Aaah, Percy. Il avait encore progressé. Il était devenu limite imbattable, en fait. Il portait bien son titre d'épée du royaume. La caserne était un lieu de choix pour s'entraîner, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle Yunaëlle était ici, aujourd'hui. Même si elle savait se battre, elle avait encore du mal à manier les armes. Qui de mieux formé que Perceval pour l'aider dans cet objectif ?

« Eh, vas-y doucement, Percy. »

Elle ne se gênait pas de l'appeler par ce petit surnom. On lui avait dit quelques fois de ne pas le faire, mais elle s'en fichait royalement. C'était mignon, Percy. En plus, ça faisait plus intime, et moins formel.

« Ton rythme cardiaque est régulier malgré tout, c'est impressionnant, mais que dis-tu de- »

Ne jamais baisser sa garde. C'était sans doute le truc le plus banal au monde. Mais pendant qu'elle parlait, Yunaëlle avait fermé les yeux pendant une seconde. La seconde de trop, et maintenant, elle était au sol, les sourcils froncés.

« J'AI DIT DOUCEMENT ! » Cria-t-elle en croisant les bras, mimant une moue vexée.

Mauvaise perdante était sans doute le meilleur terme à employer dans cette situation. Même si elle savait qu'elle s'entraînait avec l'inflexible, elle avait horreur de se faire avoir aussi facilement.

« Mauvaise posture. Inattention. Tu parles trop, aussi. Les champs de bataille ne sont pas des salons de thé, Yunaëlle. » Il glissa lentement Avalon dans son fourreau.

Perceval n'était pas réputé pour sa complaisance. Ceux qui avaient la chance de s'entraîner avec lui en ressortaient souvent cabossés. Si son pouvoir et son talent inné avaient été une bénédiction lors de son apprentissage de l'épée, il n'en demeurait pas moins un fervent laudateur du travail acharné.

Comme instructeur, tout comme chef de famille, Perceval Constantin était un homme intransigeant.

« Tu as des aptitudes, je le sais. Ma foi, essaie de t'appliquer un peu, et peut-être que je t'enseignerai quelques mouvements utiles. » Il lui fit signe de se relever. « Je te laisse l'offensive. »

Le chevalier tapota le cuir de son étui.  

Il n'avait pas besoin de dégainer. Pas tant qu'elle jouait à la dame. C'était une façon de la provoquer, aussi bien que de la punir. Si elle attaquait mal, il lui ferait passer un mauvais moment.

Et dans le cas contraire...

Il ne préférait pas y penser.

Pas un salon de thé, pas un salon de thé... Non mais, il se prenait pour qui, celui-là, avec ses grands airs ? ... Ah oui, c'est vrai. Hmpf. Il fallait contrôler sa colère, perdre était légitime contre le meilleur épéiste du royaume. La demoiselle inspira un grand coup avant de se relever. Percy était là pour lui apprendre les techniques, il ne faisait pas office de joujou avec lequel Yunaëlle pouvait s'amuser.
Ce qui était fort dommage, d'ailleurs...

« Oh, tu me cherches ? » Dit-elle en le voyant lui « laisser une chance », comme si elle était nulle.

Yunaëlle n'était pas nulle. Yunaëlle, elle était belle, forte, intelligente. Elle allait lui montrer ce qu'elle valait, même si elle ne maîtrisait pas encore très bien le maniement d'armes.

« Très bien, reprenons. Si j'arrive à t'impressionner, on ira boire un thé ensemble, d'accord ? Parfait, merci de ton approbation. »

Elle n'avait pas besoin d'attendre sa réponse, ce n'est pas comme si elle lui laissait un quelconque choix. Maintenant, elle se mettait en position d'offensive, et, juste au moment où elle allait attaquer de front, elle tenta une feinte, faisant une petite acrobatie au passage pour se retrouver derrière lui. L'agilité de la demoiselle était pratique, dans ce genre de situation.

Peut-être que sa tentative était foireuse, elle n'en savait rien, mais au moins, elle avait tenté quelque chose de manière sérieuse, et ça, c'était déjà très bien.

La souplesse de Yunaëlle avait quelque chose d'admirable. Lui-même ne pouvait se targuer d'être capable de telles pirouettes.

Par malheur, elles avaient bien peu d'intérêt.

Perceval nota toutefois l'effort. Pendant un instant, il était parvenu à mouvoir la demoiselle. Par conséquent, il décida de la gratifier d'un présent. L'oisillon s'envola, et il alla frôler sa jambe de son gantelet. En un éclair, elle put ressentir un poids supplémentaire dans sa guibolle.

Elle réfléchirait sans doute à deux fois avant de sautiller.

« Je n'ai rien contre les styles décousus. Les sauts, par contre, c'est à bannir. » Il glissa sa main sur le pommeau d'Avalon. Une activation de son pouvoir en allégea le poids, et il dégaina. « Utilise ton agilité pour esquiver. Garde tes distances avec ton adversaire. »

Il pointa sa lame, et alla donner une petite frayeur à la demoiselle. Estoc, tranchant diagonal : s'il ne visait pas la tête, il lui donnait toutefois l'impression d'essayer de la toucher. Il fallait un minimum d'urgence.

Après une rapide passe d'arme, il parvint à toucher sa jambe droite du plat de sa lame. Choc rapide, peu douloureux, mais qui fit son office : le pouvoir l'alourdit à nouveau. Elle allait perdre en mobilité.

Et à nouveau, il attaqua. À force d'assauts, il comptait bien faire de ces esquives une question de vie ou de mort.

Handicap ou pas.

Perceval était fourbe. Yunaëlle aimait ça. Elle aimait ce style d'entraînement, c'était intéressant, et au moins, elle avait quelqu'un à son niveau ; enfin, quelqu'un au-dessus de son niveau, pour le coup. La jeune femme était reconnue pour son agilité, et si le blond pensait que cet alourdissement allait l'arrêtait, il se trompait.

« Ce n'est pas très gentil d'utiliser ton pouvoir contre moi, Percy. »

Dit-elle en esquivant son prochain coup, en bougeant son corps maintenant handicapé.

Elle souriait. Certes, elle manquait d'entraînement à l'attaque. Mais pour esquiver, c'était un jeu d'enfant. Son pouvoir ne lui permettait pas de se défendre physiquement, alors elle avait fait en sorte de pouvoir se défendre autrement. Il l'avait peut-être touché une fois, mais ce serait la dernière.

« Ne me sous-estime pas ! »

Bon par contre, même si elle essayait de reculer, elle était fortement alourdie. Il allait payer, celui-là ! Ce n'était pas une sensation très agréable... Elle fronça les sourcils. La gentille Yunaëlle avait laissé place à une Yunaëlle assoiffée de vengeance. Même si elle appréciait Perceval, elle ne comptait pas se laisser faire. Elle allait se montrer impitoyable. Enfin, elle allait faire de son mieux pour lui tenir tête, malgré son désavantage.

Elle fonça. L'arme à la main. Tant pis si elle avait perdu de sa mobilité, dans un moment crucial, il ne faudrait pas s'en soucier.

De sa lame, elle toucha Avalon, avant de tenter une attaque pointée en direction de Perceval. Il ne fallait pas qu'il riposte, alors elle allait reculer rapidement après son coup ; qu'il ait réussi ou pas.