« Alors c’est comme ça ? » Murmura a nouveau son esprit pendant qu’une flamme dansait devant ses yeux, les rires des deux hommes raisonnant à peine à ses oreilles. Ce soir là, elle n’avait eut qu’un simple rendez-vous. Un rendez-vous pour affaire. Quelque chose qui concernait la trésorerie, elle ne savait plus bien. Elle savait juste que cet échange avait été une réussite. Autour d’elle, ses papiers étaient éparpillés au sol. Froissés. Déchirés. Pourtant elle ne s’en souciait pas. A quoi bon ? Cela avait été une bonne soirée. Une très agréable soirée. Elle avait sourit, elle avait rit, sans avoir à se forcer. Puis elle avait bu, beaucoup. Parce que c’était de cette façon qu’elle canalisait cette âme qu’elle avait acceptée de déchirer par désespoir. Quand elle y repensait, elle n’était qu’une face sans sa jumelle, un miroir sans reflet. Un corps sans un véritable cœur pour le faire battre. Mais c’était une bonne soirée. Elle avait réussit. Ce n’était pas là tout ce qu’elle aurait du vouloir ? La réussite. Si. Cependant, elle était plaquée contre un mur, par trois mains. La quatrième faisant danser devant elle, la seule chose qui pouvait la contraindre à ne pas utiliser ses capacités. Le feu. Comme la colère l’avait toujours rongée, le feu dévorait la sève. Le feu avait déjà enflammé sa peau de cette façon alors elle restait là. Tétanisée. Et c’est comme si son esprit s’était soudainement arrêté. Ralentit, engourdis. Fatigué.
« Pourquoi ? » Juste une étincelle qui passa dans ses iris bleuâtre. Tout était ralentit. Même les insultes, les cris, les murmures ne semblaient pas l’atteindre. Même les lèvres épaisses et écœurantes qui embrassaient la peau lisse de son cou ne la firent pas frémir. C’est comme si elle regardait d’en haut, son propre corps se faire malmener. Ses prunelles miroitaient, sa bouche entrouverte empêchait les sanglots d’échapper à sa gorge. Que pouvait-elle faire. Elle avait lutté. Férocement comme le faisait toujours. Les Milan d’aussi noir qu’était leurs secrets avaient aussi hérité une rage de vivre indéfectible. Alors elle s’était défendu, elle avait frappée, elle avait griffé. Tout ce que lui avait apprit Owain avait été utilisé. Ça n’avait servit à rien. Ils l’avait saisit par les bras, par les hanches et l’avait entravé avec une flamme. Une ridicule petite flamme qui dansait encore devant ses prunelles. Un sourire étira le coin de ses lèvres pendant qu’ils déchiraient la manche gauche de son chemisier en lin. Quelle triste vie que celle d’un Milan. Mais n’étais-ce pas là un juste retour des choses ? Non. Non, son prix elle l’avait déjà payé. Elle l’avait payée au prix fort.
Ses yeux se mirent alors à doucement briller. Pourquoi donc tout était toujours si compliqué ? Ses jambes se mirent à trembler. La trésorière n’était plus aussi pédante. Elle avait la sensation de n’être qu’une catin piégée dans une ruelle. Et c’est les mots qu’ils répétèrent à plusieurs reprise. Elle était une catin ? Sûrement. Son corps avait été offert à plus d’un homme sur ordre de sa mère. « A quoi cela te sert d’être belle si tu n’en profites pas ? ». Queen avait toujours voulu lui répondre « Pour lui maman. ». Mais lui n’était plus là. Il ne serait plus jamais là. A cet instant la solitude l’accabla, la plaqua au mur bien plus que ces hommes. Bien plus que leur desseins lubrique. Elle ne criait pas. Mais son corps la déchirait, la déchirait de chagrin, de douleur. Qu’aurait-elle donné pour revenir dix ans en arrière. Ce soir là, sur le bord du lac. Elle aurait vendu bien plus que son âme. Juste une seconde, juste ce regard d’acier. Une seconde. C’est tout ce qu’elle demandait. Ses jambes lâchèrent. Elle ne voulait plus, elle ne pouvait plus.
Comme elle s’y attendait, ses genoux heurtèrent le sol et elle dû se faire violence pour ne pas tomber face contre terre. - Tu es a la bonne hauteur. Entendit-elle. Inspirant avec force elle leva le visage vers lui, vers cet être qui lui donnait la nausée. De petites perles glissèrent sur ses joues sales, laissant de vaste sillons. Elle, ne cilla pas. Même couverte de honte, même traînée dans la boue, elle ne lâcherait jamais cette dignité qui était sienne depuis toujours. C’est à ce moment là, qu’il arriva. Au moment où l’un des deux venait de la redresser en la pendant par le cou. Il aurait fallut plus de mille homme semblable pour qu’elle ne le reconnaisse pas. Et même en mille ans elle n’aurait pu oublier aucun des traits de son visage, ni des muscles de son corps. Elle avait prit soin de les graver un à un dans son esprit à l’époque.
La jeune femme aurait pu croire à une illusion, ça n’aurait pas été la première fois. Mais le frôlement qu’elle avait sentit contre sa peau, lui, n’était pas une illusion. Il n’avait fait que l’effleurer par inadvertance sans doute, pourtant sa peau la brûlait comme la première fois. Une chaleur douce. Alors, Queen, se raccrocha à la vie. La prise sur son cou se défit et elle retomba à même le sol une nouvelle fois. Cette fois n’était pas comme la première, elle était épuisée. Mais cette rage qui lui faisait tenir bon était là.
Tout se passa trop vite pour qu’elle ne puisse discerner quoi que ce soit. La seule chose dont elle était sûre, c’est que les flammes n’étaient plus là, que les hommes non plus et qu’elle était misérable. Mais ce n’était rien. Rien comparé a ce qu’elle contemplait. A ce dos qu’elle avait observée durant des années et qu’elle ne pensait jamais revoir. « Il est parti, ce n’était qu’une passade. Ne cherche pas à le retrouver si tu y tiens tant que ça » avait été les dernières paroles de la matriarche des Milan. Des menaces sous couvert d’affection. Queen le savait. Parce que c’était ainsi que communiquaient tout les Milan. Ce jour là, le cœur de la jeune femme avait été scellé et Lüka était celui qui avait ajouté la dernière pierre à cet édifice. Ce monument de colère et de douleur qu’était devenue la blonde.
Elle l’avait attendu, toutes ses années d’enfermement. Chacune de ses pensées lui avait été adressées. Elle n’avait reçu aucune lettre de sa part, aucun signe de vie mais elle avait toujours chéri l’espoir qu’il reviendrait le jour où elle serait libérée. Au lieu de ça, elle avait apprit sa fuite. Ce soir là, un cri de douleur lui avait échappé. Déchirant, plaintif. Elle avait ensuite pleurée sans relâche. Et jusqu’à ce jour, plus aucune larme n’avait coulée sur les joues de Queen. Aucune. Pas même lorsqu’elle avait été brûlée vive. Une âme estropiée ne peut pleurer.
Leur regard se rencontrèrent.
- Lüka… Murmura-t-elle alors que ses yeux bleus et vitreux redécouvraient ceux qui lui faisaient face. Elles ne les connaissaient que trop bien. Grises, limpides, franches. Alors, pour la première fois depuis sept longues années, Queen baissa les armes et hurla. Elle hurla son désespoir, sa détresse, sa douleur. Elle avait si mal. Tellement mal. Son cœur pesait tellement lourd dans sa poitrine, il battait si fort, il criait silencieusement. Enserrant sa propre taille de ses bras, elle se recroquevilla sur elle même. Elle était tellement faible face à lui. La seule personne capable de détruire Queen Milan venait de faire son retour et déchirait malgré lui les entrailles de la jeune femme, par son seul regard sur elle. Les années avaient passé mais elle comprit que malgré ça, son amour pour lui n’avait jamais faiblit. Cette flamme, cette étincelle, elle l’avait choyée, préservée et elle venait d’exploser dans sa poitrine comme un incendie dévastateur.
Les cœurs blessés portent le deuil éternel de leurs illusions perdues. Voilà à quoi rimait la vie de Lüka depuis ce tragique événement. En une fraction de seconde il avait vu son monde sombré dans les abysses. Dans les profondeurs pénombres des sections d'une sonate acidulée et dévastatrice. Si cela avait été possible, il aurait contemplé son cœur se briser en milles et unes morceaux. D'un mouvement de lèvres perfides la flèche avait été décochée jusqu'à venir se loger dans son membre primitif. En un instant, en un oubli. Comme si tout ce qui précédait ne devenait qu'un vaste souvenir où trônerait le goût amer et cuisant d'une défaite mordante. Il n'avait pas cherché plus loin. En réalité, il aurait beau avoir essayé il ne serait parvenu à aucun autre résultat. Dévasté, leurré. Il avait décidé d’emprunter un chemin teintée des plus sombres nuisances. Un chemin où il trouverait du réconfort dans des gestes et des découds égoïstes et presque aussi perfides que ce qu'on lui avait fait subir. Et encore, subir était un mot bien trop faible pour décrire ce qu'il avait enduré pour en arriver là.
Mais en arriver où au juste ? Avait – il réellement réussi à se détacher de tout ça ? À en découdre avec son passé... Son passé si funeste qui ne cessait de le tourmenter nuits et jours. Svatopluk avait bien tenté de lui venir en aide. Il l'avait épaulé, soutenu, relevé. Comme jamais personne ne l'avait fait jusqu'ici. Il n'aurait aucun mal à avouer que personne n'aurait mieux fait que lui. Mais était il suffisant ? Après tout, où en était sa vie aujourd'hui ? Était elle meilleure ? Moins égoïste, plus humaine ? Elle n'en avait pas l'air en tout cas. Lorsqu'on l'observait d'un regard plus détaché on retrouvait tout les décombres d'une rancœur affligeante. Il était hypocrite, il était méprisable, il était solitaire et il était perfide. Perfide... Ce mot qu'il utilisait sans cesse pour les désigner « eux » devenait aujourd'hui l'un de ses adjectifs principaux. Quelle horrible destinée que de devenir le reflet de ses bourreaux. Dans chacune de ses actions, de ses mots échappés fougueusement de ses lèvres un seul souvenir entravait son esprit. Un souvenir qu'il aurait préféré ternir au plus profond de lui. Lorsqu'il avait bravé le pouvoir de la reine, avait il aussi satisfait d'avoir joué ainsi sur les mots pour mieux l'emporter ? Après tout, n'était ce pas là une belle fin que de finir punit par ce qu'il avait osé faire. Arraché la vie d'un pauvre innocent, un homme qui n'avait rien demandé à personne. Un homme qui s'était tout simplement trouvé là au moment endroit, au mauvais moment. Comment avait il pu se faire avoir aussi facilement...
C'est sur cet idée, qu'il avait décidé de sortir ce soir là. Lorsque la lumière laissait place à l'obscurité. Une obscurité où il savait se camoufler et ne faire qu'un avec. Une obscurité familière et enchanteresse. Il avait déambulé dans les rues de la capitale, l'allure renfermé, le regard froid et ténébreux. Comme une ombre il avait traversé diverses tavernes sans jamais y trouver sa place. Si l'alcool était le meilleur moyen pour oublier, l'envie elle n'était pas à son apogée. Il ne trouvait goût dans aucun des lieux pourtant si convoités par les plus démunies. Nonchalant il quitta alors la derrière avant de s'aventurer dans une nouvelle ruelle, prenant la direction d'une prochaine sans vraiment donner d'importance à son emplacement où à l'heure pourtant si tardive. Depuis qu'il la savait vivante, il se sentait piégé dans un sentiment de rancune amer et de soulagement. Il pouvait encore se souvenir de l'état misérable dans lequel cette nouvelle l'avait mis. Persuadé qu'elle était responsable de ça, qu'elle était complice et qu'il n'y avait là qu'un agissement lâche et captieux il n'en était que plus bouleversé. Comment avait elle pu, après toutes ses années ensemble ? Ses échanges, ses déclarations, ses moments de complicités qu'il chérissait tant. Non. Ça ne pouvait pas être vrai. Son être tout entier avait beau le penser fermement son palpitant lui ne pouvait se résoudre à l'accepter.
Mais alors qu'il y songeait, une scène effroyable le stoppa net dans sa lancée. Une scène qu'il aurait préféré ne jamais croisée, même dans ses pires cauchemars. La raison même de tout ses tourments se tenait là, devant lui, assaillit. Il ne lui fallu que quelques secondes pour comprendre ce qui se déroulait sous ses yeux et une de plus pour voir son esprit submergé d'une haine incommensurable. Il avait chassé inconsciemment toute sa rancœur d'un revers de main avant de laisser place à un état de colère si sombre et si impitoyable que d'un échange oculaire il aurait pu en faire frémir plus d'un. Ses sourcils se froncèrent fermement et amèrement tandis qu'il lança un regard noir et teinté de toute l'animosité qui surgissait en lui. Une animosité qui n'attendait que de pouvoir surgir. Puis son visage se baissa, une fraction de seconde et un ricanement sadique fit place face au silence morbide. D'un craquement de poings, il lança alors l'air fraîchement machiavélique.« On va s'amuser, croyez moi. »
À ses mots, l'homme qui tenait fermement son aimée lâcha prise. Laissant la belle poser genoux à terre. C'est là qu'il saisit l'opportunité : d'un mouvement rapide et vif il vint saisir l'homme par le cou avant de frapper son visage si violemment contre le mur que cela avait suffit à l'étourdir pendant un moment. Moment qu'il spécula pour attraper le visage de l'autre jusqu'à le ramener contre lui et venir loger son genoux sauvagement dans ses tripes. Le son de ses lèvres s’entrouvrir afin d'y laisser de la salive s'en échapper lui offrit un sentiment de satisfaction si pervers qu'il s'en trouvait démesurément insatisfait. Il ne fallut que quelques secondes à l'homme pour fuir la situation, laissant son complice toujours étourdi contre le mur. Lüka profita alors de cet instant de repos pour saisir l'homme par les cheveux. Il le souleva et vint plonger son regard amèrement dans le sien. Un regard qu'il lui était rare d'émettre tant il était intense. Un regard si furieux qu'il faisait d'ores et déjà regretter à l'homme son geste. Intérieurement, il songeait à ce qu'il avait osé faire. Ses pupilles se posèrent sur elle, son état, ses sanglots... Sa peine, sa douleur. Tout lui était insupportable, insurmontable. Comment avait il osé poser la main sur elle. Comment avait il osé la faire pleurer... Soudain et alors qu'il ramenait son attention sur l'homme, ce sentiment meurtris refit surface. Comme un éclat irisé dans son esprit. Sentiment qu'il avait déjà pu ressentir lorsqu'il avait ôté la vie à cet homme innocent. Il serra alors le poing violemment et laissa un échange oculaire de quinze secondes se produire entre eux deux. Quand cela fut fait, il balança l'homme brutalement contre le mur avant de se redresser et de prononcer un seul et unique mot. Un mot qui allait pourtant faire tant de ravages.« Souffre. »
Son pouvoir s'activa alors. Il avait réussi à connecter son système nerveux au sien et lui faisait subir la douleur même d'un membre arraché. Un membre si violemment ôté que l'homme ne pouvait retenir des cris de douleurs. La vue de ce spectacle avait eu le don de le satisfaire peu à peu. Deux minutes, c'est le temps qu'il décida de choisir pour lui. Il ne méritait pas qu'il soit responsable de sa perte de vue et intérieurement il espérait qu'il n'ait pas à devoir s'en découdre. Au bout de ses uniques minutes, l'homme visiblement terrifié, usa de ses dernières forces pour fuir comme il ne l'avait jamais. C'était fini. Lorsque son regard se remémora le visage ensanglanté de l'homme dont il avait probablement fracturé le nez, Lüka ne put retenir un soupire de soulagement. Sa vue se troubla jusqu'à peu à peu s'assombrir. Forte heureusement pour lui il avait songé aux conséquences de ses actes, c'est d'ailleurs pour cela qu'il avait choisi de n'utiliser que deux minutes sur cinq. Ainsi, il ne souffrirait que de perte oculaire temporaire moins longue que la normal. Il laissa alors toute la pression redescendre dans un apaisement qui fit trembler ses mains pourtant si robustes. Il commençait presque à remercier son pouvoir de lui dissimuler cette image qui le tiraillait de toute part. Cette image de Queen, dans cet état si dévastateur... Pourtant, bien qu'il soit privé de sa vue son ouïe était parfaitement audible. Les cris de douleurs avaient laissé place à des sanglots si affligeant que son palpitant se perfora de toute part. Un moment. Juste un moment, il laissa sa rancœur et ses doutes de côté. Son inquiétude était bien trop grande pour qu'il puisse se laisser envahir. Il se tourna alors vers elle, tendant ses bras avant de venir la chercher. Quand enfin il mit la main sur elle, un léger frisson vint s'emparer de lui jusqu'à électrifié l'entièreté de son corps. Des années les séparaient et pourtant il avait la sensation de n'avoir jamais oublié la sensation de sa peau si crémeuse et si douce. Elle était bien vivante, bon sang qu'elle avait pu lui manquer...
D'un geste presque trop désespéré, il la ramena alors vers lui. Plaquant son corps si frêle contre le sien, tandis qu'il vint lui susurrer faiblement.« Bordel Queen... »
Il l'aimait, d'un amour démesuré. Incommensurable. D'un amour pur et sincère qui aurait dépassé toute la frénésie des éléments. Tout comme il la détestait pour tout ce qu'elle lui avait lui fait subir. Pour toute cette douleur, pour tout ces problèmes, pour cette trahison et pour ce funeste destin qui s'offrait à eux. Où pourrait il trouver la force de lui confier toute sa rancœur quand il avait en tête cette image si intolérable et ses sons si larmoyants. Il la serra contre elle, passant sa main dans ses cheveux pour maintenir son crâne. Un instant, il en avait besoin. Il le méritait, le chérissait... Et cela jusqu'à se retrouver dans une situation de vulnérabilité totale. Jamais personne n'avait pu le rendre ainsi et il n'y avait bien que devant elle qu'il pouvait se sentir si faible et si démuni. Le sentiment d'avoir pu la perdre à nouveau s'empara de son corps qui vint trembler contre le sien. Bon sang, comment pouvait elle avoir tant d'impact sur lui. Ce petit corps si frêle, si fragile. Ce bout de femme dont il était si éperdument épris.
Alors qu’elle était toujours recroquevillée, incapable de stopper ce flot de détresse qui fuyait de ses yeux, qui franchissait sans s’interrompre la barrière de ses lèvres, elle sentit ses bras l’attirer à lui. Elle n’aurait jamais osée rêver qu’un tel moment se produise. Qu’il la serre encore tout contre lui, comme au premier jour, comme la première fois. Rien n’avait changé entre leur corps. Leurs esprits étaient sans aucun doute différents, ils avaient changés, ils avaient mûrit, prit des chemins différents. Mais leur corps, eux, se reconnaissaient encore. Lovée contre lui, elle avait l’impression que son être avait été fait sur mesure pour le sien. Elle se sentait complète. Entière. La douleur ne cessait de la tirailler, parce qu’elle savait. Elle savait qu’elle ne pouvait rester ainsi. Queen était prête à payer de sa vie, l’amour de Lüka. Mais elle n’était pas capable de mettre sa vie à lui en jeu. Qu’il vive, même loin d’elle. Pourrait lui convenir. Et dans le fond, n’étais-ce pas ça le véritable amour ? Être capable de sacrifier son bonheur pour la vie de celui qu’elle aimait plus que tout ? Si. Et la jeune Milan le savait. C’était Lüka, son prix a payer. Il avait toujours été sa faiblesse. Elle l’avait su le jour où elle l’avait rencontré. Le jour où elle avait éclatée de rire pour la première fois avec un inconnu, sans que cela ne soit forcé. Elle l’avait aussi su, la première fois qu’il l’avait embrassé. La première fois qu’en le regardant, elle avait su qu’elle était aimée pour les bonnes raison. Et surtout, la première fois qu’elle s’était rendu compte que peu importait son humeur, voir son visage lui arrachait des sourires irrésistibles. Ils étaient jeune, ils étaient naïf et ils étaient amoureux. Aucun d’eux n’avait jamais été prêt à affronter ce qui les attendaient. Queen le savait, elle devait le fuir, elle devait le protéger d’elle et de son nom. Mais elle ne le pouvait pas. Pas maintenant. Pas maintenant que ses grandes mains venaient caresser ses cheveux, pas maintenant que son corps tremblait de tout son saoul.
Peu à peu, ses sanglots avaient diminués, étouffés contre le torse puissant du brun. Elle aurait voulu parler, lui dire quelque chose de beau, d’intelligent, de percutant mais la seule chose qu’elle arriva à faire, ce fut d’entourer son corps de ses bras et de blottir son visage contre lui. Son odeur, elle n’avait pas changée. Queen aurait voulu arrêter le temps et rester ainsi des années durant. Tout les deux, seuls, sans de compte à rendre pour qui que ce soit, sans avoir à regarder constamment derrière eux. Et surtout sans avoir à jamais se dire adieu. Elle l’aimait tellement. Tellement que s’en était douloureux. L’homme d’une vie. Voilà ce qu’était Lüka. Si ce n’était pas lui, ça ne serait personne. Par le passé, elle avait essayé d’oublier, d’aimer à nouveau. Mais rien n’avait pareil à ce qu’ils avaient vécu et elle savait maintenant que rien ne pourrait jamais être pareil. La vie était fade sans lui.
La jeune Milan resta ainsi un long moment, leurs corps tremblaient tout deux l’un contre l’autre. Les yeux clos elle s’imprégnait de cet instant. Plus rien ne comptait et le monde aurait pu s’effondrer sans qu’elle ne regrette quoi que ce soit. Il était là, il était son monde, le seul univers qu’elle voulait visiter. Doucement et après un long moment elle détacha ses mains de lui et recula. Retenant un sanglot avec peine, elle laissa ses doigts glisser sur la peau de sa joue. Cette fois, elle ne pleurait plus de peur ou de chagrin, elle pleurait de joie. Ses iris humides contemplèrent son visage comme si c’était la première fois qu’elle le voyait. Tout était si loin, toutes ces soirées, toutes ces premières fois, tout ces instants de bonheur mais quand elle le regardait, elle redevenait cette adolescente de seize ans. Cette enfant qui n’était pas prête, cette enfant qui ne demandait qu’à l’aimer et à ce qu’il l’aime et il l’avait fait de la plus belle des façons. Souriant, elle vint doucement poser son front contre le sien sans pouvoir interrompre le flot de perle qui maculait son visage.
- Si tu savais depuis quand je t’attend… Réussit-elle à articuler de sa voix abîmée. - Oh Lüka, depuis tellement d’années…. Lui dire qu’elle n’avait pas perdu espoir serait sans doute un pieu mensonge. Mais elle aurait aisément pu lui dire qu’elle n’avait jamais cessée de l’aimer. Malheureusement, le temps des adieux allait venir. Elle connaissait sa mère, les menaces qu’elle avait proférée n’étaient pas de simple parole. Si elle savait que Queen l’avait revu. Elle le traquerait sans relâche et ça, Queen ne le permettrait pas. C’était à elle, de prendre soin de lui maintenant. De le protéger comme lui l’avait fait.
Elle aurait voulu l’embrasser, se perdre complètement dans ses bras mais elle savait que pour lui comme pour elle, la séparation n’en serait que plus déchirante. Alors elle resta ainsi, les yeux fermés, appréciant simplement chaque centimètres carré qu’elle pouvait toucher. Sa main était toujours logée sur sa joue, tandis que l’autre avait elle aussi glissé dans ces cheveux qu’elle aimait tant.
- Merci… Murmura-t-elle. Pas de l’avoir défendu. D’être entré à nouveau dans sa vie. Une dernière fois. Il est souvent dit que certaines personnes entre dans nos vies pour une bonne raison. La jeune femme allait bientôt apprendre que certaines y reviennent pour de bien meilleures raisons.
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Durant toutes ses années Lüka n'avait rêvé que d'une seule chose : pouvoir à nouveau la prendre dans ses bras. Sentir son parfum si enchanteur, son corps si frêle et si délicat contre lui. Si il avait imaginé le contraire il ne pouvait aujourd'hui que se rendre à l'évidence : son amour pour elle était si fort et si sincère qu'il avait traversé le temps et la douleur. Il ne s'était jamais terni et bourgeonnait encore en lui comme une flamme étoffée, une flamme impénétrable. Une flamme que nul ni personne n'arriverait à éteindre. Si l'amour était pour lui signe de faiblesse il n'en était pas moins terriblement épris. Lui qui s'était juré de ne plus jamais tomber dans les bassesses et décombres de ce sentiment si poignant, redevenait aujourd'hui plus amoureux que jamais. À chaque nouvelle fois il trépassait encore plus. Comme si tout son être tombait de nouveau sous son charme. Comme si il était encore sous l'alchimie indissociable des premiers regards, des premiers échanges. Du premier toucher... Bon sang qu'il la voulait.
Et pourtant... Comment pouvait il s'acquitter de ce qu'elle lui avait fait. N'était elle pas responsable de son acte criminel ? De sa profonde douleur ? Ne l'avait-elle pas abandonné si lâchement qu'il n'avait eu aucun mot, aucun adieux ? Quand on y pense, pourquoi s'être faite passer pour morte ? N'y a t-il pas une douleur plus intense et plus destructrice que de perdre l'amour de notre vie, tragiquement et mortellement ? Il aurait préféré la savoir vivante et avec un autre plutôt que morte. Qui sommes nous pour infliger à l'autre une douleur aussi dévastatrice... Lüka se sentait tiraillé de l'intérieur. Plusieurs options s'offraient à lui mais aucune ne semblait lui convenir. Premièrement il sentait qu'une part de lui ne pouvait se résoudre à oublier ce qu'elle lui avait fait. Il voulait des réponses, plus que n'importe qui. Il voulait lui confier toute cette peine qu'elle lui avait fait subir, tout ce qu'il avait du faire et ce qu'il avait du affronter pour survivre. Mais comment se résigner à ça lorsque l'entièreté de votre corps vibre d'amour et de tendresse pour l'autre. Son être devenait si brutalement bouleversé qu'il n'arrivait plus à aligner deux pensées distinctes. Ce petit bout de femme. Si doux, si merveilleux, si frêle. Quelles diableries pouvait elle user pour qu'il se sente aussi démuni, aussi vulnérable, aussi épris.
Peu à peu, son aimée lâcha prise. Ses sanglots devinrent plus calmes et plus sereins tandis qu'il se délecta de sentir sa main posée sur sa joue. Sa vision oculaire avait beau lui être ôtée il n'avait aucune difficultés à visualiser ses traits fins et harmonieux. La sensation de sa peau contre sa joue rougie lui arracha un frémissement. Même après toutes ses années elle était encore capable de chambouler son corps et son esprit. Ses paupières se fermaient sereinement alors que son front rejoignait le sien dans une étreinte poignante et mordante. Pour rien au monde il n'aurait voulu se trouver ailleurs qu'ici. Il remerciait le ciel de l'avoir mis sur cette ruelle ce soir là. Imaginer ce qu'il lui serait arriver si il n'avait pas été là... Non. C'était inconcevable. Il n'aurait pas pu la perdre une nouvelle fois. Il préférait mourir plutôt que devoir à nouveau subir son décès. Son palpitant manqua un battement dans sa poitrine alors que sa voix retentit en un cri de désespoir profond. Il lui avait manqué... Tout comme elle lui avait manqué. Toutes ses années disaient elles... N'était elle donc pas au courant de son faux décès ? Ou était ce là une nouvelle façon de le berner ? Lui qui était si vulnérable à présent...
Son corps ne put retenir un frémissement de plaisir lorsque ses doigts vinrent s’entremêler dans ses cheveux. Si elle continuait ainsi, jamais il n'arriverait à lui dire ce qu'il devait lui dire. Pourtant il le fallait. Il l'avait sauvé, consolé, soutenu... Et Lucy seule savait ô combien cela l'avait ému. Mais à présent c'était à lui d'avoir ses réponses. Cela pouvait s'avérer égoïste aux yeux des autres mais n'avait il pas le droit, lui aussi, à des explications ? Lui qui avait tant enduré pour une femme qu'il pensait défunte. Bien que son amour soit indéniable et sans bornes, c'est ce dernier qui poussait sa rancœur à resurgir douloureusement. D'un geste teinté d'une douleur acérée et cuisante il vint retirer la main de la belle. Rabaissant cette dernière il finit par la relâcher avant de ramener ses poings sur ses jambes. Sa vue n'était toujours pas revenu et bien qu'il lui fallait faire preuve de courage il avait la sensation de n'en avoir que peu. Ses poings se fermèrent alors violemment tandis que sa voix s'éleva, hésitante et ferme à la fois.
« Queen... Pourquoi m'as tu fait ça ? Tu... »
Il marqua un léger temps. Alors qu'il avait commencé ses aveux, sa rancœur prenait peu à peu possession de lui jusqu'à lui remémorer toute cette haine qu'il s'était interdit d'oublier. Elle lui avait menti. Elle l'avait détruit. Elle l'avait fui. Et surtout... Par sa faute, la vie d'un innocent avait été ôté. Il se redressa alors, ses poings se fermant plus violemment encore. Bon sang, il n'allait plus tenir bien longtemps.« Ce que je peux être stupide. Tu pensais que j'allais pouvoir oublier ce que tu m'as fait vivre ? Tu m'as menti Queen. Tu m'as abandonné. Tu t'es fais passée pour morte, à mes yeux.. À MOI. Tu ne sais pas tout ce que j'ai du faire et endurer pour survivre. Pour être ainsi aujourd'hui et avoir le poste que j'ai. Pourquoi ne m'as tu pas quitté tout simplement ? Pourquoi avoir envoyé ta mère me dire que tu étais morte ? Pourquoi avoir accusé un pauvre innocent qui aujourd'hui est lui bel et bien mort ? POURQUOI ?! »
Il se retint alors de craquer devant elle. Une petite voix lui hurlait de se taire et de la prendre dans ses bras. Tandis que l'autre... L'autre, ne cessait de lui rappeler toute sa rancœur, sa peine et ses tourments. Un sentiment amer. Un sentiment incompris. Un sentiment poignant. Bien qu'il ne pouvait la voir, l'idée qu'elle puisse discerner combien il était bouleversé vint irrité ses sens. Il se tourna alors, laissant son aimée face à cet étendu de muscle et d'obscurité. Cette obscurité qui stimulait chacune des parcelles de sa personnalité. Cette obscurité familière dont elle était la cause et avec laquelle il vivrait éternellement. Profitant qu'elle ne puisse voir son visage, il esquinta violemment sa lèvre. Il se sentait incapable de lui en vouloir, pourtant il le fallait... Il le fallait ! Mais quelle douleur insupportable que de devoir lui tourner le dos ainsi. Il ne pouvait se résoudre à croire qu'elle soit innocente. Après tout cela voudrait dire qu'il avait osé la penser coupable... Elle l'était forcément. Si non pourquoi n'était elle pas partie à sa cherche ? Pourquoi ne l'avait elle pas retrouvé ? Cela lui aurait empêché tellement de malheurs et de tourments.« Pourquoi, Queen... »
Le ton de sa voix sonna comme un appel de détresse. En une fraction de seconde il était devenu moins agressif, plus démuni. Il avait la sensation de ne plus être maître de lui même. Tout se bousculait dans son esprit. Milles et unes questions venaient perturber et briser son équilibre naturel. La peine, la douleur.. La compassion la haine. Quoi ressentir, que dire, que faire. Il avait beau avoir répéter cet instant plus d'une fois dans sa tête rien ne semblait si évident que dans ses souvenirs. Son orgueil lui hurlait de ne pas céder à son amour. Son esprit pourtant naturellement plus tranquille, divaguait au point qu'il ne savait plus comment s'y prendre ni distinguer ce qu'il ressentait et voulait. Pouvait il oublier ce qu'elle lui avait fait et tout simplement s'abandonner à elle ? Pouvait elle savoir ô combien il l'aurait souhaité. Combien il la voulait elle, maintenant. Il fallait qu'elle le retienne. Qu'elle lui dise qu'elle n'y étais pour rien, qu'elle lui dise qu'elle l'aime, qu'elle lui dise qu'elle ne savait pas... Qu'elle le console et le relève. Et surtout qu'il puisse la croire et se repentir. Elle qu'il aimait tant, elle qui symbolisait l'essence même de son univers.
A mesure qu’il parlait, les larmes qui s’étaient taries se remirent à couler. Silencieusement. Son palpitant se déchirait un peu plus à chaque mot. Elle avait menti ? Elle l’avait abandonné ? Elle était morte ? Mère ? Les yeux de Queen s’agrandirent sous la stupeur. C’était lui qui avait fait tout cela. C’était lui qui lui avait dit que leur amour serait éternel, lui qui avait mit les voiles pour un monde meilleur alors qu’elle… Elle, elle était restée, elle avait passé trois longues années à regarder chaque jour sa fenêtre, à regarder vers l’horizon en se demandant « Regarde-t-il lui aussi ? ». C’était lui qui avait brillé par son absence lors de sa libération. Et c’était sans lui qu’elle avait du continuer sa vie. Avec ce trou béant dans sa poitrine, cette douleur insupportable dont elle avait fait une arme redoutable. C’était lui qui avait tuée la Queen qu’il avait connu. Personne d’autre.
Ses yeux d’habitudes si limpide, si clair, étaient assombris et ressemblaient aux profondeurs océanes. Ils étaient noirs comme de l’encre, tout comme les sentiments qui jaillissaient maintenant dans sa poitrine. Alors, il lui tourna le dos. Pourquoi ? N’assumait-il pas ses paroles ? Déesse, qu’elle était en colère. Elle aurait voulu lui hurler dessus, le secouer. Mais elle en était incapable. Bouche bée, les yeux écarquillés, elle était abasourdie. Son esprit ne pensait qu’avec une affreuse lenteur. Alors ils restèrent longtemps comme ça. La trésorière pleurait en silence puis elle plaqua une main sur sa bouche pour étouffer un violent sanglot qui la secoua des pieds à la tête avant de se laisser tomber sur les fesses, ses jambes sur le côté. Pourquoi fallait-il donc que la vie la torture ainsi ?
Relevant la tête, elle regarda son dos avant de sourire, riant doucement. Si on lui avait un jour dit qu’une telle situation arriverait, elle n’y aurait sans doute pas cru. Pourtant ils étaient là tout les deux. Démunies face à une vie pour laquelle ils n’étaient pas prêt. Pour une vie qui leur offrait deux possibilités. Deux chemins. Un chemin emprunt de douleur et de solitude. Et un autre, tout aussi sombre, tout aussi douloureux mais où l’un tiendrait la main de l’autre. N’était-ce donc pas cela qu’elle avait toujours attendu ? Tout en pleurant, un rire nerveux lui échappa. Dans le fond, il valait mieux qu’il croit ça.
Oui si Lüka la pensait coupable de quoi que ce soit, il ne chercherait plus à la voir. Il ne chercherait plus à l’aimer, à la retrouver. Il pourrait se reconstruire et vivre une vie simple. Une vie peut-être plus lumineuse, plus heureuse. Elle serra son point contre son coeur qui semblait hurler dans sa poitrine. Peut-être même qu’il trouverait une autre âme à aimer. Une qui lui offrirait tout ce qu’elle n’avait jamais pu lui offrir. Peu importe si cela l’a rongeait, peu importe qu’il l’a méprise éternellement, si c’était là le sacrifice à faire pour qu’il vive, elle était prête à signer et tout de suite. Plus elle regardait son dos musclé, large mais à la fois si fragile, plus elle était persuadée que sa solution était la bonne. Que cela serait sans aucun doute le meilleur moyen d’assurer à Lüka une vie pérenne. Elle ferma les yeux et l’imagina. Il était toujours aussi beau mais des rides parsemaient son visage, ses cheveux de jais n’étaient plus tout aussi sombre et il souriait. Même si elle ne le verrait sans doute jamais, c’est comme cela qu’elle voulait l’imaginer. Comme un homme dans la force de l’âge que la vie n’aurait pas épargnée mais qui aurait gagnée face à elle. Alors avec peine et en s’accrochant désespérément au mur, elle se releva. Elle était une Milan, elle était digne et elle s’apprêtait à mentir à la seule personne à qui elle n’avait jamais pu mentir. Elle s’apprêtait à prononcer le mensonge le plus douloureux de sa vie.
« Je ne voulais plus de toi » étaient les seuls mots qu’elle aurait du prononcer. Ensuite elle lui tournerait le dos et elle s’en irait. Svatopluk viendrait sans doute prendre le relais. Entre de bonnes mains, il se remettrait de cette dernière rupture, de cette dernière douleur. Elle savait que son frère le soutiendrait. A bout de bras si il le fallait mais il ne l’abandonnerait pas et c’était bien la seule chose qui la rassurait. Lüka ne serait jamais seul. Inspirant profondément afin de contrôler sa voix, elle ouvrit enfin la bouche. Les larmes continuait à parsemer son visage mais tant qu’il était aveugle, il ne pourrait pas le savoir.
- Je… Je ne. Je n’ai jamais voulu te quitter. Gémit-elle finalement en se laissant glisser le long du mur. Queen aurait du lui mentir, tout aurait été beaucoup plus simple mais en ouvrant les yeux, en voyant sa silhouette, tremblante. Elle n’avait pas pu. Il ne méritait pas ça, même après ce qu’il avait fais. Plus encore ils ne méritaient pas ça. Queen n’avait pas la force de lui infliger une douleur de plus. Elle ne serait pas capable de le supporter. - Je t’ai attendu, pendant trois ans. Trois longues années de solitude. Je t’ai écrit des lettres, j’ai fais envoyer des présents à chacun de tes anniversaires. Je n’ai jamais cessée d’espérer. D’espérer que lorsque je sortirais, tu serais là. La jeune femme tomba lourdement sur le sol. - Et quand c’est arrivé. Tu n’étais pas là. Tu étais partis. Dans d’autres contrées. Je ne savais pas où, je ne savais pas avec qui. Je ne t’ai jamais trahis… Doucement, elle ramena ses genoux près d’elle, comme si elle était une enfant et c’est la sensation qu’elle avait. Elle avait l’impression d’être une enfant, perdu dans un monde trop grand pour elle. - Le seul qui à trahis l’autre ici, c’est toi Lüka. Je n’ai jamais perdu espoir durant ses trois années. J’ai comptée chaque jour, chaque heure, chaque minute où tu n’étais pas là. Mais toi… toi tu es partis avec ton frère. Alors pourquoi est-ce que j’aurais été te chercher. Ses derniers mots étaient coléreux, presque violent, presque un cracha dans sa bouche. Oui lui, il s’en était allé. Pendant qu’elle avait vu son monde voler en éclat. Mais il y avait un mensonge. Elle avait voulu le chercher.
- Je n’ai jamais envoyé ma mère où que ce soit ! Je… Je n’avais que seize ans ! Comment aurais-je pu penser un seul instant a me faire passer pour morte ! J’étais une enfant Lüka. Et je t’aimais. Je t’aimais tellement. Serrant les dents, elle releva la tête vers le ciel dans l’espoir vain de ravaler ses larmes. Oh oui, elle l’aimait, au-delà des limites, au-delà de leurs différences, au-delà de tout ce qui pouvait bien se passer entre eux. - Le plus douloureux la dedans… C’est que malgré tout ces mensonges que tu lances. Je continue de t’aimer sans pouvoir m’en empêcher. Je préférais tellement te haïr. Si tu savais comme je le voudrais. Mais je ne peux pas. Plongeant son visage entre ses bras, elle se tue un instant. - Je n’ai jamais pu. Puis elle se renferma de nouveau dans le silence, un silence poignant qui lui tordait l’estomac mais elle ne savait qu’ajouter de plus. Ils s’étaient menti, retrouvés, déchirés. Et elle devait encore lui mentir par omission, elle ne pouvait pas lui dire qu’il risquait sa vie. Il aurait voulu rester, il aurait voulu faire front commun face à sa mère et elle ne pouvait pas le laisser faire.
Puis, les sanglots reprirent. Comme un déchirement poignant et assourdissant qui venait briser la monotonie sereine des aveux. Comment pouvait il se permettre de la faire pleurer, lui qui venait d'assaillir ceux qui l'avaient fait précédemment ? Soudain, une douleur accapara son membre primitif. Une douleur si intense qu'il pouvait d'ores et déjà sentir que ses jambes flanchaient. Si il avait voulu garder un semblant de fermeté, face à un tel spectacle si dévastateur il en perdait tout ses moyens. Jamais il n'avait souhaité lui faire du mal, c'était même catégoriquement impensable pour lui. Si sa vision oculaire ne lui était toujours pas rendue, son ouïe elle devenait plus audible et il ne lui était pas difficile d'imaginer l'état de la belle. Queen, oh Queen. Comment arrives tu à autant le percer à jour ? Son monde semblait s'écrouler à mesure que sa douleur lui parvenait. Il se sentait piégé, meurtris et complètement démuni. Elle était son univers, et il se permettait de remettre sa sincérité en question. Il se permettait de lui reprocher son malheur, il se permettait de la toucher alors qu'elle était pourtant si affaiblis face à lui. Pour qui pouvait il bien se prendre.
Le traître, c'est lui. Ou du moins c'est ce qu'elle venait tout de juste de lui avouer... N'avait-elle pas conscience de tout ce qu'il avait du vivre et enduré jusqu'ici ? Du mensonge dans lequel il s'est enfermé et avec lequel il a du cohabiter ? Ses mots étaient tels des poignards aiguisés qui venaient s’engouffrer dans son dos jusqu'à atteindre son palpitant avec une brutalité si affligeante qu'il pouvait sentir des larmes venir perler sur ses paupières. Lui... Pleurer ? Impensable. Il n'avait jamais pleuré pour quiconque, mise à part pour elle. Elle, et encore elle. Elle était le sujet principal de tout son existence. Elle venait bouleversée tout son bon vivant et déchirait chacune de ses particularités. Elle redonnait vie à ce qui ternissait en lui jusqu'à mettre à découvert toutes ses faiblesses. Par ses mots elle avait la force de mille hommes et accablait son être d'une culpabilité amer et acidulée. Il chassa ses perles d'un revers de main avant qu'elles ne se maculent plus sur ses joues. Puis il inspira un bon coup, tentant de remettre de l'ordre dans ses esprits. Il le fallait et lui devait bien ça.
Mais il n'arrivait plus à comprendre où il en était. Les aveux de la jeune femme ne coïncidaient pas avec ce qu'on lui avait dit et ce qu'il croyait savoir. Était ce un nouveau mensonge ? Non. Elle était bel et bien sincère et elle l'avait toujours été. Lui qui avait osé en douter se retrouvait aujourd'hui coupable de son ineptie. Pourtant tout lui semblait si évident... Comment expliquer son retour soudain à la vie quand l'annonce de son décès avait été si funeste ? Puis le tableau finit peu à peu par se dresser. Chaque petites cases vides et inexplicables prenaient peu à peu de la couleur jusqu'à éveiller ses sens et alerter son esprit. Il n'était pas idiot. Loin de là d'ailleurs. Il s'était laissé submergé par tout ce qu'elle lui faisait ressentir jusqu'à en oublier son talent pour déchiffrer et calculer chaque chose. Quelle tableau sombre il avait là. Il en était sur à présent : elle n'était responsable de rien. Une seule personne est venu lui compter ces mensonges, tout comme une seule personne revenait continuellement dans leurs phrases : la mère Milan. Il n'y avait qu'elle pour être responsable d'un complot aussi perfide et aussi impitoyable. Pourquoi n'y avait il pas pensé avant ?... Pourquoi avoir rendu Queen complice de tout ça ? Peut être que c'était une façon pour lui de panser la plaie plus rapidement. Une équation plus flagrante et plus simple à résoudre qui donnerait lieu à un résultat moins difficile à accepter. Car accepter le fait qu'elle soit tout aussi victime de ça revenait plus impardonnable que l'inverse.
Puis, sa vue finit par lui revenir. Comme un don de clairvoyance inébranlable. Au juste moment où il acquit tout ce qu'il lui manquait et retrouva peu à peu une certaine sérénité. Bien que sérénité soit encore trop fort pour décrire son état actuel. Mais il se devait d'en être sur. Il se devait de lui énumérer ses souvenirs. Tout lui avouer pour se sentir plus écouté et surtout plus compris. Rattraper ses fautes et lui expliquer qu'il ne l'avait jamais trahi, qu'il l'aimait et n'était qu'une victime d'un complot diablement bien monté. Si elle avait brisé son passé il ne pouvait la laisser interagir avec son présent. Cette mère si indigne n'aurait plus le pouvoir aujourd'hui. Ni même l'ascendant sur lui, sur son avenir, son présent, son futur.
« Queen... » À l'appel douloureux de son prénom, il se retourna. Son regard se posa dans le sien et il ressentit une immense tristesse. Accablé, abasourdi par tant de mensonges qui avaient pu être proférés. Comment peut on infliger ça à son propre enfant ? Ses pupilles vinrent détailler la beauté de son visage et de son corps. Il n'en aurait oublié aucune parcelles. Bien qu'elle soit endolori et bouffie par les larmes et la détresse, elle n'en était que plus ravissante à ses yeux. Un moment suffit, un court moment... Jusqu'à ce qu'il finisse par revenir auprès d'elle. S'agenouillant à sa hauteur, il posa ses doigts sur son menton afin de relever son visage vers le sien. Son regard plongé dans celui enchanteur de sa partenaire. Un échange qu'il voyait comme pur, sincère et unique. Une alchimie qui ne s'était jamais éteinte. Une alchimie qui avait traversée le temps et la douleur et brillait plus intensément encore. Une étreinte si désirable. Alors il se confia, sa main venant prendre la sienne maladroitement.
« Je ne t'ai jamais trahi, Queen. Ta mère est venu me voir un soir et m'a annoncé ton décès. Elle a accusé l'un de vos serviteurs et m'a laissé là après. Elle n'a jamais voulu rentrer dans les détails, et pour tout avouer je ne voulais pas en savoir plus. » Il marqua un temps, tentant de garder son calme face à cet aveux qui lui déchirait tant la poitrine. « J'étais si en colère. Si désespéré. Mon monde c'était écroulé à ce moment là, Queen. » Il serra un peu plus sa main dans la sienne. « J'avais soif de vengeance. Je suis allé trouver ce fameux serviteurs et je lui ai pris sa vie tout comme je pensais qu'il avait pris la tienne. J'ai quitté la ville peu après cet événement avec Svatopluk. Je n'avais plus rien ni même l'envie de continuer ainsi. J'ai préféré m'éloigner de tout plutôt que de me confronter à la réalité. Mais quand je t'ai vu après à mon retour... Trésorière du royaume. Bel et bien vivante. Je me suis sentie trahi, leurré. Instinctivement l'explication la plus logique était que tu avais participé à ce mensonge. J'aurai voulu te voir, te confier tout ça et avoir les réponses à mes questions. Mais je n'ai jamais trouvé la force pour... »
Lui qui avait pourtant l'habitude de ne jamais se confier sur quoi que ce soit venait de littéralement ouvrir son cœur. Décoché de sa poitrine il avait décidé de le lui offrir avec toute la sincérité et l'amour qui bourgeonnaient en lui. Il n'avait plus le droit à l'erreur et ne se le permettrait plus. Peu importe la force des vagues, le souffle du vent ou la frénésie des éléments. Il s'était entiché d'elle. D'un amour sans limites. D'un amour inconditionnel. D'un amour puissant. Cet amour qui coulait et abreuvait son être tout entier. Cet amour qui lui permettait enfin de se relever. Au diable tout le reste. Au diable la mère Milan. Au diable les autres. Au diables les doutes, les craintes... Au diable tout. Plus rien ne l'importait si ce n'est elle. Après des années il ne laisserait plus une seule personne se placer entre eux. Il ne le permettrait plus, tout comme il ne pourrait supporter de la perdre à nouveau.
« Je t'aime Queen. Je n'ai jamais cessé de t'aimer et je ne cesserai jamais de t'aimer. »
Puis un froissement de tissus ce fit entendre et elle pu sentir la silhouette de son aimé s’approcher d’elle. Pourquoi ? Pourquoi donc faisait-il ça ? N’avait-il pas conscience qu’elle ne pourrait se retenir éternellement ? Malgré elle son corps se mit à trembler à son approche. Elle avait peur, pas de lui, pas de sa colère mais de tout ce qu’il représentait et des mots qu’il pourrait bien prononcer. Des mots qu’elle voulait entendre mais qu’il ne fallait pas qu’il prononce. Pas des mots qui l’empêcheraient de s’en aller. Diable qu’elle était une femme cruelle. C’était elle la première à avoir lancé une pierre dans l’eau. La première à avoir remuée ces braises qui ne demandaient qu’à flamber. Et maintenant elle espérait que ce serait lui qui se chargerait de les éteindre. Tout ça parce qu’elle était une égoïste lâche. Que sa seule peur était de le voir disparaître une nouvelle fois. Elle n’avait pas le choix. Elle n’eut pas le choix non plus de relever la tête lorsqu’il passa ses doigts sur son visage. Comme une caresse brûlante sur sa peau, elle frissonna et releva enfin la tête.
Enfin. Enfin elle pouvait voir son visage, l’observer sans détour, ancrer à nouveau chaque détail dans son esprit. Enfin, elle pouvait voir ses lèvres prononcer son prénom. Quel instant parfait et pourtant si violent. Comme si toutes ces années d’absences lui revenait en plein visage. Lorsqu’ils s’étaient quittés, ils n’étaient que des enfants. Maintenant c’était un homme qui lui faisait face. Un homme dans la fleur de l’âge. Un homme qu’elle ne connaissait pas, qu’elle ne connaissait plus. Cependant quand elle se décida enfin à rencontrer son regard, elle comprit. Elle le connaissait, l’avait toujours connu et le reconnaîtrais toujours. Il était son évidence, la partie manquante de son âme. Ce petit bout d’elle qui lui revenait toujours peu importe le temps qu’il fallait et la force qu’il fallait. Rien ne pourrait changer ça. Jamais. Peu importe combien elle le fuirait, le repousserait, il y avait quelque chose de bien plus fort. Quelque chose d’incompréhensible qui les pousseraient toujours l’un vers l’autre et seule la mort serait bien capable de les arracher l’un à l’autre.
Dans son regard, elle se sentait belle, forte. Le reflet qu’elle y voyait n’avait rien de monstrueux, rien d’agressif. Il était le seul à détenir cette capacité, cette facette de la grande et indomptable Queen Milan. Le seul à voir sous cette carapace de béton qu’elle portait chaque jour. Pire encore il arrivait à la soulever de la même façon que l’on soulève un bout de tissus. Sans résistance aucune. C’était comme ça qu’il avait réussit à l’atteindre lors de leur première rencontre. Il s’était imposé dans sa vie et dans son cœur par un regard, un sourire. Alors l’espace d’un instant, elle se perdit dans ces yeux qui la rendaient meilleure. Qui lui rendait les rêves de la petite fille qu’elle avait été. Juste un petit instant de paix dans ce monde violent et sombre dans lequel elle évoluait.
Il parla enfin. Les libérant tous les deux d’années de mensonge, de trahison et de souffrances. Pourtant ce qui aurait pu lui faire du bien lui lacéra les entrailles. Elle savait sa mère mauvaise et perfide. Mais elle n’aurait jamais cru qu’elle puisse lui faire ça. Pas à elle, pas à sa favorite. Pourquoi ? Lüka ne lui semblait pas suffisamment bien ? Il était pourtant tout ce qu’elle avait toujours voulu pour sa fille. Issus d’une famille noble, beau garçon, intelligent et surtout… Il l’aimait. Qu’est-ce qu’une mère aurait-elle bien pu souhaiter de plus pour son enfant ? Queen connaissait la réponse. Elle était évidente. Ce qu’elle voulait c’est que la jeune Milan monte plus haut qu’aucun Milan ne l’ait pu. Seul un prince aurait pu satisfaire les désirs de la matriarche. Mais à quel prix ? Un montant bien trop élevé. Sa main dans la sienne, elle resserra ses doigts autour des siens. A cause d’elle, à cause de sa famille, c’est Lüka qui avait payé ce prix. C’était lui qui avait ôtée une vie. Lui qui était si doux et respectait la vie plus que n’importe qui. Et tout ça pour quoi ? Rien. Sa main libre vint se plaquer sur sa bouche alors que ses yeux s’agrandirent de stupeur. Comment avait-elle pu laisser cela arriver ? Alors qu’elle pleurait son absence dans sa tour d’ivoire, il était occupée à venger une mort qui n’avait jamais eut lieu. Elle ne pouvait pas lui pardonner. Queen ne pouvait tout simplement pas pardonner à sa mère d’avoir ainsi souiller son âme. Pas à lui, pas la sienne, pas celle de celui qu’elle chérissait plus que tout. Non. C’était bien la seule chose qu’elle n’aurait su lui pardonner. Queen avait été capable de passer au dessus de son exil à la capitale, de sa prostitution forcée, de la violence que les Milan s’infligeaient constamment. Mais pas ça, pas lui.
La tristesse laissa place à un sentiment de colère, une colère dévastatrice et incontrôlable qui faisait frémir chaque parcelle de son corps. Une haine incommensurable qu’elle accumulait depuis tellement d’année. Un flot de noirceur qui pourrait la terrifier elle-même. Sa vie avait été entièrement dédier aux desseins des Milan, chaque souffle, chaque parole leur avaient été offert. Mais ça ne leur avaient pas suffit, il avait fallut qu’il s’en prenne à la seule chose qui avait de la valeur à ses yeux. Cet acte venait de sceller l’avenir de la jeune femme en tant que Milan. Tout était maintenant clair comme de l’eau. Chaque pièce s’emboîtait a la perfection. Comme un puzzle qu’ils auraient fait chacun de leur côté et dont la pièce manquante n’était autre que celle de l’autre.
Maintenant elle le comprenait. Mieux que personne. Puis vinrent enfin ces mots qu’elle désiraient avec une ardeur démesurée. Ces mots qui lui avaient tant manqués. Cette promesse qu’ils s’étaient faites il y avait maintenant sept longues années. Une promesse qu’ils allaient maintenant se renouveler. Pour ce qui était du reste, tout était foutrement secondaire. Réunissant les forces qui lui restait elle se releva tout en prenant appuie sur le mur, s’arrachant aux doigts du brun à contre cœur. Son regard lui ne le lâcha pas et ceux même lorsqu’il se remit debout. Il avait toujours était plus grand qu’elle mais aujourd’hui même avec ses talons, la différence était terriblement notable.
Ses prunelles, plus déterminées que jamais vinrent rencontrer les siennes une nouvelle fois; sa colère perçait leur bleu cristallin mais ce n’était pas tout. Une détermination nouvelle les faisaient aussi briller comme jamais auparavant. Elle était maintenant prête. Queen était prête à se battre pour lui, pour sa vie et surtout pour eux. Pour leur assurer un avenir. Qu’elle y perde son nom, son titre et plus encore. Tant qu’elle pourrait trouver refuge au creux de ses bras, elle pouvait bien sacrifier tout ce qu’elle avait.
- Si tu savais comme il aurait été plus simple pour nous deux, que tu continues de me détester Lüka.
Alors, sans une once d’hésitation elle le saisit par le col et écrasa ses lèvres contre les siennes. Ce baiser n’avait rien de doux, rien de soyeux. Non. Il représentait les années de privation qu’elle avait ressentit, le besoin de le sentir contre elle qu’elle avait entravée pendant tant d’années. Relâchant son vêtement elle glissa une main sur sa joue sans jamais libérer ses lèvres alors que l’autre venait reprendre sa place dans ses cheveux de jais. Sauvage, presque bestiale. Vital en vérité. Elle avait besoin de ça, besoin de lui, de ses lèvres.
- Pour toujours et à jamais. Murmura-t-elle contre ses lèvres, les abandonnant un instant. Les yeux clos, le souffle court et le front posé contre le siens. Elle le retrouvait enfin, entièrement, totalement, pour la première fois depuis une éternité.
Avait-il eu raison de lui confier tout ce qu'il avait sur le cœur ? Le mensonge prône souvent être la meilleure des issues... Mais était elle réellement la bonne ? Surtout lorsque l'on sait que la vérité peut avoir des conséquences désastreuses. Pourtant c'était une réelle nécessitée. Lüka n'avait pas eu le temps d'y réfléchir qu'il avait d'ores et déjà énuméré ses souvenirs. Comme un flot lourd et impétueux les mots lui étaient parvenus et ce qu'ils traduisaient regorgeait de stupeur et de méfaits. Depuis tant d'années ils avaient tout deux vécu dans le mensonge. Jours après jours ils se sont construis et ont évolué autour d'une idée et d'une pensée qui s'éloignait peu à peu de la réalité. Eux qui avaient pourtant tout dessiné d'avance... Un parcours, une promesse, un besoin et un avenir. Tout leurs avait échappé, d'un glissement de mains perfides et amers. Mais le réel amour n'est pas là. Le réel amour c'est d'être capable de partir. D'oser s'éloigner et de toujours patienter le retour de l'autre. L'attendre, jours après jours, années après années... L'amour c'est ça. Inconditionnel, indestructible, indéniable. Il traverse les années et les décombres pour surgir du plus profond des abysses, d'un saut majestueux et royal. Sa beauté ne perds aucun éclats, et il n'en ressort que plus fort encore.
Lüka en était dorénavant sur, c'est avec Queen qu'il voulait vivre et terminer sa vie. Rire comme pleurer. Se réveiller le matin et sentir son corps contre le sien et son visage blotti dans son cou. S'énerver et se réconcilier. Vivre tout et n'importe quoi... Jusqu'à en supprimer tout le reste. Vivre tout simplement. Il ne ressentait plus aucune hésitations et rien ne lui importait si ce n'est de pouvoir passer le reste de sa vie à ses côtés. Elle était cette moitié de lui qui lui manquait, son âme sœur et sa raison de vivre. En y repensant, elle n'avait jamais cessé d'exister dans son esprit. Son membre primitif n'avait jamais cessé de battre pour elle. Elle avait toujours été au centre de ses pensées, au centre de son esprit, au centre de tout en fait. Peu importe ce qu'il risquait. Peu importe la mère Milan et tout ceux qui souhaiteraient se mettre en travers de leur chemin. Il était prêt aujourd'hui à les éliminer un par un si c'était nécessaire. Il était impensable de laisser quelque chose ou quelqu'un se mettre à nouveau entre eux. Il les chasserait, tout comme il a pu lui aussi être chassé. Lucy seule savait ô combien il était redoutable, et si la chose concernait son amour et sa relation avec Queen... Il en deviendrait impitoyable. Son sang vibrait et coulait à flot en l'eau jusqu'à venir titiller ses tempes qui débordaient de colère et de détermination. Rien. Plus rien. Il ne laisserait plus rien interférer son bonheur et celui de sa bien aimé. Qu'il ait fait l'erreur une fois... Très bien. Mais deux, jamais. Ils avaient réussi à l'atteindre une fois. Diable qu'ils le regretteront bien vite.
Puis elle se releva et instinctivement il fit de même. Leurs regards ne cessaient de brûler l'un pour l'autre d'une ardeur et d'une détermination qui feraient trembler les plus robustes. C'est comme si d'un regard ils avaient tout deux compris que tout allait dorénavant changer. Que leurs retrouvailles signerait le début d'une nouvelle ère. Une ère dont ils seraient les rois et les reines. Une ère dont ils commanderaient tout les faits et gestes. Une ère qui serait faite et écrite pour eux, où les ficelles seraient tirées par l'un ou par l'autre. D'un éclat irisé et d'une flamme impétueuse son regard se planta dans le sien jusqu'à venir se figer en elle, d'une première liaison inébranlable et incontestable. Un regard qui en disait long sur ce qu'il pensait et voulait. Un regard qui laissait transparaître toute sa volonté, son amour et sa passion. Sa brutalité et son désir. Les quelques mots qu'elle lui adressa le laissa un moment en réflexion. Il n'eut à peine le temps d'émettre ses interrogations qu'elle le saisi par le col et plaqua ses lèvres contre les siennes. Au début il fut surpris. Puis très vite, un désir immense s'empara de se entrailles. Il l'a saisit alors par la taille, répondant fermement et passionnément à son baiser. Un baiser qui en disait long. Un baiser brûlant d'amour, de besoin et d'envie. Un baiser sincère et si poignant qu'il ne possédait aucun mot pour le décrire plus. C'est lorsqu'elle sépara leurs lèvres qu'il en ressentit le réel besoin. Un besoin avide et vif d'en avoir plus. Beaucoup plus. Encore et encore... Jusqu'à ne plus finir. Elle était son souffle. Ce qui lui permettait de respirer et de vivre. Chaque parts d'elle lui était vitales et il aurait voulu la dévorer toute entière.
Pour toujours et à jamais, confia t-elle. Des mots qu'il avait tant chéri et attendu. Des mots qui prenaient tant d'ampleurs et d'importances en lui. Des mots qui déclenchèrent un flot de fureur et de vivacité. Une délectation pure et dure comme il n'en était pas permis. Il la désirait, comme il n'avait jamais désirée une femme jusqu'ici. Comme jamais il n'en désirerait une. Bien que des années les avaient séparés, il avait la sensation de n'avoir jamais oublié le goût de ses lèvres. Ils étaient des enfants pourtant aujourd'hui c'était une femme qui se tenait devant lui. Une femme qui possédait les pouvoirs d'agir comme bon lui semblait sur lui. Elle le possédait, tout comme il la possédait. D'une manière dont aucun autre couple pourrait le faire. D'une façon authentique et d'un amour bien plus ardent qu'une flamme. Indescriptible. Il se mordit alors la lèvre inférieur avec une violence qui trahissait son envie dévorante et son exaltation mordante. Puis, dans un élan de détresse et d'appel il saisit son visage avant de s'emparer de ses lèvres à son tour. Fougueusement et rapidement. Relâchant quelques mots entre temps teintée d'une promesse éternelle.« Pour toujours et à jamais Queen. »
Son baiser était bestial et passionné. Son amour pour elle débordait à travers ce dernier si bien qu'il avait la sensation de ne plus être capable de se contrôler. Doucement mais fermement, il vint la plaquer contre le mur jusqu'à venir presser son corps contre le sien. Une détresse flagrante ne cessait de briller en lui. Il l'aimait tant. Il avait tant besoin d'elle. Il avait tant envie d'elle. C'était presque injuste tant elle possédait le don de l’envoûter. De le rendre incontrôlable. De le modeler et de le bouleverser. Un ce petit bout de femme pour une puissance ahurissante. Dans son élan il relâcha la pression sur son visage avant de venir saisir ses mains qu'il releva et plaqua le long du mur,de part et d'autre de son visage. Ses lèvres ne cessaient d'embrasser les siennes accompagné d'une réelle exaltation comme il n'en avait jamais connue. Il ne pouvait plus s'arrêter et quitter ses lèvres sonnaient comme une terrible injure. Il aurait voulu arrêter le temps, à cet instant et ne plus jamais séparer son corps du sien. Cette étreinte il voulait éternelle. Plus rien n'existait autour, si ce n'est elle. Seulement elle. Et encore elle. Pour toujours... Et à jamais.
Le brun ne lui laissa aucun répit, elle n’eut même pas le temps de sourire à la phrase qu’il venait de prononcer, pour son plus grand plaisir. Bientôt il l’a plaqua fermement contre le mur et elle se laissa faire sans lui opposer aucune résistance. Après tout, ils partageaient les mêmes désirs, pourquoi diable aurait-elle tenter d’échapper à ce qu’elle attendait depuis des années ? Alors de la même façon qu’il l’avait fait un peu plus tôt elle répondit à son baiser, avec plus de douceur cette fois. Ils étaient en pleine rue et pourtant elle se fichait bien de savoir qui pouvait bien les apercevoir. Au diable la trésorerie, la noblesse et ses percepts. Juste pour un petit instant, elle pouvait juste être Queen. Une adulte à qui l’on avait volé la vie et l’adolescence pendant bien trop longtemps et qui venait de récupérer tout à la fois. Sa vie, sa dignité et son amour. Elle avait cette sensation que son cœur de glace se dégelait à mesure qu’il la touchait. Comme si une tornade d’émotion venait balayer tout ce en quoi elle croyait jusqu’à présent.
Mais elle devait se rendre à l’évidence, cet instant ne pouvait durer éternellement. Elle aurait tant voulu le garder contre elle et ne jamais mettre fin à leur échange mais il fallait qu’ils reviennent tout deux à la réalité. Alors, à contre cœur et après lui avoir offert une dernière fois ses lèvres, elle interrompit leur échange. Se contentant d’observer son visage, s’imprégnant de ses traits avant de lui sourire doucement. Sans difficulté aucune, elle libéra ses poignets et passa une main sur la joue de son amour.
- Qui l’aurait cru. Murmura-t-elle simplement avant de glisser ses bras autour de sa nuque, le serrant contre elle avec force, comme si elle voulait fondre son corps dans le sien afin d’être sûre qu’il ne lui échappe jamais plus. Finalement, elle desserra son étreinte et recula légèrement. - Es-tu sûr de vouloir t’engager dans un tel chemin ? La question était plus rhétorique qu’autre chose. Queen connaissait bien Lüka. Elle ne lui avait vu un tel regard qu’en de rare occasion et elle savait ce qu’il signifiait. Autrefois elle n’avait pas apprécié la voir, cette intensité, qui montrait que peu importe ce qui se dresserait sur sa route, il y ferait face. Cela signifiait aussi qu’il était prêt à jouer de sa vie si la nécessité s’en faisait ressentir. C’est pour cela qu’autre fois, elle n’appréciait pas de le voir. Mais aujourd’hui elle était plus qu’heureuse. Parce qu’elle avait la preuve qu’il était tout aussi résigné qu’elle pouvait l’être. - Ma famille ne nous laissera pas de répit et tu le sais. Mais par dessus tout, ils sont bien plus redoutable que tu ne l’imagines. Loin d’être sot, son amant savait à quel point les Milan pouvaient être vil et dangereux. Mais il ne s’était jamais frotté à eux de cette façon et même Queen était loin d’imaginer toutes les ressources non négligeables que possédait la matriarche. Dans le fond, elle n’était pas sûre de le savoir, cela pourrait l’obliger à renoncer. Non ce qu’elle voulait, c’est être sûre que Lüka comprenait dans quoi il s’engageait.
- Mais pour l’heure… Il serait bon que nous regagnons mon domaine. Que ce soit de part ma tenu ou ta présence, il vaut mieux que nous soyons à l’abri des regards. Elle ne voulait pas le presser mais elle ne mentait pas. Il suffirait qu’une personne la voit ici pour que les rumeurs se répandent comme une traînée de poudre et parviennent aux oreilles de sa mère. Ce qui leur ferait perdre le coup d’avance qu’ils avaient sûr elle. Il fallait ajouter à cela sa tenu qui était à n’en point douter dans un état des plus lamentables et le fait qu’elle voulait maintenant se retrouver à ses côtés sans avoir à se soucier de ce qu’il pouvait bien se passer aux alentours.