Pas de cela cette fois, toutefois, car il était grand temps pour moi de raccompagner la recrue envoyée par Celsis de Naverre au Campement. J'avais des choses à faire là-bas et il fallait notamment que je réquisitionne une ou plusieurs Sentinelles pour me guider dans les montagnes, du côté de la Frontière.
Accompagnée du jeune homme, nous avions donc quitté Forteresse avant l'aube et chevauchions désormais tranquillement sur deux palefrois empruntés aux écuries. L'air était frais et une fine couche de neige et de rosée gelée était déposée sur l'herbe autour de nous ; par chance, le sentier demeurait praticable à cette altitude, mais au-delà il nous faudrait faire davantage attention. Et Steelheart semblait le savoir aussi bien que moi, car il s'était inquiété de notre itinéraire avant notre départ.
Cette bribe de conversation avait été un bon début pour briser la glace et, comme à mon habitude, j'y étais allée assez directement quand les rumeurs qui avaient suivi la petite sauterie s'étaient largement propagées.
« - Alors, j'ai cru entendre des choses à votre sujet, » commençai-je au détour d'un épais sapin qui faisait prendre un virage serré au sentier. « Il semblerait que vous ayez tapé dans l’œil de l'Adjudant Theldj. »
Un sourire partagé, un regard s'étendant vers le lointain. Oh, les dires étaient donc vrais ? Les deux jeunots ne s'étaient peut-être pas limités qu'à de simples cajoleries... Peu m'importait au final, tant que cela ne déteignait pas trop sur l'image, déjà bien ternie, du Blizzard. Mais les hommes étaient assez prompts à faire circuler des potins, surtout quand l'alcool coulait à flots comme c'était le cas cette soirée là.
« - Ne vous en faites pas, les rumeurs n'épargnent personne. Par exemple, on raconte bien que la dernière fois que j'ai vu un homme, le Capitaine Lomar était encore Lieutenant ou bien que la jeune Wendy Waltz, le Médecin en Chef arrivée parmi nous récemment, n'a probablement jamais vu le loup du tout. »
Je ricanai à cette pensée. C'était probablement vrai, quand on connaissait le caractère du spécimen. M'était avis que cela ne devait pas figurer dans ses priorités, comme cela ne figurait pas dans les miennes. Au moins, j'avais déjà eu assez d'expériences en la matière pour savoir que je n'étais pas intéressée.
« - Je suppose que vous reviendrez lorsque vous en aurez l'occasion. Cette jeune Theldj a dû vous donner le goût de la Forteresse, j'en suis sûre. »
Je poussais le bouchon un peu loin, mais des fois il était simplement reposant d'avoir des conversations permettant de sortir du train-train quotidien. Je me demandais ce que cela aurait donné si j'avais parlé des rumeurs la concernant au Docteur Waltz directement. Se serait-elle fâchée ? Aurait-elle cherché à mettre la main sur le responsable ? C'était une femme de caractère, sûrement que oui.
Pourtant, le responsable pouvait être n'importe qui et personne ; les hommes avaient besoin de ces ragots pour se réchauffer le gosier le soir, à la taverne. C'était ce qui faisait tenir le groupe aussi. Je laissais donc les rumeurs à mon sujet circuler, même si les gaillards pouvaient être un peu bruts de décoffrage dans leurs brimades des fois. J'en avais déjà surpris un dire qu'il « allait lui rappeler les caresses d'un homme à cette grande blonde » quand j'étais encore Lieutenant. Il en avait fait des tours de piste après ça.
Quand bien même, pouvions-nous y faire quelque chose ? Tirer son coup, assurément, cela ferait taire certaines rumeurs et en ferait naître d'autres.
N'est-ce-pas Waltz ?
Je m'étais levé un peu avant l'aurore pour pouvoir partir tôt. Mon amante en fut attristé mais je lui promis de revenir des que je le pourrais. C'est en sellant mon cheval que la Capitaine me rejoignit. Elle m'expliqua, pendant que je la saluais, qu'elle m'accompagnerait, ayant du travail à faire du côté de la Frontière. Cela ne me dérangeait aucunement, au contraire. De la compagnie pour chevaucher dans ces mornes terres froide est toujours un plaisir. Nous partîmes rapidement et je lui demanda rapidement notre chemin. Je n'avais pas envie de ralentir la cadence sous cause de chemin non praticable. Cela du lui plaire que je lui demande cela vu que cela lança pas mal de conversations derrière.
A ses premières phrases, je n'avais pas grand chose à répondre. Cela avait déjà fais le tour de la Forteresse qu'elle et moi avions effectivement une relation. Cela ne changeait pas pour autant que nos séances de passe d'armes étaient assez... Violente. On finissait toujours en sang. J'en ai même une côte cassé en souvenir. De vrais sauvageons. Mais on finissait toujours le deuxième acte le soir, à l'abri du regard de tous...
Oh intéressant pour la suite. Pas que je m'en fasse de la rumeur hein. Disons simplement que moi aussi j'avais un ragot au sujet de notre médecin.
- En parlant de Demoiselle Waltz, j'ai entendu que votre cuisinier avait un penchant pour les belles rouquines... Et que celle-ci ne l'avait pas laissé indifférente.
Loin de moi tous commérages ou rumeurs. C'était une information que m'avait donné Nehla sur l'oreiller. Cela avait d'ailleurs donné à une longue conversation sur ces relations avec ce fameux cuistot. Apparemment, si notre relation prends plus d'ampleur, ce serait comme un père pour elle, je devrais donc en référer à lui. Nous verrons bien ce que l'avenir nous réserve.
Malgré un visage impassible, je ne peux pus m'empêcher de voir réprimé un léger sourire. Même si elle ne voulait pas le montrer, elle adorait ce genre de conversation simpliste. Elle a du être plongé sous les paperasses administratifs ces derniers jours. Entre sa nomination, les soucis du prédécesseurs et ses envies à elle de bien faire, cela ne devait pas être agréable.
- Je reviendrais avec plaisir. De plus, je trouve que vos gardes manquent un peu de... Motivation aux entraînements. J'aimerais bien secouer un peu tout ça.
Sans même réfléchir que je n'étais que simple soldat. Mes pensées avaient dépassé mes paroles. Aux Sentinelles, beaucoup de gardes appréciaient s’entraîner avec moi pour cela. Parce que je n'étais pas tendre avec eux. Sans être un tyran non plus. J'avais le juste milieu. Peut-être parce que j'étais de même galon qu'eux justement ? Je ne saurais dire... Le temps passait rapidement et nous dûmes faire une halte pour faire reposer les cheveux. Nous avions bien avancer et mon estomac réclamait justice vis à vis de cela. Je sortis de quoi grignoter et en proposa à ma capitaine. Si elle voulait discuter, ce serait mieux ainsi. Sinon, nous pouvions toujours repartir maintenant.
« - Pourquoi pas, même si j'étais celle chargée de mener les entraînements de la garnison jusqu'ici. Je l'aurais remarqué si mes hommes tiraient au flanc... ou peut-être n'avons-nous pas vu les mêmes hommes dans les mêmes conditions. »
Je souriais, goguenarde. Il allait de soi qu'une deuxième lecture se faisait dans cette conversation et je pensais nettement à l'Adjudant et son caractère de femme fatale, celui-là qu'elle m'avait bien caché à notre première entrevue.
Nous chevauchions à présent en silence et la journée défilait devant nos yeux, tandis que les paysages s'alternaient. À la nuit tombée, nous campions dans nos tentes respectives, protégés par les cimes qui nous surplombaient et les falaises qui bordaient un côté de la route. Le chemin était justement prévu pour sa sûreté et possédait plusieurs étapes, dont celle qui avait vu la disparition de plusieurs hommes il y a un an de cela. Nous avions d'ailleurs enquêté à ce sujet avec le Lieutenant Alnilnam et trouvé le coupable, pourtant l'enquête avait été à nouveau ouverte suite à ma rencontre avec Zahria, quelques jours auparavant...
Plongée dans mes réflexions, je trouvai le sommeil facilement et me relevai le matin aux aurores pour trouver mon compère, occupé à faire ses besoins par-dessus le vide.
« - Il paraît que c'est soulageant, » souris-je en le prenant par surprise, à faire son affaire, l'engin sorti. Grand classique de la Forteresse, les hommes aimaient beaucoup comparer leurs tailles lorsqu'ils avaient trop bu... « Ne vous en faites pas, je n'ai rien vu du tout. Vous pouvez finir ce que vous avez commencé. »
J'avais bien mieux à faire de toute façon. Il nous restait encore deux jours et une nuits de chevauchée avant d'arriver au Campement, toutefois le temps passerait rapidement si nous étions correctement rationnés. À cet effet, je fouillai rapidement l'une des sacoches sur ma selle et en sortis des bâtonnets de viande séchée et deux parts de cake au légume qui nous feraient une bonne partie de la journée.
« - Tenez, dépéchez-vous de vous sustenter que nous puissions partir rapidement, » dis-je en tendant la nourriture à mon compère, avant de m'en retourner auprès des chevaux pour les nourrir et les abreuver à leur tour.
Puis, comme nous avions tous deux finis, nous reprîmes la route. Le temps sembla passer plus vite, nous échangions de temps à autre sur des sujets de surface. Et au terme de ce petit voyage, nous arrivions enfin au Campement.
La suite de la chevauchée se fit dans le silence. Le vent et le froid me semblait un peu plus fort, au fur et à mesure que nous nous approchions. La nuit tomba plus rapidement que prévu et notre campement fut monté en vitesse, pour s'assurer une relative sécurité. Après s'être souhaité une bonne nuit de sommeil, je me retrouvais seul dans ma tente, laissant mes pensées flotter jusqu'à la Forteresse. C'est la première qu'une personne me manquait ainsi, c'est assez étrange comme sensation... J'espère que je lui manque aussi... Et c'est sur ses pensées que je m'endormis.
Je fus réveillé rapidement. Les lueurs de l'Aube commençaient à poindre le bout de leurs nez quand je m'habilla et rangea ma chambre temporaire. Une fois ceci fais, je fis quelque pas face à la falaise pour soulager un besoin naturel. Je venais à peine de commencer quand ma Capitaine me surprit. Cela me fit froncer les sourcils. Elle n'avait donc aucune gêne ? Et vu comment elle en rigolait, cela devait être un bon moyen de mater les plus récalcitrants. Ou alors... Elle était beaucoup plus dévergondé que ce qu'elle ne semblait laisser paraître... Bizarrement, l'idée de voir la Capitaine aguiché des hommes me fit frissonner. Je la voyais plus les kidnapper pour assouvir ses envies sans leur consentement... Cela lui correspondait mieux.
Je finissais donc ce que j'avais à faire pour la rejoindre prendre le petit déjeuner avec elle. Quand elle me tendit la nourriture, j'ai presque cru que j'allais lâcher un petit rire. Qui disait sustenter de nos jours ? Surtout des gardes comme nous ? A moins qu'elle est des origines un peu obscures ? Cela pourrait être possible. Je grignota mon morceau de viande. Oh et puis merde, je ne pus réprimer un léger ricanement, chose rare pour ceux me connaissant. Une lampée d'eau et nous fumes repartis.
Le reste du voyage se fit sans encombre. Les chevaux tinrent le coup et mes fesses et mon dos en témoignèrent. Il y eut même un moment où je me fis la promesse d'apprendre le combat monté pour éviter ce genre de désagrément plus tard. Ce ne serait jamais une chose de perdu. Une fois arrivé, nous laissâmes les chevaux à certains de mes collègues et je proposa de la mener auprès de Celsis. Je m'improvisa donc guide et arriva face à sa porte, toquant pour signifier mon arrivé. Quand j'eus la confirmation que je pouvais rentrer, j'ouvris la porte et salua mon officier.
- SteelHeart ! Ravi de vous revoir, les ''vacances'' vous ont plu ?
Je la sentis bien appuyer sur le mot vacances et cela ne fit que confirmer mes soupçons. C'était forcé, pour que je prenne du repos, toute cette histoire de fête et autre. Je lui ferais regretter un jour peut-être. Vu que j'avais quand même passé un bon moment et faire une belle rencontre, je lui pardonnerais. Elle aimait bien m'asticoquer, cela me retombera de toute façon dessus un moment ou un autre. Quand elle vit qui m'accompagnait, elle se leva et alla presque littéralement lui sauter dans les bras.
- Eliiiiiiiiiii' !
« - Cela fait longtemps que je ne suis pas venue ici... » commentai-je.
J'admirais l'étrange formation du village qui s'étalait devant mes yeux, surplombant les vallées en contrebas depuis les hauteurs rocheuses sur lesquelles il était installé. C'étaient les ravitaillements qui permettaient de subvenir aux besoins les plus secondaires de l'agglomération, lorsque l'élevage de chèvres, certaines cultures rendues possibles par le milieu montagneux et l'exploitation des sources rendaient la vie possible.
« - Le spectacle est à chaque fois fascinant. Tout change et bouge si vite, cet endroit semble en mouvement perpétuel...
- N'est-ce pas ? C'est ce que j'aime le plus au Campement. Tout suit son propre train de vie et les souhaits de chacun s’accommodent aux désirs des autres. Nous n'aurions jamais pensé, il y a encore dix ans, devoir veiller sur une telle quantité de civils, mais la vérité c'est que cette proximité plaît beaucoup aux Gardes ici, plus seulement contentés de devoir chasser des monstres et faire des expéditions. La motivation est autre lorsque l'on sait ce que l'on doit protéger. »
Concluant ses explications sur un sourire, la jeune femme porta à sa bouche la tasse de thé qu'elle venait de se servir, m'invitant à faire de même avec la mienne. J'avais toutefois l'impression d'oublier quelque chose...
Occupé à faire son rapport avec un autre officier présent sous la tente, le jeune Steelheart pensait avoir terminé son office. Mais la raison de ma présence me poussait à me demander s'il n'était pas l'élément dont j'aurais besoin pour la suite.
« - Celsis, si j'ai tenu à raccompagner ton homme jusqu'au Campement, ce n'est pas pour n'importe quelle raison. Je voulais te rencontrer pour te demander l'autorisation de mener une expédition.
- Ah ? Tu sais bien que tu n'as pas d'autorisation à me demander, c'est toi l'autorité suprême à présent.
- Certes. Mais j'aurais besoin d'aller à cet endroit. Je sais que les Sentinelles en sont garants à présent et je ne pouvais m'y rendre sans t'avertir au préalable, ni te demander l'aide de quelques hommes vigoureux pour me guider. »
L'expression de mon amie s'aggrava soudain, mais non pas car mes intentions faisaient naître en elle des doutes. C'était plus la demande, singulière, qui l'inquiétait.
« - Pourquoi as-tu besoin de te rendre là-bas ?
- Je veux vérifier que l'on ne soit pas passés à côté de quelque chose. J'ai pu remarquer pas mal d'éléments déroutants reliant tout un tas de sujets différents entre eux. Et maintenant que j'ai la main sur les dossiers...
- Tu sais que normalement il te faut l'aval de la commission ? Te connaissant, je suis sûre que tu ne l'as pas. »
Je me mordis la lèvre. L'officier marquait un point et je savais que les répercussions pouvaient être pour elle comme pour moi. Elle afficha pourtant une expression plus éclairée, presque joyeuse, rassurante.
« - Ne t'en fais pas, j'assurerai tes arrières quoi qu'il arrive. De combien d'hommes as-tu besoin ?
- Pas beaucoup, » soupirai-je, légèrement soulagée. « Trois, quatre ? J'ai pensé que le soldat Steelheart pourrait m'accompagner.
- C'est un bon choix, je vais voir ce que j'ai comme unité expérimentées à te confier. Le chemin jusqu'au Tunnel est assez accidenté, il te faudra de bons guides. Si j'avais pu, je t'aurais accompagnée, mais j'ai beaucoup d'obligations ici à présent.
- Je comprends ne t'en fais pas. Idéalement, je souhaiterais partir demain ; cela devrait laisser le temps à tes hommes de se préparer et à Steelheart de se reposer un brin.
- Oh, car il ne s'est pas beaucoup reposé ces derniers jours ? » questionna la cornue tout en me faisant un clin d’œil.
Il y avait des histoires à raconter, bien plus que les mœurs légers de mon Adjudant et du soldat, mais nous remettrions cela à plus tard. En attendant, nous avions à faire toutes les deux et je comptais bien profiter de ma présence ici pour visiter un peu le Campement.
Une brève accolade avec ma subalterne ferma la conversation et m'assura de pouvoir ainsi airer librement. Sur le chemin de la sortie, je fis aussi signe au soldat de me rejoindre à l'extérieur dès qu'il en aurait fini.
Nous avions à deviser de la suite.
Cela ne me pris que quelques minutes à tout décrire. Il n'y avait rien de bien difficiles à raconter vis-à-vis de tout cela. Et rien de long non plus. Je n'écoutais que d'une oreille distraite la conversation de mes deux supérieurs mais rien de bien intéressant ne me parvins. Pourtant, quelque chose me retint sous la tente. Je ne savais quoi. Le fait que la Capitaine vienne jusqu'ici peut-être ? Cela n'avait rien de commun.
Et je ne me trompa pas. Leur conversation dériva sur un lieu. Et quand elle parlait de ce lieu, même moi je savais ce qu'elle voulait dire. C'était un endroit qu'on nous montrait des le départ pour éviter que nous y mettions les pieds. Et surtout pour empêcher quiconque autre que nous n'y allions. Le nombre d'aventurier que j'ai du refouler n'est plus comptable à se tarif là. Quoi qu'il en soit, je me demandais ce qu'elle voulait bien y faire.
Je fus de nouveau amener dans la conversation. La Capitaine me voulait pour l'expédition. Ce serait un honneur. Je pourrais lui montrer ce que je valais et que le Campement se portait bien. Quand elles eurent terminé de discuter, Von Andrasil se leva et me fit un signe de la main pour que je la suive. Oh, j'allais sans doute devoir faire guide encore. Il fallait que je lui trouve des camarades compétents sans doute. Et je suis certain que Celsis lui proposerais les même personnes.
- Qu'est-ce que vous cherchez là-bas, Capitaine ?
Question simple mais qui nécessitait des réponses plus complexe. Si elle me choisissait personnellement, c'est qu'il y avait une raison. Et cela m'arrivait d'être curieux. Surtout pour ce lieu. Il n'est pas spécifiquement réputé pour y être accueillant. En plus de certains monstres y rodant, il a été le théâtre de nombreux rendez-vous plus ou moins... Intriguant. En attendant sa réponse, je lui présenta quelques-uns de mes camarades. La majorité ne la connaissait pas et je dus faire les présentations presque systématiquement.
Je marchais aux côtés du soldat tandis que celui-ci me désignait ses compagnons d'armes. Saluant tour à tour ceux qui ne me connaissaient pas encore comme le nouveau Capitaine, profitant de mon anonymat pour conserver l'esprit de camaraderie, je reconnaissais aussi des visages familiers.
Toutefois le jour tombait à présent, petit à petit, et nous devions envisager de nous replier dans nos tentes. Je restais donc à discuter avec Steelheart devant la mienne un long moment, partageant avec lui mes doutes et mes soupçons. Il me suivrait dans cette mission et je devais m'assurer d'avoir un élément à mes côtés avec l'information correcte.
« - Nous partirons demain à l'aube vers le nord. J'ai ouïe dire que c'était votre domaine d'expertise, je compte sur vous pour nous mener à bon port sans trop de soucis. »
Je dévisageai un temps le jeune homme dont le visage taciturne laissait présager un certain sérieux avant de continuer. Voilà qui dénotait beaucoup avec ce que je pensais de lui au moment de notre chevauchée. Peut-être les évènements de la cérémonie m'avaient-ils fait tourner la tête...
« - Depuis quelques temps, j'ai l'impression qu'une sombre menace plane sur la région. Ça a commencé il y a plus d'un an, lorsque le Lieutenant Alnilnam et moi-même avons mis derrière les barreaux un criminel ayant tué et manipulé grâce à son pouvoir une dizaine de Sentinelles. Bien que ses actes aient été isolés, il possédait à son bras une étrange marque barrée : un crâne reposant sur un livre, entouré de glyphes... »
J'avais à présent l'attention du soldat. Peut-être que cette affaire était parvenue jusqu'à ses oreilles ? Après tout elle n'était pas si vieille et les rapports montraient qu'il était dans le bataillon depuis plusieurs années lui aussi...
« - Je ne m'en suis rappelée que récemment, mais ce tatouage je l'avais déjà vu, il y a une vingtaine d'années. Une nuit, lorsqu'un homme présentant le même symbole au même endroit essaya de me traîner dans une ruelle pour me kidnapper et emporta un ami à moi. »
Le regard perdu devant moi, je passai ma main sur le tissu blanc de la tente devant laquelle nous parlions alors, me rappelant que j'avais encore des rapports à traiter avant d'aller me coucher. Je n'avais décidément pas le luxe du temps avec ma nouvelle occupation... Après un silence assez marqué, je vrillai mes pupilles dans celles de mon interlocuteur, concluant le sujet en le jugeant assez informé :
« - Depuis lors, je me dis qu'il y a forcément d'autres traces de ces hommes dans des évènements malheureux mais que nous sommes passés à côté. C'est probablement un coup d'épée dans l'eau, mais je souhaite savoir s'ils ont quelque chose à voir avec la Percée des Wendigos et vérifier qu'il n'y a pas d'éléments ayant échappé aux recherches menées sur les lieux de la bataille. »
C'était chiche comme raison de faire le déplacement, mais j'avais couplé cela avec ma visite au Campement. Je n'avais pas beaucoup de jours à allouer à une telle expédition cependant, aussi il nous faudrait agir rapidement.
La nuit commençait à tomber de manière assez conséquente, au fur et à mesure qu'on progressait dans le campement. Je venais de tilter que j'allais retrouver mes quartiers après tout ce temps et cela me réjouissait particulièrement. Je ne savais pas pourquoi d'ailleurs, ce n'était que de simples quartiers. Mais le fait que j'y vives depuis plusieurs années devait fortement aider. Elina m'informa que nous partions le lendemain à l'aube et cela ne me dérangeait aucunement.
J'allais la saluer pour aller me coucher mais elle enchaîna sur l'histoire du lieu et un peu plus ce qu'elle souhaitait trouver. Et ça, ça m'intriguait. Parce qu'il y avait des rumeurs à ce sujet. L'affaire avait été étouffé pour éviter les problèmes je pense. Si elle en parle, c'est qu'elle existe vraiment et c'est la première personne à en parler réellement. Cela me fit réfléchir. Encore plus quand elle enchaîna avec son histoire personnelle. Un tatouage... Je n'arrivais pas à savoir si j'avais vu un quelconque tatouage intriguant. Surtout que j'en ai vu une myriade.
Pourtant... J'étais sur d'avoir vu quelque chose d'écrit à ce sujet quelque part dans la réserve du Campement. J'en éclipsa totalement la dernière partie de l'histoire de la Capitaine. Le fait que cela me titille l'esprit m'empêcherait sans doute de dormir. Il allait falloir que je vérifie cela. Je salua prestement ma supérieure, lui souhaitant une bonne nuit et la remerciant pour ce qu'elle m'avait dit et m'éclipsa en direction du bâtiment principal.
J'étais sur que c'était dans un de ses bouquins. La réserve du Campement était assez en bordel et je mis déjà pas mal de temps à trouver un premier livre. J'en avais feuilleté quelques un à mon arrivé ici, pour en apprendre un peu plus sur cet endroit. Et cela m'avait déjà troublé à l'époque. Bon. Il allait falloir que je m'y mettes sérieusement. Plusieurs heures passèrent. J'en profita pour faire du rangement et nettoyer la pièce. De nouveaux plusieurs heures. Impossible de mettre la main sur ce que je cherches. Cela me fit enrager et je commença à remettre en désordre ce que j'avais rangé.
Quand l'aube pointa le bout de son nez, je me rendis compte que je n'avais pas dormi de la nuit. D'accord, cela risquait d'être une dur journée. J’abandonnai ma quête avec une certaine amertume pour aller me préparer et revigorer ce corps endormi. Après, avec tout le repos accumulé pendant ces vacances, j'avais un peu de marge. Je me changea rapidement et rejoignit le point de rendez-vous. Certains hommes étaient déjà présent, le regard encore un peu endormi. Nous attendions donc l'intéressé principale pour partir.