Une mission était une mission, et pour Arthorias n'importe laquelle d'entre elle était sacrée. Et dans le cas présent c'était une escorte, celle d'un membre important pour la famille royale, et vu que le travail au palais était pour le moment réglé, il c'était emparé de l'occasion de sortir, nommant un des lieutenant temporaire à sa place, pour qu'il apprenne également.
Il y avait deux Prétoriens royaux, une dizaines de gardes en plus de la ministre, les soldats d'élite encadrant leurs protégée qui voyageait dans un carrosse richement décoré aux armoiries de la famille royale
L'officier était à côté d'elle sa cape rouge claquant doucement au vent alors que son destrié caparaçonné avançait au petit trot.
Cela faisait bien deux semaine qu'il était revenu de la citadelle, et son nouveau pouvoir le laissait toujours dubitatif, être devenu une coquille creuse était à la fois une bénédiction et une malédiction car s'il ne ressentait plus grand chose, il était également condamné à vivre uniquement à la lumière.
Toutes ces considérations en tête, il ne s'occupait que peu de son invitée, les deux orbes lumineux de son heaume étant toujours constamment fixés sur l'horizon au loin.
Droit comme un I, il surveillait chaque garde, les alentours et la route, prêt à réagir à la moindre menace. Parfois il se permettait d'échanger quelques mots avec les deux prétoriens derrière lui.
Arthorias n'avait rien contre la petite protégée, mais il n'avait pas pour habitude de parler aux gens qu'il défendait. Le palais était un endroit froid, et les soldats n'étaient que rarement considérés.
Et depuis sa transformation, on le voyait parfois comme un automate, dormir étant devenu superflu, il travaillait toutes les nuits.
Et ce fut donc par pur professionnalisme qu'il finit par tourner son casque vers la ministre de la magie, toquant à la vitre du carrosse, sa voix rendue bien plus froide et creuse que d'habitude par son absence de consistance.
-Tout va bien madame la ministre ?
Le heaume d'acier laissait peu de place à l'interprétation, ce dernier ne cachant au final qu'un vide.
Il se demandait parfois comment les autres le voyait, étant rendu à l'état de golem d'acier aux yeux lumineux
Ainsi avait-on raconté qu'une lumière étrange dans le ciel avait été aperçue un peu plus loin de la capitale, au cœur des plaines alentours. Forcément, la Ministre de la Magie avait été mise au courant, et forcément, celle-ci y voyait une nouvelle source d'études. Probablement quelque chose qui pourrait faire avancer ses projets ! Alors, submergée par un fort optimisme, elle choisit de venir s'y aventurer. Ciel, de la grande et sage famille noble des Kyrie Eleison, avait donc demandé une escorte, car ainsi s'éloigner de la capitale nécessitait une certaine sécurité pour quelqu'un d'important pour la famille royale, comme elle. On lui envoya donc le capitaine Arthorias de la garde royale, et quelques prétoriens pour l'accompagner. Ce fut un honneur pour la femme dragon, qui avait les yeux qui brillaient à l'idée de faire ce voyage avec ces guerriers brûlant de charisme. Récente à son poste, Ciel n'était pas habituée à tout cela. Il était vrai qu'elle travaillait auparavant en tant que Secrétaire Générale de l'ancien ministre, mais elle ne bénéficiait de rien de bien glorieux en particulier. Elle venait simplement conseiller de temps à autre son supérieur, et s'occupait de l'organisation de certaines affaires. Rien de plus. Alors comprenez son émerveillement !
Au carosse, Ciel avait choisi d'amener avec elle la hache de son grand père, quelques livres et vivres. Toute souriante, elle trouvait dommage de ne pas pouvoir converser avec tous ces gardes qui l'entouraient à l'extérieur. Elle espérait donc intérieurement, que lorsque la nuit tombera, elle pourra leur parler, ne serait-ce qu'un peu. Après tout, n'étaient-ils pas ceux qui la protégeraient pendant quelques jours ? La grande demoiselle aux cheveux d'émeraude se sentait obligée de devoir leur en remercier. Et puis, ce n'était pas toujours qu'on pouvait discuter avec la garde royale ! Surtout le capitaine ! Celui-ci, d'ailleurs, était aussi grand qu'elle. Arborant une armure majestueuse et heaume de grand officier, il se tenait droit sur son cheval depuis quelques heures déjà. Ciel s'amusait à le regarder, quand elle n'avait pas le nez sur ses livres. Parfois, ses yeux scintillaient d'admiration. Elle n'avait jamais rencontré cet homme autrefois. Elle se basait uniquement sur des rumeurs à son sujet. Il possédait une certaine notoriété dans le royaume, comme quoi il prenait son travail très à cœur. Un passionné, comme elle. Il semblait froid de loin, mais au fond d'elle, celle qui se faisait surnommer l'Apôtre du Destin se disait qu'il devait se cacher plus que ça derrière cette apparence d'austère guerrier.
C'est alors que, pendant qu'elle venait caresser curieusement la lame de sa hache, elle fut surprise d'entendre quelques coups à sa vitre. Étonnée, elle tourna vivement sa tête, et découvrit qu'il s'agissait d'Arthorias Hekmatyar, qui lui demandait poliment si tout allait bien. Un sourire tendre se dessina sur les lèvres de la jeune femme cornue, qui acquiesça avant de dire bien assez fort pour qu'il l'entende, d'une voix douce et chaleureuse (malheureusement étouffée à cause de la porte fermée et de la vitre) :
Tout va bien en effet, merci de vous en soucier.
Si pour beaucoup, il était normal pour les gardes de devoir protéger ceux à qui on leur avait demandé de proteger, pour Ciel, cela n'empêchait pas de les remercier à chaque geste de soutien de leur part. Son cœur battant de joie, elle ferma les yeux, et offrit son plus beau sourire au capitaine.
Et de votre côté, tout va bien ? Nous devrions peut-être nous arrêter, la nuit tombe et cela fait déjà quelques heures que nous voyageons. Les chevaux doivent être épuisés, et vous aussi.
***
Besoin d'aide, madame la ministre ?
Non, tout va bien, je peux descendre toute seule, merci tout de même !~
Descendant ainsi de son carosse en y laissant ses affaires, elle sortit son éventail, et releva les yeux vers les étoiles qui commençaient déjà à briller depuis quelques temps. Pour elle, c'était des créations de la Déesse Lucy, des créations fascinantes, qui ne cessaient jamais de la surprendre.
Là était temps au campement, et les gardes commençaient déjà à sortir les tentes pour passer la soirée. Posant ses prunelles dorées sur le capitaine, elle prit une certaine inspiration, un certain courage, et s'approcha de lui, assez timidement.
Capitaine Hekmatyar ? Je souhaiterais discuter avec vous, si cela ne vous dérange guère, bien entendu...
Le début était le plus dur ! Tout allait probablement être plus facile maintenant, n'est-ce pas ?
Une pause ? Oui peut être qu'ils devaient en prendre une. Sous cette forme, l'officier ne ressentait pas la fatigue, étant directement soumis à l'influence de la lumière. Mais il fallait se rendre à l'évidence, tous n'étaient pas dans son état. Et à la posture un peu plus relâchée de certains gardes, cela lui sautait maintenant aux yeux.
-Vous avez raison madame.
Dit il en s'éloignant du carrosse pour arrêter tout le convoi dans un endroit plus propice. Soit une petite clairière, dans un bois bordant les innombrables plaines de la région. Elles semblaient presque fait pour ça d'ailleurs, leurs forme ronde coupant idéalement du vent.
L'officier décréta donc la halte dans ce petit coin tranquille, démontant pour mettre l'organisation du camp en place.
Les gardes commencèrent chacun à monter une tente, les soldats "ordinaires se partageraient une grande alors que les prétoriens avaient la leurs. Celle du Capitaine et de la ministre furent elles aussi promptement montée, située au centre du petit camp, l'une en face de l'autre.
La tente de la ministre était d'un bleu clair alors que celle d'Arthorias arborait la couleur rouge royale et ses liserés blanc.
Tout cela fut monté rapidement et en quelques heures, tout fut débarqués et le crépitement du feu se faisait déjà entendre, les Gardes royaux préparent déjà la nuit.
De nombreuses lanternes avaient été accrochées, des lampes magiques qui permettrait de ne jamais vraiment tomber dans l'ombre, et l'officier possédait même la sienne qu'il ne quittait jamais.
Et alors qu'il supervisait les derniers détails, une petite voix se fit entendre derrière Arthorias, qui finit par se retourner, braquant ses yeux de lumière vers la ministre.
-Ministre Ciel.
Le Capitaine semblait froid, même à présent que le camp était monté, et contrairement à ses hommes qui avaient tous enlevés au moins leurs casques, voir plus pour ceux qui étaient de corvée, lui était encore tout équipé, son bouclier au bras et son épée rangée dans ce dernier.
Tout ces hommes étaient au courant, mais il regrettait de ne pas pouvoir faire autrement que de lui parler vêtu ainsi, cela n'était pas ainsi qu'on traitait les membres du gouvernement
Considérant la femme devant lui, il focalisa son attention dessus, tout avait déjà été organisé de toute façon.
Si cela se passait comme d'habitude elle allait simplement lui demander deux ou trois informations sur l'heure du départ et du repas, les gens sous sa protection demandant rarement plus.
Il hocha donc la tête comme pour l'inviter à poursuivre avant d'ajouter
-En quoi puis-je vous servir madame ?
Il feignit une petite révérence, même s'il était difficile d'avoir l'air poli avec un heaume de guerre sur ce qui devait servir de visage
En regardant les alentours avant de rejoindre le capitaine, Ciel avait pu remarquer la différence entre la tente de celui-ci et la sienne vis à vis des autres. Un bleu élégant pour elle, et un fier rouge pour lui. Si la ministre appréciait les couleurs, elle se disait intérieurement qu'il était assez triste pour les autres de ne pas avoir leur couleur unique aussi, pour chacun d'eux. Mais là étaient les lois de la hiérarchie... Et ça, Ciel devait s'en habituer. Car maintenant, elle faisait partie du gouvernement du royaume d'Aryon... Elle était devenue une personne importante.
Les lanternes qui brillaient lui rappelaient son doux foyer près du Temple, et entendre le feu crépiter lui donnait des frissons comme le froid de la nuit. C'était agréable pour elle. Elle préférait vraiment la nuit au jour, pour tout cela, mais aussi pour les étoiles... Et si la lumière qu'elle venait chercher était... Une nouvelle constellation à dessiner ?
Cependant, elle n'avait pas la tête à cela. En effet, le grand Arthorias venait de se tourner vers elle, la toisant de ses yeux étincelants, avant de la saluer d'une manière assez froide et stricte. Suite à cela, il l'invita à poursuivre sur sa lancée, d'un hochement de la tête, mais aussi en lui demandant quel service il pourrait lui rendre. Riant un peu, la Kyrie Eleison passa son éventail sous son nez par réflexe, un comportement classique de femme noble.
Allons allons, appelez-moi Ciel, je vous prie ! Et ne prenez pas la peine de faire de révérence pour moi, ni d'avoir toutes ces autres belles manières...
Commença-t-elle tendrement, avant d'abaisser son éventail. Elle avait remarqué que l'Hekmatyar n'avait, contrairement à ses collègues de la garde, point retiré son heaume. C'était plutôt curieux, et ce mystère avait le don d'intriguer l'Apôtre du Destin, qui choisit de prendre cela pour appui de la discussion.
Je tenais déjà à vous remercier, vous et les autres, pour venir me protéger pendant les jours qui vont suivre. Mais surtout, je suis honorée de faire votre connaissance, et je souhaiterais... Hm... Simplement converser avec vous ?
Elle marqua une pause, un peu rouge de gêne, peu habituée à prendre un pas aussi sociable. Après tout, en dehors de tout ce qui touchait à son travail, elle restait quelqu'un de très réservé... Et innocent. Un peu perdu, aussi.
Vous portez une magnifique armure... Elle souligne parfaitement votre grandeur, capitaine. Mais... Pourquoi n'ôtez-vous point votre couvre-chef ?
L'embarras laissant place à un faciès plus attentif, elle se demandait bien quel visage se cachait là dessous. Elle n'avait encore jamais pu voir à quoi pouvait bien ressembler le chef de la garde royale... Probablement était-ce un homme beau, impressionnant... Du moins c'était ainsi qu'elle se l'imaginait. Mais serait-ce vraiment le cas ? Peut-être était-il une bête immonde, effrayante...? Oh, non... Certainement pas. Cela se saurait, voyons !
La jeune femme se montrait moins froide que prévu, et Arthorias en fut surpris, son casque se penchant légèrement sur le côté en signe d'étonnement.
Et ainsi quand elle sauta toutes les formalités, il haussa légèrement les épaules, trouvant de toute façon les titres civiles inutiles, et puis si Dame Eleison l'autorisait... La capitale était loin.
Encore plus étonnant, une noble voulait converser avec lui.... et au début, il ne sut que trop lui répondre.
Pour lui la noblesse était une caste à part, bien différentes des petites gens qui voyaient la garde royale comme des parangon de la puissance royale. Pour bien des nobles, ces même soldats étaient des pantins gardant leurs sales ou leurs personne.
Était-ce son nouveau titre ? Ou bien simplement Ciel qui se montrait gentille ? Difficile à dire, mais il voulait bien essayer d'en faire de même. Trouvant de toute façon plus agréable de converser avec quelqu'un d'autre que ses soldats.
-Dans ce cas Ciel, je vous prierais d'en faire de même, Arthorias suffira amplement.
Dit il en inclinant à nouveau son casque vers l'avant, comme pour donner une mimique humaine à son corps de golem.
Ne pouvant s'empêcher de laisser échapper un sifflement qui pouvait s'apparenter à un rire.
-Allons, protéger une ministre mandatée par la reine est notre devoir autant que notre honneur, nous vivons pour cela.
Et quand elle parla de converser avec lui, il se décala sur le côté, montrant sa tente d'un geste du bras avant de reprendre
-Dans ce cas la je vous propose d'aller dans ma tente, vous y serez sans doute mieux qu'au milieu du campement
Oh il aurait pu rester debout, mais si la noble se montrait sympathique avec lui il ne voyait pas de raisons de camper dans son rôle de froid capitaine, et l'accompagna jusqu'à l'entrée de l'abris, écartant les pans rouge de cette dernière pour faire apparaître un lieu spartiate, équipé d'un lit pliable et d'une petite table munie de chaises à laquelle il invita la jeune femme à s'asseoir.
Le toit de la tente était même pourvue d'une petite ouverture, permettant au duo de voir les étoiles dehors, et dont Arthorias se servait lui même pour voir l'heure lorsqu'il travaillait la nuit.
-Asseyez vous madame, ce n'est pas ce qu'il y a de plus confortable, mais c'est tout de même mieux que les rondins à l'extérieur
Il aimait cette petite mimique qu'elle avait avec son éventail , trouvant que cela donnait un air noble à la dame, et ne put que s'étonner de la voir rougir. Sans doute trouvait elle impolie de garder son casque devant quelqu'un de son rang.
A son tour, l'officier, s'assit en face d'elle produisant deux verre d'eau qu'il déposa devant la ministre avant de l'écouter attentivement.
Et quand la fatale question de son armure survint, il eut un petit soupire et ses deux orbes de lumières s'illuminèrent plus intensément. Seul signe de son embarras.
-Ce n'est nullement une volonté propre Ciel, voyez vous... je suis mort.
Il laissa quelques seconde la phrase en suspens avant de reprendre.
-Dans la cité enfouie, il y a bientôt deux semaines, aux mains d'une créature que seul ces abysses pouvaient crée. Mais par je ne sais quelle magie, je suis revenu à la vie dans cette armure. Mais sans pour autant pouvoir l'ôter.
Pour illustrer son exemple, il ouvrit la visière de son heaume, sa vue basculant vers le haut dans une désagréable sensation de mouvement, laissant apparaître l'intérieure de l'armure totalement vide.
Après quelques secondes, il referma son heaume, Dame Ciel pouvant de nouveau avoir un visage, bien que lisse et d'acier, ponctué par deux orbes de lumières pure devant le yeux.
-Ainsi je suis navré de ne pouvoir vous offrir mon vrai visage, mais je crois devoir me contenter de ce corps de fer jusqu'au restant de mes jours.
Découvrir sa magie avait été tragique, mais devoir s’adapter à ce corps...
Arthorias...
Répéta-t-elle dans un discret murmure, comme si elle se le disait à elle-même. Bien qu'elle était habituée à laisser autrui lui parler sans être bloqué par les belles manières, elle n'en faisait que très rarement de même. Alors, qu'on vienne ainsi lui proposer cela, c'était quelque chose d'assez nouveau, d'assez perturbant, mais ce n'était pas un mal, au contraire. C'était juste... Différent. Différemment bien. Et cela eut le don de faire davantage rougir les joues de la grande Ministre de la Magie qu'elle était...
Après un petit rire, le capitaine lui parlait de devoir. Oui, il était vrai qu'ils ne faisaient que suivre les ordres... Mais encore, Ciel ne regrettait pas de vouloir remercier ces gens-là. Ils accordaient de leur temps pour elle, et elle seulement. Peu importe l'importance de son statut, la Kyrie Eleison se fichait bien des raisons derrière. Ce simple geste lui suffisait amplement, amplement pour la faire sourire et la rendre heureuse. Oh non, Ciel ne se sentait pas plus grande qu'eux ! Oh non, elle ne songeait guère avoir plus de valeur ! Selon sa propre morale, ils étaient ses égaux. Et ce n'était pas sa fonction qui allait faire la différence. En ce qui concernait la famille royale... Elle les respectait, mais les considérait-elle comme des supérieurs ? Eh bien non. Tout comme sa cousine Heather, Ciel ne voyait pas la dynastie Renmyrth comme réellement spéciale. Certes, ils dirigeaient le Royaume, certes ils avaient de la prestance, du charisme... Mais encore et toujours, elle ne les verrait pas bien différents d'eux. Car malheureusement, la noblesse oubliait souvent qu'elle était humaine, et non divine... Seule Lucy était au dessus d'eux tous...
C'était ce qu'elle croyait.
Ensuite, le chef de la garde royale choisit d'inviter élégamment la femme aux longs cheveux verts à s'installer dans sa tente. Cette proposition réussit à faire tressaillir entièrement la demoiselle, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Serait-ce parce qu'elle allait être en privé avec quelqu'un d'autre dans un endroit plutôt petit ? Dans un endroit où sommeiller ? Sûrement...
En tout cas, elle ne refusa guère. Hochant de la tête, suivit l'homme jusqu'à là bas, et passa devant avec toujours autant de timidité lorsqu'il la laissa passer d'abord. En entrant, elle découvrit une toute autre ambiance. Ciel cligna plusieurs fois des yeux, avant d'admirer la magnifique ouverture qui laissait voir le ciel étoilé. Plissant des yeux en remarquant cela, elle sourit d'une autre manière. Une manière plus... Mystérieuse. Une manière plus... Rêveuse.
S'asseyant en face du capitaine, avec seulement une table les séparant, elle gardait toujours son éventail devant son nez, qu'elle agitait très mollement, dans un mouvement doux et parfaitement contrôlé, dans un naturel déconcertant. Ainsi écouta-t-elle l'homme lui avouer qu'il...
Qu'il était mort.
Ciel eut un mouvement de recul.
Mort ? C-comment...?, balbutia-t-elle, sans comprendre ce qui se passait. Et surtout, comment cela avait pu se passer ! Comment pouvait-il rester encore debout ! Lucy... Lucy ne cesserait jamais de la surprendre...
Un temps de silence... Court mais qui réussit à torturer l'esprit de la jeune demoiselle quelques secondes.
Il... Sa magie... Son pouvoir... C'était... D'hanter une armure ? Lorsque le capitaine lui montra ses preuves, Ciel déglutit. Un monstre de la citée enfouie, uh ? Et maintenant le voilà coincé à garder cette apparence... Ne pourrait-elle donc jamais le voir... Humain ?
Ciel garda la tête baissée quelques temps, mais elle releva rapidement les yeux, brillant de détermination soudaine.
Croyez en moi.
Dit-elle fortement.
Mon rôle est d'étudier sur la magie, en voir toutes les possibilités, les défauts, les avantages... Je suis sûre que...
...Elle posa son éventail sur la table après l'avoir brutalement fermé.
Je suis sûre que je trouverai un moyen de vous faire retrouver votre corps humain, Arthorias !
Son optimisme la dévorait encore. Son cœur battait déjà très vite dans sa poitrine, car elle était passionnée par son domaine. Et le faire en aidant les autres... C'était réaliser un autre rêve... Et elle comptait bien y arriver. Au moins pour lui.
J'en suis sûre... Mais en attendant, ne vous en faîtes donc pas. Lorsque je suis dans une mauvaise passe, je pense à tous ses bons côtés. Car le monde est gris, et rien n'est complètement mauvais ni complètement bon. Lucy l'a choisi, aucun événement, aucun humain, aucun animal, aucun concept ne suit cette vision manichéenne... C'est ce que je crois. Croyez en sa chance.
Un sourire. Chaleureux.
Puis un rire.
Nous venons à peine de nous rencontrer, Arthorias, mais je peux vous assurer que je ferai de mon mieux pour vous aider...
Ses prunelles dorées se positionnèrent vers les étoiles...
Les étoiles brillent beaucoup ce soir... Aimez-vous la beauté de la nuit, Arthorias ?
La noble était bien plus étrange qu'il ne le croyait, mais cela ne le dérangeait pas d'être considéré comme autre chose qu'un pantin.
Et finalement, dans la tente, il eut un petit rire intérieur. La mort faisait toujours son effet, même parmi ceux qui la voyait de loin. Cela dit il ne réussit pas à prévoir la suite et en fut décontenancé un bref instant sursautant presque quand l'éventail claqua sur la table et l'officier ne put que la regarder se lever, les yeux remplis de détermination.
Peu de chose circulait sur la ministre de la magie, mais il ne la pensait pas aussi gentille, du moins prête à aider quelqu'un sur la base d'une simple discussion.
Levant une main en signe d’apaisement, il tenta maladroitement de faire retomber la situation
-Allons, allons ce n'est pas si grave, ce nouveau corps est certes encombrant, mais dans mon métier, il m'est très pratique. C'est une malédiction comme une bénédiction
Et il se mit à rire de bon cœur, même si ce dernier eut un écho froid et métallique. Ses épaules se levant légèrement en signe de réelle hilarité.
Ciel semblait plus concernée que lui, lui qui avait accepté son propre fardeau, comme il avait accepté de mourir pour protéger les autres.
Cela dit, la mention de Lucy lui fit pencher le casque et ce avant qu'il n'entendent le rire cristallin de la ministre ce qui pendant un moment l'arrêta net. Heureusement qu'il n'était pas sous forme humaine, car deux petites pointes de rouge seraient apparut sur son visage.
Néanmoins, il l'ignora, secouant la tête pour revenir à des affaires plus pressante.
-Vous êtes quelqu'un de gentil Ciel, je.... je ne sais pas quoi répondre, ni comment vous remercier. J'espère en avoir l'occasion.
Ne serait-ce que pour la remercier de penser à lui. Beaucoup de gens ne se souciant que peu de son affliction.
Lui même avait fini par s'y faire ne se posant plus la question. Et voilà maintenant qu'il reprenait presque un espoir. Ce qui était surement la pire chose. Mais cela l'aidait... C'était déjà beaucoup. Depuis qu'il était rentré c'était la première fois qu'il parlait ouvertement de cela et qu'on lui offrait un espoir de solution.
Et en cela il en fut touché, ne sachant quoi répondre il demeura silencieux, faisant tourner l'eau au fond de son verre, remarquant seulement maintenant qu'il ne pouvait pas le boire dans son état.
Mais la ministre lui donna une raison de se changer les idée, lui faisant lever le casque pour observer le ciel nocturne
Mais sa réponse fut surement inattendue.
-Je ne crains pas les étoiles et leurs lumières.... mais plutôt le vide qui se trouve entre chacune d'entre elle. L'obscurité est... effrayante.
Elle recèle des danger et cache des choses qui nous dépassent...
Oh en soit, il aimait regarder les étoiles, et s'y perdait parfois. Cependant.... l'obscurité l'obsédait. Lui qui était dorénavant un être de pur lumière, l'ombre arrivait parfois à l'effrayer.
Et ses sentiments se manifestèrent par une légère lueur dorée qui s'infiltra dans les jointures de son armure. Mais qui disparut tout aussi rapidement, alors que ses propres orbes se fixaient dans ceux de la ministre.
-Ne vous sentez vous pas petite en les observant ? Notre royaume, notre terre, vos pouvoirs, mon épée... C'est insignifiant, de si petites choses, face à une infinité d'étoiles.... Dire que nous ne connaissons même pas les limites des océans...
Que cachent donc ces ombres
Reprit-il plus doucement, baissant son casque pour poser une main sur sa lanterne magique fixée à sa ceinture, cette dernière étant comme une ancre pour lui
Ciel avait conscience que son attitude pouvait surprendre n'importe qui, car le fait qu'elle s'exclame, qu'elle s'emballe à vouloir aider autant quelqu'un qu'elle venait de rencontrer il n'y a pas même quelques minutes, cela n'avait rien d'habituel. Cependant, pour la jeune ministre, c'était parfaitement normal. En effet, son objectif premier étant de créer une sorte de paradis sur terre, où le monde entier vivrait heureux, il n'y avait rien de plus évident que de venir aider quelqu'un dans le besoin. Et bien qu'Arthorias affirmait le contraire en avouant que ce nouveau corps était "autant une malédiction qu'une bénédiction", malgré qu'il semblait en rire de bon cœur par ses mouvements d'épaules, la femme-dragon pouvait sentir le malheur de cet homme grâce à sa grande empathie et son expérience. Les yeux de la Kyrie Eleison brillèrent lorsqu'elle l'entendit la remercier, alors qu'elle n'avait encore rien fait. Comme quoi même l'intention comptait, et elle-même le disait, le pensait… Et si cela le touchait, c'est qu'au fond, elle avait vu juste. Cela lui faisait mal de n'être physiquement qu'une armure vide… Ciel sourit pour le rassurer.
Je n'ai encore fait, et vous me remerciez déjà, Arthorias… Cela ne veut dire qu'une chose : vous avez besoin d'aide, et en recevoir vous fait du bien. N'en ayez pas honte, jamais.
Expliqua-t-elle d'une voix douce et réconfortante, celle-ci naturellement harmonieuse et presque chantante. L'Apôtre du Destin avait entraînée celle-ci durant une longue période de sa vie, de sa petite enfance jusqu'à la fin de son parcours liturgique en tant que Sœur. Ce chemin l'avait rendue maternelle envers autrui, lui offrant un charmant et précieux altruisme presque déconcertant.
Lorsque Ciel choisit de changer de sujet pour ne point trop perturber le capitaine, évoquant ainsi la beauté de la soirée en faisant référence aux étoiles, le chef de la garde royale donna une réponse plutôt… Étonnante. Il montrait assez ouvertement sa peur pour le vide, pour ces "ombres", pour la grandeur de ce monde face à eux, face à leurs épées… Clignant d'abord des yeux curieusement, la femme aux cheveux verts les ferma ensuite pour souffler par le nez, lentement. Après cela, elle ferma son éventail.
Arthorias… Malgré le fait que vous êtes un modèle de protection, vous restez un humain, comme nous tous…
Elle se leva, et alla le rejoindre pour poser une main chaleureuse sur l'épaule du jeune homme. Elle avait remarqué les lueurs dorés sur son armure, elle avait remarqué sa main sur sa lanterne… Elle comprenait. Elle ressentait souvent la même chose lorsqu'elle étudiait les astres.
Regardez-moi dans les yeux, Arthorias… La peur nous rend forts. Il faut savoir l'utiliser à bon escient. J'ai peur, moi aussi. J'ai peur de la Magie, de son infinité de possibilités, bonnes ou mauvaises… Mais cela me fait rêver. L'inconnu me fait autant peur que rêver.
Glissant sa main sur le heaume du capitaine comme si elle lui caressait la joue, Ciel ferma les yeux à nouveau, pour offrir, encore, un sourire angélique.
L'obscurité… Les ténèbres, les astres…! Tout cela diversifie notre imaginaire… Il y a tant de choses à découvrir dans cet univers. C'est pour cela que j'ai été honorée d'avoir été nommée à ce rôle. Non pas parce que la famille royale m'a offert une fonction importante… Mais parce que l'on m'a offert la possibilité de mieux guider les idéalistes vers leur objectif. Les chercheurs, les voyageurs… Je veux le voir. Je veux découvrir tout ce que cet univers a à me montrer. À nous montrer.
Sans embarras, elle colla son front contre le casque du guerrier. Ciel était plutôt tactile, et elle n'en avait pas honte dans ces moments-là.
J'espère pouvoir réaliser vos rêves à vous aussi, Arthorias…
Suite à ces paroles pleines de sincérité, il y eu un temps de silence avant qu'elle ne le relâche, et se redresse en gardant ce tendre faciès, rouvrant son éventail sous son nez.
Ciel était surprenante, semblant prête à partager n'importe quelle douleur pour que le capitaine puisse se sentir mieux. Et Arthorias se sentit presque gêné de lui avoir dit.
Non pas qu'elle avait tort, loin de là. L'officier était un homme plutôt solitaire dont les problèmes dépassaient souvent son entourage.
Après tout à qui pouvait il parler ? Sa compagne était aussi prise que lui, vivant dans un monde l'opposé du sien, il n'avait pas d'amis, son travail ayant de toute façon écrasé toute relation superflue, et quand à ses hommes.... ils n'avaient pas à être au courant de cela.
Etre capitaine signifiait vivre à part, et assumer le fardeau du commandement. Mais Arthorias ne pouvait pas s'en plaindre. Il l'avait appelé de ses vœux, même si maintenant... il voyait ça différemment.
Il se contenta de hocher la tête ne pouvant malheureusement pas afficher autre chose qu'un visage de métal lisse.
-Je.... peut être oui....
Et ce fut le seul aveux de faiblesse qu'il s'autorisa, sa voix bien que métallique exprimait une certaine tristesse. Quelque chose qu'il n'oserait sans jamais avouer autrement.
Fort heureusement, cette même malédiction réussit à cacher son malaise, et il réussit à ne pas douter de lui même. Se raccrochant brièvement aux yeux de Ciel.
Les deux pierres dorées semblaient elles si pleine de confiance, et l'officier s'autorisa brièvement d'y puiser un peu de réconfort avant de reprendre une meilleure contenance.
Le sujet bascula fort heureusement sur quelque chose de plus acceptable pour lui, ce qui lui permit de regagner un peu de contenance.
Le fait qu'il soit humain le mettait parfois mal à l'aise, car il avait toujours l’impression qu'il devait être plus. Plus qu'humain, ne montrer aucun signe de faiblesse.
Mais elle le perça rapidement à jour. En sentant une main sur les plaques de son armure, il releva la tête, fixant intensément les deux yeux de Ciel, même si aucune rougeur ne put se faire jour sur la plaque lisse de son visage.
-L'inconnu est un ennemi Ciel, il est rempli d'ennemi potentiel... Il est ce que je suis censé combattre. Protéger et anticiper... Je ne peux pas protéger des gens contre ce que je ne connais pas.
Et c'était une vérité. Il avait confiance d'avoir l'esprit déformé par le travail, mais ce qu'il avait vu dans les tréfonds ne cessait de le travailler. Comment protéger le palais contre des monstres comme les wardans ? La bataille qui avait éclatée peut après avait elle aussi laissée des marques.
Et malgré toute sa volonté, il ne pouvait pas vraiment être de son avis. Même s'il le voulait....
-J'aimerai être aussi excité que vous... mais je ne peux pas
Mais il ne put en dire plus alors que la main de la ministre avait quitté son épaule, se posant sur ce qui aurait du être sa joue. Cela le paralysa complètement l'empêchant de parler plus, alors même qu'il était attiré par ce sourire angélique.
Restant immobile quelques instants, il déglutit, aussi bien que le pouvait une armure, ce qui se traduisit par un simple grincement entre les plaques sur sa nuques et la côte de maille.
Et même s'il aurait d'habitude chassé la main de la dame, il n'en fit rien, se contentant de répondre
-Beaucoup de chose sont à découvrir, mais je ne peux pas les voir de votre façon, il me faut les considérer comme des menaces
Même s'il y avait quelque chose de bien plus viscéral la dedans, une peur qu'il ne pouvait expliquer et que son propre pouvoir représentait.
Il n'était cependant pas prêt à en parler. Et au nom du héros de lumière, il ne le ferait pas ce soir.
-Même si j’éprouve une certaine curiosité sur bien des sujets, je dois la mettre de côté, pour faire place à la logique.
Et il n'aimait pas forcément cela. Protéger le palais consommait parfois toute son énergie, et une discussion comme celle la lui rappelait au combien il y avait autre chose que cette citadelle.
Et quand il sentit de façon distante le front de Ciel contre la bande de son heaume, le phénomène de lumière se reproduisit, même si ce dernier n'était pas motivé par la peur.
Comment réagir ? Il ne le savait pas. Personne ne se montrait aussi tactile avec lui... pas même.... De fait, il resta sans bouger, n'osant pas faire un bruit.
Arthorias cessa de réfléchir logiquement quand il lui fut parlé de rêve, et eut du mal à imaginer quel était le sien.
Retrouver son corps était bien la première chose qu'il voulait. Quand à après... Il n'allait jamais aussi loin, sa main de fer se reposant doucement sur la table, dissimulant un tremblement invisible dans le gantelet.
-Vous êtes bien trop gentille Ciel.
Dit il comme s'il sortait d'un rêve.
-J'espère alors pouvoir avoir un rêve à exaucer, car je n'ai que peu à vous faire accomplir. Peut être une chose cependant
La phrase sortit presque d'elle même, le chevalier se penchant lentement sur le dossier de son siège.
-Faites moi découvrir toutes ces choses que l'univers à a nous montrer
Finit-il par dire, comme une ultime requête
Ahhh… L'inconnu ! Les mots d'Arthorias ne choquaient nullement la jeune et belle ministre, qui laissa s'échapper un petit rire étouffé. Ce n'était pas moqueur, non. C'était simplement là pour souligner le fait que cela ne l'étonnait guère. Ciel était amusée. Amusée et fascinée par la vision du capitaine de la garde royale. Pour lui, à bas la curiosité, les responsabilités, la logique, la protection avant tout. Et malheureusement pour lui, il ne pouvait ni ne savait défendre le peuple de l'inconnu. De ce qu'il ne connaissait pas.
Après tout, une règle importante de l'art de la guerre, c'était la stratégie de bien connaître son ennemi. En apprendre sur lui. Mais comment, face aux étoiles ? À l'obscurité ? Encore aucun scientifique n'avait pu percer leurs secrets… Pas même Ciel, maîtresse de ce domaine. Mais était-ce si grave ? Si important pour l'armée ? Tant de questions persistaient, et, une main se posant sur la table, Arthorias fit écarquiller les yeux de l'Apôtre du Destin d'une seule phrase. Une demande qui la fit frissonner de détermination. Une requête qui fit agrandir son sourire. Un rêve… Non, une utopie.
Malgré sa gêne plus que visible, malgré ses principes de garde, malgré tout cela… Il avait osé le dire. Et cela fit battre plus sauvagement le cœur de la lady à cornes d'ivoire.
Je serai honorée de voyager à vos côtés…~
Elle rit d'espoir, de joie, d'excitation. Puis soudainement, tout à coup, elle eut une idée qui traversa son esprit comme un éclair de génie. Posant son éventail sur la table, elle prit délicatement les mains- les gantelets du jeune homme, toujours en croisant son magnifique regard d'or. Étrangement, elle se demandait si ce n'était pas un être de pure lumière qui logeait à l'intérieur. Un être timide, qui representerait le cœur fragile du capitaine.
Voudriez-vous m'accompagner dehors, Arthorias ?, elle pencha sa tête sur le côté, accentuant une innocence, une niaiserie rare dans ce royaume. Une pureté en guise de trésor perdu par de nombreux adultes. Venez avec moi… Promenons-nous tous les deux, je veux vous montrer mon monde… Il y a déjà beaucoup de choses que le peuple ne remarque pas, surtout en pleine nuit… Imaginez, si nous n'avions point besoin de dormir, nous aurions une double vie ! La nuit… C'est autre chose. Elle représente nos peurs comme nos fantasmes. J'ai accepté ma peur, pour être… Libre. Pour sortir de ma cage, et faire ce que je souhaite faire. Comme cette chose, semblant si simple, si moindre… Se balader dehors, sous la lumière douce et timide de la lune et des étoiles…
Elle marqua une pause en rougissant légèrement, se retenant de détourner le regard. Mais elle ne put s'empêcher de baisser légèrement les yeux…
Il n'y a rien de mieux que partager notre "monde" avec quelqu'un d'autre… Ami, frère, sœur… C'est une sensation incroyable.
Chuchota-t-elle, ses prunelles dorées brillant deux petits soleils que l'on avait enfermés dans des diamants.
Malgré qu'elle semblait toute assurée, elle respirait fort et rapidement, signe de certaine nervosité, et manque d'habitude vis à vis de la sociabilité. Mais elle ne se bloquait pas pour autant. Car la peur ne devait jamais contenir nos rêves… C'était ce qu'elle croyait. C'était ce qu'elle conseillait de faire, à tous.
Ses bras tremblaient, tout comme ses lèvres… Si ce n'était pas elle qui le faisait, qui le ferait après tout ? Elle savait voir dans le regard des autres… Quand ces derniers avaient besoin d'une main tendue.
Ciel était décidément gentille, et Arthorias se mit à rire en l'entendant. Voilà qu'il se découvrait presque un objectif: suivre la ministre pour découvrir de nouvelles choses. Même si tel n'était pas son rôle. Son devoir le mettait au service de la monarchie, même si en tant que tel, Ciel en faisait partit.
Mais en secouant la tête, il chassa ces idées. Il n'était pas temps de regarder cela. Pire, sa mission était pour le moment sous ses yeux.
Il y aurait du temps pour penser à cela plus tard. L'officier chassa donc ces pensées de son esprit, préférant se concentrer sur la situation actuelle.
Et il fut rattrapé par le temps quand la ministre saisit ses deux gantelets, lui faisant une proposition inattendue.
Pour quelqu'un qui se méfiait constamment, se balader dehors en pleine nuit avait de quoi faire peur, mais il avait la sensation que ce n'était pas une demande qu'il pouvait refuser, et finit donc par hocher la tête.
-D'accord Ciel... Je ne sais pas si c'est la chose la plus sure à faire mais... Au moins vous serez en sécurité si je peux vous accompagner.
Dit il en se levant, récupérant le bouclier qu'il fixa à son bras, vérifiant que son épée y était bien glissée. Et son pendentif plume en place, ce dernier divisant notablement son poids.
-Mais restez proche de moi, je n'aimerai pas qu'il vous arrive malheur.
Et en cela il était sérieux, craignant toujours pour la sécurité de la ministre, même si l'idée de partager le monde de quelqu'un était plaisante. C'était une nouveauté, une qu'il n'avait jamais eu l'audace d'essayer avant.
Le duo sortit de la tente, dépassant le périmètre du camp et sa lumière rassurante et rapidement, la seule source lumineuse fut la lampe magique de l'officier, qui la gardait précieusement à ses côté, comme un noyé aurait agrippé une bouée.
Il marchèrent quelques temps, l'officier donnant le bras à la jeune jusqu'à ce que le camp fut loin et que toutes les étoiles se mirent à briller.
Levant la tête, Arthorias remarqua enfin les étoiles auxquelles il n'avait jamais fait attention ces dernières se reflétant dans les prunelles d'or de Ciel.
Quelques cours issus d'un lointain passé lui revenant en mémoire
-Tiens mais je reconnais ces étoiles !
Dit il presque soudainement
-C'est la constellation du scorpion, on dit que si on la suit, on peut tomber sur un monstre gardant un trésor fantastique !
L'officier retombait presque dans ses histoires de chevalier d'antan, expirant soudainement, alors que le poids de la réalité retombait sur ses épaules.
-C'est ici donc votre monde Ciel, il est plus beau la nuit que le jour je dois l'avouer.
Il regretta presque d'être attaché par un serment, comprenant la ministre et son intérêt pour les légendes
-Tout ici est plus lumineux, même dans l'obscurité
Gentille... Bien trop gentille... Voilà comment Arthorias avait qualifié Ciel. Ces mots, qui pouvaient sembler si classiques, si... Futiles ? Ils étaient... Marquants pour elle. Un simple remerciement. Un simple compliment... Et déjà son cœur s'embrasait. Elle aimait se sentir utile pour autrui. Et elle ne savait pas ce qu'elle ferait, seule. Perdue. Le fait qu'elle apprécie souvent s'isoler pour admirer les étoiles... C'était différent. Ce n'était pas parce qu'elle préférait la solitude... C'était simplement que... Admirer le ciel étoilé et imaginer faire ce voyage galactique avec tout le monde... C'était si utopique que cela la faisait rêver, et lui donnait espoir. C'était ce qui la façonnait. En tendant une main, elle se faisait aider elle-même par un sourire. Elle suivait parfaitement le triangle de Karpman. Elle était le sauveur. Elle avait... Besoin des autres pour vivre. Derrière ces sourires, derrière cet espoir, cet optimisme et toute cette confiance en soi... Se cachait une dépendance. L'utopie lui faisait aussi mal que bien. Parfois, elle pleurait, dans "son monde" qu'elle voulait lui montrer. Pleurer de joie ou de tristesse ? Elle ne savait pas elle-même.
Le guerrier accepta, ce qui eut le don de lui faire ouvrir grand les yeux d'une joie extrême. Un sourire puéril, un sourire d'une fragilité sans pareille. Une lueur pouvait de voir sur ses prunelles. Il était bien difficile de comprendre la jeune femme, qui possédait une personnalité peu commune. Elle faisait facilement confiance, elle croyait en tout le monde, elle voyait avant tout le bon de chacun... Et cherchait toujours à l'atteindre, malgré les risques. Ceci expliquait pourquoi elle était aussi aisément tactile, aussi aisément familière auprès des autres... Mais la méfiance, la peur... Tout ceci bloquait ce beau monde dont elle voulait prendre les mains. Elle rêvait de tous pouvoir les tirer, et nager parmi les étoiles, avec un sourire. Sentir la douceur de la tendresse, de l'innocence et de la pureté... Ainsi que la chaleur de la joie commune.
Tandis qu'Arthorias se préparait, la ministre se tint le cœur, déjà bien chamboulé, autant par timidité que par euphorie. Elle ferma ses paupières un instant, avant de rejoindre l'homme-armure, et plonger dans le clair-obscur de cette magnifique soirée...
Alors qu'ils s'éloignaient au fur et à mesure du camp, Ciel ne quittait pas Arthorias du regard, analysant chacune de ses réactions avec curiosité. Il semblait plutôt nerveux, et se tenait bien à sa lanterne. Lorsqu'il proposa son bras à la demoiselle aux cheveux émeraude, celle-ci déglutit, peu habituée encore une fois, et l'accepta en se collant doucement à lui. La froideur de l'armure était là, en effet, mais elle pouvait sentir une étrange chaleur. Cela provenait probablement de son imagination, mais cela la rendait heureuse. C'était comme si il était encore humain à ses yeux.
Puis, Ciel fut prise au dépourvu. Arthorias se mit à s'agiter, à s'exclamer face à un ensemble d'étoiles, une constellation... Celle du Scorpion. Toujours aussi magnifique, celle-ci avait fait rêver plus d'un aventurier, plus d'un chevalier... Par le conte qu'on lui donnait, et que le capitaine n'hésita pas à citer. L'Ex-Sœur se mit à rire gaiement face à ce comportement. Il complimenta alors son monde, et semblait admiratif de sa lumière. Plissant des yeux, la femme-dragon avait les yeux qui scintillaient dans les ténèbres.
La constellation du Scorpion... Elle est magnifique., elle posa sa tête contre l'épaules de l'homme. J'habite aux plaines, un peu plus loin. Enfin... Je ne peux pas y aller souvent à cause de mon travail... Mais ma famille et moi-même avons l'habitude de simplement illuminer le foyer avec des lanternes. Nos vitres sont des vitraux colorés, laissant une lumière timide mais présente. Une lumière douce et rassurante... Comme la tendresse d'une mère.
Elle croyait que sa mère était quelque part ailleurs, dans ce monde semblant infini...
La mienne est morte d'un Cancer Gigantis. C'est elle qui m'a fait découvrir l'amour des astres. C'était une grande chercheuse en Magie, elle aussi.
Ciel fit sortir son collier : un cristal transparent offert par sa génitrice défunte. Elle le caressa quelques secondes avant de reprendre.
Je pense que vous pouvez trouver ce trésor un jour, Arthorias. Il faut juste... Y croire. Essayer.
Elle marqua une pause, puis attrapa la lampe du capitaine, l'éteignant sans qu'elle comprenne comment, au simple toucher, avant de la poser au sol, et de prendre la main du guerrier...
Mon monde serait plus beau, lorsque je le partagerai avec tout le monde. Lorsqu'un jour, nous regarderons tous vers le ciel, en croyant en nos rêves... Et en faisant tout pour les réaliser, ensemble. C'est... C'est de là d'où vient mon nom. Ma mère y croyait, elle aussi, fut un temps. Alors elle m'a appelée ainsi, pour s'en souvenir...
Arthorias était absorbé par le ciel. Il lui semblait presque nouveau. A chaque seconde, une nouvelle étoile apparaissait dans le ciel nocturne, rendant le paysage toujours plus beau, toujours plus vaste et toujours plus lumineux.
Mieux que cela, l'ancienne obscurité faisait doucement place à une lumière, bien plus pure, et la nuit se faisait moins sombre, l'obscurité rassurante.
Quand la tête de Ciel se retrouva son son épaule, il ne fit aucun geste, se contentant de profiter du spectacle que lui offrait la ministre
-C'est donc cela votre monde...
L'officier était presque admiratif, même pendant ses longues nuits de veilles, il n'avait jamais vu le ciel ainsi. Et une grande bande d'étoile semblait même traverser le ciel de part en part, se faisant plus lumineuse à chaque seconde. Tout en se perdant dans les cieux, il écouta la dame, essayant finalement de penser à autre chose qu'au spectacle, finissant même par s'asseoir avec elle.
-C'est une triste histoire... Je ne pensais pas que vous aviez perdu votre mère... J'en suis navré.
Et pour une fois, il était sincère, il ne saurait pas vraiment comment réagir quand cela lui arriverai, et d'autant plus si c'était à cause d'une maladie.
Ses parents vivaient heureux, profitant d'une retraite bien méritée après un service de plusieurs décennies dans la garde. Et il leurs rendait parfois visite.
Mais à la mention de la maison de la noble, Arthorias eut une idée.
-Nous pourrons y passer quelques temps sur le chemin du retour si vous le souhaitez, la date de l'expédition concerne uniquement son départ. Si cela peut vous permettre de vous détendre un peu...
Et pour une fois il quitta sa rigidité de militaire, redevenant un homme avec de la compassion. Il avait presque l'impression que sous cette nuit étoilé, il pouvait se permettre un peu de relâchement. Maintenant que le palais était loin.
Et étrangement, il n'était pas aussi mal à l'aise avec Ciel qu'avec beaucoup d'autre.
Observant le collier que produisit la magicienne, il se demanda quelques instants quelle valeur il avait à ses yeux, mais se rendit rapidement compte que cela devait être un héritage précieux et préféra s'abstenir de toute questions pouvant briser ce moment.
Et rien que de l'entendre son cœur fit un bond avant qu'il n'ajoute d'une voix plus humaine
-Je pense que c'est une métaphore, suivre son rêve, même s'il est semé d'embûches peut mener à un grand trésor
Il aurait aimé essayé, mais ne pouvait se le permettre. Alors pour une fois, il se mit à rêver de le faire, bercé par la voix de la jeune femme
-Je comprend mieux... c'est un beau rêve, et un joli nom
Dit il avant de constater que la ministre c'était emparée de sa lampe pour l'éteindre.
Il eut à peine le temps de réagir avant que sa lumière ne s'éteigne. Et alors qu'il s’apprêtait à disparaître jusqu'au matin, il fut surpris de toujours avoir la vue.
Arthorias avait constaté que chaque fois que la lumière était absente, son corps tombait en morceau mais là.... Il était encore là et se sentait.... bien....
Presque par réflexe, il écarquilla les yeux et eut la surprise... de les sentir.
Avec des gestes précautionneux, il tâtonna son casque, défaisant une sangle avant de finalement le retirer, libérant ses longs cheveux argentées qui voletèrent légèrement avec le vent, et fixant avec un sourire angélique la ministre
De petites larmes se faisant jour sous ses yeux vairons, l'un d'un vert émeraude, l'autre d'un gris bleuté.
-Oh Ciel.... c'est....
Dit il, la gorge nouée par l'émotion d'avoir retrouvé son corps
Le jeune homme sans corps ne semblait guère être dérangé par le fait que Ciel vienne poser sa tête ainsi sur son épaule. Ou peut-être le cachait-il ? En tout cas, il ne fit aucun geste qui soulignerait un quelconque dérangement. Malgré le fait qu'il soit en armure, et qu'il ne possédait point un véritable visage, Ciel pouvait sentir de la curiosité dans son regard d'or. On disait que les yeux étaient reflets de l'âme... Cela était sûrement vrai.
S'asseyant tous les deux pour admirer le spectacle étoilé, cela donnait lieu à une scène romantique sans qu'elle en ait l'intention. En effet, Ciel ne ressentait pas quelque chose d'amoureux pour cet homme qu'elle connaissait à peine, et pourtant... Toute cette scène guidait à quelque chose de doux et affectueux, sans qu'elle le remarque. Il serait mentir que quelqu'un qui viendrait voir ces deux-là, penserait à trouver un joli couple tranquille, et pensant à l'avenir. À leur avenir. Leur... Voyage.
Lorsque Arthorias dit qu'il était navré pour la décès de sa mère, Ciel tourna la tête de droite à gauche, comme pour dire "non", et prononça ces mots dans un murmure léger :
N'en soyez pas navré, Arthorias... Ma mère est morte heureuse. Alors je suis heureuse pour elle aussi. Je suis certaine qu'elle doit être bien, quelque part. Je crois qu'elle me regarde toujours. Je ne sais d'où, je ne sais comment, mais j'y crois. Et cette pensée arrive à elle seule, à me faire penser que je ne suis jamais seule, et qu'elle ne m'a jamais abandonnée. Qu'elle... Veille sur moi.
Ciel ne versait aucune larme, mais on pouvait sentir, rien que par son regard, qu'elle en avait envie. Que son corps la suppliait, mais qu'elle refusait. Non pas parce qu'elle avait honte de pleurer, non, jamais... C'était simplement parce qu'elle sentait, au plus profond d'elle, que sa mère n'aimerait pas la voir verser des larmes à son sujet, en sachant qu'elle en avait déjà versé il y a quelques années. Y repenser ne devrait pas lui faire de mal.
C'est alors qu'Arthorias vint proposer de passer, lors du chemin de retour, par son domaine. La ministre, prise d'excitation soudaine, tourna la tête vers le garde royal, et lui sourit de bon cœur, comme un enfant à qui on lui avait offert un cadeau qu'il attendait tant de recevoir.
Vraiment ? J'en serai vraiment ravie !~, s'exclama-t-elle joyeusement, avec hâte.
Ciel avait remarqué que le capitaine avait fixé son collier un moment. Probablement voulait-il poser des questions à ce sujet, mais elle ne voulait nullement le forcer, alors elle n'en dit rien. Peut-être plus tard, si vraiment il n'y arrivait pas...?
En tout cas, l'interprétation que proposait le guerrier sur la légende à propos de la fameuse constellation eut le don de la faire rire gaiement.
Vous avez là une belle pensée... Dit ainsi, je ne peux que penser la même chose à ce sujet. C'est une belle image que l'on donne avec ce mythe...
Puis... Il la complimenta sur son nom. Quelque peu perturbée, elle tourna la tête à l'opposé du jeune homme, essayant de retrouver son calme et son assurance. Recevoir ainsi ce genre de propos était toujours quelque chose de difficile pour elle. Non pas qu'elle n'aimait point cela, au contraire ! Elle aimait tellement qu'elle s'en sentait embarrassée.
Mais... Elle ne remarqua guère que l'Hekmatyar venait de retrouver son corps humain. Du moins, pas tout de suite, cherchant à faire un tri dans son esprit. Mais lorsqu'elle entendit sa voix... Bien moins métallique... Elle se tourna vers lui.
Et là, ce fut le choc.
Son corps frissonna, puis se paralysa. Ses yeux étaient grand ouverts, et sa bouche entrouverte. De longs cheveux d'argent, des yeux vairons et une beauté androgyne. Un visage clair, une voix élégante. Un faciès aussi hypnotisant que celui d'un idéal humain... Le cœur de la demoiselle paniqua. Et elle resta ainsi, subjuguée, captivée par... Ce qu'elle voyait.
Vous...
Essayant de placer une phrase, essayant désespérément de poser des mots, elle pourrait l'admirer pendant des heures. Mais...
Mais elle posa une main sur sa propre poitrine, avant d'avaler sa salive, et de détourner le regard, le visage légèrement pivoine.
V-vous... Vous venez de retrouver votre corps humain...? Comment... Comment est-ce possible ? Par Lucy... Vous...
"Vous êtes magnifique". "Aussi majestueux que cette nuit".
Bien qu'elle le pensait, elle ne parvenait pas à l'avouer. Alors elle reposa ses prunelles dorées que l'homme, timidement, en ne comprenant pas réellement ce qui venait de se produire...
Son corps, son vrai corps... Il ne pouvait réellement y croire. Deux semaines, c'était une période courte, mais affreusement longue quand on vivrait chaque heure dans un autre corps. Ce n'était pas douloureux, mais il avait toujours eu une sensation de perte et voilà que ce qu'il pensait perdu à jamais revenait... si soudainement, ici....
Des larmes coulaient sur ses joues, non pas des larmes de tristesse, mais bien de joie. La joie de retrouver des sensations perdues, de pouvoir sentir le vent et la douceur de la nuit. Enlevant un gantelet, il passa une main sur l'herbe, savourant le contact de cette dernière contre ses paumes. C'était.... indescriptible, si simple mais pourtant même cela lui manquait. Cela et l'odeur de l'herbe fraîche...
-Je ne sais pas....
Avoua t-il, la gorge serrée.
Son regard était braqué dans es yeux de Ciel, il ne comprenait pas, comment était-ce possible ? Sa magie était-elle donc aussi généreuse ?
Lui qui se pensait sans pouvoir au début, puis relégué à une simple armure vide... Il était revenu à la vie ?
Impensable, inimaginable
-Je suis.... vivant ?
S'approchant doucement de la ministre, il déposa sa main sur la sienne, ressentant sa chaleur et un petit pic électrique qui fit battre son nouveau cœur un peu plus vite.
Mais il ne s'arrêta pas, levant sa main vers la joue de Ciel pour plonger ses yeux dans les siens, les lèvres tremblante.
Et finalement après quelques instant, il ferma les yeux, collant doucement son front contre le sien, désireux de ressentir cette proximité avec quelqu'un, lui qui avait tant manqué.
Un peu de chaleur, un peu de proximité....
Arthorias resta comme cela un moment avant de finalement s'éloigner de la ministre, respirant plus fort avant de finalement s'allonger dans l'herbe, ses longs cheveux d'argent formant un contraste saisissant avec le vert de l'herbe, oubliant pour cette fois qu'il était capitaine.
-Le monde me parait encore plus beau ainsi
Murmura t-il en essuyant une larme au coin de ses yeux, ces dernières ne cessant d’apparaître sur son visage, alors qu'il tentait de regarder les deux orbes dorées de Ciel.
Tout lui paraissait plus magique... Même la beauté de la ministre
-Oh Ciel.... si vous saviez.... j'ai l'impression.... de revivre..... merci.....
Etait-ce elle ? Il ne savait pas.... il ne savait plus
Puis des larmes. De chaudes larmes que Ciel ne pouvait que facilement reconnaître. Des larmes de joie, probablement les mêmes qu'elle avait eues lors de la mort de sa mère. C'était étrange de voir quelqu'un pleurer ainsi devant ses yeux. Ce n'était pas mal... C'était juste particulier. Son cœur se resserrait, et elle aussi, se mit à verser des larmes. Cette joie qu'elle voyait, elle la ressentait juste en l'apercevant. La sensibilité de la ministre vis à vis des autres était bien grande, peut-être un peu trop... Mais elle se sentait si bien de le voir... Si heureux ? Elle ne voyait toujours pas comment cela avait pu se produire, mais l'important n'était pas cela. C'était... Le présent. Ce qu'elle avait devant elle.
Lorsqu'il posa sa main sur la sienne, l'Apôtre du Destin tressaillit. C'était comme un éclair qui venait de passer partout dans son corps. Un éclair de chaleur, de douceur... Elle souffla fort, mais cela ne s'arrêta point là. Elle voyait la main de l'homme monter jusqu'à atteindre sa joue humide. Et à ce moment-là, elle comprit vite ce qu'il voulait faire. Lorsqu'il posa son front contre le sien, son visage fut noyé par les larmes, dans le silence. Cette action faisait brûler son cœur, et son empathie faisait trembler tout corps, frêle et impuissant face à autant d'émotions...
...Arthorias...
Murmura-t-elle, avant de fermer les yeux, et d'apprécier ce moment de tendresse pendant quelques secondes de silence, le vent frais soufflant sur leurs longs cheveux d'une douceur si intense qu'on pourrait croire à une caresse maternelle. Cela devait certaine venir de son imagination, mais sa croyance puérile suffisait à lui faire penser que sa mère était là.
Lorsque le capitaine se coucha et la remercia sans qu'elle ne comprenne pourquoi, elle s'allongea près de lui, sentant le froid de l'herbe, rafraîchissante...
Elle s'approcha du jeune homme, posant sa tête contre la sienne cette fois-ci, pouvant sentir toute la chaleur de son corps. Le contact agita davantage son cœur, mais au lieu de tenir ce dernier, elle prit la main de l'Hekmatyar.
...Pourquoi me remerciez-vous ? Je n'ai rien fait...
...Puis, elle sourit.
Je n'aurais jamais cru un jour voir le capitaine de la garde royale pleurer... Mais... Surtout... Je...
Elle serra les lèvres nerveusement, un court moment. C'était... Si difficile à dire... Mais il le fallait.
Vous êtes... Vraiment magnifique. Aussi majestueux que cette nuit...
Elle ferma les yeux. L'héritière de la noble famille des Kyrie Eleison ne souhaitait pas que ce moment s'arrête. Elle voulait rester ainsi, pour toujours. Ou du moins, c'était ce que son cœur lui dictait. Malheureusement sa raison la maintenait dans la réalité, et lui disait que cela allait forcément se terminer... Alors il fallait profiter. Profiter autant qu'elle pouvait.
Je suis heureuse de partager ce moment avec vous...
Avoua-t-elle sincèrement, avant de lui prendre la main, et laisser leurs doigts s'entremêler. C'était comme si des étincelles pétillaient dans ses iris. Éclatant comme des feux d'artifices...
Puis, une envie... Une envie soudaine, se dévoilant dans son esprit, et la poussant à parler, sans qu'elle puisse le contrôler.
Je... Hm... Non, oubliez...
Elle se rattrapa bien vite... Mais il était bien trop tard. Alors elle espérait profondément qu'il ne vienne pas à poser de questions...
C'était étrange de sentir aussi vivant, et Arthorias se demanda brièvement si les gens se rendaient compte de la chance qu'ils avaient, simplement en vivant normalement.
Et il offrit un large sourire chaleureux à la ministre.
-Vous me l'aviez promis non ? Et bien voilà... Vous avez en quelque sorte tenus votre promesse.
Bien sur, il ne savait pas vraiment ce qui était la cause de ce retour mais il voulait croire que Dame Eleison y était pour quelque chose. Et cette simple croyance suffisait à le convaincre pour le moment. S'il avait connu la vrai raison, il n'aurait cependant pas pensé différemment. Et quand elle lui parla de ses larmes, il se mit à rougir légèrement, essuyant au maximum des dernières dans un petit geste précipité
-Oui c'est.... hum.... désolé Dame Eleison, je ne devrait pas c'est vrai mais.... mais....
Il perdait ses mots, rendus fébrile par la chance qu'il avait avant de finalement entendre ce que Ciel lui disait. Et là il se mit à rougir pour de bon, formant un contraste saisissant avec ses cheveux.
Se frottant l'arrière du crane, il ne put s'empêcher de répondre.
-Merci Ciel, je euh.... enfin.... vous aussi.... vous êtes très belle....
Mais finalement, ils finirent par ne plus rien dire, restant là regarder les étoiles. Arthorias s’émerveillant à chaque nouvelle découverte.
Il sentait la chaleur de la jeune femme à côté de lui, et étrangement, cela ne le dérangeait pas. Ne se doutant pas que cela puisse cacher quoi que ce soit.
Après tout il n'avait même pas de contacts similaire avec sa femme. Ainsi le duo resta là de longues minutes avant qu'elle ne finisse par lui parler de nouveau, ce à quoi il répondit.
-Moi aussi.... Je ne pensais pas que vous seriez ainsi à vrai dire. Les gens sont toujours très froid avec nous.... mais vous.... vous êtes.... différente
Et elle ne lui inspirait pas la même indifférence que les autres, non étrangement, il aimait se sentir à côté d'elle, même si cela ne faisait que peu de temps. Il se releva sur les coudes en l'entendant, penchant sa tête sur le côté.
-Non, dites moi donc ! Je ne crois pas que ce soit le moment de faire des cachotteries
Dit il en offrant un petit rire cristallin bien plus chaleureux qu'avant, ce dernier se répercutant à quelques mètres à la ronde alors qu'il se mit à lui sourire de façon innocente
Elle aurait… Déjà tenu sa promesse ? Mais pourtant, elle était certaine de n'avoir rien fait…! Était-ce ce contact avec cette lanterne ? Non… Cela ne devait pas être aussi simple ! Lucy… Était-ce elle ? Aurait-elle apporté sa chance ? La déesse aurait donc choisi Ciel pour aider ce jeune homme au bord du désespoir ? Si c'était le cas, pourquoi ? Considérait-elle l'Apôtre du Destin comme méritante ? Voulait-elle faire passer un signe, pour lui montrer qu'elle apporterait bel et bien son aide pour réaliser son utopie ? Tant de questions affluèrent dans son esprit, et après s'être fait cette belle conclusion d'une soi-disante main divine tendue, elle se sentit bien, et accepta finalement ces remerciements…
Le sourire du capitaine de la garde royale était si chaleureux, si lumineux… Et le voir rougir, le voir essayer de cacher ses larmes, le voir tout gêné face à ses compliments… Cela n'avait pas prix. Serrée contre lui, Ciel pouvait ressentir son intérêt pour le guerrier grandir de plus en plus. Elle imaginait déjà son voyage à ses côtés… Son visage gai était devenu si précieux pour elle, en si peu de temps… Elle lui accordait déjà une grande confiance, et ce même si elle avait conscience qu'elle ne devrait pas, du moins pas en une seule soirée… Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle le voyait comme nous nous voyons un ange. Il était comme une pure lumière prenant l'apparence d'un corps humain. Sa beauté, son innocence, son sens du devoir… Tout était si charmant chez lui. Admirable et attachant…
Puis… Un frisson. Son visage tourna brutalement au rouge foncé, et la chaleur monta d'un cran. Venait-il… Venait-il de lui dire… Qu'elle était belle ? Très belle ? Son cœur se mit à battre à la chamade. Si fort et si vite que la jeune femme pensait qu'il pouvait sortir de sa poitrine… Non, non, elle n'était pas… Elle n'était pas prête à recevoir de telles flatteries ! Certes, elle avait commencé, mais… Elle ne s'attendait pas à un retour ! Elle ne savait pas réellement comment se calmer, alors elle vint simplement se serrer davantage contre le capitaine, en fermant les yeux pour apaiser son esprit.
M-merci…, balbutia-t-elle, avant que le silence ne revienne, et qu'ils se mettent à tous les deux chercher de nouvelles tâches blanches dans le ciel, les pointant du doigt par moment.
Lorsqu'elle avoua qu'elle aimait ce moment partagé avec lui, Arthorias dévoila qu'habituellement, on était froid vis à vis d'eux, faisant référence à la garde… Et qu'elle ėtait différente, ce à quoi il ne s'attendait point. Cette révélation ne surprit guère la ministre, qui savait les nobles peu intéressés par eux, les utilisant surtout pour leur efficacité, en ignorant leur personnalité, leur cœur… Mais Ciel donnait de l'importance à chaque humain. Elle ne pouvait pas imaginer ignorer l'humanité d'un être. Elle souhaitait le bonheur de tous, et croyait en leur bonté.
Elle ne dit rien, jusqu'à-ce que l'homme aux longs cheveux d'argent vienne à légèrement se redresser, curieusement. Il souhaitait savoir ce qu'elle voulait lui dire, alors la température monta à nouveau… Mais finalement, elle déglutit, et plissa des yeux en croisant son regard. Il riait… Et cela arrivait à la rassurer, malgré tout…
Je… Je voudrais… Je voudrais…, bégaya-elle, avant de se concentrer, pour enfin tout faire sortir. Je voudrais… Dormir à vos côtés… Pour cette nuit. Cela ne vous… Cela ne vous dérangerait point ?
Son regard était à la fois inquiet et suppliant, et ce sans le vouloir. Cette demande… Cette pensée, cette envie… Ciel en était tant gênée… Pourtant elle voulait sommeiller près de lui, car elle se sentait bien, ainsi serrée contre lui… Elle ne pensait pas à des choses sensuelles, mais seulement à de la tendresse et de l'innocence… Et elle en oublia que quelqu'un d'autre pouvait en être assez choqué, en imaginant d'autres intentions…
Arthorias, resta bouche bée, observant la ministre avec un air... perplexe. Il ne savait pas vraiment quoi répondre car c'était bien la première fois qu'on lui demandait une chose pareille.
Il aurait peut être du refuser, et pendant un moment il hésita avant de se rendre compte d'une chose... Il n'en n'avait ni l'envie, ni la manière de le faire.
Rien qu'avec cette révélation, il rougit intensément, finissant par se relever avant de récupérer les morceaux d'armure qu'il avait laissé par terre, aidant la ministre à se relever, tendant sa main avant de hisser la jeune femme sur ses pieds, ne disant strictement rien pour le moment.
L'officier entama le trajet avec elle, cherchant quoi dire, tout en laissant le silence perdure, avant de finalement dire doucement...
-Hum... c'est d'accord
Cette réponse fut à peine murmurée, mais il se répéta une nouvelle fois, ajoutant à plus haute voix.
-Je veux bien pour cette nuit, même s'il faudra surement se serrer.
Car malheureusement les tentes ne disposait pas de lits deux places, même si le sien était tout de même légèrement plus grand.
Tout les deux, ils regagnèrent le camp, ou les soldats étaient déjà partis se coucher, ne laissant que deux d'entre eux monter la garde.
Le capitaine laissa la jeune femme à l'entrée de sa propre tente, déglutissant cette fois de manière plus visible, mais tachant de rester professionnel écarta même le rideau de cette dernière avant d'ajouter.
-Je serais dans la mienne pour tout à l'heure, rejoignez moi quand vous voudrez
Sa voix se faisait moins assurée, mais il finit par laisser la noble ici, se rendant compte qu'il avait bien trop chaud, même pour la saison, et regagna sa tente.
Pour s'occuper l'esprit, il retira son armure, la déposant soigneusement sur son établis qui n'avait plus servit depuis deux semaines.
Pour la première fois depuis longtemps il contempla son propre reflet dans la glace, préférant décidément être humain... même si cela avait des désavantages.
Il prit quelques temps pour se laver, enlevant chaque potentielle tache avant de plonger dans la bassine qui lui servait de bain, restant quelques minutes dans l'eau parfumée avant d'en ressortir, nullement rassuré.
Passant une tenue de nuit, composée d'un haut en coton blanc et d'un bas gris, il s'assit sur le bord du lit, se trouvant une soudaine passion pour jouer avec ses cheveux, son cœur se mettant à battre à tout rompre
Le chevalier ne répondit pas... Du moins, il ne le fit point par le biais de paroles, mais avec des gestes... Il prit le bras de la ministre, et l'aida ainsi à se relever, sans un mot. Celle-ci resta également muette, et se laissa faire, avant de le suivre, lui qui semblait se rediriger vers le campement. Les rougeurs sur son visage n'avaient pas échappé au regard d'or de la femme-dragon aux cheveux émeraudes. En y songeant, elle culpabilisait. Qu'allait-il penser d'elle désormais ? Elle qui se trouvait désormais au gouvernement, elle se comportait bien trop familièrement vis à vis d'autrui... Ne devrait-elle guère se bloquer ? Garder ses distances, par honneur ? Elle secoua sa tête de droite à gauche comme pour se réveiller : non, c'était ridicule... Elle n'allait pas changer. Elle ne faisait rien de mal, alors pourquoi devrait-elle réduire ses libertés, simplement par ce genre de principe ? Suivre ses propres règles... Voilà comment elle fonctionnait.
Lorsque finalement ils se rapprochèrent de plus en plus du feu, Arthorias leva à nouveau la voix pour briser le silence. Enfin, lever la voix... Il chuchotait presque. Il venait d'accepter... Et Ciel, qui regardait ses pieds tout le long de la marche, releva les yeux tout d'un coup. Ils brillaient de joie, et elle se retenait de jubiler face à cette réponse, car elle savait qu'elle gênerait davantage le capitaine aux cheveux d'argent. Ce dernier poursuivit, expliquant qu'il fallait se serrer, sûrement en référence au fait qu'il n'y avait pas de lit deux places... Mais un simple lit pour une personne. S'en souvenant, Ciel posa une main contre sa bouche. Aïe. Elle n'avait pas pensé à ça... Mais il était trop tard pour reculer désormais, et de toute manière... Elle n'en avait pas envie. Elle voulait toujours dormir à ses côtés, et ce même si ils allaient être bien plus proches que prévu...
Arrivés au camp, il ne restait plus que deux gardes debout, pour maintenir une certaine surveillance. Accompagnant l'Apôtre du Destin jusqu'à sa tente, l'Hekmatyar l'aida à entrer tout en lui avouant qu'il serait dans sa propre tente tout à l'heure. Une fois prête donc, elle ne devait pas hésiter à le rejoindre. La Kyrie Eleison acquiesça timidement, avant d'entrer, et lui adresser un dernier sourire avant qu'il ne parte. Lorsqu'elle entendit le jeune homme se laver, elle se rappela qu'elle venait de passer un certain voyage dans la chaleur du carosse. Alors sentir l'eau fraîche du bain ne pouvait être que relaxant. C'est pourquoi elle en fit de même, retirant son kimono et ses getas, avant d'agiter ses cheveux et commencer à de nettoyer. Frottant délicatement mais efficacement, elle partit ensuite rejoindre la bassine. C'était assez particulier, elle qui était habituée au luxe, mais ce n'était pas gênant, juste... Différent. Poussant un soupir de plaisir, elle sourit, et mit sa tête en arrière, tout en observant le haut de la tente pendant qu'elle se rafraichissait.
Après quelques minutes, elle sortit de l'eau, le liquide ruisselant lentement sur son corps. L'air froid de la nuit caressait sa peau, lui donnant quelques frissons, avant qu'elle ne vienne chercher sa tenue pour la nuit : une chemise rouge de nuit en soie, lui arrivant jusqu'à un peu plus haut que genoux. Se regardant dans le miroir, elle se tourna plusieurs fois pour voir si cela lui allait plutôt bien, et se surprit à faire tout cela uniquement pour plaire. Paniquant dans le silence, elle se frotta le visage nerveusement, avant d'inspirer un grand coup. La ministre reprit ses getas, et sortit dehors, sous l'œil des gardes. Rougissant en voyant qu'ils avaient remarqué sa présence près de la tente du capitaine, elle choisit de passer outre et de lever le rideau pour entrer...
A-Arthorias...?, dit-elle, peu confiante. Je... Je suis là...
Jouant un peu avec ses doigts, elle s'avança vers l'homme lui aussi aussi changé, et s'aperçut à quel point le lit manquait de place pour les deux. Alors elle le laissa dire quelque chose, n'osant pas vraiment faire le premier pas...