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    Un monde plein de mystères,
    plein de magie et surtout plein d'aventures...

    Il est peuplé de créatures fantastiques. Certaines d'une beauté incomparable, d'autres aussi hideuses qu'inimaginables, beaucoup sont extrêmement dangereuses alors que quelques unes sont tout simplement adorables. La magie est omniprésente sur ces terres : des animaux pouvant contrôler la météo, des fleurs qui se téléportent, des humains contrôlant les éléments, des objets magiques permettant de flotter dans les airs...

    Dans ce monde, il y a le royaume d'Aryon. Situé à l’extrémité sud du continent, c'est un royaume prospère, coupé du monde. Il est peuplé d'hommes et de femmes possédant tous un gros potentiel magique, chacun vivant leurs propres aventures pour le meilleur comme pour le pire.

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    Une maison supposément abandonnée a pris feu en pleine nuit, dans un village aux abords de la Capitale. Certains témoins racontent qu'un combat sanglant s'y est déroulé avant l'incendie. Plusieurs corps calcinés y ont été retrouvés.En savoir plus...
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    Contrebande
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Contrebande
    Mer 2 Oct 2019 - 19:05 #

    C’est pas souvent, que la Guilde envoie plusieurs Examinateurs pour la même chose. J’jette à coup d’œil amical à mon voisin, Whiskeyjack. Jack, en fait. Un gars sympa, et même que j’ai déjà essayé de l’embrouiller pour voir ce qui allait sortir des fourrés. J’peux dire que quand j’m’y mets, j’suis une sacrée raclure, dans le genre. Ben, j’ai pas réussi. Y’a des types qui inspirent instinctivement le mépris, le dégoût. Lui, j’l’aime bien, comme tout le monde. Il a un bon contact, toujours cool avec son prochain et sa prochaine. Y’a des rumeurs là-dessus, d’ailleurs.

    « Tu connaissais le gus, Jack ?
    - Non, du tout, Vrenn. »

    Comme les autres, il se souvient pas de moi. Enfin, je crois. Ça se trouve, il a juste aucune mémoire des noms mais ma tête lui rappelle quelque chose. Mais j’en jurerais pas, il se rappelle pas bien des trucs qu’on a pu faire ensemble jusqu’à présent. Pourtant, y’avait un peu de tout. Il a même bu une marquisette pour faire plaisir à un inconnu et désamorcer une situation tendue. J’avoue que j’l’aurais pas fait, la seule fois que j’en ai bu, ça m’a filé des maux de ventre. Et même si le bonhomme était un putain de mastodonte à moustache, et c’était pas cette dernière qu’était impressionnante.

    Franchement, j’suis resté longtemps à mastiquer l’idée de planter l’inconnu dans une ruelle sombre, juste pour rendre service à Jack.

    J’laisse ces considérations derrière moi et j’me coule dans le moule de mon second métier, celui d’examinateur. Devant nous, y’a un immense domaine, précédé par des grilles en fer forgé. Plus loin, on devrait trouver le manoir du propriétaire des lieux, un membre de la famille d’un des Saphirs de la Guilde. Apparemment, y’a des trucs à examiner à l’intérieur, et ça serait bien que ça s’ébruite pas trop. Ils ont choisi les bons clients pour ça, muet comme une tombe, qu’on sera.

    Enfin, peut-être.

    A l’entrée, un majordome averti à l’air inquiet nous dévisage, puis nous introduit rapidement à l’intérieur des lieux. On laisse une saloperie de mistral derrière nous, et j’suis bien content de plus être dans le vent. Ma barbe allait être toute décoiffée, et j’aurais bien fait œuvre de mariage puis d’héritage avec la propriétaire des lieux. Pour rendre service, hein. J’aurais ptet même trouvé la force de passer à la casserole.

    Le serviteur nous encourage à aller plus vite, alors qu’on est simplement en train de regarder la déco. J’me demande pourquoi les voleurs passent pas plus souvent par ici, rien qu’en grattant les murs doit y avoir moyen de vivre quelques mois au chaud, avec tout ce qu’il y a comme feuille d’or. J’joue un peu avec l’idée, mais j’abandonne bien vite quand j’vois le regard acéré des autres larbins. On croirait que c’est chez eux. C’est fortiche, de s’investir autant pour avoir le droit de nettoyer chez les autres.

    Finalement, après ce qui me semble être une éternité de marche dans un silence un peu pesant, on pénètre dans une pièce richement meublée de bois précieux, et d’objets d’art qui me semblent avoir comme caractéristique commune d’être particulièrement laids, donc probablement coûteux. Derrière un bureau massif en acajou, ou peut-être plus rare encore, une femme d’une soixantaine d’années, à l’opulente chevelure blanche, nous jauge d’un regard évaluateur.

    On correspond p’tet pas à ce qui était annoncé.

    A ses pieds, un gros mistigri pousse un miaulement désapprobateur avant de se frotter contre les pieds de sa maîtresse.
    « Bon, messieurs.
    - Enchanté, répond Jack, toujours aimable. »

    J’me contente d’un grognement.

    « Nous ne sommes pas là pour échanger des formules de politesse, rétorque-t-elle, mais l’acidité de sa réponse est amoindrie par son sourire. Mon neveu, que vous connaissez peut-être ou non, a malencontreusement égaré quelque chose qu’il transportait pour la Guilde des Aventuriers. »

    On attend en silence, sagement.

    « Les détails de la cause de votre mission importent peu. »

    Comprendre, venez pas me faire chier et contentez-vous de faire ce que je vous dis de faire.

    « A deux jours de cheval d’ici, donc, dans un petit bourg dont le nom méchappe, ce petit idiot a réussi à perdre une cargaison relativement importante d’armes. Cinq ou six caisses, si je me souviens bien. Et il ne sait pas comment elles ont disparu. »

    Les armes, c’est toujours problématique. J’tourne la tête vers Jack.

    « Pourquoi est-ce que la Ga…
    - Tatatah, jeune homme. Bornez-vous à l’aider à retrouver ce qu’il a perdu et vous serez rémunérés. »

    Jeune homme. Il va continuer à l’entendre, celle-la. Bien un truc de vioque, d’appeler les gens comme ça. La suite du monologue de la vieille, c’est les platitudes habituelles, la reconnaissance si ça marche, la hargne sinon, la nécessité du secret, tout ça, quoi. J’écoute d’une oreille distraite, davantage intéressé par le matou qui se fait les griffes sur le coussin du fauteuil sous l’œil attendri de la patronne. Visiblement, elle a les moyens de le changer souvent, parce que le chat y va avec une volonté tout à fait recommandable.

    Une fois mis dehors de façon plus ou moins malpolie par les larbins, j’me tourne vers Jack.

    « Alors, jeune homme, ça t’inspire quoi ?
    - Hm. A mon avis, ça ferait mauvaise presse, pour la Guilde, de perdre des armes en pleine nature.
    - C’est clair. Mais pas que. La tata s’investit pour son petit chéri, pour pas qu’il ait mauvaise presse au sein de la Guilde elle-même. Ça serait mauvais pour son avancement, probablement.
    - Et elle fait jouer ses contacts pour que ça se règle en douce ?
    - Ouais, dans l’feutré. Et cette histoire de bourgade dans laquelle les choses disparaissent… Faudra parler aux gens.
    - Ma spécialité, répond Jack. »

    J’sais bien, hé.
    Whiskeyjack CallahanLe glooby de toutes les femmes et la femme de tous les glooby
    Whiskeyjack Callahan
    Informations
    Re: Contrebande
    Mer 2 Oct 2019 - 20:20 #
    Parler aux gens, j’aime bien. J’ai toujours eu un contact facile avec n’importe qui. Avant, je savais pas trop pourquoi. Maintenant, je me pose plus la question. Je me contente de prendre ce bon côté de ma bonne nature et de mener mon petit bout de chemin en ce monde. Dans des coins sympathiques, si possible. Car il faut dire, le manoir dans lequel on vient de passer une quinzaine de minutes n’est pas des plus joyeux. Les domestiques sourient peu et la patronne ne dit même pas bonjour. Tsé. Dans quel monde on vit ? Être aimable, c’est tout de même la base. C’est comme retenir les noms des villes, Bougre d’âne. C’est tout de même pas très compliqué de mettre un nom sur les lieux, les choses et les gens. La base quoi. Même si pour mon collègue, il m’arrive, honteux, d’avoir quelques trous de mémoires. Bren ? Vrenn ? Vrel. Ça veut pas rentrer dans la tête, c’est fou. Avec un peu de concentration, ça finit par revenir, mais l’espace d’un instant, à chaque fois, je me situe dans la même catégorie que tous ces gens qui manquent sensiblement de politesse. Au final, Jack ne s’offusque pas des manières des autres. J’suis comme ça. La main sur le cœur, prêt à entendre les excuses du monde. Je n’ai d’yeux juste que pour mes erreurs. Si les gens savaient, ils trouveraient ce bon vieux Jacky beaucoup moins sympathique. Et ça serait un drame. On a tous nos petits problèmes.

    Le premier ; outre mes trous de mémoires ; est pas des moindres, c’est que j’ai soif. On a bien soutiré suffisamment d’information auprès de charmante dame pour mettre un nom sur ladite bourgade. Ollainbourg. Vrai que c’est un peu perdu au milieu de nulle part, mais de là à ne pas se souvenir du nom, y a plus de respect. Ce n’est pas faire honneur à la taverne du pendu, petit boui-boui plutôt sympathique où ce bon vieux Edo sert des bières aux fumées très particulier et où sa femme, Quervy, offre une cuisine familiale qui ne demande qu’à être revisité. Vous vous étonnez que j’y sois déjà allé ? C’est qu’on parcourt du chemin en étant dans la guilde des Aventuriers. Vous rêvez d’air pur et de belles rencontres ? Rejoignez nous. J’ai failli finir dans l’équipe chargée de la promotion de la guilde, mais c’est pas trop mon truc. Ils restent dans leur cadre et ont toujours peur de dire une bêtise. Ils ne sont pas très drôles. La liberté, je préfère. Liberté de parler et de consommer une cuisine qui donne envie. Penser à eux me donne encore plus soif. Sauf que Ollainbourg, c’est loin. Je l’ai déjà dit, non ? En attendant, faut bien s’arrêter ailleurs et faire ce que je sais faire de mieux. Causer.

    Revenant à la civilisation de la même façon qu’on l’a quittée, on débarque chercher des informations dans le premier établissement venu. Les langues se délient plus facilement avec une bonne boisson à porter de main. Et je me sens plus à mon aise. C’est important d’être à son aise. Regardez, les majordomes de toutes à l’heure, engoncés dans leur vêtement trop parfait et impeccable, ça se voyait qu’ils n’étaient pas heureux. Et ça, la maison, le bois, tout ça, elle la ressent. Et ça fout une sale ambiance. Alors que dans une taverne, c’est chaleureux. C’est convivial. Parce qu’on est content d’être ici. M’voyez ? Je suis sûr que ça vous parle. L’établissement donc. On prend simple et efficace. La taverne des bûcherons dans un petit bled qui manque pas de charmes du nom de Handor, non loin de la forêt, donc. Logique, hein ? On y sert une mousse convenable, mais on y sert aussi des informations de qualités. Parole de Jack. Et l’avantage, c’est qu’on est en chemin pour Ollainbourg. Parce que le temps, c’est important. Moins de temps en mission, plus de temps au comptoir. Pas que j’aime pas mon travail, hein, mais il faut savoir apprécier les choses de la vie, hein ?

    Bref, la taverne des bûcherons. C’est qu’il y a du passage dans le coin, quand ce n’est pas des débiles qui se croient suffisamment fort pour vouloir brûler la moitié de la forêt. Heureusement, il y a quelques bonhommes aux pouvoirs plutôt sympathiques qui savent les mater, les petits garnements. Et la garde n’est jamais très loin. Surtout jamais très loin de la taverne des bûcherons, si vous voyez c’que je veux dire. Clin d’œil. Clin d’œil. On entre. Petite fréquentation en ce moment. Arnold, un bon gars qui me dépasse d’une tête me salue de derrière son comptoir, faisant gigoter sa barbe dense. Sacré Arnold. Lui, c’est un bûcheron. Il s’est reconverti et maintenant, plutôt que d’abattre des arbres, il abat des tonneaux. Je lui réponds avec un sourire aimable et je traverse la salle en compagnie de Kwenn. On se retourne sur mon chemin et on me reconnaît. C’est que je suis populaire. J’oublie encore des noms, mais là, je suis sûr de pas les avoir croisé depuis un bail. C’est moins grave. Et ils savent pardonner.

    -Hé ! Mecton ! Ça fait une paie que t’es pas passé ici.
    -Et oui. Ça va bien la famille ?
    -Oh, ma grand-mère est malade… Ça sent pas bon.
    -Naaan ? Oh merde, j’suis désolé pour toi. C’est con.
    -Ouai… c’est le dernier membre de ma famille, tu sais. Ça fait … quelque chose.
    -Putain, je voulais pas te rappeler ça. Je te jure.
    -C’est pas grave… B… Se…
    -Jack.
    -Jack ! Pardon…
    -C’est pas grave. L’émotion hein ?
    -Sûrement.
    -Prends toi un verre sur mon compte auprès d’Arnold, mon ami. Tu mérites du réconfort. J’aimerais bien causer davantage avec toi, mais j’ai des affaires avec mon ami Zrenn.
    -pas de souci. T’es un chic type.
    -Je sais.

    Et c’est comme ça pour plusieurs gus que j’arrive pas à recadrer, mais ils m’en tiennent pas rigueur. Ce qu’ils veulent, c’est parler. Ça se voit. Ça réconforte. Et donner un peu de chaleur dans le cœur des bons vieux bougres, c’est un peu mon deuxième boulot. Celui qui ne remplit pas forcément les poches, mais celui qui remplit le cœur. Le mien quoi. On se pose à une table un peu l’écart, mais stratégiquement bien placé. De là, on trône un peu dans la salle. On est les mecs importants. Et en plus, on a un accès aisé au bar. Arnold vient glisser deux mousses ajustées à la perfection dans deux beaux gobelets de bois en nous gratifiant d’un sourire de commerçant aimable.

    -Jack ! La même chose ?
    -Tu me connais bien, Arnold. Merci. Je te présente Vrap, un ami et collègue.
    -Bienvenue dans mon honnête établissement.
    -Salut. Merci.
    -Vrail est un peu timide. N’est ce pas Vraim ?
    -…
    -Ahah. Tant qu’il est aussi sympathique que toi.
    -Toujours. Mais dis moi, Arnold, j’aurais besoin d’informations.
    -Je me disais bien que tu ne venais pas que pour ma boisson.

    Je lève les mains en signe d’apaisement. Je le sens chafouin. Faut désamorcer ça.

    -Le prends pas mal, chef. Tu sais ce que c’est ? Le boulot, tout ça. On est jamais là où on le souhaite.
    -Pas simple.
    -Tu l’as dit. Alors, si je peux avoir ce que je veux et finir ça en beauté, je reviens ici et on refera le monde avec toi et tes habitués.
    -ça me dit bien ça. Qu’est ce que tu veux savoir ?
    -Tu vois Ollainbourg ? Et ses environs ? J’aimerais tous les tuyaux possibles ce qu’il y a de louche dans le coin. Même les trucs anodins, tout.
    -C’est pas juste à côté, mais y a toujours du passage. Je vais voir ce que je peux faire.
    -Merci, chef. T’es un pote sur ce coup.
    -tu m’en devras une.
    -Pour sûr. Je m’en souviendrai.

    On se fait signe et il se barre derrière son comptoir. Je me saisis de ma choppe et je la tends vers Vrenn avec mon meilleur sourire.

    -A ta santé, collègue.

    On trinque.
    On boit.

    Ça fait du bien, hein ?
    Et maintenant, on attend. Les informations, ça ne tombe pas sur le visage comme un bourre-pif pris par surprise. Arnold connaît son boulot. Pas dit que je vais dormir sur mes lauriers, hein. On boit. On discute. Les gens ont des choses à dire. Comme le type qui passent à côté et qui semblent décontenancé de me voir, comme si soudainement il me recasait dans sa mémoire.

    -Salut mon ami, ça fait une paie, non ?
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
    Informations
    Re: Contrebande
    Dim 6 Oct 2019 - 22:09 #
    - Putain de chiotte de merde de sa mère la salope farcie à la pourriture de cafard...

    Zahria jure dans sa barbe en sortant de la taverne. Elle tape dans un caillou, pour faire genre. L'entrevue ne s'est pas très bien passée, cette fois-ci. Le maître espion ne l'a pas laissée en placer une, et elle se retrouve avec une mission qui - selon elle - mérite au moins trois fois les jurons qu'elle balance depuis une demie-heure. Non, mais sérieusement, enquêter sur un groupe de bandits, ce n'est pas de son ressort ! Ils pourraient envoyer une patrouille de gardes tout juste sortis de l'académie, ça se passerait tout aussi bien et ne gaspillerait pas les innombrables talents d'une espionne de sa trempe... Gnagnagna discrétion gnagnagna conflit d'intérêts gnagnagna sécurité du royaume... Quand Zahria arrive à la caserne, elle n'a pas fini de décolérer, mais elle commence à comprendre qu'elle n'a pas le choix. Il faut dire que sa dernière mission ne l'a pas mise en odeur de sainteté auprès du maître espion.

    Ramener le fils du commanditaire noble qui le pensait kidnappé en le traînant dans la rue après l'avoir affiché devant tout le monde dans le bordel où il passait la nuit avec son amante, ce n'était pas spécialement discret. Mais notons qu'il l'avait fortement énervée en étant si... simple. Elle s'attendait à le trouver mouillé dans un trafic de drogues hallucinogènes, ou en train de monter un énorme complot contre la couronne, ou alors arrêté par des pirates sanguinaires réclamant une rançon... Au lieu de ça, il s'envoyait en l'air depuis une semaine avec une boulangère, et on l'avait envoyé, elle, pour aller le chercher. Quand le fils du voisin, monsieur Indrani, a disparu quand elle était gamine, personne ne s'était bougé pour aller le chercher, où qu'il soit parti, et notre espionne ne voit pas l'intérêt d'en faire de même pour un sale gosse de riche pourri gâté.

    Il n'y a personne dans sa chambre. Son colocataire monsieur le garde royal doit être chez lui, avec sa bonne femme. Il pense qu'elle n'est qu'une simple garde, et elle n'a jamais accepté de s'entraîner avec lui pour qu'il ne se rende pas compte qu'il se fourvoie, mais à part ça, c'est un bon gars. Un peu trop parfait sur tous les bords, et si elle regrette de ne pas s'entraîner avec lui, c'est surtout car elle aurait pu lui laisser une petite cicatrice sur ce visage angélique avec sa peau de bébé. Zahria n'aime pas les choses soit disant parfaites, car rien n'est jamais parfait, et ça cache toujours anguille sous roche. La jeune femme s'équipe, fourre ses menottes anti-magie au fond d'un sac, enfile une tenue de voyage par dessus son armure, et ressort de la chambre sans cérémonie. Pas de temps à perdre, une bonne bière l'attend et elle a pas mal de route à faire avant d'y avoir droit.

    Une fois sortie de la capitale, l'humeur de Zahria change drastiquement. Un grand sourire vient fendre son visage radieux, et elle se prend même à siffloter quelques accords d'une chanson paillarde. Même si la mission n'est pas très intéressante, elle lui permet de voyager, et c'est la principale raison pour laquelle l'espionne a choisi ce métier. Voir du paysage et faire de la route font partie de ces petits plaisirs qu'elle n'aurait jamais goûté si elle avait repris l'affaire de son paternel. Quel gâchis cela aurait été.

    Juchée sur sa monture, la jeune femme prend le temps de récapituler les infos que lui a donné le maître espion. Plusieurs attaques se sont produites depuis environ une semaine dans les alentours d'Ollainbourg par une bande de malfrats qui ont pillé les réserves des paysans et mis à mal la milice locale. L'affaire ne serait pas allée plus loin si la dernière échauffourée n'avait pas causé la mort d'un simple citoyen s'étant interposé. Son but est donc de débusquer les bandits, et trouver comment ils se sont procurés leurs armes, sachant que jusqu'à la semaine précédente, s'ils étaient connus pour de petits méfaits, ils n'avaient jamais montré de violence de ce ressort. La petite troupe de bandits a donc changé de mode opératoire et de cibles, et il lui faut s'assurer qu'il n'y a pas un plus gros complot derrière tout ça.

    D'une bonne humeur massacrante, elle n'hésite pas à demander sa route à plusieurs personnes, et voyage même avec une charrette marchande pendant une partie du trajet. Son histoire s'améliore à chaque rencontre. Elle est aujourd'hui une cartographe partie étudier le Nord du pays. Elle porte sa plaquette de garde, mais ne la montre pas en détail aux gens qui lui posent la question, si bien qu'on pense qu'elle est affiliée à la Guilde. Les gens sont bien plus enclins à discuter en toute honnêteté avec un aventurier qu'avec un garde, bizarrement, même ceux qui n'ont rien à se reprocher. Elle pose des questions sur Ollainbourg, on lui raconte des anecdotes amusantes. Elle rit de bon coeur quand on lui parle du chat blanc des taverniers, celui qui remue son arrière-train à la simple vue du premier Gloot passant devant sa fenêtre. On lui raconte plusieurs fois l'histoire sordide du meurtre du jeune forgeron, mais elle n'obtient pas plus de détails que ce que lui a donné le maître-espion. Tant mieux. Elle serait certainement déçue si les informations lui arrivaient toutes mâchées directement dans le gosier.

    La jeune femme finit par arriver à Handor, une bourgade de bûcherons non loin d'Ollainbourg, où le vent a décidé de faire la misère à sa chevelure déjà bien assez difficile. Un bon endroit pour débuter son enquête. Mais surtout, un bon endroit pour aller boire cette fameuse bière bien méritée. On lui indique une taverne non loin, et elle se dépêche de s'y engouffrer avant qu'une énième bourrasque ne finisse de la décoiffer complètement. Il n'y a pas grand monde dans la bâtisse, mais son regard est tout de suite attiré par un duo accoudé au bar.

    - Hé mais... je te connais toi !

    Elle n'arrive pas à remettre son nom, mais c'est certain, elle a déjà vu ce mec quelque part. Tout dans son être lui inspire une sensation familière. Elle s'approche de lui pour le détailler de plus près. C'est un truc dans le regard, peut-être. Son camarade à côté la regarde approcher. Serait-il suspicieux ? Il faut calmer le jeu tout de suite.

    - Toi, par contre, désolée, mais nan, je te connais pas. Enchantée, quand même, j'm'appelle Zahria, se présente-t-elle en tendant la main.
    - Vrenn.
    - Bon, qu'est-ce qu'on boit ici mon pote, demande-t-elle ensuite à celui au regard familier. Ça a l'air bon ça ! Tavernier, tu mets m'en une ? Je parle de la bière hein ! Haha.

    Pas question qu'il touche à autre chose de toutes façons, avec sa gueule de travers et sa morve au nez. Déjà, s'il en fait pas tomber dans son verre, ce sera pas mal.

    - Qu'est-ce qui t'amène ici, alors, raconte ?

    Mais d'où est-ce qu'elle le connaît, déjà ? C'est un gars de la capitale ? Il ne ressemble pas à un garde, alors il ne faut pas griller sa couverture tout de suite. Le tavernier sert sa chope à Zahria, qui s'empresse de la saisir - c'est qu'il fait grand soif. Et en la ramenant à elle, elle fait tomber la moitié du contenu sur Frenn.

    - Oh merde, pardon mec ! Quelle empotée... Attends, je vais chercher un chiffon.

    Elle rattrape le tavernier, parti servir une autre table, et lui emprunte son torchon sale avant de revenir auprès des deux hommes. Après avoir bu une grande rasade, elle pose son regard sur le camarade de son pote.

    - Hé, dis donc, tu pues un peu la bière toi non ?
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Contrebande
    Mar 8 Oct 2019 - 19:48 #

    Y’a un truc que j’ai remarqué, avec mon pouvoir. Plus les gens font attention à moi, puis ils se souviennent longtemps. Et, partant de là, si j’suis avec quelqu’un qui accapare justement tout leur intérêt, je deviens quasiment invisible, transparent. Forcément, c’est encore plus marqué quand j’traîne avec Whiskeyjack, vu qu’il est un tel monstre de charisme. D’ailleurs, mais pour le coup j’suis pas le seul, ce qui est rassurant quelque part, c’est plus ou moins impossible d’emballer quelqu’un en sa présence. Une histoire de gravitation, j’suppose, ça semble pas déconnant.

    Résultat, quand on m’dit que j’pue la bière, j’prends ça avec philosophie.

    « Oui, c’est quand t’as renversé, intervient Jack.
    - Ah bon ? J’me souviens pas.
    - Peu importe, que j’dis. Passe le chiffon, tout va bien. »

    Pendant que j’m’essuie tant bien que mal, ou plutôt que j’essaie d’absorber la bière qu’a pas été entièrement bouffée par mes fringues, les autres reprennent la conversation là où elle s’est arrêtée.

    « Oui donc, je viens bien de la Capitale, avec mon pote Veren. »

    En vrai, je pense qu’ils le font exprès tous les deux, à ce niveau, parce que d’habitude les gens se souviennent pendant bien dix minutes. J’esquisse un sourire niais.

    « Ah, moi aussi ! Et alors, comment vous vous retrouvez à Handor ? C’est quand même fou, de se croiser ici, pas tout près de là où on se fréquente d’habitude. »

    J’laisse échapper une toux sèche pendant qu’ils discutent comment deux bons copains. Discrétion, elle a dit, la commanditaire.

    « On s’dirige vers Ollainbourg pour régler quelques histoires sans intérêt pour la Guilde.
    - Nan, sérieux ? Ca va vous paraître difficile à croire, mais moi aussi !
    - Ouais, c’est difficile à croire.
    - Dingue, ça. Et t’y es déjà allée, Zahria ? Demande Jack.
    - Non, pas vraiment. C’est peut-être l’occaz de faire le trajet ensemble, hein ? »

    Non.

    « Bien sûr, abonde Jack. »

    Bon.

    Après, ça dérape, j’perds le fil, les noms s’enchaînent à une vitesse folle pour savoir qui ils connaissent en commun, dans quel rade ils ont pu se croiser, est-ce qu’ils se rappellent y’a quelques années la fois où Barriste avait essayé d’amadouer un chat qu’il traquait en imitant ses miaulements, ivre mort, et autres anecdotes hautes en couleurs et en événements passionnants pour le reste du monde. Du coup, j’les écoute d’une oreille distraite en buvant fermement ma bière, et en surveillant que Zahria renverse pas à nouveau sur moi. C’est que, si elle renverse à jeun, j’ose même pas imaginer quand on attaquera la deuxième ou la troisième.

    Ben oui, Jack, il descend sec.

    Mais c’est surtout l’aubergiste que j’surveille. Après que Whiskeyjack lui a demandé s’il pouvait nous sortir des informations sur Ollainbourg, et plus particulièrement la contrebande, il a causé discrètement à quelques gars, en se mettant chaque fois la main sur le cœur, et en pointant notre table. Pas dur de deviner ce qu’il raconte, c’est les trucs habituels. « Je connais Jack, c’est un chic type, il ferait pas de mal à une mouche, etc… ».

    On a bien entamé la deuxième tournée, et j’me suis prudemment éloigné de l’inconnue, quand Arnold revient à notre table. Il lève un sourcil interrogateur en direction de Zahria, ce qui a un effet tout à fait dégueulasse sur son visage déjà pas vraiment mignon, mais Jack lui dit d’y aller.

    « On est entre amis, Arnold, pas d’inquiétudes.
    - Ah, vous êtes sûrs ?
    - Mais oui, c’est une amie de la Capitale, on s’est croisé ici par hasard. »

    J’sens que ça va repartir dans le laïus sur les rencontres impromptues, alors j’coupe sec.

    « Du coup, Arnold ? »

    Il me regarde d’un air un peu méfiant, puis Jack. Allons bon.

    « Oui, bien sûr. Ollainbourg. J’ai des clients et amis, puis mon beau-frère, le mari de ma sœur, enfin l’ex-mari, ils se sont séparés il y a peu mais il passe souvent pour voir les enfants, mon neveu et ma nièce. Des petits adorables.
    - On en doute pas, fait Jack.
    - Quel âge ? Demande Zahria.
    - Huit et six ans, c’est la fille la plus grande. Mais le mariage a pas tenu, vous savez ce que c’est, on s’met ensemble, puis le quotidien, les habitudes, on s’y perd et on s’y noie, enfin voilà, quoi. Moi, avec ma femme, on a eu des moments difficiles, heureusement elle a bon caractère, elle comprend que j’doive rester ici jusqu’à tard, et… »

    Putain, la propension des gens à raconter leur vie à Jack m’épatera toujours. Bon, ok, je le fais aussi, surtout quand j’suis tombé un peu profondément dans mon verre, mais quand même, là. J’laisse mon attention divaguer quelques minutes pendant que mon collègue examinateur relance Arnold dès qu’il y a besoin, et que Zahria semble gober leur échange tout entier. Soit elle fait vachement bien semblant, soit sa vie est pas passionnante, pour s’intéresser à autant de médiocrité étalée au grand jour.

    « Bref, Jack, pas toi, mon beau-frère, ex-beau-frère, m’a dit que y’avait des gens qui rôdaient un peu plus que d’habitude dans la forêt autour d’Ollainbourg. Y’a une vallée pas loin, Chevrette, mais personne sait trop où elle se trouve. Ça s’pourrait que c’est par là qu’il faut chercher.
    - Du coup, pour les contrebandiers ?
    - Chevrette, c’est tout ce que j’ai pu tirer pour le moment.
    - Merci, mon brave Arnold. D’ailleurs, est-ce que ça serait pas l’heure de becqueter ?
    - Justement ! Je suis parti aujourd’hui sur un petit filet de porc laqué, vous m’en direz des nouvelles.
    - On doute pas un seul instant qu’il sera délicieux ! »

    Effectivement, il l’était, et il allait bien avec la mousse qui s’est évaporée à une vitesse folle dans nos verres. Ça devait être la chaleur de l’amitié, avait dit Jack. Ça, ou l’alcoolisme plus ou moins avancé qui nous concerne tous les trois, à voir le lever de coude de la nana. C’est la peau du ventre bien tendue, après avoir bien mangé et bien bu, que la discussion reprend sur un terrain plus sérieux.

    « Du coup, Zahria ?
    - Oui, Frêne ?
    - Qu’est-ce qui t’amène jusqu’à un bled paumé comme Ollainbourg ? J’veux dire, objectivement, y’a rien à y faire, non ?
    - Oh, c’est pour cartographier. Je suis cartographe pour la Guilde, et les rumeurs de la Vallée inexplorée de Chevrette ont attisé ma curiosité.
    - Tu les avais déjà entendues ?
    - Ouais, mais la zone en général doit encore regorger de secrets à découvrir, de toute façon. »

    Y’a un peu de tout, dans la Guilde, cela dit, donc effectivement, cartographier plus en détail peut toujours être utile. On réfléchit à une autre pinte, vu que la lueur du jour dehors a un peu baissé. En même temps, depuis le temps qu’on est au troquet…

    « Mais si, on peut en r’prendre une.
    - Un demi ? Que j’demande.
    - Nan, nan, une pinte entière, assure Zahria. »

    Et on fait comme ça. J’espère qu’on va pas la retrouver vautrée dans la rue principale, ivre morte, au petit matin, avec la gueule de bois, parce que sinon, la route va être pénible pour elle.

    Les verres font un son mat en s’entrechoquant.
    Whiskeyjack CallahanLe glooby de toutes les femmes et la femme de tous les glooby
    Whiskeyjack Callahan
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    Re: Contrebande
    Mer 9 Oct 2019 - 19:12 #
    J’aime ce bruit, pas vous ? Quand on frappe les godets avec une vigueur que certaines perdent avec le temps et les litres, c’est l’amitié qui résonne. Et pas n’importe quelle amitié. Il y a rien d’autre que le plaisir d’être ensemble. Et ça c’est beau, mes amis. Je bois. Nous buvons. Et nous boirons encore. Parce que c’est notre projet. Pour ce soir. Et que demain est un autre jour. Les verres s’enchaînent sous le regard ravi de ce cher Arnold qui voit une bonne soirée se transformer en belle affaire. C’est que quand on boit, on est jovial. Et j’ai la jovialité communicative. Si au début, ça paraissait un peu morne devient le coin le plus amusant de cette partie du royaume. Le temps a passé aussi. Saugrenue idée que de reprendre la route pour ce soir. Les routes ne sont jamais sûres et puis de toute façon, on va pas y aller à pied, non ? On ne crache jamais sur un moyen de locomotion et la plupart des gens qui passent dans le coin se refusent à l’idée de partir vu l’animation qui suinte dans la taverne. D’un commun accord avec les deux autres compères, on se dit qu’on partira à l’aurore. Viens la réflexion du coucher et j’avise Arnold dans l’un de ces rares temps mort entre deux services de houblons.

    -Dites donc, mon cher Arnold, tu n’aurais pas quelques chambres pour moi et mes amis ?
    -Des chambres ? Ah.. Je suis désolé Jack. Je crois qu’il m’en reste qu’une. Je vais en décommander deux pour tes amis…
     
    Il a l’air un peu agité. Ça l’emmerde de filer un mauvais plan à ce sacré Whiskey quand l’alcool coule à flot, mais je suis pas du genre à forcer les gens à s’inquiéter pour moi. Je l’apaise d’une main amicale sur l’épaule.
     
    -Non Arnold. Laisse. Ils ont pris leur chambre avant nous. Ça ne se fait pas de voler le lit d’autrui.
    -C’est vrai que t’es un chic type, Jack.
    -Je sais.
    -Mais j’y pense, dans ma dernière, on peut coller deux paillasses en plus. Ça sera serré, mais ça passera.
    - Besoin de qu’une seule, Arnold, je ne veux pas t’embêter plus que ça. Je dormirai dans la salle avec les derniers saoulards.
     
    Ça a son petit charme de dormir ainsi, bercer par le bruit des gouttes engorgé dans le bois des tables, tombant sur le sol froid de la taverne, et par celui des ronflements apaisés de ceux qui sont tombés trop tôt pour arriver dans leur lit. En plus, quand je suis là, ils ronflent jamais trop fort, comme s’ils ne voulaient pas me déranger. C’est pratique et le lendemain, tout le monde est content.
     
    -Une paillasse, donc. Jack. Pour tes deux amis.
    -Oui, pour Zahria et pour ... pour qui déjà ?
    -Ton ami ?
    -Qui ça ?
    -Je ne sais plus. Je croyais.
     
    J’ai un affreux doute, mais je l’efface d’un haussement de sourcils.
     
    -Baah, peu importe. Pas de paillasse du coup.
    -ça marche Jack. Tiens, voilà la clé.
    -Merci mon gars, t’es sympa.

    Je reviens à la table et je file la clé à Zahria qui me remercie. L’est comme ça Jack. Il rend service. Il est arrangeant. J’atterris à côté de l’autre type, j’agrippe mon godet et on trinque à nouveau.
     
    -Tiens, Kwen, t’es là ?
     
    Il est bizarre, Kwen, à disparaître et à apparaître de nulle part, mais bon, comme je l’ai dit, je suis arrangeant. Je souris. On boit. Je m’en vais lui causer pour la nuit quand j’avise une guiterne abandonnée par son propriétaire qui vient tout juste de rouler par terre. Sacré déveine, pas vrai ? Je m’approche et je m’en saisis avant d’en pincer quelques cordes. Pas la meilleure qualité, mais on s’en contentera. Déjà, on me réclame pour une chanson. Raah, la rançon du succès ça. On ne peut pas m’imaginer, une gratte la main, sans étaler la galerie. C’est quelques talents, faut dire. Et puis, avec le métier, on se balade pas mal et on apprend de nouvelles chansons. Pour l’occasion, j’en prends une dans le répertoire local. Une chanson d’un certain Gil D’Or. Un pseudonyme si vous voulez mon avis, y a pas idée de s’appeler comme ça. La légende dit qu’il voyait l’avenir et qu’il a écris des chansons profondes qui allaient avoir un succès fou dans bien des années. Malheureusement, si ce n’est faire une chanson à boire par son absence totale de cohérence, il ne rencontra pas le succès escompté. Il mourut après s’être pris une poignée de porte dans la tempe. Triste vie.

    -Vous voulez de la chanson ?!
    -Ouaii !

    Quel homme de spectacle je suis. Je pince les premières cordes. Le son n’est pas fou et ça fait un moment que je n’ai pas manié de la guiterne, mais ça passe. C’est audible. Et puis je me mets à chanter, sourire aux lèvres, à moitié repris par une salle qui a reconnu l’artiste du coin qui a fait un four.

    -James dîne dans une taverne.
    Faux ticket d’auberge
    Héros … Héroïne !
    Elle à point, lui saignant.

    Robe en granit plissé
    Une bonne vieille moresque qui tâche
    Gaby vertige des cristaux !

    Preuve qu'il t'aime plus qu'un steak.
    Il t'lave même tes mouchoirs.

    Un jour viendra couleur vodka Vert Iano !
    Un jour viendra couleur vodka Vert Iano !
    Un jour viendra couleur vodka Vert Iano !
    Un jour viendra couleur vodka Vert Iano !

    Comme quoi il était vraiment avant-gardiste. Ça fait pas très longtemps que j’ai entendu parlé de cette couleur. Dingue non ? Et puis, ça me rappelle une autre vieille chanson d’un mec qui s’appelait Ganaish et qui chantait aussi « Vert Iano ». Les artistes… ils sont tous connectés les uns aux autres. Aux choses du monde. Tout ça. J’enchaîne justement avec Vert Iano. Moins connu, mais plus passionnée. Ensuite, je fais du  Phil Butty, du Norman Lamur et du Franck Juno. Que des classiques. Que des gens morts, ou disparus, dans l’indifférence la plus totale alors qu’ils ont légués à la musique un panthéon d’œuvre qui ne laisse personne indifférent. Pour certaines, le public n’arrive pas trop à suivre ou ne connaît pas trop les paroles.

    -EN l’AAAAAAN NEUUUUF CENT QUATRE-VINGT DIX-NEUF…
    POUR TES VINGT ANS QUOI DE BEAU QUOI DE NEUF ?

    Quel plaisir. Quelle communion avec le public en transe. J’improvise parfois. Ce ne sont pas des fausses notes, c’est des interprétations. Puis des gens s’en vont. Petit à petit. La fatigue. Sûrement pas l’ennui. Mais moi, je resterai jusqu’au bout de la nuit parti comme c’est parti. Car c’est ça, la vie, c’est d’apprécier les bons moments ensemble jusqu’à la dernière goutte.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: Contrebande
    Dim 20 Oct 2019 - 21:51 #
    Zahria replie son violon en bâillant. Elle a accompagné Jack de son instrument pendant toute la soirée, et celle-ci touche à son bout. Son ami connaît des morceaux assez insolites, et il était parfois dur de se raccrocher à ses mélodies, l'alcool coulant à flots n'aidant pas vraiment à avoir les idées claires. La taverne se vide progressivement, alors que Jack s'installe confortablement sur une table pour finir une discussion passionnante avec un habitué. Zahria met la main dans sa poche pour y retrouver la clé de la chambre que Jack lui a obtenu et se dirige vers l'escalier sans trop se poser de questions.

    - Hé mais attends, y'avait pas un autre gars ?

    Zahria se retourne vers Jack, qui en l'espace de ces quelques mètres qu'elle a parcouru s'est endormi, et est maintenant en train de ronfler, bras dessus bras dessous avec l'homme avec qui il était en pleine discussion auparavant. Elle regarde autour d'elle, mais ne retrouve pas ce qu'elle cherchait. Elle cherchait quoi, d'ailleurs ? Bon, tant pis, c'est l'heure d'aller dormir. Le lendemain une belle marche les attends. Reprenant sa route vers les chambres, la pinte de trop finit par faire son effet, et Zahria chancèle un peu avant de perdre l'équilibre et se rattraper de justesse sur une veste imbibée de bière. A l'intérieur de la veste, un gars pas net la dévisage.

    - Oh, désolée, je t'avais pas vu. Excuse-moi, je cherche ma chambre... euh...

    Elle cherche son prénom, parce qu'au cours de la soirée elle les a tous entendus, étant donné que Jack semble connaître tout le monde ici. Et Zahria a plutôt une bonne mémoire, donc elle devrait s'en souvenir. Mais ça vient pas, alors le gars finit par avoir pitié d'elle. Pourquoi est-ce qu'il a l'air saoulé ? C'est juste l'alcool à priori, mais on dirait presque qu'il a répété son prénom une centaine de fois dans la soirée. Il doit être agacé par autre chose certainement.

    - Moi, c'est Vrenn, insiste-t-il.
    - Ah ouais, Vrenn, c'est ça. J'avais un pote qui s'appelait comme ça quand j'étais gosse. Enfin, je m'en souviens pas trop, mais j'avais un journal intime, et y'a son nom de partout. Mais je suppose que c'est un prénom commun, d'façons ce gosse a disparu. Enfin je crois ? Je sais plus. Bah, je parle encore toute seule moi ? Excusez-moi monsieur, je vais aller me coucher...

    Il a suffi que son regard soit attiré par une petite lumière un peu plus loin pour qu'elle oublie à qui elle parlait. L'alcool a vraiment un effet abominable sur les gens. Continuant à balbutier, Zahria s'éloigne en tâtonnant sur les murs. Elle essaye d'introduire la clé dans une serrure mais la rate à plusieurs reprises. Jurant comme elle sait si bien le faire, elle vole la lumière d'une bougie un peu plus loin pour la placer au bout de ses doigts et s'apercevoir qu'en fait, elle essayait juste de rentrer la clé dans la mauvaise serrure. S'excusant platement auprès de la porte innocente, la jeune femme finit enfin, à la lumière de la source posée sur ses doigts, à trouver sa chambre. Par pure habitude, l'espionne referme derrière elle, réouvre, puis referme pour s'assurer que la porte est bien verrouillée. Tout le monde a ses tics, que voulez-vous. Zahria relâche la lumière qu'elle avait emprisonné, et s'effondre sur le lit.

    Quand la jeune femme émerge, le soleil commence à pointer son nez par la fenêtre, et elle est toujours habillée. Son crâne est attaqué au marteau par des petits poloms cachés dans ses sourcils, et ses cheveux sont encore plus ébouriffés qu'à leur habitude. Elle essaye de retracer le cours de sa soirée, et se souvient surtout qu'elle avait une piste pour sa mission, et qu'il faut pour ça qu'elle retrouve un vieil ami, Jack. La brune n'est aucunement étonnée de voir que ses vêtements sentent la bière, elle a dû s'en renverser dessus la veille, et prend le temps de s'humidifier le visage et la peau avec une bassine posée dans un coin pour reprendre ses esprits. La journée risque d'être bien longue...

    Quand elle sort enfin de la chambre, après avoir fermé, rouvert et refermé la porte derrière elle, elle atteint tant bien que mal la salle principale, où un gars étrange la dévisage, comme s'ils se connaissaient. Elle espère juste ne pas avoir fait de conneries avec lui, il a pas l'air très commode.

    - Euh... salut. Chais pas si on se connaît, tous les deux, mais je cherche un gars qui s'appelle Jack. L'était là hier soir, tu l'as vu ? On est censés faire la route pour Ollainbourg ensemble, j'espère qu'il est pas parti sans moi le bougre !

    Alpaguant le tavernier qui passe par là, Zahria en profite pour lui demander de quoi se sustenter pour commencer sa journée - et au passage, faire passer sa migraine.
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Contrebande
    Lun 28 Oct 2019 - 11:09 #

    J’contemple ma choppe qui ne contient plus de la bière mais du thé, puis j’lance un œil à notre camarade de beuverie. Elle a pas l’air bien, et pourtant j’suis fatigué. Et ça m’revient d’un coup, qu’elle se tape l’incruste pour aller à Ollainbourg. Jack a choppé des informations sur les possibles contrebandiers, et voilà qu’on va trimballer une dessinatrice jusque là-bas. Avec un peu de bol, elle tiendra pas, surtout qu’elle a l’air de coltiner une jolie migraine.

    « On s’connaît. Prends du thé, il en reste dans la bouilloire près du feu, que j’dis. Ça passe ou ça casse. »

    C’est ça, le thé les lendemains difficiles. J’espère qu’on va pas devoir lui tenir le bras pour marcher dans la forêt, quand elle aura un foulard sur les yeux parce que la lumière du soleil lui fera mal, et qu’elle vomira dans tous les fourrés qu’on croisera. Sinon, moi, j’l’abandonne ici.

    Elle pousse un grognement en se servant, et descend d’une traite le thé tiédasse. Un craquement vient de la cuisine, et la porte s’ouvre sur Jack, prince parmi les hommes, fringant et souriant, avec un plateau à la main. Dessus, j’distingue des œufs, de la charcuterie, et du pain encore fumant. Ce grand homme doit être levé depuis un moment. En tout cas, il a l’air en pleine forme, contrairement à la nana. Pourtant, il descendait sec aussi. Ça doit être l’entraînement, à force de passer sa vie au bistrot.

    « Salut, Zahria, Graine. Bien dormi ?
    - Ouais, ouais. Toi ? Que j’réponds.
    - Hmmmmmm, assure difficilement la cartographe. »

    On casse la croûte en finissant tranquillement d’émerger, pendant que Jack raconte les histoires inintéressantes que les bouseux du patelin ont pu lui raconter pendant la nuit, les rencontres incroyables qu’il a faites avec les consanguins de ce bled paumé du nord du royaume, les mères-sœurs et les oncles-pères. Dans quelques générations, ils chasseront à nouveau avec des lances aux pointes de silex, à ce rythme, ou partiront miner du charbon, j’sais pas.

    « Allez, Jack, dit l’aubergiste. J’vous souhaite bonne route, et de trouver ce que vous cherchez.
    - Merci, t’es un vrai pote.
    - Pas autant que toi, Jack, pas autant que toi. »

    Un dialogue qui sonne étrangement vrai, dit comme ça, mais sur lequel on s’appesantit pas. C’est qu’on a du boulot, l’air de rien, et qu’il faudrait p’tet pas abuser. C’est que, la noble de hier, elle pourrait mal le prendre, si son petit chéri se faisait totalement décridibiliser. J’étouffe un baillement et j’mets mes mains dans mes poches. Rudement pratiques, les petits sacs sans fond, pour pas se trimballer toute sa maison sur le dos comme certains font.

    On marche d’un bon pas dans la forêt, en tout cas, et Zahria nous ralentit pas trop. Direction Ollainbourg, donc, puis, de là suivant ce qu’on récolte, la vallée de Chevrette. Rapidement, la plaine se fait remplacer par la canopée assez épaisse de la Grande Forêt, et ce n’est quasiment que sur la route, en réalité davantage un petit chemin passant, que les rayons du soleil passent pour faire davantage que moucheter les environs. Autour de nous, ça bruisse, que ce soit à cause du vent ou des bestioles, mais on est trois, et on est bruyant dans le début du matin, alors j’vois pas comment un prédateur pourrait nous tomber dessus.

    Accessoirement, vu qu’on a plus ou moins l’air fauché, même si y’a des brigands, on a plus de chances qu’ils nous jettent un p’tit cristal s’ils sont d’humeur généreuse.

    Finalement, le plus surprenant, c’est quand on croise un groupe qui ressemble vachement à un marchand esseulé et une escorte dégoûtée alors qu’on est en train de papoter tranquillement de tout et de rien.

    « Holà, salue Jack.
    - Oh, bonjour. Vous allez vers le nord.
    - Tout à fait. Vers Ollainbourg, très précisément. Vous en venez ?
    - Oui, on peut dire ça. »

    Il a l’air de faire la gueule, et jette un regard un peu accusateur à ses voisins, qui crachent par terre dans un bel ensemble. Faut croire que les mercenaires ou aventuriers ont pas réussi à faire le taf. Si c’est des histoires de brigandage, franchement…

    « Mais la garde fait rien ? Que j’demande.
    - Faut croire que non. Ils doivent être trop occupés ailleurs, plutôt que protéger les honnêtes commerçants qui essaient de faire vivre le pays. »

    Déjà, le gars dit honnête commerçant, ça pue le mensonge à plein nez, mais j’laisse filer. C’est que, franchement, si on lui retire la menterie, il est pas près de vendre un truc, si tant est qu’il lui reste quoi que ce soit à écouler.

    « Vous vous êtes fait attaquer loin ? Questionne Zahria.
    - Une heure de charrette avant d’arriver à Ollainbourg, je dirais.
    - Ouais, quelque chose comme ça.
    - Vous y allez pour quoi ?
    - On vient cartographier pour la Guilde, que j’coupe en reprenant au passage le métier de notre accompagnatrice.
    - Hé bah. Y’en a, des boulots intéressants.
    - Il n’y a pas de sot métier, dit doctement Jack. »

    Signes d’assentiment, on s’souhaite la bonne route, la bonne continuation, la bénédiction de Lucy et tout le tremblement, puis on s’remet à marcher.

    « Du coup, pour catographier, ça se passe comment, Zahria ? Demande poliment Jack. »

    Elle a un temps d’hésitation, puis un large sourire.

    « Alors en fait, c’est pas si compliqué. Faut apprivoiser les perspectives, imaginer qu’on vole comme un oiseau, prendre des métriques et… »

    J’décroche de la conversation, et j’me borne à regarder le paysage défiler.
    Whiskeyjack CallahanLe glooby de toutes les femmes et la femme de tous les glooby
    Whiskeyjack Callahan
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    Re: Contrebande
    Mar 29 Oct 2019 - 11:14 #
    Oui, c’est pas si compliqué et c’est intéressant. Cartographier, ça doit demander des nombreuses qualités que j’ai peut-être. On se surprend facilement de nos jours. En fait, je me trompais de métier jusqu’à maintenant. Je pensais que ça consistait à planter des gros instruments dans le sol, regarder dedans et noter des trucs sur un calepin tout en marmonnant des trucs sans queue ni tête pour se donner l’air important. Ces gens qui disent se lever tôt et qui passent le reste de la journée à surveiller les autres à travailler, les mains dans le dos, tout en discutant de tout et de rien avec les gens de passage. Pas que c’est sot de papoter, hein, mais ces gens-là, ils manquent un peu d’honnêteté dans leur travail. Alors que cartographe, ça a l’air plus actif. Ça parcourt la campagne et ça explore des trucs inconnus. Dingue comme quoi un tout petit pays peut encore abrité autant de lieu inconnu. A se demander si les cartographes des générations précédentes n’étaient pas nés avec des pouces en moins, histoire de louper leur visée. Et heureusement que c’est pour certaine, c’est pas des doigts.

    Bref, je pourrais être cartographe, je pense. Explorer les endroits, discuter avec les gens du cru pour trouver les bons petits lieux cachés, faire deux, trois dessins sur un calepin et se poser adosser à un arbre en pensant à ce que la nature fait de plus beau. Parce que cartographier, ça a l’air d’être un truc de poète et je vous cache un peu que ça m’arrive de coucher des vers sur un petit carnet caché dans une poche intérieure de ma tunique. C’est le Whiskeyjack secret. Son petit cœur suintant la tristesse et le beau. Pas possible de le croiser celui-là. Chacun son jardin secret.

    Par contre, plus qu’elle cause et plus que j’écoute sagement comme à mon habitude, plus je me rends compte que c’est un joli brin de fille. La veille, dans le tumulte des discussions, des rires et des nombreux sympathiques habitués, c’est compliqué d’être assidu à tout le monde. Votre serviteur n’est pas parfait ; je reste un simple mortel dans mes bottes sales. Du coup, on se rattrape. Et quand on en finit de papoter et qu’on retourne chacun de son côté pour profiter du silence de la nature et d’un bref instant de solitude, j’en reluque un bout ce qui me fait dire que puisque je ferais un bon cartographe, ça serait pas perdu de la cartographier au plumard un de ces jours. Toujours prêt à explorer les vallées inexplorées. Mais pas en mission, hein, la conscience professionnelle, c’est important. Et que les commères ne viennent pas me dire que nous, les mecs, on n’est pas de capable de faire du rentre dedans à l’occaz’. Faut juste le faire au bon moment.

    Ça cause, mais ça avance bien. Devant, Vrenn imprime un pas ferme et régulier comme s’il était indifférent à la fatigue ou à la beauté de la nature. Discret, ce Vrenn. Il est pas resté très présent hier, c’est dommage. J’ai rarement l’occasion d’en savoir plus sur lui alors qu’on bosse ensemble. Fou, hein ? Alors que ça crapahute, voilà que le chemin se rétrécit. L’ambiance devient un peu plus oppressante alors que la forêt se tait qu’une mégère et je le vois dans l’échine de mes comparses qui se hérissent. Les bois qui se resserrent, le chemin qui forme une sorte de goulet d’étranglement, bordé de deux fossés rendant toute fuite subite aussi traitresse qu’une plaque de verglas en bas de chez soi ; un lieu parfait pour s’accorder une séance de brigandage. Peut-être bien là que nos chers marchands se sont vu délestés d’une partie de leur cargaison. Y a plus de sécurité, par Lucy. Quand on voit le nouveau chef de la garde royale, on se doute bien qu’ils sont plus recrutés pour leur physique que pour le physique. Si vous voyez ce que je veux dire. Les nobles, ça aime s’amuser.

    On est vigilants. Surtout eux. Pour une cartographe, Zahria a l’air d’avoir de la ressource. Un craquement dans le bois et c’est elle qui limite est la plus vif du lot. Le chemin s’élargit un poil et les fossés laissent place à des étendues herbeuses qui ont été copieusement piétinés. On y aperçoit des détritus ; des trucs cassés, une épée brisée, un doigt privé de main. Un coin charmant. Le silence règne. Et faut dire ce qui est, le silence, c’est pas trop mon truc.

    -Y a peut-être des indices intéressants dans le coin ?
    -Ollainbourg ne doit plus être très loin. P’t’être bien que les racketeurs du coin sont en affaire avec ceux qu’on cherche.
    -Si vous le dites.

    Laconique. On lui a rien dit parce que notre mission, c’est la discrétion avant tout. Je m’approche des bords de l’espace dans lequel on se trouve, laissant Zahria derrière moi tandis que Truelle part de l’autre côté. Je pose un genou par terre à la recherche de quelque chose. Je suis pas pisteur, mais bon, qui ne tente rien n’a rien, hein ? Il y a bien là des cailloux gris que j’enfonce d’un millimètre dans le sol par reflexe. Pas très rocailleux le coin, pourtant. Il y’en a même une plus grosse avec un nombre écris dessus. Vingt-sept ? Je passe le doigt sur le chiffre. De la craie. Mon regard divague et j’avise quelques cristaux perdus dans une touffe d’herbe. Jour de chance. Je les prends et je me dis que la vie serait tellement plus simple si les cristaux se contentaient d’apparaitre sous mes yeux juste en appuyant sur des cailloux et recopiant des chiffres. Pas moins de cinq fois toutes les deux heures, hein, parce qu’on est pas des larbins. Mais la vie n’est pas si simple. Ça se saurait. Je crois.

    -Dis-moi, Zahria, Chevrette, t’as pas entendu si c’était plutôt rocailleux ?
    -Je sais pas Jack. On en sait pas grand-chose, c’est le principe d’une vallée inexplorée.
    -Mh. Pas faux.

    Je vais pour exploser ma théorie quand notre amie pousse un cri à mon attention. Je suis suffisamment alerte pour apercevoir la tête de trois gonzes qui appliquent avec une attention toute particulière une très grande loi de l’épée : pointer le bout qui pique dans ma direction. Je lève les mains bien haut, signe bien connu de reddition alors que tout ce que je veux, c’est que les gens se calment. Même Zahria a sorti une arme, mais en même temps, c’est un peu con de sortir en pleine nature désarmée. Je dis ça, mais je sens soudainement l’absence de cette présence métallique sur mon côté. Aurais-je oublié ma lame ? Heureusement, j’ai toujours un couteau de secours dans mon sac ; ça serait sacrément con d’être dépourvu d’ustensile pour le saucisson. Mais avant le partage fraternel, essayons de ne pas nous faire transformer en brochette.

    -Ola, ola. Messieurs. Peut-être que nous pourrions baisser un peu ces armes avant que quelqu’un se fasse mal, non ?

    Le chef des types, qui se caractérisent toujours par une aura légèrement supérieur à la moyenne des autres zigotos, me jette un regard de travers comme s’il me reconnaissait. Visiblement pris d’un doute, son arme baisse un peu, mais pas totalement, faut pas pousser.

    -Oui. Pourquoi pas. Un accident est si vite arrivé.
    -A qui le dites-vous ! Pas plus tard que la semaine dernière, mon voisin a failli m’éborgner avec son couteau alors qu’on faisait une bonne bouffe.
    -Ah mais les gens qui mangent n’importe comment, c’est le fléau de nos sociétés mon bon monsieur… monsieur ?
    -Appelez-moi Jack.
    -Enchanté Jack, je suis Nick. Et eux, c’est Haul et Hsonne.
    -Enchanté messieurs. Voici Zahria, une amie.
    -Mademoiselle.
    -… Enchanté…
    -Elle est timide, n’en prenez pas ombrage.
    -Rassurez-vous, vous m’avez l’air bien sympathique, même si je ne vous cache pas qu’on est là pour vous rançonner.
    -Ah bon ? Bah, pourquoi pas, hein. C’est votre métier, non ?
    -Un peu oui. Entre autre. On a failli pas le faire, mais on s’est dit que le boss nous le ferait payer.
    -Ces chefs, hein ? Toujours relou avec le petit personnel.
    -Pour sûr. On passe nos journées dans ce coin paumé pour gagner des miettes.
    -Mais ça, c’est le souci de nos guildes, mon bon Nick. Les masses sont exploitées par quelques-uns qui possèdent le pouvoir, souvent par l’argent, souvent par la peur et la terreur ; mais c’est pas sympa.
    -Je suis d’accord. Par contre, vous n’étiez pas trois ?
    -Trois ? On était trois Zahria ?
    -Hein ? Non. Je ne crois pas.
    -Haul a dû mal compter. Il est gentil Haul, mais il est un peu con.
    -Faut bien laisser une chance à nos handicapés, hein ?
    -Bien vrai.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: Contrebande
    Jeu 5 Déc 2019 - 15:25 #
    Le voyage est plutôt agréable, une fois la migraine passée. Faut dire que le thé d'Arnold est plutôt efficace, pour sûr. Et puis la bonhomie de Jack pourrait certainement faire passer tous les maux du monde, Zahria se surprend même à faire la conversation tout du long avec lui. Faut pas trop compter sur Vrenn pour papoter, de toutes façons. En plus, il est louche. La jeune femme n'a toujours pas tiré au clair ce que les deux aventuriers partent faire à Ollainbourg, mais ils sont trop secrets sur l'affaire pour que ce ne soit pas louche. Vrenn s'est empressé de dire qu'ils partaient cartographier la vallée de Chevrette quand on leur a posé la question, reprenant l'alibi de l'espionne avec un peu trop de hâte pour qu'elle ne le remarque pas. Il ne doit pas y avoir cinquante affaires à tirer au clair à Ollainbourg, et Zahria comprend bien qu'ils doivent être en chemin pour la même chose qu'elle.

    Alors pendant qu'elle discute gaiement avec Jack, elle réfléchit à un bon moyen pour leur fausser compagnie. Le problème, c'est qu'ils vont se poser des questions, et les questions c'est jamais bon dans son métier. Et puis il faudrait surtout qu'ils viennent pas fureter dans ses affaires une fois sur place. Toute à sa réflexion, Zahria se rend compte qu'elle se mordille nerveusement les ongles depuis quelques minutes et interrompt aussitôt cette activité nocive qu'elle a depuis toute petite quand elle réfléchit un peu trop fort. Ça va finir par se voir, qu'elle est pas à sa place, alors elle fait l'effort de se concentrer à nouveau sur la discussion, surtout que bon, même si c'est pas la première fois qu'elle joue l'alibi de la cartographe, ça reste quand même pas son métier à la base, et faut arriver à broder pour répondre à toutes les questions curieuses de Jack. Elle fait même gaffe à prendre des mesures de temps en temps et à les noter dans un calepin, histoire de. De toutes façons, comme elle explique à son interlocuteur, son véritable travail ne commencera pas avant qu'ils arrivent à la vallée de Chevrette.

    C'est pas complètement vrai, en fait. Parce que cette forêt, c'est quand même l'endroit idéal pour une embuscade, ou tout simplement pour se cacher, quand on est une bande de malfrats armés jusqu'aux dents comme celle qu'elle a pour mission de dégoter. Alors Zahria est aux aguets, et ses camarades s'en sont peut-être rendus compte. Faut dire qu'elle a des réflexes de félin, la jeune femme, et le moindre bruit la met en alerte. Et elle a pas complètement tort, parce qu'ils finissent par arriver à ce qui semble être l'un de ces points stratégiques à embuscades. C'est là aussi qu'elle comprend qu'elle a eu raison, quand Vrenn parle à demi-mot de leur mission. Ils sont bien à la recherche des mêmes gens. Mais pourquoi la Guilde s'intéresse aux racketteurs ? Va falloir tirer ça au clair, mais pas ici, parce que visiblement, ils se sont pas arrêté au bon endroit. Jack a eu la merveilleuse idée de s'éloigner un peu, et il voit pas arriver les petites frappes en face d'eux. Zahria l'appelle, et la discussion est entamée. Elle laisse faire, et acquiesce quand on la décrit timide, tout en réfléchissant. Son épée est bien fermement en main, mais le maître mot restant la discrétion si elle ne veut pas se faire virer par le maître espion, elle ne doit pas faire de victimes, et encore moins devant un témoin. Un témoin ? Ils étaient pas deux, tout à l'heure ?

    Zahria est toujours à sa réflexion, et Jack à sa discussion, quand l'un des gars - à priori, c'est Hsonne, mais elle est plus très sûr de qui est qui - tombe à terre, assommé. Il s'est pris un truc lourd sur la tête et est tombé comme une masse. Les deux autres sont surpris, et il n'en faut pas plus à Zahria pour saisir l'occasion. Le gars qui a assommé Hsonne est déjà aux prises avec Haul, et Nick s'avance vers lui, sans aucune intention de le laisser s'en sortir. Zahria remet alors son épée dans son fourreau, qu'elle détache de sa ceinture pour frapper de toutes ses forces sur la tête de Nick. L'épée seule serait certainement rentrée dans le crâne du chef de la bande, mais protégée par le fourreau, il se prend (juste) un méchant coup qui le sonne. Il n'en faut pas plus à l'espionne pour le jeter à terre d'un coup de pied dans le dos et le maîtriser. De son côté, Vrenn - ah oui tiens Vrenn ! - a entaillé le flanc de Haul avec une dague experte, et il n'en faut pas plus au pauvre gars pour lâcher son arme. Ils doivent pas avoir l'habitude de rencontrer de la résistance, parce que là, c'était franchement facile.

    « Jack, t'as pas de la corde ? Qu'on les attache tous les trois, avant de les cuisiner un peu. »

    Si l'aventurier est suspicieux, il n'en montre pas grand chose, et lui tend rapidement une corde, qu'elle s'empresse se défaire pour nouer les mains des brigands entre eux. Elle prend quand même le temps de nettoyer la plaie de Haul - manquerait plus qu'il crève avant d'avoir parlé - qui n'est pas bien méchante, fort heureusement. Attachés à un arbre et bâillonnés comme il se doit, les trois malfrats n'en mène pas large.

    « Bon les gars, je vous laisse faire, après tout c'est vous qui aviez des questions pour eux. Je veux pas me mêler de vos affaires, mais j'ai bien compris que vous alliez pas à Ollainbourg pour le tourisme.
    - Toi non plus, visiblement.
    - Ouais, je poserai mes questions après. Honneur aux hommes, pour une fois. »

    Après tout, ça servait à rien de se ronger les ongles, il y a certainement moyen de collaborer. Et au pire, elle les arrêtera après, s'ils sont mêlés à tout ça. Pour l'instant, autant continuer à faire copain copain avec eux, ils seront pas trop de trois s'ils doivent arrêter toute la bande.

    « Désolé, Nick », s'avance Jack, « j'aurais préféré régler ça sans violence.
    - Nan mais je comprends Jack, on allait faire la même chose de toutes façons.
    - Ouais tu vois, mes potes ont juste été un peu plus vifs que vous.
    - Y'a pas de mal.
    - Du coup, ça fait longtemps que vous faites dans le rançonnage ?
    - Oh, quelques mois. Y'a pas énormément de passage dans le coin, mais bon vu que c'est souvent des grosses cargaisons, ça rapporte quand même.
    - Et vous êtes que tous les trois ?
    - Tu crois bien que non, ce serait vraiment pas rentable sinon.
    - Hé Nick, t'as l'intention de tout lui déballer comme ça ?
    - Bah chais pas Haul, tu vois quelque chose de mieux à faire toi ?
    - Fermer ta gueule connard ! Russel a vraiment été con de nous mettre avec toi, j'aurais fait un meilleur chef que toi, bordel.
    - Ah ouais, c'est qui Russel ?
    - Le patron. Si vous continuez vers Ollainbourg vous devriez pas avoir trop de mal à le rencontrer. Un gars avec un gueule de clébard, vous le raterez pas.
    - Mais vas-y ferme ta gueule toi aussi ! »

    Jack fait vraiment des merveilles en interrogatoire. Ses techniques devraient être apprises par tous les espions, c'est magnifique. Bon après, visiblement c'est pas des lumières qu'ils ont en face. Mais n'empêche, Zahria elle aurait certainement dû les frapper deux ou trois fois pour qu'ils lâchent toutes leurs infos. Elle s'intéresse un peu plus près aux armes qu'ils ont pointé sur eux, et se permet enfin sa première question.

    « Elles sont toutes neuves, vos dagues.
    - Ouais, c'est Russel qui nous les a données.
    - A la bonne heure ! Il a l'air sympa votre patron. On va peut-être aller les lui ramener, pour le coup.
    - Vous devriez pas vous approcher de Russel », dit enfin Hsonne, qui sort de son état comateux. « C'est pas un tendre. Et il est sacrément plus intelligent que ces deux-là, il se laissera pas avoir par vous. »

    Ces "deux"-là ? Il se compte pas dedans ? Ça a de l'ego dis donc, un bandit.

    « Qui est-ce que tu traites de débile là !
    - Ouais, je te rappelle que c'est toi qui t'es pris un coup par derrière comme un bleu !
    - Ouais bah moi au moins j'ai pas tout déballé sur Russel et la livraison. »

    Manquerait plus qu'ils leur donnent le lieu et l'heure auxquels ils se retrouvent avec Russel, et franchement ils ne pourraient pas plus leur faciliter le travail. Zahria n'a pas réagi face aux critiques quant à la Garde un peu plus tôt quand ils ont rencontré les "honnêtes marchands", mais c'est vrai qu'ils ont pas tort les gens. Les jeunes recrues ne valent plus rien, de nos jours, et en dehors des grandes villes, la pègre a tout le loisir de s'organiser. Quand on voit qu'il suffit de leur poser trois questions pour qu'ils déballent tout, on voit bien qu'il y a un laisser-aller. Faudrait qu'un nouveau commandant se penche sérieusement sur la question, parce que ça commence à être le bordel. Ça énerve presque la jeune femme, qui en a marre de se retrouver au milieu d'incompétents, même en matière de bandits. Elle met un coup de pied dans le ventre de Nick, pour se défouler.

    « Hé ! Mais on vous a tout dit !
    - Ouais, bah justement, c'est chiant.
    - Vous allez nous laisser pourrir ici ? Si Russel nous trouve après tout ce qu'on a vous a balancé, il va nous buter.
    - Vous méritez que ça », dit Vrenn. Et Zahria ne pourrait pas être plus d'accord avec lui. Leurs regards se croisent, et pour la première fois, ils ressentent une complicité certaine. Tout de suite effacée par la présence de Jack
    « Nan, on va peut-être pas les laisser là, quand même...
    - Tu veux faire quoi, les détacher ? Comment être certains qu'ils vont pas aller prévenir leur "patron" qu'on arrive ?
    - Au pire, on leur laisse une dague, ils arrivent à en faire quelque chose c'est qu'ils auront mérité de vivre un jour de plus. »

    Et joignant le geste à la parole, Zahria plante l'une des dagues des bandits à la hauteur de son visage sur le même arbre auxquels ils ont attaché les trois hommes, qui la regardent avec un air de désespoir dans les yeux. La dague est clairement inaccessible, si on ne se synchronise pas un minimum, et ça a pas l'air d'être leur fort.

    « Allez, Jack, on continue. On a de la route à faire. Le boulot est pas fini. »

    Sur ces bonnes paroles, Zahria emboîte le pas à Vrenn. Il dit des choses pas complètement débiles, finalement, ce bonhomme. Son esprit lui plait bien, à Zahria. Ils pourraient presque être amis.
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Contrebande
    Sam 14 Déc 2019 - 10:27 #

    On s’remet en marche dans cette forêt de merde, et on est tous plus ou moins dans nos pensées. Déjà, ça le ferait pas trop de causer, avec des gens qui pourraient entendre ou d’autres bandits qui rôderaient. Puis, surtout, on a tous des sujets de réflexion, j’pense. J’lance fréquemment des regards plus ou moins discrets en direction de Zahria, et j’détourne les yeux quand elle fait de même, mais j’suis pas sûr qu’elle soit dupe. Probablement pas, d’ailleurs.

    Décidément, bien marrant qu’une cartographe de la Guilde soit envoyée pile en même temps que nous vers la Vallée de Chevrette.

    Cocasse, aussi, qu’elle savate des bandits puis les abandonne sans scrupule, mais avec les aventuriers, on sait jamais.

    Intrigant, également, qu’elle dise qu’elle va poser ses propres questions juste après les nôtres, mais que pas une question ne soit en rapport avec la cartographie, ou le chemin pour aller à la vallée, mais davantage à l’activité des bandits de la région.

    Bien sûr, tout cela peut n’être que pour se prémunir sur la suite du voyage et je ne suis qu’un gros tordu paranoïque. Ou alors la Guilde la fait bosser pour nous examiner nous, ou constituer un genre de joker un peu énervé, le style qui défonce habituellement des monstres du côté de la frontière. J’sais que la Guilde a des gens comme ça, pas saphirs mais presque, qu’ils envoient à droite à gauche. Pas une examinatrice, en tout cas, on l’aurait su, j’suis quasiment certain.

    On arrive dans une petite clairière que j’m’arrête brusquement. Comme j’étais en tête, les autres font de même, et j’me retourne vers eux. Jack a un sourire aimable, s’apprête probablement à me demander ce qui se passe, tandis que Zahria hausse simplement un sourcil interrogateur. Dommage, elle est sympa, pourtant.

    « Ca fait longtemps que tu bosses pour la guilde ?
    - Une grosse dizaine d’années, qu’elle répond.
    - On peut voirta plaque ?
    - Pour quoi faire ?
    - Pourquoi ces questions, Vrenn ? Demande Jack.
    - Fais-moi confiance, Jack, c’juste pour vérifier des trucs. »

    Il a l’air un peu surpris, puis acquiesce.

    « Zahria, montre-lui ta plaque, que nous puissions reprendre notre route. Sinon, toute l’opération avec les bandits n’aura servi à rien. »

    J’ai envie de dire qu’ils sont pas prêts de se sortir de là où on les a laissés, et elle aussi à voir sa bouche qui s’entrouvre, mais on s’retient tous les deux. Faut savoir ménager les éléments sensibles du groupe, faut croire. Ça lui ferait du mal, à ce pauvre Jack, si c’était vraiment assumé que le trio allait mourir de faim au beau milieu des bois. Enfin, on sait jamais, y’en aura p’tet un qui s’en sortira.

    Avec un air un peu indifférent, Zahria nous tend son petit objet, déjà entraperçu à la taverne, d’ailleurs, maintenant que j’m’en souviens. On le retourne sous toutes les coûtures, et ça fait pas un pli. Jack lève les yeux droit vers elle.

    « C’est un faux, pas vrai ?
    - Tout à fait, Jack. »

    Au moins, elle est pas dans le déni. Mais ça nous destabilise un petit peu, j’dois dire, qu’elle l’admette aussi facilement.

    « Mais pourquoi tu nous as menti ?
    - J’étais obligée. »

    Bon, toute ma théorie sur l’arme secrète de la Guilde qui vient nous donner un coup de main et tabasser des rebelles à notre place s’effondre et nous laisse avec une quantité indéterminée. J’ai le couteau qui me démange un peu, mais le souci de l’inconnue, c’est qu’elle peut se défendre. Le mieux, pour le moment, c’est de laisser Jack parler. Il a une bonne faconde.

    « Et donc tu t’intéresses également aux bandits ? »

    Silence. Elle nous jauge, puis prend la parole après être parvenue à un genre de décision.

    « Je pense que vous avez été mandatés par la Guilde pour retrouver les armes et mettre un terme à la prolifération des bandits dans le coin.
    - Oui, c’est ça, répond directement Jack avant que j’puisse lui mettre un coup de coude. Enfin, juste les armes, pas les bandits, ça, c’est pour d’autres gens. Et de préférence dans le feutré, tout à fait. »

    On se regarde en chiens de faïence, parce que nous, on n’a pas eu les réponses dont on avait besoin, et que j’ai pas envie de me traîner une nana qui pourrait me poignarder dans le dos. C’est plutôt mon domaine, ça, après tout.

    « Du coup, tu travailles pour quelqu’un d’autre ?
    - Alors oui, et… Non, je peux pas vous dire de qui il s’agit. Quelqu’un d’intéressé par ces armes et ce qu’elles vont devenir dans un avenir assez proche, voilà. »

    Le charisme de Jack a failli lui faire lâcher la vérité, j’ai l’impression, mais elle s’est retenue au dernier moment pour nous donner une réponse partielle qui donne de quoi cogiter. C’est vrai que j’ai pas reçu d’offre de travail pour perdre malencontreusement une partie des armes dans les mains d’un mafieux ambitieux, mais ça veut pas dire que y’a pas eu de demande. Suffit que ça soit tombé dans d’autres oreilles que celles de ceux avec lesquels je bosse habituellement ou quoi…

    « Y’aura un p’tit problème alors. Nous, les armes, on les récupère et on les rend. Y’aura que dalle qui tombera de la charrette pour rien. »

    Par contre, pour quelque chose, j’peux être assez tête en l’air.

    « Pas de souci, ça me va très bien que la Guilde récupère sa cargaison.
    - Bon, tu vois, Vrenn, finalement, y’avait pas de quoi se biler.
    - Ouais, mais c’est pas plus mal de remettre les choses à plat et d’être sûr.
    - Comme je le dis toujours, il n’y aucun problème qu’un peu de discussion ne parvient pas à régler, faut juste se poser autour d’une bonne bière et en parler sereinement, foi de Whiskeyjack. »

    Une bière maintenant, ça m’semble un peu précipité vu la soirée qu’on vient d’enquiller, mais il est toujours d’attaque, Jack. Nous, un peu moins, mais faut qu’on avance, de toute façon, si on veut pas passer la nuit au milieu des arbres. Donc on reprend la route, mais cette fois, la formation a un petit peu changé. C’est mon collègue qui ouvre la marche, suivi par Zahria, et j’la ferme histoire de la surveiller d’un peu plus près, l’air de rien.

    C’est pas discret, mais ça marche.

    Quand on arrive à Ollainbourg, j’dois avouer que j’suis déçu, et pourtant j’espérais rien. Y’a un genre de grande rue qui s’appelle l’Avenue du Royaume. Si ça c’est une avenue, le caniveau en bas de chez moi est un putain de boulevard. Mais bon, ils font les choses à leur mesure à la campagne, et quand on voit petit, une taupinière ressemble à une montagne. On m’avait vendu le coin comme un paradis champêtre, avec la taverne du pendu, son tenancier Edo et sa femme Quervy.

    Au moins, la becquetance et la boisson sont bonnes, assure Jack. Et le tavernier a toujours des histoires rigolotes à raconter sur les années qu’il a passé dans la Garde, par monts et par vaux, à faire régner l’ordre de par le royaume. Tant que c’est pas un des tarés de la frontière, il devrait être supportable. En tout cas, les quelques barraques font un peu miteuses, et les gens s’activent autour. Faut dire qu’il est pas encore très tard, et qu’on risque bien d’être les premiers dans la taverne.

    Quand on entre, on est d’abord un peu aveuglé par l’obscurité par rapport à l’avenue, puis une grosse boule de poils vient se coller contre nos mollets, et Jack se baisse pour la câliner gentiment en faisant des petits bruits de bouche. Je lui jette un regard vaguement gêné, et j’passe au large, mais ça n’empêche pas le félin de feuler en me regardant. Saloperie d’animal.

    Accoudés au comptoir, Zahria et moi commandons trois pintes histoire de se mettre en jambes, et on les apporte à une table proche. Maintenant qu’on y voit plus clair, on distingue un groupe de trois types à la table la plus éloignée de l’entrée, qui discutent entre eux en jouant aux dés. Probablement un cul-de-chouette, de ce que j’distingue des voix.

    Et y’a pas de mystère, ils ont tous les trois une tête de clébards. Ils pourraient être frères, mais c’est tous un chien différent. Y’a le bouledogue, un genre de caniche, et un saint-bernard. De là à savoir si Russell est dans le lot… Jack revient s’asseoir avec le chat dans les bras, et on trinque joyeusement. C’est vrai que la bière est bonne.

    Et qu’on a soif, aussi.
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    Re: Contrebande
    Jeu 19 Déc 2019 - 18:31 #
    -Je t’avais aussi raconté l’histoire quand la maison s’est effondrée ? C’est un gradé qui me l’avait raconté. Un bandit s’était planqué dans une cahute. Pas con, ils sont restés à l’écart pour éviter de prendre une flèche dans le cul. Ils on tirés à l’arbalète. Le trait rentre dans la baraque et là, elle s’effondre d’elle-même ! Ils étaient sur le cul. Le truc, c’est qu’au même moment, t’as une autre escouade qu’a tiré au même moment à la catapulte directement sur le truc ; sacré viseur dans la garde quand t’as du bon matériel à disposition. Je te dis pas le résultat. Devait avoir une famille dedans. Sbouic ! Ecrabouillez. Personne n’en est ressorti. Les gars étaient pliés en deux.
    -Dingue !

    Edo est un mec sympa. Il a toujours des anecdotes sympathiques à raconter. On peut toujours juger de la véracité ou non de certaines de ces histoires, mais je suis pas comme ça. Parce que Edo, c’est un mec que je respecte et y a pas de suspicions avec les gens de confiance. Il s’en va me resservir une autre histoire en même temps qu’un chargement de sa cuvée spéciale « pour les bons copains », ceci sous le regard circonspect de Quervy qui ne sait jamais vraiment quand tout cela doit s’arrêter. Je la salue de main et d’un sourire avant d’arrêter Edo dans sa lancée.

    -Merci mon pote. On en reparlera plus tard, je suis venu avec des copains, tu sais. Tu pourras leur raconter tes histoires à eux aussi.
    -Pour sur, Jack ! C’est toujours sympa de te voir venir ici. Je sais que c’est assez loin de la capitale. Les transports, c’est pas fou.
    -Je sais. Mais c’est important de venir ici. Parce que vous m’êtes très sympathique.
    -Merci Jack.
    -De rien.

    Avant de partir, je me fais sauter dessus depuis le comptoir par Fenrir. Vous connaissez les Fenrir ? Ces créatures gigantesques, maîtres dans l’art de la dissimulation et de l’exécution d’autres créatures tout aussi gigantesques, massacrant les plus petits par pur plaisir. On en croise uniquement au-delà de la frontière. Sauf à Ollainbourg où Fenrir, c’est un adorable matou dorloté par Edo et Quervy qui lui donne bien souvent les restes des repas. Le beau pépère est devenu un peu gras du bide, mais est toujours resté fidèle aux principes qui ont déterminés son prénom : gentillesse, douceur et apathie. Je retourne à la table où m’attendent Zahria et Qwen, m’essayant laborieusement sans faire tomber Fenrir qui vient instantanément se nicher dans le creux de mes cuisses, se retournant pour offrir son ventre sans défense en ronronnant. Je me rends compte bien vite que je serais recouvert bientôt de poils de chat blanc, mais que voulez-vous ? Quand on aime les chats, on leur pardonne tout.

    -Jack ?
    -Oui Krayn ?
    -T’as vu ?
    -Ouai.
    -Et qu’est ce que t’en penses ?
    -Je pense qu’il a grossi par rapport à la dernière fois que je l’ai vu. J’ai entre aperçu une assiette de pâté pour lui. Il a pas à se plaindre.
    -Non mais pas le chat. Les gus, là.
    -Hein ?

    Je regarde tour à tour Zahria et Vriz qui jette des regards furtifs dans mon angle mort droit tout en faisant croire qu’ils sont plongés dans une grande discussion avec moi et leur choppe. Je me retourne négligemment pour remarquer les trois compères qui jouent sans s’y méprendre, au Cul-de-chouette. J’espère qu’il ne  joue pas avec les règles à la Galouaz parce que franchement, celui qui a inventé ses règles manquent sacrément de savoir vivre. Pourquoi ajouter des règles inutiles à un jeu de dé parfaitement équilibré et compréhensible ? Ça, c’est l’un des fléaux des tables de jeux. Vouloir rajouter des règles, des rôles ou des extensions de cartes pour rajouter du contenu alors qu’à l’origine, ça marche déjà très bien et que certaines personnes peu scrupuleuses en rajoutent et font le malin en se déclarant plus au courant que les autres. Dingue, non ?

    Je me retourne vers mes deux compères qui me font des yeux de reproches. Quoi, fallait être discret ? « J’aurais peut être dû faire une fausse plaque d’espion » que je pourrais à dire Zahria, mais ça serait un trait d’humour blessant et je suis pas un mec comme ça. Jamais. Main sur le cœur. Et puis, bon, elle a fait un bon boulot sur la route. En deux-deux, elle s’est occupée d’un type quand Avrenn est arrivé par surprise. Je l’avais oublié, lui. Fou, hein ? Après, bon, on a discuté avec elle et Avrell, mais il n’y avait pas grand-chose à dire. Mon collègue ne l’a pas suriné dans un coin, c’est que le deal est bon. La cartographie, c’est tout de même un métier dangereux. On va pas se comporter comme les derniers des salopards quand on nous fait une cachotterie.

    Bref, ils me font des signes de tête vers les trois joueurs.

    -ils ont la tête d’être des bandits, tu trouves pas ?
    -Y a moyen Zahria. Ils font genre qu’ils ont rien à se reprocher, mais ils mentent à tout le monde. J’ai du talent pour contrer les menteurs.
    -Certes…
    -Je vais aller leur causer un bout. Histoire de voir si je peux en tirer quelque chose. Je promets rien.
    -Fais de ton mieux.

    C’est avec regret que j’abandonne Fenrir, parce que les chats dans une partie de dés, c’est pas le meilleur des mélanges. Je le laisse sur les genoux d’Avraine qui glapit de plaisir tandis que Fenrir ronronne davantage. C’est beau cet amour fou entre eux. Je récupère ma bière et je m’approche de la table. Celui en face de moi me voit arriver avec rictus déplaisant. Je sens que je m’incruste dans quelque chose, alors je brise la glace d’entrée.

    -Ola, mes bons gars. J’espère que vous jouer aux règles à la Quitaine ?

    L’un se retourne, plus content que surpris.

    -Evidemment ! Je suis bien content de croiser un autre bon gars qui connaît les vraies règles.
    -C’est vrai que les mauvaises habitudes se propagent vite de nos jours. On peut plus jouer tranquillement.
    Je suis bien d’accord. On avait un copain qui jouait à la Galouaz. Bah, j’ai pas versé une larme quand il s’est fait éventré.
    -Le destin l’a rattrapé, dirions nous ?
    -Bien vrai. Une petite partie ?
    -Ma foi. La bière est bonne.

    J’attrape négligemment une chaise qui traîné là et je me cale entre deux loustics. On se présente.

    -Moi, c’est Jack.

    Toujours utilisé un pseudonyme. Le type accueillant, c’est Rougeaud, un sourire édenté au milieu de sa barbe touffue. A sa droite, il y a un petit sournois avec une sale balafre qui lui refait le menton. Il me regarde de travers comme si j’avais sauté sa frangine ; c’est Javert. Je lui réponds pas un sourire poli. Le dernier, c’est un grand dur. Ne sourit pas des masses, les cheveux ras, toujours à tapoter une de ces dagues dans son harnais d’épaules. Il répond au doux nom de Surin. Rougeaud rappelle les règles élémentaires.

    -Une petite alors. Huit manches ? Pas de grelottine alors. Et on double les bévues parce qu’il faut pas déconner.
    -J’aime ça.

    Javert commence.

    -Chouette de quatre !
    -Bon début. A toi Surin.
    -Putain. Néant. Juste quand il y a pas de grelottine.
    -C’est la vie, Surin.
    -A toi, Jack.
    -Velute de trois ! Sympa !
    -ça s’est pas joué à grand-chose, mais je note. Dix-huit points pour toi. A moi.
    -GRELOTTE CA PICOTTE !
    -Ah, Jack, c’était toi le dernier.
    -Je confesse, j’allais boire un coup.
    -Erreur classique. A toi Javert… Chouette de cinq !
    -Je tente le Sirotage.
    -Alouette.
    -Chouette.
    -…Berge…Fauvette !
    -Y a pas bévue, là ?
    -je pense, ouai.
    -Bon, j’ai foiré, ma faute.
    -Pas de mal, Rougeaud. Alors Javert ?
    -Mmmmh…  Cinq ! Ouai ! A moi les quatre-vingt dix points.
    -Bravo. A toi Surin.
    -PAS MOU, LE CAILLOU. OUAI !
    -Classe. Tu te refais, Surin.
    -A toi Jack.

    Et on joue. Ils jouent bien même. Ils maîtrisent le jeu. Javert aime bien tenter sa chance alors que Surin prend ce que lui donne les dés. Pour sa part Rougeaud et plus du genre à se mettre en embuscade, surtout sur les chouettes velutes. On parle pas d’autres trucs, parce que le Cul-de-chouette nécessite toute ma concentration. Au final, Javert s’en tire avec un score de cent soixante-dix huit points. Il me met vingt points. Tout s’est joué sur un sirotage d’anthologie. Ah ça, mes aïeux, si vous aviez pu voir ça. Tout le classement se jouait là-dessus. Il en a une sacrée paire, ce Javert. Ma bière vide, je me lève pour aller me resservir. Et je salue les gars.

    -Merci, c’était sympa.
    -Si tu voudras en refaire une si t’es dans le coin, hésite pas.
    -Je n’y manquerais pas, Rougeaud Salut.
    -Ouai, salut.
    -Bye.

    Je passe au comptoir et chez Edo avant de retourner devant les deux loustics. Je bois une gorgée parce que j’ai le palais bien asséché. Les deux me mirottent avec insistance. Je passe à table rapidement.

    -Ouai… ils sont sympas.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: Contrebande
    Lun 23 Déc 2019 - 4:06 #
    Attentive à ce qu'il se passe sur la table des bandits, Zahria est sur le qui-vive. Elle a, depuis le petit interrogatoire que lui a fait subir Vrenn dans la forêt, l'intime conviction de que le pouvoir de Jack force les langues à se délier. Elle a failli trop parler, ce qui ne lui arrive jamais, et elle en a déjà beaucoup dit. Son entraînement pourtant lui a appris à résister à la torture et à toutes sortes d'interrogatoire, alors ça a forcément quelque chose de surnaturel. Entre ça, et les trois lascars qui lâchent toutes leurs infos juste avant, c'est sûr: Jack a le pouvoir de faire parler les gens. Alors du coup, le regarder jouer au cul-de-chouette, ça la rassure. Il va certainement revenir avec des informations sur la localisation de Russell, des armes, peut-être même avec une invitation pour aller dîner avec lui et repartir tranquillement avec leur cargaison. Ça fait partie de la sympathie de Jack, on lui donnerait Lucy sans confession.

    A côté, Vrenn scrute aussi. Zahria sait plus trop si c'est elle qu'il surveille ou les bandits. Quand elle pense qu'elle a failli le trouver sympa pendant un moment... Dans la forêt, il était clairement menaçant. Il ne l'a jamais lâchée du regard après leur petite discussion, et elle non plus, et faut dire que c'était pas simple quand on marche devant quelqu'un de regarder derrière soi. Mais le gars est pas spécialement rassurant, et elle voulait pas se retrouver avec un couteau planté dans le dos, alors elle surveillait ses arrières. Elle a bien fait d'ailleurs, parce qu'il y a une fois ou deux où elle a failli oublier qu'il était là. Ce serait dommage.

    Du coup, quand Jack revient, et que tout ce qu'il a à dire, c'est un simple "ils sont sympas", Zahria est sur le cul. Merde, c'était peut-être pas ça son pouvoir. Ou alors, c'est parce qu'il a posé aucune question, faut qu'il y ait une question de posée. D'ailleurs, qui ne pose aucune question dans ce genre de cas ? Mais il est con ou quoi ? Dur de garder son sang-froid, l'espionne bouillonne. Elle est obligée de se taper les deux examinateurs alors qu'elle pourrait déjà avoir Russell au bout de son épée, menotté, en route pour la prison la plus proche, avec en prime toutes les informations sur le gars qui lui a livré les armes. Elle est sur le point de leur annoncer que leur coopération s'arrête ici, quand les trois cabots se lèvent de leur table. Ils viennent saluer Jack, lui tapent la discute deux minutes, puis après avoir réglé au comptoir, sortent de la taverne. Zahria en profite pour fausser compagnie à Jack, qui est parti chercher deux nouvelles pintes, et prend les trois gars en filature.

    Elle s'aperçoit rapidement qu'elle n'est pas la seule dans ce cas. Un autre gars, à l'allure familière, se tapisse dans l'ombre en suivant les clébards éméchés. Le maître-espion a-t-il envoyé quelqu'un d'autre pour la seconder sans rien lui dire, ou pire, en concurrence ? Elle est convaincue qu'il essaye de l'évincer depuis plusieurs mois, mais là c'est dur. C'était sa mission. Il a pas le droit de faire ça. En tout cas, le gars est bon, et elle le reconnaît pas. Un nouveau dans la bande ? Une petite ombre cachée, gardée dans la manche du maître-espion ? Ou alors, un autre bandit, en quête de vengeance, par exemple ? En tout cas, il risque d'être un obstacle, et il faut s'occuper de lui en premier lieu. Repérant vaguement la direction dans laquelle partent les trois canidés, elle se prépare à aborder la deuxième ombre, quand une main sur son épaule la fait sursauter.

    « Zahria, Frêne, qu'est-ce que vous faites ! On avait pas fini notre bière ! »

    Les deux ombres se dévisagent alors. Ah oui, Vrenn, tiens, elle pensait plus à lui. Elle ne sait pas trop s'il est surpris de retrouver ses compères dans cette situation, ou s'il est saoulé par le fait que les clebs disparaissent au coin d'une rue, rendant toute filature impossible. Zahria pousse un long soupir avant de suivre Jack vers la taverne, se demandant comment faire pour se débarrasser d'eux. La soirée qui suit ressemble très fortement à la précédente, si ce n'est que l'espionne fait semblant de boire tout du long, n'ayant pas spécialement envie de se reprendre une migraine le lendemain. Jack les a convaincu que ça ne sert à rien de faire leurs recherches tant que la lune est haute, et que la lumière du jour leur sera bien plus favorable, et les trois compères se laissent un peu aller à festoyer, même si cette fois-ci, ils n'ont que la compagnie d'Edo et Quervy pour assister au concert de Jack. Mais bon, parfois, les petits comités, c'est pas plus mal. Il leur fait découvrir ses nouvelles chansons, ça discute musique un bon moment, puis la matronne monte leur préparer des chambres, intimant qu'il y en a assez pour tout le monde vu que la taverne est vide. Elle revient avec deux clés, et s'excuse platement en constatant qu'ils sont trois. Jack, toujours d'aussi bonne composition, assure qu'il partagera sa chambre avec Graine. Il a dormi où, lui, d'ailleurs, la nuit dernière ? En tout cas, ça arrange les affaires de Zahria, pour une fois.

    Il fait nuit noire quand elle se relève. Elle n'a pas fermé l'oeil depuis une bonne heure, à scruter les bruits de la chambre d'à côté. Ça ronfle ferme, en tout cas. Prenant dans son sac ses menottes anti-magie, sa décision est prise. Ses deux-là entravent ses mouvements, il faut que ça cesse. L'espionne aurait préféré garder ses menottes pour les bandits, mais elle ne connait toujours pas le pouvoir de Vrenn, et si elle pensait avoir une idée pour celui de Jack, elle en est de moins en moins sûre. Ce serait quand même dommage de se retrouver face à un mec qui se transforme en sable ou en poulpe et peut facilement se sortir de menottes toutes simples. A chaque fois qu'elle utilise ces putains de menotte, elle est obligée de faire un rapport au maître-espion, mais elle se dit que là il comprendra bien la situation: "J'arrivais pas à me débarrasser des deux chieurs, et désolée, mais j'avais pas de potion de doux rêves extra forte, j'avais pas assez de cristaux, vu que vous m'avez pas remboursé mes dernières notes de frais." Il comprendra, c'est sûr.

    Elle entrouvre la porte de la chambre des deux examinateurs, et supprime toutes les sources de lumière de la pièce, les petites bougies en veilleuse. Lunettes de jour sur le nez, elle profite de cette obscurité complète pour se faufiler à l'intérieur. Pas un mouvement, les ronflements de Jack continuent. Comment est-ce que Vrenn fait pour dormir ? Le gars a pas bougé, il est droit comme un i dans son lit, et elle remarque deux petites touffes de persil qui sortent de ses oreilles. Astucieux, son moyen pour supprimer les bruits parasites. Elle y pensera la prochaine fois.

    Heureusement, la disposition de la chambre est à son avantage, et les deux lits sont côte à côte, quasiment collés l'un à l'autre. L'espionne passe du côté de Jack, qui est celui qui semble dormir le plus profondément, et lui attache le bras gauche au lit, avant de lui passer l'un des bracelets de la menotte au bras droit. Quand on ne les porte qu'à une seule main, l'effet des menottes anti-magie est amoindri, il ne supprime pas complètement les pouvoirs de celui qui les porte, mais leur effet et leur puissance sont grandement limités. En espérant que ce sera suffisant.

    Vrenn n'a toujours pas bougé, et Zahria n'est pas à l'aise. Le mec en a clairement plus dans son sac qu'il ne laisse paraître. Elle concentre toute la lumière dans sa main, prête à lui asséner un violent coup de poing si jamais il se réveille, puis referme le deuxième bracelet sur son poignet droit. Il n'a pas bronché, l'opération est un succès. Elle relâche alors la lumière, préférant ne pas gaspiller ses forces. Il ne lui reste qu'à attacher la main gauche de Vrenn à son lit, et elle sera enfin débarrassée d'eux. Il suffira de venir les chercher quand elle aura fini son affaire, rien de bien compliqué. La corde est rapidement fixée au lit, et elle s'apprête à la passer autour du poignet de Vrenn, quand celui-ci se détend violemment, dirigé vers sa gorge. Profitant de ses réflexes hors-normes, Zahria fait un bond en arrière pour éviter l'attaque, et se rattrape à un guéridon près de la porte de la chambre. Les yeux de Vrenn sont grand ouverts, et il ne semble pas distinguer quoi que ce soit dans l'obscurité complète créée par l'espionne. Il cherche visiblement à récupérer sa main droite, mais n'y arrivant pas, arme la gauche d'un couteau sorti de sous son oreiller. Effectivement, le gars a de la ressource. Zahria tâtonne, cherchant une arme elle aussi sur le guéridon, jusqu'à tomber sur un grand bol rempli de tomates. Il y en avait un aussi dans sa chambre, Quervy leur a expliqué que dans un bled comme Ollainbourg, il vaut parfois mieux croquer dans une tomate quand on a soif, plutôt que de boire l'eau qui est rarement potable. Soit, une tomate contre un couteau. Profitant de sa vision nocturne - et du fait qu'elle ait deux bras valides - l'espionne lance une première tomate sur Vrenn, avant d'en enchaîner une deuxième. L'examinateur semble confus, du jus de tomate coulant sur lui, et jure bruyamment, réveillant Jack.

    « Qu'est-ce qui t'arrive, Gêne ? Pourquoi tu gigotes comme ça ?
    - Réveille toi Jack, y'a quelqu'un dans la chambre, et on est menottés.
    - Ah oui, tiens. »

    Serait-ce une impression, ou Jack au réveil semble beaucoup moins sympathique que d'ordinaire ? Zahria, n'osant pas effectuer le moindre mouvement de peur d'être remarquée, continue à observer la scène. Vrenn, ne voulant pas lâcher son arme main gauche, essaye de s'essuyer avec son bras droit, embarquant Jack avec lui, dans un mouvement tout à fait comique.

    « C'est quoi sur ton visage ?
    - De la tomate, j'crois. Dis, j'sais pas ce que tu nous veux, mais j'sais que t'es encore là, tu voudrais pas rallumer les lumières et te battre comme un homme ?
    - Faudrait déjà que je sois un homme pour ça, et que tu sois en mesure de te battre.
    - Zahria ?! »

    Et voilà, elle est définitivement dans la merde.
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Contrebande
    Mer 25 Déc 2019 - 11:49 #

    « Bordel, Zahria, pourquoi tu nous as attachés ?
    - Oui, ce n’est quand même pas très sympathique. »

    Elle répond pas tout de suite, et j’essaie de percevoir si je vais reprendre une tomate dans la gueule. Machinalement, je lèche le coin de mes lèvres pour en aspirer le jus. Goûtue. Pas la question. Il fait vachement sombre, en plus, alors que de mémoire, on aurait dû encore avoir des lumières. Putain, ça me rappelle quelque chose.

    « Je voulais simplement aller faire un tour dehors.
    - Et ça demande de nous menotter ? »

    J’tire d’un coup sec sur mon bras, et j’embarque celui de Jack avec.

    « On n’a qu’à se lever, Jack, et aller tirer cette affaire au clair.
    - Ca va être compliqué, je suis attaché au lit.
    - Merde. »

    J’lui trouve le ton grognon, mais c’est p’tet d’être réveillé en pleine nuit. J’suis pas jouasse non plus, après tout, surtout de m’être fait avoir comme un bleu. C’est les pousses de persil pour les ronflements de Jack, ça m’a empêché d’entendre quand elle est rentrée dans la chambre. On se foutait déjà de ma gueule là-dessus quand j’étais p’tit, et qu’elle…

    « Oh, merde. Zahria Ahlysh ? La fille du tanneur ? Avec le pouvoir de l’obscurité ? Que j’balance. »

    L’obscurité se lève un tout petit peu, suffisamment pour distinguer la forme de la jeune femme, armée d’une tomate et d’un plat qui doit en contenir d’autres. J’jette un œil aux menottes, mais ça sera trop solide et trop étroit pour glisser mon poignet. Et j’vais pas me démettre le pouce ou quoi, ça marche quasiment jamais de faire ça.

    « Tu la connais ? Demande Jack.
    - C’est ça, Zahria, j’ai bon ? Que j’dis en l’ignorant.
    - T’es qui, Vrenn ?
    - Indrani, Vrenn Indrani, que j’soupire.
    - Indrani, comme le menuisier qui habitait à côté ?
    - Ouais.
    - Il n’a pas d’enfants ni de neveux. »

    Sourire amer. Pas la première fois qu’on me la sort, celle-là.

    « Ben si, moi, on jouait ensemble, mais c’est normal que tu te rappelles pas. Personne se souvient jamais.
    - Ah, mais si vous vous connaissez, c’est que tout ça est un malentendu, qu’on peut nous détacher et reprendre notre nuit, alors ? Ou si vous préférez, on peut aller boire une bière pour en parler calmement ? Propose Jack. »

    J’le regarde avec surprise. Ça n’a aucun sens, dans les circonstances présentes, ce qu’il propose. Si elle me détache, j’la menace et j’lui fais cracher pourquoi tout est bizarrement suspect autour d’elle. Et j’pense qu’elle…

    « Non, non, vous restez attachés pour le moment, ça me semble très bien comme ça. »

    Ah ben voilà. Mais elle rajoute quand même un peu de lumière, histoire qu’on puisse se distinguer els traits des visages. Et j’en vois assez pour reconnaître les menottes qu’elle nous a collées. C’est des menottes anti-magie, putain. Ça explique en tout cas tous les trous dans les histoires, si elle est au service du Royaume. Puis j’ai une sueur froide. Ça fait pas du tout mes affaires délictuelles, de m’amuser avec la maréchaussée. Enfin, elle a pas de raison d’aller chercher, et mon activité d’examinateur est réglo. Pas de risque.

    « Menottes anti-magie ? J’demande pour la forme.
    - C’est ça.
    - Garde ?
    - Partant de là, oui.
    - Mais pourquoi nous attacher, alors ? Nous sommes des examinateurs de la Guilde, à la recherche des brigands de la Vallée de Chevrette, et a priori toi aussi, en tant que garde. »

    Elle répond pas. Moins charmant, Jack, avec les menottes au poignet, huh ? Il doit pas avoir l’habitude qu’on l’ignore.

    « Hé, Zahria, pourquoi tu ne veux pas répondre ? Ca ressemble à un effroyable malentendu.
    - Elle cherche les armes aussi, pas vrai ? Celles que les brigands ont probablement volées. Du coup, j’comprends pas pourquoi on est interrogé là alors qu’on a tous le même objectif.
    - Vous êtes des quantités inconnues, je ne peux pas me permettre de vous laisser tout gâcher.
    - Tu fais ça déjà très bien toute seule, que j’ricane. T’es coincée ici avec nous, avec le risque de t’être mise à dos les deux seules personnes qui étaient disposées à t’aider ici.
    - Mais non, Vrenn, c’est sans rancune, on ne lui en veut pas.
    - Ouais, pas du tout, Jack, on l’adore, même. C’est ma passion secrète, de me faire menotter à mon plumard. »

    On se regarde en chiens de faïence. Si elle sort de la pièce, je crois que je scie mes montants du lit. Ça prendra une plombe, mais on pourra se tirer. On restera attachés l’un à l’autre, avec les pouvoirs qui marchent moins bien, mais ça devrait pas trop nous empêcher d’agir. Sauf s’il s’agit d’aller castagner les brigands ou repérer la cargaison d’armes. Russell, toujours, à retrouver. On pourrait commencer par les trois gugusses d’hier soir au bar, mais la filature a coupé court. En tout cas, ça explique aussi pourquoi elle les suivait.

    « Lâche le couteau, Vrenn.
    - J’vois pas bien pourquoi j’ferais ça.
    - Pour que je vous détache et qu’on finisse cette mission. »

    On s’affronte du regard.

    « Allez, Vrenn, fais comme elle dit.
    - Hm. T’enlèves les menottes aussi ?
    - Après.
    - Après quoi ?
    - Après avoir détaché Jack.
    - Pfft. »

    J’lance le couteau qui se plante, pointe devant, dans l’embrasure de la porte, à un bon mètre de Zahria. M’en fous, j’en ai un autre dans le sac sans fond, au besoin. Mais elle fait comme elle a dit, détache d’abord le collègue. Puis elle approche précautionneusement, et sans les tomates. J’vais me débarbouiller avant de sortir, ça commence à coller, en plus.

    Quand les menottes tombent, j’masse mon poignet pour faire revenir la circulation.

    « C’était pas si dur, dit Jack. Il suffisait de discuter un peu. »

    On lui adresse un grand sourire.

    « Oui, c’est vrai, mais c’est une bonne chose de faite.
    - Zahria, hein ? Marrant, comme le royaume est petit.
    - Oui alors par contre c’est glauque, ça. »

    Pfft. Parfois, ce pouvoir est un peu pénible.
    Whiskeyjack CallahanLe glooby de toutes les femmes et la femme de tous les glooby
    Whiskeyjack Callahan
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    Re: Contrebande
    Dim 29 Déc 2019 - 17:46 #
    -Tu vois ? Pas la peine de s’emballer pour si peu. Comme quoi, elle n’a aucune griffe contre nous.
    -Griffes ? Tu veux dire Griefs, non ?
    -Oui, c’est ça. C’est la fatigue, Vrez. Ma maman m’a toujours dit qu’il était important de bien dormir si on veut être en forme et avoir les idées claires. Et là, j’ai eu le vieux souvenir d’un type, un peu bizarre si tu veux mon avis, il disait toujours griffes. Enfin, ce n’est pas important. L’important, c’est qu’on est à nouveau des amis.
    -Mouai.

    Je ne sens pas Trez très convaincu. Je ne lui en veux pas. C’est vrai que sur l’instant, se faire réveiller, ce n’est pas très agréable. Je faisais en plus un rêve très étrange ou j’incarnais un type chauve avec une grande difficulté à marché et qui interrogeaient des gens dans un sous-sol. « Interroger », parce qu’en réalité, c’était juste de la torture. Horrible. C’est tout de même étonnant de faire ce genre de rêve alors que je m’efforce d’être sympathique en toute occasion. Comment un type gentil comme moi pourrait être capable de faire pareille chose ? Comme quoi, les rêves, faut pas y faire très attention. Justement, on se rendort parce qu’il n’est pas si tôt, ou si tard, dépend des points de vues et que demain, la journée sera longue, comme toutes les journées. Dirons-nous. Mon copain dort déjà. C’est fou cette facilité à fermer les yeux et à s’endormir tout de suite. Moi, il m’arrive de commencer à gamberger sur des trucs, de passer de fil en aiguilles sur d’autres sujets et de toujours pas dormir une heure après. Je réfléchis. Et je réfléchis aussi à ce que je veux réfléchir. Mais pas cette nuit, hein.

    Le lendemain, je me lève tôt. Peu après l’aurore. Brel est déjà levé. Il aime bien ce levé tôt. Il a sûrement dû faire la grasse matinée. Fringuant comme un gardon, je retourne dans la salle commune et je croise Edo qu’est déjà au service. Il tient la forme grâce à sa jeunesse dans la garde. Ce lever tôt, faire du parcours et traverser la gadoue. Jamais trop compris à quoi ça servait puisque la majeure partie de son boulot consistait à surveiller des bâtiments vides, mais bon, je ne suis pas là pour juger l’institution militaire. Je prends un café, parce que c’est tout de même mieux quand c’est chaud et j’avise le reste. Zahria aussi est levé. Assise dans un coin, elle finit son gueuleton tout en fusillant Zest du regard à l’autre bout de la pièce. Ils ne peuvent pas se quitter des yeux. Je crois qu’il y a quelque chose entre eux. Ça expliquerait tout le remue-ménage de la nuit, parce que bon, ça m’a quand même paru assez bizarre, ce fétichisme des menottes et des tomates. Je fais pars de mes observations à Edo et on échange quelques messes basses en ricanant. Puis, je passe à des choses plus sérieuses.

    -Dis moi, Edo. Tu te rappelles des types qui jouaient au cul-de-chouette, hier ?
    -Bien sûr. C’est des habitués. Assez récent. Genre quelques mois. Je sais pas trop ce qu’ils font et je m’en fous. Ils paient, c’est l’important.
    -Ouai, et vaut mieux. Je sais bien que t’es plus justice punitive que justice réhabilitative.
    -Une main coupée ne vole plus.
    -Certes. Du coup, t’en saurais pas des choses sur eux ?
    -Tu vas pas tenter de chercher des noises à des bons clients, Jack ?
    -Allez. On est pote ?
    -Allez. Je sais qu’ils ont une pris une baraque à l’extrémité nord. Un truc un peu isolé. Ils se sont arrangés avec les autorités, disent-ils.
    -Okay. Et un certain Russel, ça te dit quelque chose ?
    -Gaêtan ? Le chauve qui fait de la vièle ? Tu lui veux quoi ?
    -Non. Rien, C’est sans doute rien.

    J’imagine mal un joueur de vièle en grand chef d’un réseau de bandits. Je me rabats sur l’autre information. Je dis au revoir à Edo en rallongeant pour qu’ils gardent nos piaules. Probable qu’on y passe une deuxième nuit et ça sera pas pour me déplaire. Je partage les infos avec Zahria et Frenn, mais c’est compliqué, ils ne veulent pas trop s’approcher. Je me tais là-dessus, mais je garde un petit sourire en coin. C’est qu’ils sont amusants.

    -Voilà. On y va ?
    -T’as toujours tes tomates ? Ça devrait bien te servir pour la mission
    -Tu veux remettre tes menottes ? Tu faisais moins le fier avec.
    -Avec un couteau dans tes tripes, je pense que ça va être beaucoup moins simple.
    -Faudrait savoir viser pour ça.
    -Quand on me prend à la loyale, ça se passe plutôt bien.
    -Marrant. Ça doit pas t’arriver souvent. D’être loyale.
    -Tu peux causer avec ton pouvoir.
    -C’est qu’il mordrait le bichon.
    -On y va ?

    On y va. Je prends la tête et les deux zouaves se mettent en retrait de part et d’autre, gardant une distance entre eux et faisant bien attention à ne pas s’approcher l’un de l’autre. Pas grand monde à Ollainbourg en ce bon matin. Les gens sont déjà partie travailler dans les champs à l’est ou les lève-tard sont encore dans les bras du sommeil du juste. On finit par arriver aux abords de ladite baraque, plus proche de la ruine faite de bois et de torchis que du manoir. Sur le bord du chemin menant vers les ténèbres forestières, elle en impose avec ses deux étages branlant sur des piliers porteurs apparents au bord de la rupture non conventionnelle. La moitié des fenêtres n’en ont plus et des plantes grimpantes bouffent la moitié des façades. Mais il y a de la vie. Une mince fumée sort de la cheminée. Ici aussi, on est du matin. Il y a une bonne vingtaine de mètres qui nous séparent de la bicoque et pas grand-chose pour couvrir notre approche. Je me retourne vers mes collègues.

    -Que fait-on ?
    -Zahria pourrait y aller. Elle est experte pour rentrer chez les gens sans qu’on lui demande.
    -Si tu pouvais te faire oublier, veux-tu. Ça devrait pas être si compliqué.
    -Je pourrais, mais il faudra que je t’enterre après et ça va salir mes godasses.
    -Parce que tu es capable de manier une pelle ? Etonnant.
    -ça peut même servir à te faire taire, tu sais.
    -C’est entendu. Zahria infiltre et Zern et moi, on se tient prêt à intervenir par l’entrée principale.
    -Pourquoi je serais toute seule, moi ?
    -Tu veux l’aide de Zrel ?
    -Plutôt crever.
    -On est d’accord là-dessus.
    -Crève, toi.
    -Beaucoup moins.
    -Parfait. Zahria. A toi. On te suivra.

    Elle bougonne, mais le but, c’est de retrouver ses armes. Et si on était pas là, ça serait pareil, mais en moins bien, parce que je suis sympathique. Alors elle passe à l’action, glissant silencieusement entre les rares obstacles couvrant son approche, observant les fenêtres en quête d’un garde. Mais rien. Si ce n’est deux examinateurs.

    -Jack. On la laisserait pas dans sa merde ? Avec ce qui s’est passé cette nuit, on peut pas lui faire confiance.
    -C’est tout de même pas très sympathique. Et puis, il faut trouver ses armes.
    -Réfléchis-y. Vite.

    Je réfléchissais justement à ce que j’allais réfléchir.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: Contrebande
    Lun 30 Déc 2019 - 0:55 #
    Vrenn. Putain de Vrenn Indrani. Ce connard dont le nom a rempli les pages de son carnet quand elle était gosse, et qui a complètement disparu de sa vie du jour au lendemain. Le gars qui se fait oublier dès qu'il n'est plus dans le regard de son interlocuteur. Un pouvoir maudit, qu'il n'a pas semblé vouloir contrer, qu'il a même visiblement appris à utiliser à son avantage. L'événement de la forêt prend soudain beaucoup plus de sens. Une fois les deux hommes détachés et le congé pris d'eux, Zahria se précipite sur un carnet de notes, et écrit tout se dont elle se rappelle, avant de l'oublier. Ce gars-là est louche, avec ses couteaux cachés sous les oreillers et ses dagues plantées dans le dos. Que fait-il avec un gars comme Jack, pourtant si sympathique ?

    Le lendemain, après avoir relu ses notes, la colère de Zahria est encore plus grande. Elle ne peut lâcher du regard son ami d'enfance, de peur qu'il disparaisse, à tel point qu'elle marche sur la queue de Fenrir, le chat, qui fuit avec un miaulement à réveiller les morts. Elle n'en a que faire. Oubliée, la mission, oubliées, les armes, oubliée, la sécurité des villageois de la vallée de Chevrette. Toute son attention est portée sur Vrenn, et elle espère juste pouvoir le choper la main dans le sac à trafiquer n'importe quelle petite merveille qu'il aurait trouvé dans le coin, pour le menotter, des deux mains cette fois, et le ramener jusqu'à la Capitale sans semonce. Bon, ok, elle l'admet, c'est un peu gratuit. Le gars a rien fait, pour l'instant, si ce n'est être parti sans dire au revoir quand ils étaient gamins, et elle ne s'en souvient même pas. Mais elle sait que ça lui a fait mal, et ça, elle a du mal à le pardonner.

    Elle passe tout le trajet jusqu'au repaire des brigands à se raisonner et se convaincre de se concentrer sur la mission. Heureusement, la présence de Jack a quelque chose de rassurant qui l'empêche de se jeter sur l'autre pour le trucider sur place, et puis ce ne serait pas très respectueux pour lui. Le pauvre n'a rien demandé à personne, il n'y a pas de raison qu'il se retrouve au milieu de leur querelle. Elle ne le lâche néanmoins pas du regard, et prends encore quelques notes avant que la baraque en ruines apparaisse devant leurs yeux. Après une énième dispute, Jack clôt la conversation en envoyant Zahria en infiltration, qui disparaît dans les ombres après un dernier juron lancé vers Vrenn. L'avantage, c'est que je vais l'oublier dans quelques minutes et me concentrer de nouveau sur la mission... Si seulement elle n'était pas autant en colère contre lui.

    Personne ne surveille la baraque, heureusement - bizarrement. Adossée à une fenêtre, elle distingue la cheminée dans l'âtre de laquelle est posée une casserole fumante. Un gars surveille le repas qui chauffe, un autre lui tape la discute puis disparaît. Aucun des deux ne correspondent à ceux rencontrés hier, ce qui peut vouloir dire deux choses. D'une, ils ne sont pas dans la bonne maison. De deux, il y a au moins cinq gars à neutraliser avant de pouvoir obtenir la moindre information. Se hissant à un rebord, Zahria saute sur un balconnet au premier étage. Celui-ci donne sur une sorte de bureau vide où trainent des bouteilles d'alcools entamées, des cigares écrasés et quelques documents. Crochetant la porte sans trop de difficulter, la jeune femme parvient à s'introduire à l'intérieur. Elle referme derrière elle puis guette le moindre bruit. La porte de la pièce est fermée, et elle repère le moindre espace pouvant servir de cachette en cas extrême. Jetant un coup d'oeil sur le bureau, elle y saisit une lettre décachetée et un carnet de comptes avant de se jeter derrière une étagère, des pas raisonnant tout à coup dans le couloir.

    Un homme entre dans la pièce, et celui-ci pour le coup était bien présent la veille dans la taverne. Il fait le tour du bureau, s'approche de la porte. Il ne faut pas qu'il y regarde de plus près, sinon il s'apercevra qu'elle a été crochetée. Mais il semble chercher quelque chose. Il se saisit alors d'une bouteille encore presque pleine, affiche un sourire ravi, et sort aussitôt de la pièce. C'était moins une.

    Toujours dans sa cachette, Zahria consulte le petit carnet. Il confirme ce qu'ils pensaient: il contient des données de transactions et mouvements de matériel, plus spécifiquement, des caisses d'armes. La lettre, quant à elle, porte un cachet qui lui est inconnu. Il représente un crâne posé sur un livre, entouré d'un cercle runique. Le symbole lui est vaguement familier, mais elle ne saurait pas où est-ce qu'elle l'a déjà vu. La lettre indique à son destinataire, après l'avoir grandement remercié, le trajet suivi par un chargement d'armes de la Guilde, destiné à équiper les aventuriers. Elle n'est néanmoins pas signée. Mystérieux.

    Elle glisse la lettre dans une poche cachée. Le carnet aidera les deux examinateurs à retrouver leurs armes dispersées un peu de partout, et c'est tout ce dont ils ont besoin. Le reste est de son acabit à elle. Elle s'apprête à ressortir par là où elle est rentrée, satisfaite des preuves trouvées, puisque de toutes façons ils ne vont pas pouvoir arrêter cinq gars, voire plus, à eux trois, quand la porte derrière elle s'ouvre à nouveau. Et cette fois-ci, elle n'est pas cachée. Un nouveau gars pas encore vu - ils sont donc au moins six - qui semble un peu plus sérieux que les autres, avec une bonne tête de clébard, apparaît dans l'encadrure. Elle devine qu'il s'agit de Russell, et il devine qu'elle n'est pas là pour taper la causette. Un couteau vole tout près de son oreille, et revient aussitôt dans la main de son propriétaire. Et bah, ils se font pas chier, dans la Guilde. Des lames retours, rien que ça...

    Zahria bondit sous le bureau. Aucune source de lumière à proximité, elle devra s'en passer. Elle renverse le bureau pour s'en servir comme couverture, avant de dégainer deux dagues. La lame retour repasse au-dessus de sa tête, et elle sent qu'elle lui entaille très légèrement le crâne chevelu. Elle ne peut pas rester là, en position de faiblesse. Lançant à son tour l'une des dagues, qui elle malheureusement ne revient pas, elle constate que le gars se cache dans le couloir pour l'éviter. Bien, ça lui laisse le temps de sortir de sa planque et lui foncer dessus. Le chargeant de toutes ses forces, elle manque de le faire passer par dessus la rambarde donnant sur la salle aperçue plus tôt. Les deux hommes en bas lèvent la tête vers le grabuge et s'arment aussitôt pour rejoindre leur patron. Vivement que les renforts arrivent. Zahria, aux prises avec Russell, finit par lâcher son arme, et lui de même.

    Heureusement, le feu de cheminée est maintenant bien en vue, et elle se saisit de sa lumière pour renforcer sa main et asséner un violent coup de poing à l'estomac au bandit qui manque de le faire s'étouffer. Il recule de quelques pas, trébuche et tombe sur les deux autres hommes qui arrivaient derrière. L'espionne en profite pour ramasser l'une de ses deux dagues et se laisser tomber prestement au rez-de-chaussée, alors qu'une femme et un homme apparaissent, sortis d'une autre pièce. Elle parvient à en mettre un à terre quand la lame retour de Russell vient de nouveau fuser vers elle. Elle n'a qu'à peine le temps de l'éviter que les deux autres qui étaient montés à l'étage la chargent en même temps que la femme et l'autre gars, qui s'est relevé. A cinq contre une, armée d'une simple dague, et avec une lame retour qui ne cesse de faire des voyages entre la position de son visage et la main de son propriétaire, Zahria commence à être dépassée. C'est alors que les deux derniers cabots apparaissent dans son dos, accompagnés d'une deuxième femme à l'allure chevaline. Ils sont où, les renforts ?
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Contrebande
    Jeu 2 Jan 2020 - 11:27 #

    J’attends quelques secondes que Zahria soit partie, puis quelques secondes de plus. Jack a l’air de réfléchir, comme il a annoncé. Il a pas un pet de méchanceté en lui, mais heureusement que y’a des gens pour être responsables à sa place et s’assurer qu’il lui arrive rien de fâcheux, pas vrai ? Et, justement, j’vais m’en charger juste là.

    « N’empêche, elle était bonne, la bière de chez Edo et Quervy, hein ?
    - N’est-ce pas ?
    - Tu disais qu’ils la brassaient eux-mêmes ?
    - Oui, alors c’est Edo qui la brasse. En fait, sous la taverne, il a d’immenses cuves. C’est dommage, on n’a pas encore eu le temps de visiter.
    - Ah, faudrait faire ça en revenant.
    - Oui, on ira avec Zahria. D’ailleurs, il fau…
    - Et du coup, il procède comment, pour le brassage ? C’est assez classique ou il innove un peu ? Parce que j’ai senti des arômes différents de d’habitude.
    - Il fait de ces bières pâles, c’est nouveau et assez à la mode en ce moment. Il y a pas mal de bars qui ouvrent sur ce thème à la Capitale, qui s’éloigne des grosses productions sans âme pour justement revenir aux bases.
    - Le terroir ?
    - Le terroir, l’amour, et la passion, confirme-t-il.
    - Et un savoir-faire d’exception. »

    On trinque virtuellement, les mains vides.

    « Et Fenrir, il est vraiment adorable, hein ?
    - Oui, une boule de poils toute câline. Quand je le vois, je ne peux pas m’empêcher de le prendre dans mes bras. Ça donne envie d’y enfouir le visage.
    - Par contre, il doit vraiment en mettre partout. J’imagine pas pour le ménage.
    - Ou les allergies, aussi. Il doit bien y avoir de quoi tuer un asthmatique.
    - Clairement. »

    Quelque chose semble lui revenir en tête. Mais on a le temps, encore.

    « C’est quand même sympa, Ollainbourg, quoiqu’un peu calme, tu trouves pas ?
    - Oui, c’est calme, mais c’est pour ça qu’on choisit d’y vivre. C’est un grand confort de vie.
    - Ouais, mais c’est vachement excentré, c’est pas pratique pour voir les copains.
    - Les copains se déplacent pour plusieurs jours, plutôt.
    - C’vrai. Mais ça manque de tavernes. Genre y’en a qu’une. Tu t’imagines aller toujours à la même taverne ? Ca doit devenir répétitif à force.
    - Ca c’est pas faux. »

    Le calme devient tout relatif quand on se met à entendre des éclats de voix venant du manoir. Ça a l’air de chauffer pour Zahria, dis donc.

    « On devrait aller l’aider, maintenant.
    - T’es sûr ? Elle a l’air de bien s’en sortir, là.
    - Oui, allons-y. »

    J’regarde tout autour de moi, un truc pour faire diversion. Puis on fait deux pas dans la bonne direction.

    « Attends, faut que j’refasse mes lacets.
    - Quoi ? Tu n’aurais pas pu les faire avant ?
    - Ils se sont défaits. Tu voudrais quand même pas que je tombe et que je me fasse mal ?!
    - Bon, bon, dépêche-toi.
    - Bien sûr, Jack. »

    Je crois qu’un enfant de quatre ans aurait fait ses lacets plus vite que moi, ce jour-là.

    Mais on se met finalement en route pour entrer dans le manoir, et on table beaucoup moins sur la discrétion que ma très chère amie d’enfance. Nan, on se contente d’y aller en marchant vite, droit vers ce qui sert de porte d’entrée. À l’intérieur, ils ont l’air d’être un paquet, en tout cas, et Zahria semble un peu en difficulté. C’est des choses qui arrivent, j’ai envie de dire. Au premier coup d’œil, ils sont plus nombreux que nous. Au second, ils sont beaucoup plus nombreux, même.

    Ça m’fait un peu mal au cœur, mais crever le ferait davantage. J’pioche un fumerolle dans mon sac sans fond, et j’le balance dans la grande pièce centrale. Il commence à émettre sa fumée caractéristique, qui remplit rapidement les lieux. J’adresse un signe de tête à Jack, j’ai noté la position approximative de Zahria, donc y’a plus qu’à se mettre au turbin.

    En même temps, on aurait dû se douter que ça serait comme ça que ça se passerait, et pas une simple discussion autour d’une bière.

    La première personne que j’croise, un mec, semble avoir été pétrifiée par le brouillard épais qu’est subitement tombé. Résultat, sans visibilité, il a pas bougé depuis que j’ai lancé le fumerolle, se contentant de se baisser derrière un meuble. Mauvais plan. Comme on est en infériorité numérique, pas le temps de faire dans la subtilité. Mon poignard lui sectionne la jugulaire et la carotide, et il tombe au sol avec un bruit sourd que la brume doit totalement absorber, à vue de nez.

    Y’a comme un calme spectral sur les lieux.

    J’me plie en deux pour être un brin plus discret, et je zigzague vers le canapé défoncé. De mémoire, y’avait quelqu’un par ici. J’sens un brusque courant d’air juste au-dessus de ma tête, et j’me félicite de ma précaution : le coup d’épée m’aurait proprement découpé les côtes, et j’en ai encore besoin. J’plonge en avant pour tacler le brigand, la brigand, d’ailleurs. On tombe au sol dans un enchevêtrement de membres, mais j’suis plus lourd, plus fort, au-dessus et surtout plus vicieux.

    J’lui colle un pain dans le pif, mais pas avant de manger un coup de genou dans la rate. Salope. Les trois coups de poing suivants la calment un peu, mais moins que le couteau dans l’œil. Et de deux.

    J’reprends mon souffle, et j’essaie de me réorienter dans la purée de pois. Dans le doute, trouver un des bords de la pièce. J’vais vers la gauche en louvoyant, jusqu’à rentrer dans un guéridon branlant et bancal qui traînait là. Visiblement, ça alerte quelqu’un, qui me tombe dessus avec un genre de masse. J’pare le premier coup, mais j’y perds un de mes poignards, forcé que j’suis de le lâcher.

    J’plonge au sol pour esquiver le coup suivant, et j’lui fauche les jambes d’un coup de pied. Il me lâche son arme à la gueule, et m’tombe dessus coude en avant, en plein dans le plexus. Souffle coupé. On grogne, on ahane, on se roule par terre et en se collant des baffes, en tâchant de trouver la gorge, les yeux.

    Bordel ils servent à quoi les autres pendant que j’me coltine tout le sale boulot ?

    Il me choppe les cheveux et commence à taper ma tête contre le sol pour m’assommer, mais ça me permet de lui chopper une oreille et de glisser un doigt le long de ses dents, à l’intérieur de la joue. Avec une expiration baveuse, j’tire de toute mes forces, et il tombe sur le côté, essaie de me déloger de ma prise. J’crois bien que le brouillard artificiel est en train de se lever, en plus. J’l’empêche de me mordre, lui arrache l’oreille. Il hurle, et ça pisse salement le sang.

    J’ai vu pire.

    J’laisse tomber mon trophée et j’lui mets tout ce que je peux en coups de poings, yeux plissés pour éviter qu’il me foute les doigts dans les mirettes. Quand il se calme enfin, j’envisage de l’achever, couteau à la main, juste pour le mal qu’il m’a donné. C’est qu’il manquera pas à grand-monde, après tout, faut pas se leurrer. Mais il nous faudrait aussi des informations, et si les autres s’enfuient ou meurent tous de façon malheureuse, on sera bien emmerdé.

    J’crache un jet de salive mêlé de rouge, et j’regarde ce qui se passe autour.
    Whiskeyjack CallahanLe glooby de toutes les femmes et la femme de tous les glooby
    Whiskeyjack Callahan
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    Re: Contrebande
    Sam 4 Jan 2020 - 20:03 #
    Parait que Ghrell m’a fait un signe de tête, mais moi, je l’ai pas vu. J’étais beaucoup trop occupé à constater que ce qu’il venait de jeter par terre était quand même vachement pratique. Je suis sûr, il y a des tas de choses à acheter dans les boutiques d’Aryon, mais je ne prends jamais le temps de regarder les produits qu’ils proposent. Je pourrais trouver des trucs intéressants. Mais vous savez, c’est compliqué d’être comme moi. Je préfère sur ce que je sais faire de mieux : être sympathique. Et boire des coups, évidemment, sans renverser ma chope sur les gens, s’il vous plait. Un mal qui se répand de plus en plus par chez nous. Tristesse. M’enfin, je me promets de regarder les boutiques la prochaine fois parce que ça faire des choses rigolotes, même si ce ne rien voir actuellement n’est tout de même pas la chose la plus sympathique possible. Drex a déjà plongé dans la fumée et il est désormais hors de vue, me laissant seul avec moi-même. Vous me connaissez bien, je n’aime pas souvent être seul, alors je m’élance dans la fumée, au hasard, pour trouver quelqu’un.

    Le destin me met en chemin d’un type de taille moyenne, clignant de ses petits yeux enfoncés dans leurs orbites pour y voir quelque chose dans cette purée de poix. On se rentre l’un dans l’autre tellement on se voit pas. J’atterris sur le cul sans me faire prier tandis que l’autre recule de deux pas avant de s’écrouler sur une chaise qui traînait là, chaise qui couine drôlement sous l’impact.

    -Putain, mais regardez ou vous aller !
    -Oh. Pardon. Je suis désolé. Vous ne regardiez pas non plus, mon cher ami.
    -C’est vrai. C’est qu’on y voit quedal ici.
    -Mes excuses pour mon ami. Il a tendance à faire des choses qui me dépassent.
    -C’est votre ami ? Parce que moi, les autres zigotos, c’est à peine des collègues. Vous avez de la chance.
    -C’est sûr qu’il est important de s’entourer de gens que l’on apprécie et qui nous apprécie en retour.
    -Je vous envie. Mais… Je te connais, non ?
    -Rougeaud ?
    -Jack ! Quelle surprise !
    -Moi moins, je m’attendais quand même à te voir ici.
    -Ah ? Le cul-de-chouette, du coup, c’était pour nous infiltrer.
    -Voilà. Mais attention, la partie a été superbe.
    - Bien vrai. Par contre, comme vous êtes ensemble, je crois que je dois tout de même te casser la gueule.
    -ça me parait plutôt cohérent. Il est vrai que l’on est pas venu pour refaire une partie.
    -Ce qui est dommage.
    -C’est vrai. En d’autres circonstance, peut-être.
    -Ah bah si on en réchappé, sans problème.
    -On commence à trois ?
    -ça me semble plutôt fair-play.
    -Parfait. Un. Deux… TROIS !

    Je lui cogne un bourre-pif des familles, vous m’en direz des nouvelles. Il est surpris et retournent sur la chaise qu’il venait de quitter. Cette fois, elle craque et c’est lui qui se retrouve le cul par terre. Mais je vous vois venir avec vos yeux exorbités et votre bouche béante. Whiskeyjack fout des châtaignes ? C’est que c’est tout de même un peu la base, non ? Vous ne pensiez tout de même pas que j’avais passé toute ma vie à boire des coups ? Même en étant gosse, fallait bien obtenir ce qu’on voulait par les poings. Et j’ai peut-être pas un style très académique, mais je me défends plutôt bien. J’ai bien essayé d’apprendre un style, mais ça s’est plutôt mal passé. C’était un type un peu rouge avec un nom d’oiseau genre Rossignol, vous voyez le type qui veut se donner un genre, hein. Bref, il voulait m’apprendre son style de combat qu’il appelait « La Boxe du Poing Divin ». L’était un peu fêlé, mais dans le fond, assez sympathique. Mais. Fêlé. Moi et les autres, on a pas trop réussi à comprendre ce qu’il voulait vraiment qu’on fasse avec ça alors sur la fin, il est venu, il a repris le contrôle et nous a balancé qu’on était nul et qu’on faisait n’importe quoi. Genre on le méritait pas. D’où cette leçon importante : ne faite jamais confiance aux gens qui ont un nom d’oiseau. Comme mon ami Tine Tine et le secret de sa licorne, mais bon, je digresse. Je vous en reparlerais.

    Parce que je cause, je cause, mais l’autre c’est relevé et m’en colle une dans les dents. Heureusement, j’en ai réceptionné dans ma prime jeunesse et celles qui tenaient pas ce sont déjà fait la malle. Je bronche pas et je lui cale mon genou dans les valseuses. Il se plit en deux dans un couinement que je comprends parfaitement, mais il a oublié la seule règle du combat de rue : c’est qu’il y’en a pas. Je lui refais le coup du genou, mais cette fois, c’est dans sa gueule. Il s’allonge d’un saut sur le dos, le crâne se cognant contre le mur. Filet de bave et de sang mêlés. Rougeaud est hors d’état de nuire.

    Il est faible.

    Mais pas mort. Faut qu’on boive un coup, il avait l’air sympathique. Je me retourne, cherchant le suivant qui apprendra qu’être sympathique, c’est avant tout de lui éviter de croiser la route de Zrell qui doit être à son troisième larron et à déjà se prendre pour le seul type valable du groupe. L’est sympa, mais j’ai parfois peur pour ses chevilles. Je capte un mouvement sur le bord de mon champ de vision qui s’élargit avec la fumée qui commence à disparaître. C’est un type qui me charge en poussant un beuglement de circonstance. J’arrive pas à esquiver et il me prend pas très amicalement pour me plaquer contre le mur d’en face. J’accuse le coup et il en profite pour me labourer à coup de mandales bien forcément bien placé, mais la quantité est rapidement plus efficace que la qualité. Je me recroqueville un peu pour encaisser mieux et je suis sauvé par Zahria qui se permet de dépenser une seconde de son temps pour taillader le côté de mon opposant qui gémit de douleur et me lâche pour le coup. Vrai qu’elle est occupée avec un grand costaud qui parait important. Mais je me fais pas de bile. Elle a de la ressource. Comme Fedex. Des comme eux, il doit s’en faire trois ou quatre au petit déjeuné.

    Pour en revenir au mien, alors qu’il pose un genou par terre et se taillant là où ça pisse le sang, j’aggravée une chaise que lui explose dans la tête d’un mouvement rotatif qui m’aurait valu des sacrés notes au concours de baston de taverne. Alors qu’il est immobile, j’avise une lame souillée par terre que je ramasse. Bon plan, je pars in-extremis un coup d’une petite fouine qui se révèle être Javert avec son sourire de tordu. On ferraille deux trois échanges et je m’aperçois bien vite que je fais pas le poids face au petit vicieux. Je recule jusque dans la cuisine presque en fuite, envoyant la porte dans ses genoux qui le ralentit à peine. D’un coup de moulinet, il me désarme quand je cherche à l’attaquer.

    -Pause !
    -Hein ?
    -Bah pause, quoi !
    -Mais ça se dit pas !
    -Bah si.
    -Bah non.

    Oui, il a raison, mais je retiens suffisamment son courroux pour mettre la main sur un petit sac de sel pour la cuisine que je lui balance à la figure. Il s’en prend plein les yeux et ce coup là, j’en suis pas fier. C’est gâché, et ça fait un mal de chien. Il en hurle le salaud et il charge dans un accès de rage. J’esquive tout en me faisant salement tailladé le bras et je le culbute pour qu’il aille valdinguer sur le feu et la marmite qui cuisait. Ça n’a pas la bonté de lui apaiser ses douleurs. Au contraire. Il cuit, le pauvre. Dans un élan de générosité, je le tire de là avant de lui cogner un bon coup avec la manche de mon épée. Il s’écroule dans un gargouillis. Je regarde ma blessure. Pas top. Heureusement, il y a moins de bruit. On doit avoir moins besoin de moins et je sais bien que Renn n’aime pas que je lui pique ses éliminations. Alors, j’avise un tabouret et je commence à panser ma plaie, parce que les infections, c’est quand même une belle saloperie. On pourra pas me reprocher d’être prudent.
    Zahria AhlyshOmbre
    Zahria Ahlysh
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    Re: Contrebande
    Jeu 16 Jan 2020 - 20:22 #
    La fumerolle arrive juste à temps, alors que la lame-retour est évitée de justesse, et Zahria se doute que ce ne sont pas les bandits qui l'ont lancée alors qu'ils l'avaient à leur merci. Ça veut dire que les renforts sont enfin là, heureusement. Forte de son entraînement militaire, la jeune femme a l'habitude de combattre dans ce genre de condition, et charge dans la direction de la personne la plus proche, la femme qui était sortie la première de la pièce d'à côté. Concentrant la lumière sur son crâne, elle fonce tête en avant et rencontre la poitrine de la femme, qui a le souffle coupé sur le coup. Elle recule, Zahria aussi, reprenant la lumière dans sa main. Elle la perd de vue une seconde, mais la retrouve bien vite quand sa dague fonce sur elle.

    Celle-ci est esquivée d'un pas sur le côté, tandis que la main ouverte s'abat sur la nuque de la bandit, qui perd l'équilibre et met un genou à terre. Moins expéditive qu'eux le seraient certainement avec elle, elle finit de l'assommer d'un coup sec du manche de la dague. C'est à ce moment que Russell finit par la retrouver, tout comme sa lame-retour vient enfin trouver son épaule. Elle s'enfonce avant de ressortir immédiatement, laissant une plaie sanguinolente à l'espionne qui retient un râle de douleur. Concentrant la lumière au niveau de la plaie, elle durcit ses muscles pour éviter de trop saigner et tenir un peu plus longtemps. Elle pare le coup suivant de la lame-retour, qu'elle envoie valdinguer un peu plus loin, mais Russell a de la ressource et récupère l'arme d'un de ses camarades, qui a été égorgé. Pas le temps de se demander lequel de ses acolytes a pu faire ça, la dague fonce vers son visage. Il sait ce qu'il veut, en tout cas, Russell. Et c'est ce qu'il veut, c'est très visiblement sa mort.

    Réussissant à lui faucher les jambes d'un coup de pied, elle parvient à lui mettre les quatre fers à l'air, obtenant un répit plus que mérité pour reculer, une main sur sa plaie. Il lui faudrait plus de lumière pour empêcher le tout de s'engourdir complètement, mais ça commence à devenir compliqué. Alors que le brouillard commence à se dissiper, elle se rend compte qu'elle se bat juste à côté de Jack, qui semble en mauvaise posture. Russell est encore à terre, peinant à relever sa masse imposante, et Zahria en profite pour taillader le côté du gars qui ose s'en prendre à son pote, lui donnant l'occasion de riposter pour reprendre le dessus. Mais Russell est déjà de nouveau en train de la charger, frappant de son poing précisément sur sa plaie, dont des étincelles s'échappent. Profitant de la proximité de son adversaire, l'Ombre l'enlace et passe derrière lui, plante sa dague dans son dos, avant de le saisir au cou fermement jusqu'à ce qu'il finisse enfin par perdre connaissance. Le combat semble être en train de s'achever quand tout à coup elle se prend un grand coup sur la tête et s'évanouit à son tour.

    ~~~

    Il n'a dû se passer que quelques minutes quand elle reprend connaissance, puisqu'il y a encore de la fumée en train de s'échapper par les fenêtres. Le regard de Jack au-dessus d'elle a quelque chose d'apaisant. Heureusement qu'il est là, lui.

    « Qu'est-ce qui s'est passé ?
    - Tu t'es prise une horloge sur la tête.
    - Une horloge ?
    - Ouais, y'en avait une dans la bande, la première que t'as dû coucher, elle s'est relevée et apparemment, son pouvoir c'est de faire apparaître des horloges.
    - On aura tout vu.
    - Oh là oh là, te relève pas tout de suite, t'as pris un gros coup. Heureusement que Joren était là, il l'a empêchée de t'achever.
    - Joren ?
    - Oui euh... Feren ? Hareng ? Enfin, tu vois quoi... »

    Non, elle voit pas vraiment là, surtout qu'ils sont plus que tous les deux dans la pièce, si on enlève les bandits attachés et bâillonnés dans un coin, et les cadavres. Cadavres ?!

    « Qu'est-ce qui leur est arrivé ?
    - Grenn dit qu'ils se sont entretués. C'est bien possible, dans la cohue et la fumée. »

    Grenn ? Comme Grenn Indrani, le voisin ? Oh. Oui ça y est, ça lui revient. Vrenn. Attends, quoi ? Vrenn l'a sauvée ?

    « Il est où Vrenn ?
    - Ah, c'est Vrenn, t'es sûre ? Chais pas, il est sorti voir si y'en avait d'autres. Il avait envie de continuer à se battre, je suppose. Il a pas dû apprécier qu'ils t'amochent, tu sais, je crois qu'il t'aime bien.
    - Ouais ouais, c'est ça. »

    Son épaule la lance, mais elle voit qu'on lui a sommairement bandé la blessure et arrêté le saignement. Heureusement qu'elle n'était pas seule, finalement. Le maître-espion va encore râler, mais bon, ce sera pas la première fois.

    « Jack, dans mon sac, y'a un carnet. Y'a la localisation des armes que vous cherchez dedans, avec les détails. Ça va peut-être vous prendre quelques jours à les récupérer, mais au moins il devrait tout y avoir. Je vais retourner au village prévenir la Garde de ce qui s'est passé ici, vous pouvez partir récupérer vos caisses.
    - Tu viens pas avec nous, Zahria ? Je suis sûr qu'il y aura plein de trucs à cartographier, sur la route ! »

    Ah, mais il a toujours pas compris, en fait. Tant mieux. Jack est quelqu'un de sympa, autant rester en bons termes avec lui.

    « Je vais surtout aller me chercher un médecin, je sais pas si je pourrais tenir tout le voyage comme ça.
    - Oh tu sais, une petite potion de soin et c'est reparti.
    - C'est vrai Jack, c'est vrai... Mais bon je préfère retourner là-bas. J'ai eu mon lot de combats.
    - Tu vas pas dire au revoir à Yerenn ? »

    Certainement pas. Elle devrait l'arrêter, si elle lui disait au revoir. Les cadavres ne sont pas là par hasard, et vu leurs entailles, c'est un mec entraîné et habitué qui a fait ça. Mais il lui a sauvé la vie, elle est encore sonnée par son coup sur la tête, et n'arrive pas à réfléchir correctement. Alors plutôt que de faire une énième connerie sur un coup de sang, mieux vaut qu'elle rentre réfléchir. Elle pourra toujours le retrouver plus tard, au pire...

    « Tu lui diras au revoir de ma part, Jack. D'façons, on pourra toujours se voir à la Capitale.
    - Il va être triste.
    - J'en doute pas. Allez, aide moi à me relever, vous avez encore de la route à faire, et moi j'ai un compte-ren... j'ai des gardes à avertir.
    - Merci Zahria, c'était sympa de faire la route avec toi.
    - Merci Jack, j'oublierais pas.
    - On se voit à la Guilde !
    - Ouais, ouais, c'est ça. »

    Faudrait qu'elle se fasse oublier, elle aussi, ce serait plus pratique, se dit-elle en sortant son petit carnet pour noter tout ce qui vient de se passer...
    Vrenn IndraniSbire
    Vrenn Indrani
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    Re: Contrebande
    Lun 20 Jan 2020 - 21:30 #

    Dehors, à l’écart, j’reprends mon souffle et j’essaie de pas avoir mal partout. Bordel, les bagarres comme ça, c’est toujours une montagne de souffrance derrière. Et ça sera pire après une nuit de sommeil, pasque y’aura aussi les courbatures, et tous les trucs que j’suis même pas capable de sentir vu que mon cœur commence à peine à se calmer. La fumerolle se lève, les gars et les nanas sont couchés, et on s’en est bien sorti. Toujours le fil du rasoir, ces trucs.

    J’me sens rarement aussi vivant qu’en regardant droit dans les yeux un mec qui s’bat pour sa vie.

    J’me demande pourquoi j’ai sauvé Zahria. Y’avait pas besoin. J’aurais pu, dû la laisser canner. Puis arriver et régler le sort à son assaillant. Mais y’avait Jack. Puis, merde, c’est Zahria Ahlysh, quoi. La gamine du voisin avec laquelle je jouais quand j’étais un p’tit petiot avec la morve au nez et les genoux écorchés. L’époque où j’avais pas encore mon pouvoir, en fait, celle où les gens se rappelaient de moi le lendemain matin, et où ma mère se souvenait de mon putain de prénom.

    Enfin, ce qui est fait est fait, même si c’est pas vraiment mon genre d’aider les gens qui font pas partie de mes alliés. Mais elle oubliera bien vite, comme les autres, à nouveau. J’entends sa voix et celle de Jack à l’intérieur, mais j’suis trop loin pour comprendre ce qu’ils disent. Ensuite, c’est le calme. J’me calme encore une minute, puis j’rentre en clopinant un peu dans la grande barraque en ruines. Y’a pas à dire, la décoration était moche, et on l’a pas amélioré.

    J’admire le fruit de notre dur labeur : des corps étendus, dans des états plus ou moins avancés d’agonie, avec ce qui va avec de gémissements de douleur et de grognements. Jack est déjà à pied d’œuvre auprès des pires, s’attachant à faire en sorte qu’ils survivent. Franchement, ça vaut pas le coup de se donner cette peine, j’trouve, mais bon, il est comme ça, il a un grand cœur…

    « L’est partie ?
    - Zahria ? Oui, elle nous envoie la Garde.
    - Trop bien. T’fais quoi du coup ?
    - Je m’assure qu’ils ne meurent pas.
    - Ouais enfin eux s’assuraient plutôt qu’on meurt y’a quelques minutes…
    - C’est juste qu’on n’avait pas eu le temps de discuter calmement, ça.
    - S’tu l’dis. »

    J’lève pas vraiment le petit doigt pour l’aider. J’ai pas trop la fibre humanitaire, c’est comme ça.

    « C’quoi, le carnet posé à côté de toi ?
    - Oh, un truc que Zahria a laissé. Elle a dit que ça nous permettrait de retrouver nos armes.
    - Ah ? Ca l’intéresse pas, elle ?
    - Nan, elle a dit qu’elle devait y aller. T’as son salut, mais des affaires pressantes l’attendaient.
    - J’en doute pas une seconde.
    - Puis elle a hâte de nous revoir à la Capitale.
    - M’étonne pas.
    - On formait une belle équipe, ça sera chouette d’aller boire un verre ensemble.
    - Ouais, sûrement… »

    J’m’étends pas sur le sujet, c’est difficile de pas être d’accord avec Jack. Comme j’ai pas envie de les soigner, j’me contente de les attacher aux éléments de mobilier, en tout cas pour ceux que j’ai pas finis proprement dans la fumerolle. Putain, j’dois être le seul à finir mon travail, du trio. C’est pas avec des comme eux qu’on aurait survécu, j’suis sûr.

    Les premiers sont déjà réveillés, et commencent à gueuler. J’vais pour leur coller mon pied dans la tronche pour leur apprendre à faire du bruit, quand mon collègue se met à leur parler.

    « Vous savez, c’était pas très sympa, tout ça.
    - Ouais, mais t’sais, c’est pas facile, d’être un brigand, puis… »

    Ohlala, on est reparti sur tout ça. Et que ma maman était péripatéticienne, et mon papa a disparu quand elle est tombée en cloque, et patati, et patata. J’tourne plutôt mon attention vers le carnet que Zahria nous a aimablement laissé. Au moins, elle salopait pas le boulot, c’est plutôt un bon point. Encore un peu et on aurait pu bien s’entendre, parler du bon vieux temps dont elle se souvient pas… Mouais.

    N’empêche, les brigands étaient vachement organisés. Ils se sont divisés en un ensemble de petits groupes qui avaient chacun leur zone d’activité géographique, et sur laquelle ils étaient assez libres. Visiblement, y’en avait qui touchaient même pas au brigandage, s’axant davantage sur les services de protection… de racket, chez moi, que ça s’appelle, et de chasse.

    « … et j’avais six ans et demi quand Patty, mon chien, est mort. Il s’est fait écraser par une charrette, t’arrives à le croire ?
    - Ouh, c’est dur, ça, ça devait être horrible, abonde Jack. »

    Ils ont même pas distribué toutes les armes. La majeure partie est encore planquée dans la forêt à différents endroits, et j’suis pas sûr que quiconque à part Russell soit au courant. Enfin, de toute façon, on va faire bosser un peu la Garde, pasque c’est pas à deux qu’on va convoyer le contenu de caravanes entières jusqu’à la Capitale. Puis j’me rappelle de la vieille qui nous a filé la mission, et qui voulait de la discrétion.

    « Moi, mon père me tapait dessus avec un martinet quand il rentrait bourré du travail.
    - Oh, merde, et il faisait quoi, dans la vie ?
    - Ben c’était le brasseur du village, alors forcément…
    - Ooooh… »

    Tout le monde est triste pour toi, vieux, mais ta gueule, je bouquine, là.

    On pourrait toujours rapporter le carnet et les laisser aller creuser quand ils auront le temps, cela dit. C’est p’tet même la meilleure option, excepté si quelqu’un trouve les armes au hasard ou que d’autres gens sont au courant. Ça peut valoir le coup d’y réfléchir, pasque j’ai pas du tout envie de me balader dans la moitié de la forêt pour creuser des trous et trimballer des épées. Le taf de merde comme ça, on a des aventuriers ou des gardes pour le faire pour nous, d’habitude, on est examinateur, quoi.

    Bon, finalement, la Garde se décide à se pointer, ou en tout cas les trois mecs qui doivent remplir le job quand ils sont pas en train de cultiver leurs terres. On leur explique la situation fissa, pour qu’ils nous libèrent de ces brigands de merde, qui disent adieu avec émotion à Jack. T’inquiète, eux aussi, on les recroisera p’tet à la Capitale… mais ça m’étonnerait fort.

    « Bon, Jack, une affaire rondement menée, pas vrai ?
    - Tout à fait, Prenn, tout à fait.
    - S’tu veux, j’me chargerai du rapport, j’sais que t’as beaucoup de boulot en ce moment.
    - Tu sais, ça me fait plaisir que tu me proposes ça. Et du coup, tu sais quoi ? J’t’en paye une. Allez, comme on dit chez moi, après l’effort, le réconfort ! »

    Vrai que la bière est bonne, en bonne compagnie.
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    Re: Contrebande
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