Il était tôt et pourtant, la rousse travaillait, feuilletant les dossiers médicaux de quelques soldats dont elle devait suivre l’état avec attention et qui se trouvaient tous dans les dortoirs de l’infirmerie dont les lits étaient réservés aux blessés. Le soleil n’était même pas encore totalement levé et le ciel était envahi de teintes orangées dignes de l’aube. Sur le bureau, une tasse de thé, encore un peu fumante. Elle posa alors ses dossiers et porta le breuvage à ses lèvres, décidant de profiter des dernières minutes de calme qui précédaient la tempête. Le programme de la journée ? Eh bien, dans un premier temps, ils visiteront les patients pour surveiller l’évolution des blessures et, au besoin, intervenir. Ensuite, ils s’occuperont des blessés qui prendront rendez-vous et peut-être qu’une urgence viendra bousculer tout ce programme. Rien n’est sûr dans ce monde après tout ! Dans les moments les plus calmes, Wendy prévoyait de faire lire des ouvrages de médecine au jeune homme, histoire de renforcer ses connaissances.
Le médecin porta son regard sur la grande horloge de la pièce. 6h00. Calyxte ne devrait pas tarder à arriver. Le thé était terminé, le matériel préparé et la blouse enfilée. Il ne manque plus que le blondinet et la journée pourra commencer. La jeune demoiselle se leva de son siège et passa le stéthoscope autour de son cou avant d’attacher ses cheveux. Bien. C’est parti ! Dès qu’il passerait la porte, le travail commencera. L’oreille tendue, elle était dos à la porte, observant le contenu d’une grande armoire remplie de médicaments et de livres. Mon pauvre Calyxte … Tu t’engages sur un champs de bataille dont tu ne connais rien ! Au côté d’une vraie battante. Survivras tu à cette journée ? Qui sait ~
Sous ses pieds la terre battue de l’enceinte de la Caserne amortissait chacune de ses foulées, et il pouvait y déchiffrer les empreintes de quelques autres sportifs matinaux. Aux aurores comme aux confins de la nuit, il n’était pas rare de croiser quelques âmes faisant le tour des bâtiments au pas de course. Le lieu était un temple dédié à la force physique et mentale, ses fidèles adorateurs ne se faisaient pas prier pour entretenir à toute heure leur musculature affûtée. Distraitement, s’engouffrant sous un porche dans un courant d’air frais, l’espion sortit quelques baies de divinam de sa poche et les goba. Un parfum acide réveilla ses papilles, et il pressa davantage le pas. Il avait rendez-vous au pôle médical de la Caserne un peu plus tard dans la matinée, et s’il ne voulait pas subir les foudres de Wendy dès le matin, il avait intérêt à y être dans les temps.
Malgré son découragement grandissant à mesure qu’il appréhendait toutes les capacités qu’il allait lui falloir acquérir, et que son emploi du temps déjà chargé ne lui permettait guère de travailler dans des conditions optimales, Calixte restait globalement investi dans l’affaire. Parce qu’elle mettait sa curiosité aux abois. Tous ces champs d’actions qui s’ouvraient finalement à lui, toutes ces possibilités de savoir qui se déployaient, toutes ces occasions à saisir qui se proposaient. Somme toutes complémentaires à son actuel travail pour le Maître-Espion. Et puis, certains apprentissages venaient avec un environnement plaisant.
Regagnant les dortoirs de la Caserne au pas de course, Calixte fit un rapide – et discret – détour par sa colocation avant de retrouver le chemin des douches. Un des avantages d’y être à l’aube était le calme et la propreté. L’inconvénient majeur restant que l’administration militaire ne semblait pas pressée de fournir ses soldats en eau chaude, et qu’un passage sous une douce froide dans un environnement glacial n’avait rien de réjouissant. Au moins faisaient-ils, non seulement des économies d’énergie, mais aussi d’eau. Les douches ne duraient jamais bien longtemps. Enfilant avec hâte ses habits propres, l’espion passa un rapide coup de main dans ses cheveux puis estima qu’il était suffisamment présentable pour le reste de sa journée. Après un nouveau passage express dans sa chambre pour déposer ses affaires de toilette et récupérer un sac de cours préparé la veille, il dévala les escaliers du dortoir et prit le chemin du pôle médical de la Caserne.
Le jour avait continué à se lever doucement sur la Capitale, et il pouvait contempler les nuances ocres et rosées affleurant les toits des bâtiments austères. Quelques lanternes vacillaient le long des chemins de garde. Il y avait quelque chose d’inconstant, d’éthéré, de surréaliste à observer la vie s’éveillant paisiblement dans la Caserne à cette heure-ci. A ce moment intemporel où tout semblait à la fois figé dans un souffle, et possible dans un autre. Et Calixte, qui avait en ce moment une vie bien pressée, ralentit un peu le pas pour apprécier cette atmosphère particulière.
La lumière de l’infirmerie l’accueillit avec cette ambivalente sensation de bienveillance chaleureuse inaltérable et de froideur morbide implacable. Il pénétra dans l’enceinte médicale avec un frisson d’excitation. Il y avait quelque chose de remarquable à pouvoir s’y immiscer en toute impunité. Et Calixte était soudainement curieux de saisir tout ce qui s’offrait à ses sens, à sa compréhension et à son intelligence. A la fois personnellement pour son enrichissement individuel, mais aussi professionnellement pour son statut d’espion – et peut-être bientôt aussi pour son statut d’évolution plus funèbre –. Et si cela devait se faire sous les directives avisées de Wendy Waltz, alors qui était-il pour se refuser pareil challenge ?
La jeune médecin de la Garde n’était pas de sa promotion, mais Calixte, qui ne manquait pas une occasion pour se blesser, avait rapidement fit sa connaissance. Puis, avec ses nombreux passages à l’infirmerie – entre sa maladresse usuelle et son travail d’espion l’amenant dans des situations plus incongrues les unes que les autres – leurs rencontres s’étaient répétées. Et à force de fréquentation, il avait appris à apprécier Wendy. A la fois pour sa douceur et sa franchise, tout comme pour sa discrétion et ses compétences. Et peut-être, aussi, que Calixte était un peu trop curieux pour son propre bien, car il n’aurait pas hésité à se proposer pour quelques expérimentations si cela pouvait faire avancer la science des soins.
Se présentant à l’accueil de la structure avec son papier de recommandation des hautes sphères, l’espion se vit remettre une courte blouse à passer par-dessus ses vêtements, et indiquer là où il devait se présenter. Jetant un coup d’œil à l’imposante horloge trônant derrière le bureau d’accueil, Calixte nota qu’il était tout pile à l’heure. Sans plus traîner, il se dirigea vers la salle d’auscultation qu’on lui avait montrée. Déterminé, il toqua fermement à sa porte.
- Entrez !
Dès qu’il ouvrit la porte, Calyxte se retrouva face à son professeur qui s’approcha d’un pas rapide et déterminé, lui jetant presque une trousse dans les bras qui, à la réception, produisit un petit bruit métallique. Celle-ci pesait surprenamment lourd et pourtant, il s’agissait du minimal nécessaire. Une salutation ? Ils n’ont pas le temps pour ça, les patients attendent. C’est donc rapidement que Wendy passa aux côtés du blondinet pour s’élancer dans les longs couloirs du département médical et son calme effrayant et rassurant à la fois. Le silence était seulement interrompu par le bruit des petits talons de la jeune femme, qui lui faisait gagner quelques centimètres ainsi que les gémissements de douleur de certains patients qui n’avaient que peu dormi, torturés par la vivacité de leurs blessures. Tout en marchant rapidement, le médecin fit signe à son élève de suivre. Aujourd’hui, en plus d’apprendre la médecine, il en apprendrait la philosophie. Ce que cela représente pour Wendy et les règles éthiques. Sans ça, on ne peut pas être médecin ni même en pratiquer l’art correctement.
- Bien Calyxte, on a énormément de travail et pas le temps de papoter alors je veux que tu observes attentivement ce que je fais et que tu te montres réactif. Si tu as des questions, pose les, je te répondrait. En attendant, j’aimerais que tu m’expliques ce que tu sais de l’art de la médecine.
Le message était clair. Pas de pitié pour les apprentis. Il lui faudrait suivre le rythme, même s’il a envie de tomber de fatigue ou de fuir. Il n’en a pas le droit. Et elle voulait savoir ce qu’il savait déjà ou les préjugés qu’il avait. Tout en marchant, Wendy se mit à lire un document d’un oeil sérieux et professionnel. Elle annonça alors le programme de la journée et ce, en se dirigeant vers les dortoirs où les patients étaient rassemblés, séparés par de grands paravents en toile.
- Nous nous rendons au chevet des patients en rémissions. Ce sont ceux qui ont besoin d’un repos forcé que ce soit pour des maladies ou bien des blessures. Nous allons vérifier leur état et s’il le faut, intervenir. Je te préviens, ça peut parfois te retourner le coeur mais on s’y fait ! De toute manière, je t’interdis de vomir !
Où est-ce qu’il a mis les pieds ? ? Le caractère de Wendy était bien différent qu’avec ses patients ! Si vous racontez cela à certains, ils ne vous croiront pas ! Une Wendy brutale et sans pitié ? Noon ! Foutaises ! C’est IMPOSSIBLE. Ah, les gens se bercent de douces illusions … Enfin, le duo passe une porte pour rentrer dans le dortoir où l’on entend tousser plusieurs malades. Cette vision arracha un soupire à la demoiselle qui ferma les yeux une seconde, comme pour garder son calme.
- Il faudrait vraiment qu’on ait plus de place … On va finir par se marcher dessus. Enfin bon, on va commencer par les patients d’un de mes collègues … Lui-même est tombé malade, ironique n’est ce pas ? Résultat, on est débordés ...
Ses yeux s'ouvrirent lentement, laissant alors briller la flamme de détermination qui brûle ardemment dans ses iris vertes. Elle se lança donc dans la pièce et s’approcha d’un patient. Un homme, dans la quarantaine. Le visage de la rouquine se fit plus doux alors qu’elle arrivait à ses côtés. L’homme tourna son visage vers elle.
- Bonjour .. Alors dites moi, comment va votre dos ?
L’homme répondit d’une voix quelque peu affaiblie, le corps caché sous les draps de son lit.
P - Il me fait mal … J’ai eu beaucoup de difficulté à dormir …
- Je vois ...
La jeune femme se montra à l’écoute et hocha la tête en écoutant attentivement les paroles de son patient en jetant un coup d’oeil sous le drap, ne permettant pas à Calyxte d’observer ce qui se couche dessous. Elle se tourna bien rapidement vers son élève, gardant un sourire rassurant pour ne pas stresser le blessé.
- Ce patient s’est fracturé la colonne vertébrale et bien que les sorts de soins aient ressoudé l’os, il faut surveiller avec attention et effectuer un nettoyage régulier des escarres et ce, jusqu’à ce que l’os soit bien solide et que la patient puisse se lever. Maintenant, pose la trousse sur le meuble et va me chercher du désinfectant, de l’anesthésiant et un couteau stérilisé. Et au pas de course mon petit Calyxte ~
Ironie, elle est plus jeune que lui de 4 ans. D’ailleurs, pourquoi a-t-elle besoin de ça ? Vous n’avez pas une petite idée ? Elle va l’opérer. Mais elle ne lui dirait pas. S’il veut savoir les détails, il faut qu’il pose la question. Elle avait déjà reporté son attention sur la blessée, toute souriante avec ses airs de poupées, observant les plaies peu ragoutantes sous le drap, préférant laisser la surprise au coursier au moment de l’opération .
- Ah, il me faut aussi une quantité important de Gaze ! N’oublie rien surtout, on a pas le temps !
Bon courage petit Calyxte … Ce n’est que le début de ta première journée de travail !
Récupérant rapidement un calepin et un crayon de bois, Calixte jeta à la va vite son sac de cours quelque part dans la pièce – et il lui sembla avoir fauché quelque chose au passage mais ils n’avaient pas le temps de s’attarder sur sa maladresse matinale – et enfila rapidement la blouse par-dessus ses vêtements. Refermant la salle d’auscultation derrière lui, il emboita le pas de Wendy. Hochant la tête aux propos de la jeune femme, il ne put s’empêcher de se sentir fébrile à l’idée de passer quelques heures avec elle. Elle ne perdait pas de temps à se mettre à l’œuvre, et paraissait toute disposée à répondre à ses interrogations tout comme à l’impliquer. Son énergie était communicative, et son professionnalisme mettait la curiosité de Calixte à son aise.
- Je sais principalement qu’elle permet de retaper les boulets comme moi qui ont tendance à se blesser pour un oui ou pour un non, répondit-il en galérant à boutonner sa blouse. Mais pour une définition plus globale, je dirai qu’elle est l’art de prendre en compte les données actuelles de la science – et de la magie –, l’expérience du soignant, et la personne du patient, pour œuvrer à la santé de ce dernier. Elle est une constante de pair avec la souffrance humaine, mais aussi une variable dépendante de la société. Et pour une vision plus terre à terre je dirai : elle permet d’essayer de réparer l’homme, de ses blessures physiques et/ou mentales. Avec paroles, médicaments, actes chirurgicaux, ou magie.
Jetant un coup d’œil aux documents que Wendy avait pris avec elle, Calixte eut l’impression qu’il s’agissait de dossiers de patients. Il n’était cependant pas assez bien placé pour les lire, et se contenta d’observer ce qui l’entourait dans un premier temps. Il n’était pas étranger aux couloirs aseptisés de l’infirmerie, ses nombreuses blessures avaient fait de lui un patient régulier. S’il y avait eu une carte de fidélité il l’aurait eue d’office. Mais il y avait une différence à se promener dans ces couloirs, pourtant familiers, comme membre du personnel plutôt que comme personne requérant des soins. Il était étrange de passer la barrière des deux mondes. Et grisant.
Ecoutant attentivement Wendy lui annoncer le programme de la journée, Calixte se demanda s’ils allaient voir des choses si horribles que ça. Si l’Académie Militaire avait déjà eu un beau rôle dans l’éducation de sa tolérance aux situations gores, son statut d’espion lui avait aussi apporté une certaine insensibilité aux choses ragoutantes. Dernièrement, il avait dû s’extirper par les latrines sales d’une taverne et plonger dans un caniveau d’excréments. Si cela n’avait pas été une partie de plaisir, il en aurait fallu plus pour lui faire rebrousser chemin. Mais peut-être que la misère humaine, exposée dans sa plus humble nudité sous le regard professionnel du corps soignant, était plus difficile à supporter.
Entrant à la suite de la jeune médecin dans un des dortoirs pour les patients, Calixte eut un temps d’arrêt à la vision des nombreux lits intercalés. Comme il était étrange, soudainement, de contempler les choses de l’œil critique de celui qui devait travailler ici.
- Avec le mauvais temps qui arrive, on aura de la chance si une personne entrant ici ne ressort pas en ayant choppé la toux des autres… commenta-t-il en écoutant les lamentations de Wendy.
Elles ne durèrent cependant pas longtemps, et semblèrent réaffirmer la détermination de la jeune femme. Emboitant le pas énergique de celle-ci, Calixte la suivit derrière un rideau pour aller à la rencontre d’un homme d’une quarantaine d’années. Son visage était crispé, et bien que son corp fût dissimulé sous les draps, l’espion pouvait lire une raideur douloureuse dans la posture du soldat. Que ce dernier affirma rapidement au questionnement du médecin.
Wendy ne lui permit pas de jeter un coup d’œil au corps du malade, et Calixte ne s’en offusqua pas. Chaque chose en son temps. Il redirigea son énergie à effectuer sans trop de maladresse ce qu’elle lui demandait, et à évaluer les informations qu’elle lui donnait concernant l’état de santé du patient.
- Les nerfs n’ont pas été touchés ? demanda-t-il d’une voix calme collant au ton utilisé par Wendy. Ou est-ce que les soins permettent leur réparation ?
Dans le petit meuble adjacent il trouva le matériel de soins de base nécessaire que le médecin requérait, mais définitivement pas assez de gaze selon ses propos, et pas de couteau stérilisé non plus. Il avait vu dans le couloir menant aux dortoirs de grandes armoires vitrées avec de nombreux étiquetages, et si l’organisation du pôle médical se trouvait aussi méthodique que le reste de la Caserne, il trouverait là-bas ce qu’il fallait pour la jeune femme. Sortant rapidement exécuter les ordres de Wendy, il adressa à cette dernière d’un ton à la fois taquin et sérieux :
- Oui, chef !
Il devait s’avérer que les armoires disposées dans le couloir étaient remplies de trésors. Trésors passant complètement inaperçus aux yeux des simples passants. Ou patients. Mais maintenant que Calixte avait une petite idée du matériel dont avaient besoin les soignants, il ne pouvait qu’admirer les colonnes de matériels divers. Ainsi que leur nombre tout de même limité. Il devait sûrement y avoir une réserve centrale ailleurs, mais l’espion espérait que le pôle médical ne souffrait pas trop des restrictions budgétaires. Empoignant ce qui lui avait été indiqué, il retourna au pas de course à l’endroit qu’il venait de quitter.
Posant sur le chariot roulant les différents éléments demandés par Wendy, il lui demanda :
- Comment veux-tu que je te prépare ton champ de travail ? Ou préfères-tu le faire pour que je regarde, et je te préparerai ça pour le prochain patient ?
- C’est une bonne vision des choses. Effectivement, on s’occupe des boulets comme toi et des blessés en utilisant toutes les connaissances possibles mais ta réponse est un peu trop théorique. Elle manque de coeur … Selon toi, vers qui les gens se tournent quand la douleur et le désespoir prennent le dessus ? Je te donne la réponse. Les médecins. Nous sommes en charge des douleurs des autres et nous devons faire de notre mieux pour les apaiser et ce, sans jamais nous laisser être déroutés de notre chemin. Sans jamais recevoir de reconnaissance. Parfois, un patient meurt … Alors, on l’enterre dans notre coeur et se jurant de ne plus perdre une vie dans les mêmes conditions. C’est un métier de coeur. Si tu ne comprends pas ça, alors enlève cette blouse et sort d’ici.
Le ton était autoritaire, presque froid mais on ne rigole pas avec la philosophie des médecins. Et encore moins avec Wendy. Il faut dire que son travail, c’est sa vie. Vous riez de son métier, vous riez d’elle. Et donc, elle vous remet à votre place ! C’est simple, non . Elle continua donc son chemin, écoutant bien sûr les remarques de son élève du jour. Effectivement, la période froide était synonyme d’épidémie. Il lui faudrait sans doute mettre en place des règles d’hygiène encore plus strictes pour la période. Et refaire un nettoyage intégral de certaines pièces … Bref, une montagne de travail les attendait !
Les auscultations commencèrent donc avec le patient blessé à la colonne vertébrale et, aussi surprenant que cela puisse être, Calyxte posa une question qui n’était pas totalement sans intérêt. Alors qu’elle palpait le dos du patient avec attention, elle répondit donc à son élève.
- Par chance, les nerfs n’ont subi aucune lésion importante. Si ça avait était le cas, la magie n’aurait pas pu faire grand chose et ce patient n’aurait pas pu continuer d’exercer dans la garde … Déjà qu’avec ses blessures actuelles, il lui faudra une longue période de rééducation afin de retrouver toutes ses capacités. Maintenant, au travail !
Le coursier se montra particulièrement réactif et partit au pas de course chercher le matériel demandé. Elle n’avait pas pris le temps de lui dire où se trouvaient les instruments. Après tout, il passait tellement de temps ici qu’il devait bien finir par savoir ! Elle profita donc de son absence pour parler un peu avec son patient et le rassurer quant à l’acte chirurgical qui allait avoir lieu. Celui-ci sembla rassuré par la douce voix de la demoiselle et l’explication claire qu’elle lui donna. Enfin, Calyxte arrive avec tous les ustensiles, toujours aussi motivé à se rendre utile mais rapidement reçu par Wendy.
- Je vais m’en occuper. Regarde et apprend. Tu devras effectivement préparer le champs de travail la prochaine fois.
Qu’elle est dure avec lui … Pourtant, c’est bel et bien un sourire qui se dessine sur son visage. Elle vint lui tapoter l’épaule puis le contourna pour faire rouler le lit du patient et ce, jusqu’en salle d’opération. Une fois là-bas, elle plaça le lit juste à côté de la table d’opération pour alors faire rouler le corps de l’homme et le mettre sur le ventre, dévoilant alors son dos. On y observait des zones rondes où la chaire était à vif et semblait infectée. La chaire était aussi noircie sur les bords. Wendy enfila alors des gants, une blouse d’opération ainsi qu’un masque, faisant signe au jeune apprenti de faire de même. Elle sortit une seringue à l'aiguille épaisse et injecta un produit dans un point bien précis du dos pour anesthésier la zone entière et ce, tout en gardant le patient conscient. La belle rousse commença alors à lui expliquer ce qu’il voyait.
- Ceci est un escarre. C’est une lésion cutanée qui est dûe au manque d’irrigation de sang dans la peau. C’est assez fréquent chez les personnes immobilisées pendant de longues périodes. Je vais effectuer un débridement, ça consiste à retirer les tissus nécrosés pour éviter que ça se répande et cela, avec un couteau stérile. Ensuite, on utilisera le gaz et le désinfectant pour faire des pansements et ce sera fini. On surveillera l’évolution tous les jours et ce, pendant une semaine.
Les explications étaient claires et méthodiques. Elle avait beau dire, Wendy aimait assez bien le rôle de professeur. Transmettre son savoir était assez gratifiant ! Bon, elle ne ferait pas ça tous les jours mais de temps en temps, ça peut être agréable … La chirurgienne tapota légèrement le dos de l’homme qui, pour une fois, ne trembla même pas.
- Vous ne sentez plus rien ? N’hésitez pas à me le dire si vous sentez quoi que ce soit ...
- Ne vous inquiétez pas, je ne sens rien !
- Parfait, on va commencer alors … Ne bougez pas …
Elle remonta ses gants et attrapa le couteau à ses côtés qu’elle observa avec un petit sourire, invisible sous son masque mais se trahissant à travers son regard pétillant. Bistouri … Oh cher bistouri, son compagnon de toujours. Elle le maniait depuis son adolescence. D’abord aux côtés de son grand-père, maintenant en solo. Elle en avait fait du chemin depuis sa première opération. Mais ce n’est pas le moment de se laisser aller à la nostalgie ! Il faut se concentrer. La demoiselle se lança donc au coeur du combat, comme elle aimait le dire. La lame sembla danser sur la peau du quarantenaire, créant un saignement presque automatique. Mais la rousse ne sembla pas paniquer. Au contraire, sa voix était terriblement calme.
- Calyxte, éponge le sang. Dépêche toi.
Laissant les instruments médicaux aux mains expérimentées de la jeune garde, Calixte observa avec attention ses gestes soigneux. « Regarde et apprends », cela semblait être le thème de leur matinée, et cela convenait parfaitement à l’espion. Alors qu’elle brancardait d’une poigne experte le lit du patient, Calixte la suivit avec le matériel posé sur la table roulante. Les couloirs n’étaient pas très larges, mais ils arrivèrent sans soucis à la salle d’opération. Probablement que des déménagements comme celui-ci étaient tout de même plus aisés en début de journée lorsqu’il n’y avait pas encore trop de monde errant à l’infirmerie.
Amenant la table avec les ustensiles juste à côté de celle d’opération, Calixte réprima un haut-le-cœur lorsque l’homme se retourna et dévoila ses plaies. Ça n’était pas tant la vue de la chair nécrosée, purulente et suintante, qui indisposait l’espion, que l’odeur infâme qui s’en dégageait. Invité par Wendy à enfiler masque et gants, il ne se fit pas davantage prier pour se couvrir le nez. Même si, il s’en rendit bientôt compte, cela ne changeait pas grand-chose.
- Qu’est-ce qu’il y a dedans ? demanda-t-il à la médecin en indiquant la seringue anesthésiant localement le patient. Ne serait-il pas intéressant qu’il reste quelques temps sur le ventre, si ce sont les points d’appui qui évoluent ainsi à l’immobilisation prolongée ?
Les propos de Wendy étaient clairs et précis, suffisamment succincts pour être compréhensibles des néophytes comme Calixte, et en même temps invitant aux interrogations si la curiosité poussait au-delà. Le ton était toujours aussi calme et serein, oasis de fraîcheur dans cette atmosphère pouvant rapidement devenir pesante. Et, visiblement, la jeune fille semblait se faire à son rôle d’enseignante. En tous cas, l’espion se faisait sans soucis à son rôle d’apprenti. Elle lui rendait les choses faciles, et accessibles, dans un univers complexe et brutal.
Le scalpel stérilisé monta soudain, et Calixte retint son souffle : c’était parti. Fasciné par l’usage de la lame pour favoriser la vie plutôt que de la prendre, l’espion fût un moment dérouté. Puis l’injonction de Wendy le rappela à l’ordre. Ouvrant le plateau propre contenant un monticule de compresses épaisses, il s’en saisit et s’efforça au mieux de répondre à la demande de la jeune médecin. Une odeur métallique s’était ajoutée à celle, moins facile à supporter pour l’espion, de la purulence et des chairs en décomposition. Il commençait à avoir un peu chaud, et il se força à se concentrer sur autre chose que le parfum dérangeant des plaies afin de ne pas tourner de l’œil. Il ne tenait pas à s’évanouir le nez dans les chairs du patient, et Wendy le lui ferait chèrement payer si c’était le cas. Lentement, et sans anesthésiant.
- C’est normal cette odeur ? demanda-t-il à la jeune femme.
Bon, il n’avait pas vraiment réussi à se focaliser sur un autre sujet, mais c’était déjà le début d’une diversion pour son esprit tournant en boucle.
- Un anesthésiant à base de plusieurs plantes, je te montrerais les documents à ce propos plus tard. Quant à ta proposition, elle ne manque pas d'intérêt. Malheureusement, les escarres apparaîtraient aussi sur le torse. De plus, tout le poids du patient reposerait sur sa cage thoracique. Il est donc préférable de le laisser sur le dos et de vérifier son état quotidiennement. Mais je vais demander aux quelques infirmières d’effectuer un massage de la zone une à deux fois par jour pour faire circuler le sang. Cela devrait lui permettre de s’en remettre au mieux !
Le patient, bel et bien conscient, échappa un petit rire fatigué, visage contre la table d’opération. Le tressaillement de son dos le fit bien sûr souffrir mais il reste d’une surprenante bonne humeur.
- Eh bah au moins, je serais massé par de jolies infirmières ! Je devrais me casser une vertèbre plus souvent !
Wendy ne put que rire à sa petite blague en roulant des yeux, lui demandant d’être silencieux pendant l’intervention. La suite, vous la connaissez. La rousse commença son opération, faisant danser la lame sur la peau du quarantenaire avec la plus grande des aisances, ordonnant par la même occasion à son cher apprenti d’éponger les saignements qui en découlèrent. Et bien qu’il mît une petite seconde à réagir, il s'exécuta, plaçant des compresses sur la source de l’écoulement afin de conserver la visibilité du champ opératoire. La rouquine remarqua alors le teint de Calyxte qui était devenu un peu plus pâle qu’auparavant. Il n’avait pas intérêt à tomber dans les pommes … Elle lui ferait la peau sinon ! La jeune femme avait tendance à oublier que ce n’était pas tout le monde qui était habitué à de telles odeurs tout en le gardant à l’oeil, Wendy continuait son opération, jetant dans un bac d’acier les chaires mortes et nauséabondes. Les gestes de la demoiselle étaient rapides et précis. C’était une balade de santé pour elle. Mais une longue balade de santé qui dura tout de même 30 minutes afin que les plaies soit parfaitement propres.
- Oui, l’odeur est normale. Vu que les chaires sont mortes privées de sang, elles pourrissent et dégagent le même parfum qu’un cadavre. On s’y habitue, ne t’inquiète pas !
Wendy retira enfin le scalpel de la peau du patient. Elle déposa l’outil souillé de sang sur le petit chariot, changea ses gants et attrapa le gaz qu’elle trempa dans de l'antiseptique. Elle le plia, sous forme de carré puis les plaça sur les plaies afin de faire des pansements. Concentrée, elle décida de poser une question au petit blondinet.
- Calyxte, selon toi, pourquoi ai-je utilisé du gaz trempé d'antiseptique pour faire les pansements ? Si tu réponds mal, tu seras de corvée de nettoyage de LA pièce ~
Sa question se termina dans un petit rire. Ah bah oui, elle doit bien s'amuser un peu, sinon, à quoi ça sert d'enseigner ? Bon, hors humour, elle a surtout besoin d'une excuse pour faire faire le ménage d'une des pièces à quelqu'un. La belle rousse retira tranquillement ses gants, son masque et poussa un soupire de soulagement en regardant le résultat de son travail. Plus qu’à voir l’évolution des plaies avec le temps mais tout devrait bien se passer. Elle se pencha vers le visage de son patient et lui fit un grand sourire rassurant avant de le remettre sur son lit, le faisant glisser doucement.
- Et voilà ! Vous allez voir, la douleur sera un peu forte au réveil de vos nerfs mais elle chutera bien vite !
- Merci docteur ... !
La jeune femme se redressa et observa son élève en tapant dans ses mains.
- hop hop hop! Pas le temps de se reposer ! Ramène le avec son lit jusqu'au dortoir. Qu'il reste allongé pendant quelques heures puis qu'il se remette sur le dos !
Wendy s'occupa de ranger le matériel, confiant alors le patient à Calyxte qui a su gagner un minimum sa confiance.
Une petite routine se mit en place le temps des soins et, suivant les propos de la médecin, la gêne olfactive de l’espion se dissipa peu à peu. Elle reviendrait probablement au prochain pansement, et ce pendant encore un petit moment, mais comme le corps s’habituait à tout, il s’habituait aussi déjà à cette odeur particulière. Observant attentivement les gestes habiles de Wendy, et évaluant sa progression selon les informations qu’elle lui avait données, il fut satisfait de voir qu’il était capable d’apprécier quand est-ce que la fin du soin se profilait. Son horloge interne lui indiqua que l’acte avait tout de même pris un peu de temps, mais tout occupé à la tâche il n’avait pas vu les minutes défiler.
Observant la jeune femme fermer le pansement, il ne fut pas surpris de l’entendre lui poser une question… sur un ton un peu taquin. Il n’en attendait pas moins d’elle. Et il appréciait cette manière ludique d’aborder son apprentissage. Il était peut-être un peu masochiste.
- Pour limiter le risque infectieux ? proposa-t-il en avisant le cagibi où devait être entreposé le matériel de nettoyage de la pièce.
Imitant la médecin, il retira lui aussi ses vêtements d’opération et aida celle-ci à rebasculer l’homme sur son lit. Il arborait un sourire un peu douloureux mais aussi rassuré.
- Oui, chef ! s’exclama Calixte en commençant à brancarder le patient.
Et fichtre que c’était moins facile qu’elle ne l’avait laissé paraître ! Le lit se barrait dans tous les sens, les roulettes glissaient mal, et les cadrans de porte avaient visiblement été taillés avant que l’infirmerie et ses brancards ne fussent affectés au bâtiment. Heureusement que l’homme qui venait de passer sous le scalpel n’avait pas facilement le mal de mer et qu’il était bon public. Ce fut en ricanant bêtement qu’ils regagnèrent enfin le dortoir où l’homme résidait temporairement, et que ce dernier souhaita bien du courage à Calixte. Entre temps, l’espion lui avait soutiré les circonstances exactes de sa blessure, les données concernant son entourage familial, son expérience en équitation – petite disgression suite à la conduite bancale du brancard – et son avis plus que positif concernant le personnel soignant. Tout le monde le savait : le pôle médical était vraiment le lieu de recueil de toutes les rumeurs, de tous les secrets.
Comme un infirmier distribuait des traitements à quelques autres patients présents, Calixte en profita pour lui reléguer les consignes de massage dont lui avait parlé Wendy, et après quelques remerciements, il repartit d’un pas rapide rejoindre celle-ci. Lorsqu’il l’avait quittée elle commençait à ranger le matériel utilisé, et elle avait peut-être besoin d’aide.
Et peut-être aurait-il du se douter que sa malchance habituelle allait faire des siennes, car c’est à ce moment qu’apparu affolé un garde au bout du couloir. Il maintenait de ses bras une collègue dont la pâleur rivalisait avec celle des murs, et ils étaient accompagnés d’une femme que Calixte reconnu comme la dame de l’accueil. Cette dernière marchait d’un pas brusque et l’apostropha sans attendre :
- Où est le médecin le plus proche !?
Fort heureusement la salle d’opération était juste à côté, et l’espion ouvrit la porte de la pièce où il avait laissé Wendy. En si peu de temps, il lui paraissait improbable qu’elle ait déjà fini de tout ranger, tout de comme de laisser la place à une autre intervention.
- Wendy !? Urgence.
La dame de l’accueil passa son visage par l’ouverture de la porte et s’adressa à la jeune médecin d’un ton pressé :
- Une garde enceinte de sept mois a des contractions, et du sang s’écoule de son entre-jambe.
Laissant les deux femmes échanger d’autres propos médicaux, Calixte rebroussa chemin – enfin quelques mètres à peine – pour aider ses camarades. Il passa le second bras de la jeune fille par-dessus son épaule, et emmena les deux militaires vers la salle où se trouvait Wendy.
- C’est exact ! Il pourrait faire une septicémie. Une infection du sang particulièrement destructrice alors nous faisons tout pour que ça n’arrive pas. Prévoir les possibles maladies est important en médecine. N’oublie pas ça.
D’un geste de main, elle fit donc partir son élève avec le brancard, se demandant intérieurement combien d’objets il casserait en route. Cela semble facile en apparence mais ces maudits lits à roulette sont ses pires ennemis ! Il y a toujours une roue qui décide de se rebeller ou bien un objet empêcher de prendre correctement un virage. Il fallait avoir un bon coup de main et cela, ça n’arrivait qu’à force de rentrer dans des murs. Le dos du patient était encore endormi, cela ne devrait pas poser de problèmes. Elle pouvait lui confier. Et puis, rien que d’imaginer la scène, elle avait envie de rire. Il lui raconterait tout ça à son retour ! C’est sur cette pensée que la demoiselle se mit à ranger la salle. Elle jeta les chaires nécrosées et le gaz couvert de sang rapidement puis se mit à nettoyer les ustensiles. L’habitude fit qu’elle avançait à un rythme assez soutenu. Elle profite du silence de la pièce pendant ce petit moment de paix. Mais voilà, le calme est rapidement brisé par du bruit venant du couloir. Wendy leva la tête puis tendit l’oreille, un poil curieux. Ouhla, ça ne semblait rien annoncer de bon. Et effectivement, l’instant d’après, Calyxte faisait son entrée dans la pièce, en panique pour lui annoncer une urgence. Ne pouvait-il pas être plus précis bon sang ?! Enfin bon, son visage lui prouve bien qu’il n’exagère pas. Et de toute manière, la dame de l’accueil arriva juste après pour lui faire un topo. Oui, c’est une vraie urgence. La rousse n’a plus le temps de prendre des pincettes avec son élève. Pas cette fois. Alors, elle se mit à parler très fort, mais toujours d’un ton empli de calme.
- Calyxte, tu vas me chercher de l’eau chaude et des linges propres. Plus vite que ça. Lexie, allez me chercher deux infirmières. On va pas avoir le choix … On va essayer de mettre ce bébé au monde.
Ah le stress qui coule dans ses veines, comme le carburant des miracles. La praticienne espérait que tout se passerait bien. Quoi qu’elle en dise, ce n’est pas son domaine de prédilection. Mais elle n’a pas le choix. Elle fit signe au garde qui portait la future mère de la déposer sur la table, ce qu’il fait sans trop tarder. Déjà, il lui fallait calmer la mère. Le but était de garder le bébé mais aussi la jeune femme en vie. Et pour ça, il ne fallait pas qu’elle soit en état de panique. Alors doucement, elle s’en approcha, lui attrapant la main avant de lui sourire avec tendresse.
- Je suis le docteur Waltz … C’est moi qui vais vous aider à mettre ce petit bout de chou au monde, d’accord ? Respirez un grand coup, comme moi … !
Elle mima une grande inspiration, puis une expiration et ce, à quatre reprise. La femme se cala sur ce rythme, rendant son oxygénation plus optimale. Alors, Wendy reprit son explication d’une voix douce.
- Tout va bien se passer, d’accord ? C’est un peu tôt mais l’enfant sera juste fragile … Il faudra du repos mais tout ira bien …
Enfin, elle a beau vouloir être rassurante, cela reste un accouchement à risque. Sept mois, c’est peu. De plus cet écoulement de sang n’annonce rien de bon. Cela pourrait bien être un mort-né … Dans ce cas, la mère serait mentalement détruite. Pourtant, la rouquine préfère garder espoir. Enne confie la main de sa patiente à son camarade garde avant de passer entre les jambes de la femme pour observer les centimètres d’ouverture du col de l’utérus. Un drap cache la vision aux personnes extérieures, histoire de préserver un minimum de dignité et d’intimité. Wendy s'adressa à Calyxte qui était sans-doute revenu.
- Lave toi bien les mains et prépare toi. L'opération précédente, c'était rien à côté
Retournant au pas de course dans le couloir avec la table roulante fraîchement nettoyée et désinfectée, il avisa le chariot contenant les linges propres. Empilant une quantité lui semblant adéquate, il apostropha les infirmières qui arrivaient avec un pas rapide :
- Où est-ce que je peux trouver de l’eau chaude ?
Parce que bon, s’il fallait qu’il allume un feu de bois dans la pièce, il allait falloir qu’il accélère franchement la cadence ! L’une des infirmières lui indiqua d’un geste pressé de les suivre, en lui répondant hâtivement :
- Dans les tonneaux à l’entrée de chaque pièce, je vais te montrer. Prends deux bassines avec un double cercle dans le fond, et viens !
S’exécutant, l’espion se dépêcha de récupérer les objets indiqués et repénétra à la suite des soignantes dans la salle d’opération. Avisant les fameux tonneaux, il remarqua qu’un double cercle identique à celui inscrit sur les bassines était présent sur les trois gros contenants.
- Chaque jour ils sont remplis avec de l’eau chauffée par une cheminée dans une autre pièce, et grâce à une imprégnation magique ils la conservent chaude. Idem pour les bassines que tu peux remplir ici et amener au médecin, lui expliqua rapidement l’infirmière avant de suivre sa collègue pour rejoindre Wendy.
Cette dernière avait visiblement avancé dans la préparation de la patiente, qui si elle était toujours aussi pâle, paraissait légèrement moins tendue. Elle avait été installée en position gynécologique pour favoriser le travail du personnel soignant, et son camarade garde lui tenait la main. Pour le coup, lui semblait de plus en plus mal à l’aise, et son teint avait pris une certaine touche verdâtre.
Les bassines remplies d’eau chaude et les linges empilés sur la table roulante, Calixte retourna avec ses emplettes près de la jeune médecin. Comme si elle avait bien calculé le temps qu’il lui avait fallu pour réaliser tout ça – ou alors elle avait peut-être tout simplement senti sa présence – elle lui indiqua de se préparer pour l’intervention à venir. Même si sa curiosité était intriguée par la suite des opérations, il regrettait tout de même un peu le patient précédent, qui finalement lui paraissait beaucoup plus simple de gestion. Malgré ses plaies odorantes.
Néanmoins, avant qu’il n’ait eu le temps de s’exécuter, son camarade de la garde choisit ce moment pour tourner de l’œil. Probablement était-il aussi peu habitué que l’espion à ce genre de situation, et entre la vision particulière des complications en cours et les cogitations autours des tenants et aboutissants de celles-ci, son cerveau avait choisi de disjoncter. Sur un élan d’adresse qui lui ressemblait peu, Calixte attrapa la tête du militaire avant qu’elle ne se fracasse contre le sol. Bon, le reste de son corps heurta tout de même le carrelage dans le bruit sourd d’un poids mort, et l’une de ses épaules avait à présent un drôle d’angle, mais… il avait peut-être un peu évité la casse ?
Etonnamment, cela fit rire la patiente allongée. Puis pleurer.
- Ces hommes, fit-elle entre le rire et les larmes.
Vérifiant rapidement les constantes de l’homme évanoui, Calixte l’éloigna du cœur de l’intervention et lui leva les jambes contre le mur. Son épaule luxée pouvait certainement attendre. Il ne savait pas si c’était le quotidien de Wendy, mais il se dit que, finalement, les journées de la jeune médecin étaient aussi palpitantes que les siennes en tant qu’espion. Revenant auprès de celle-ci, il commençait à se préparer lorsque la patiente lui attrapa le coude.
- Ce sera mon troisième enfant mort, lui avoua-t-elle plus larmes que rire. Théo était arrivé à terme, lui. Mais la fièvre me l’a pris tout petit.
Calixte hésita.
- Peut-être ne suis-je pas faite pour être maman, peut-être que je ne le mérite pas, continua-t-elle entre deux soubresauts majorant le flux des torrents dévalant sur ses joues. Je suis sûre que c’est que je ne le mérite pas. Je ne suis pas une bonne fille. Je ne serai pas une bonne mère.
La pression sur son bras s’accentua avec la détresse de la jeune garde, et l’espion trancha. Prenant entre ses mains celle de la patiente, il se tourna vers elle et se mit à sa hauteur :
- Je ne sais pas si vous êtes une bonne fille, ou si vous seriez une bonne mère. Mais pour avoir cet insigne sur votre poitrine, je pense que vous êtes une bonne garde, et que comme tous les bons gardes : vous faites au mieux. Et pour nous aider à faire, nous aussi, au mieux : pourriez-vous me dire quand est-ce que vous avez eu cet insigne ?
La main froide de la patiente serra les siennes avec la ferveur de celle qui se noie. Son regard était toujours embué, mais avec une lueur de dernier espoir. Celle qui fait attraper la branche, quelle qu’elle soit, que l’on vous tend.
- C’était il y a une dizaine de mois, lors de la dernière saison fraîche.
- D’accord. Alors, toujours pour m’aider, pourriez-vous me décrire précisément comment ça c’est passé ?
Alors que la jeune femme fermait les yeux pour mieux se remémorer l’évènement, Calixte adressa un regard un peu incertain à Wendy : je reste là, tu as deux autres aides, mais si tu as quand même besoin de moi appelle-moi. Puis il continua à guider la patiente dans les sensations, et les émotions, de ce souvenir insouciant, de ce souvenir de bonheur.
Mais ce qui se passa, elle ne l’avait pas prévu. Peut-être car elle n’avait jamais lu le dossier de la patiente ? Non, c’est plus que ça. Car, même si en le lisant, elle aurait pu anticiper la vague de détresse et de désespoir de la garde, jamais elle n’aurait trouvé d’aussi bons mots que ceux du blond. Non, ça, elle en est certaine. C’est un petit sourire qui de dessina sur les lèvres de Wendy. Qu’il continue à l’aider à se détendre car bientôt, il faudra pousser et paniquer ne ferait qu’empirer les choses. La jolie rouquine le regarda donc, avec un regard des plus rassurant, répondant au sien plus incertain. Il fallait qu’il reste calme et détendu lui aussi. Elle pourrait gérer avec les deux aides, qu’il se concentre sur sa tâche actuelle. Et sans le savoir, Calyxte venait de gagner assez d’estime de la part du médecin pour continuer d’être son élève et ce, pendant toute la période qu’il désire. Enfin, s’il ne fait pas de grosses betises bien entendu.
Autour d’eux, une des aides préparait les linges pour recevoir le nouveau né. Quant à l’autre, elle vérifiait les constantes de la future maman. Tout était agitation et en même temps, d’un calme surprenant. Comme le coeur d’un cyclone. Mais ce n’est pas le moment pour les jolies phrases car une violente contraction arrive et la pauvre main de l'apprenti se trouve dans celle de la patiente. Il suffit qu’elle est une bonne force dans les mains et le blond passerait un mauvais moment. Très mauvais. La voix sereine de Wendy intervient alors, interrompant l’agréable petite discussion des deux membres de la garde.
- Vous êtes prête ? On va s’y mettre … Prenez le même rythme de respiration que je vous ai montré puis quand je vous le dit, vous poussez de toutes vos forces …
Le médecin mima le rythme de respiration en question, ajoutant un geste de main pour guider la patiente. Cela dure une petite quinzaine de seconde. Une vive contraction arrive chez la patiente et c’est à ce moment là que Wendy ordonne.
- Poussez !
L’action dure une dizaine de seconde puis la contraction s’en va. La garde arrête de pousser pendant quelques instants, reprenant son souffle. ce petit manège recommence donc à plusieurs reprises, pendant cinq minutes, la main du blondinet sans doute broyée à chaque fois par la poigne de la très prochainement mère. Et ce, jusqu’à ce qu’un petit sourire étire les lèvres de la belle.
- Je vois la tête, on y est presque !
Le plus dur est passé, il fallait continuer ainsi. L’ensemble des personnes présentes recommença donc le système de : respiration, contraction puis poussage. Le bébé avance et après 30 minutes d’efforts, le petit bout de chou est enfin là et pousse un grand cri. Ou plutôt, il pleure. C’est le meilleur des signes à la naissance d’un enfant. Si il cri, il respire et si il respire, c’est qu’il est en vie. Pendant un moment, Wendy avait vraiment eu peur. La mère était épuisée, que ce soit physiquement ou mentalement et ils auraient pû perdre la mère et le bébé. Mais la présence de l’apprentit avait eu un grand impact sur le déroulement de cet accouchement.Rapidement, Wendy accrocha une pince sur le cordon ombilical qu’elle coupa d’un ciseau stérilisé puis une des aides la roula dans une couverture bien chaude, essuyant le sang sur son visage avec l’eau chaude. Ce bébé était … minuscule. Minuscule mais en bonne santé.
La rousse resta une seconde attendrie par le nourrisson avant de faire signe à Calyxte d’approcher. Quand il arriva à sa hauteur, elle prit l’enfant et lui tendit avec un sourire des plus doux. Sa voix se fit toute aussi délicate et elle murmura.
- Tu as mérité de poser cet enfant sur sa mère … Félicite la mère et dis-lui que c’est un petit garçon en pleine forme … Et oublie pas, met le bien peau contre peau !
La jeune garde s’était finalement laissée aller à ce souvenir tendre, bienheureux, et son corps initialement crispé s’était peu à peu détendu, invitant les soignants à préparer l’évènement avec le doigté nécessaire. Dans ce maelström d’émotions et de petites choses complexes à gérer, un instant de calme semblait avoir enveloppé les protagonistes. Pour un temps. La main de la patiente se resserra un peu sur la sienne, et Calixte fut presque surpris de pouvoir voir, de ses yeux, les contractions déformer le ventre rond de sa camarade. La voix de Wendy s’éleva, toujours aussi sereine et professionnelle, et la jeune garde se laissa guider dans la suite des opérations.
Il y eut un moment étrange, et l’espion n’aurait su dire combien de temps il s’était écoulé. Où la main de sa camarade dans la sienne, leur proximité improbable dans l’expérience, l’invita encore davantage dans ce partage. Les doigts serrant les siens semblèrent être la continuité de lui-même, leurs souffles travailleurs ne furent plus qu’un, et le tourbillon d’espoir, de volonté et de peur extrêmes, les enveloppa ensemble. Le temps de ce moment, il ne fut plus lui, mais participant volontaire et involontaire d’une entité plus grande, plus intense. Le moment de ce temps, il se perdit dans le flot de l’action et des émotions. Et ce fut étrangement libérateur. Etrangement touchant.
Le cri plaintif du nouveau-né le rappela à lui-même, et il serra la main entre les siennes. Des larmes roulaient toujours sur les joues de la jeune garde, mais elles ne semblaient pas aussi amères que les précédentes. De la sueur lui perlait sur le front, et un peu de rouge avait teinté son visage pâle. Son regard était fixé au-delà de ses jambes écartées, sur la petite silhouette du nourrisson gémissant. Alors que l’une des infirmières venait à leur hauteur pour s’occuper davantage de la jeune femme, Calixte lâcha doucement la main de sa camarade et rejoignit Wendy qui lui avait adressé un signe.
Son regard s’attarda sur le nouveau-né. Il était vraiment… tout petit ! Mais vraiment. Vraiment, vraiment, vraiment. Il était presque instinctivement anormal de le voir capable de respirer et de s’agiter. Allait-il vraiment pouvoir survivre si petit ? Si immature ? Prenant sur lui pour ne pas trop montrer ses interrogations, et son inquiétude, Calixte prêta davantage attention aux paroles de Wendy… et paniqua encore plus. Ses yeux ronds comme des soucoupes croisèrent le regard déterminé de la médecin et il tendit automatiquement les bras pour recevoir le nourrisson.
Il était tellement étrange d’avoir ce petit bout d’homme entre les bras. Ce tout tout tout petit bout d’homme. Miracle de la nature, d’une rencontre, et d’un corps maternant. Et, à ce terme, visiblement un miracle tout court. Calixte se sentait à la fois honoré et très maladroit. Avait-il vraiment le droit, lui l’espion gauche, le militaire médiocre, l’humain lambda, de tenir entre ses mains ce fruit du labeur délicat et complexe de la vie ? Ne risquait-il pas de l’abimer, de mal le manipuler, de lui transmettre quelconque vice avec ses mains malhabiles de soldat ? Avec une espèce de déférence solennelle et milles précautions attentives, il retourna vers la jeune maman que l’infirmière avait préparée.
Une paire de main maternelles l’accueillit, et il guida naturellement l’enfant contre la poitrine dénudée de la jeune femme. Si l’apprentissage d’espion lui avait bien servi avant le travail, il semblait à présent se dérober à lui. Emmêlant les mots décousus qui lui venaient à l’esprit, il montra vaguement l’entrejambe du nouveau-né ainsi que sa silhouette globale. Un rire soulagé accueillit néanmoins sa tentative défectueuse de parole, et Calixte arrêta de bafouiller pour adresser un sourire contrit à sa camarade militaire.
Revenant vers Wendy après un dernier regard à la mère et son fils, l’espion adressa un regard interrogateur à la médecin : quoi maintenant ?
Calyxte était, dans un premier temps … Maladroit. Maladroit mais très attentionné. Ça se voyait dans ses gestes. Il ne voulait pas faire d'erreur. Comme s'il portait dans ses bras l'une des sept merveilles du monde dans ses bras. C'était assez adorable à voir comme spectacle. Les infirmières et Wendy observèrent le jeune homme sans un mot, un grand sourire aux lèvres, comme satisfaites du déroulement des événements. La toute jeune mère serrait son nourrisson contre sa poitrine avec un doux sourire, berçant celui-ci en faisant preuve de la plus grande tendresse possible. Celle que seule des parents peuvent offrir à leurs enfants.
Mais il fallait bien sortir de cette atmosphère de tendresse et d'amour, bien que cela soit agréable. Quand le blond s'approcha de la rouquine, celle-ci poussa un petit soupire et se dirigea vers la sortie.
- Laissons les infirmières travailler si tu le veux bien. Je vais me rafraîchir le visage avec un peu d'eau et on reprendra le travail. Retrouve moi dans le hall, d'accord ?
Et oui, pas de repos pour les héros. D'autres patients attendaient et la journée était loin d'être finie ! Wendy prit donc la direction des toilettes, laissant son corps se détendre sur le chemin. Elle arriva bien rapidement au toilettes et remplit ses mains d'eau fraîche avant de se la jeter au visage et de tapoter ses joues. "Un peu de nerf !" Se disait-elle. Pendant une seconde, elle se contempla dans le miroir, se disant alors qu'elle avait tout de même une mine affreuse. Elle avait hâte de pouvoir dormir, bien que cela ressemblerait sans doute plus à une sieste dans son bureau. Enfin bon. Il fallait retourner au combat, son apprenti attend sûrement. Elle essuya donc son visage avant de reprendre sa route en direction du hall. Le médecin avait repris son visage souriant et plein d'énergie, lisant le contenu d'un dossier.
- Bon, comment te sens tu Calyxte ? Nous allons simplement finir notre tour des dortoirs puis nous recevrons des - patients en auscultation
Elle sourit et se met en route, sans vraiment attendre sa réponse. Il faut dire que même s'il se sent mal, il doit continuer de travailler. C'est la réalité du métier après tout. Mais, le médecin, avec un petit sourire, donna un coup d'épaule taquin à Calixte, échappant un petit rire discret.
- Et félicitations en fait. Tu as était très utile pendant l'accouchement !
Il n’était cependant pas destiné à accomplir ce fastidieux devoir tous les jours, et ça n’était pas plus mal. Bien que sa curiosité n’ait rien trouvé à redire à sa matinée, et que les minutes – et les heures – passèrent crème, il n’était clairement pas taillé pour ce type de travail. Et peut-être que les sens s’habituaient peu à peu à l’humain dans toutes ses conditions, et peut- être que l’on se faisait petit à petit à la détresse sous toutes ses formes, mais Calixte n’était pas certain de pouvoir s’atteler à cette tâche particulière sans en emprunter une part de souffrance. Il ne savait pas comment Wendy pouvait être aussi vaillante, elle qui semblait être de tous les feux par tout temps et toute heure. A présent qu’il n’avait goûté qu’à une infirme partie de son quotidien, il avait l’impression qu’il allait falloir qu’il veille un peu sur elle. Car qui prenait soin des soignants ?
L’un de membres de l’accueil le reconnaissant vint à sa hauteur et lui déposa une coupelle remplie d’amandes entre les mains. Il lui indiqua qu’il s’agissait d’un en-cas pour la pause, pour lui-même ainsi que Wendy, et Calixte le remercia avant de grignoter quelques fruits secs. Leur goût sucré lui redonna un peu d’énergie, et il se leva en apercevant la jeune médecin revenir vers lui. Elle avait déjà le nez dans un nouveau dossier !
- Un peu ému par tout ça, mais complètement prêt pour d’autres découvertes ! avoua-t-il en tendant quelques amandes à la jeune femme. Finalement l’accouchement m’a plus impressionné que les chairs de l’autre patient à l’escarre, continua-t-il en emboitant le pas de Wendy. Même si ce dernier ne sentait vraiment pas la rose, réfléchit-il pensif. D’ailleurs j’espère que son compagnon se remettra de l’affaire, ajouta-t-il avec un petit rire. Il faudra que tu me remontres comment réduire une épaule luxée. On avait vu ça dans les premiers soins enseignés aux gardes, mais ça fait belle lurette que je n’ai pas revu la manœuvre.
Rigolant en réponse au rire et au coup d’épaule taquin de la jeune femme, il rougit à son compliment. Et se tapa promptement le pied dans une étagère au décours d’un couloir. Sautillant légèrement et maudissant distraitement sa maladresse, et répondit sincèrement à la médecin :
- Merci.
Le long de son apprentissage de militaire, d’espion, et à présent d’assassin, il avait pu compter sur les doigts de ses deux mains le nombre de félicitations franches qu’il avait reçues de la part de ses enseignants. Zahria, pour toutes ses taquineries, avait toujours fait preuve de plus de clémence à son égard, mais il la considérait plus comme sa grande-sœur que comme une professeure. Calixte n’était pas connu pour sa réussite. Et s’il s’était fait à l’idée de sa médiocrité, encaissant les critiques et laissant glisser les insultes, il était bien moins préparé à répondre aux compliments.
- Dis-moi franchement, continua-t-il pour dévier le sujet et se rappelant ses interrogations antérieures. Cet enfant va-t-il pouvoir survivre dans ces conditions ? Va-t-il avoir des déficiences ? Y a-t-il des précautions particulières qui vont être prises pour qu’il puisse vivre ?
Continuant à avancer vers les dortoirs en compagnie de Wendy, il songea que les maigres heures qu’Arban Höls lui avait données pour parfaire ses connaissances médicales – à visée meurtrière – semblaient bien dérisoires pour appréhender l’ensemble de celles-ci.
- Y a-t-il de bons livres, ou manuels, de médecine à la bibliothèque de la Caserne ? demanda-t-il.
Les deux amis et pour aujourd’hui, collègues, avançaient à travers les couloirs. Le médecin lisait avec attention le dossier dans ses mains, analysant les informations qui s’y trouvent d’un oeil expert. Elle écoutait d’une oreille les dires du jeune homme ce qui lui arracha un petit rire amusé.
- Oh c’est sûr que ce n’est pas prêt d’arriver à un homme mais pour être totalement honnête … Même pour moi ça reste impressionnant ! Quant à la manoeuvre pour remettre une épaule en place, je te montrerais ça !
La jeune femme continuait et leva l’oeil quand elle remarqua les rougeurs du blond à son compliment. Y était-il si peu habitué ? C’était adorable ! De plus, alors qu’il tentait de faire comme si de rien n’était, il se tapa le pied dans un coin de meuble. Réaction de la jolie rousse ? Elle explosa de rire, faisant se retourner plusieurs personnes du pôle médical dans sa direction avec surprise. Rougissant à son tour, elle tenta de se calmer avec quelques difficultés. Toujours avec quelques éclats de rire, elle lui avait alors demandé si il allait bien, ce qui sembla être le cas étant donné que le jeune homme se remit en chemin, quelque peu maladroitement.
Mais revenons à la conversation. L’accouchement fut plus “ qu'impressionnant “ pour l'apprenti vu la question qu’il posa avec une inquiétude très claire dans la voix. Et cela se comprenait totalement. Ce nourrisson était réellement petit. Il pouvait perdre la vie pour bien des raisons et le monde autour de lui était alors comme un danger perpétuel. Le regard de Wendy se fit plus sérieux alors qu’elle observait Calyxte, plongeant ses iris vertes dans le regard rubis du jeune homme.
- Si tout se passe bien, il n’y aura aucun problèmes mais on ne peut pas tout prédire malheureusement … Tout ce qu’on peut faire, c’est être au petits soins avec lui, vérifier ses constantes et lui donner beaucoup d’amour … Le reste, ça ne tient qu’à lui.
C’était la triste vérité du métier. Parfois, il n’y a rien à faire à part espérer. Espérer encore et encore. Toutes les connaissances du monde ne peuvent parfois rien faire. Et c’est là qu'intervient la magie. Des médecins usant de magie de soin passeraient sans doute voir l’enfant mais rien n’était garanti. C’est pour cela que Wendy préféra ne pas parler de cela.
Préférant retourner à sa matinée de travail, la rousse reprit sa route. Elle ne voulait pas penser au pire, bien que ce soit justement son métier de penser au pire. On a beau perdre des patients à plusieurs reprises, on ne s’y fait jamais et encore moins lorsqu’il s’agit d’enfant.
- Tu trouveras les livres de bases sur mon bureau à la fin de notre matinée. Maintenant, concentre toi !
La jeune femme eu un petit sourire encourageant et repartit au travail. La matinée fut des plus banales. Agitée mais banale. À chaque patient, Calyxte recevait des informations sur la manière d’agir, que ce soit pour les soins ou bien pour les mots à utiliser avec eux. Deux heures plus tard, l’heure du repas sonna, libérant le blond de sa journée de travail. La jeune femme lui avait alors remis les livres avant de le congédier d’une petite tape rassurante sur l’épaule. Elle ? Prendre une pause ? Non. Elle repart travailler.
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