Pour le moment seule, Cyrthisia s'accorde un moment de répit sur le canapé de ce qui sert de pièce à vivre, enlevant ses gants pour s’aérer un peu les doigts. Elle veillait à ne pas trop toucher ce qu'il y avait autour d'elle, même si inévitablement des champignons finissaient par pousser sur la couette quelle serrait pendant qu'elle dormait, ce qui donnait à sa chambre l'odeur particulière d'une cave à champignons. Quand on n'était pas habitué, c'était généralement surprenant.
Mais cette fois ses doigts furent sages et le salon ne fut pas envahis. Le mode opératoire impliquait le fait que personne ne savait vraiment où partaient les autres en mission lorsqu'ils n'étaient pas impliqués, et Cyrthisia se laissait aller à imaginer ce que chacun pouvait bien faire à cette heure-ci. Va t-elle devoir dire au Chapardeur de ne pas lui voler encore une fois ses gants pendant qu'elle dort ? Ou au Pinplume d'essayer de trouver une chemise un peu moins trouée... Ou à tout le monde de ne pas encore lui demander une soupe de champignons pour ce soir.
Le silence, Syn n'en était pas particulièrement friand, mais un peu de calme après une journée de garde au palais ne lui déplaisait pas. L'absence de bruits derrière la porte qu'il s’apprêtait à ouvrir le rassura, témoignant avec quasi-certitude de l'absence de Kuri Kuri. Bien qu'il appréciait son "petit frère", il n'était pas d'humeur à l'entendre déblatérer pendant des heures, pas aujourd'hui.
Un soupir accompagna son air désinvolte, faussement ennuyé, tandis que sa main droite sortit de sa poche pour tourner la poignée lui permettant de s'introduire dans la pièce. Premier coup d'oeil, première bonne nouvelle, la petite tignasse de jais semblait définitivement absente. Un sourire apparut sur les lèvres du Chapardeur lorsque ses yeux croisèrent ceux du Ptidodo.
- Salut sorcière, bonne journée ? demanda-t-il tout en faisant claquer la porte d'un geste du pied, l'air taquin.
Sans attendre, Syn continua son chemin jusqu'aux placards qui contenaient de temps à autre quelques friandises à se mettre sous la dent. Un échec, puisque les réserves semblaient vides.
- On a même plus de gâteaux secs horribles dont personne ne veut ? On a un gloutovore dans nos placards, c'est pas possible.
Abattu, le jeune homme prit la direction de la table, sur laquelle il s’assit d'un petit bond avant de s'affaler sur le dos et de croiser les mains derrière sa tête, regard en direction d'une toile d'araignée qui ornait un coin de la salle.
- Tu sais ce que font les autres ?
Question inutile, puisqu'il savait pertinemment que même si Cyrthisia était au courant de quelque chose, elle aurait pour consigne de ne rien dire. Syn n'aimait simplement pas ce genre de soirée où le QG était presque vide, il se sentait sur la touche.
Ah..? Ah, oui, un vrai mystère.......
Elle n'avouera pas qu'elle avait mangé les derniers avant de partir ce matin, et laissa donc son ami chercher dans tous les recoins avant de revenir les mains vides, l'air tout à fait innocente. Les placards avaient tendance à plus vite se vider qu'à ne se remplir.....
La troisième question du chapardeur aura comme réponse un simple hochement d'épaule, ce dernier sachant pertinemment la procédure et elle n'avait pas envie de faire semblant pour alimenter la conversation. Cyrthisia enleva du canapé un champignon rebelle pour occuper l'instant de silence, l'impression d'être relativement inutile.
Au fond... Elle ne pouvait pas s'empêcher de penser au pire quand les choses étaient trop calme.
Je crois qu'il n'y aura personne de plus ce soir...
Le dernier mot était accompagné d'un léger grognement de ventre. Il faut croire que le chapardeur n'était pas le seul à avoir faim, et das tous les cas ils fallait remplir les tiroirs.
Hum... Si tu as une solution avant que nous mourrions de faim... Je suis preneuse.
- Si j'avais su j'aurai mangé à la caserne avant de rentrer...
Bien qu'il donnait la quasi-totalité de ses revenus au Satyre, la Garde lui permettait de se nourrir gratuitement: un sacré avantage pour ces anciens enfants issus de la pauvreté. Après ces quelques minutes qu'il avait laissé à sa camarade, le regard de l'Encrier se tourna finalement dans sa direction. Elle pouvait sentir la déception mêlée à une pointe d'ennui, imbibant ses iris noirs comme la nuit.
- Malheureusement, j'pense qu'on aura rien avant demain matin. Rendons-nous à l'évidence, on va mourir de faim sorcière... ou d'ennui. L'un ou l'autre, je ne sais pas lequel est le plus déprimant...
Jouant son meilleur Calimero, Syn fut interrompu par un grattement inlassable provenant de l'extérieur de la pièce. Les deux acolytes comprirent immédiatement, et le plus jeune des deux se leva pour ouvrir au petit Ribou qui attendait derrière la porte, transportant une légère missive qu'il récupéra dans la foulée.
- On a du boulot, il veut que l'on trouve des masques pour chacun d'entre-nous. Quelque chose qui marquerait notre identité, apparemment, enfin... J'te laisse lire.
Un sourire gagna les lèvres du Chapardeur, visiblement revigoré par l'annonce de la courte aventure qu'ils s'apprêtaient à vivre. Rien d'extraordinaire pourtant, mais Syn détestait simplement se tourner les pouces.
Son petit numéro la fit sourire, dépitée également par le sort qu'ils partageaient. La dénommée sorcière lui fit signe de faire attention à la prochaine fois où il oserait encore utiliser ce surnom, avant que son attention ne fut portée vers des grattements à la porte. Grattements familiers qui lui laissa s'échapper un soupir à la fois de soulagement, et toujours un peu d'appréhension, laissant à son camarade le soin d'aller voir ce qu'il en était.
Des masques... ?
Sa petite main gantée pris la missive tendue par son ami, avant de le lire à son tour. Écrite d'un trait légèrement tremblant, cette lettre comme toute les autres restait toujours un peu vague. Cyrthisia laissa son esprit divaguer quelques secondes sur l'auteur des écrits avant de revenir au présent, ses yeux rouges posés sur le petit ribou.
Je me dis qu'on devrait chercher un vendeur de masques dans un quartier un peu plus excentré, où nous n'avons pas vraiment l'habitude d'aller.... Mais bon, 6 masques c'est toujours un peu suspect comme commande j'imagine...? Peut etre qu'on devrait en acheter à plusieurs endroits différents, mais faut-il qu'ils soient les mêmes, ou peut être simplement une thématique...? Quelle texture...? Quelle taille...? Où...? Pour quoi faire...? S'adresser à qui...?
Cyrthisia mettait toujours du cœur même dans la plus simple et banale mission, planifiant avec sérieux ce qu'ils allaient faire avant de s'embarquer quelque part. Cela commençait avec une série de questions simples qui remettaient les choses dans leur contexte afin d'avoir une vision plus claire, par exemple. Cette organisation en amont était indispensable évidemment, mais la jeune femme avait peut-être tendance à en faire trop, se posant d'inlassables questions sur d'improbables situations qui avaient toutes tendance à terminer dans une impasse sanguinolente. La petite blonde n'était pas vraiment connue pour son optimisme.
- J'en sais rien, c'est toi l'intelligente du groupe.
Sans que son air taquin ne le quitte, Syn s’éclipsa dans la pièce adjacente au "salon", où se trouvaient des affaires propres pour chacun des membres. Laissant la porte ouverte pour continuer la discussion, il prit son temps pour échanger sa tenue contre une nouvelle plus adaptée aux températures nocturnes.
- J'ai p't'être une idée... T'sais au palais il y a des riches avec leurs masques bizarres qui déambulent dans le château... On peut les trouver dans n'importe quel quartier de la capitale. Ça peut être marrant, et pour le coup, on a pas l'habitude de porter ce genre de choses.
La chapardeur sortit de la pièce tout de noir vêtu et accompagné d'un sourire jusqu'aux oreilles. Avant même qu'il ne parle, Cyrthisia pouvait se douter que la suite de ses paroles n'allaient pas être celles d'un saint.
- Et, enfin à part si je dis une bêtise, je ne crois pas qu'il soit mentionner qu'on ait besoin de les acheter ? Peut-être qu'on pourrait se contenter de les emprunter ?
Soudain, des bruits de pas dans le couloir atteignirent les oreilles du brun, dont les yeux s’abattirent par conséquence sur la porte qui n'allait sûrement pas tarder à s'ouvrir.
Malgré ça, il aimait bien rentrer le soir, quand tout le monde est de retour et que l'endroit a l'air un peu moins...désolé.
Au lieu d'ouvrir la porte comme n'importe quelle personne civilisée, il donne un grand coup de pied dedans - Charles sait que personne ne dort encore - et il pouvait se le permettre, il venait avec un joli présent pour eux : de quoi se nourrir. Juste avant de quitter les lieux ce matin, il avait fait un petit tour et s'était aperçu qu'il ne restait que des gâteaux secs. Hors de question de manger ça.
- Salut tout le monde !
Un bref aperçu des lieux lui indique que seul l'Encrier et la Sorcière sont présents.
- Il n'y a que vous ? Dommage que les autres ne soient pas là...
Kuri-Kuri s'approche de la table centrale et ouvre son sac : il en sort alors quelques fruits et trois morceaux de veau qu'il a pris le soin de couvrir.
- J'ai volé ça sur le chemin du retour, j'ai pensé qu'on en aurait besoin, il ne restait pas grand chose à manger...
Après quelques minutes à échanger des courtoisies, le regard de Charles se pose sur le bout de papier où sont écrit les consignes - vagues- du Boss. Ni une ni deux - et sans demander de permission, ce qui avait le don d'agacer ses aînés - il se saisit du bout de papier et le lit rapidement.
- Oh c'est cool ! On a une mission. Vous vous y mettez bientôt ? Je peux aider ?
N'importe quoi..
Grommela t-elle. Ses yeux fixèrent le sol tandis que le chapardeur se changeait ; il avait pris la peine de changer de pièce cette fois-ci apparemment, mais le sol était toujours un endroit sûr où poser le regard. Cyrthisia n'avait quant à elle pas besoin de changer grand chose à sa garde robe, optant simplement pour un chapeau un peu moins remarquable qu'elle atteignit à bout de bras, posé sur le bord d'un meuble quelconque.
C'est une bonne idée, et puis ça peut porter l'attention ailleurs...
La mention d'une manière un peu moins noble d’acquérir ces objets ne la fit même pas soulever un sourcil.
Je crois que même si on avait voulu faire ça à la loyale, nous n'aurions pas pu... Il suffit de les rendre, n'est-ce pas ?
Dit-elle sans trop y croire. Ses yeux suivirent la trajectoire qu'empruntèrent ceux du chapardeur, dirigée vers la porte, et même si les bruits de pas lui avaient donné assez d'indices pour deviner qui cela pouvait bien être, le pied sauvage qui ouvrit la porte la fit bondir du vieux canapé.
Evidemment, personne n'eu trop le temps d'ouvrir la parole face à l’élément le plus énergétique du groupe, et la bouche de la petite blonde n'avait fait que s'ouvrir et se fermer avant d'abandonner, ne pouvant se contenter que de regarder toute cette scène d'un regard à la fois fatigué et amusé.
Sa prise de nouvelles fut brève, s'attardant plus sur des remerciements appuyés, tout en regardant les pièces de veau sur la table.... Il y a tellement de temps qu'elle n'avait pas mangé de viande...
Je.. Heu...
Elle se frotta le menton en signe de réflexion, avant de le lever vers son compère. Si cela s'était passé comme ça, c'est qu'ils devaient finalement être 3 pour cette mission... Non ?
On en discutait justement..
- Bien sûr qu'on les rendra, on est pas des voleurs...
Son ton ironique accompagna l'ouverture de la porte pour le moins surprenante, une entrée en scène qui ne pouvait annoncer nul autre que Charles. Si l'Encrier priait pour ne pas le croiser il y a encore quelques minutes, cette envie s'était volatilisée en même temps que sa fatigue, c'est à dire depuis l'ouverture de la missive du Satyre. De plus, ses yeux gagnèrent en intensité lorsqu'il remarqua la nourriture que leur avait porté l'adolescent qui ne cessait de marquer des points.
- P'tin je t'aime, qu'est-ce qu'on ferait sans toi petit ?
Syn ne prit pas la peine d'attendre pour enlever les torchons couvrant le veau. Tandis qu'il enjamba le banc pour s'accouder à table, deux pointes d'encres remontèrent le long de ses bras pour s'extraire des pores de sa peau, formant dans une de ses mains une fourchette, dans l'autre un couteau. Ainsi, le Chapardeur partit à l'assaut du premier morceau pendant que Kuri Kuri s'informait de la mission.
- On t'a... hm.. déjà dit de demander avant de regarder. Bordel j'ai l'impression que t'écoutes rien quand on te parle.
Sa remarque fut prononcée avec humour, bien qu'elle exprimait réellement ce qu'il en pensait. Charles était un incorrigible mais ce n'était pas pour déplaire au Chapardeur, qui n'était pas non plus un enfant modèle. Il aimait cette complicité qu'il partageait avec celui qu'il considérait de plus en plus comme un réel petit-frère.
- On s'apprêtait à par.. hm... à partir en fait. Bien sûr que tu peux venir. Ptidodo, viens manger, une fois qu'on partira ce sera trop tard pour te décider si oui ou non tu veux croquer dans ce veau que tu dévores des yeux.
Engloutissant une dernière - trop grosse - bouchée qu'il n'avait pas pris la peine de couper, Syn se releva et piocha un fruit qu'il ne tarda pas à croquer. Son attitude empestait l'impatience, et après avoir laissé quelques minutes à ses camarades pour se préparer ou manger un bout, le glas tomba.
- On y va ?
- Oh, si, j'écoute. Je fais juste pas super attention...
Il se saisit d'une pomme et se laisse tomber sur un fauteuil en croquant dedans. Il adresse ensuite un sourire à la Sorcière.
- Tu peux manger l'autre bout de viande, j'ai mangé sur le chemin quelques trucs.
C'était faux, mais il n'avait pas vraiment faim de toute façon. Il dévore le fruit en quelques secondes : comme si il était incapable de faire quoi que ce soit à une vitesse normale. Tout allait vite avec lui, c'était agaçant, mais amusant.
- Je me prépare pour la mission et on y va !
Charles s'isole quelques instant dans une chambre pour se changer, privilégiant une tenue noire - est-ce qu'il venait de s'inspirer de Syn ? Oui. Est-ce qu'il l'assume ? Non. Il prend également le soin d'emmener avec lui un glaive qui l'accompagnait souvent dans ses missions. Il n'avait jamais eu besoin de l'utiliser, mais c'était une sécurité agréable.
Toutefois, il le cache bien, de telle sorte qu'il ne soit pas visibles aux yeux de ses deux aînés : parfois ils se montraient réticent à ce qu'il utilise des armes. Il comprenait pourquoi, bien entendu, mais comme très souvent, il ignorait leurs conseils.
- C'est quand vous voulez... Tu as parlé des masques des riches et autre nobles c'est ça ? Tu as déjà un endroit en tête ?
Les approximativement 20 secondes qui suffirent à la boule d’énergie de la bande pour se changer ne suffirent eux pas à la petite blonde pour terminer son assiette, tentant d’accélérer son mouvement de fourchette. Ce n'était que pure coïncidence que le kuri-kuri ressemblait, habillé ainsi, à une version miniature du chapardeur, bien-sûr...
... Je propose le quartier du théâtre... S'il y doit y avoir des vendeurs de masques, ça doit être par là... Je crois.
Dit-elle entre deux bouchées qui s'éternisaient. La pauvre avait toujours été particulièrement lente pour manger, et le stress ne faisait que retarder la disparition du morceau de viande. Des regards particulièrement appuyés la firent tout de même enfin terminer son assiette.
Son chapeau remis en place, son manteau dépoussiéré et ses bottines lacées, Cyrthisia était fin prête à remplir cette mission. Un peu stressée, peu être... Mais pas plus que les autres fois, qui s’échelonnaient sur une dizaine d'années. La sorcière se remémorait les différents commandements que lui avait transmis le Satyre sur les bonnes méthodes de discrétion, et d'autres choses de cet ordre là... Un petit rappel mental ne faisait pas de mal.
Chacun était sortis avec un peu de temps d’intervalle pour ne pas éveiller de soupçon sur la sortie de 3 personnes dans la ruelle adjacente, et prirent des chemins différents pour se rendre au point de rendez-vous, une fontaine connue en plein milieu du quartier du théâtre de la capitale.
En route pour une nouvelle aventure !
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