Ah ! que les tavernes sont chaleureuses lorsque la nuit, si sombre, vous rappelle cruellement à quel point vous êtes seul et triste. Le jour tombant me rappelait à chaque fois les teintes ambrées des yeux de Spherany. Cette femme dont je fuyais désespérément le souvenir me hantait. Quel illustre imbécile j’avais fait en tombant amoureux d’une simple passerelle vers l’avenir ! Je m’en voulais autant de m’être pris à mon propre piège que d’avoir blessé la seule femme que j’aie jamais aimé. Double peine en somme. Voilà donc la raison qui me poussait à me rendre le soir venu dans les tavernes de la Capitale. Après en avoir rincé certaines et m’être fait renvoyé d’autres, j’avais élu Le Chapardeur Doré comme point de chute. Je n’y avais pas encore montré les poings et l’endroit n’était pas trop mal fréquenté. Je ne m’amuse pas non plus à côtoyer les gens de basses extractions !
Alors que la nuit était déjà tombée depuis un bon moment et que j’errais dans la direction du Chapardeur Doré, je songeai qu’à cette heure-ci j’étais habituellement déjà bien avancé dans ma dégustation alcoolisée. Sans hâter le pas, j’eus le sentiment d’avoir accompli un haut-fait ce soir-là. Toutefois, je finis bien par pousser la porte de la taverne, happé par la chaleureuse lumière, le bruit des choppes et des cris. Il y régner un joyeux brouhaha. Comme à mon habitude, je m’installer près du comptoir et commandai un Hypocras aux baies de Lucols rouges. J’aimais commencer la soirée par cette boisson raffinée tant que j’avais les papilles encore éveillées. Les baies de Lucols rouges sont généralement utilisées pour en faire directement du vin. La couleur rubis qu’ils apportent à la robe du vin et le goût presque épicé qu’ils lui donnent est exquis. Bien sûr, le coût est moindre lorsqu’il s’agit d’hypocras et non de vin, les baies n’étant là que pour parfumer le breuvage, en infime quantité.
Je savourai donc ce verre et les suivants en discutant avec le tavernier. Mais bien vite, l’homme délaissa notre délicieuse conversation tournée vers moi pour s’occuper de ses autres clients. Chassant de mon esprit cet être dénué d’intelligence pour m’aventurer auprès d’une charmante serveuse, j’entrai dans ce rôle que j’excellais. Il est si facile de séduire des proies de basse extraction. Le sourire enjôleur, le jeu de regards, parfois un léger contact physique et rendre la conversation agréable. Rien de plus simple ! Mais voilà, c’était bien trop simple… et l’alcool me ramena aussitôt à mes double peine qui portait le nom si amer de Spherany. Cette serveuse avait du charme mais rien d’elle ne surpassait la douce Spherany. Je me sentis tanguer, l’amertume et la colère montant en moi. Oh ! Cette jeune femme là, devant moi, n’avait rien demandé, aussi je sortis quelques instants à l’air libre, après avoir déposé quelques pièces dans la main de la serveuse.
Il était déjà bien tard. J’inspirai profondément et alors que j’expirais et aurais dû me sentir revivre, le chaos jeta son voile sur moi une nouvelle fois. Je serrai les poings. Quand étais-je devenu si faible ? Me tournant vers le mur de pierre de la taverne, je donnai un premier coup, suivant de quelques autres, tout en poussant des grognements d’ours en colère. Enfin, quand la douleur fut assez forte pour surmonter la plaie de mon âme, je cessai. « Spherany. » Quand aurai-je le courage de retourner la voir ? J’étais allé plusieurs fois à sa rencontre, tenter de lui justifier mes actes et me repentir. Je m’étais toujours arrêté avant de pénétrer chez elle ou sur son lieu de travail. Je n’avais aucun regret, pourquoi m’excuser ? Et je rentrais les poings serrés dans les poches de mon veston, la colère renfermée au creux de mon ventre. Oui ! J’irai lui parler dès cette nuit ! L’heure était tardive mais qu’importe ! Je devais lui dire que toute cette manigance m’avait menée jusqu’à son coeur. Ma douce Spherany…
Le coeur léger, je pris la direction de son domicile. Alors que je passais devant une taverne d’où j’avais été renvoyé à cause de violences à répétition (et surtout à l’origine de la destruction d’un bon tiers de la vaisselle), je la vis. Ses cheveux de jade couvrant ses épaules. J’aurais pu la reconnaître entre mille.
« Spherany... »
Elle était assise, dos à la fenêtre par laquelle je la regardais. Tout autour de moi s’éteignit et il ne resta que sa fine silhouette gracieuse. Sans même me demander ce qu’elle faisait ici ou qui l’accompagnait, je pénétrai dans la taverne. Je ne tins pas compte du regard noir que l’aubergiste lançait vers moi, prêt à me renvoyer d’où je venais, et j’avançai jusqu’à Spherany. Son nom résonnait dans ma tête au rythme effréné auquel battait mon coeur.
« Spherany... »
Ma voix était rauque et mon haleine était fortement alcoolisée. C’était elle et toute colère se dissipa. Elle m’avait forcément pardonné. J’en étais convaincu à présent que je la voyais devant moi. J'étais debout à côté d'elle, les bras ballants, ivre et prêt à tout.
La journée touchait à sa fin et Spherany avait à peine eu le temps de terminer tout ce qui lui avait été demandé. Plus les jours passaient et moins elle trouvait de temps pour elle. Depuis quelques jours ses parents l'avaient assommé de travail dans le simple but de l'habituer aux devoirs familiaux et aux affaires administratives. Tout ce qu'elle détestait, en d'autres mots. Mais plus les mois s'écoulaient et plus elle se rapprochait du moment où elle devra reprendre le flot familial. La jeune femme prenait la donne comme une fierté bien qu'un certain sentiment de crainte s'installait au fur et à mesure qu'ils lui en demandaient trop.
Tandis qu'elle avait fini d'effectuer les modifications de ses dernières fiches, un long et lourd soupire s'échappa d'entre ses lèvres. Le genre de soupire qui déborde d'exaspération et d'ennui. Si la journée avait été chargée il lui restait encore la nuit pour décompresser. Forte heureusement pour elle, ses parents lui avaient accordé quelques jours afin qu'elle puisse se remettre de ce surmenage. Et encore le mot était terriblement trop faible. Il ne lui fallut que peu de temps pour mettre la main sur ce qu'elle allait entreprendre de faire et la capitale semblait être le meilleur endroit pour ça. Elle pouvait déjà discerner le brouhaha des tavernes, l'odeur alléchante des cuisines, l'exaltation mordante des liqueurs et la symphonie des rires qui s'entrechoquaient parfaitement dans son esprit. Une bonne soirée, voilà ce dont elle avait besoin.
Après s'être accommodée parfaitement pour l’événement, la belle prit le chemin de la capitale à dos de son plus fidèle compagnon. La pénombre de la nuit s'était déjà bien installée et ses pommettes se rafraîchissaient au fur et à mesure qu'elle galopait. Une sensation de libération. Une exaltation parfaite. Une pure et chérissable renaissance. Peut être aurait elle du se contenter de ça.. Mais sa gourmandise lui implorait plus. Bien plus encore. C'est bien rapidement qu'elle finit par rejoindre l'une de ses tavernes favorites. La plupart de la clientèle lui était déjà bien plus appréciable que dans certaines et l'aubergiste semblait appréciée la jeune femme. En tout cas assez pour lui offrir quelques verres quand elle se montrait chaleureuse. Sa bâtisse médiévale, son ambiance festive et distinguée... Tout y était pour que sa soirée se déroule sans le moindre encombre. Du moins, c'est ce qu'elle avait espérée.
Au bout de quelques heures et alors qu'elle avait déjà quelques verres dans le nez, le regard froid et nerveux de l'aubergiste l'interpella. Il semblait véritablement prêt à assaillir sa proie et encore la belle trouvait le mot bien trop faible pour décrire son expression faciale. Sa curiosité l'amena à tourner son regard vers la source de tant d'amertume, et la personne qu'elle aperçu lui arracha un douloureux pincement au cœur. Kyle. Tout mais pas lui. Elle avait eu la chance de ne pas le croiser depuis qu'elle l'avait quitté et le voilà qui débarque dans sa taverne un soir où tout ce dont elle espérait c'était de décompresser et festoyer. Quelques années séparaient leur dernière rencontre. Son palpitant commença alors à s'emballer dans sa poitrine tandis que le son de sa voix lui arracha un frisson qui s'empara de la naissance de ses reins jusqu'à l'échine de sa nuque. Il souffla son prénom, dans un aveu de détresse et d'une voix roque qui avait eu le don de pénétrer son esprit et transpercer sa barrière. Son regard d'ambre se posa dans le sien et lui était aisée de comprendre l'état dans lequel il se trouvait. À côté de lui, elle était parfaitement sobre. Quelques verres dans le nez mais rien de bien méchant. Alors que lui... Il empestait l'alcool de loin et ses yeux étaient bouffies et rougies par son ébriété.
« T-Tu... »
Un long silence s'installa. Ses pupilles étaient pleinement ouvertes et son regard laissait transparaître une douloureuse plaie qui assaillait son palpitant. Une plaie qui n'était pas assez refermée et qu'il venait de rouvrir sans aucune once d'hésitation. Rien que son visage lui rappelait tout ce qu'il avait pu lui faire. Il était la source de ses tourments et l'homme qui l'avait changé. Son premier amour et sa première déception. C'était presque inexplicable tant elle éprouvait de la rancœur, de la peine et de la haine rien qu'en posant ses yeux sur lui. Une part d'elle resterait toujours attachée à lui quoi qu'elle puisse faire. Et c'était cette part là qui la bouleversait au plus au point. Une animosité l'envahi peu à peu. Elle se pinça alors violemment la lèvre au point qu'il lui était aisée de ressentir le goût de son propre sang. Puis elle se redressa de sa table fougueusement, le regard baissé et l'allure nerveux. Elle ne pouvait pas le voir. Pas maintenant. Elle n'était pas encore prête à ça et encore moins à le confronter. Tout se bousculait dans son esprit et il lui était impossible d'y remettre de l'ordre. Un flot d'émotions, toutes aussi différentes les unes que les autres fractionnaient et perturbaient la jeune femme au point qu'elle décida de fuir. Tout bonnement. Elle déglutit et s'empressa de déposer de la monnaie à l'aubergiste avant de quitter la taverne, complètement paniquée par ce seul échange.
Elle espérait naïvement qu'il ne se lancerait pas à sa poursuite. Mais dans le fond elle savait parfaitement qu'il lui ferait mais préférait se convaincre du contraire. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il voulait lui dire et craignait d'avance le moindre de ses faits et gestes. Il l'avait détruit et elle savait tout ce dont il était capable et l'emprise qu'il pouvait encore avoir sur elle. Il lui était impossible de retomber dans ses filets. Une rancœur amer lui tiraillait les sens et si il comptait l'arrêter elle ne pourrait se retenir. Les quelques verres qu'elle avait eu le temps d'ingurgité brisaient par avance toute inhibition et elle ne saurait imaginé ce qu'elle serait capable de dire ou de faire si elle devait le confronter maintenant. Au fond d'elle, elle hurlait de détresse. Une douleur incessante venait perforer sa poitrine jusqu'à lui donner un sentiment de suffocation. Mais quand elle arriva dehors, son corps se stoppa net. Ses poings se fermèrent brutalement jusqu'à ce que ses ongles viennent se planter dans sa peau. La fraîcheur de la nuit ne pouvait plus rien pour son visage rougie par l'alcool et l'émotion tandis que le vent venait valser avec sa chevelure dissimulant parfaitement ses lèvres pincées.
Il allait venir. Elle le savait. Et quoi qu'elle puisse faire il la rattraperait sûrement. Elle le connaissait assez pour savoir ça, et ce n'est pas son état d'ébriété flagrante qui pourrait entraver son chemin. Si sa décision était prise rien ne pourrait l'arrêter. Et elle... Ne pouvait qu'espérer qu'il finisse par retrouver un semblant de conscience et la laisse s'en aller simplement. Un espoir. Un désir. Une détresse. Pendant que son palpitant battait à pleine vitesse dans sa poitrine elle tenta alors de s'éloigner de la taverne.« Par Lucy faites qu'il ne me rattrape pas... »
Abasourdi. C’est à peu près l’état dans lequel je me sentais alors que Spherany me tournait le dos après avoir réglé ses consommations auprès du tavernier. Mes yeux brillants d’alcool et de tristesse la regardaient s’éloigner et passer la porte d’un pas vif. Les autres clients de la taverne, s’ils avaient assisté à cette scène silencieuse et sans ambages, auraient vu en moi une ressemblance avec un vieux chien errant à qui l’on aurait refusé un morceau de terrine de lapin. Pourquoi fuyait-elle ? Car il s’agissait bien d’une fuite : elle m’avait vu et était partie le plus loin possible dès qu’elle avait pu. Lui faisais-je peur ?
Rattrape-la. Cette petite voix à l’intérieur qui me poussait à la poursuivre pour lui cracher mon flot d’excuses et de belles paroles. Mais mes pieds étaient lourds, ancrés dans le carrelage collant de la taverne. Mon corps ne voulait plus bouger car il n’obéissait qu’à la tristesse. Spherany m’avait rejeté avec toute la violence du silence. Aucun mot n’avait pu sortir de ces lèvres que j’avais tant aimé embrasser. Ainsi, c’était comme si elle m’avait giflé. Spherany ne voulait pas m’entendre, autant la laisser seule ! Puisqu’elle ne voulait pas de moi, je n’allais pas lui faire le plaisir de la rattraper ! La colère montait à mesure que mon ego se vexait.
Rattrape-la ! Dépêche-toi ou elle ne reviendra jamais vers toi ! Je fis un pas en avant et me stoppai. Non, cela ne servait à rien. Plusieurs années avaient passé et, alors que je la voyais enfin, Spherany fuyait. Elle avait probablement rejeté mon souvenir et j’étais inexistant à ses yeux. Toutes ces pensées se bousculaient dans mon esprit et j’étais de nouveau immobile au milieu de la taverne, le regard fixé sur cette porte refermée sur la nuit noire et mon étoile de jade qui fuyait.
« Rattrape-la ! » me dit une cliente de la taverne, en faisant de larges gestes me poussant à me mettre en route. Devant mes yeux interloqués, elle répéta son conseil à plusieurs reprises. Soudainement projeté dans la réalité, je me regardai autour de moi. Les autres clients buvaient et mangeaient comme si rien ce bouleversement de ma vie ne les concernait pas. C’était probablement le cas. Le tavernier s’approchait de moi, menaçant il brandissait une poêle dans sa main gauche. Je pris mes jambes à mon cou, davantage pour appliquer le conseil de cette étrange femme qui s’était mêlée de ma vie que pour fuir le violent tavernier.
Je m’arrêtai en plongeant dans l’obscurité, afin d’habituer mes yeux à la noirceur de la nuit. Mon cœur battait à tout rompre tandis que je cherchais désespérément la chevelure de jade de la plus incroyable femme de la Capitale. J’avais côtoyé des femmes plus belles, plus intelligentes, mais aucune n’avait le cœur de Spherany. Ce même cœur que j’avais brisé et que je devais réparer ce soir.
Je la vis alors s’engouffrer dans une rue à l’angle de la place. Je courus et la rattrapai en quelques enjambées.
« Sphé’ attends ! Je te demande juste de m’écouter ! »
Je pris bien attention à ne pas la toucher pour l’arrêter, mais simplement à me placer devant elle. Je ne tenais pas à ce que Phobos se déclenche et j’avais chaque fois réussi à le contenir auprès d’elle parce que je me sentais apaisé en sa présence. Ce soir, je n’étais pas en paix du tout. Autant ne pas courir de risque. Et si je ne la touchais pas, cela montrait également que j’avais du respect pour sa personne et qu’aucune manipulation n’avait court. Je repris mon souffle et calmai ma voix. Elle était moins rauque mais mon ton était grave. Ce que j’avais à dire était important.
« Donne-moi quelques minutes, je te dirai ce que j’ai à dire et ensuite je disparaîtrai. Je sortirai de ta vie. »
Pardieu ! Qu’est-ce que je fabriquais ! L’argument m’était venu comme ça… sans crier gare ! Quelle idée ! Je n’avais pas envie de quitter sa vie, je voulais y retourner ! Mes yeux bleus fixaient ceux ambrés de Spherany.
« Je t’en supplie. »
J’avais intérêt à vite réfléchir à ce que j’allais dire ensuite pour ne rien foirer. M’écouterait-elle seulement ?
Son palpitant ne cessait de la tourmenter. Il s'agitait et perforait si violemment sa poitrine qu'elle craignait qu'il ne puisse s'en rétracter. Pourquoi diable était il revenu. Pourquoi maintenant ? Tant de temps s'était écoulée depuis leur séparation. Elle arrivait enfin à aller de l'avant et surtout retrouvait peu à peu un réel attachement sentimental. Mais voilà que comme à son habitude, il débarquait et venait balayer ses espérances de la carte. D'un revers de main, comme si tout ce qu'elle avait bâti n'était que nuisance aujourd'hui. Sa gorge se noua tandis que son pas se faisait plus ferme et plus rapide. Mais aucune lois n'aurait pu l'arrêter et ce n'est que peu de temps après son départ que le jeune homme finit par la rattraper.
Il lui quémanda alors juste de l'écouter... Juste ? C'était déjà bien trop pour elle. Croiser son regard avait suffi à lui rappeler de douloureux souvenirs. Imaginer ce qu'elle pourrait ressentir face à ses mots la terrifiait de toute part. Pourtant c'était presque si il ne lui donnait plus le choix. Une nouvelle fois il avait laissé son égoïsme l'empêcher de lui échapper et tenait fermement à lui exposer ses idées. Son regard croisa à nouveau le sien tandis qu'il se plaça face à elle, déterminé à lui parler. Avec cet manœuvre il pouvait aisément lui barrer la route mais n'employait aucun contact physique pour. Ce qui était d'une quelconque façon surprenant. Mais ce que ressentait Spherany dépassait tout entendement. Elle déglutit alors nerveusement, son regard fuyait le sien alors qu'elle se sentait comme piégée. Vulnérable. Lucy seule savait ô combien elle détestait se sentir ainsi, combien cela lui était douloureux de n'avoir aucun échappatoire et d'être envahie par cette sensation mortelle de suffocation.
Mais le fait qu'il soutienne le fait qu'il sortirait de sa vie après lui avoir confié ses idées attisa alors sa curiosité. Curiosité qui ne résultait que d'une envie fulgurante de ne plus jamais croiser sa route. Elle le connaissait assez pour savoir qu'il ne la laisserait pas filer aussi aisément. Il était téméraire et déterminé. C'était d'ailleurs des qualités comme celles ci qui avaient eu raison d'elle à l'époque. Elle avait toujours vu en lui un homme bon. Un homme sincère, un homme aimant et surtout un homme loyale et courageux. Bien que nombreuses mauvaises langues venaient très souvent lui compter leurs avis elle n'avait jamais été assez vaniteuse pour changer le sien. Au fur et à mesure du temps, elle l'avait idolâtré au point que ses sentiments avaient atteint le summum. Mais c'est là qu'elle avait découvert la supercherie. Tout ce qu'il avait entrepris de lui faire à elle, à sa famille, à Nyx.. À tout le monde. Elle pouvait encore ressentir ce déchirement émotionnel qui l'avait changé du tout au tout. Il était la cause de bien des choses. Et aujourd'hui il lui demandait encore de lui accorder de son temps.. ? Foutaises.
Pourtant, une part d'elle ne cessait d'éprouver quelque chose pour lui. C'est ce petit quelque chose qui la poussa à accepter sa demande. Légèrement tremblante, elle éleva alors sa voix tandis que son regard fuyait désespéramment le sien.« Qu'est ce que tu me veux, Kyle... »
Intérieurement c'était une véritable catastrophe. Elle se retrouvait mitigée entre plusieurs sentiments. D'un côté une animosité monstrueuse et dévastatrice grandissait et mençait d'exploser. De l'autre un sentiment de compassion et d'attachement qui ternissait depuis si longtemps au fond d'elle. S'en rendre compte aujourd'hui ravivait toute cette haine et culpabilité. Comment pouvait elle encore ressentir ce genre de sentiments pour lui ? Était elle aussi stupide au point d'oublier tout ce qu'il lui avait fait endurer ? Un flot de questions bousculaient son esprit. Comment devait elle agir, que devait elle dire, que devait elle faire, ressentir... Pourquoi diable était il revenu. Si il était resté paisiblement de ce côté elle n'aurait jamais eu à vivre ça. Elle serait encore entrain de festoyer à la taverne et ne verrait pas son palpitant se sentir autant tirailler et assaillit que maintenant. Pourtant elle avait déjà pu imaginer leurs retrouvailles. Elle se voyait pouvoir enfin lui dire combien elle le méprisait. Combien il avait pu la faire souffrir et comment aujourd'hui elle ne voyait en lui qu'un insecte. Elle était même persuadée que dès les premières minutes elle n'aurait eu aucune peine à l'envoyer paître comme il le méritait. Mais que des mensonges... Des espérances naïves ! Rien n'était comme elle l'imaginait. Ses premiers ressentiments débordaient de crainte, de peine, de rancœur et de détresse. En tout cas, jusque là...« Je croyais avoir été claire la dernière fois quand je t'ai dit que je ne voulais plus jamais te revoir... Qu'est ce que tu fais là ? Pourquoi tu ne peux pas me laisser rentrer chez moi ? Pourquoi tu reviens ? POURQUOI KYLE ? »
Peu à peu, son sang commençait à bouillonner en elle. Ne te fais pas avoir une nouvelle fois. Tu ressens peut être quelque chose, mais c'est certainement pas de l'amour et ça tu en es sur. Souviens toi de tout ce qu'il t'a fait. Comment il t'a traité, comment il s'est servi de toi ! Utilise tes souvenirs et fais en ta force. Cesse donc de lui montrer tes faiblesses. Montre lui plutôt qu'aujourd'hui tu es bien plus forte qu'avant. Montre lui que sans lui tu es heureuse et surtout fait lui regretter de t'avoir sali comme il l'a fait. Bien sur que tu ressens de l'attachement et tu en ressentiras toujours, mais c'est normal après tout, tu l'as si follement aimé. Maintenant relève toi et ne le laisse pas t'avoir à nouveau. MONTRE LUI. Susurrait sa petite voix intérieure. Alors ses poings se mirent à se fermer violemment tandis que ses ongles venaient se planter dans ses dernières. Elle entreprit de patienter le temps qu'il lui expose ses vérités. De toute façon elle n'avait pour le moment pas le choix. Mais elle espérait qu'il fasse bien attention à ce qu'il allait dire. Qu'il écourte le plus la chose. Car au moindre mot, au moindre dépassement.. Elle ne tiendrait pas longtemps. Et quand ça sortira, ça ne fera pas du bien, autant à lui qu'à elle.
Elle s’était immobilisée et d’une petite voix tremblante, elle m’avait demandé ce que je lui voulais. Ses lèvres tremblaient-elles d’émotion de me revoir, d’enfin entendre le son de ma voix ? Ses yeux fuyaient les miens. En cherchant à les croiser, je ne les vis pas briller de joie ou d’amour. La colère y battait son plein. Ses lèvres tremblaient tant la haine débordait de sa coeur et dégoulinait de sa bouche ouverte qui, ne me laissant pas le temps de lui exposer mes sentiments, crachait un venin acide. Spherany s’énervait à mesure qu’elle me hurlait dessus. Une colère froide qui se muait petit à petit en tornade destructrice. Je déglutis difficilement, la bouche soudainement sèche. J’avais du mal à comprendre où elle voulait en venir. Je l’avais suppliée de m’écouter et elle, au lieu d’ouvrir les oreilles et son coeur, m’avait clairement incendié. Elle était manifestement encore en colère contre moi.
Au fond de moi, je me demandai avec elle « pourquoi ? ». C’est vrai… pourquoi revenais-je encore à elle après que tout soit brisé entre nous ? Parce que son corps me hantait, que son âme si pure me suggérait à chaque instant de lui demander son pardon. L’air soudainement triste, je la regardais, ne sachant si je devais lui répondre, lui exposer mes arguments ou simplement tourner les talons. Fuir ne m’apparaissait pas très noble. J’étais venu la déranger lors de sa soirée et j’allais repartir en la laissant sur sa faim quant à mes intentions ? Non, cela ne me semblait pas plausible. Il me restait à lui dire ce que j’avais sur le coeur, mais comment ? Quels mots pouvaient décrire cela ? J’avais retourné cet instant maintes et maintes fois sans jamais parvenir à un consensus avec moi-même. Pourquoi ne pouvait-elle simplement pas prendre mon coeur entre ses doigts fins pour contempler l’amour pour elle qui en irradiait ? Je me mis un coup de pied au cul et repoussai ce silence devenu presque gênant tant il avait duré. J’avais bu mais mes esprits étaient bien clairs en cet instant. D’un ton toujours grave, la voix rauque, je lui répondis :
« Je suis amoureux de toi, Sphé… Non ! Attends, ne fais pas cette tête, écoute-moi je t’en prie ! Je sais que mes intentions étaient mauvaises. Je… je ne pensais pas, au départ, que j’allais rencontrer une personne aussi merveilleuse que toi. Tu m’as apaisé. Je ... »
Je ne devais pas hésiter, sinon j’allais la perdre. Je me forçai à enchaîner, ne sachant où tout cela allait me mener. Parler avec son coeur, laisser les mots monter et disparaître au vent sans jamais les retenir ou les contraindre. Il n’y avait nulle manipulation cette nuit-là.
« Je voulais simplement que tu saches que lorsque je disais t’aimer c’était la vérité. Et je peux t'affirmer avoir été heureux à tes côtés. Sincèrement... je t'aime Spherany. Je n’ai pas délaissé mes objectifs d’accéder à la haute noblesse et j’ai mes raisons de vouloir monter pour changer les choses ici-bas. Seulement, les moyens que j’emploie ne seront plus jamais les mêmes. Tu m'as fait évoluer... Tu t’en fous certainement… alors je… j’ajouterai juste… si tu as besoin de quoi que ce soit je serai toujours là pour toi, Sphé, comme une ombre bienveillante. Et je te le demande, en sachant que je ne le mérite pas, mais… pardonne-moi. »
Voilà, je lui avais ouvert mon coeur. Elle n’en ferait certainement rien et je la laisserai repartir. J’étais convaincu que je n’y parviendrai pas, mais ça je ne comptais pas lui dire ! Au fond, j’espérais que cette nuit m’offrirait son pardon. Ce n’était pas un hasard si nos routes s’étaient croisées. Je la regardais, somptueuse dans la nuit, l’alcool décuplant sa beauté.
Dans la guerre d'amour, le vainqueur est celui qui fuit. Peut être pouvait elle aujourd'hui se vanter d'avoir réussi à le faire. Lui qui lui avait causé tant de peines, tant de douleurs. Il l'avait saisit auparavant, comme un prédateur aurait saisi sa proie. Il avait fait d'elle son âme sœur. Il l'avait fait espéré, il l'avait fait l'aimer. Puis il l'avait anéanti. Comme jamais personne ne l'avait anéanti jusqu'ici. Comme si elle n'était à ses yeux qu'un objet de satisfaction et un tremplin à sa gloire comme qu'il pouvait briser aussi aisément qu'un morceau de verre. Il était la raison même de son changement radical. Ce qui aujourd'hui lui avait ôté toute confiance en elle et aux individus qu'elle rencontrait. Très peu de personnes pouvaient se féliciter d'avoir sa confiance. Et c'était de sa faute à lui. Lui, son égoïsme, son obsession avide et sa cupidité. Vous savez ce que l'on dit : Moins vous êtes, plus vous avez.... Ainsi, toutes les passions et toutes les activités sont engloutis dans la cupidité. Et sa passion à elle, n'avait pas fait exception à la règle. Sa cupidité était la raison même de son naufrage et il ne pouvait que se blâmer lui, d'y avoir cédé.
Pourtant il était revenu et se déclarait amoureux d'elle. Amoureux... Ce mot seul suffit à pétrifier la jeune femme. Comme un mot interdit à ses yeux, ou en tout cas de ses lèvres. Comment pouvait il encore aujourd'hui se permettre de lui déclarer sa flamme ainsi. Après tout ce temps, après ce qu'il lui avait fait. Tout ce qui suivi sonnait comme une provocation pour elle. Comme des éclats irisés qui venaient fractionner et perforer son cœur et son âme jusqu'à raviver ses sens d'une flamme ardente et vive. Une flamme qu'il aurait mieux fait de ne jamais réveiller. Un plissement vint se former sur son front tandis que ses sourcils commençaient peu à peu à se raffermir. Chacun de ses mots relâchés dans la pénombre de cette nuit qui sonnait si glaciale à son cœur venaient encore et toujours sur ses cordes sensibles. Puis, un claquement audible s'échappa. Un claquement sec et intense. Un claquement qui avait brisé l'atmosphère si délicat entre eux. Elle l'avait giflé. Sèchement et douloureusement elle avait laissé sa joue s'imprégner de sa main et cela avant de relâcher, des larmes venant discrètement perler sur ses paupières.
« Tu ne pensais pas ? TU NE PENSAIS PAS ?! Bon sang Kyle mais regarde toi dans un miroir ! Es tu fier de ce que tu es ? Es tu heureux ainsi ? Pose toi les bonnes questions ! Tu sais ce que MOI je ne pensais pas.. ? Je ne pensais pas que j'aurai pu tomber amoureuse d'un homme aussi cupide, aussi mauvais et aussi égoïste que toi ! » Elle marqua un léger temps après ses quelques mots. Son palpitant perforait de plus à plus sa poitrine jusqu'à venir réveiller ses tempes qui douloureusement, laissaient naître une légère céphalée. Elle chassa ses larmes d'un revers de main ferme et décisif, ajoutant alors. « Tu as bien raison sur un point. Je m'en fou éperdument que tu ais changé et pour tout avouer je n'en crois pas un seul mot. Jamais tu m'entends, JAMAIS je ne pourrais te pardonner ce que tu m'as fait. Tu m'as salis, moi, mon nom, ma famille... Tu t'es joué de moi, tu m'as utilisé et même si tu étais soi disant sérieux par la suite ta démarche elle ne l'a jamais été. Ça me suffit pour ne plus jamais te croire. »
Si elle avait un jour pu répéter ce qu'elle lui aurait dit si elle le croisait à nouveau, elle n'aurait jamais pensé être aussi violente dans ses propos. Il réveillait tant de choses en elle, tant de choses mauvaises qu'elle en devenait éperdument blessée. Non. Elle ne devait pas encore le laisser interagir aussi aisément sur ses sentiments, sur ses émotions. Si elle lui avait déjà offert le privilège de l'avoir détruite auparavant, elle se devait aujourd'hui de lui faire face aussi vaillamment que possible. Lui montrer que elle aussi, elle pouvait le blesser. Elle aussi elle savait être poignante quand il le fallait et qu'elle n'était pas une pauvre biche égarée en proie à n'importe quel prédateur. Soudain, un fin ricanement s'échappa d'entre ses lèvres. Un ricanement nerveux, un ricanement qui laissait transparaître toute sa détresse et toute son incapacité à gérer la situation comme elle l'aimerait.
« Bon sang Kyle... Comment peux tu encore aujourd'hui, oser venir me dire tout ça. Tu n'as pas honte à force ? Ça t'épuises pas d'autant te jouer des autres ? Ou alors y a t-il là dedans une sorte de satisfaction perverse et malsaine ? » Articula t-elle difficilement, ses pommettes venant se maculer une nouvelle fois de fines perles furtives. Puis elle reprit. Son ton était si sec, si agressif qu'elle avait la sensation de lancer plusieurs poignards d'aciers rocs et robustes. « Tu sais quoi, ça suffit. J'ai assez perdu ma salive avec toi. Perdu mon temps et ma patience. Sors de ma vie et cette fois, n'en reviens jamais. Je suis assez claire cette fois ou tu as besoin que je te l'écrive ? Mon amour pour toi s'est envolé en même temps que tu as brisé ce que l'on avait construit. Il ne reviendra jamais. JAMAIS. »
Si ça avait le don d'être brutal au moins elle pouvait se réjouir d'avoir réussi à lui dire tout ça. Peut être pas de la meilleure façon, mais au moins c'était dit. Si lui pouvait se sentir allégé d'avoir enfin pu lui confier ce qu'il avait sur le cœur, elle aussi à son tour s’allégit d'un lourd poids qu'elle avait accumulé jusqu'ici. Elle aurait du se sentir mieux, elle aurait du se sentir apaisée. Pourtant, au fond d'elle une douleur vive s'empara de son membre primitif. Elle sentit son palpitant se serrer, sa gorge se noué, son être défaillir. Pourquoi était ce si douloureux pour elle... Elle se retint alors de flancher. Patienter. Encore un peu. Juste encore un peu. Puis quand il la laissera enfin elle pourrait alors se permettre d'éclater en sanglot. Verser les dernières larmes qu'elle lui accorderait. Peut être que après ça, elle pourra enfin fermer le livre une bonne fois pour toute et ne plus jamais... Ne plus jamais le rouvrir.
Je vis la colère s’élever progressivement sur les traits de Sphérany. Son front plissé, ses sourcils froncés et ses grands iris brillants qui lançaient des fusées de haine étaient autant de signes précurseurs de la claque que je pris. Littéralement, elle avait envoyé sa main d’un geste précis en plein sur mon délicat visage. Ce fut alors à son tour et au début, j’entendis à peine sa voix. La désillusion prenait le pas sur les faits et mes oreilles bourdonnaient. Je l’avais blessée et c’était à mon tour de souffrir. Baissant les yeux pour la première fois devant quelqu’un, j’acceptai ma sentence, un poids imaginaire pesant sur ma nuque et la joue en feu comme un enfant qui aurait fait une bêtise. Un à un les mots étaient encore plus violents que son geste et chacun d’entre eux était un coup de poignard venant d’une femme aussi parfaite que Sphé. Cupide. Mauvais. Egoïste. N’étais-je plus que cela à ses yeux ? Si c’était le cas, il n’y avait plus aucune chance de conquérir son coeur, de la sentir blottie contre ma poitrine une dernière fois.[Je conclus là pour l'instant, je ne voyais pas d'autre issue à ce rp. Les bases sont posées désormais ! Si jamais cela ne te convient pas, je peux aussi modifier ma réponse, n'hésite pas ! ]
Je ne voyais pas ses larmes, mes propres yeux bloqués sur un pavé humide, légèrement brillant sous la lumière vacillante des torches de la ville. Lorsque Spherany reprit, son ton était glacial. Sa sincérité acheva de me briser. Une dernière fois, j’entendis son rire cristallin et songeai que je l’avais transformé en éclat de larmes. La honte m’envahit. Je relevai les yeux, la joue toujours rouge, mais ce n’était pas là que j’avais le plus mal. Je l’écoutai jusqu’au bout. Je ne pourrais jamais racheter mon pardon auprès de Spherany. Que pouvais-je faire pour, au moins, la contenter ?
Avant d’y songer, le ricanement qui s’échappa de ses lèvres me secoua. Etait-ce la haine ? Le dégoût ? Ce que je lui inspirais n’avait rien de positif et, pour une fois, j’eus envie de fuir. Je voulus disparaître pour ne plus jamais me trouver face à elle. Spherany était pire qu’un miroir. Elle m’envoyait en plein coeur toutes mes erreurs, mes ambitions ratées, et surtout mon comportement destructeur pour mon entourage. Si j’étais auparavant un frère brisé par la mort de sa jeune sœur, j’étais maintenant un homme anéanti, plus bas que terre. L’alcool n’atténuait en rien la douleur que ses mots provoquaient.
Oh ! Evidemment qu’elle ne voulait plus jamais me revoir. La gorge sèche, je déglutis douloureusement. Je l’avais bien cherché, et je m’en doutais. Une part de moi voulait ardemment prolonger ce moment auprès de Spherany. Mais ma raison, ralliée à une certaine part de mon coeur (la seule douée de sentiments honnêtes sans doute), me convainquit tristement de ne pas en rajouter. N’aggrave pas ton cas, Kyle. Ne fais pas cette erreur une seconde fois. Je lâchai alors, le coeur battant, le regard vide et les mains tremblantes :
« Nous nous croiserons probablement, mais je prendrai soin de t’éviter. Fais attention à toi, Spherany. »
Je ne réussis pas à lui jeter un dernier regard et je passai à côté d’elle, sentant tout de même une dernière fois ces doux effluves de parfum, celui de ses cheveux, de son corps. Je fermai les yeux et m’efforçai de poursuivre ma marche. Serrant les poings au fond de mon veston, je pris le chemin du retour jusqu’à mon logement. Si Spherany fondit en sanglots, je n’en entendis rien. Je ne me retournai pas. Elle avait ce qu’elle voulait, c’est tout ce que je pouvais faire pour elle. Un dernier geste après l’avoir brisée, celui de partir loin de Sphé.
Les blessures au cœur sont amers. Promptes à s'ouvrir, lentes à se fermer. Mais aujourd'hui, pouvait elle se sentir allégée de les avoir refermées ? Étaient elle réellement soignées ? Mieux encore, pouvait elle les oublier ? Tant de questions pour aucune réponse satisfaisante. Spherany avait attendu. Elle avait patienté pendant un long moment dans l'attente de pouvoir enfin libérer son cœur et apaiser ses mots. Pourtant, maintenant qu'elle avait pu confier tout ce qu'elle avait sur le cœur elle n'avait plus qu'un seul sentiment en elle. Un seul et unique, qui tiraillait ses entrailles et ternissait ses pommettes. La douleur n'avait pas disparu, en réalité elle avait la sensation que sa plaie s'était soudainement rouverte. Comme un trou béant dans son membre primitif. Confier ses tourments et cracher son venin n'avaient eu comme seul résultat d'aggraver encore plus ses peines. Peut être que cela n'était que sur le moment, peut être que demain tout sera enfin oublié. Pour le moment elle se contentait de serrer les dents, mordillant sa lèvre inférieur dans le but de dissimuler au mieux ses émotions. Diable qu'elle pouvait se sentir mal. Elle avait la sensation que son palpitant menaçait d'exploser et que ses larmes finiront par couler en flot. Et cela bien avant qu'il ne la quitte.
La quitter... Pourquoi cette simple hypothèse ravivait encore plus ses douleurs ? Pourquoi l'idée qu'il puisse à nouveau l'abandonner ici, ne faisait que creuser plus ses tourments ? Elle était perdue. Désespérée. Leurrée. Bouleversée. En un seul échange il avait réanimé en elle tout ce qui l'avait tourmenté durant tout ce temps. Pourtant la vision de son visage si touché et si blessé par ses mots ne lui apportait qu'un sentiment destructeur de culpabilité et de compassion. Non. Elle n'avait pas le droit ! Pas après tout ce qu'il lui avait fait. Pas après qu'elle lui ait lancé tout ce qu'elle avait à dire. Pas après s'être jurée de ne plus jamais éprouver une once de sentiment positif à son égard.
Puis dans un dernier échange, il finit par la quitter. Il lui demanda de prendre soin d'elle et affirma qu'il ne reviendrait plus la déranger. D'un geste furtif et poignant, sa silhouette glissa à ses côtés avant de disparaître au loin. Elle n'avait pas eu le temps de lui répondre, mais au fond qu'aurait elle pu dire de plus ? Il lui était impossible de remettre de l'ordre dans son esprit, de classer ses sentiments, ses émotions qui envahissaient à flot son esprit. Même si elle l'avait souhaité, aucun mot n'aurait réussi à transpercer la barrière de ses lèvres. Sa gorge était armement noué si bien qu'elle avait la sensation de suffoquer. Son membre primitif se comprimait à mesure qu'elle le sentait s'éloigner d'elle. Et puis, plus rien. Le souffle du vent s'engouffrant dans un silence profond. Le son des arbres oscillant dans la pénombre de la nuit. Un animal, ou deux... Mais rien. Plus rien. Le néant.
Anéantie. C'est tout ce qui semblait résumer la situation. Quand plus rien ne l'entourait, Spherany s'écroula alors au sol. Ses genoux percutant ce dernier avant que ses mains ne joignent son visage. Un flot de larmes se mirent à perler le long de son visage, maculant ce dernier brutalement. Il lui faudra du temps, beaucoup de temps. Un long moment là, à sangloter. Seule et bouleversée. Ses lèvres laissant s'échapper un déchirement de douleurs s'accompagnant d'un cri qui venait du plus profond de ses entrailles. Une libération ou un relâchement. Peut être se sentirait elle mieux au petit matin, peut être pas... Pour le moment elle resta là. Ses larmes comme seul réconfort tandis que le temps s'écoulait petit à petit autour d'elle.
Plus jamais elle ne le laisserait avoir autant d'impacts dans sa vie. Elle chassera ses larmes et ses peines d'un revers de main et relèvera la tête aussi vite. Mais pour l'instant, loin des regards indiscrets... Elle se permit un moment de relâchement. Quand elle se sentira mieux elle retournera chez elle et s'enveloppera dans ses draps. Emprisonnant cet épisode de sa vie dans un coin de son esprit avant de reprendre le court de sa vie. Fièrement. Courageusement. Comme elle l'avait toujours fait jusqu'ici... Petite poupée de porcelaine a la peau diaphane ! Arriveras tu un jour à l'oublier ?
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