Quiet Chat.
Le cimetière des aventuriers se trouvait à quelques rues de la guilde. Facile à trouver, on pouvait néanmoins constater que son accès ne se trouvait pas à partir des avenues principales, ce qui pouvait expliquer le manque d’activité autour. Avec un grand bouquet de perce-neiges, de muscaris et de tulipes, je pris le soin de déposer chacune des fleurs sur chaque tombe en ayant une pensée pour ces aventuriers. Ces fleurs étaient souvent utilisées pour embellir les tombes des disparus et avaient l’audace de tenir plusieurs jours. Ces gens étaient tombés au combat, cela me faisait remettre en question ma condition d’aventurière, étais-je faite pour affronter des créatures redoutables quitte à y perdre la vie ? La réponse me semblait évidente, tant que quelqu’un avait besoin d’aide, je serai là.
N’ayant plus qu’une tombe à faire, je remarquai qu’une personne se trouvait déjà devant. Une femme d’une vingtaine d’années se trouvait là. Ne voulant pas la déranger et la laisser faire son deuil, je me positionnai à côté et déposa délicatement les fleurs. Souriant à la jeune femme, je me suis permise de l’aborder.
« Bonjour à vous, je suis Nayru, suivante de Lucy notre Déesse. Je m’apprêtais à prononcer quelques mots pour les défunts, souhaitez-vous m’accompagner dans cette prière ? »
Je m’étais pas couverte plus que ça pour aller au cimetière. Non, pas besoin, c’était ma tenue habituelle, j’avais même accentué les couleurs vive pour l’occasion. Short et tee-shirt, l’épée emballer à la main, je parcourais les rues avant de m’arrêter à un magasin pour acheter de la bière. La meilleure, celle que je prenais à chaque fois. La patronne me connaissait bien. Un sourire, un échange rapide et je sortis. J’étais prête, j’avais tout ce qu’il me fallait.
Le trajet fut rapide, je marchais vite, malgré ma jambe. Je ne voulais pas la faire attendre. Elliane, une si bonne amie qui avait était tout pour moi pendant un temps. La période la plus importante de ma vie. J’entrais dans le cimetière. Toujours aussi triste, sans aucune fleur. Peu de gens allait les voir, souvent l’équipe entière était morte, ou alors chacun était partis de son côté. Compagnon d’une seule aventure qui avait mal tourner. J’allais tout au bout d’une allée sans prêter attention aux autres tombes, je ne les connaissais pas. Enfin, je m’arrêter et regarder la pierre. Elliane, c’était marquer en gros. Je souris.
- Je suis là Elliane, comme chaque année.
Lentement, je déballais l’épée avant de la poser à côté de la tombe.
- Je te la laisse, je reviendrais la chercher pour te la réparer comme chaque année ne t’inquiète pas.
Je me redressais Lentement, je n’avais pas entendu la jeune femme s’approcher et je sursautais lorsqu’elle parla. Une suivante de la déesse. C’était la première fois que j’en voyais une ici. Je souris. Se serait sans doute la première prière officielle qu’aurait Elliane. Je baissais la tête doucement.
-Je veux bien vous accompagner. Merci.
Je fermais les yeux commençant à l’accompagner. La bière était prête pour après. Chacun ses propres rituels après tout.
Quiet Chat..
« Merci beaucoup, je vais donc commencer si vous me le permettez. »
M’agenouillant donc devant la pierre tombale, je joignais mes mains devant ma poitrine et commença à parler d’une voix réconfortante. De la même manière qu’une mère rassure son nourrisson.
- Ô Sainte Déesse Lucy, Porteuse de la Chance, permettez aux âmes présentes dans ce lieu de repos éternel d’atteindre la sérénité. Accompagnez-les dans l’Au-Delà afin que leurs âmes soient apaisées.
Ô Esprits de ce lieu d’allégresse, qui êtes retournés à Mère Nature, je vous présente mes respects. Votre corps n’est plus ici et votre âme voyage vers les bras de notre Déesse, mais les graines de votre passé lumineux bourgeonnent dans nos cœurs. Ces souvenirs, nous les gardons au plus près de nous, afin de pouvoir continuer à cultiver cette fleur qu’est notre vie. Nous vous donnerons, Ô Esprits, quand viendra notre moment, le résultat de notre travail que nous avons accompli tous ensemble. Alors partez sans regrets Ô Esprits, voyagez vers l’Au-Delà sans craintes pour vos proches car la Déesse veille sur tous et nous permet d’accomplir notre destin, aidés par votre souvenir.
Marquant une pause, je repris mon souffle un moment, cette personne priant à côté de moi était venue pour voir cette défunte nommée Elliane, en tant que prêtresse je me devais de lui accorder quelques mots. Les aventuriers n’ont jamais vraiment d’enterrement après tout, la plupart finissent dévorés ou tués par un monstre et enterrés sur place. Voir que ce cimetière tombait peu à peu dans l’oubli me désolait au plus haut point.
- Chère Elliane, puissiez-vous, vous aussi, atteindre l’Au-Delà sans péripéties. Des personnes bien intentionnées pensent encore à vous ici-bas comme vous pouvez le constater. Reposez en paix auprès de notre Déesse.
Je laissa peu après quelques courtes minutes de silence. Il y avait plusieurs moyens de se recueillir ou de prier dans le culte de Lucy, mais ma manière préférée était celle du silence et de la méditation. Cela permettait également à la personne en deuil d’avoir une conversation privée avec elle. Tout le monde n’avait pas envie de clamer haut et fort un discours au défunt. Après tout, l’intimité rend certaines conversations plus intéressantes.
Me relevant donc au bout d’un court moment, je me suis retournée vers la personne qui m’avait accompagné. Prenant une voix et une intonation beaucoup plus amicales.
« Merci de m’avoir suivie dans ce léger rituel. J’ai crois ne pas avoir saisi votre nom. Vous êtes une aventurière ? »
- Eva, je suis une ancienne aventurière et maintenant je suis forgeronne.
Je souris avant d’ouvrir la bière et de boire une grande gorgée. Il était l’heure de mon rituel. La meilleure bière du coin, celle qui pouvait te ruiner tellement elle était bonne. Une fois goûter, on ne pouvait plus s’en passer. Lentement, je m’accroupis, éloignais la bière de ma bouche et en verser une partie sur la tombe de mon ancienne camarade. Oui, même les morts avaient le droit de boire, de profiter du monde des vivants. Et surtout, cela allait lui donner de la force pour son repos éternel. Je me redresser péniblement. Quelle idée de con de s’accroupir. Et lentement, je tendis la bière à la suivante.
- Tenez, vous pouvez la finir.
Je soufflais un bon coup, c’était toujours dur, chaque année, je galérais autant au souvenir de la jeune femme partie bien trop tôt. Je réalisais à ce moment-là, que je ne connaissais pas le nom de la suivante.
- Et vous votre nom ?
Quiet Chat..
La forgeronne en question m’avait proposé de la bière. Mais un épisode avec un homme foudroyant m’avait fait comprendre qu’il fallait que j’évite l’alcool. Je pouvais vite passer à un état second en consommant de la boisson. Valait mieux se montrer prudente. Mais bon, une gorgée me paraissait le minimum syndical pour éviter de me montrer impolie.
Une seule gorgée de cette boisson amère me faisait déjà tourner légèrement la tête. Si je voulais encore percevoir les signes de la Déesse, s’arrêter là serait la meilleure chose à faire. La jeune forgeronne me demanda alors mon nom, chose intrigante car je le lui avait déjà donné mon appellation juste avant la prière. Mais la Déesse est bonne et pédagogue, je répéta donc avec un certain enthousiasme que me procurait l’alcool.
« Nayru… je suis Nayru. Je suis une suivante de Lucy mais surtout une aventurière. Comme vous autrefois. »
Légèrement déséquilibrée, je commençai à observer la sortie du cimetière. Refusant de paraître ridicule après avoir bu une si petite gorgée, je proposai quelque chose pour éviter de montrer que la boisson peut avoir des effets catastrophiques sur moi.
« En tout cas, merci de m’avoir accompagnée Eva, et mes condoléances pour votre amie. Vous vous connaissiez depuis longtemps ? »
- 9 ans… Dont quatre dans la tombe.
Je repensais aux nombreuses soirées de fêtes, celle autour du feu à danser et chanter, les nombreux combats. Elliane en train de boire et sauter au-dessus du feu. Une larme coula sur ma joue. Je ne pris pas la peine de l’essuyer et je souris.
- Pardon, chaque année j’ai… C’est la même chose.
Je secouais la tête pour me reprendre. J’inclinais légèrement la tête vers la suivante en signe de respect et dit d’une voix reconnaissante.
- Merci infiniment pour la prière, c’est la première fois qu’elle y a droit.
J’étais sincère.
- Puis-je vous offrir quelque chose en guise de remerciement ? Quelque chose vous intéresserait ? Je peux faire ce que vous voulez à base de métal.
Oui, se serait si peu pour la remercier, mais je n’avais pas grand-chose d’autre à offrir, et cela même si cela ne se faisait pas, je tenais à le faire.
Quiet Chat..
Je me sentais un peu coupable quand la forgeronne me proposa ses services. Je n’avais pas besoin de ce genre de choses. La Grâce de la Déesse était largement suffisante et remplissait mon cœur de joie. Mais les mortels de cette terre avaient besoin de se combler ce sentiment d’être redevable. Voir que les proches étaient toujours là pour les défunts était déjà un cadeau en soi. Nombre de fois je voyais des familles venir de moins en moins souvent pour leurs proches décédés. Cette femme était transparente de sincérité et sa tristesse devait être incommensurable. Profiter de cette offre était un moyen de l’aider à passer à autre chose. En plus je ne connaissais pas vraiment de forgerons dans cette ville, cela pouvait toujours être utile.
« Maintenant que vous le dites, j’ai bien une lance mais la rouille l’emporte depuis qu’elle a pris l’eau de mer. Si vous pouvez m’en forger une qui tient longtemps, je vous paierai volontiers. »
J'en avais assez de changer d'arme régulièrement. Mais c'est comme ça quand on est aventurier. Les combats réguliers étaient mauvais pour l'équipement.
- Venez, ma forge n’est pas très loin. On va voir avec quels matériaux la faire. Vous avez une idée de la forme que vous voulez lui donner ?
Très important, surtout que je pouvais tout faire tant que ça ne fragilisais pas l’arme. Je pris les devants reprenant exactement le même chemin qu’à l’aller. Boitant, ma cadence n’était pas trop dure à suivre. Facile même pour toute personne possédant deux jambes en bon état. Tranquillement, je dis à haute voix.
- Vous avez un matériel de préférence ? Du léger et solide ? Un peu plus lourd ?
Oui, pour l’empêcher de rouiller, j’avais juste à rajouter une légère couche par-dessus, il faudrait juste faire attention en cas de gros choc que la couche ne soit pas briser, mais ce serait facile à refaire. Enfin pour moi.
Quiet Chat..
Mais la forme ? Je ne savais pas moi-même ce que je pouvais désirer. Aussi je me suis permise d’aborder la chose suivante avec la forgeronne :
« Je peux laisser place à votre imagination ? Au vu de ma corpulence vous vous rendrez compte que je préfère les choses légères. Mais si c’est léger ça casse facilement c’est cela ? »
Continuant de marcher, j’observais le duo que nous étions quitter le cimetière petit à petit. J’espérais que les âmes qui y logeaient pouvaient y reposer en paix désormais.
« En tant qu’aventurière, je me dois d’avoir quelque chose d’utile à transporter tout en apportant une certaine efficacité. Je me bats régulièrement contre des monstres et j’ai déjà eu affaire à l’un d’entre eux, plus féroce, dont la force était telle que mon arme s’est cassée en deux. »
- Bien, j’ai une idée qui pourrait correspondre, et si ça ne convient pas, on pourra juste recommencer.
On était arrivé à la forge. Un énorme cadenas maintenait la porte. D’un geste de la main, je l’ouvris. Pas de clef, rien. La porte s’ouvrit derrière, il faisait noir.
- Excusez-moi le bordel et faite attention où vous marcher.
Je déclenchais les cristaux de lumière dévoilant un certain nombre de caisses pleine de matériel laissant juste la place pour marcher jusqu’au comptoir. Sans faire attention à tout ce bordel, je marchais sur certaines caisses pour atteindre de longues perches de bois. Du frêne, des hampes pour les lances pour être plus précis. Un bois solide. J’en attrapais plusieurs de tailles différentes correspondant à peu près à la taille de Nayru.
- Tout d’abord, essayer toutes les hampes, c’est important de vous sentir bien lorsque vous la tenez en main. Pas trop lourde, ni trop légère. Prenez en compte que la lame fera 25 centimètre de plus que le manche.
Oui, tu vois, pour moi, il faut aimer chaque partie de son arme. Être au courant de comment elle fonctionne pour la rendre véritablement efficace. Chaque arme se manie différemment, et chaque arme s’adapte plus ou moins bien au style de combat de son utilisateur. Chaque étape était importante, j’en étais convaincue.
Quiet Chat..
La dame me conseilla de tester différentes hampes, les longs manches généralement en bois dont sont composés la plupart des armes. J’ignorais quel était le bois utilisé, autant je pouvais reconnaître n’importe quel type d’arbre en forêt, autant une fois travaillé, j’en étais bien incapable.
« Merci bien, je vais essayer celui-là »
Je pris une hampe dont ma main pouvait faire le tour, mais assez large pour que je puisse le manier avec fermeté. M’amusant à faire tournoyer l’arme avec une main avant de la passer à l’autre main tout en la faisant tourner. Il fallait que je prenne en compte le fait qu’une fois que du métal sera dessus une masse supplémentaire sera prise en compte.
« Est-ce qu’il est possible que l’arme soit équilibrée de manière à ce que je puisse m’en servir dans un sens comme de l’autre ? Donner des coups avec le pied de l’arme est une chose que je fais assez souvent. Surtout quand je n’ai pas la volonté de tuer un monstre. »
Il valait mieux laisser l’experte après ça faire son œuvre…
- Aucun souci pour ça.
Je repris la hampe qu’elle avait choisi avant de passer derrière le comptoir en boitant. Je posais la hampe dessus avant de me baisser pour farfouiller. Il me fallait deux métaux différent pour faire un alliage digne de ce nom. Je les trouvais rapidement, puis, le tenant dans mes mains, les fusionner. Concentré sur ma tâche, je répandis le métal sur la hampe pour en faire une fine couche. Consolider, et empêcher l’eau d’abîmer la hampe. Certes, de base elle était conçue pour résister mais, une petite couche supplémentaire ne lui ferait pas de mal. Et cela ne rajouter que peu de poids. Ensuite, continuant mon œuvre, je formais la lame. Concentré, j’en oubliais presque Nayru. Lorsque la lame fut formée, j’emmenais le métal en trop pour former le contrepoids à l’arrière. Un contrepoids qui permettrait aussi de frapper si elle le souhaiter. Comme elle l’avait demandé.
J’étais rapide et efficace, le métal coulant entre mes doigts comme si c’était de l’eau. Suivant ma main avec grâce. Je formais la lance destinée à faire survivre la prêtresse, une lance digne d’elle, et j’y mettais toute ma concentration. Puis d’un coup, tout s’arrêta. Je soulevais la lance vérifiant son équilibre et la tendit à Nayru.
- J’espère qu’elle te conviendra, si tu veux un changement, hésite pas à me le dire.
J’attendais son avis, j’étais plutôt contente de mon travail mais bon, c’était à elle de décider si ça lui convenait ou pas.
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