C’était une époque dont Riley ne gardait aujourd’hui que de vague souvenir. L’époque où elle était encore jeune et ne se posait que peu de question. Elle avait toujours été ainsi Riley, docile et obéissante, acharnée et consciencieuse. C’était seulement quatre petites années après la fin de son internat et elle était maintenant une garde accomplit et de qualité. A seulement vingt ans, elle était déjà considérée comme l’un des talents les plus prometteur de son escadron et même si elle n’en laissait rien paraître cela l’emplissait de fierté.

Ce jour était un jour comme un autre. La jeune Adilys s’était vu dépêchée sur la place commerçante afin d’y faire une ronde, comme toujours. La mission était journalière et peu compliquée, il suffisait simplement de surveiller les étals des marchands, calmer leur ardeur en cas de litiges et surtout attraper les voleurs la main dans le sac. C’était tout de même une chose assez rare que de surprendre des gens en pleins vols, nombreux étaient les vauriens sachant bien que c’était une place diablement surveillée. Aussi, il était plus courant de voir des vols en plein champs qu’en pleine place marchande. Néanmoins, certains nigauds s’y essayait forcément. Et l’un de ces nigauds se présenta d’ailleurs aujourd’hui. L’occasion pour Riley d’occuper une garde qui se voulait ennuyeuse et surtout de fausser compagnie à son coéquipier, qui, bien que sympathique était à son goût beaucoup trop bavard.

- Je m’en occupe. Puis sans attendre de réponse, elle se mit sur la trace de l’enfant qui venait de quitter l’endroit à toute vitesse. Il avait d’ailleurs un avantage certain sur elle, petit il semblait se faufiler avec aisance dans la foule et elle crut bien le perdre de vue plusieurs fois. Mais c’était sans compter sur l’entrainement acharné qui avait toujours été imposé à la jeune garde et qu’elle s’imposait encore aujourd’hui. De part sa nature silencieuse et discrète, elle n’eut aucun mal a le filer sans qu’il ne la voit lorsqu’ils furent enfin sortie de la foule.

Cette course discrète et effrénée ne s’arrêta qu’au bout de longues minutes, quand l’adolescent eut enfin regagné ce qui pouvait aisément s’apparenter a un trou à rat. A pas de velours elle s’approcha de la petite bicoque et resta silencieuse un long moment. Elle n’aimait pas s’en prendre à des enfants, la majorité d’entre eux étaient obligés de voler pour de bonnes raisons et il était rare qu’ils ne soient uniquement motivés par l’appât du gain. Elle aurait presque parié que celui-là n’était pas différent. Malheureusement la seule loyauté de Riley allait à la garde, aussi, malgré la répugnance que cela lui faisait éprouver, elle arracha d’un geste vif et sans grande difficulté l’un des murs de l’abris avant d’attraper son occupant par le col afin d’être sur qu’il ne prenne pas la fuite puis elle le tira a l’extérieur.

La jeune garde le laissa ensuite se débattre, crier et feuler. Ses doigts s’étaient fermement refermés sur sa prise et même avec toute la détermination du monde il ne risquait pas de lui échapper. Sauf s’il venait a décider de déchirer ses vêtements. Aux yeux de la blanche il était ridiculement petit, chétif voire maladif, aussi, elle eut presque encore plus de peine de devoir s’occuper de cela elle-même. Enfin, il valait certainement mieux que cela vienne d’elle plutôt que de son collègue. Elle n’était certainement pas la plus joviale, ni la plus accueillante mais elle ne faisait pas de zèle contrairement à certain de ses frères d’armes qui eux, se seraient sans doute fait un plaisir non coupable d’expliquer la vie a cet enfant autrement que par la parole. Dans son malheur, le petit blond avait sans doute eu de la chance.

En silence, elle attendit qu’il ait enfin terminé de crier puis elle prit la parole.

- Ce pain n’est pas à toi et tu ne l’as pas trouvé. Tu l’as volé sur un étal sur la place marchande. N’est-ce pas ? Comme bien souvent et encore plus a cette époque, sa voix était basse mais la ruelle était exiguë et vide, il n’aurait sans doute aucun mal a l’entendre. De sa main libre, elle attrapa le foulard noir qu’elle portait toujours sur elle, en cas de nécessité. Puis d’un mouvement lent, elle releva un peu plus le jeune garçon.

- Rend moi ce pain et je serais plus clémente. Son regard opalin se posa alors sur le visage et les iris rubis de la petite créature qui se débattait entre ses doigts, dans l’attente d’une réponse.

- Tu mens. Souffla la garde au jeune garçon alors qu'il resserrait sa prise sur le pain. Elle ne l'avait pas vu mais elle savait qu'il mentait et même le dernier des sot l'aurait su. Aucune personne ayant payer son dû n'aurait fuit de la sorte. Pourtant, elle le comprenait, elle aurait pu être lui au même âge si un garde ne l'avait pas trouvé. Quoi qu'aux vues de l'état où elle se trouvait à ce moment là, elle n'aurait certainement pas été capable de voler ou même de courir. Pourtant elle le comprenait, elle aussi savait ce qu'avoir faim voulait dire. Si sa vie n'avait certes pas été des plus déplorables, il aurait été mentir que de dire qu'une catin gagnait bien sa vie. Il n'était donc pas rare que sa mère et elle passent plusieurs jours sans toucher à un repas. Alors quoi que pouvait en dire ce garçon, elle comprenait.

Riley le laissa ensuite hurler à sa guise. Elle pouvait facilement lire la peur sur son visage et si ses talents au combat était reconnu, ceux en matière de relation sociale étaient sans aucun doute au plus bas. Alors à défaut de trouver les mots juste pour le calmer et lui faire comprendre que non, les adultes ne disaient pas toujours la vérité et qu'en prime enfermer et torturer un enfant n'était certainement pas dans les cordes d'aucun garde, elle se tue et l'observa, resserrant toujours plus sa poigne lorsqu'elle entendit les fibres de ses vêtements commencer à craquer. Fort heureusement pour elle, il n'était qu'un poids plume et elles ne cédèrent pas. 

Alors qu'elle allait ouvrir la bouche, dans l'unique espoir de balancer quelques paroles pour le faire revenir a la raison, une puissante douleur transperça sa main, l'obligeant à lâcher prise malgré elle. A l'unisson, l'un et l'autre poussèrent un gémissement de douleur. Lui parce que son bras venait d'être transpercer par ce qui ressemblait à s'y méprendre à un os, elle parce que sa main venait de subir le même sort. Par pur réflexe, la jeune Adilys lâcha sa prise avant de retirer la main qui venait de s'empaler sur le morceau d'os, sa main libre venant serrer cette dernière alors qu'elle tenta de reprendre le cours de ses pensées. 

Quelle était donc cette diablerie ? Était-ce vraiment son pouvoir qui venait de se manifester ou étais-ce seulement un énième mensonge qui, il pensait, lui permettrait de se sortir de ce mauvais pas ? Serrant les dents, elle secoua sa main à plusieurs reprise, maudissant la capacité des pouvoirs a se révéler aux mauvais moments. Mais pour le moment, l'instant n'était pas a la réflexion. D'une main encore tremblante à cause de la douleur, elle tira sur le morceau de tissus noir qui ornait quotidiennement sa crinière et le posa sur ses yeux. Même si elle n'aimait pas utiliser son pouvoir de cette façon, elle ne pouvait pas le laisser s'échapper de cette façon que diraient ses supérieurs, si ils apprenaient qu'elle n'avait même pas réussit à récupérer la miche de pain ? Elle passerait pour une incapable. 

La ruelle fut immédiatement plongée dans la noirceur. Une noirceur impénétrable ou aucune lumière ne survivait. Seul, de l'extérieur, parvenait les bruits de la rue. Riley ouvrit alors les yeux, malgré le bandeau,  elle y voyait parfaitement et c'était certainement là la plus grande fourberie de son pouvoir. Alors que ses victimes se voyait priver d'un sens on ne peut plus important, elle y voyait comme en plein jour. Un jour un peu flou, certes, mais qui ne gênait en rien ses méthodes de combat ou son avancement. C'était aussi l'une des raisons pour lesquels la jeune Adilys était un des rares gardes à ne porter aucune armures. Si la lumière était effectivement dévorée par son pouvoir, le bruit non et avec toute cette armada de métal, il aurait été aisé de connaître sa position seulement avec l'ouïe.  

- As-tu vraiment tenté de me blesser ? Demanda-t-elle alors que ses jambes s'activaient pour réduire la distance entre elle et l'enfant. Elle aurait sans doute pu ajouter qu'en plus de cela, elle n'avait même pas tentée de lui faire du mal, mais cela ne changerait sans doute rien à cette situation. En silence, elle se glissa devant lui, observant son visage tout en dissimulant sa présence, ne lui parlant pas. Soulevant le bandeau d'un seul de ses yeux, elle annula son pouvoir et repris la parole. - Sache que je n'ai qu'à baisser à nouveau ce bandeau pour réactiver mon pouvoir, ne t'enfuis pas et je ne le ferais pas. Elle lui laissait une dernière chance de ne pas s'enfuir et de pouvoir régler ça calmement. Mais si cette fois, il décidait a nouveau de lui fausser compagnie ou de la blesser, elle choisirait la voie de la violence quand bien même elle en détesta immédiatement l'idée. 

Riley avait donc gagné. Mais pouvait-on vraiment se réjouir d’une victoire sur une personne aussi jeune et avec aussi peu de possibilité de défense ? Ce ne fut pas le cas de Riley en tout cas. Elle était peut-être jeune et manquait cruellement d’expérience mais elle était loin d’être un monstre et le visage du garçon ne put que lui arracher une autre sensation d’écœurement. Elle ne pouvait être sûre à cent pour cent qu’il disait vrai mais elle avait eut tout le loisir de l’observer lorsqu’il avait été prit au piège dans le black-out. Les émotions qui étaient passées sur son faciès ne semblait pas mentir, alors, elle décida de le croire. Pendant qu’il parlait, elle releva le bandeau entièrement et le noua de nouveau dans sa crinière d’albâtre avant que son sourcil droit ne vienne s’arquer sous la stupéfaction. Voilà maintenant qu’il rendait docilement la pitance qu’il avait si violemment défendu un peu plus tôt. D’un mouvement vif, mais pas agressif elle s’en saisit et le posa sur un monticule de caisse de bois qui se trouvait juste à côté d’eux.

- Tu as fais le bon choix. Pour ce qui est de ça… Elle pointa l’os. - Je ne sais pas ce que c’est. Sans en demander plus et tout en restant plantée devant le blond, elle retira le gant de sa main abîmée, grimaçant au passage sous le coup de la douleur. - La chose qui est sûre, c’est que tu n’as pas manqué ton coup. Tournant et retournant sa main alternant paume et dessus, elle l’observait non sans une once d’amertume. Tout ce qu’elle espérait c’est que le médecin de la garde pourrait parfaitement restaurer ses capacités. Une garde incapable de se servir de main droite était complètement inutile. Certes elle avait apprit à se servir de la gauche mais elle n’était pas aussi agile, ni aussi forte que sa main première. Enfin, que pouvait-elle faire de plus. ? - Tu sais que ces gants valent une véritable petite fortune ? La moue boudeuse elle rangea le gant inutilisable dans une poche de sa robe de combat et dénoua le ruban de ses cheveux pour le lier sur sa main.

Vigoureusement et sans prévenir elle se saisit de l’épaule encore saine du garçon, l’attirant à elle sans lui laisser le choix. Son regard glacial passa sur son visage avant de dériver sur son bras endoloris. Étirant doucement les  mailles de sa chemise elle observa le pourtour de sa blessure. - Je vois… Hum… Sa main nue vint effleurer l’os puis elle le poussa doucement. - Est-ce que tu as mal ? Tu sens lorsque je le touche ou pas ? S’accroupissant devant lui, elle continua son inspection les sourcils froncés, soulevant son bras par moment pour observer la réaction de ce corps étranger qui ne semblait pas si étranger que ça finalement. - Quel âge as-tu ? Riley se releva et relâcha l’épaule de son étreinte. - Je pense qu’il s’agit là de ton pouvoir. Elle ne savait pas si elle était dans le vrai mais une manifestation de ce genre et à cette ampleur ne pouvait être dû à aucun médicament de sa connaissance. La manifestation de pouvoir était donc la seule option qu’elle pouvait envisager. - Ferme les yeux. Imagine que cet os fait partie intégrante de toi et qu’il reprend sa place. Essaye plusieurs fois si nécessaire et surtout concentre toi. Croisant les bras sur sa poitrine, elle le regarda. Ses iris brillaient pour la première fois de curiosité et d’une lueur qui pouvait presque s’apparenter à de la sympathie. Là aussi, elle comprenait, la première manifestation d’un pouvoir pouvait être terrifiante et pour son cas, semblait terriblement douloureuse. Mais il avait la chance de posséder un pouvoir qui lui serait sans aucun doute utile même si le prix à payer se voyait grand.

Riley l’avait observé tout du long, elle l’avait écoutée aussi mais elle n’en avait rien laissé paraître. Son regard était vide, son visage était froid et même sa peau n’était dotée d’aucune couleur. Lorsqu’on la regardait, on pouvait penser qu’elle n’était qu’un personnage terne et sans émotion. Pourtant, intérieurement, des milliers de questions jaillissaient, des réflexions aussi. Elle tentait tant bien que mal de trouver une solution à tout ce bric-à-brac. Elle remercia aussi Lucy intérieurement, juste après avoir relâchée l’épaule du garçon une nouvelle lame avait vu le jour et elle était presque sûre que si sa main avait encore été posée là, elle y aurait laissé des doigts. Quand il eut enfin terminé de parler, elle resta silencieuse un long moment puis tendit la main dans sa direction pour tapoter l’espèce d’armure qui venait d’élire domicile sur son bras.

- Effectivement, cela ne m’intéresse guère pour l’instant. Lâcha-t-elle en réponse à sa première phrase. Pour l’instant le repas du blond était le second de ses soucis et ils auraient largement le temps d’y revenir plus tard. - Je sais que tu n’as pas les moyens de le repayer, même moi je ne les auraient pas si ils ne m’étaient pas offert par l’armurerie de la garde. Pour ce qui est de la douleur, ça fait un mal de chien. Mais c’est supportable. En vérité, malgré son jeune âge, Riley arborait une quantité déjà considérable de cicatrices et de blessures en tout genre. Probablement parce qu’elle agissait avant tout, partant du principe que sa vie n’était vouée qu’à la réussite de la garde et donc à ses missions. Il était d’ailleurs bien surprenant qu’elle soit encore en vie. Mais elle l’était et elle n’était pas non plus décidée à mourir. Pas encore. Elle se redressa finalement, surplombant de toute sa hauteur.

- Tu es jeune. Lâcha-t-elle d’un ton neutre. - Et à la fois vieux pour ne pas avoir encore eut d’éveil. Enfin cela varie d’un enfant à un autre. Certains ont un éveil précoce, d’autre plus tardif. Tu fais partie de la seconde catégorie. Son regard s’abaissa jusqu’à lui et c’est à ce moment qu’elle remarqua alors sa maigreur évidente. Maintenant il fallait qu’il arrive à contrôler à minima son pouvoir et elle était presque sûre de savoir comment s’y prendre. Du moins, elle espérait que son idée marcherait. - Que tu aimes ton pouvoir ou pas, qu’il te semble utile ou pas. Il est tient et rien ne pourra changer ça. Plutôt que de le détester, apprends à faire de lui ton allié, à le maîtriser. Un pouvoir comme le tiens rendrait jaloux bien des gens. Tu peux a la fois te protéger, te défendre et à force d’entraînement tu pourras sans doute protéger les gens auquel tu tiens. Sans compter que de tel dons peuvent te permettre de trouver un bon travail. De sa main encore indemne, elle attrapa la miche de pain et son regard se fit plus dur. - Si tu arrives à maîtriser ton pouvoir et à dompter ces excroissances, je te rendrais ce pain.

Elle se recula ensuite et croisa ses bras sur sa poitrine, tenant la nourriture suffisamment haut pour qu’il l’a voit mais ne puisse pas l’atteindre.

- Concernant ma  « gentillesse ». Dit-elle en mimant les guillemets de sa main libre. - Je n’ai pas changé de comportement depuis tout a l’heure. Tu es celui qui a eut peur de moi, mais je n’ai pas cherché a te faire du mal. Si je l’avais voulu, tu serais sans doute mort depuis bien longtemps. Maintenant maîtrise toi. Ses derniers mots ne laissait pas place a la discussion. Soit il arrivait à se maîtriser, soit elle utiliserait la manière forte, le poussant à l’épuisement, jusqu’au point où il ne serait plus capable de maintenir son pouvoir. Même inconsciemment.  

Par Lucy cet enfant était une véritable pipelette et obligeait Riley à en faire de même. Elle qui n’aimait parler que lorsque c’était nécessaire se voyait contrainte de lui expliquer les choses par A plus B. Fort heureusement pour lui et malgré tous les défauts qu’elle pouvait accumuler, la patience, une patience angélique faisait partie de ses attributions. Alors elle le laissa une nouvelle fois parler sans l’interrompre mais sans jamais laisser le pain à portée de main. Elle le pensait bien trop capable de le lui arracher des mains pour s’enfuir à la première occasion et si cette fois elle avait pu se montrer conciliante, elle ne pourrait sans aucun doute pas le faire une deuxième fois. Non s’il grillait cette chance, ce serait sans doute la plus grosse erreur qu’il aurait commit aujourd’hui.

Enfin, il s’interrompit. Si elle avait su que la carotte marcherait aussi bien elle ne se serait sans doute pas embêtée à tergiverser avec lui aussi longtemps. Elle le regarda alors s’effondrer sur le sol, son pouvoir enfin contenu. Ses lèvres esquissèrent un vague sourire avant de ré-afficher son masque de neutralité. Il n’était pas si sot et faible qu’elle le pensait. Les premières manifestation de pouvoir était difficile à contrôler, du moins pour la plus part des enfants. Riley ne pouvait comprendre ça, son pouvoir à elle avait toujours fais partie de sa vie et dans son enfance il avait été comme une couverture réconfortante dans laquelle elle se réfugiait. Elle n’avait jamais eut aucune difficulté à le contrôler, du moins, en général. Mais leur pouvoir étaient diamétralement opposé. Celui du petit garçon était de nature offensive et défensive. Alors que celui de la garde était purement passif. Si elle n’avait pu apprendre l’art du combat, son pouvoir aurait sans doute était purement inutile. Or avec le temps, il était devenu l’une des armes plus redoutable de la jeune femme. Son atout majeur.

- Ne te soucis pas de ce gant, ni de ma main. Dit-elle en le toisant de toute sa hauteur. Oui, Riley était grande et il ne faisait aucun doute qu’elle saurait gérer ces désagrément toute seule, sans compter que confier sa main, sa main maîtresse en plus à un guérisseur autre que ceux de la garde, reviendrait a tenter un coup de poker. Ce qui n’était pas son genre. Elle posa ensuite un genoux à terre pour faire face au blond. - Parfois les adultes mentent pour le bien de leur enfant. Tu comprendras ça en grandissant. La garde découpa un bout de pain et le lui tendit. - Mange ça et suit moi. Tu auras le reste ensuite.

Puis sans lui laisser le choix, une fois qu’il eut attraper le bout de pain, elle le saisit par le col et le remit debout en même temps qu’elle. - Tu vas me suivre, sagement, et tu vas t’excuser auprès de l’homme que tu as volé. Je ne te tiendrais pas pour des raisons évidente mais si tu tente de fuir… Elle tourna un regard froid vers lui. - Tu pourras bien te changer en porc-épic que cela ne m’entraveras pas. Puis elle désigna le nodachi de taille plus que considérable qui se trouvait dans son dos. - L’os ne fait sans doute pas le poids face au métal. Alors suit moi.  

Sans l’attendre elle tourna les talons, il valait mieux pour lui qu’il la suive de toute façon. Après tout c’est de sa vie que l’on parlait pas la sienne. Bien entendu, si il venait à fuir, elle n’aurait aucunement l’idée de le couper en deux mais l’emmener de force a la garde était parfaitement dans ses cordes et lui faire passer un petit moment dans l’une de leurs geôles le ferait peut-être réfléchir à deux fois. D’un regard furtif, elle vérifia tout de même qu’il était sur ses pas puis elle ouvrit la bouche.

- Peu importe. Les adultes mentent constamment et pas toujours pour de mauvaises raisons. Pour ce qui est du marchant, contente toi de te taire et de parler quand je te l’indique. Tu devrais survivre de cette façon. Et surtout parce qu’elle savait déjà comment elle allait tourner ça, sans compter qu’aucun marchant digne de ce nom ne serait assez sot pour commanditer l’assassinat d’un enfant d’à peine treize ans sous les yeux d’un garde, aussi jeune soit-il. Elle ne s’inquiéta donc pas outre mesure à ce sujet. - Aucun. Je n’aurais aucun problème à te couper ou à te tuer. Qu’elle passe pour une dragonne, lui était quelques choses de bien égal. Sa réputation à la garde n’était plus à faire et elle était loin d’être bonne. Alors qu’un enfant des rues pense la même chose ne changeait absolument rien a cette équation déjà bien bancale. Riley était de ceux qui avaient l’habitude de ne pas être apprécié et elle ne s’en formalisait plus. - Nous verrons pour ta cabane lorsque tu te seras excusé. Si tu fais ce que je te demande, je ferais ce que tu demandes. Une nouvelle fois, elle lança une œillade dans son dos et poursuivit sa route.

Virant à droite, puis à gauche et une nouvelle fois à droite, ils débouchèrent à nouveau sur la place commerçante. A ce moment là, elle s’arrêta et attendit qu’il soit à ses côtés. Puis sans un mot à son adresse, elle marcha en direction de l’étal où il avait volé, la miche de pain toujours parfaitement coincée sous son bras. En la voyant arriver, le commerçant lui offrit un sourire des plus sympathique auquel Riley ne répondit que par une neutralité glaciale, qui fut parfaitement imitée par l’homme lorsqu’il aperçut le petit garçon dans son sillage. Une fois qu’il furent tout deux à la hauteur du stand, le bonhomme grassouillet prit la parole, visiblement mécontent.

- V’la donc l’petiot qui m’volé ?

Elle hocha simplement la tête.

- C’mment qui compte me r’mbourser l’merdeux ? Dit-il de sa grosse voix tout en se penchant vers l’enfant, lui soufflant une haleine alcoolisée au visage.

- Il n’est pas venu vous rembourser. Dit Riley de sa voix calme, comme toujours. Ce qui eut d’ailleurs l’effet de faire sortir l’homme de ses gonds. Il hurla, pesta et tendit plusieurs fois les bras en direction du gamin tout en parlant si vite qu’elle ne saisissait pas toujours ce qu’il disait. - Il est venu s’excuser. Plaça-t-elle enfin lorsqu’il fut si essoufflé qu’il ne pouvait plus parler. Mais son visage s’en chargeait très bien et il vira presque immédiatement à un rouge cramoisie.

- S’cusez ? V’croyez qu’je gagne m’croute avec des excuses m’ptite dame ? A son tour, la garde fronça les sourcils et se redressa de toute sa hauteur. Elle le dépassait aisément d’une tête et vu son air penaud, il comprit vite que le « petite dame » était relativement mal vu pour la jeune Adilys.

- Vous avez sans doute des enfants. Il hocha la tête. - Vous savez donc à quel point ils peuvent être capricieux et entêté lorsqu’ils approchent de l’âge adulte. Nouveau hochement de tête. - Bien. Alors vous voudrez sans doute accepter les excuses de mon petit frère ainsi que le paiement pour la miche de pain qu’il vous a dérobé. Cette fois le regard porcin du marchant s’anima, dès lors que l’on parlait argent avec ces gens tout allait pour le mieux. Elle posa alors, enfin, le regard sur le petit blond ainsi qu’une main sur son crâne. Il valait mieux pour lui qu’il se contrôle.

- Maintenant, excuse toi, s’il te plaît. Les deux paires d’yeux le fixaient, dans l’attente de sa réaction.

Les yeux d’opales de Riley courait sur le visage du jeune garçon. Il était tendu, autant que la corde d’un arc, mais c’était là la seule option qu’elle pouvait lui proposer. Certainement pas celle qu’il aurait préféré mais il lui était impossible de le laisser filer comme si elle ne l’avait pas vu. C’était une des qualités ou des défauts de Riley, la droiture. Elle prenait toujours grand soin de rester équitable et de punir ce qui devait l’être. Or, pour une fois, elle avait fait une exception. La logique aurait voulu qu’elle emmène le garçon à la garde mais elle n’en avait pas eut le cœur et avait choisit une option certes moins orthodoxe mais tout aussi légale. Le premier coup elle cru d’ailleurs qu’il ne s’excuserait pas tant ses paroles étaient presque inaudible même pour elle. Alors, dans l’espoir de l’encourager, elle lui envoya une tape qui se voulait amical -mais qui le bousculerait sans doute plus qu’autre chose – dans le dos.

Ce qui se passa ensuite la laissa perplexe. Elle s’était attendu à ce que l’homme fasse répéter le blond. Certains marchands avaient la réputation d’être des gens agréable et plutôt sympathique. Celui là était réputé pour ses penchants alcoolique et sa main leste. Riley dans sa naïveté toute juvénile avait supposée que sa présence ainsi que l’association de son nom à celui du petit garçon suffirait à le protéger d’un tel comportement. Mais c’était sans compter l’alcool qui avait sans doute déjà désinhibé l’homme. Aussi, lorsqu’il lui colla la gifle du siècle, elle ne tressaillit même pas et se contenta de regarder valser sa petite crinière blanche. Tournant ensuite les yeux vers l’homme. Son regard en disait long et elle ne pipa mot puis quitta l’étal pour s’approcher du petit corps par terre.

Lorsqu’elle se pencha sur lui, elle remarqua le gantelet ainsi que toutes les petites masses qui commençaient à se former sous sa peau. Son pouvoir était diablement écœurant c’était certain mais il lui serait on ne peut plus utile dans quelques années. Alors dans l’espoir de détourner son attention et de pouvoir le calmer, elle lui rendit la miche de pain dans son entièreté et la colla contre lui. En quelques enjambées, elle franchit la distance qui l’a séparée du marchant et prit la parole après avoir rangée la bourse qu’elle s’était apprêtée à utiliser.

- Malheureusement, vous vous venez vous même d’éponger sa dette. Lâcha-t-elle simplement – Encore un comportement de ce genre et c’est devant la garde au complet que vous en répondrait. Sans attendre sa réponse elle tourna les talons et revint aux côtés du jeune garçon, attrapant encore une fois son col pour le remettre debout. En essayant de le toucher le moins possible afin de ne pas empirer les choses, elle lui indiqua la sortie de la place et l’incita à passer devant. Quitte à ce que son pouvoir s’active, autant que cela se fasse en dehors d’un tel endroit.

En silence, Riley se glissa dans les pas du garçon. Il titubait, n’avait pas l’air en forme mais il semblait savoir où il allait. Alors elle ne l’en empêcha pas, de toute façon il ne semblait absolument pas en état de pouvoir s'enfuir. D’ailleurs il aurait bien pu fuir maintenant, l’affaire était sommes toutes réglée. La seule chose qu’il restait à faire, c’était s’assurer qu’il serait à l’abri et reconstruire ledit abri qui devait sans doute ressembler à un vieux tas de bois miteux après le passage de la tempête blanche. Alors elle le suivait, se tenant prête à le ramasser en cas de besoin et fort heureusement ce ne fut pas le cas.

Bien vite, ils bifurquèrent dans la ruelle. Avec un petit rire ironique, elle constata qu’il l’avait bien baladé lorsqu’elle l’avait suivit quelques heures auparavant. Il l’avait carrément baladée même. Si elle l’avait su, elle aurait pu le prendre à revers avec une facilité déconcertante mais elle avait fait preuve de stupidité pour une fois et cela l’amusait beaucoup. Se faire avoir par un gamin d’une douzaine d’années n’était pas dans son habitude. Au contraire même des hommes plus âgés avaient d’habitude du mal à l’entourlouper.

Son regard dériva finalement sur le visage du blondinet qui souriait comme un bien heureux. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi mais au moins il n’avait plus cette mine sombre et terrifiée qu’il avait arboré jusqu’à lors. L’un de ses sourcils s’arqua machinalement ensuite alors qu’il lui tendait un bout de pain dont elle se saisit maladroitement, intriguée. Puis une esquisse de sourire lui fut arrachée malgré elle. Quand il ne tentait pas de lui percer une main, il pouvait être attachant. Avant qu’elle n’ait eut le temps de répondre, il se mit à manger, le bien être déclenchant son pouvoir sans qu’il s’en aperçoive.

En un simple hochement de tête, elle confirma ses dires. C’était effectivement une jolie œuvre, quelques peu atypique et probablement peu ragoutante pour le commun des mortels mais c’était un pas en avant vers la maîtrise d’un pouvoir à double tranchant. Finalement, après de longues secondes à observer les protubérances, elle découpa un morceau plus petit du pain qu'il lui avait donné.

- Riley. Dit-elle enfin. - Riley Adilys. Elle lui tendit le reste du gros morceau qu’il lui avait offert. - Je me contenterais de ça. Je mange à ma faim tous les jours tu sais. La jeune femme s’adossa ensuite au mur et croqua dans le morceau de pain. - La garde recrute des enfants de ton âge. Logis, repas, éducation. Puis salaire en grandissant. Ajouta-t-elle tout en glissant un regard dans sa direction et en avalant la dernière bouchée de victuaille. - La guilde emploi aussi assez tôt. Renseigne toi. Cela pouvait sans doute avoir l’air d’un ordre mais était en vérité, bien plus proche du conseil que d’autre chose.

La jeune Adilys se décolla finalement du mur et contourna le blond pour s’approcher de la cabane réduite à l’état de bois de chauffage.

- Tu finiras par apprécier ton pouvoir, petit.

Puis elle attrapa la première planche qu’elle remit droite, son autre main farfouillant dans les décombres afin de chercher de quoi la faire tenir.

- Comment tu t’appelles ? Finit-elle par lui demander sans lui accorder un regard.

- Ça ne me gêne pas. Dit-elle simplement tout en continuant de tenter de remettre ce taudis debout. Elle attrapa l’assiette en métal qu’il lui tendit et l’observa un moment perplexe avant de la reposer par terre, cherchant à attraper des clous qui traînaient encore sur le sol. Par chance elle en trouva rapidement un et se servit de l’assiette pour le fixer comme le pouvait, tout en faisant attention à ne pas taper trop fort. Avec le chance qu’elle avait si elle mettait trop de force, ce serait la cabane entière qui se briserait.

Elle l’écouta ensuite attentivement sans cesser de réparer les dégâts qu’elle avait causé. Ce qu'il dit lui fit arquer les sourcils sans pour autant qu’elle se détourne de sa tâche. « Il se passe de drôle de choses la nuit ? » pensa-t-elle sans vraiment comprendre le sens de ces paroles. Alors elle réfléchit. Aucun événement ne leur avait été rapporté. Si les citoyens fuyaient la garde, comment diantre voulaient-ils qu’elle leur vienne correctement en aide ? Tout en gardant le silence elle soupira longuement et ajouta un deuxième clou.

Puis son regard se détourna un instant pour suivre Nivix qui venait s’asseoir. Elle l’observa se concentrer pour rétracter ses os et pâlir a vu d’œil. Pendant un petit instant elle cru qu’il allait même s’évanouir. Il ne manquait plus que ça, qu’elle se retrouve avec un enfant dans les vapes sur les bras. Fort heureusement ce ne fut pas le cas et le blondinet n’eut pas tant de mal que ça à gérer son pouvoir. Tant mieux.

- Enchantée. Répondit-elle du bout des lèvres en ajoutant les deux derniers clou rouillés à leur emplacement. Puis elle se redressa et s’étira de manière à faire claquer tous les os de son dos. Décidément se tenir aussi courbée était véritablement un supplice pour elle. Enfin elle n’allait pas s’en plaindre, après tout, elle ne faisait que réparer des dégâts qu’elle avait elle même causé. Une fois qu’elle est finit de détendre ses muscles meurtris elle se recula pour admirer son travail. Ce n’était certainement pas du grand art mais au moins cela semblait moins bancal qu’au départ. Techniquement la prochaine personne qui devrait arracher ce pans de mur devrait vraiment y mettre de la conviction. Restait à espérer que ce ne soit pas elle qui soit une nouvelle fois amené a l’arracher. Enfin, elle s’en détourna et posa les yeux sur le petit garçon.

- La garde n’est pas faites pour être aimée. Elle est faite pour protéger. C’est la son seul rôle. Que se passe-t-il la nuit ? Si personne ne nous rapporte les faits, nous ne pouvons pas agir correctement. Elle soupira à nouveau. - Effectivement les aventuriers peuvent être qualifié de chasseur de monstre. Mais ils ne sont pas que ça. La guilde propose des missions de nature bien différente surtout pour les débutants. Quand tu seras en âge, présente toi la bas. Ils te trouveront quelques choses. De plus ils paient bien.

Pour finir elle se détourna de lui et fit quelques pas en direction de la sortie de la ruelle avant de se retourner.

- Je crois que c’est ici que nos chemins se séparent. Tâche de faire les bons choix et de devenir une personne honorable. Je n’apprécierais pas d’avoir à t’emprisonner dans nos geôles. Puis elle tourna les talons avant d’ajouter. - Nous nous recroiserons sans doute. Et enfin, elle disparu comme elle était venu, se mêlant à la foule afin de retrouver son binôme du jour.