était sa petite salle aux trésors... trésors qui n'avaient plus rien à voir avec sa vie d'avant. Comme elle mettait un certain temps avant de trouver la petite boîte, elle ouvrit la porte pour glisser une chaise assez petite en osier. Elle n'était pas très haute mais assez large pour supporter le poids d'un adulte.
A l'ouverture de la porte, on pouvait voir une sorte de caverne d'Ali Baba. Une partie de ses affaires avait été dispersée avec le temps, mais une partie de ce qui était important à ses yeux avait été entreposée dans cette petite salle qui faisait presque un cagibis si on regardait les autres pièces beaucoup plus spacieuses. Elle pouvait néanmoins entrer avec sa robe de reine plutôt imposante, donc tout allait bien, elle n'en demandait pas plus. Elle ouvrit un tiroir d'une petite commode blanche avec précaution pour en retirer une petite boîte en bois. Toute heureuse d'elle, elle fit un sourire. Elle contenait une montre à gousset qu'elle avait achetée lorsqu'elle était descendue en ville. Elle prit un papier pour griffonner des instructions. Cette montre avait un secret, certes elle indiquait l'heure mais son cadran se soulevait et pouvait accueillir des mots... Les siens s'y trouvaient encore. Elle les saisit tous pour les replacer dans le tiroir. Elle plaça un nouveau papier qu'elle laissa volontairement dépasser " Laisse le temps te guider, confie lui tes peurs et elles seront effacées." Elle avait gardé cette montre de longues années, à présent elle pourrissait dans ce musée sans y trouver une utilité. La reine sortit et tendit cette boîte en bois à Aube.
" Vous l'ouvrirez après notre rencontre.... promettez le moi".
Elle ne voulait pas prendre le risque qu'elle lui rende ou soit confuse en sa présence. Volontairement, Allys n'avait pas signé son mot. Ce n'était pas la reine qui lui faisait un cadeau, mais bien une femme répondant au nom d'Allys.
" Je vous propose de retourner à la salle du trône, nous avons encore je crois des choses à nous dire... Du moins j'ai encore des questions à vous poser."
Elle referma la porte, se retourna avant de constater que la chaise se trouvait encore à l'extérieur, elle sourit en ouvrant de nouveau la porte. Décidément, les gardes allaient être étonnés de trouver cette chaise d'enfant ainsi en plein milieu du couloir. Fort heureusement, elle allait reprendre sa place d'origine. Sur cette chaise, sa mère la prenait pour lui raconter des histoires quand elle était toute petite... Elle avait même eu envie une fois de l'emmener dans la salle du trône pour siéger comme une grande. Droite comme un i, rien qui dépasse avec un air sûre d'elle. Les souvenirs avaient quelque chose de précieux, c'est que nous pouvions en faire ce que nous voulions. Elle voulait se souvenir de bonnes choses pour transmettre le meilleur à ses enfants à l’époque de leur enfance.
"Bon... maintenant que tout est arrivé à sa place, où en étions-nous ? "
Plus surprise qu’autre chose, je me léve à la suite de ma reine qui semble avoir plus qu’une simple idée en tête. Prenant ma place de garde, à deux pas derrière elle comme cela est attendu de ma part, je lui emboite le pas les sens aux aguets. Chose pour laquelle, je me fait doucement remonté les bretelles par une Reine veillant à ne pas aller trop vite pour me ménager. Sans broncher, je me met à sa hauteur un peu gênée d’avancer ainsi de front avec sa Majesté comme si j'étais son égal… Allant même jusqu’à évoquer son envie de m’offrir quelque chose, elle me fait rougir et perdre tout mon sérieux.
Ce n’est pas nécessaire ma Reine, votre sollicitude est déjà un présent immense.
Je croise involontairement le regard de la femme que j’accompagne et détourne vivement le regard. Impossible de laisser quiconque lire le trouble de mon esprit au fond de mes yeux. Ou même la joie d’être ainsi écoutée par la Reine en personne et réconfortée par la femme d’expérience. Je me reprend à l’évocation du fait qu’elle prendrait la responsabilité si un de mes supérieurs apprenait que je ne suis pas à mon poste réglementaire. Mes oreilles virevoltent d’avant en arrière à vive allure guettant le moindre bruit suspect jusqu’à ce qu’Allys me demande quelle sera la première chose que je ferais après mon affectation à l’Académie.
Je ne suis pas certaine que cela soit une promotion mais je pense que j’irai juste profiter d’une soirée tranquille… Peut-être un bon bain chaud aux termes aussi. Je n’arrive plus à faire la fête toute la nuit et à attaquer mon service derrière au petit matin.
J’ai essayé, j’ai échouée à me lever le matin… Enfin si, juste pour vomir tripes et boyaux. Même les soirées chez Ryuji où je ne fais strictement rien me vident de mes forces dernièrement. Je souris lorsque l’on arrive enfin devant la pièce où Allys voulait se rendre. Je lève un sourcil lorsqu’elle sort une petite clef de sa manche bouffante. Qu’est-ce qu’elle peut bien cacher d’autre là-dedans ? Je me demande déjà comment elle fait pour se mouvoir avec un telle robe alors si en plus elle cache des choses dans ses manches… Je peste déjà bien assez quand je devais enfiler ma robe pourtant prévu pour me permettre de me battre si besoin, alors avec une robe comme la sienne, je me pends directement. Elle me fait signe d’attendre dans le couloir qu’elle revienne. Avec un signe de la tête, je m’installe à côté de la porte bien droite montant la garde. La curiosité me pousse néanmoins à jeter un petit coup d’oeil lorsqu’elle ouvre la porte. Une petite pièce remplie de nombreux objets et commodes s’ouvre derrière la porte. Peut-être une réserve personnelle de la Reine ou un endroit où elle entrepose des objets précieux pour elle… Dans tous les cas, je rougis en repensant au fait que la Reine elle-même veut m’offrir quelque chose. Je me demande bien ce qu’elle peut bien avoir en tête mais abandonne rapidement, je ne suis certainement pas câblé comme elle dans ma tête. Je me contente d’attendre jusqu’à ce qu’elle me donne une petite chaise en osier. Ne voulant pas blesser la Reine en refusant son geste, je m’assoie sans dire un mot restant attentive au moindre bruit.
Le passage d’une servante me donne une distraction pour ne pas penser aux bruits de crayons provenant de l’intérieur de la pièce. La femme relativement âgée me fait un sourire en passant. Certainement une réaction instinctive à ma grossesse puisque je ne la connais pas. Je soupire, qu’est-ce que cela va être lorsque j’aurai le petit dans les bras… Je me lève d’un coup lorsqu’elle sort de sa réserve. Une vive douleur me prend alors au bas du dos me tirant une grimace. Purée, je deviens impotante en plus… Cette grossesse aura ma peau ! Me tendant une petite boite en bois, elle me fait promettre de ne l’ouvrir qu’une fois mon service fini. Les joues rouges et ne sachant pas trop quoi répondre face à une telle générosité, je bafouille et manque de peu de pleurer à nouveau.
Merci ma Reine, je vous promet de ne l’ouvrir qu’à mon retour chez moi.
Curieuse, je me retient d’ouvrir tout de suite la boite pour en découvrir le contenu mais ne résiste pas à l’envie de vérifier par mes sens si je peux deviner le contenu. Pendant qu’elle ferme la porte, je renifle la boîte. Rien, hormis l’odeur douce et apaisante d’une Reine en or. Mes oreilles se montrent plus généreuse en captant un cliquetis étouffé. Un sourire malicieux se dessine sur mon visage lorsque je comprend qu’il y a un mécanisme quelconque dans la boîte. Sourire que j’efface bien vite pour reprendre mon sérieux de garde, je triche un peu pour le coup, je ne voudrais pas qu’elle en prenne ombrage.
Nous parlions de mon futur poste d’Instructrice à l’Académie, Majesté. J’assurerai une formation spécialisée dans la traque pour les futurs garde civile et royaux en cours de formation.
Un projet plutôt intéressant auquel je compte adjoindre quelques activités pratiques pour ces jeunes recrues. Autant dire que même enceinte, je ne compte pas rester inactive...
" C'est sûr que un tel train de vie ne serait pas envisageable. J'imagine que vous avez eu de belles soirées, elles reviendront plus tard. C'est une bonne chose de savoir relâcher la pression après une journée travail."
Une fois dans son antre secrète, elle espérait ne pas prendre trop de temps. Ses affaires n'étaient pas toutes à leur place ici. Cet endroit s'était rempli au fur et à mesure qu'il avait fallu dégager en urgence des affaires. Ses affaires royales prenaient toujours le pas sur l'organisation de toute pièce. Comme elle ne souhaitait pas voir de domestique dans cette pièce, elle se gardait bien de trop en faire part. En sortant elle dégagea ses cheveux pour les remettre derrière ses oreilles et ainsi voir cet air touché de cette garde. Allys était toute contente de lui faire plaisir. une fois la promesse annoncée, elle hocha la tête en fermant son petit local. Elle l'aurait pensé plus curieuse. Cette personne semblait si spontanée. Elle avait bien vu son air interrogateur, elle tentait de savoir sans ouvrir la boîte.
" Suis-je en avance ou en retard sur votre anniversaire ? " plaisanta t-elle en marchant toujours tranquillement. C'était si adorable de la voir désireuse de savoir ce qui se trouvait à l'intérieur. Allys aimait les cadeaux bien sûr, mais elle était devenue un peu indifférente aux cadeaux qu'on pourrait lui faire s'ils ne venaient pas d'une personne appréciée. Quand elle était adolescente avant qu'elle ne soit avec Grimvor, elle avait été courtisée de nombreuses manières. Les cadeaux s'étaient mis à pleuvoir sans raison et sans arrêt. Les cadeaux justifiaient un désir de reconnaissance ou une promesse. Elle en avait refusé bien entendu. Elle sentait comme une sorte d'indigestion. Elle préférait le cadeau venant d'une intention désintéressée ou d'une personne voulant marquer le coup. Ses anniversaires étaient identiques. Elle était comblée ... trop. Elle était attachée à ce qu'elle possédait, mais toutes ces attentions lui donnaient le mal de mer presque . " Vous devez sans doute vous demander ce qui m'est passé par la tête. C'est ma manière de marquer notre conversation, sachez que vous pouvez revenir vers moi quand vous le souhaitez vraiment... Même si je peux avoir des obligations, je saurais vous trouver un moment... Et au moins vous savez toujours où me trouver".
Par la suite, elle voulait retourner sur un sujet bien plus sérieux alors qu'elles entraient à nouveau dans la salle du trône. C'était comme si elles n'avaient parlé que de cela... Elles étaient retournées à leurs justes places.
" Vous aurez un poste clé dans l'évolution de la garde, je vais m'en remettre à vous pour leur donner toutes les bases nécessaires à leur évolution. Vous saurez, je pense faire au mieux. Je suppose que... " Elle parlait tout en rangeait une des deux chaises qu'elle avait sorties. Puis elle retourna sur son trône pour que tout paraisse comme d'ordinaire. Elle s'asseyait en se disant que vu le temps qu'il restait jusqu'au déjeuner, elle pouvait affirmer qu'il n'y avait pas foule. " Les audiences sont peu fréquentées en ce moment, j'espère que ce n'est pas un mauvais présage tout de même.... " laissa t-elle échapper en la laissant reprendre la chaise pour terminer cette matinée en sa compagnie... Elle se demandait si elle avait deviné pour son cadeau, si elle avait déjà des soupçons, mais l'heure n'était pas plus à ce moment mais à faire son devoir.
La plaisanterie d’Allys a propos de mon anniversaire me fait sourire. C’est une façon très policée de me dire qu’elle m’offre ce cadeau pour marquer quelque chose. Mon regard intrigué et ma tête penchée sur le côté dans une mimique très animale me trahissent la poussant à m’expliquer le fond de sa pensée. Venir déranger la Reine avec mes problèmes insignifiants ? Une chose impensable pour moi et pourtant c’est ce qu’elle me propose. J'acquiesce en silence incapable d’articuler trois mots au prise avec mes émotions faisant les montagnes russes. Il n’y a aucun doute permis, je donnerai ma vie pour protéger cette femme. Un coeur étincelant et généreux qui irradie de toute part comme elle se doit d’être protéger comme il se doit… C’est une promesse que je me fait, aussitôt mon ou mes bébés seront nés, je retournerai à la Garde Royale pour veiller à la sécurité de ma Reine.
Arrivant à la salle du trône, nous discutons de ma future position au sein de l’Académie de la Garde. Position somme toute temporaire mais non moins importante comparativement à ma position actuelle. Il faudra juste supporter les adolescents… Son commentaire se veut plutôt formel et protocolaire tandis qu’elle range une des chaises et s'installe sur le trône. Donner le nécessaire à ces jeunes pour devenir de bon gardes à l’avenir est la mission de l’Académie. Ce qu’ils feront de ces connaissances et compétences ne tiendra qu’à eux. La garde a déjà engendrée son lot de traître dont le dernier en date cours toujours… Montrer à ces jeunes que la Garde n’est pas qu’un ordre de guerriers dénués d’émotions est important selon les dires de certains instructeurs et je soupçonne que ma présence dans les murs de l’académie ne sera pas dû uniquement au hasard. En m’accordant sa confiance pour cette mission au sein de l’Académie, la Reine me fait un grand honneur. En réponse, je me met maladroitement à genou.
C’est un honneur votre Majesté que de servir la Garde. Je donnerai mon maximum pour combler les espoirs que vous mettez en moi. Je veillerai à ce que les futurs gardes soient aussi fort qu’intelligent afin qu’ils remplissent pleinement leur mission.
Son inquiétude concernant le faible nombre d'audience ces derniers jours ne m’a pas échappé. Avantage à rester longtemps dans le réfectoire à patienter au frais la majeur partie de la journée, j’entends beaucoup de choses. Et en particulier, les discussions de chacun concernant leurs affectations. Je peux dire sans détour que pour l’instant rien ne semble perturber les rangs de la Garde. Peut-être plus haut dans la hiérarchie mais cela n’est pas descendu jusqu’en bas. Je me relève, la position à genou me faisant mal au ventre.
A ce jour, nous n’avons pas eu de d’ordre concernant une éventuelle menace Majesté.
Il n’est pas nécessaire de parler de la disparition du prince. Toute la Garde est toujours sur le pied de guerre afin de le retrouver. Même une bonne partie d’entre-nous sacrifient leurs jours de repos pour partir à sa recherche. Chose que je ferai bien aussi si ma condition me le permettait… La tête basse, je rejoins la chaise initialement sortie pour moi et m’installe pour attendre que quelqu’un se présente pour discuter avec la Reine. Au bout d’un long moment d’un silence pesant sans que personne ne se présente, je me décide à prendre la parole pour lui poser une question qui me trotte dans la tête depuis un moment maintenant.
Ma Reine… Puis-je vous poser une question personnelle ?
La tête baissée, je fuis le regard de la Reine ne voulant pas lire un rejet dans ses yeux.
Est-ce qu’il vous est arrivée de douter vous aussi ?
Douter lors de ses grossesse bien entendu… J’ai peur de ne pas réussir à bien m’occuper de cet enfant mais tout le monde me dit que c’est normal et que je serais une bonne mère...
" Je n'en doute pas, c'est ce que j'attends de vous tous. Il est nécessaire de les forger dans un esprit de combattivité. Pour certains, ils ne connaissent pas je pense tous les dangers que cette fonction recouvre."
Dans un sens, elle n'avait pas tord. La faible demande d'audience n'était pas un sujet d'inquiétude... Pourtant Alyss la vivait comme telle... Elle espérait tellement de l'extérieur... Des nouvelles... Surtout sur un sujet. Sa perception était un peu déformée. Si peu de personne se présentaient pour de l'aide, c'est que le royaume n'avait aucune nouvelle menace. Dans un sens, elle ne se voyait pas avoir une nouvelle menace. Tout allait bien.... Il ne fallait pas chercher la petite bête et se rassurer sur ce point. Le temps allait lui paraître bien long sans avoir des nouvelles de son fils. Elle soupira en se concentrant sur ces petits qui verraient le jour, sur ces futurs formés qui trouveraient une formatrice compétente et sur ce peuple qui semblait bien se porter... Tout allait bien... Rien ne devait montrer qu'elle se montrait impatiente de certaines nouvelles ou son trouble face à cet événement. Sa garde semblait un peu dans ses pensées puis s'avança pour se mettre à genoux, ce qui devait lui faire un mal de chien. Alyss se retenait de la mettre en garde, mais elle ne voulait pas non plus trop la cocooner.
" Vous avez bien raison... Le royaume se porte bien." affirma t-elle très simplement sans chercher à se répandre davantage en explications. Elle était bien satisfaite d'ailleurs de ne pas parler de son fils. Lorsque son mari et elle en avaient discuté, ils avaient glissé sur d'autres sujets qui avaient pour le moment cautérisé une blessure intérieure tenace. Peut-être en aurait-elle le besoin de l'évoquer mais le moment n'était pas encore venu. Un long silence s'installa encombrant ainsi tout l'espace à sa façon? La reine souriait simplement en songeant qu'elle serait bien allée en ville... se changer les idées. La distraction ne serait pas forte, mais cela l'aiderait peut-être à avoir des idées plus claires même si pour le moment les jardins remplissaient à merveille cette fonction. Aube semblait tourner la tête vers elle, aussitôt l'attention de la reine se retrouva happé par son interlocutrice, la bénissant presque de briser ce silence. Sur le coup, elle se décrispa un peu comme le sujet épineux venait d'être sauté, elle allait pouvoir ... évoquer autre chose.
" J'essaierai de vous répondre. Laquelle est-ce ?" La reine se demandait de quoi il allait s'agir. Allait-elle revenir sur ce qu'elle lui avait dit ?... La questionnerait-elle sur son rôle ? ... Elle attendait patiemment en se demandant quels seraient les traits de cette question si personnelle. Elle lui évoqua cette idée de doute... Allys se demanda à quoi se rattachait cette question.
" Douter de moi même ...? Douter de mon rôle ..? Qu'est-ce que tu voulais me demander exactement ? Par rapport à tes propres doutes sur le fait d'avoir un enfant...? Ce qu'il en est pour moi...? J'imagine que tu voudrais avoir mon vécu de mère. Tout s'est passé très vite... J'étais amoureuse et j'ai cru que cela effacerait tous les doutes... Mais ce que je me dis... c'est que les doutes apparaissent partout si on y est sensible, oui j'ai douté. Et puis ... enfin je ne désirais pas les partager en pensant qu'ils étaient indésirables. Les doutes font partie de moi, de toi ... de nous.. Ils nous composent et nous construisent. Celui qui ne doute pas... je pense ne peut aller loin. Tu en en ce moment en train d'apprendre quelque chose, c'est une nouveauté... Forcément tu réagis, tu te crispes, tu refoules cette idée qui t'insupporte mais elle grossit..."
Ses doigts s'enfoncèrent dans le bois du trône comme si le danger était perceptible non loin. Pas une seule fois sa voix n'a faibli, elle était claire, assurée comme si elle savait où elle allait. Elle voulait inspirer ce sentiment pour que à son tour il inspire comme une sorte de spirale. Sauf que ce sujet était tellement fort en ce moment qu'il l'avait fait la tutoyer sans qu'elle y attache de l'importance. C'était si cela allait de soi et qu'elle s'adressait à une amie qui souhaitait du réconfort. Elle sentit ce même sentiment battre légèrement en elle. C'était agréable.
"Ne les gardez jamais pour vous... il y aura bien une oreille pour vous écouter. "
Comme elle n'avait nullement conscience de l'avoir tutoyée, le vouvoiement revint non pas comme une mise à distance mais plutôt comme une sorte de reconnexion naturelle.
" Cela ne fait pas de vous une mauvaise mère, juste une mère lucide qui sait quel sera son rôle. Vous n'avez pas à vous blâmer... au contraire... Vous êtes sur la bonne voie... même si elle est difficile."
Apprendre à être un bon soldat auprès de père ne m’a pas vraiment laissé l’opportunité ni même l’envie d’apprendre tout ce qu’une bonne mère doit savoir pour s’occuper de son enfant. Comment nourrir un bébé, comment différencier ses pleurs, comment s’en occuper tout simplement… Autant de choses que je n’ai jamais voulu apprendre alors que mère était en vie et qui aujourd’hui participent à mes angoisses de future maman. Ma question est peut-être trop personnelle… Personne n’aime parler de ses doutes et angoisses, une Reine ne fait certainement pas exception. Aux première phrases, je me mords la lèvre comprenant que je n’ai pas été assez précise dans ma question.
Finalement, elle continue en supposant que je voulais parler de ses grossesses. Parler de mère à future mère. Son discours me laisse sans voix, captivée par son assurance à prendre mes doutes comme une force et mes angoisses comme un simple cailloux sur la route. Admirative de la force d’esprit de ma Reine, une larme coule le long de ma joue alors qu’elle me décrit cela comme un apprentissage de la vie. Son assurance est réconfortante trahissant également un amour fort pour sa propre famille. Un hochement de tête vient simplement conclure son discours plein de sagesse avant qu’elle ne me conseille de ne pas garder mes angoisses pour moi. Peut-être que je devrais en parler plus à Ryuji… C’est son enfant aussi après tout et il est toujours là pour moi comme il le dit si bien lui-même.
Prête à remercier Allys pour la passion et le réconfort qu’elle me prodigue depuis tout à l”heure, cette dernière continue faisant gonfler mon coeur sous l’émotion. Je porte mes mains à mon visage pour essuyer les larmes qui se sont mise à couler à flot. Entendre dire que je serai une bonne maman pour ce bébé est peut-être tout ce que j’attendais. Que cela vienne de la Reine elle-même n’est rien comparé à l’émotion causé par ces mots. Le chemin sera difficile d’ici à ce que bébé naisse enfin. Et là démarrera un nouveau chemin peut-être encore plus ardu. Mais la foi d’Allys en ma capacité à être une bonne maman me touche au plus profond de mon être. Recroquevillé sur ma chaise, je remercie la femme pour toutes ces paroles qui me font un bien fou.
Merci… Vous n’imaginez pas comme vos paroles me rassure ma Reine. Merci à vous…
Cette discussion a coeur ouvert avec la Reine m’a fait du bien. Partager avec elle, qui a déjà eu des enfants, m’a fait ouvrir les yeux sur la réalité de ma grossesse et un peu angoisser de part son avis sur la possibilité d’avoir non pas un mais deux ou plus bébés dans mon ventre...
" Je l'espère... mais vraiment sache que je serai à votre écoute. Je crois qu'il va être l'heure du déjeuner... Nous serons en retard mais cette fois" commenta t-elle en se levant " Nous irons à un rythme moins rapide, cela nous laissera le temps de discuter en chemin à nouveau"
Allys cherchait à prolonger ce moment autant que faire se peut. Elle savait bien que viendrait une relève et encore heureux pour cette future maman. La reine savait bien qu'elles ne resteraient ensemble que juste le temps de s'y rendre.
" Si jamais vous souhaiter vous reposer, je peux également m'y rendre seule. Je comprendrai également, vous en avez aussi beaucoup fait. Qu'aurais-je fait seule dans cette grande salle bien de trop vide ?... Au plaisir... Oh j'aurais simplement une dernière question... je me demande quels noms vous choisirez, redites le moi dès que votre choix serait fait... A bientôt"
La reine se disait que c'était bien mieux ainsi. Elle allait pouvoir se reposer. La pauvre avait été si secouée, qu'il lui fallait au moins cela. Elle se leva de son trône en redressant sa longue robe pour ne pas se prendre les pieds dedans. Même si elle était étourdie, elle n'avait rien d'une maladroite. Son maintien hors de la salle de réception ne faisait que le conformer. Elle regarda un instant sa garde pour savoir quel était son choix et allait procéder ensuite vers le reste de sa journée. Elle était bien satisfaite d'avoir pu aider une personne de son mieux. Cette émotion était une sorte de pansement face à ses inquiétudes, une vraie bénédiction.
Qui aurait pu imaginer que j'aurai une telle conversation avec sa majesté la Reine aujourd'hui ? Pas moi en me levant ce matin… Une oreille attentive et compréhensive, voilà ce qu'elle m'a accordée à la faveur de cette matinée peu occupée par ses obligations royales. Elle qui a déjà connu plusieurs grossesses s'est évertué à me réconforter et a calmer mes inquiétudes. Quittant son trône, elle annonce qu'il va être l'heure d'aller déjeuner mais qu'elle va veiller à ne pas me mettre dans une situation inconfortable sur le chemin proposant de continuer à discuter en chemin.
Votre sollicitude me touche ma Reine. Vous accompagner est un réel plaisir.
Bien moins fatiguant que de courir après le Roi qui a la bougeotte. La relève ne tardera pas et devrait se faire pendant le repas de la Reine. Cela me fait mal de l'admettre mais ce service de garde rapproché est bien plus éprouvant que je l'avouerai. Être enceinte est vraiment un état qui ne me scie guère. Je hausse un sourcil interrogateur lorsqu'elle me propose de ne pas l'accompagner afin d'aller me reposer.
Je vous accompagne, je m'en voudrais de ne pas être présente s'il se passait quoi que ce soit.
Que cela soit en cas d'agression ou quoi que ce soit d'autre… Elle est une personne qui mérite d'être protégée. Son bon cœur est important pour nous simples citoyens. Son envie de connaître le futur prénom du bébé me fait sourire. Je n'ai même pas envisager de prénom… Est-ce que ce sera un garçon ou une fille ? Comment pourrais-je bien le ou la nommer...
Je ne sais pas, mais je suis heureuse d'avoir pu discuter ainsi avec vous. Le prénom, c'est une bonne question… Il faudrait que j'en parle au papa… Je viendrais demander un entretien pour vous le dire dés que cela sera décidé!
A la suite d'Allys, je quitte ma chaise prête à l'accompagner comme il se doit jusqu'à ce qu'un de mes collègues prenne la relève. C'est le cœur plus léger et une boîte contenant une surprise que j'emboite le pas à la Reine.