CYNEMÆR CORNELIUS

Une histoire commence toujours par comme ce que l’on pourrait considérer comme l’apothéose d’une autre. L’amour laissant place parfois à un désir spécifique qui est celui de marquer le monde pour une durée plus importante que sa propre espérance. Tu avais vu le jour en la merveilleuse forteresse des montagnes il y a de cela bien longtemps. Rejeton d’une aventurière et d’un humble forgeron, il fallait dire que cette alchimie des plus classiques avait eu le don d’offrir la vie à une petite créature dont les traits eurent le don autrefois de choquer ou d’étonner les proches de tes géniteurs selon la faiblesse ou leur ouverture d’esprit. Des yeux déjà bien anormaux dès tes premiers pleures de par l’air brûlante qui avait fini par emplir tes poumons. Il n’y avait grand-chose à raconter sur tes premières années hormis une discorde entre tes paternels, une discorde qui avait trouvé naissance dans ce qui ne fut qu’une idylle en réalité avec un imprévu humain. Rien de bien grave, juste des choses qui arrivent tout bonnement là où aventurier ou aventurière rimait selon les psychés à un désir rare de liberté, de perpétuel changement. Tu avais donc été élevé auprès du feu de la forge par ton père qui avait toujours conservé une certaine rancune envers celle dont tu n’avais pas assez de souvenirs pour pouvoir naturellement l’appeler maman si la vie ne l’avait pas encore fauché de nos jours.

Il n’y avait peut-être qu’une anecdote croustillante concernant tes jeunes années, une période aujourd’hui des plus révolues. La fois où tu avais découvert ton pouvoir pour la première fois, du moins juste la partie visible de l’iceberg comme on pouvait communément le dire. Une merveilleuse transformation de tes bras pour te défendre, pour griffer, échaper, transpercer un animal un peu trop gourmand face à un humain aux proportions chétives de par son âge comparé à ses congénères. Un instinct de survie s’étant merveilleusement mêlé à la magie lorsqu’une blessure avait laissé ton précieux fluide cramoisi s’en extirper.

Tu fus de par le passé pris d’hésitation entre rejoindre les aventuriers ou alors la garde, là où ton père avait su t’aiguiller plutôt auprès de la discipline et du savoir faire de la garde. Il t’avait guidé vers une vie qui s’avérait bien plus encadrées mais aux opportunités des plus stimulantes. Douze ans, c’est à l’âge auquel comme bien d’autres tu avais fini par rejoindre l’internat comme bien d’autres de tes semblables avec éventuellement quelques lacunes psychologiques mineures de par l’absence d’une figure maternelle. Rien de bien grave, juste des relations un peu plus conflictuelles avec le sexe opposé dont le temps et l’expérience se chargèrent de guérir ou gangréner un peu plus qui sait même si tous les tests psychologiques avaient su déceler en toi une personne lambda mais avec un penchant non dissimulé pour un tant soit peu de manipulation et autres cachoteries. Tu avais été enseveli dans le même terreau que tes camarades mais tu poussais différemment, assez bien pour t’orienter vers une profession toute aussi vitale pour le royaume. Savoir est pouvoir, il fallait bien que les curieux et malicieux trouvent leur place en cette immense société, l’espionnage réalisant l’office qu’était celui de leur consacrer une voie.

Tu n’avais tardé après tes classes à prendre tes fonctions en tant qu’œil de la couronne, parmi une foulée d’autres mortels aux mêmes devoirs que toi. Non pas sans doute le plus intelligent, le plus fort ni le plus talentueux, tu étais décrit par tes paires les plus âgés comme un être aimant la compétition avec une loyauté des plus poussées. Un sens du devoir tenace pour transformer piste en information, peut être étais-tu aussi l’un des plus chanceux tout bonnement. Un éventuel chanceux doublé une nouvelle d’un geste de narcissisme, d’un plaisir du pouvoir et qui comme bien d’autres n’inspirait qu’à devenir plus en la société. Vouloir s’élever n’était il pas une des fondations de ce qui motive chaque jour un homme ?

En quelques dizaines d’années, tu en avais vu du pays, des débuts les plus humbles selon tes assignations, tes missions entre la ville aquatique et le village perché puis enfin la capitale. Ce n’est qu’à l’approche du milieu de ta trentaine qu’une affaire juteuse avait fait su te démarquer afin d’accéder à un rang tant convoité, celui de maître espion. Quelques nobles avaient eu la controversée idée d’investir dans le marché noir, de le faire fructifier et surtout de s’entourer de partenaires peu moraux afin de causer du tort à leurs compères de sang bleu. Un réseau bien ficelé dans le but de faire s’écrouler d’autres riches aristocrates dans le but de s’emparer de leurs domaines mais aussi diverses entreprises rachetées pour une bouchée de pain. Les pots de vins, fausses accusations s’étant multipliés. Tu n’avais mené la tâche seul mais par persévérance et mensonges, tu avais pu récupérer assez de preuves pour révéler à tes supérieurs une vérité accablante. Le pouvoir attire le pouvoir et bien des gens feraient n’importe quoi pour celui-ci.

C’est donc à trente quatre ans que tu fus nommé maître espion afin de remplacer un homme qui avait fait son temps aux yeux lourds et aveuglés, ses sens n’étant plus si aiguisés. Tout aurait pu être si parfait si malheureusement ton pouvoir n’était venu gâcher tout cela. En parallèle de tout ceci, ton pouvoir avait fini par révéler sa vraie facette, une abomination sans nom à l’appétit très prononcé pour tout ce qui est de chair et de sang. Tu dus adapter ton mode de vie, rejetant dans un premier temps la barbarie qu’une transformation totale opérait, ce n’est que face à l’échec que tu n’eus qu’une solution alors que tu sombrais un tant soit peu petit à petit dans la folie. L’option de considérer tout cela comme normal, une partie intégrante de toi. Ce n’est que face à cette réalisation que tu commenças à acheter du bétail pour ta demeure des montagnes, éloignée de la civilisation afin de laisser court à tes pulsions afin d’apaiser le prédateur incontrôlé qui veillait en toi. Un maître espion entravé par sa propre condition qui avait fini par se révéler là où tu avais depuis des années perçu ton pouvoir comme une transformation partielle. Une condition qui ne cessait de se dégrader comme si le bétail n’était plus qu’un mets bas de gamme.