Traque au cerf.
M’enfonçant encore plus profondément dans la forêt, je pouvais voir la nuit arriver, je devais donc trouver un endroit pour me poser et passer la nuit. C’est alors que je pus apercevoir au loin un fil de fumée. Cela venait sans doute d’un feu. Un monstre ? Des pyromanes ? Il fallait que j’en aie le cœur net, je devais aussi m’assurer qu’un feu de forêt ne démarre pas. Cela me détournerait de ma route initiale mais la prudence est mère de toute sureté.
Une fois parvenue à m’en approcher, je me suis posée au sol. Je n’avais qu’à suivre les traces de pas et les marques de passage clairement visibles sur le sol. A en juger par celles-ci, c’était celles d’un humain qui ne cherchait pas à couvrir ses traces, un aventurier peut-être ?
Ce n’est qu’une fois arrivée que j’aperçus un feu de camp, assez léger pour s’éclairer mais pas fait pour durer ni se réchauffer pendant toute une nuit. A côté je pouvais voir un homme, blond, affairé comme un guerrier. Chose vraiment rare dans ce côté du pays. Je décidai donc de me montrer et de me présenter, prendre les gens par surprise pouvait amener à des conflits non désirés. L’honnêteté avait toujours payé.
D’une voix chaleureuse, je saluai cet inconnu aux cheveux dorés. C’était mon devoir de religieuse de proposer mes services à mon prochain.
« Au nom de la Déesse Lucy, je vous souhaite le bonsoir, aventurier. Désolée de me mêler de votre vie, mais cette partie de la forêt regorge de monstres redoutables et d’animaux peu désirables. Puis-je me permettre de vous demander où vous vous rendez et si besoin est, je peux vous ramener sur le chemin vers le village le plus proche. »
Dépourvu de carte et de sens de l’orientation, Marc-Antoine finit par se perdre. La surprise gagna notre héros qui, bête comme ses pieds, ne comprenait pas comment pareille chose avait pu lui arriver. Loin d’avoir trouvé ce qu’il était venu chercher ici, l’épéiste décida de se reposer. Demain serait un nouveau jour et peut-être qu’il serait alors en mesure de retrouver son chemin, à défaut de rencontrer l’animal.
Marc-Antoine n’avait qu’une idée en tête, regagner la caserne. Grande fut sa surprise quand il rencontra une aventurière de quelques années son aînée. Celle-ci lui proposa son aide, aide qui était bien entendu la bienvenue. Ainsi notre héros répondit :
▬ Bonsoir. Des monstres vous dites ? Précisément, j’en cherche un. Ou du moins j’en cherchais un. Un cerf aux bois et aux pattes semblables à des racines, un cerf-végétal en somme. Ma quête a néanmoins été quelque peu … Reportée dirons-nous.
Peut-être cette dernière pouvait-elle reprendre ? La personne qui faisait face à Marc-Antoine avait l’air dotée de certains talents, talents qui ne seraient pas de trop dans cette aventure. Le jeune homme réfléchit, pesa le pour et le contre et affirma non sans une certaine hésitation :
▬ Je ne souhaite pas rentrer, pas pour le moment en tout cas. Néanmoins j’apprécierais si vous restiez à mes côtés. Une quête aussi héroïque ne peut être réalisée seule, cela va de soi. Si vous consentez à m’accompagner, je vous citerai dans mes aventures comme partenaire. Intéressée ?
Être citée par Marc-Antoine n’avait aucune valeur. Le jeune écuyer croyait dur comme fer que cet argument allait faire pencher la balance de son côté. Quelle erreur.
Traque au cerf.
Quand il alla quérir l’aide de la Prêtresse, cette dernière ne pouvait refuser. En tant que servante de la Déesse, aider et rendre service étaient la moindre des choses. C’est avec un certain plaisir qu’elle accepta.
« Très bien, je vais vous aider. La gloire ne m’intéresse pas cependant. Les faveurs de la Déesse me suffisent amplement. La nuit ne va pas tarder à tomber, avez-vous une piste pour savoir où commencer ? »
Bien que Nayru connaissait la forêt et avait un certain sens de l’orientation, une forêt faisant des milliers d’hectares était une sacrée tâche à explorer. Mais peut-être que le jeune homme blond avait un plan.
▬ Une piste dites-vous ? Mh.
L’interlocutrice de Marc-Antoine était bien présomptueuse. Notre héros n’avait ni piste, ni plan, ni quoi que ce soit d’approchant. Ces termes étaient obscurs aux oreilles du cadet des de l’Épée qui s’était contenté d’explorer la forêt sans trop réfléchir aux tenants et aux aboutissants d’une telle aventure.
▬ Maintenant que vous le dites, non. Je n’ai pas de piste. J’ai néanmoins déjà croisé l’animal que je recherche. Le monstre m’a aidé alors que j’étais dans une mauvaise posture. Ayant un sens de l’orientation plus que douteux, je vais avoir du mal à retrouver l’endroit où nous nous sommes rencontrés la première fois. Néanmoins j’ai une bonne mémoire. Une très bonne mémoire. Aussi, si je vois le lieu en question, je pourrais le reconnaître, assurément.
Comme souvent, Marc-Antoine n’était pas d’une grande utilité. Et comme souvent aussi, Marc-Antoine n’était pas très futé. Ceci-étant, il jugea bon d’affirmer :
▬ Je me souviens quelque peu du lieu de notre rencontre et peux affirmer sans peine qu’il y avait des arbres ; Beaucoup d’arbres !
« Beaucoup d’arbres » dans une forêt, la belle affaire ! Le duo était bien avancé.
▬ Je pense qu’il nous faut trouver un endroit avec des arbres. Beaucoup d’arbres. Le problème c’est que les arbres sont nombreux ici. Au passage, je ne me suis pas présenté ; Marc-Antoine Archibald de l’Épée, membre de la garde, interne et cadet de la maison des de l’Épée.
A défaut d’être utile, il pouvait faire bonne figure. Marc-Antoine avait toujours été doté d’un certain talent dans la discipline.
Traque au cerf.
Le blondinet parla d’un endroit avec beaucoup d’arbres. C’est à ce moment où j’ai commencé à douter de l’intelligence de cette personne. Nous étions en forêt. Il y avait un arbre à chaque mètre. Mais il insistait sur le « beaucoup », s’il mettait l’accent sur ce détail, c’était peut être parce qu’il se trouvait en un lieu où la densité d’arbres était tellement grande que passer entre eux était impossible. Il fallait alors penser à un lieu en dehors des sentiers battus et s’éloigner du village perché et de l’arbre sacré le plus possible.
Prenant la peine se présenter, j’ai compris que l’homme était un noble de la famille De L’Epée, cette célèbre famille de nobles guerriers. Ce n’était pas la première fois que j’en croisais un. Cela me faisait remonter quelques souvenirs d’il y a quelques semaines.
« Enchantée Marc-Antoine, vous devez être le frère de Alberic et de Luna c’est cela ? J’ai eu l’occasion de mener une mission à bien avec eux voilà plusieurs lunes. Je suis Nayru, servante et Prêtresse du culte de Lucy. Je suis également une aventurière parcourant les routes et aidant les âmes égarées tel que vous. Si vous êtes aussi compétent que votre frère et votre sœur, nous n’aurons aucun problème à trouver ce Cerf-Végétal »
Réarrangeant ma tenue, je pris la direction du coucher de Soleil afin de profiter de la luminosité encore quelques temps.
« Allons-y M. De l’Epée, si nous sommes attentifs nous trouverons cette bête. Mais pourquoi recherchez vous une créature aussi rare ? »
▬ Assurément, ce sera une partie de plaisir.
Une partie de plaisir ? Cela n’allait pas l’être. L’animal se faisait rare. Taciturne et peu enclin à montrer son pelage aux passants, il ne sortait de sa tanière qu’en cas d’extrême nécessité. Marc-Antoine avait essayé de se renseigner sur ladite bête, sans grand succès. S’il avait poursuivi ses recherches plus en profondeur, il aurait pu apprendre bien des choses sur cette dernière. Le jeune interne aurait par exemple pu apprendre que cette créature nait de l’écorce d’un arbre millénaire dans l’unique but de protéger ce dernier.
▬ Je n’en ai aucune idée à dire vrai. Comme dit plus tôt, l’animal m’a aidé alors que je me trouvais dans une mauvaise posture. J’aimerais donc le retrouver afin de … Le remercier peut-être.
Remercier autrui ? Ce n’était pas dans les gènes de Marc-Antoine. Non, ses intentions étaient moins nobles. Il désirait l’affronter, lui montrer ses nouveaux pouvoirs et ainsi se prouver à lui-même qu’il n’avait besoin de l’aide de personne. C’était bien l’orgueil qui poussait notre héros à rechercher l’animal. Si par ailleurs il pouvait vendre ses cornes et en tirer un bon prix au marché noir, Marc-Antoine ne dirait pas non.
Alors que les deux aventuriers prirent la route, Marc-Antoine jugea bon de poursuivre la conversation en énonçant des banalités :
▬ C’est la première fois que j’entends parler d’une prêtresse parcourant les routes afin d’aider les aventuriers égarés. La Déesse vous a mené à moi, j’en suis certain.
Le jeune homme s’arrêta net avant de pointer du doigt une direction :
▬ Il me semble que j’ai emprunté cette voie l’autre jour.
Marc-Antoine était doté d’un sens de l’orientation plus que défectueux. Aussi, il était aisé d’affirmer qu’il se trompait et guidait son duo sur une mauvaise piste. Suivre celle-ci allait néanmoins mener le groupe à une bête tout aussi dangereuse que le Cerf-Vegetal.
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