Contemplant avec une moue renfrognée le désert abyssal des tiroirs de son armoire, Calixte se dit qu’il était plus que temps d’aller renflouer ses stocks de matériel d’espionnage. Les faux-fonds lui faisant face avaient un discours sans appel : son sac serait vide pour sa prochaine mission s’il ne se bougeait pas les miches. Oh il y avait bien les différentes cachettes entretenues directement par le Maître-Espion qui pourraient transitoirement le dépanner, mais cela l’obligerait nécessairement à un détour, et pas forcément des plus discrets. Par ailleurs, il était assez agréable de travailler avec son propre matériel, préparé sereinement, plutôt qu’avec celui standard mis à disposition de tous, et récupéré à la va-vite. Soupirant, Calixte referma les tiroirs en prenant soin de remettre tous les caches et les différents pièges en place, et il récupéra son grand sac sans fond. Il lui manquait de tout, des poudres médicamenteuses aux vêtements multifonctions pouvant servir à la plupart de ses rôles, en passant par des sets de rechange de kit de crochetage. Les dernières semaines avaient été chargées, et l’espion avait été négligent dans la gestion de son matériel d’espionnage. Grimaçant, il vérifia une dernière fois l’état de son armoire, et prit le chemin des rues de la Capitale. Autant pour sa journée de repos.
Quelques heures plus tard, la matinée bien entamée, l’espion se trouvait dans une boutique de prêt à porter sans prétention. De celles proposant de simples modèles de tuniques, chemises et pantalons, pouvant s’accommoder avec globalement tout, et pour toute occasion modeste. Il y avait aussi quelques rangées de vêtements de plus noble facture, mais aux prix rendus dérisoires par leur statut de seconde main. Et c’étaient précisément ces affaires d’occasion que l’espion observait. Si les riches costumes, ceux de soie et de pierres précieuses, étaient réalisés et livrés directement par le Maître-Espion lorsque la mission le requérait, il n’était pas inintéressant d’avoir sous le coude quelques affaires un peu plus présentables que celles de base. Une espèce d’intermédiaire entre l’habit mondain et celui de la plèbe. Permettant de jouer d’une certaine prestance, ou au contraire de se fondre dans la foule, en fonction du contexte. Et puis, à ces prix cassés, Calixte avait bien moins de scrupules à les retailler pour son gabarit, ou ceux de ses personnages, tout comme de les stocker, voire abandonner, dans diverses cachettes à travers le royaume.
Il en était là de ses réflexions lorsqu’il entendit distraitement la clochette de la porte d’entrée tinter, une énième fois. C’était une heure où il commençait usuellement à y avoir un peu de monde dans les boutiques de la ville, mais la frénésie avait pris un nouveau tournant avec la grande fête du solstice se profilant. L’espion s’était maudit toute la matinée de ne pas avoir prêté attention à ses stocks et de ne pas s’y être pris plus tôt pour les renouveler, il aurait alors évité cette foule pressée dans les préparatifs de l’évènement à venir. Enfin bon. Heureusement que la plupart de ses adresses l’amenaient dans des petites ruelles moins fréquentées que les grosses artères de la Capitale, et que seuls quelques habitués – ou perdus – faisaient leurs courses aux mêmes enseignes que lui. Jusqu’à présent, être reconnu dans ces boutiques familiales de petite taille ne lui avait pas porté préjudice. Ses statuts de garde, de coursier, et de membre de la famille Alkhaia de Eliëir suffisaient comme alibi à ses divers achats, plus ou moins exotiques, et tout ce qui aurait pu paraitre suspect – comme les fameux kits de crochetage – il le bidouillait lui-même à partir d’éléments récupérés à différents endroits.
Sa main s’arrêta sur une jupe mi-longue sombre discrètement pailletée, et il fronça les sourcils. Cela pourrait-il servir à Psolie ou à un autre de ses personnages féminins ?
Depuis quelques jours, j'étais redevenu qu'un simple garde car je ne possédais aucune mission à accomplir du maître espion et je vadrouillais à mes autres occupations le jour sans pouvoir effectuer des achats pour alimenter mon stock de matériel pour mon second et vrai travail : celui d'espion. Et aujourd'hui était mon jour de repos.
Malgré la réussite de mes anciennes missions, mon matériel commençait à s’abîmer : ma tenue d'espionnage était parsemé de trou du aux ronces ou aux différents rebords, mes armes commençaient à être parsemé de marques d'usure, de crans ou encore des débuts de rouilles... Alors que j'étais seul dans ma chambre pour une fois, je pus également vérifier mes stocks de fournitures : crochets, cires, cordes, teintures et surtout des plantes afin de faire des poisons, médicaments ou tout simplement des tisanes. C'est important les tisanes. Après avoir fait mon listing, je mis une tunique blanche ainsi qu'un simple pantalon accompagné d'une veste.
Je n'étais plus qu'un simple civil parti en ville très tôt, avec un sac de toile contenant mes deux trésors (mes katars) pour profiter du levée de soleil et aller voir ma jumelle avant qu'elle n'aille travailler. Après une virée sur les murs pour regarder le soleil se lever à l'horizon, je me suis retrouvé dans la demeure familial de mes parents afin de blablater durant des heures avec ma soeur de politique (beurk) et des affaires familiales. Ma première destination fut l'un des forgerons et ami à mon père pour faire réparer les armes : seulement je dus jouer des mots pour faire croire qu'il s'agit d'objet de collection.... La facture allait être élevée pour la rénovation complète de mes lames.
Puis je me mis à arpenter des ruelles, peu fréquente avant d'apercevoir une silhouette que je semblais connaître de vue et aussi pour d'autres raisons : on avait fait nos classes ensemble en tant qu'espion. Je me mis à le suivre de loin afin de lui faire une surprise douce avant de le voir d'engouffrer dans l'un des magasins... J'allais abandonner ma petite poursuite lorsque je découvris le commerce dans lequel il était entré : un magasin de textile. Parfait.
J'entrais à mon tour sous le nom de la petite clochette en saluant poliment et discrètement la vendeuse au jolie minois avant de regarder les différents rayons. Des prêts à porter, des morceaux de tissus et tant de choses comme du fil, j'allais voir ma bourse perdre du poids encore... Mais je restais concentré sur mon collègue de travail que je pus enfin clairement distinguer Calixte, un camarade de mon âge. Nous avions fait nos classes ensemble pour devenir soldat et surtout espion...
Je m'approchais de lui tout en inspectant certains tenues aux couleurs rouges, mes préférés et en faisant des pas normaux pour laisser le bruit de mes souliers sur le sol. Je ne voulais pas le surprendre et me prendre une riposte de défense. Puis doucement, je me mis à lui parler tout en saisissant une tunique rouge cardinal, cette couleur m'attirai souvent pour mes tenues d'infiltrations dans les hautes sphères de la société.
- Salutation, mon cher ami. Je viens de découvrir l'une de tes fournisseuses, on dirai ? Tu vas encore te déguiser pour la fête du solstice.
Je lui souriais après ce mensonge amicale sur sa soi-disant passion, tout en comparant une seconde tenue rouge Corail... Même si j'allais bientôt me concentrer sur les fils et les morceaux de tissus, cuir et aiguilles.
- Combien de temps qu'on s'est pas vu ? Au moins 4 lunes depuis notre dernière garde ensemble, non ?
Le mensonge était de nouveau présent pour éviter de dévoiler aux autres personnes présentes, nos véritables fonctions.
- Salut Vae, fit-il avec un sourire. Tu m’as percé à jour on dirait, oui, ajouta-t-il avec amusement. Il parait qu’il va y avoir un concours de costumes pour la fête, et qui suis-je pour passer à côté d’une telle occasion ?
Non, les blagues d’espion ne volaient pas forcément très haut, mais elles faisaient quand même rire Calixte. Il était bon public. Et piètre comique.
- Un avis sur les paillettes ?
Parce que bon, la causette entre collègues c’était sympa, mais encore plus si ce dernier pouvait l’aider dans ses dilemmes de la plus haute importance. Et rien ne l’amusait plus que d’avoir des sujets de conversation improbables. Ou flattant sa curiosité. Enfin, connaissant la discrétion de nature de Vaelin, il ne s’attendait pas forcément à un dialogue très fourni. Ce qui lui allait aussi, il appréciait le silence, comme les monologues. Ça n’était pas vraiment comme s’il risquait de divulguer quoi que ce fut de tendancieux à son camarade espion qu’il ne connaissait déjà.
Tranchant finalement, Calixte décrocha la jupe de son ceintre et rejoint Vaelin près du matériel de couture. Passant distraitement un doigt sur la surface luisante des aiguilles, il se repassa mentalement l’inventaire de ses nouveaux stocks sagement tassés dans son sac sans fond. Malheureusement, sa bourse de cristaux, elle, n’était pas sans fond. Et bien que ses rares dépenses personnelles l’aient laissée bien garnie, le renflouage de ses outils de travail avait un coût non négligeable… et visiblement un peu gonflé par les marchands profitant de la fête du solstice se profilant pour augmenter un peu leurs prix. Calixte savait que Zahria n’hésitait pas à faire rentrer ce type d’achats dans ses notes de frais professionnels, mais il savait aussi que leur mentore n’était pas exactement en meilleurs termes avec le Maitre-Espion.
- Oh oui, quelque chose comme ça, acquiesça-t-il en fronçant les sourcils pour réfléchir à leur dernière mission conjointe.
Mission en période estivale, où il avait passé son temps à essayer de ne pas lever la main contre la faune locale en voulant à son sang, alors que Vaelin était resté d’une stoïcité professionnelle alors qu’ils infiltraient la demeure cible. Quelle idée, aussi, d’avoir bâti celle-ci au cœur de marais où les moustiques pullulaient à la saison chaude. C’était typiquement le genre de mission où Calixte se demandait pourquoi le Maître-Espion avait tenu à l’envoyer, car clairement son camarade aurait très bien pu se débrouiller sans lui. Voire mieux, sans boulet sur ses talons. Car, quelque part, Vaelin était comme Zahria. Silencieux et méticuleux, adroit et précis ; avec cette force grâcieuse polie par les années d’entraînement et une aisance naturelle. Filiale, à ce que Calixte avait compris. Malgré sa langue taquine, leur mentore avait été bien plus en peine à trouver de quoi titiller le jeune homme qui s’était facilement adapté au moule de l’espionnage, contrairement à Calixte qui avait galéré – et galérait encore – tout du long.
- Je crois que j’en ai encore des traces, grimaça-t-il en repensant à l’attaque vorace des moustiques contre ses jambes qui, pour des raisons pratiques lors de la mission, avaient été nues.
Reposant l’échantillon de cuir qu’il était en train d’inspecter, il se pencha davantage vers son camarade pour lui glisser :
- Il y a une mercerie avec des produits de meilleure qualité et à plus faible coût, un peu plus loin dans la rue. De quoi as-tu besoin ? ajouta-t-il d’un ton à volume normal. Il me reste quelques emplètes à faire pour la fête.
Avisant le comptoir proche d’eux et à présent vide de monde, il adressa un sourire à la vendeuse en lui tendant la jupe. Elle avait approximativement leur âge, et Calixte savait qu’elle aspirait à autre chose que de travailler dans une boutique de vêtements. Dotée à la fois d’intelligence et de charme, elle essayait régulièrement de mettre la main sur toute personne pouvant lui promettre un avenir moins insipide. Ses diverses tentatives, et ses divers échecs, l’avaient malheureusement toujours ramenée dans la petite entreprise familiale. Sans doute que Calixte ne dégageait pas une aura charismatique, car elle n’avait jamais essayé de faire de lui sa porte de sortie. Les regards qu’elle coulait à Vaelin, par contre, étaient d’une autre facture.
- Vous gâtez trop vos sœurs, fit la vendeuse avec un sourire amusé tout en pliant la jupe qu’il venait de lui tendre.
- Qui vous dit que ça n’est pas pour moi ?
Habituée à ce qu’il rhabille toute sa famille, son interlocutrice rit doucement, convaincue d’une vérité toute autre. Elle lui indiqua le prix, et encaissa les cristaux tout en glissant le vêtement dans le sac sans fond de l’espion.
- Est-ce que votre camarade se cherche aussi une robe de bal ? Je pourrai peut-être l’aider ? suggéra-t-elle en jetant un nouveau coup d’œil intéressé à Vaelin.
Visiblement elle avait observé ce dernier depuis qu’il avait pénétré dans la boutique, et Calixte se dit que, vraiment, ils faisaient bien de mesurer leurs mots en toutes circonstances. Il n’avait par contre aucune idée du statut de son camarade. Dans son esprit, et comme pour la plupart des espions, Vaelin était célibataire. Mais était-ce vraiment le cas ? Et ce genre de situation l’intéressait-il ?
- C’est qu’il est plutôt bien bâti pour une simple robe de bal, déclara Calixte qui n’était pas contre faire un peu de publicité pour ses camarades ni de rire à leurs dépens tant que cela restait gentillet.
Vaelin était bien sûr encore à portée de voix, comme le comptoir de paiement jouxtait celui exposant le matériel de couture.
- Oh mais nous avons encore quelques perles dans l’arrière-boutique, des choses plus adaptées pour ses grandes jambes…
- Pour sa carrure musculeuse ?
- Et pour sa carrure musculeuse…
- Pour sa silhouette élancée ?
- Et pour sa silhouette élancée…
- Pour son fessier robuste ?
- Et pour son fessier robuste…
Etait-ce une pointe de rougeur qu’il percevait sur les joues de la jeune femme ?
- Il a de grands pieds aussi, vous savez, ne put-il s’empêcher de poursuivre.
La tape qu’il reçut dans le bras était plus embarrassée qu’autre chose, et il ne put s’empêcher de rire.
C'est alors que mon compère me tira de mes légères pensées tout en me montrant une de ses sélections, elle est colorée comme certains membres de la noblesse, mais le détail qui marquait les esprits était : la présence d'un grand nombre de paillettes. Je souris du coin des lèvres tout en répondant brièvement avec une pointe d'humour :
- Parfait pour que tu deviennes la reine du bal.
Mon commentaire allait peut-être permettre de l'aider dans son choix tandis que je me concentrais sur les tissus intact, les fils, etc... Je me fis une gamme de course tandis que le second espion revenait proche de moi afin d'inspecter les ustensiles de coutures tout en parlant de notre dernière mission dans les marécages...
Je me souviens que trop bien de cette infiltration, lors des premières heures loin de la zone de mission, mon camarade se plaignait bruyamment des moustiques et je pouvais le comprendre... On s'était fait dévorer comme jamais. Je m'étais rendu compte depuis un moment, également que Calixte était moins un homme d'action que moi. Mais je pense que pour d'autres missions, sans son aide, j'aurai pu échouer. On complétait nos défauts.
- Je n'ai plus de traces personnellement.
J'avais de la chance à cause de mon sang et de mon pouvoir. J'avais une restauration physique plus rapide que la normale, mais pas à la maladie par contre... J'en restais souriant tout en entendant son commentaire sur une meilleure officine pour les petits équipements de couture.
Je le croyais fermement et je posais chacune de mes trouvailles à leur place, mais je ne pouvais pas ressortir sans rien, cela pourrait paraître suspect surtout après avoir regardé avec insistance des robes intactes... Je n'allais quand même pas en prendre une car je ne m'étais jamais travesti de ma vie à cause de ma carrure plus militaire et grand...
C'est alors que la main d'aide pour me permettre de ne pas paraître suspect me vint des paroles de la vendeuse avec Calixte, ils parlaient tout deux au comptoir de caisses de sœurs. Une torche s'illumina dans ma tête, je n'avais clairement pas pensé à ce détail, car j'évitais un maximum d'introduire mes sœurs aimées dans mes manigances d'espion. J'en profitais pour retourner en direction des robes pour en prendre deux belles et simples : une bleu roi pour ma cadette et une vert opaline.
Tandis que je vérifiais les dimensions dont je me souvenais des demoiselles de ma famille, je gardais l'oreille tendue sur la conversation qu'avait mon compère... C'était son talent que je ne possédais pas, il avait le don de se mettre les personnes dans la poche avec sa nature joyeuse, taquine et confiante. Cet homme avait un talent pour parler et je pouvais l'entendre.... Parler de moi. ENCORE !!! Pourquoi, c'était toujours l'homme ténébreux qui se faisait remarquer par les femmes ? Et pourquoi j'avais ce profil type ? Je soupirai intérieurement tout en levant les yeux sur Calixte. Il devait se réjouir ainsi en train de me taquiner avec cette pauvre femme qui buvait ses paroles.... Je rêve où elle bave par moments sur moi et des souvenirs me revinrent en la voyant ainsi.
Ça me rappela une mission dans une soirée de noble, l'espion blondinet avait réussi à nous trouver deux partenaires de danse en jouant de sa parole pour nous trouver aux plus près de notre cible. Mais la jeune femme n'avait jamais voulu me lâcher avant d'avoir passé dans sa couche... NON NON NON tu ne vas pas recommencer aujourd'hui mon ami. Alors qu'il se prenait une tape de la demoiselle, je pus inspecter un peu ma courtisane pendant qu'elle ne me regardait pas. Elle était soigneuse, bien entretenue et en gardant une posture pour attirer leurs regards : dommage pour elle, ce n'était pas mon type.
Je me dirigeai enfin vers la caisse sous les yeux des deux personnes afin de payer les deux robes pour mes deux sœurs et la jeune femme me faisait tellement de beaux yeux. Je me mis à lui sourire sans forcer pour ne pas paraître suspect... Et même si je n'avais pas eu le talent de Calixte, ma voix perça gentiment la gênée qui s'installait tandis que je n'osais pas regarder mon collègue qui devait jubiler de la situation.
- Je dois vous féliciter, mademoiselle. Vous avez deviné que c'était pour mes sœurs que je venais.
Le rouge de ses joues ne s'estompait pas tandis qu'elle me regardait de haut en bas. Elle va me sauter dessus si ça continue alors je repris ma discussion en gardant mon sourire :
- Combien je vous dois ? Pour ses deux magnifiques robes qui doivent également vous aller à merveille.
Note ça dans ta mémoire, Calixte, pour une fois, c'est moi qui use des mots... Tandis que la demoiselle, rouge, me remercia tout en me donnant le prix ainsi qu'une petite réduction afin de tenter de mon fidélisé à sa boutique. Je lui tendis l'argent tout en sortant avec un sac contenant les robes bien rangées sous un grand sourire chaleureux à la jeune femme. Enfin libéré de cet enfer, tandis que je prie la parole plus bas, pour dire à mon collègue.
- Tu ne m'as pas parlé de cette boutique qui fait du thé incroyable, on devrait y aller non ?
La tournure de la phrase indiquait que je m'intéressais à la boutique que l'espion m'avait indiqué auparavant ainsi qu'un de mes objectifs : acheter des herbes médicinales et d'autres à un botaniste. Puis je sortis en l'attendant dehors... Sacré Calixte, toujours a essayé de me caler dans des plans foireux avec des femmes.
La population faisant ses courses dans la petite boutique n’était pas la plus aisée de la Capitale, et malgré la fête du solstice se profilant, chaque cristal dépensé était compté, pesé. Tout comme lui, les habitués semblaient savoir qu’il ne fallait pas acheter ici le matériel de couture, mais que les vêtements de base et ceux plus chics d’occasion valaient le détour. Une dizaine de personnes s’affairait autour des articles. Quelques-unes se disputaient même ceux les plus prometteurs. La rumeur du concours de costume à l’occasion de l’évènement semblait échauffer l’imagination des Aryonais comme leur esprit de compétition.
Ricanant doucement comme un adolescent prépubère à la ristourne obtenue par Vaelin – par son charme – auprès de la vendeuse, il donna malencontreusement un coup de coude dans une étagère et retint de justesse cette dernière avant qu’elle ne puisse s’écraser lamentablement au sol. Occupé à remettre un peu d’ordre dans le désordre occasionné par sa maladresse, il perdit momentanément le fil de la discussion entre son camarade et la vendeuse. La main secourable d’une femme l’aida à redisposer en l’état les articles présentés sur l’étagère, et il remercia celle-ci. Avant de sursauter à la présence soudaine de Vaelin de nouveau à ses côtés. Visiblement, le profil de la vendeuse n’était pas sa tasse de thé. En parlant de tasse de thé…
- Si tu préfères passer ta journée avec moi, je suppose qu’on y va, oui, acquiesça-t-il en haussant les sourcils. Je vous vole la compagnie des Grands Pieds, déclara-t-il avec une courbette faussement désolée à l’adresse de la vendeuse. L’appel viril de la pause thé.
La jeune femme, encore un peu rouge au niveau des pommettes, bien que semblant un brin déçue, lui adressa néanmoins un rire chaleureux avant de lui souhaiter une bonne journée – et une bonne pause thé – et un signe d’au revoir de la main. Calixte savait qu’elle se remettrait rapidement de ce rejet, elle n’était pas du style à se laisser décourager pour si peu.
Se dépêchant de sortir à la suite de Vaelin, il posa sa main sur le bras de son camarade pour l’inviter à le suivre. La mercerie qu’il avait en tête était un peu plus loin, mais il serait plus intéressant de passer chez l’herboriste dans un premier temps. Sa boutique était sur le trajet.
- Je ne suis pas certain de réussir à devenir la reine du bal avec ces jolies robes que tu as prises pour tes sœurs, déclara-t-il d’un ton guilleret à Vaelin.
Il était certain que, pour le coup, son camarade n’avait pas menti à la vendeuse sur ce sujet. Les dimensions des vêtements ne correspondaient pas aux mensurations de celui-ci – Calixte avait en tête ses mensurations uniquement par soucis professionnel, évidemment – et il semblait dans la nature de Vaelin de faire ainsi preuve d’attention envers les membres de sa famille. D’ailleurs…
- Viendrez-vous à la fête ? Ta famille et toi ?
Si Calixte parcourait probablement encore les rues de la Capitale animée par les réjouissances sous le masque de l’un de ses personnages, il savait que pour une partie des militaires c’était l’occasion de profiter d’un peu de repos – s’ils n’avaient pas été tirés au sort, ou ne s’étaient pas désignés dans un élan de masochisme, pour être de garde ce jour-là – et d’un temps familial. Et c’était quelque chose qui paraissait compter pour son camarade. La filiation. En même temps… Lui-même éprouvant toujours une certaine tendresse pour sa fratrie pourtant hautaine à son égard, il ne pouvait que suspecter la force des liens unissant les membres d’une famille plus calibrée.
- Que devient Crist ? continua-t-il en slalomant entre les groupes s’affairant comme eux de boutique en boutique. Toujours le nez dans les affaires politiques ?
Il n’avait pas souvent croisé la sœur jumelle de son camarade, mais il en avait suffisamment entendu parler pour avoir l’impression qu’elle faisait partie de son cercle de relations. Et il avait le surnom facile.
C'est alors que je lui soumis la remarque de partir, et même à ce moment, Calixte en profita pour relancer une pique à la pauvre vendeuse, qui m'avait fait une réduction sans être sûr de me revoir... Je me souviendrai encore longtemps de cette boutique afin de l'éviter pour un long moment. Mon compagnon d'arme étant très tactile me prit mon bras afin de m'attirer dans les rues qui s'animaient de plus en plus au fil de la journée et les gardes tournaient aussi. Alors que je me faisais guider pour trouver les autres boutiques, j'en profitais afin de faire un listing des différentes plantes que je devais acheter. Des comestibles afin de préparer des réserves de friandises ou me préparer des tisanes lorsque je me trouvais en pause ainsi que des autres plus toxiques comme des nénuphars nocturnes, même si on avait peu de chance d'en trouver...
C'est alors que Calixte m’interrompit dans mes pensées fleurales sur les deux robes que j'avais acheté. J'avais pour une fois pas mentir sur l'origine de mes achats, elles étaient destinés pour mes deux sœurs qui n'étaient pas du tout tourné sur l'art militaire comparé aux hommes de la famille... Elles étaient toutes les deux plus intéressés par les robes que nos tenues serrés et lourdes d'acier, de cuir et les armes. L'espion me cita le bal du solstice et nos possibles venue. Ce bal allait avoir lieu bientôt et je répondis avec un léger sourire du coin des lèvres :
- Peut-être que tu pourras les vaincre cette année, mais tu vas devoir faire preuve d'audace. Ou que tu me payes cher pour éviter qu'on aille au festival.
Je réfléchissais pendant quelques secondes sur les disponibilités de ma famille avant de reprendre :
- Mes parents y seront dans leur coin avec ma petite soeur, mon frère se trouvera de garde... Ca lui ferra du bien de bosser un peu..
Mais bon, c'est pas eux qui t'intéresse le plus. C'est Cristelle non ? On y va ensemble, c'est rare qu'on puisse passer du temps ensemble.
Et justement, quelques secondes après la question concernant ma jumelle fusait ainsi que sur ses plans d'avenir. C'était peut-être sur l'un des seuls sujets que je pouvais attaquer mon collègue espion d'un point de vue sentimentale, je l'avais quelques fois remarquer à poser ses yeux sur elle ou d'être gêné en sa présence... C'était vrai que ma soeur était d'une beauté supérieur à la plupart des femmes de la ville et certains prétendaient même qu'elle pouvait facilement battre celle de la reine. Mais son véritable talent se trouvait dans son coeur, Crist (comme la surnomme Calixte) était fermement engagée dans la politique du pays et essayait de se faire une place au milieu des nobles afin d'aider le peuple.
Je retranscris mes pensées à mon ami :
- Elle va toujours aussi bien et les affaires politiques avancent à un rythme régulier sans pour autant lui plaire. Elle joue des coudes pour accéder plus haut... Je crois en elle, elle y arrivera sans compter qu'elle pourrai compter sur moi.... ou .... Héhéhé... toi, peut-être.
C'était à mon tour de répliquer et même de le titiller sur ses potentielles sentiments :
- Je ne sais plus depuis combien de temps qu'on se connaît mais à chaque fois que tu l'as vu. Tu n'as jamais tenté de lui parler plus ou d'user de tes talents de séducteurs sur elle. Tu aurais peut-être une chance après tout. Elle demande parfois des nouvelles de mes camarades gardes et tu reviens assez souvent dans les discussions...
Si tu veux, je pourrai vous laisser un moment ensemble pendant le festival du Solstice. Je prétendrais un truc important à faire à la garde.
Je souris de nouveau tout en observant sa réaction, bien sur, je ne lui avais pas exposé les faits que les prétendants de ma jumelle étaient souvent espionnés par un frère protecteur... Mais Calixte devait se douter de cette possibilité. Je n'apprécierai guère qu'on mente à ma jumelle ou qu'on lui fasse du mal. Je pense que je serai même prêt à laisser ma place d'espion pour la protéger.
Malgré la foule, nous réussissions à rejoindre notre deuxième objectif : l'herboriste. La boutique, je la connaissais et comme à son habitude, elle me frappa directement de l'odeur des différentes variantes de plantes. Une odeur reposante et surtout qui repoussait la plupart des alcooliques des tavernes. Mais pour moi, elle m'attirait et me reposait. C'est alors que le gérant, un vieil homme aux cheveux grisonnant m'abordait qui connaissait que trop bien mes différentes venue pour divers achats de ses marchandises.
- Bonjour monsieur Dragmar, en permission à ce que je vois. Je vais vous chercher mes meilleurs produits. Votre ami veut les voir aussi ?
L'homme attendit sa réponse tandis que je me mis à humer l'odeur de différentes herbes afin de trouver de nouvelles recettes. Bizarrement je m'attendais à des questions de mon ami espion.
- Je ne paierai jamais pour ne pas te voir Vae, commenta avec légèreté le jeune homme. Comment pourrai-je sciemment retirer le rayon de soleil que tu es à ma vie ?
Et si Calixte était bien piètre espion par rapport à son camarade, ses années de maladresse et d’échec ne l’avaient pas rendu moins sarcastique ni taquin. Il sembla un moment que sa question – tout à fait innocente – obtiendrait une réponse tout à fait objective… mais par un retour de karma son camarade ne manqua pas de se saisir de son intérêt sous-jacent. A savoir la question de Cristelle. Il faillit trébucher contre un pavé irrégulier alors que Vaelin décidait de le tourmenter. Et qu’y avait-il de plus louche qu’un frère qui parle de sa sœur à l’un de ses potentiels soupirants ? Calixte n’était pas pressé de se prendre un katar dans des places innommables, merci bien.
- C’est un piège que tu me tends-là, n’est-ce pas ? fit-il soupçonneux en jetant un regard ennuyé au sourire de son camarade. J’aurais à peine approché Crist que ça t’aura donné une excuse pour me faire passer par-dessus l’un des balcons flamboyants du Palais. Mort par défenestration, moyen sur le cv, soupira-t-il avec un sourire en coin. Merci quand même de la proposition.
Honnêtement, il n’était pas gêné de ses petits sentiments papillonnants pour la jeune femme. Il l’était bien plus de discuter de la situation avec son frère jumeau. Ça créait une espèce d’interaction à trois un peu étrange qu’il avait moyennement envie d’explorer. Et puis, il était à peu près certain qu’en bon frère protecteur, Vaelin n’hésiterait pas à lui refaire la façade à la moindre maladresse. Ce qui n’était quand même pas terrible pour la paix intrinsèque à leur unité d’espionnage. Calixte était plus que d’accord pour passer un peu de temps en la compagnie de Cristelle, mais il préférait encore que ce temps-là n’ait rien eu à voir avec Vaelin. De près ou de loin. Bon, s’il devait être franc avec lui-même, il n’était pas non plus contre passer un peu de temps en la compagnie de son camarade espion. Il n’était pas très difficile question goût et couleur. Mais mélanger ses relations avec le frère et la sœur… Quoi que… Calixte soupira. C’était là raison pour laquelle il ne s’aventurait pas sur ce chemin, tout devenait toujours plus compliqué avec lui.
L’arrivée devant l’herboristerie lui changea les idées, et il laissa ses pensées concernant les méli-mélo relationnels sur le paillasson de la boutique. Une bouffée d’odeurs en tous genres l’accueillit alors que Vaelin en ouvrait la porte, et il pénétra à sa suite. Ça n’était pas celle où il passait usuellement refaire ses stocks, mais du fait que sa position stratégique il y était déjà entré plusieurs fois. Son camarade, par contre, semblait plus habitué que lui au lieu.
- Son ami apprécierait aussi les voir, si cela vous convient, répondit poliment Calixte au gérant les accueillant.
Acquiesçant d’un mouvement de tête, le vieil homme grisonnant leur indiqua d’un geste de le suivre dans une petite alcôve.
- Je m’occupe de ces messieurs, reste au comptoir, indiqua-t-il à un petit garçon occupé remplir un herbier avec attention. Installez-vous, je vais chercher les produits, proposa-t-il aux deux espions en leur montrant les banquettes et la table les accueillant dans le recoin de la pièce.
Et il disparut derrière une étagère, dans un tourbillon de fragrances florales. S’écartant du passage pour laisser le petit garçon bougonnant se diriger vers le devant de la boutique, Calixte en profita pour glisser un coup d’œil aux armoires imposantes au nombre impressionnant de tiroirs. Tous étiquetés, ils promettaient quantité de produits divers et intrigants.
- Je n’étais jamais passé de ce côté-là, avoua-t-il à Vaelin. Vous êtes un privilégié, monsieur Dragmar, plaisanta-t-il avec une courbette moqueuse. Est-ce que ce sont vos grands pieds qui vous ont donné accès à ces avantages ? demanda-t-il avec un haussement de sourcils au sous-entendu salace. Si j’avais su que ton type était celui-ci… je n’aurai pas encouragé cette pauvre vendeuse !
Son doigt effleura les lettres en relief indiquant le contenu de petits bocaux. Malgré le choix important de produits, il ne semblait pas y avoir beaucoup d’ingrédients pour des préparations un peu… exotiques. Mais peut-être que ceux-ci n’étaient pas stockés en devanture, et que c’était ce que le gérant était parti chercher. Reculant pour lire les étiquettes au-dessus de sa tête, il en oublia le volume de son sac qui tapa dans l’étagère près de laquelle Vaelin se trouvait. Heureusement, le coup ne fut pas très fort, mais malheureusement, il le fût suffisamment pour faire chuter deux boîtes métalliques… un petit récipient en verre sur la tête de son camarade espion.
- Ouuuups, grimaça Calixte en retirant son sac à dos.
Il récupéra les boîtes avant qu’elles ne roulent trop loin et les replaça sur l’étagère… la fiole avait par contre fini sa course en éclats contre le sol, après avoir répandu une partie de son liquide sur les cheveux et la nuque de Vaelin. Et c’était lui où les trainées du produit faisaient briller poils et peau sur leur passage ?
- Pardonpardonpardon…
- A votre place je ne ferai pas ça, fit la voix calme du gérant qui était revenu sur ces entrefaites.
Laissant en suspens ses doigts prêts à essuyer le liquide dégoulinant de son camarade, Calixte adressa un regard interrogateur – et contrit – au vieil homme.
- Les aléas des petites boutiques, soupira ce dernier en déposant dans l’alcôve les produits qu’il était allé chercher. Asseyez-vous, je vais vous ramener une serviette… même si, à mon avis, cela ne suffira pas, ajouta-t-il dubitatif en observant la capillarité de Vaelin.
Calixte s’assit sagement, et cette fois-ci, le gérant revint rapidement. Soit il avait peur d’une nouvelle gaffe de la part de ses clients, soit ce genre d’incident était fréquent et il gardait sous le coude de quoi y palier. Il donna de quoi s’essuyer à Vaelin, et commença à nettoyer le sol où le flacon de verre était tombé. Calixte voulut l’aider – car après tout c’était sa bêtise – mais l’homme lui fit signe de rester là où il était. Craignant probablement – et à raison – un nouvel accident.
- Mmm, fit-il en fronçant les sourcils tout en observant les bouts de verre. C’était une fiole de phéromones, et éclat pileux. Mais en l’état, impossible de savoir s’il s’agissait de phéromones humains, animaux, féminins ou masculins.
Calixte trouvait ça rigolo que les deux fonctions aient été présentes dans un même produit, mais il lui semblait qu’il serait mal venu qu’il fasse une remarque à ce sujet, et il se contenta donc d’adresser un regard inquiet et curieux à Vaelin.
- Heuuu, du coup ?
- Du coup, j’ai bien peur que vous ne le découvriez par vous-même au cours de la journée. Et ce jusqu’à votre prochain bain.
La rue était agité par les différents passages mais Calixte et moi arrivions à discuter, le sujet avait dévié sur ma propre soeur jumelle... L'espion maladroit faillit trébucher sur les pavés suite à mes réflexions concernant ses potentiels chances avec la frangine avant de me répondre avec une question et une négation. Mon camarade n'était pas un idiot et à cause de la carrière engagée de ma soeur, j'usais parfois de mes temps libres pour surveiller ses contacts... Mais il s'agissait d'une autre histoire plus personnel.
L'arrivé chez l'herboriste changea radicalement l'ambiance à cause des différentes senteur de l'endroit... De la simple herbe compacté aux plantes encore intacts pour préserver leur nectar, un sourire s'affichait sur mon visage tout en voyant le commerçant nous aborder afin de nous demander si on voulait voir ses produits tandis qu'un gamin reçut l'ordre de rester à sa place... Cependant Calixte en profita de l'absence du maître de ses lieux afin de me poser des questions sur mes différentes fréquentations dont cette boutique.
- Pas mes grands pieds, mais mon talent de trouver les bonnes affaires. Je ne viens pas d'une famille aussi aisé que la tienne. J'ai du déambuler des heures dans notre chère capitale afin de trouver des herbes rares pas cher.
Mon sourire du coin indiquait un potentiel mensonge, car je venais ici car il s'agissait d'un des seuls commerçants possédant des plantes dangereuses comme des nénuphars nocturnes en cette saison... J'espère que Calixte connaissait encore certaines de mes mimiques exprès pour qu'il comprenne tandis que mon collègue se mit à regarder divers produits.
Peu de temps après, je reçus sur le crâne un produit... La maladresse légendaire de mon compagnon avait frappé et ça m'avait encore tomber dessus. Quelle était donc le liquide qui m'avait coulé dessus ? J'allais toucher mon crâne lorsqu'une voix me coupa dans mon action...
Le propriétaire vint à moi tout en m'apportant une serviette après m'avoir rapidement observer et il refusa que Calixte l'aide. Sans le savoir, le commerçant avait vu juste sur la nature maladroite de mon ami tandis que l'homme nous indiqua le contenu de la fiole : des phéromones mais qu'une provenance inconnue.... Mon regard se posa sur mon ami, un regard légèrement noir avec un sourire "sadique" pour lui faire comprendre qu'à notre prochain entraînement physique : j'allais proposer à notre mentor de me charger de mon collègue.
Cependant, mon masque sans émotion reprit forme et je me mis à rire :
- Je vais devenir un monstre de séduction grâce à ce nectar, j'espère juste qu'il ne s’agit pas de créature dangereuse.
Bon revenons à nos moutons, je verrai bien ce dont me réserve notre journée... Je vois que vous n'avez apporté qu'un petit plateau, pour quelle raison ?
- Monsieur, il s’agît de la saison froide et malgré la présence de mes produits de bases. Je ne peux pas avoir les meilleures herbes... J'espère que mes derniers trouvailles vous plairont : des baies de lucols bleue, du rurd, du phiatri...
Je regardais les produits avec attention tout en bavant intérieurement en voyant les baies, souvent c'était des aliments que j'avais dans mes poches durant mes infiltrations afin de soutenir ma faim... Puis l'homme me sourit pour me relever le meilleur pour moi et surtout mes Katars : du lotus noir. Cependant j'avais menti à cet homme pour en obtenir, je m'étais fait passer pour un passionné de lotus en tout genre... Seulement la vérité était plus glauque, mes armes d'espion pouvaient par moment : être recouvert de l'essence de cette plante.
- Monsieur Dragmar, votre ami "maladroit" a t'il également une passion comme vous pour les plantes comme les lotus ?
En parlant de chance… son regard croisa celui de Vaelin, et il lui renvoya un sourire crispé à celui de mauvais augure de son collègue. Une goutte de sueur dévala le long de sa tempe. Il sentait qu’aux prochains entraînements il allait prendre cher. Déjà qu’usuellement ces séances étaient une vraie torture pour lui, alors après ce fâcheux épisode… Il allait vraiment falloir qu’il se trouve des partenaires de travail moins sadiques que ceux qu’il avait habituellement. Mais il paraissait que « qui aime bien châtie bien ». Il était peut-être un peu trop aimé. Clignant des yeux au rire de façade de Vaelin, il fit écho au sien d’un rire plus léger. Plus hystérique.
Heureusement, l’attention de son camarade espion se porta rapidement – professionnellement – sur les éléments que le gérant de la boutique venait de leur ramener, coupant court à l’épisode maladroit de Calixte. Obligeant ses yeux à analyser à leur tour les produits disposés devant eux, il se força à un effort de concentration. Vaelin avait raison, la présentation était un peu chiche. Mais le gérant mettait aussi en avant des points tout à fait valides. Non seulement la saison n’était pas favorable aux stocks, mais la population croissante ces derniers temps en vu des festivités de la Capitale avait aussi dû avoir sa part de responsabilité dans l’épuisement plus rapide que prévu de ceux-ci. Vraiment, il aurait dû s’y prendre plus tôt pour faire l’état des lieux de son matériel. Non seulement ça allait lui coûter plus cher que prévu ces histoires, mais en plus il n’était pas certain d’obtenir tout ce qu’il avait désiré pour un confort optimal.
Il y avait tout de même quelques spécimens remarquables dans la sélection du gérant de la boutique, et Calixte ne manqua pas de noter les mimiques intéressées de Vaelin. Pour un œil moins entraîné et moins familier de l’homme, ce dernier était resté impassible tout le long de la présentation faite par le gérant. Mais pour Calixte qui connaissait bien son camarade – son frère d’arme – décrypter ses infimes réactions corporelles relevait de la promenade de santé. Il lui laisserait volontiers les baies de lucols bleue… et le lotus noir. Repensant à sa dernière rencontre avec Naëry, il se dit qu’il allait vraiment devoir avoir une conversation de fond avec le Maître-Espion concernant le projet du nouveau Commandant… et sa légère bavure concernant l’aventurier. Secouant légèrement la tête pour disperser ses sombres pensées tout comme pour répondre à la question indirecte du gérant, Calixte se réintéressa à la conversation.
- Non, les lotus sont l’apanage de monsieur Dragmar, fit-il honnêtement. Je suis par contre intéressé par vos échantillons de plantes à vertus thérapeutiques.
Alors que le vieil homme s’empressait de lui sortir tout ce qu’il avait en la matière, Calixte nota que pour ses achats plus sensibles il allait falloir qu’il retourne à l’une de ses autres boutiques repères. Non seulement n’y avait-il pas exactement ce qu’il cherchait, mais en plus n’avait-il pas l’habitude de marchander ces denrées particulières avec ce gérant sur lequel il avait peu enquêté. Vaelin avait peut-être ses aises ici, mais pas lui. Et d’ailleurs, peut-être valait-il mieux qu’ils ne fassent pas tous deux leurs emplettes sensibles au même endroit. Après avoir précautionneusement inspecté les divers sachets sortis par le gérant, Calixte indiqua à l’homme ceux qu’il prendrait. En plus d’une poignée de baies de divinam. Chacun ses addictions. Sortant sa bourse de cristaux pour régler le gérant, il prépara aussi de quoi le dédommager de la fiole brisée de phéromones.
- Laissez, lui indiqua fermement l’homme tout en lui préparant un petit paquet de ses achats. Votre ami monsieur Dragmar est un habitué de la maison, nous lui devons bien cela. Promettez-moi juste de revenir… avec un sac plus petit la fois prochaine.
Avec un rire contrit, Calixte acquiesça. Laissant son collègue finir son choix entre les mains savantes du vieil homme, il repassa prudemment dans la pièce principale de la boutique, où le petit garçon assigné au comptoir s’ennuyait derrière celui-ci. Son herbier était sagement refermé à côté de lui, et il fixait avec morosité la porte obstinément fermée de l’herboristerie. L’heure du déjeuner devait avoir eu raison de la foule qui avait temporairement dû ralentir sa course effrénée des magasins.
- Longue journée ? demanda Calixte en s’accoudant au comptoir.
- Grand-père arrête pas de me faire bosser à sa place, bougonna le garçon. Et j’ai encore toutes ces plantes à mettre !
- Mmm. C’est pas cool effectivement. Si tu veux je surveille quelques minutes, le temps que mon ami finisse ses achats, et toi tu peux continuer ton herbier en attendant.
- … herbier ?
- … collage de plantes.
- Vraiment ?
- Vraiment.
- Trop cool, m’sieur.
Bon, en même temps, vu que y avait pas âme qui vive dans cette partie de la boutique... Observant d’un œil les pages sur lesquelles le garçon se réaffairait, il regardait distraitement par la vitrine les personnes déambulant dans la rue d’un pas précipité. Ah l’animation de la Capitale. Des fois – rarement – le calme plus marqué des rues des faubourgs du Grand Port lui manquait.
- Ton grand-père te demande souvent de bosser pour lui ? demanda-t-il distraitement au garçon le nez dans ses plantes séchées.
- Ouais. Depuis que grand-mère est morte y a plus que moi. Enfin y a papa aussi. Mais papa doit aller chercher les plantes la journée.
- Chercher les plantes ?
- … ben les plantes pour les vendre. T’es bête ou quoi ?
- Oui, c’est ce que dit mon ami. Il est aventurier ton papa ?
- C’est c’que dit papa. Mais à chaque fois i’rigole et grand-père fait la tête.
Ouais bon. Plus un statut de magasinier, voire d’intermédiaire, que le profil d’un véritable aventurier visiblement. Guettant à la fois la venue de nouveaux clients et le retour de Vaelin, Calixte se pencha à nouveau vers le garçon.
- Si tu me racontes la dernière fois où grand-père a fait la tête, j’te raconte comment utiliser cette plante pour avoir la langue bleue.
Les yeux scintillants du garçon lui répondirent.
Je commençais à faire mes choix de provisions de plantes tout en choisissant des herbes séchés afin de me faire des tisanes tandis que le boutiquier apporta un autre ensemble de plantes thérapeutiques. Au moins, j'avais eu le temps de prendre mes ressources classiques et je pus me concentrer sur les fleurs de lotus qui étaient présentes... La plupart était de simple variété et qu'une seule était dangereuse : un lotus noir. Une plante dangereuse et qui m'intéressait.
J'attendis la fin des achats de mon ami avant de commencer à parlementer avec l'herbier. Des questions lui vinrent par rafales tandis que Calixte alla discuter avec le gamin :
"- Les lotus sont toujours aussi présents chez vous, cependant j'ai remarqué la présence d'un lotus noir. Vous pouvez me décrire sa provenance ? Qui vous l'a vendu ? Et depuis quand il est ici ?"
L'homme me répondit en bafouillant par moment :
"- J'ai du l'acheter.... à une prix fort à mon bon à rien de fils..."
Son fils, un prétendu aventurier, qui s'aventurai trop souvent vers le marché noir... Donc j'en étais sur qu'il venait du marché noir et non en état sauvage. Le lotus devait soit être un faux soit de mauvaise qualité... Je n'allais donc pas pouvoir renouveler mes essences liquides de lotus noir qui servaient à en poser sur mes différentes armes surtout mes Katars en cas d'action militaire... Cependant, j'allais devoir encore réprimander ce pauvre commerçant.
"- Je suis bien désolé, mais je ne peux acheter des produits de votre fils car ils sont souvent illégaux. Je ne vais pas vous poser une amende car vous n'êtes qu'une victime de ses mensonges....."
Je pus voir son regard déçu de ne pas pouvoir faire affaire avec ma personne sur ce produit rare mais je posais les cristaux pour acheter le reste de mes trouvailles avant de rejoindre Calixte afin de lui faire signe de sortir et d'arrêter de soutirer des potentielles informations sur cette boutique. Je savais déjà tout et lui devait déjà savoir ma déception de ne pas pouvoir avoir acheter un lotus Noir.
J'ouvris finalement la porte pour sortir de la boutique ressortir dans la rue bonder de monde, le soleil était déjà au zénith et les commerces de nourritures étaient remplis de clients et des queues d'attente se formaient devant ses lieux... Naviguer entre cette foule allait être difficile mais j'avais déjà oublié un autre problème : les phéromones.
Un essaim de Shalupin se mirent à voler vers moi pour tourner autour de mon crâne tandis que d'autres se posèrent littéralement dans ma chevelure. Pour une fois que j'attirais l'attention, mais je me sentais vraiment mal à l'aise sous les regards des autres et je demandais à mon collègue une porte de sortie. Avait-il une autre boutique à visiter pour fuir ses bestioles ou était-il mort de rire à cette vision... Mon regard se posa sur lui.
Du mouvement à l’arrière de la boutique commanda son attention, et il tourna la tête pour apercevoir Vaelin se diriger vers lui. Et à son expression, il ne devait pas avoir vraiment trouvé ce qu’il était venu chercher. Bah, ça arrivait. Après des « au revoir » brefs au gérant et son petit-fils, Calixte suivit l’invitation gestuelle de son camarade et suivit ce dernier au dehors de l’herboristerie. Les odeurs flottantes à cette heure du déjeuner l’accueillirent dans leur giron, et il se prit à rêver de bons petits plats. Il était vraiment temps d’aller trouver de quoi passer le midi.
Calixte allait proposer à Vaelin d’aller trouver de quoi remplir leur estomac, quand il se rendit compte que la tête de son ami était devenue la source d’intérêt d’une armée de shalupins. Les phéromones ?! Eclatant de rire, il attrapa l’un des bras de son camarade espion pendant que sa chevelure devenait le nid douillet des petites bêtes. Ses courbatures futures lui rappelleraient sa maladresse malvenue, mais pour le moment il pouvait profiter tout son soûl de la déconfiture de Vaelin. Laissant l’homme se débrouiller pour chasser – ou laisser – ses nouveaux compagnons, il le guida néanmoins à travers les rues bondées pour rejoindre un petit restaurant sans prétention. Sur leur passage, les visages se tournaient surpris et intrigués par le spectacle se déroulant autour de celui de Vaelin. Et Calixte n’en pouvait plus de rire.
Ils finirent par s’engouffrer dans un petit passage à l’écart, où les nombreuses plantes tapissant les arcades attirèrent l’attention d’une partie des shalupins, puis lorsqu’ils touchèrent au but, les forts arômes d’épices finirent de perturber les petites créatures qui désertèrent la tête de Vaelin. Après une hésitation, prenant tout de même pitié de son camarade, Calixte les conduisit à l’intérieur de l’enseigne sans prétention. Déjeuner en terrasse, malgré les autres points d’intérêt présents pour les shalupins, était peut-être un peu ambitieux, et cruel pour Vaelin.
- J’espère que les épices ne te font pas peur, fit-il à son camarade en haussant les sourcils. Les gérants sont originaires d’un village friand de tout ce qui peut pimenter un plat, et la carte est un peu relevée. L’addition beaucoup moins, ajouta-t-il après réflexion. Surtout si tu fais un sept-cent-quatre-vingts.
Suivant un serveur qui les amenait à l’étage, dans une petite salle chiche mais un peu plus à l’abri des odeurs appuyées des plats en cours de préparation, il laissa Vaelin aviser l’une des tables basses de son choix. Au lieu de chaises se trouvaient des coussins, et ils furent invités à se déchausser avant d’avancer davantage sur les tatamis. A disposition sur les tables se trouvaient un set de thé et un gobelet contenant quelques dés. Ces derniers n’avaient pas pour but d’encourager ou de donner lieu à des jeux d’argent, mais simplement à divertir les clients au besoin. Ainsi que de les laisser tenter un « sept-cent-quatre-vingts » s’ils le désiraient. Habitué des lieux, Calixte commanda sans regarder la carte, et pendant que le serveur s’enquérait du choix de Vaelin, il entreprit de leur verser chacun un peu de thé.
- Ces messieurs tenteraient-ils un sept-cent-quatre-vingts ? demanda le serveur sur le point de s’éloigner.
Calixte haussa les épaules avant d’expliquer à son camarade :
- Trois lancers de trois dés six. Le un vaut cent, le six soixante ; les autres chiffres restent inchangés. Pour faire un sept-cent-quatre-vingts, et bien il faut faire exactement ladite somme. Auquel cas le repas, et les deux suivants, sont offerts par la maison.
Il fit ses lancers sous l’œil attentif du serveur : quatre-vingt-sept. Bien loin du compte ! Le repas gratuit pour lui serait pour une prochaine fois. Enfin, depuis le temps qu’il fréquentait le petit restaurant, il n’avait jamais réussi à faire la somme demandée. Sur le tableau indiquant le nom des grands vainqueurs, le sien ne semblait pas prêt d’apparaitre.
Lorsque le serveur repartit vers les cuisines, après un coup d’œil aux tables alentours, Calixte se pencha un peu plus vers Vaelin.
- Et sinon, c’est accompagné que tu iras au bal du festival du Solstice ? Si tu me dis que oui, mais avec l’une de tes sœurs, laisse-moi te dire que tu déçois mon imagination. Et celle des shalupins. J’entends d’ici leurs murmures déçus. Alors ?
Calixte pouvait être une véritable commère lorsqu’il s’y mettait.
- Résultat dés:
- 2, 4, 4, 3, 6, 5, 2, 2, 5
Mon regard s'était posé sur l'autre espion afin de voir s'il possédait une solution pour refaire partir dans leur traintrain habituelle à ses petites bestioles. C'est alors qu'entre deux fous rires de mon camarade qu'il me saisit par le bras afin de me guider à travers diverses ruelles afin de trouver un lieu pour manger. Au fils des ruelles, les petites bestioles se prirent gout à des plantes. Tandis que d'irrésistibles Shapulins avaient réellement élus domiciles dans mes cheveux jusqu'à l'arrivée dans un restaurant où les odeurs d'épices firent fuir les derniers résistants. Je passais ma main doucement dans mes cheveux en me rendant compte de l'absence des bestioles et mon souffle fut un soupir de soulagement.
Calixte semblait connaître l'endroit et me demanda si ça n'allait pas me repousser comme mes anciens compagnons. Je lui répondis avec un léger sourire :
"- C'est très rare que je mange épicé mais ça ne vas pas me tuer. De plus, je te fais confiance Cal. Sinon que peux-tu me dire sur le sept-cent-quatre-vingts ?"
Il n'eut pas le temps de répondre qu'un serveur nous guida à travers les diverses salles de l'établissement pour nous mener à la table et l'espion le suivait sans se méfier. Mon ami allait donc me présenter un de ses restaurants favoris, notre table se trouvait à ras du sol et sur des tatamis. Nous devions ôter nos souliers afin d'accéder à nos sièges : des coussins. Alors que je prie le temps de regarder le menu, Cal semblait déjà savoir son repas du midi. Après une dizaines de secondes d'observation, je donnais ma commande au serveur :
"- Je vous prendrais donc un agneaux avec du curry Madras accompagné d'un riz citronnée de Madras et d'un naan aux oignons."
" Et comme boisson ?"
"- Du thé jasmin ainsi qu'une carafe d'eau."
Le serveur nous remercia tout en proposant le jeu qui permettait d'avoir un repas gratuit si on atteignait le juste nombre avec le bon nombre de dés. Calixte rata son lancé et je tenta après l'explication des règles mon lancé de dé : j'étais bien au dessous du score... Dommage au moins j'avais tenté tandis que je me servis du thé ainsi qu'à mon camarade : celui-ci était du vert et devait être servi à l'accueil de chaque client en attendant les vrais commandes.
C'est durant cette atteinte que Calixte en profita pour se remettre à la charge d'information sur ma personne afin de connaître plus mes relations intimes et pour me charrier envers les Shalupins. Je souris du coin des lèvres pour finalement lui répondre après avoir porter la boisson à ma bouche :
"- J'y serai avec ma Crist et oui je sais je vais décevoir ses pauvres Shalupins mais regarde ne sont-ils pas mieux en compagnie des plantes environnantes que dans mes cheveux ? Et surtout Cal, je sais que tu cherches des informations plus croustillantes comme sur mes conquêtes afin de les répéter à d'autre."
Les autres personnes n'étaient qu'autres que notre mentor : Zahria. Lorsque Cal était seul avec elle, c'était lui qui subissait ses mauvais tours mais si j'étais présent. C'était moi la victime surtout pour aller séduire les femmes pour nous permettre d'avancer dans des enquêtes... Au moins, j'avais pu vaincre par moment ma timidité. Mais c'était à mon tour de répliquer :
"- Et toi ? Tu seras en compagnie de ta famille, de tes conquêtes ou bien autre chose de plus connu de nous deux ?"
Ma phrase fut appuyé d'un regard sur son sac de robes afin de le questionner sur un possible travestissement durant la fête du Solstice. Calixte n'avait aucun mal comparé à moi de prendre une apparence plus femme... J'attendis de voir sa réponse tandis que nos plats arrivèrent sous la bonne odeur d'épice qui allait avec. C'est à ce même moment que je vis le dernier des résistants Shalupins sortir de ma chemise en tissu pour se poser proche de sa main.... Il semblait perdu au milieu des fortes odeurs, de la perte de son groupe et de se trouver proche d'humain.
"- Dis donc, petite chose fragile, tu t'es perdu ? Repars vite rejoindre tes camarades."
La bestiole resta à sa place et je fis attention dans mes gestes pour la laisser tranquille afin de poser des questions sur la suite du programme.
"- Tu as encore de nombreuses boutiques à voir, moi personnellement quelques uns dont celle.."
Je n'eus pas le courage de finir ma phrase, car à cause d'une bouchée de curry, ma gorge semblait prendre feu...
- Lancé de dés:
- 4 + 4 + 2 + 6 + 2 + 1 + 6 + 2 + 1
Vaelin qui esquivait encore sa question sur ses possibles conquêtes. Décidemment, il semblait qu’il ne tirerait rien de son camarade de ce côté-là. Comme souvent. Se souvenait-il seulement d’avoir croisé le jeune homme en compagnie d’une femme ou d’un homme ? Peut-être était-il en réalité zoophile… Il n’avait pas semblé si embarrassé par la présence des shalupins, et n’avait pas tenté de s’en débarrasser activement. Non, la réaction des passants autours d’eux l’avait visiblement bien plus agacé que l’escadron de petites bêtes s’installant tranquillement dans ses cheveux clairs. Enfin, à défaut d’en savoir plus sur la vie amoureuse – ou sexuelle – de Vaelin, au moins aurait-il peut-être la satisfaction de croiser Cristelle lors du festival du Solstice.
- Bien sûr que je veux les répéter. Les commenter et les pronostiquer. Et toi tu prends un malin plaisir à me retirer, justement, ce plaisir, s’exclama-t-il faussement outré. Je te croiserai donc qu’en la compagnie de ta famille. D’ailleurs si tu vois l’occasion de nous laisser en tête à tête avec Crist, ne te gêne pas pour t’éclipser… ajouta-t-il avec un sourire songeur.
Même si cela l’embêtait un peu de parler de la jeune femme en ces termes avec son frère jumeau, l’espion devait avouer qu’il ne serait pas contre un moment tranquille avec celle-ci. D’abord car il l’appréciait réellement en tant que personne et s’intéressait à son milieu d’exercice, et ensuite car Cristelle ne manquait vraiment pas de charme.
- Je vais aider à l’organisation du PC sécurité en début de journée, répondit-il sincèrement. Puis je pense que je profiterai plutôt librement des festivités. Dans les rues et au bal du Palais Royal. J’espère qu’il y aura un peu de beau monde à ce dernier.
A la fois pour satisfaire sa curiosité, et pour pouvoir glaner quelques potins intéressants pour le Maître-Espion.
Le serveur revint avec leurs commandes, et les déposa devant eux. Nonchalamment, Calixte continua à boire son thé en observant Vaelin qui s’amusait avec un shalupin persistant. Il n’avait pas oublié ce qu’avait demandé son camarade, et il était curieux de voir si celui-ci tenait vraiment bien les épices ou avait été un peu enthousiaste dans le choix de son plat. Et il ne fut pas déçu. Riant franchement aux couleurs que prenait soudainement Vaelin suite à sa bouchée de curry, il lui rapprocha son naan afin de lui mettre à portée de main quelque chose pour calmer le feu qui avait dû envahir son palais. Au moins se serait-il bien amusé sur cette journée qui partait sous les auspices pénibles des courses à faire. En parlant de courses…
- Il faut que je passe à une mercerie, à une autre herboristerie, et à une pâtisserie, finit-il par répondre à son camarade entre deux hoquets de rire. Le grand-chef a des envies d’éclairs au chocolat. Visiblement les dernières affaires stimulent son appétit, commenta-t-il songeur en repensant à la mise à pied de Zahria. Puis je rentrerai à la Caserne déposer tout ça.
Il se saisit de sa fourchette et la piqua dans les légumes de son plat, moins épicé que celui de son camarade.
- Tu disais qu’il te fallait encore aller où ?
" - Si l'occasion se présente, pourquoi pas ? Je feinterais d'aller chercher quelque chose pour se rassasier.
Je suis sûr que ces paroles allaient pouvoir le faire sourire tandis qu'il me décrivit le début de sa future soirée de Festival. Et je ne pus que me taire en voyant le début des plats qui arrivaient et lorsque je pris la première boucher, je ne pus ressentir que la force des piments enflammer ma gorge sous le regard amusé de mon camarade... Je savais que les plats pouvaient être pimenter mais autant... Oh ma déesse, c'est alors que je vis le saint Naan se faire rapprocher par mon frère d'arme que je m'empressais de dévorer afin d'apaiser ce feu intérieur... Vaelin, la prochaine fois, pense à demander avant de commander bêtement les plats qui t'attirent furent mes premières pensées tout en remerciant Calixte d'un signe de tête.
" - C"est ma fête aujourd'hui entre les phéromones et ce plat trop épicé. Au moins, tu auras de bonnes choses à transmettre à Zahria. Je sens qu'elle risque de se moquer de moi la prochaine fois qu'on l'a verra."
Je vis à ce moment le Shalupin se rapprocher de mon assiette afin d'y voir la nourriture, je le repoussais doucement de la main et il finit par s'envoler en direction d'une fleur proche. Un juste choix petite créature tandis que je me forças à reprendre une bouchée du plat, bizarrement elle me semblait moins épicé. Peut-être que mon palais était déjà complètement anesthésié par la première fourchette... au moins, j'allais nettement moins craché des flammes et j'en souris... C'est alors que mon camarade de tablé me répondit sur ses dernières activités et achats à faire. Il devait aller voir une autre mercerie, un herbier et un pâtissier pour le vieux chef... Je ne compte plus le nombre de fois qu'on avait du alterner pour aller chercher ses plaisirs. Au moins, nous avions la même direction : la caserne. Je finis par reparler après avoir avaler ma bouché de viande.
" - Je dois aller voir ta mercerie afin d'acheter des fils pour ajuster mon costume. Et repasser à la forge proche de notre chère caserne afin de récupérer mes Katars... Les lames étaient bien trop abîmé et je veux leur donner un coût de neuf et demain je repars en patrouille à travers la ville pour la garde en attendant une mission... Donc je te suivrais jusqu'à la caserne."
Je continuais mon repas calmement malgré quelques bouffés de chaleur dus aux épices. J'en profitais de la pause afin de parler de notre mission secondaire d'espion : entraîner les deux recrues.
" - Sinon, c'est à qui de s'occuper des deux gamins ? Il faut vraiment qu'ils progressent vite sinon le maître va les renvoyer surtout la fille. Aussi discrète qu'un béhémot. Je suis sûre qu'il préfère quand c'est toi ou Zahria qui les entraîne comme toujours... Ils finissent de se plaindre de ne plus sentir leur muscle."
Je souriais en pensant aux derniers entraînements fait dans les quartiers de nuit en leur apprenant à grimper rapidement et furtivement sur les toits... Je ne compte plus le nombre de morts qu'il aurai fait si je ne les avais pas assurer...
Il porta sa fourchette à ses lèvres, et avala la bouchée de légumes qu’il avait saisie en observant Vaelin. Devait-il éclaircir la chose ? Le Maître-Espion le tolérerait-il ? A moins que son camarade n’ait oublié l’affaire, ce qui était tout à fait possible. Lui-même avait encore tendance à avoir ce genre de lapsus, avant de se rappeler de la tournure récente des évènements.
- J’espère qu’elle va bien, soupira-t-il en pensant à Zahria. Il t’a dit qu’il l’avait congédiée ?
Parce que pour toute sa dévotion pour le Maître-Espion, Vaelin était comme sa famille. Frère dans les entraînements drastiques de leur mentore. Et si ça n’était pas déjà le cas, il méritait bien de savoir que Zahria ne comptait plus parmi les rangs des espions.
- Genre définitivement. Pas en vacances. Radiée du groupe.
Le dire à voix haute donnait une étrange réalité à la chose qui lui semblait encore pourtant si incongrue. Faisant tournoyer sa fourchette avant de réattaquer son plat, il regarda distraitement le shalupin resté à la traîne se désintéresser à nouveau de la fleur pour venir butiner les cheveux de Vaelin. Heureusement que ça n’était pas des phéromones d’arktigor qu’il avait malencontreusement versés sur la tête de son camarade.
- Vendu pour la mercerie, nota-t-il en prenant en compte les besoins de Vaelin. Je te laisserai bifurquer vers la forge récupérer tes jouets coupants pendant que j’irai chercher herbes et douceurs, ajouta-t-il en lui tirant la langue.
Et puis il rentrerait à la Caserne ranger tout le bordel dans lequel il avait investi. Ce qui, en soit, serait une toute autre paire de manches.
- Maintenant que Zahria a été mise à pied, j’imagine qu’il faudrait qu’on se répartisse un peu mieux leur formation, oui, réfléchit-il en fronçant les sourcils à l’évocation des deux apprentis espions. Ils ne pourront pas faire pire que moi, continua-t-il en haussant les épaules avec désinvolture. Même si je pense que le chef se pose effectivement régulièrement la question de l’intérêt de ma présence dans ses troupes, ajouta-t-il avec un petit rire.
Sa fourchette pourchassa les derniers grains de riz de son assiette, et il se remémora son planning de la semaine. Qui, comme souvent, ne ressemblait pas à grand chose. Entre ses missions sous divers visages, ses entretiens avec le Maître-Espion qui le tenait à l’œil et ceux avec le Commandant qui le formait à tout autre chose, et sa vie globalement bordélique, y trouver la place de caser la formation de Ruth et Ferisen relevait d’un optimisme proche de la bêtise. Mais Calixte était optimiste. Et un peu bête. Donc bon.
- Je suppose qu’on peut se partager leur garde pour le moment : je m’en occupe pendant deux jours, puis on alterne. Le temps de mettre un autre copain, ou une autre copine, dans la boucle. Ça va être une sacrée charge si y a que nous qui les gérons.
Il racla son assiette en adressant un sourire faussement contrit à Vaelin:
- Désolé, mais je crois que je ne suis pas prêt à complètement assumer nos enfants, Vae. Il va falloir leur trouver un baby-sitter. Surtout si on veut garder du temps pour nous.
" - Je le savais, mais le vieux n'a pas voulu me dire la raison de son bannissement... Je suis sure qu'elle avait encore des choses à nous apprendre.
Je repris une bouché tout en restant songeur pour finalement reprendre :
" - Je serai par contre prêt à l'aider si elle a besoin d'aide... J'ai plus d'une dette envers elle et de plus ça reste la personne qui m'a tout appris et non le vieux...
Oui, je remettais en cause des ordres mais je ne ferais pas ça pour tout le monde, hormis les gens de confiance comme Zah, Calixte ou encore ma famille. Au moins, la suite de la conversation pouvait remettre le sourire en oubliant ce passage afin de définir notre après-midi à venir tout en voyant le shalupin rebelle revenir se coller à mes cheveux... Un petit pot de colle mais il n'était pas dérangeant. Nous allions de nouveau passer dans mercerie tandis qu'il critiquait mes armes, je lui répondis avec humour :
" - Mes jouets, tu veux dire mes beautés. Si tu veux, je peux te commander une chose chez mon forgeron ? Ça t'évitera de faire un détour.
Je ne serai pas dans ma chambre de la caserne avant un bon moment, de toute façon je voulais profiter de ma journée de repos pour me balader dans la capitale. Plus la conversation s'était tourné vers les deux recrues qu'on devait se tartiner depuis le départ de notre chère mentor, mais j'entendis mon frère d'arme qui se discréditait encore à cause de ses performances moyennes.
" - Arrêtes de te descendre, tu me dépasses largement dans des domaines. Si on en est là depuis tant de temps, c'est qu'on a fait nos preuves. On nous a déjà retiré Zahria, je n'aimerai pas perdre mon frère d'arme... Qui va me charrier avec les autres ou avec ce Shalupin si tu disparais à ton tour ?"
Je finissais à mon tour mon assiette, puis je finis par savourer le restant de thé pendant que Calixte parlait de la garde alterné des recrues. Le vieux nous avait nommé à cause de notre lien avec l'ancienne formatrice qu'on avait, ainsi que du statut de mon père : instructeur à la garde... J'étais loin d'avoir le niveau de mon paternel et j'en avais parlé avec le vieux. Il n'avait jamais rien voulu savoir, le vieux... De plus, je connaissais mon ami et sa façon bordélique de gérer sa double vie.
" - Allez je vais les prendre pour la semaine qui vient... Je vais leur apprendre des grands classiques et un peu l'herbier pendant qu'on se baladera en hauteur. Ils ont intérêt à avoir progresser "
Calixte devait comprendre qu'on allait se balader sur les toits des bâtiments, en plus d'apprendre l'herbier... Quelle galère on avait vécu à l'époque avec Zahria à l'apprendre en même temps que les exercices d'infiltrations.... Que de souvenir.
Je fis tirer de mes pensées par le serveur qui reprit nos plats vides en nous demandant si on voulait des déserts...
"- Avez-vous des fruits de saisons, s'il vous plait ?"
- Bien sur, monsieur. Nous avons des baies, pommes et ...
- Ramenez-moi un assortiment s'il vous plait.
- Bien et vous ?
Je me demandais si mon camarade allait prendre des fruits comme moi ou allait -il prendre autre chose ? Tandis que j'entendais une personne extérieur au restaurant crier dans la rue.
REPENTEZ VOUS, LA FIN DU MONDE EST PROCHE. L'an miles apportera la fin sur nous tous...
Encore un autre fanatique qui croyait que le monde allait effondrer à cause du changement de millénaire... Je soupirai tout en attrapant doucement le shalupin dans mes cheveux afin de le fixer de mes grands yeux comparé à sa taille.
"- Ces fous m'énervent à crier à longueur de journée qu'on court à la catastrophe... Ils sont pareil lors des grandes chaleurs ou l'inverse. Je me demande par moment pourquoi on ne les enferme pas quelques-part ? Ils créent des peurs inutiles... Tu ne crois pas ?
L'animal me regardait en tournant la tête sur le côté sans rien comprendre le moindre mot. Il n'avait pas peur le bougre. Mais qu'allait donc être l'avis de mon camarade ?
Souriant doucement à son camarade qui évoquait son désir d’aider leur mentore, il réalisa une nouvelle fois qu’ils avaient tous deux des loyautés organisées de manière différente. Vaelin avait un sens de la filiation bien plus prononcé que lui. Ayant grandit dans une famille aimante et soudée, il mettait naturellement au premier plan ses lien de parentés, qu’ils fussent du sang ou du cœur. Ou d’armes. Calixte était bien plus partagé, avec un dévouement plus en faveur de la hiérarchie de la Garde, et particulièrement du Maître-Espion.
- Elle n’hésitera pas à nous contacter si elle a besoin, je pense, fit-il à Vaelin. Elle est pleine de ressources.
Repassant en mémoire son matériel, il réfléchit à la proposition de son camarade. Les fines lames qu’il portait près du corps avaient peu servi dernièrement, et il utilisait principalement les armes rustiques mises à disposition à la Caserne. Il n’avait pas non plus d’armure à faire fabriquer ou réparer.
- Fais attention, tes shalupins vont être jaloux que tu les appelles ainsi, se moqua-t-il gentiment. Merci, mais je n’ai besoin de rien à la forge.
Il cligna des yeux aux compliments de Vaelin, et lui adressa un sourire gêné. Et un peu incrédule. A part pour la partie travestissement qu’il maîtrisait globalement mieux que ses compères espions, il voyait mal en quoi il dépassait par ailleurs son frère d’armes. Ce qui pour lui n’était pas gênant. Il s’était habitué à faire au mieux son travail avec sa maladresse et sa malchance, et s’amusait rarement à comparer ses capacités à celles des autres. Il était cependant conscient des casse-têtes et maux de tête qu’il pouvait donner au Maître-Espion.
- Ils sont tiens, acquiesça-t-il en écoutant le programme de Vaelin pour leurs jeunes recrues. Ruth va être contente de devoir passer sa journée le nez dans l’herbier, ajouta-t-il en ricanant.
Le serveur revint sur ces entrefaites pour récupérer leurs assiettes vides ainsi que leur commande de dessert. Alors que Vaelin demandait des fruits – probablement pour adoucir son palais – Calixte adressa un signe négatif de la tête à l’homme. Alors que ce dernier repartait vers les cuisines, une clameur attira l’attention des deux espions. Une voix forte, un peu hystérique, mettait en garde contre le changement de millénaire. Comme s’ils avaient le choix de le passer ou non.
- Les gens sont libres de croire ce qu’ils veulent, commenta Calixte en haussant les épaules.
A la vérité il se fichait un peu des croyances de chacun. Par contre, s’il y avait bien une chose qui stimulait sa curiosité… c’était de voir jusqu’où celles-ci pouvaient aller. Ouvrant le panneau de la fenêtre en le faisant coulisser, il se pencha légèrement au dehors pour appréhender la silhouette de… la vieille femme scandant le cataclysme à venir.
- EH VOUS ! lui cria-t-il joyeusement.
Perturbée dans son monologue sur la fin du monde, la vieille femme mit un moment à le repérer.
- OUI, VOUS ! Venez donc m’en parler plus longuement, ça m’intéresse !
- C’est la fin du monde, jeune homme. La fin de l’ère…
- Oui, oui, oui ! Montez qu’on en discute !
- Je… Il faut vous repentir…
- Montez, on a du thé !
- Ah bon, heu.
Déconcertée, la vieille femme sembla finalement décider qu’une tasse de thé valait bien un détour de son chemin de prêche. Et, ni une ni deux, son séant trouva assise sur le coussin à la perpendiculaire des deux espions. Piquant un quartier de pomme de l’assiette devant Vaelin, Calixte adressa un sourire grandement amusé à celui-ci.
- Bon, donc c’est pour quand exactement ? demanda-t-il à la vieille femme en lui tendant une tasse de thé.
Elle le regarda d’un air satisfait. Et hautain.
- Une fois l’an mille passé, le Grand Cataclysme débutera.
- Remarquable. Où avez-vous eu cette connaissance si précise de la chose ?
- Par les voix de Sa Sainteté. Et ses Honorables Ecrits. Je vois que votre camarade est sceptique, je peux vous montrer. J’en ai même à vendre. Ça vous emmènera déjà bien sur le chemin du repenti.
Avisant la silhouette couverte de médaillons, chapelets et bourses contenant milles objets ésotériques, Calixte se dit qu’il ne doutait vraiment pas que dans tout ce bordel se trouvaient bien quelques exemplaires de saintes écritures toutes catégories.
- Ca a l’air important le repenti, d’après vos propos.
- C’est la clef de la survie à cette nouvelle ère, jeune homme ! Sans quoi vous êtes condamnés !!
- Et vous avez d’autres choses qui pourraient aider ma… pénitence ?
- Soient louées les âmes comme la vôtre, mon petit. Je peux vous proposer des amulettes, des bracelets et des parchemins de confession. Je vous ferais même un prix pour la panoplie « préparation de base à la fin du monde », avec une réduction sur le flacon de purge.
- Vous êtes bien trop aimable. Et pour mon ami ici présent qui vit dans le péché d’adoration du sang et de relations shalupines ? Et le pire, c’est qu’il refuse toujours de voir que la fin du monde approche.
- REPENTISSEZ-VOUS INFIDELE !! Ne voyez-vous pas que vos affections dégénérées sont déjà le signe du Cataclysme à venir !? Il vous faut absolument la tunique de pénitence, ces trois médaillons de purification, ces psaumes de reconnaissance du vice, le breuvage de la foi, et ce suspensoir de pureté !
Retenant le rire qu’il avait au bord des lèvres, Calixte adressa un énorme sourire à Vaelin :
- Il te faut vraiment le suspensoir pour affronter le solstice.
La vieille femme enfreignait plusieurs lois civiles et morales en troublant l’ordre public, cherchant à imposer des ordres ou pseudo-ordres religieux, et profitant de ces derniers pour s’en faire un commerce prolifique éhonté et limite dangereux. Mais Calixte s’amusait trop pour sortir tout de suite la carte militaire. Est-ce que son camarade craquerait avait lui ?
Les fruits arrivèrent rapidement après avoir poser la question concernant les fabulations de la vieille femme et une possible fin du monde... Au moins, je pouvais oublier ses paroles tandis que Calixte me donnait son avis : il était neutre comme moi. Cependant, j'aurai du me douter de l'esprit sadique de mon ami qui avait hérité de la fourberie de Zahria. Il ouvrit la fenêtre afin d'interpeller la profanatrice et de l'inviter à se joindre à nous, seulement la demande semblait perturber par ses paroles... Je suis sur que mon camarade pouvait lire sur mon visage : mon mécontentement de son idée.
La vieille femme arriva proche de nous et s'assit à notre tablé afin de nous parler de la fin du monde qui surviendrai après le Solstice. Absurde. Et ses paroles étaient tissés de mensonges concernant des saintes écritures parlant d'un fin du monde, la vieille cherchait qu'à se faire de l'argent facile envers les plus fragiles d'esprit... A chaque seconde, la fausse prophète gagnait en assurance dans sa voix face à Damoiseau. Au moins, elle m'ignorait totalement. Pourquoi le Karma existait ?
Deux secondes plus tard, je reçus aux oreilles le plus beau infidèle de tout les temps au point de me faire sursauter et le shalupin. Elle va se calmer la vieille, je suis entrain de digérer tranquille et elle cherchait à me faire acheter de force ses objets anti-malédictions afin de passer le déluge... Elle avait le don de m'énerver, est ce qu'on pouvait voir ma veine sur mon front apparaître ? Et Calixte qui adorait cette scène, de voir ma réaction face à autant d'outrages à l'ordre public... Réagir ou ignoré la chose ? Le premier choix était obligatoire étant donner qu'elle voulait me passer l'un de ses talismans au poignet... Même, si j'étais en permanence, je possédais toujours une plaque d'insigne afin de prouver aux autres que j'étais un garde... Je la saisis à l'intérieur de mon manteau tout en lui adressant un sourire, elle pensait qu'elle m'avait convaincu :
"- Vous pouvez me tenir ceci madame ?"
Je pus voir sa tête se liquéfier en reconnaissant l'insigne de la Garde régulière et sa voix restait muette tandis qu'elle nous fixait. Au moins, elle ne semblait plus être aussi hystérique. Le calme enfin était revenu mais il restait encore une chose à clarifier :
"- Je vois que vous avez compris à qui vous avez à faire. Seulement vous avez de la chance, je suis de repos donc vous ne finirez pas au trou pour de nombreux motifs : trouble à l'ordre public, commerce illégale et surtout vous êtes entrain de forcer une personne à croire votre religion...
Donc, je vais vous laisser trente secondes pour reprendre vos affaires, rentrer chez vous et de ne plus brailler pour un faux mal... Si on devait mourir au Solstice pour une histoire de chiffres, le monde ne serai pas aussi prospère qu'actuellement. Cependant, si j'entends qu'une seule fois que vous avez recommencer à racoler des honnêtes gens, je vous retrouverai.
La vieille prit ses jambes à son cou afin de ressortir du restaurant, au moins elle avait compris la première partie du message. Mais la possibilité de la traque était aussi vrai, car il ne fallait pas sous-estimer un espion de la garde. Au moins, j'avais eu le temps de finir mes fruits... Il était peut-être enfin temps de partir continuer nos tournées des magasins et surtout je n'avais pas forcément envie de me reprendre une fanatique dans les dents... Je me levais et prit la direction de l'entrée afin de payer le restaurateur tout en attendant dehors Calixte afin qu'il me guide vers la mercerie. Lorsque je mis le pas dehors, je m'attendais à recevoir plein de bestioles sur le crâne à cause des phéromones, cependant il ne restait que le courageux Shalupin... Bizarre.
Le dénouement de l’affaire ne fût pas aussi théâtral que ce qu’il aurait aimé, mais il reconnaissait bien là le calme inébranlable de son ami. Et si son attitude était contrôlée, les mots utilisés démentaient bien son agacement. Ce qui agrandit davantage le sourire de Calixte. Autant en profiter, il allait certainement se payer un revers de karma et douiller pour tous ses méfaits lors d’un entraînement ou d’une mission futur avec Vaelin. Piochant un des derniers quarts de pommes dans l’assiette de son camarade, il regarda la vieille femme prendre ses jambes à son cou suite au rappel à l’ordre. Puis il reposa son regard amusé sur Vaelin.
- Tu vas la signaler ?
Le contraire l’étonnerait, mais on n’était jamais à l’abri de surprises. Suivant le mouvement, Calixte se leva à son tour et ils descendirent régler leur repas.
Reprenant leur chemin à travers les ruelles de la Capitale, ils se fondirent dans une foule de plus en plus épaisse avec l’avancée de la journée. Les restaurants et les tavernes, bien remplis pour le déjeuner, déversaient peu à peu leur clientèle qui s’empressait de retourner courir d’une boutique à l’autre. Il flottait dans l’atmosphère une excitation fiévreuse en préparation des festivités à venir. Jetant un coup d’œil à la tête de Vaelin qui le dépassait, Calixte constata avec un sourire qu’un shalupin téméraire persistait à voleter près de la claire chevelure. Les phéromones devaient tout de même s’être bien atténués, car on était loin de l’escadron qu’il avait initialement attiré. Et était-ce lui ou Vaelin semblait vraiment s’attacher à la petite créature ?
- Il t’aime bien, celui-ci, fit-il remarquer à son camarade. Dommage qu’il soit sauvage. Je te préparerai un rendez-vous galant avec un familier shalupin pour ton anniversaire, ajouta-t-il taquin en tapotant le bras de Vaelin.
Au terme de quelques minutes à slalomer entre les badauds, ils arrivèrent à une grande mercerie. Probablement la plus grande de la Capitale. Certainement l’une avec les meilleurs rapports qualité-prix. Et ils n’étaient pas les seuls à avoir eu la brillante idée de venir y faire leurs emplettes. Après un regard à la foule, Calixte indiqua du doigt un étal particulier à son camarade :
- J’te retrouve là-bas dans une dizaine-quinzaine de minutes.
Pas la peine de se farcir tous les présentoirs, il avait parfaitement en tête ce qu’il lui fallait, et certainement que Vaelin aussi. Se faufilant chacun de leur côté entre les autres clients, ils en auraient bien plus vite terminé qu’à faire le tour complet des articles à deux de front. Laissant son camarade vaquer à ses affaires, Calixte avisa un nouveau set d’aiguilles de toutes tailles, un sachet de boutons, de nouvelles bobines de fils de diverses couleurs, épaisseur et robustesse, ainsi qu’une palette de mécanismes d’attaches et de fermetures. Et il tapa la discute à l’un des vendeurs de la boutique, parce qu’il était sympa et que c’était toujours chouette d’en apprendre davantage sur les lieux. Et les autres clients. Et l’organisation de l’entreprise. Et Rulio, ledit vendeur. Qui était de compagnie agréable comme de bon conseil. Et certainement excellent commercial.
Lorsqu’il rejoignit enfin Vaelin au point de rendez-vous qu’il lui avait donné, les quinze minutes étaient largement dépassées. Mais son camarade, toujours accompagné par le shalupin persistant, semblait suffisamment occupé par ce dernier pour ne pas avoir vraiment trouvé le temps longuet.
- Tu as pu trouver ce qu’il te fallait ? lui demanda Calixte avant d’aviser un dernier item.
Indiquant à Rulio la grosse bobine de lien épais à l’éclat presque métallique, il regarda le vendeur lui en détailler deux bons mètres.
- Excellent choix, commenta ce dernier en lui glissant le cordage dans une pochette en papier. Robuste et maniable. Pour quel type de confection allez-vous l’utiliser ?
Calixte jeta un coup d’œil volontairement appuyé à Vaelin, et sourit.
- Oh c’est juste pour s’attacher.
Ce qui n’était pas tout à fait faux, mais n’était certainement pas très vrai. Récupérant le bien, il saisit dans un rire le bras de son camarade pour le mener à la caisse, sous le regard songeur du vendeur.
" - Tu n'aurais pas été là, ouais. Mais c'est rare les jours de repos ensemble.
Après ses mots nous étions sortis pour profiter de l'après-midi pour poursuivre nos achats, cependant l'influence avait encore augmenté surtout après l'heure du repas. Les travailleurs devaient retourner à leur fonction, les gardes patrouiller et les pick-pockets voler. Heureusement, aucun d'entre eux s'approchaient de nous, je n'avais pas spécialement d'en serrer un aujourd'hui. Mes réflexions purement militaires furent coupés par les réflexions sur mon compagnon animal du jour de la part de Calixte. Comme notre mentor, il se montrait taquin en voyant mon comportement non violent envers ses créatures que la plupart des habitants considérait comme des nuisibles, sauf les fleuristes peut-être. Il voulait m'organiser un rendez-vous avec ses bestioles... Je soupirai tout en souriant à sa bêtise encore une fois :
" - Arrête de me narguer avec ça, tu veux. Tu sais très bien qu'une tyran protecteur de la faune se trouve dans ma famille. Je n'aimerai pas me prendre son courroux."
Calixte qui connaissait ma famille à cause de nombreuses années passés ensemble, savait que je parlais de ma plus jeune soeur, Passionnée des fleurs et que les shalupins l'aidaient dans ses tâches pour polliniser ses fleurs. Si ce petit monstre restait dans mes cheveux, j'allais le garder pour le donner à cette chipie... Sa vie allait devenir heureuse au milieu de plein de fleurs. C'est alors que je pus voir la mercerie dont parlait mon ami. Elle était nettement plus grande que l'autre visité ce matin, sans le grand nombre de prêt à porter, au moins le bâtiment se faisait vendre et attirait l'attention. Je sentais déjà ma bourse de cristaux s'alléger d'avance
Seulement, j'allais devoir faire le jeu solo entre les rayons car Damoiseau devait avoir d'autres plans en tête au sein de ce magasin. Durant les quinzes prochaines minutes, je déambulais entre les différents rayons afin de trouver des fils, des aiguilles ainsi que des morceaux de tissus. J'avais énormément de vêtement à réparer. J'étais suivi par l'un des vendeurs mais à aucun moment, il ne me parla point. Il avait du que j'avais déjà mes objectifs d'achats. Au bout du temps imparti, j'étais entrain de choisir des bandes de cuirs afin de refaire les liants de mes gantelets équipés de mes Katars, que Calixte revenait. L'homme m'embarqua en direction de la caisse afin de payer nos achats. Il était pressé mais pour quel raison ?
" - Tu as l'air bien pressé, Cal. Tu as fais quoi encore ?
J'attendis sa réponse tout en validant mes achats avec le vendeur et en m'indiquant le prix à payer. Arghh, ma bourse allait souffrir de nouveau et je lui tendis le nombre exact de cristaux. Mon regard se posa sur l'autre marchand prénommé Rulio... Il semblait se questionner sur notre relation. NON NOUS N’ÉTIONS PAS UN COUPLE.
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