Tout cela avait été le fruit de l'appel du Couple Royal face à l'apparition soudaine de ce monument magique à l'orée de la Grande Forêt, un appel qui s'était généralisé à travers le Royaume entier et qui avait sut faire venir Aventuriers, Gardes et toutes sortes d'explorateurs en herbe qu'importe leur rang dans la société. Ici bas, Nobles et Citoyens se côtoyaient et marchaient dans la même boue, se rassemblaient autour des mêmes feux, rigolaient aux mêmes blagues, buvaient la même bière, mangeaient la même venaison. Une unité du peuple face au danger d'une incursion magique à quelques jours de voyage seulement de la Capitale. Plus d'un groupe était entré dans la Tour et tous n'étaient pas sortis indemne. Enfilades de salles sans queue ni tête, monstre les plus étranges les uns que les autres, les récits ne tarissaient pas quant à l'étrangeté du mystérieux lieu.
Mais l'un des rapports des plus curieux venait du Capitaine Al Rakija en personne. Accompagné d'une recrue et de l'apprenti-archiviste du Palais, il avait descendu la Tour en rappel afin de s'en libérer, non sans jeter un coup d'oeil à travers les murs éboulés qui parsemaient ses flancs. Mais une fois le regard à l'intérieur: rien. Le vide. Une simple ruine de pierre, dressée là sans une once de magie.
Mais à l'heure actuelle, le Capitaine ne marchait pas avec la tempête aux talons pour rendre état de fait de ses découvertes. Il y avait avec lui un quatrième membre qu'il se devait d'escorter et de protéger quitte à y laisser un bras dans l'aventure. Le Prince Héritier, Aeron Renmyrth. Le Prince n'était pas connu pour être un jeune homme avec un amour inconsidéré du terrain, prêt à braver les dangers au seul fil de sa lame. Loin de là, il était bien plus un garçon de lettres, de science et de savoir. Mais sous la tutelle du fier Capitaine, il avait pour lui un bouclier prêt à faire face à tout les dangers. Aussi lorsqu'un Kerberus Alpha particulièrement teigneux sorti de sa tanière pour leurs souhaiter la bienvenue, le Capitaine avait aussitôt organisé les défenses du groupe pour mener le combat à bien. Ce qui fut chose faite, après avoir écopés de quelques vicieuses blessures, la victoire fut totale. Mais du coin de l'oeil, au coeur de la mêlée de l'affrontement, Yuduar avait pus apercevoir Aeron transit par la peur d'une telle force de la nature qu'était le Kerberus. C'est sans demander son reste que le jeune homme tenta de traverser le portail de ténèbre qui les avaient amené ici afin de retourner à l'air libre de la Grande Forêt. Yuduar s'était arrêté à cette version simple et logique, le Prince avait dut être escorté à partir de là par les gardes postés autour de la Tour puis ramené au Campement afin de retrouver les siens.
Quelle ne fut sa surprise lorsque, après son retour ramenant recrue et archiviste, il se rendit compte que le Prince n'était jamais arrivé à bon port.
Loreleï avait pris la suite des recherches en envoyant plusieurs escouades d'hommes ratisser les alentours, laissant à Yuduar le mérite d'une soirée de repos salvateur. Mais l'idée d'avoir perdu le Prince dans de si étranges conditions hantait le Capitaine d'ordinaire si joyeux et solaire. Le vin n'eut pas le même gout ce soir là. Une fois au petit matin, il alla s'enquérir des recherches autour du Prince perdu. Toujours aucune nouvelle.
C'est à ce moment là qu'un page habillé d'une livrée aux couleurs du Couple Royal fendit la foule pour trouver le fantasque Capitaine Al Rakija. Non pas pour une missive mais pour une convocation: le Roi l'attendait. Grimvor, qu'il pouvait depuis peu presque appeler "ami". Grimvor dont l'amour pour ses enfants était aussi puissant que celui que Yuduar portait lui-même envers les siens. La convocation d'un Roi à un Capitaine. D'un père à un autre.
Arrivé à l'entrée de la tente du Couple Royal, deux gardes royaux encadraient les épais tissus qui faisaient office de porte. Leurs visages n'étaient pas connus du Capitaine mais à juger de leur réaction, le sien ne devait pas être étranger à leurs yeux.
"Capitaine Yuduar Al Rakija. Le Roi m'as fait demander."
Les gardes échangèrent un regard, presque gênés. Que cela pouvait-il bien dire au juste? Le Roi était-il dans une furie si noire que ses hommes se sentaient presque gêner de faire annoncer un Capitaine? Si prêt du but t de cette rencontre, les théories ne servaient à rien car seulement quelques pas le séparait désormais de la plus pure vérité. Il savait qu'il allait devoir répondre de l'étrangeté de la situation dans laquelle il se trouvait, répondre de la sécurité d'un fils et de l'avenir d'un Royaume entier. Répondre à l'amour d'un père. Yuduar aurait aimé venir armé de son habituel sourire, une bouteille de goutte à la main, prêt à tailler la bavette avec Grimvor autour de ses remarques sur la Tour. La journée était belle, le soleil haut et le ciel clair, tout se serait prêté volontiers à un scénario si idéal.
Hélas, l'heure n'était pas aux rires et aux coupes pleines d'alcool. Le Prince était désormais officiellement porté disparu. Yuduar passa l'entrée de la tente, sans trop savoir si le Phénix en son sein était prêt à recevoir cette cruelle vérité.
Cette mission aurait du être une franche réussite. Les chariots transportant bières et vivres et qui devaient servir à célébrer un grand succès étaient immobiles depuis hier soir, et personne ne semblait s'y intéresser tant l'atmosphère était à la crainte plus qu'à la célébration. Ces chariots ne seront d'ailleurs probablement jamais ouverts, mais à cet instant précis, c'était de loin le cadet des soucis du roi.
Des aventuriers, des gardes, des citoyens même, venus de toutes horizons s'étaient organisés pour explorer cette Tour dont les secrets étaient encore bien enfouies en cette douce matinée. De nombreux groupes s'étaient séparés pour l'explorer et espérer trouver trésors et magie inconnu. Malheureusement, les trouvailles étaient maigres pour ne pas dire inexistantes. Mais là encore, ce n'était pas ce qui occupait les pensées du roi ce matin.
La tente dont laquelle s'était terré le phénix était plongée dans une atmosphère des plus obscures malgré que le soleil réchauffait déjà les alentours. Des maigres bougies se ternissaient et donnaient leur dernière petite flamme, signe que le roi était debout depuis longtemps, encore fallait-il qu'il se soit couché hier soir. Debout devant une petite table qui servait à entreposer la carte des environs, Grimvor semblait pensif, même anxieux en déplaçant machinalement des pions de haut en bas. Cette carte, il la connaissait par cœur depuis hier soir, et avait étudié avec ses conseillers les meilleurs itinéraires possibles. Car ce matin, l'ordre n'était plus à l'exploration de la Tour en ruines, mais à la recherche du Prince héritier Aeron Renmyrth, mystérieusement porté disparu. Non, les mots étaient choisies bien trop tôt. Pour le paternel, ce n'était encore qu'une question de minutes, d'heures, pour que le gosse revienne dans la tente, comme si de rien n'était, en marmonnant deux trois trucs dans sa barbe qu'il n'avait pas. Le roi avait encore ce maigre espoir, cette petite flamme qui ne voulait pas s'éteindre au fond de lui. Mais plus les minutes passaient, plus les gardes revenaient bredouille de leur recherches, et plus l'inquiétude laissait place à une anxiété non dissimulée.
Yuduar avait pu croisé lors de son entrée dans la tente un homme d'âge mûr, le visage déconfit, un garde dont il devait connaître l'identité sans aucun doute. Ce dernier venait d'expliquer au roi que le prince n'avait pas été aperçu ni sur le chemin du route, ni en ville, ni dans le palais de la capitale. En somme, le prince était encore quelque part à l'extérieur, entre la Tour et le Palais, à moins qu'il ne soit encore ailleurs... Le capitaine de la garde rentrait dans la tente dont l'atmosphérique était bien différente de l'extérieur ensoleillé. Une odeur de renfermé avait imprégné les lieux, la présence même du phénix encore endormi avait pris possession du bâtiment de fortune. Voilà qu'il avait crée un véritable nid dont les vas et viens incessants des gardes ne faisaient qu'attiser un feu encore bien dissimulé au sein même de Grimvor. Car toute cette situation commençait à le rendre tout simplement fou. Les premiers rapports n'avaient aucun sens, et tout le monde était formel : Aeron a tout simplement disparu sans laisser la moindre trace.
Le roi se retournait lentement vers le capitaine, une fois qu'il avait posé le premier pied dans le territoire du phénix. Dans sa main, une pièce en bois représentant un cheval tournait machinalement entre ses doigts pour apaiser une anxiété qu'il n'arrivait pas à contenir. Tel des braises qui devenaient de plus en plus incandescentes au plus profond de lui, il sentait que sa patience commençait à avoir certaines limites, et c'était d'ailleurs la raison de la convocation de Yuduar ici présent. Il fallait mettre tout ça au clair, savoir ce qu'il s'était exactement passé et ou il fallait exactement chercher.
- Yuduar.
Cela suffisait pour les présentations. L'heure n'était ni à la célébration, ni à la fête, et encore moins aux félicitations. Devant lui, il avait l'homme qui était entre autre chargé de défendre son propre fils. Et même s'il ne le pensait pas directement coupable, c'était une vérité qu'on ne pouvait nier, aussi haut était Yuduar dans l'estime du roi. Grimvor passait une main sur son visage pour finir pour remettre en place une mèche dans ses cheveux.
- Raconte-moi, qu'est ce qu'il s'est passé exactement, dans les moindres détails, je veux tout savoir.
Sa voix était à la fois grave et fatiguée. L'histoire qu'il allait lui raconter, il l'avait déjà entendu des dizaines et des dizaines de fois. Mais il voulait encore l'entendre, d'un autre point de vue, de celui du capitaine de la garde. Yuduar savait ô combien il tenait à ses enfants, et la moindre indication, le moindre indice pouvait ainsi être important. Car la vérité, c'est qu'à l'heure actuelle, il nageait dans le vide le plus total, sans la moindre information à laquelle s'accrocher.
"Mon Roi."
Il avait préféré être solennel plutôt que de répondre par le patronyme de Grimvor, ce malgré l'amitié naissante que les deux hommes partageaient. Ils n'étaient pas les deux mêmes qui trinquaient joyeusement à leur énième bière en dévorant des pilons de poulets marinés, insouciants et fier de prendre leur liberté à bras le corps pour fuir leurs fonctions. Non, en l'état actuel des choses, leurs dites fonctions étaient au premier plan de l'urgence devant eux.
A l'ordre du souverain, le Capitaine acquiesça et entra de quelques pas dans la tente pour se rapprocher de la table centrale où les pièces symbolisant les armées du royaume se tenaient de manière presque désorganisée. Le désarroi du Phénix en était presque palpable, à court d'idées, à court de plans, prêt à faire des pieds et des mains jusqu'à ce que mort s'en suive à la poursuite de l'idéal de retrouver sa chair. Yuduar se racla la gorge pour entamer son récit.
"Je... Tout allait bien au début. Nous sommes rentrés dans la tour par une porte du flanc ouest. Comme tout les autres groupes l'ont mentionnés dans leurs rapports, nous avons franchi un rideau de ténèbre dans lequel nous avons flotté pendant ce qui semblait être quelques secondes. Après cet étrange phénomène nous sommes arrivés à l'intérieur." il marqua une pause pour fragmenter son histoire "De là nous nous sommes affairés à entamer les recherches. Une porte centrale nous bloquait la route mais deux colimaçons se dirigeaient vers les hauteurs et vers les profondeurs de la tour. Nous avons décidé de nous diriger vers les entrailles de la ruine d'un commun accord." ses doigts commencèrent à pianoter sur le bois de la table "Il ne fallut que quelques minutes pour qu'un grognement nous accueil et son origine fut vite découverte. Un Kerberus Alpha, un spécimen d'une belle taille qui plus est, gardait une salle au sous-sol et n'as pas pris d'un bon oeil que l'on vienne perturber sa quiétude. Nous sommes remontés à ce qui était pour nous le "rez-de-chaussée" pendant qu'il nous donnait la chasse, jouant nos cartes sur une embuscade pour créer l'avantage. Le combat était inévitable." Yuduar leva son regard perdu dans le vague pour rencontrer les iris de braise du Roi "Je me suis occupé de la première ligne en laissant mon soutien à Marc-Antoine, la recrue qui était avec nous. Cassiel, le jeune archiviste, était resté en arrière avec le Prince afin d'assurer sa protection. J'avais déjà eu l'occasion de le croiser durant une assignation dans le nord du Royaume, sa magie est puissante malgré sa jeunesse" la mâchoire de Yuduar commença à se serrer en sachant d'avance la suite des événements "Je savais que Aeron n'était pas un combattant pour ce genre de situation, même si il a reçu l'enseignement d'un précepteur pour les bases de l'escrime, on est jamais préparé à un tel affrontement avant d'y être vraiment. Mais à moins d'un débordement critique, sa position était la plus sécurisée. De là, le combat à fait rage. Je... J'admets qu'ayant pris la position de front face à la créature, afin de protéger pour le mieux les jeunes qui m'accompagnaient, je n'ai pas pus garder un oeil sur leurs moindres actions. Sous peine de perdre ma propre vie face à un tel adversaire." une nouvelle fois, le regard du Capitaine alla se perdre dans le vague des fournitures meublants l'intérieur de la tente "Tout ce dont je me rappel, c'est d'avoir vu la silhouette du Prince s'échapper. Du coin de l'oeil, attiré par sa mise aux tons violacés. Il n'as pas crié, n'as pas donné de signe de panique, il a juste pris ses affaires et supposément sauté dans le rideau de ténèbres qui nous avait déposé dans cette salle en arrivant."
La pause qu'il marqua après cette dernière phrase fut sans doute la plu longue. C'était en soit la fin de son récit, tout du moins en ce qui concerne les faits les plus pragmatiques. Les idées se bousculaient dans la tête du garde tandis que le silence s'abattait à la manière d'une chape de plomb.
"Et nous y sommes." conclu t-il, le ton grave "Il savais pourtant que nous avions une pierre de rappel préparée par nos enchanteurs, conçues pour le ramener aux points de téléportation extérieur. Nous avions fait le tour de l'équipement et des mesures de sécurité en cas de coup dur." l'impuissance se faisait entendre dans sa voix chancelante, ne pouvant retirer l'image de son propre fils à la place du visage de Aeron "Je n'ai pas envoyé l'un des gamins vérifier sa réception sous peine de condamner notre expédition à peine commencée. Avec toutes les troupes que nous avions mis en place au préalable autour de la Tour, sa sécurité était, je pensais, garantie d'avance. Quand nous sommes rentrés au camp quelques heures plus tard, je m'attendais, comme tout le monde, à le retrouver."
Une nouvelle fois, les prunelles d'or et de noisette de Yuduar rencontrèrent les yeux d'un père en plein tourment. Que dire? Que rajouter désormais face à la fatalité d'un récit pareil?
"Je suis désolé Grimvor. J'ai failli à ma mission."
Car là était la vérité. Yuduar avait la mission de surveiller le Prince. Surveiller le fils d'un ami qui avait placé sa confiance dans les épées du Capitaine. Malgré une expédition à la Tour qui avait sut ramener son lot d'informations, la mission qui lui avait été donnée avait quant à elle été un échec. De part la puissance qui incombe à sa position au sein du royaume, Grimvor avait désormais entre ses mains le pouvoir d'achever la carrière et l'avenir de l'homme qui se tenait en face de lui. L'homme qui, sans le vouloir certes, avait laissé se perdre la chair de sa chair.
"Mon roi", "Grim", "mon pote"... Quelle importance, aujourd'hui ? C'était à peine si le rouquin avait entendu ces premiers mots. Comme si toute son intention, toutes ses pensées, étaient tournées vers un seul et même but : Aeron. Devant lui, il avait celui qui était responsable de son gosse. Ce garde, doté d'une expérience que peu de gardes pouvaient se tarer d'avoir, ainsi que d'une intelligence et d'un sang-froid à toute épreuve. Devant lui, il avait également un ami, peut-être même un frère sur qui il pouvait sans aucun doute compter. Mais malheureusement, devant lui, il avait également celui qui avait failli à sa mission, comme il l'avait lui-même avouer. Pourtant, Grim n'avait pas de haine envers lui, ni de colère ou de réprimande. Le roi avait lui même été garde, il y a de ça une dizaine d'années. Il savait mieux que quiconque de la lourde responsabilité qu'il le lui avait incombé.
Et mieux que personne, il savait que certaines fois, la responsabilité n'avait pas la forme d'une pièce qu'on lançait en l'air. Nous ne sommes rarement totalement innocent, ou totalement responsable. Si la vie était ainsi fait, ce serait bien trop facile. Alors, le roi ne soulevait pas la voix face à cet homme dont le talent n'était plus à prouver.
Écoutant son discours en un silence qu'il prolongeait à la suite de ses paroles, le roi commençait une marche interminable dans la pièce ronde. Seul les bruits de pas incessants du phénix se mélangeaient avec les lueurs ondulatoires des bougies. Il s'arrêtait finalement à l'endroit où il avait commencé son exercice en plantant ses yeux incandescents dans ceux du capitaine. Il y avait du neuf, bien entendu. Des précisions, un point de vue différent, puisque c'était celui du premier concerné. Mais malheureusement, la finalité restait la même : Aucune piste possible pour trouver ce foutu gosse.
- Comment a-t-il pu se volatilisé... Ou peut-il bien être...
Grim se parlait presque à lui même, n'attendant aucune réponse du garde ici présent pour cette question. De toute manière, Yuduar n'en savait surement pas plus que lui. Et pourtant, Aeron devait bien être quelque part !
Soudain, le roi eut comme un sursaut de conscience. Ce petit moment où on a l'impression de redescendre sur terre et de voir nos responsabilités à la lumière du jour. On aurait presque dit qu'il avait une idée pour retrouver son gosse, tant ses yeux s'écarquillaient et que son visage s'adoucissait. Une des mains lourdes mains vint lentement se déposer sur l'épaule du capitaine alors que ses yeux ne quittaient pas ses iris. Ses doigts palpaient ses trapèzes, et il prit une lente inspiration avant d'ouvrir sa bouche.
- Tu n'y es pour rien. Je sais que tu as fait ce qu'il te semblait bon et juste pour tout le monde. Alors, et c'est un ordre, Yuduar... Ne te morfond pas encore. J'ai encore besoin de toi aujourd'hui.
Heureusement, le roi avait eu toute la nuit pour y réfléchir, et sa tête était un peu plus posée que lorsqu'il a été mis au courant. Si Yuduar avait tâté la colère du phénix hier soir, il y avait fort à parier que son discours aurait été bien différent. Mais en plus d'être un père, il était un roi, et cela aurait été une grossière erreur d'envoyer bouler un de ses meilleurs éléments. Et ce, même si la vérité était qu'il était bel et bien fautif. Grimvor ne faisait pas l'aveugle à faire passer son amitié avant ses responsabilités, loin de là. Il estimait uniquement que Yuduar n'avait pas commis d'erreur directement punissable.
Il retirait doucement sa main de son épaule, et ses yeux quittaient également ceux de son ami. Il regagnait la table basse sur laquelle était posée la carte des environs, et en bougeait quelques pièces.
- Ceci étant, tu es un de ceux qui l'a vu en dernier. N'as-tu donc aucune supposition, aucune théorie ? Même les plus farfelues... Les derniers rapports ne semblent pas faire état de sa présence sur les terres d'Aryon, aussi étonnant que cela puisse paraître... La Tour nous aurait-elle réservé un énième mystère ?
Il était tout simplement impossible et invraisemblable pour Grimvor de penser au pire. Non, son fils ne pouvait pas être mort, cela ne faisait aucun sens. Pas comme ça, pas si bêtement ! Il était forcément quelque part, entrain de râler dans une barbe qu'il n'avait pas, entrain de maudire son père de ne pas le chercher.
Alors non. Il était hors de question de d'ores et déjà abandonner les recherches qui avaient à peine commencé. Il n'était pas non plus temps de faire un bilan et de rechercher des fautifs, s'il y en avait. Si Yuduar était présent devant lui ce matin, c'était pour se concentrer sur les recherches et les démarches à suivre. Et aujourd'hui plus que jamais, il aurait besoin de ses qualités de capitaine.
"La Tour renferme bien des mystères en effet, on peut être sûrs de ça. Sa présence à soulevé bien des questions mais n'as apporté que peu de réponses, si ce n'est aucune." le constat était difficile à admettre et pourtant les multiples rapports des aventuriers et des gardes ne semblaient pas mener vers une théorie qui tenait debout d'une quelconque façon "Si on reste pragmatique... le rideau d'ombre que nous avons traversés en rentrant nous a amenés dans des salles que l'on pense êtres celles de la Tour. De fait, il a été logique de penser que retraverser le rideau en sens inverse nous ramènerais à notre point de départ, à savoir la forêt autour." le capitaine joua avec l'icône de la dite Tour sur la carte "Mais nos observations ont démontrées que la Tour à nue n'était qu'une simple vieille ruine vide de toute architecture. Donc on peut se demander: avons-nous vraiment été téléportés dans la Tour ou dans un autre lieux en rapport avec la Tour? Et par extension, traverser le rideau en retour nous aurait-il transporté dans la forêt comme prévu? Ou ailleurs?" tout en lâchant la pièce pour se reculer, il soupira en se massant machinalement les tempes, le visage du garde semblait se crisper sous l'effort de la théorie "Si on suit cette idée, aussi rocambolesque qu'elle puisse paraitre... Aeron pourrait donc actuellement se trouver absolument n'importe où. Dans le Royaume ou ailleurs. Peut-être même dans un autre temps que le notre si on considère aussi la théorie émise par certains Aventuriers de la Guilde que la Tour nous à transportés dans une version antérieure de sa création. Une infinité de possibilités et de questionnement sans aucun élément concret pour nous guider."
Laissant le silence revenir à son état initial, l'esprit prolixe de Yuduar tenta de trouver un échappatoire à cette situation qui semblait n'admettre aucune logique.
"Milles questions et aucunes réponses. Voila ce que la Tour a amenée dans notre Royaume. Ce qu'on peut faire maintenant... affronter la magie avec la magie peut-être?"
L'idée semblait totalement déraisonnable, comme il en était souvent le cas lorsqu'on traitait avec une forme ancienne de magie obscure. Mais après tout il existait bien des enchanteurs et des traceurs capable de mettre en oeuvre des sortilèges à même de retrouver des gens à travers le Royaume. Yuduar n'avait pas une forte foi en ce genre de profession cryptique qu'il considérais souvent comme un ramassis de charlatan mais... face à un cas désespéré, pourquoi ne pas envisager des mesures désespérées?
EDIT + CONCLUSION:
A cette idée, Grimvor releva le regard vers le Capitaine, une lueur étrange dans les yeux. L'idée semblait lui parler mais l'indécision semblait tout aussi présente que précédemment dans la voix de Yuduar. Un silence s'installa le temps d'une réflexion puis le monarque frappa la table comme pour chasser les chimères qui hantaient son esprit depuis la perte de Aeron.
"Tu as une idée de qui contacter pour ce genre de choses?" demanda soudainement Grimvor.
"Je..." Yuduar garda son regard fixé dans celui de son ami de Roi, ne sachant que penser de sa réaction face à la mention de magies anciennes "Là comme ça, aucune idées précises à vrai dire. Mais j'ai peut-être des contacts qui pourraient m'aiguiller dans une meilleure direction." conclu t-il. Après avoir laissé un nouveau silence voué à mieux réfléchir à un plan d'approche, le garde avança pour déposer une main amicale sur l'épaule du Roi "Par contre je préfère être franc avec toi Grimvor. Tu me connais aussi je ne te mentirais pas. Tu sais que certains de mes contacts sont pour ainsi dire... pas tous très recommandables. Il vaudrait mieux éviter que le nom de la Couronne soit rattachée à de telles affaires, certains détraqueurs sauteraient sur l'occasion de vous pointer du doigt Allys et toi. Une fois de retour à la Capitale je demanderais à Emeor d'éplucher les retours de l'exploration de la Tour pour voir si quelque chose de précis se dégage des rapports officiels. De mon côté je m'occuperais de réveiller quelques connaissances et de te ramener des résultats probants au Palais au détour d'une bonne bouteille."
Grimvor acquiesça en silence, posant sa dextre sur celle de son camarade comme pour lui donner sa bénédiction.
"Mais je préfère te prévenir, ce n'est pas la promesse d'une réussite que je formule aujourd'hui. Juste une simple possibilité."
"J'utiliserais tout les moyens pour retrouver mon fils Yuduar."
"Je sais Grimvor. Je sais."
Le coeur du Capitaine se serra à la seule idée de perdre un jour Selim dans de pareilles circonstances. De quoi serait-il capable dans un tel cas de figure? Lui qui avait déjà perdu l'amour de sa vie, pour qui ses enfants représentaient le monde entier. Aucunes lois, aucunes limites ne seraient à même d'arrêter son instinct de père à fendre terres et cieux pour retrouver la chair de sa chair. Et Grimvor était fait d'un acier proche du siens.
Le bruit d'une bouteille de vin débouchée termina la conversation entre les deux hommes. Chacun d'eux prirent une chaise digne de ce nom pour s'installer autour de la table de stratégie, le regard dans le vague et le sourire mesuré. La journée était belle pourtant mais aujourd'hui, l'alcool avait un goût de nuage trop lourd.