Potion de jouvence | Feat. C. Ua Súilleabháin
Elle se réveilla en sursaut avant que la lune eût renoncé à son règne sur la nuit, ahurie d'avoir réussi à s'endormir. Escanor avait contrôlé ses préparatifs de voyage avec tant de minutie la veille au soir que, si cela n'avait dépendu que d'elle, elle se serait mis en route à peine avalée la dernière cuillerée de son petit déjeuner. Mais cela ne se passe pas ainsi lorsque c'est d'une dame de haute lignée qu'il s'agit. Le soleil était bien au-dessus de l'horizon quand Dame Estellise et son écuyer furent enfin rassemblés et prêts à partir. Les échappées nocturnes étaient la propriété des voleurs et il y avait des conventions à respecter chez ceux de rang supérieur.
▬ Dame Estellise, nous pouvons partir pour la forteresse, dit le jeune garçon à sa maîtresse.
▬ Passons par la place commerçante, lui pria t-elle sans s'intéresser à son assentiment.
Le petit groupe partit du domaine familial et s'engagea dans les artères de la capitale du royaume. Du haut de sa jument, elle toisait les petites gens dévaler dans la rue et pénétra dans l'avenue qui débouchait sur le centre névralgique de la ville, la place commerçante. Les étales débordaient de marchandises, le royaume vivait une époque prospère. Estellise appesantit son regard sur un jeune voyou qui déroba une pomme et s'enfuit tout aussi rapidement. La prospérité d'une nation ne réglait pas tous les problèmes de son peuple.
▬ Ici. Attends-moi, je ne serai pas longue, lui dit-elle en tendant ses rênes à l'écuyer. Elle ne manquait pas de panache.
Elle scruta la devanture de la boutique. Elle ne payait pas de mine. Elle soupira et poussa les deux battants de la porte en bois. Elle eût le bon sens de se taire et d'attendre qu'on vienne à elle, mais avec une telle entrée en scène, cela n'était peut-être plus nécessaire.
Jouvence
Est-ce qu'elle était seulement capable de comprendre ce qu'il disait ? Non. Mais elle ne savait pas non plus s'il était réellement un individu transformé en crapaud ou non. Dans le doute, aussi l'avait-elle affublé d'un prénom qu'elle trouvait profondément moche. Bertille. Pourtant, en son for intérieur, celui qu'elle dissimulait aux yeux du monde, ce prénom la faisait beaucoup rire, aux dépends du pauvre crapaud. Elle profitât de cet instant pour se redresser avant d'ajouter : Pardonnez-le. Il est un peu bête.
Quelques toiles d'araignées au plafond et de la poussière donnait le ton de l'échoppe qui contenait nombre livres divers et étagères remplies d'herbes en tout genre. Plus loin, derrière le vieux comptoir en bois rongé par le temps - et la pauvreté, en vérité -, des fioles de toutes les couleurs et de tous les types étaient rangées selon un étrange ordonnancement qui semblait nier toute cohérence. Ou alors celle-ci n'était connue que de la gestionnaire de l'endroit. Allez savoir.
Si l'ambiance étrange et exotique de l'échoppe ne se confirmait assez, autour de l'hôte, des papillons bleutés dansaient dans les airs comme si elle était une étrange et sombre fleur qui ne poussait qu'en cet endroit. Ceux-ci finirent par voleter jusqu'à la nouvelle venue et se posèrent sur son doigt. En tout cas, elle eut cette impression ; pourtant ces images demeuraient intangibles, à l'instar des lueurs bleutées qui s'échappaient du serre-tête de la mystérieuse jeune femme.
▬ Je me présente, je suis Ciara Ua Súilleabháin, propriétaire de cette modeste boutique éponyme. Qu'elle avait sobrement intitulés "Aux décoctions de Ciara" au sein des registres royaux des commerces et autres sociétés. Que puis-je pour vous ? Elle ne lui demandait pas de se présenter. Déjà qu'elle ne s'était pas vraiment annoncée non plus. Et vu ses accoutrements, c'était encore une noble. Avait-elle un amant à charmer ? Ou un rival à empoisonner ? Elle finirait par le savoir tôt ou tard. Mais aussi lui avait-on interdit la vente de certaines choses. C'était logique après tout... Enfin, elle rusait un peu. Certains mélanges étaient parfait à la fois pour nettoyer un sol et nettoyer une famille d'un membre un peu encombrant... La magie de la fée du nettoyage, bien évidemment. Si tenté qu'elle existe.
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