D’un pas nerveux, la Gouverneure de la Forteresse s’agitait au fond d’une ruelle, dans le quartier commerçant de la capitale. Habillée sobrement, d’une robe longue et fine d’un bleu profond et chaussée avec de simples richelieux avec de petits talons, Au dessus de tout cela se trouvait une cape qui recouvrait non seulement ses épaules et ce jusqu’aux mollets, mais également le haut de son crâne. Celle-ci n’était pas celle qu’elle portait habituellement, mais une plus discrète, d’un gris anthracite au tissu de laine feutrée.
L’après-midi avait tout juste commencé et les rues recommençaient à s’animer, chacun sortant des petits restaurants et se perdant entre petites boutiques et grands magasins. Le regard anxieux, la jeune femme guettait, les yeux presques fuyants là où elle devait aller. C’était certainement la première véritable action qu’elle menait pour sa nouvelle carrière qu’elle entreprenait. Dans ses mains se trouvait un papier mille et une fois plié et replié, dont les pliures commençaient presque à se fissurer se détacher. Encore une fois, Eärwen y jeta tout son intéret et le lut, comme si, après toutes ces lectures, elle ne le connaissait pas déjà par coeur.
Il s’agissait là d’un rapport, ordonné par elle-même et conçu par un de ses sujets et assistants. Celui-ci avait été chargé de lui rendre une série de profils qui potentiellement, pourraient être adéquats pour le poste qu’elle voulait à tout prix voir rempli : celui de conseiller. Ne souhaitant pas compter plus longtemps encore sur les anciens conseillers de sa mère, la jeune femme voulait voir du sang neuf au sein de la forteresse. Son intérêt s’était porté sur quelques profils et en particulier sur celui-ci, qu’elle détruisait au fur et à mesure que son inquiétude montait.
Elle retenait surtout l’essentiel : il avait la soixantaine d’année, était vif d’esprit, apparemment stratège et surtout, était un ancien saphyr reconverti en gérant de salon de thé. La raison de cette reconversion n’était pas précisée, et espérait que cela ne soit pas suite à de la démence ou un acte déshonorant. Quoi qu’il en soit, elle devait aller le voir et… lui proposer le poste. Mais avant cela, elle devait l’analyser et vérifier qu’ils puissent s’entendre. Elle n’avait jamais fait cela auparavant et ce sentait très mal à l’aise avec cette mission qu’elle s’était confiée.
D’une gestuelle presque robotique et décidée, elle se lança auprès de la petite boutique, qui n’avait pas l’air grandiose ni clinquante, au contraire. Elle paraissait être un lieu abordable et accueillant, pour tous. Elle poussa alors la porte du salon de thé, et quand bien même elle savait qui elle souhaitait rencontrer, elle fut surprise de le voir alors même qu’elle jetait son premier regard à l’intérieur.
“Bonjour, je souhaiterais une table s’il vous plait, je suis seule.” disait-elle, de la manière la plus détachée qu’il soit.
Toujours avec un sentiment d'appréhension, elle suivit la personne qui l'accueillait, presque penaude. Elle s'asseyait et tentait de reprendre le peu de sa véritable personnalité, celle qui était toujours pleine d'envergure et étincelante, au regard vif et à la parole pétillante. Après une courte et pourtant profonde respiration, elle se tourna vers son hôte, habillée d'un léger sourire et d'un regard franc : le premier qu'elle osait poser sur quiconque ici. Le dos droit et le visage fier, elle avait enfin repris la constance qu'elle avait pendant quelques instants perdue.