la garde
Aussi aujourd'hui avait-elle décidé de partir tôt de chez elle, retournant l'écriteau ouvert pour le laisser sur fermé. Elle avait ponctuellement besoin de s'approvisionner et plus simplement, de sortir de la capitale pour se rendre à la guilde des aventuriers. Quitte à sortir de l'enceinte de la capitale du royaume, autant faire en sorte que ce temps soit rentabilisé. De la même manière, vu l'heure, elle était presque certaine que le tableau des quêtes serait probablement remplie de tâches plus ou moins urgentes qui pourraient l'intéresser. Pénétrant dans l'enceinte de la guilde pour s'approcher du comptoir à l'entrée où un employé était en train de prendre des notes grâce à l'aide d'une plume et d'un encrier, la mystérieuse jeune femme s'enquit doucement.
▬ Salutations ; je souhaiterais savoir si des clients ont commandés de la collecte dans la région ? Plutôt de la collecte d'herbes, de préférence.
L'homme rougit légèrement en se plongeant dans le regard de la jeune femme. Elle ne laissait rarement indifférent ceux qui la côtoyait, mais il se reprit avant de casser son bouc grisonnant.
▬ Très bien damoiselle, je vais consulter les registres pour vous, veuillez attendre un moment.
▬ Merci bien.
Elle se retournât alors. Un groupe d'aventurier était arrivé. L'un d'entre-eux était en piteux état, mais plus d'inquiétudes que de mal : ils riaient bien, avec ses amis et semblaient être heureux de pouvoir venir réclamer leur récompense. Elle connaissait cette satisfaction du triomphe lorsqu'on le revenait en ayant braver les dangers que d'autres n'avaient su traverser. La gloire éphémère de l'aventurier était ainsi et rarement leurs gloire était remarquée des autres. Mais l'ombre lui allait très bien. Posant le pied droite contre le comptoir et croisant les bras, elle haussa les sourcils en attendant le cliquetis de grèves qu'elle connaissait relativement.
▬ Oh, mais dis-donc. Ne serait-ce pas Dame de Millegarde, une de nos très chers capitaines de la garde du royaume ? La moue amusée, le ton légèrement intriguant, elle savait à quel point cette femme n'appréciait pas ainsi qu'on l'annonce ainsi. D'une courte révérence, Ciara la salue. Cela faisait quelques temps déjà qu'elles ne s'étaient pas recroisées.
et la sorcière
La jeune femme tenait fermement dans sa main gantée, la bride de son fidèle destrier arraché des écuries. Le pas assuré mais s’adaptant au rythme de l’équidé, elle traversa la grande cour de la caserne où soldats et apprentis s’entraînaient déjà avec les épées fraîchement émoussées du matin. Le bruit du métal, les ordres des instructeurs, la vision de ses jeunes désirant apprendre aidaient la capitaine à sortir de sa torpeur et la lancer dans sa journée de bonne humeur... Malgré la rude chute qu’elle avait subi au réveil, se prenant les pieds dans ses bottes et finissant sur le parquet – en ayant réveillé en sursaut quelques lève-tard au passage -.
Une fois arrivée à la porte principale, Loreleï déposa ses mains sur la selle de cuir, son pied dans l’étrier et d’un saut, elle se retrouva enfin perchée sur sa monture, caressant doucement son encolure du plat de la main. Un jeune homme empli de fougue et jeunesse arriva en courant, une épée de bois à la main. « Capitaine ! Un groupe d’aven-… » Il n’eut guère le temps de finir que la jeune femme leva un doigt vers lui, sourire sincère aux lèvres.
▬ Je sais. Je vais me renseigner auprès des concernés directement mais merci de me prévenir, bien que trop tard !
Le soldat rougit de honte et baissa les yeux au moment où d’un coup de bassin, Loreleï intima à son cheval d’avancer.
Au galop, il ne lui fallut que peu de temps pour rejoindre la Guilde principale de la ville. Rapidement quelques pièces de bronze furent déposées dans la main d’un enfant au service des aventuriers, qui s’empressa d’aller installer la monture de la militaire dans un box derrière le bâtiment. Le pas vif, quelques clinquements de métal annonçant sa venue, Loreleï apparut dans l’encadrement de l’immense porte ouverte à tous. A peine eut-elle le temps d’avancer d’une impertinente connaissance annonça sa présence. D’ordinaire froissée et gênée par une telle appellation, la capitaine connaissait suffisant la jeune aventurière face à elle pour savoir que l’intention était bien éloignée de la flatterie et la galanterie. Posant une main sur sa hanche, le sourire de la jeune femme s’élargie quand elle s’approcha.
▬ Toujours aux aguets comme le Pinplume que tu es.
En quelques larges pas, la militaire se retrouva à côté de celle qu’elle connaissait depuis des années. Elle déposa son coude que le grand comptoir de bois, s’appuyant dessus tout en contemplant celle qu’elle avait vu grandir et qui n’était plus l’enfant de leur rencontre.
▬ Attention à ne pas te faire dévorer, il paraît que des hordes rodent.
Dès sa phrase achevée, Loreleï appela l’employé.
▬ Mon garçon !
Difficile pour lui de se cacher et rougissant un peu plus, il se retourna…
▬ Dîtes au blessé et à ses compagnons d’attendre que je les ai interrogé pour partir.
la garde
Mais loin de succomber à l'étourderie, Ciara clignât plusieurs fois des yeux, comme pour focaliser son attention, alors que déjà autour d'elle, des pimplumes fantasmagoriques s'envolaient jusqu'à Loreleï. Voilà donc que ses pouvoirs lui jouait encore des tours. Certains aventuriers regardèrent le spectacle des lapins-volants avec un air circonspect. D'autres en revanche demeurèrent plus prudent, mais interdit. Sorcière ! Elle entendait déjà au fond d'elle-même l'insulte alors que son cœur se serrait, mais que son visage ne montrait rien. Elle préférât répondre à la capitaine de la garde, quelque peu crédule dans sa réponse par ailleurs : ▬ Je doute être à leur goût. Ils ont des ailes et des canines, mais je suis sûr qu'ils préfèrent dévorer des légumes que de jeune femme innocente dans mon genre.
Elle haussa les épaules. De toute façon, si danger il y a... Elle fermât un de ses poings et le Pimplume s'effondra au sol dans un couinement d'agonie, comme foudroyé sur place. Oui, elle pouvait accomplir des choses bien plus terribles que ces poétiques rêveries qui continuait encore de chercher à jouer avec les gens prêts à les rêver.
▬ Tu comptes perpétuer l'inquisition ? Elle s'agaçât ouvertement. Elle n'aimait pas ce côté-là, chez les gardes. Toujours à tout vouloir savoir. Et à tout vouloir extorquer. Sans jamais eux-mêmes tout dire d'ailleurs. Selon la quête qu'ils ont cherchés à accomplir, il est normal qu'il y ait des dangers. Soupire-t-elle alors qu'on lui tend discrètement le cahier des tâches du jour. Je me demande s'il y a des Pimplumes, là où j'irais... Se dit-elle, plus pour elle-même que pour ceux autour d'elle. Elle se perdait déjà ailleurs. Loin de l'ennuyeuse et invasive réalité des gardes ou de l'âme romantique des aventuriers.
et la sorcière
▬ Que de violence Ciara…
La voix n’était pas hésitante et ne montrait pas de réelle exaspération. Non, un simple constat devant la nature même de la jeune femme, celle qui l’éloignait du reste de la population. Mêlée à son pouvoir, elle était ce que certains considéraient, une véritable malédiction dans tout le royaume.
Le jeune garçon recula, presque aussi pâle de la mort devant la sorcellerie avant de filer… Ce qui fit soupirer Loreleï bien qu’elle ne pût totalement blâmer de telles réactions. Elle-même aurait certainement déjà dégainé sa lame si elle ne connaissait pas l’étrange et solitaire Ciara.
▬ Non. Si je voulais connaître tous les faits et gestes de tous et des tiens, je viendrais plus souvent en ces lieux. D’ordinaire je ne me mêle pas de la Guilde mais je ne peux laisser des monstres s’approcher de la ville et menacer ceux incapables de se défendre.
Cette fois le ton était plus dur, après tout, Loreleï détestait être insultée, elle ou la garde qu’elle représentait en partie. Cependant, elle rajouta d’une voix plus légère.
▬ A la différence de toi.
la garde
Sorcière des songes qu'elle était. Tu ne veux pas le faire, pourtant tu es ici pour le faire non ? Pointât-elle innocemment. La guilde doit pourtant vous informer de ce genre de recrudescence, non ? Elle leva ses yeux vers ceux de l'homme au comptoir, comme pour tenter de lui faire cracher une faute inavouée.
Silence.
▬ Passons. Finit-elle par ajouter, avant de s'avancer en lui tendant une note parcheminé. Tu veux me chaperonner ? Je compte sortir dans les bois récupérer des herbes pour mon commerce et pour le commanditaire de la quête. Peut-être que cela te permettra de rassurer tes angoisses. Elle s'approche un peu plus et lui murmure à l'oreille, sur un ton très sérieux : Mais à t'inquiéter autant de quelques détails de ce genre, tu vas vieillir avant l'heure, Loreleï...
Elle s'éloigne, une petite moue amusée, se promettant de ne pas projeter mentalement la vision qu'elle imaginait de la capitaine de la garde. Se retenir de le faire était si drôle et difficile qu'elle rit les gorges gonflées, se tordant quelque peu en public dans ce qui était une étrange et féminine beauté au rire cristallin. Que c'était drôle, d'imaginer Loreleï finir en vieille mégère fripée et toujours inquiète !
et la sorcière
S’il était vrai que Loreleï ne tenait pas à découvrir au petit matin, de funestes nouvelles au sujet de l’apothicaire, elle souhaitait surtout protéger l’ensemble de la ville. Du vieux grand-père désireux de confectionner un bouquet pour son épouse, aux enfants intrépides rêvant de quêtes, d’épées et de grandeur. Le programme de la matinée lui laissait l’occasion de faire les premières constatations pour les patrouilleurs, soldats et aventuriers qui se chargeraient d’éloigner les bêtes et créatures.
▬ Allons, si tu cueilles aussi vite que tu n’as fait fuir ce garçon, je t’accompagne.
Si la jeune femme était de celle ordonnant et indiquant à ses hommes et femmes et les horaires des entraînements, elle détestait les faire attendre et ne pas se plier à la même discipline qu’eux-mêmes. L’entraînement était prévu dans le courant de la journée, une fois le soleil à mi-course entre le clocher de la cathédrale et la tour de garde.
▬ Je te fais confiance pour que nous soyons rentrées avant mes premières rides.
Ajouta-t-elle sur une note amusée sans s’étendre plus longuement sur le sujet du temps qui passait, défilaient lentement mais inlassablement. Finalement l’employé finit par oser approcher et annoncer à la capitaine de la garde que l’homme blessé était déjà auprès des soigneurs et que ce certain Daryl Liffon avait reçu pour consigne de passer à la caserne dès que son état le lui permettrait.
la garde
Et si bon gré mal gré, elles s'opposaient à bien des égards, elle ne souhaitait pas nuire à la chevalière De Millegarde en sapant publiquement son autorité ou en la tournant encore d'avantage au ridicule. Elle respectait la force de celle-ci et cette capacité à assurer la paix pour les autres. Même si pour le moment, jamais n'en avait-elle eu le besoin.
▬ Je ne sais pas si je suis rapide, mais c'est lui qui n'est pas très courageux. Elle hausse les épaules, visiblement très peu touchée du sort celui-ci. En vérité, elle ressentait une certaine forme dégoût pour ce genre de réaction qui lui donnait l'impression d'être un monstre alors qu'elle n'avait pas la sensation d'être mauvaise ou encore la volonté de l'être. Vexée un peu dans son cœur de jeune vierge ? Oui, probablement. Elle ne l'admettrait probablement pas en revanche. Au mieux fit-elle la moue en y réfléchissant. Allons, un bon professeur enseigne à ses élèves l'art de patienter le temps du retour de leur enseignant. Elle ne mentait pas et le pensait vraiment.
La patience était quelque chose de fondamental pour qui cherchait à se perfectionner en ce monde. C'était ironique pour elle ; elle ne connaissait pas vraiment la sagesse d'être patiente. Elle se posait finalement bien peu la question. Elle voguait juste au gré du tournoiement des secondes et des minutes. Des nuits et des jours. Mais cherchait-elle à se perfectionner ? En tout cas, pas comme ces soldats qui se cherchaient la discipline militaire. En revanche, je ne peux t'assurer un retour à une heure précise. Je n'ai pas de clepsydre. Il faudrait que j'en achète une. Ou une montre. Une jolie montre à gousset. Ses yeux brillèrent un peu avec l'éclat d'une féminine candeur alors qu'elle imaginait le mécanisme et ses cliquetis. Les lueurs partant de son serre-tête s'étaient mises à danser agréablement, comme pour répondre aux sentiments de joie qu'elle ressentait en imaginant l'objet. Elle était d'ailleurs bien trop occupée pour continuer de regarder les gens autours d'elle faire un rapport à Loreleï.
Les montres à gousset, c'était quand même vraiment mieux que des histoires de rapports et de blessés !
et la sorcière
Temps qui filait inlassablement et Loreleï avait été de celles à s’y adapter, sa carrière évoluant et non stagnant. Peu après son recrutement en pleine adolescence, la jeune femme avait été affectée de nombreux mois aux équipes des rondes et malgré le peu de reconnaissance accordée à ces hommes et femmes, les souvenirs des aventures et patrouilles restaient ancrés dans l’esprit de la capitaine.
Le regard de la jeune femme se tourna vers l'homme partant avec ses compagnons de quêtes, visiblement toujours aussi souriant de l'aventure vécue. Un soldat aura l’occasion de l’interroger plus tard… Posant sa main sur la garde de son épée fermement pendue à sa taille, Loreleï se retourna vers Ciara, baissant légèrement son regard pour croiser celui de l’aventurière.
▬ Je te laisse t’occuper des quelques papiers pour ta quête, rejoins-moi dans la cour dès que c’est fini.
De mémoire, l’apothicaire ne possédait pas de monture et n’avait donc pas besoin de se rendre aux écuries, autant gagner du temps surtout que Loreleï ne possédait aucune passion pour la paperasse. Son poste actuel l’obligeait hélas à passer de nombreuses heures dans son bureau de la caserne si bien qu’il était absolument hors de question de s’en rajouter un peu plus en ce jour ensoleillé. La militaire donna un petit coup de paume sur le comptoir avant de tourner les talons et quitter l’antre de la Guilde. Quelques minutes plus tard, la fière capitaine de la garde attendait sa petite protégée, tenant entre ses mains les reines du grand étalon qui la suivait depuis quatre ans.
la garde
▬ Tu vois, tu commences déjà à parler comme une vieille dame qui jette un regard nostalgique sur son passé de labeur. C'était un peu triste de la voir ainsi se complaire à être perpétuellement dans le passé, mais peut-être qu'à défaut d'être une pimplune, ce serait Loreleï qui finirait vieille avec des pimplumes. Tant que cela la rendait heureuse, cela dit. Elle en avait presque envie de hausser les épaules à cette idée. Et il fallait éviter de révéler à Loreleï quelles images elle pouvait lui inspirer à parler ainsi. Quoi qu'au moins, si elle les voyaient, elle se forcerait peut-être à parler plus comme la femme dans la fleur de l'âge qu'elle était, plutôt que comme une vieille capitaine de la garde qui semblait appeler la retraite par sa verve rhétorique.
Loreleï s'approchât d'elle et baissa les yeux vers elle. Ils sont déjà fait. Mon nom est inscrit dans le registre. J'ai déjà déposé le gage pour la requête. Mais vu que tu n'assumes aucun risque, je devrais éviter de partager la récompense avec toi. Ciara soupirât à nouveau. Les gardes avaient la belle vie tout de même : ils étaient payer pour être de stupides sentinelles qui continuellement tourner dans les rues. C'était d'autant plus en vrai en temps de paix. Et ne me regarde pas de haut comme ça. Ce n'est pas très gentil. En plus je suis sûr que tes grèves te grandissent. Moue agacée ; elle n'aimait vraiment pas ça. En plus, elle n'était pas bien plus grande en vérité. Surtout si on enlevait l'artifice des grèves. Tant pis si elle révélait la supercherie aux mauvais observateurs.
Quant à la monture. Comme tu t'en doutes, je n'ai pas de monture. Les aventuriers font rarement fortune. Et n'ont pas un royaume pour leur payer des chevaux. Même quand ils étaient plus utiles qu'une majeure partie de la garde. Elle se retint de penser cela à haute voix : ce n'était pas très gentil pour Loreleï ou pour les gardes efficaces. Ils devaient y en avoir. Probablement. Sûrement. Fallait-il l'espérer. Elle avait suivie discrètement Loreleï qui était persuadée qu'elle devait encore faire affaire au sein de la guilde avant d'ajouter face à l'étalon qui se cabrât violemment face à elle : Les chevaux ne m'aiment pas. Comme une majeure partie des gens d'ailleurs.
Elle pointât les lueurs fantasmagoriques qui dansaient depuis son serre-tête. Pour certains, ce sont les cornes du mal. Enfin, si c'était des cornes, ce serait gênant. Je gratterais le plafond de ma chaumière en me réveillant le matin. Et pour s'allonger dans un lit, ça serait gênant aussi. Elle hoche un peu de la tête, toujours aussi persuadée de la pertinence de ses réflexions qu'elle lâchait à voix haute avant de se remettre à fixer l'étalon. Je ne monterais pas dessus. Il ne veut pas de toute façon. Je le sens. Elle fronce les sourcils et pose son regard carmin face à ceux de l'étalon en posant ses mains sur ses hanches. Penchée en avant, elle jaugeait du regard la créature, l'intimant par son pouvoir à se tenir tranquille. L'étalon en revanche, demeurait tout à fait nerveux malgré tout. Elle s'assurait juste qu'il ne se prenne d'envie de lui coller une ruade.
▬ Non, vraiment. Il ne m'aime pas. Et je ne vais pas tarder à ne pas l'aimer non plus, vu comment il me regarde avec crainte et dédain. Cela dit, si déjà la plupart des sujets du royaume la jaugeait ainsi, fallait-il s'émouvoir qu'un bourrin en fasse de même ? Ce n'était pas agréable, mais elle en avait l'habitude.
et la sorcière
Tenant fermement les brides de cuir d’une main, l’autre caressait le poitrail de l’imposante bête qui l’accompagnait tous les jours. L’étalon à la robe de bai était nerveux, bien plus que d’ordinaire. Son sabot claquait le sol de pierre et de pavé de temps en temps, marquant la tension qu’il ressentait à la vue de celle que tous appelaient la sorcière.
▬ Tout doux mon beau.
Cavalière chevronnée, les parents de Loreleï lui avaient transmis et le respect et l’amour des bêtes, chose évidente à voir la capitaine calmer doucement la créature. Attentionnée, elle resta de longues secondes silencieuse à côté de l’équidé, l’intimant de se détendre. Difficile cependant face à l’aura de Ciara…
▬ Ne le juge pas trop rapidement, vous aurez tout le temps de faire connaissance. Sauf si tu tiens réellement à passer un mois à marcher.
Si Loreleï avait rapidement jeté un coup d’œil au tableau des quêtes, est-ce que Ciara avait signé en se doutant qu’elle devrait se rendre dans les massives et rocailleuses montagnes du Nord ?
la garde
Oui, elle lâchait cela en toute décontraction. Enfin, un employé. Si mon affaire me le permet. Elle soupire profondément. Tout le monde n'a pas de l'argent à jeter dans des potions. Ni un mois pour aller chercher des fleurs pour en concocter. C'est vraiment une activité peu rentable. C'était une plainte légitime. Mais je ne sais pas quoi faire d'autres. Hormis faire peur aux gens. N'est-ce-pas, sir l'équidé ? Elle secoue la tête après avoir fait quelques pas en arrière, puis de long en large. Pas le choix, messire cheval. Je vais devoir grimper sur ton dos, même si tu ne m'aimes pas. Mais vu que nous serons deux, j'ose espérer que tu ne voudras pas me jeter avec ta propriétaire.
Elle l'espérait vraiment. Sinon je me reconvertirais en tenancière de boucherie chevaline. Elle lance un petit sourire amusé à Loreleï. C'était quelque peu terrifiante de la voir ainsi radieuse. Humour. Les sorcières n'aiment pas faire du mal aux animaux. Elle s'esclaffe quelque peu. Cela la fait toujours rire de voir les regards qui se figent à certaines de ses remarques quand elles sont prises au premier degré. Mais du coup, un mois d'aventure. Tu ne vas pas être revenue pour t'occuper des recrues, Loreleï. Dit-elle en posant ses doigts sur ses lèvres, comme si elle cherchait à deviner l'inévitable.
▬ Cela te convient-il ? Par chance, je peux cependant te dire que les aventuriers que tu voulais inspecter venait de cette montagne.
Parfois, plutôt que de questionner, il suffisait de savoir prêter oreille attentive aux alentours. Cela se révélait fort utile, en le cas présent. Toujours intéressée ? Honnêtement, la récompense est un peu du vol, mais je suis intrigué par la décoction qu'elle veut fabriquer. Peut-être une recette que ma mère ne connaissait pas. Au pire, je te revaudrais ça... Si tu as un jour besoin des services d'une sorcière.
Elle se met à simuler un rire machiavélique avant d'ajouter : ▬ Je suis sûr qu'un jour tu me demanderas un philtre d'amour. Je te le ferais à un prix d'amis. Disons, une pièce d'or et cinquante pièces d'argent. Nouveau rire faussement machiavélique. La situation l'amusait beaucoup. Et soudainement, elle s'éteint avant de faire face à la jeune femme. Dans le doute, prenons de quoi bivouaquer. Des vivres, aussi, si possible. Il lui faudrait investir dans du matériel si elle comptait pérenniser ses activités...
et la sorcière
▬ Un mois à pied mais Orlan devrait être capable de supporter le poids plume que tu es !
La bête était robuste à l’instar de Loreleï et heureusement pour l’équidé, Ciara ne semblait pas être une adepte des armures et lourdes bottes métalliques. Malgré l’aide de destrier, le voyage s’annonçait tout de même conséquent et le cœur sérieux autant que respectueux de la capitaine n’était guère serein à l’idée de laisser son régiment une semaine sans instructeur… Enfin, peut-être qu’avec un sourire et quelques promesses, elle saurait trouver un remplaçant… Et sur lequel elle ne comptait pas utiliser un quelconque filtre d'amour. Bien moins assurée quand Cira osait s’aventurer sur ces sujets si peu abordés, Loreleï sourit comme souvent, comme si cette simple expression permettait d’esquiver les questions à son égard.
▬ Tu te dis peut-être sorcière, mais je crains que tu ne saches lire dans l’avenir ! Tu me remercieras quand la fleur sera en ta possession. Et puis je compte bien profiter de ce voyage pour faire une petite visite surprise à la garnison du Nord.
Voilà un sujet qui importait bien plus Loreleï sur le moment, elle qui ne s’était pas rendue à la forteresse des montagnes depuis plus d’un an. Ses mains se déposèrent de chaque côté de la selle et d’un saut agile, la capitaine se retrouva sur le dos d’Orlan.
▬ Si possible en plus d’une peau chaude, pense à emmener quelques soins. Rejoins-moi à la Porte Est quand le soleil aura surplombé ta boutique.
Elle comptait bien protéger la jeune femme durant ce voyage et par-delà celui-ci. Une petite pression contre le ventre de sa monture et le cheval à la robe de bai se mit au pas, en profitant pour s’éloigner de l’apothicaire… Et alors que Loreleï disparaissait, le jeune palefrenier observait avec crainte la sorcière, caché derrière un portail des écuries…
la garde
Et alors ? Elle aimait très bien ce qu'elle était. Au moins les miens ne tomberont pas. Par contre, toi, tu devras passer commande pour mes onguents raffermissant. Se mit-elle à rire, un peu moqueuse alors qu'elle prêtait probablement des intentions coupables à son amie Enfin, je ne compte pas en ramener qu'une. Quitte à nous les peler dans les hauteurs de montagnes enneigées, autant capitaliser le temps investi. Et concurrencer l'herboriste dans l'économie de la capitale. Machiavélique. Alors qu'elle fomentait ses offres publiques d'achat, elle n'entendit pas Loreleï en train de commencer à partir.
▬ Attends, tu me laisses marcher seule jusqu'à la porte est ?! Eh bien bravo le service aux sujets du Royaume ! Les lueurs de son serres-têtes firent plusieurs tours nerveusement, visiblement en colère. Elle se retournât vers celui qui l'observait en silence. Et toi ! Vas-donc t'occuper des bêtes au lieu de me reluquer ! Ou je m'en vais te donner une bonne leçon, maraud !
Peste de mauvaise humeur. Elle n'était pas aussi animée lorsque Loreleï ne la rendait pas loquace. Bien vite, elle se raidit et soupirât. Pas le choix, elle devait préparer le voyage et partir le plus vite possible ; au plus vite serait donner le départ, au plus vite ils reviendraient... Remontant jusqu'à l'étage de son échoppe, elle amassa un sac rudimentaire et y rangeât diverses potions, un réchaud et de quoi se reposer, malgré l'absence de mobilier. Nouant autour de son cou une épaisse cape qu'elle gardait pour l'hiver, elle regardât le ciel bleu. Il était désormais l'heure de se diriger vers l'aventure...