Tala avait besoin de se changer un peu les idées. Ses pensées comme voilées de parasite incapable de prendre une décision qui pouvait s’avérer être digne d’intérêt. Elle survolait du regard ses divers étagères à l’avant de sa boutique, observant les bibelots en tout genre qui y étaient installé. Aucun de ces objets n’avait de réels intérêts ou bien même de capacité tout aussi simple, ils n’étaient là que pour forcer l’atmosphère. Donner cette impression à chaque client qu’ils étaient rentrés dans la bonne boutique, de celle qui était capable de les aider même si la manière n’était pas vraiment. Comme qui dirait, pure. Alors malgré tout, Tala avait inventé une histoire pour chacun d’eux. Leur avait imaginé parfois, des propriétés exceptionnelles bien qu’elle refusait à certains moments de les vendre au prix d’or. Après tout, le centre de son commerce était basé sur les malédictions, mais les gens venaient parfois dans l’espoir de trouver autre chose, car chacun avait besoin de quelque chose pour avancer, d’espoir ou de rêve.

Un haussement d’épaule face à ses propres souvenirs, elle qui tente d’oublier cette rencontre avec sa supposée sœur. Toujours aussi incapable d’y mettre les mots, toujours aussi incapables de se rendre à cette adresse annotée. Comme s’il s’agissait d’une autre vie, d’un autre monde qu’elle avait bien du mal à accepter. Parce que c’était nouveau pour elle, alors Tala arrivait finalement à comprendre le ressentit de certains de ses anciens clients. Eux, qui désiraient à tout prix une solution même s’il n’en existait aucune. Car les événements sont parfois bien trop durs à assimiler, comme une claque qu’il nous ait impossible d’éviter. On subit, simplement, en espérant un jour trouver une solution. Avoir le courage d’accomplir. Mais on préfère toujours sonner chez les autres, chez ces rumeurs qui paraissent si réelles au point qu’on en vient à acheter cette réalité.

Les épaules qui tombent soudainement dans un soupir, comme débarrassé instantanément du stress qui les avait élevé un peu plus tôt. La sorcière qui retourne auprès de son bureau de bois, tirant le rideau à l’arrière afin d’en cacher l’arrière-boutique au nouvel arrivant. Un léger demi-tour pour prendre place sur son tabouret, une esquisse de sourire commercial lorsque la porte s’ouvre en écho au tintement de clochette.

« Bonjour. »

Comme souvent, l’envie de rire se faisait pressentir. Tala n’avait aucun mal à contrôler cette terrible envie à chaque nouvelle entrée, mais il était évident que parfois, certains clients semblaient comme… Déstabilisés. Parfois même inquiet, pouvant donner cette impression qu’ils regrettaient de manière instantanée d’avoir franchi le pas en entrant dans l’échoppe de la sorcière de la capitale. La femme à la chevelure ébène éprouvait l’envie d’en jouer, par moment, par simple amusement enfantin. Bien qu’en vérité, sa raison la réfrénait assez rapidement. Troubler de potentiels clients n’était pas vraiment la bonne carte à jouer, surtout si elle espérait que ces-derniers acceptent de l’engager pour une mission. Alors c’est sa tête qui finit par s’incliner sur le côté, de manière très légère. Le sourire toujours présent sur son faciès, mais un sourire qui se voulait un peu plus apaisant qu’à l’ordinaire.

« De principe, oui, si votre demande entre dans mes capacités. »

Son regard d’émeraude qui observe la cliente dans les moindres détails. Une impression d’aventurière comme elle en avait tant côtoyé, il y avait de cela quelques années. La tourne de sa question, donnait l’impression à la sorcière que cette demoiselle n’était pas là pour maudire. Que sa demande était un peu plus particulière que celle de la vengeance ou dicté par un énervement quelconque. Ainsi, Tala n’aurait peut-être rien pour lui venir en aide, à moins que seul l’espoir lui fût nécessaire pour avancer dans sa quête.

« Alors, dites-moi tout. Quel est votre problème ? »

Son coude qui vient se poser sur sa table tandis que son menton vient se poser sur le haut de sa main.

Une fois encore, il s’agissait d’une recherche. Un léger tracas qui pouvait se faire ressentir, la sorcière mordillant sa lèvre inférieure. De plus en plus de clients venaient dans sa boutique, espérant qu’elle était capable de localiser des personnes. Peut-être que cette pensée était justifiée, car au fond, Tala arrivait presque toujours à trouver les cibles que lui présentait ses clients, même si ces-derniers ignoraient tout de leur position. Bien évidemment, la sorcière avait besoin d’information complémentaire et de beaucoup de temps pour arriver à ses fins. Mais dans quatre-vingt-dix pourcents des cas, les malédictions avaient belles et bien lieu sous une durée… D’une année. Au moins. Ainsi, lorsque la malchance était souhaitable le plus rapidement possible, le client devait soit déverser bien plus d’argent, soit arriver avec des informations suffisantes.

Mais ce genre de cas était toujours plus compliqué. Parce que le client exigeait des réponses sans réelle recherche. Ils venaient, espérant et croyant la magie qu’offrait la sorcière. C’était un espoir miraculeux, autrement, ils iraient voir un espion ou un informateur plutôt que de s’aventurer dans les tréfonds de la malchance. Sa main qui vient alors parcourir sa gorge et glisser sur son menton, comme un élan de réflexion sur la marche à suivre.

« Par longtemps, que voulez-vous dire ? »

La notion du temps, lorsque l’on recherchait quelqu’un pouvait s’avérer assez biaisé. L’inquiétude et parfois même, la peur de ne jamais les retrouvé, faussait l’impression temporelle.

« C’est un peu plus compliqué que ça. »

Parce qu’elle n’en avait pas les capacités. Du moins, de manière instantanée. Ses recherches étaient un peu plus complexes, et ne s’arrêtaient pas sur des êtres à maudire. À l’heure actuelle, Tala qui avait par de nombreuses reprises été inspiré par ces demandes de localisation au point d’espérer trouver cet objet magique, qu’elle convoitait dorénavant. Et qui, lui aurait été bien utile dans le cas présent.

« Puis-je me permettre de vous demander ce que représente cette personne, pour vous ? »

Tala qui avait besoin de savoir l’étendue de la chose, si cette cliente avait vraiment besoin de ces informations, qu’elle ne pouvait pas détenir pour l’instant. Ou si un brin d’espoir lui était suffisant. Car parfois, c’était bien tout ce qui était nécessaire.

Une lune… Tala laissa échapper de manière intentionnelle un très léger soupir qui disparut dans l’air de sa boutique tout aussi rapidement que sa création. La cliente avait totalement raison, une lune n’était pas si énorme pour une disparition, mais bien trop pour que la sorcière compte sur sa supposition afin d’indiquer un lieu bancal, mais qui aurait été tout aussi possible. La durée venant d’augmenter, l’idée était un peu plus problématique, à moins qu’elle soit capable d’avoir un peu plus d’information sur la disparue et donc, d’être capable d’inventer une localisation qui serait assez plausible pour redonner de l’espoir à cette demoiselle.

« Excusez-moi pour ce qui pourrait s’apparenter à de la curiosité mal placée, mais oui, c’est utile. »

Alors elle avait acquiescé afin d’inciter la jeune femme à lui donner plus ample information. Une amante, hum… Elle laissa échapper un petit bruit de réflexion, ce n’était pas la première fois que des gens amoureux venaient lui demander la localisation d’un époux ou d’une amante qui avait disparu sans même laisser de trace. Étrangement, la première fois qu’une telle demande lui avait été adressé et que la sorcière avait réussi à mettre la main sur la personne convoitée -et ce, par pure hasardise, Tala avait compris que ce genre de personne n’aimait pas spécialement être retrouvée. Si elles disparaissaient, c’était généralement pour une bonne raison. Guidées par leur cœur, un nouvel amour naissant ou bien l’amour présent qui n’existait que d’un côté.

« Hum je vois. »

C’était assez intéressant, d’autant plus qu’elle semblait aux yeux de la sorcière, assez désespérée. Bien plus dans l’intention ne connaître la vérité sur son amante, plutôt que d’avoir une raison quant à son départ. Bien.

« Comprenez qu’il m’est nécessaire d’avoir le plus d’information possible pour retrouver quelqu’un. Des questions fâcheuses par moment, mais bien utile pour tenter de retrouver votre amante. »

Un léger silence que Tala prend un malin plaisir à installer, notamment parce que cette cliente semblait être assez mal à l’aise en sa présence. Comme souvent, en vérité, lorsqu’il s’agissait de nouveaux clients, mais sa façon d’être était assez minime malgré tout et surtout, avait un certain intérêt.

« Est-il fréquent que votre amante disparaisse ainsi, sans vous prévenir avant son départ ? Que pouvez-vous me dire sur elle ? Son patronyme, ce qu’elle fait en temps normal ? »

Tala avait acquiescé silencieusement, comprenant donc qu’il était dans ses habitudes de disparaître, bien que la durée pût paraître un peu plus dramatique que ses départs habituels. Le fait qu’il s’agisse d’une garde civile pouvait tout autant évoquer une mutation rapide ou bien une mission pour laquelle elle ne pouvait prévenir son amante. À moins, bien entendu qu’il s’agisse d’un départ mûrement réfléchit car les sentiments n’y étaient plus, ou bien parce qu’il était ailleurs. Simplement envolé vers l’endroit où son cœur la guidait.

« Je vois. »

En son sens, il n’y avait pas vraiment à s’inquiéter. Mais la sorcière ne connaissait pas la personne qui était face à elle aujourd’hui, ni l’essence de la relation qu’elle pouvait entretenir avec cette Sue disparue. Consciente de ses capacités de vente, Tala n’était pas capable de subvenir à sa requête. De moins, de manières sincèrement. L’objet qu’elle convoitait était en route, certaines qu’il arriverait tôt ou tard entre ses mains. Mais compte tenu de la puissance de recherche, la sorcière n’était pas certaine que le temps l’aiderait à retrouver cette amante manquante. Un léger geste à son oreille afin d’y placer une de ses mèches de cheveux tombante, la sorcière s’était levée de son tabouret.

« Je ne peux pas vous donner la localisation exacte de votre amante. »

Parce qu’elle n’était pas devin, parce qu’elle n’avait pas de don localisateur. Simple sorcière au pouvoir de malchance, qui n’apporte que noirceur à son quotidien.

« Cependant, si vous le désirez, je peux tirer les cartes pour savoir si elle va bien. Les résultats peuvent parfois être bancals, mais... »

Une légère hésitation, peut-être qu’elle était capable d’avoir une réponse réelle un jour ou l’autre. Que cela suffirait à garder une cliente, que la demoiselle reviendrait un jour où l’autre pour une malédiction. Peut-être même pour cette même amante, lorsqu’elle apprendra qu’elle avait finalement disparu pour une autre. Une simple question de hasard, voilà ce que la sorcière lui proposait aujourd’hui. À voir si elle pouvait s’accrocher à cet infime espoir, où bien si elle avait besoin de résultat beaucoup plus concret. D’un pas délicat, Tala avait fait le tour de sa table qui la séparait de sa cliente. Dorénavant, face à face sans le moindre obstacle face à leur rencontre, elle attendait une réponse.

Sa tête qui s’incline face à l’incertitude de sa cliente. Évidemment, la sorcière, était présentée comme une diseuse de malédiction et les choses tombent. On tente tout de même de s’y accrocher, espérant que cela suffise. Mais au fond, on a conscience que tout n’est que pure tromperie. Et pourtant, elle se retourne comme une danse gracieuse, tourne le dos à la jeune femme et retourne à son bureau avant de lui lancer un dernier regard par-dessus son épaule.

« Le passé et le présent existent, le futur quant à lui est en parti incertain... »

Et sur ses mots, presque théâtraux, la sorcière disparaît dans son arrière-boutique, sa personne dorénavant dissimulée par l’épais rideau qui sépare les deux espaces. Quelques minutes, qui auraient pu paraître si longue, sans le moindre bruit qui émanait de son emplacement. Différentes étagères un peu moins bien présentées que celle de l’échoppe, Tala qui balaye la pièce du regard à la recherche de son jeu de carte. Rapidement, elle finit par y mettre la main dessus et de revenir à la vue de sa cliente. La sorcière vient à poser son jeu de tarot sur son bureau, des cartes assez vieilles et abîmés dont certains sont même délicatement déchirées. D’un coup de main, elle les étale visage contre table avant de remonter son regard sur la demoiselle.

« Comprenez que pour les prédictions futures, je suis spécialisée dans les désastres. Mais, je ne suis donc pas certaines que vous aillez envies de connaître vos instants de malchances futurs, car celle-ci, il vous sera impossible de les éviter. À moins que je me trompe ? »

Un léger air taquin, la voix fluette comme une mélodie joyeuse. Si cette rencontre se transformait en malédiction réelle à l’égard de la cliente elle-même, cela serait une première des plus intéressantes.

« Sue Naswig donc. »

Ses yeux qui se ferment un instant, un simple esprit de mise en forme sans le moindre sens. Le tour de cartes n’était qu’une question de temps sans véritable sens.

« Tournez deux cartes en pensant fortement à elle, ce jeu répond au sentiment véritable. »