Vieux temps
La journée avait été semblable à d'autres. Ouvrir l'échoppe. Voir quelques curieux de passage. Vendre des sirops contre la toux. Pester qu'on la confonde avec l'épicier qui lui vendait ses produits directement dans des étals extérieurs. Voir quelques nobles tenter de la persuader de leur concocter des poisons. Parfois, on lui achetait des ingrédients. Mais c'était plus rare. Pas de vente de livres de recettes non plus. En même temps, l'écriture de tels livres était très longue et même elle n'en produisait pas beaucoup, faute de productivité et surtout, de demande. Elle semblait donc peu encline à dépenser ses recettes en alcool, contrairement à Loreleï et sa solde.
▬ J'aurais dû rejoindre la garde. Enfin... Je n'arrive pas à soulever des armures. D'ailleurs tu es tout le temps avec. J'espère que tu la nettoies... Elle haussa un sourcil circonspect en même temps que les lueurs de son serre-tête dansait doucement avec un brin de scepticisme dans leurs mouvements. Alalah, être aventurier, c'est vraiment pas rentable... Se plaignait-elle encore, avachie sur la table de l'auberge où elles se trouvaient. Elle avait pris soin de faire nettoyer la table avant de s'étaler dessus. Un barde plus loin et son groupe de musiciens cherchaient à enivrer encore plus l'ambiance de l'endroit. Les frottes-limiers d'Aryon... On dirait un nom pour les collecteurs de taxe royales... Visiblement boudeuse, elle posa son menton sur ses coudes.
▬ Tu as passé une bonne journée sinon ? Tu es en permission ce soir, si j'ai bien compris à ce que ton armée de bourrins scandaient quand je suis arrivée. En voilà, des fonctionnaires payés à ne rien faire ! Alalah, ainsi était dépensé l'argent du royaume. Une honte, ma bonne dame. Fallait-il espérer qu'ils s'illustrent au moins dans le futurs par leurs exploits et non par leur inutilité...
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▬ On peut être militaire et ne pas se délaisser.
Lança-t-elle à sa comparse à sa question mais il fallait reconnaître que la réponse ne concernait que Loreleï… Son régiment ne ressemblait en rien aux trompes de la Grade Royale. Eux, toujours tirés à quatre épingles et qui passaient leur temps à veiller au confort et à la sécurité de la famille royale. Non, il en était tout autre concernant les soldats du royaume. Enfin… Mieux valait ne pas trop s’attarder sur certains éléments. Quand l’apothicaire eut enfin finit sa boisson, Loreleï leva fièrement la main vers le gérant de l’établissement.
▬ Une autre pour la jeune femme !
Hors de question de laisser Ciara payer. Sans être érudite, la capitaine se doutait qu’il n’était pas tous les jours évident de vivre avec les frais d’une boutique sur les épaules et le faible prix des produits vendus. Quand il y avait des clients. A chaque sortie, Loreleï usait de sa paie pour ne pas laisser Ciara isolée. De même, sans réellement être en besoin de potions, il arrivait à la militaire de faire quelques achats à sa protégée, un moyen de l’aider sans donner l’impression d’offrir la charité. Finalement une serveuse arriva et déposa un nouveau verre devant l’apothicaire tout en ramassant les pièces déposées par Loreleï sur la massive table de chêne.
▬ Bourrins au grand cœur ! Mais celui qui t’observe depuis quelques temps n’est pas un de mes hommes.
Son regard roula jusqu’à un jeune serveur qui semblait avoir timidement jeté son dévolu sur la sorcière…
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Heureusement, personne ne semblait prompt à déclencher une rixe ce soir. Tant mieux. Elle n'aimait pas spécialement la violence et avec la garde dans l'équation, c'était un coup à finir dans les geôles parce que tout est toujours la faute des sorcières. Elle ne se rappelait même plus quand elle avait accepté ce qualificatif. Il était comme un meuble chez elle désormais. Parfois, on se retrouvait à accepter des choses que l'on appréciait pas car elles font parties du paysage. Ce qualificatif en était un. Elle l'avait saisie comme une armure pour se protéger des autres autant qu'elle souhaitait s'en servir pour être fière de sa différence, de ce qu'elle était réellement. Et puis... Même si cette fierté l'empêchait de vouloir dépendre ou l'admettre, Loreleï la protègerait si jamais la situation tournait au vinaigre.
Cette peur irrationnelle du conflit et des ennuis, du rejet des groupes, était cependant maîtrisée. Les gardes étaient là. Quoi qu'il arrivait, la situation ne pouvait pas dégénérer. Alors qu'elle y réfléchissait, Loreleï lui fit resservir une pinte. Fallait-il préciser qu'elle trouvait la bière beaucoup trop amer et qu'elle n'en avait pris une, uniquement parce qu'il n'y avait que ça à boire le soir dans ces lieux ? Elle lui fit des signes pour tenter de l'arrêter. En vain. L'aubergiste-tavernier s'écria de loin que ça arrivait. Bientôt resservie, Ciara poussa un profond soupir découragé en regardant la pinte, retenant l'envie enfantine de la renverser par terre pour bouder et montrer son désaccord. Grommelant, ce fut la suite des paroles de la jeune femme qui l'agacèrent autant qu'elles l'intriguèrent.
Comment reconnaître une Ciara étonnée ? Les deux lueurs sur son serre-têtes s'étaient dressées, un peu comme l'aurait fait la queue ou les oreilles d'un chat particulièrement expressif. Et quand ce qui ressemble à une trainée de flammes bleutées, des lueurs sépulcrales, se dressent soudainement, vous le remarquez. Surtout avec le visage poupon de la jeune femme dont les yeux s'écarquillent. Elle soupire, à nouveau découragée.
▬ C'est mon corps qui lui plaît. Lâcha-t-elle très sobrement. Et encore, si jamais celui-ci me plaisait vraiment et s'il appréciait la personne que j'étais, tout le monde m'accuserait de l'avoir envoûté avec un sort ou je ne sais quelle accusation. En plus, quand il se rendra compte que je suis une sorcière... Il fuirait. Pour ne pas avoir d'ennuis. Pour ne pas être suspecté d'être associé à un être malin ou néfastes. Ce n'était pas uniquement le fait qu'elle soit peste, distante ou hostile à ces choses-là. De toute manière, ces choses-là ne sont pas pour moi. Tu devrais plutôt t'occuper des nombreux courtisans qui ne voient en toi que la force ou les attraits d'un corps féminin, Loreleï. Je suis protégé par ma stature de sorcière, mais toi, tu es l'égérie d'un royaume.
Froide et cynique, la sorcière voyait en la belle garde les plus vils desseins chez nombres de courtisans. Les êtres humains sont des porcs... Ils ne voient pas tout ce qu'il y a de merveilleux en toi ou dans les âmes de ceux qui les entourent. Dur leur serait-il, leur cœur est grevé de leurs désirs et leur mortalité. Jamais n'était elle aussi proche de l'image de la sorcière qu'on lui avait donné que lorsque ses paroles frappaient avec dureté la réalité. Si elle osait proférer ces remarques, quitte à gâcher un peu l'amertume de la bière de Loreleï, c'était par amitié pour cette guerrière. Elle ne souhaitait pas qu'on ternisse l'éclat de cette rose d'Aryon, qui dans son sillage, laissait même pour elle qu'on associait aux ténèbres, des lueurs d'espoirs là où elle s'avançait.
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▬ Je suis déjà bien entouré, n’est-ce pas ?
A ces mots fortement déclamés, plusieurs hommes rirent également, hurlant, bien enivrés. Bien dit C’ptaine ! Des hommes autour d’elle, ce n’était pas ce qui manquait et Loreleï n’était pas la dernière des idiotes, sachant que sa situation n’aidait pas aux rencontres et à l’art de la courtoisie. Art qu’elle avait toujours laissé aux nobles dames qu’elle croisait tous les jours dans les grandes et riches artères de la capitale. Une égérie… Oui, le nier serait mentir mais ce n’était en rien un avantage dans la vie personnelle de Loreleï, celle que finalement, très peu connaissaient.
▬ Assez parlé de ce sujet. Parle moi de tes projets, de nouvelles quêtes à venir ?
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▬ Vous avez intérêt à prendre soin d'elle. Sinon je vous maudirais. Lâcha-telle en toute décontraction aux différents membres de la garde avant de boire un peu de sa pinte en tentant de se donner un air virile. La menace était-elle réelle ? Qui sait. Même Ciara ne savait pas si elle pouvait maudire quelqu'un. Mais dans le doute... Elle préférait les motiver à être loyaux envers la belle. Souriant comme une prédatrice en retour à des regards inquiets, elle ajoutât : Je blague.... Peut-être.
Elle tira la langue vers Loreleï en sachant pertinemment que celle-ci allait la gronder d'ainsi jouer le jeu de ses détracteurs et de tirer parti de sa réputation, mais au fond, elle ne mentait pas. Elle protégerait son amie et ne pardonnerait pas quiconque chercherait à la blesser.
▬ Je ne sais pas. J'irais voir à la guilde s'ils ont des nouvelles demandes. Sinon, continuer d'économiser et tenter d'investir dans du matériel. Autant, tu as une solde régulière, autant moi... Je dois voir sur le très long terme. Sauf à soudainement toucher un pactole, elle ne voyait pas autrement que de continuer à accumuler la monnaie précieusement pour développer ses activités. Pour le moment, son métier d'aventurier lui permettait de faire tourner sa boutique. Mais peut-être qu'un jour, c'était sa boutique qui l'aiderait à faire fonctionner sa vie d'aventurière... Et toi ? Demanda-t-elle après avoir lampée un peu de sa pinte d'amertume.
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Des mots qui touchèrent la militaire prenant une nouvelle gorgée entre deux rires. L’ambiance était à ma fête et un peu plus loin un autre groupe, d’aventuriers, semblait déjà bien plus atteint par les délices vicieux de l’alcool. Un de leurs membres sauta sur la table et se mit à danser avant de miner son dernier combat contre « des milliers de Dragons ». Spectacle qui amusa grandement tous les spectateurs au demeurant. Cependant Loreleï se retourna rapidement vers Ciara qu’elle savait moins réceptive à ces soirées de boisson.
▬ Mes projets ? Ils n’ont pas changé ! Continuer d’instruire les nouvelles recrues de tout ce que je peux leur apprendre et…
Un sourire malicieux s’afficha sur ses lèvres, se souvenant parfaitement de la demande qu’avait formulé l’apothicaire une fois le Sanglier des montagnes terrassé quelques jours auparavant.
▬ Faire de toi une épéiste redoutable.
Des projets, Loreleï en possédait plusieurs mais pour l'heure aucun ne pouvait surpasser son désir de rester et servir la garde d'Aryon.
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Mais revêche et dure qu'elle était, ce n'était pas ce pourceau aviné qui s'était mis à danser sur la table qui allait parvenir à lui arracher un sourire ou un rire. Au contraire, ce crétin allait encore donner sale réputation aux aventuriers, déjà accusé d'être cupide, stupide et parfois, même d'être perfide. Elle maugréât quelques insultes discrètes à l'encontre du danseur aux milles dragons, consternée que les gens de la taverne l'encourageait. Ivre qu'il était, au mieux il risquait de vomir, au pire de choir et de périr. L'avantage c'est qu'il semblait tellement anesthésié par l'alcool, que s'il se tuait, l'idiot ne s'en rendrait pas compte. Elle préférât se concentrer sur les paroles de Loreleï.
▬ Pour être honnête, je ne suis pas certaine de parvenir à soulever une épée. Ciara et son allure de guêpe, fine et élancée, était à l'opposé des épais membres de la garde, conditionné à porter armures, lames, bouclier, pavois et autres joyeusetés, toute la journée. Elle, au contraire portait des vêtements sombres, mais qui sublimaient cette étrange et onirique beauté dont elle était l'héritière. Peut-être que je devrais m'entraîner quand je m'ennuie dans ma boutique. Pendant que tu patrouilles avec tes gais lurons.
En vérité, la première chose qu'elle devait faire, c'était trouver plus de financements. Et améliorer son quotidien. Surtout si elle souhaitait continuer la vie d'aventurière. Obtenir des artéfacts était important... Mais sauf à multiplier les quêtes, il lui serait dur de parvenir à devenir aussi riche que certains nobles... Peut-être un jour, elle et Loreleï seraient très connues dans le royaume. Les lueurs de la jeune femme se tournèrent vers les souvenirs où elle avait vu les beaux cheveux de Loreleï virevoltant alors que sa lame allait fendre l'acier d'un ennemi. Plus que de devenir elle-même connue, elle souhaitait qu'un jour, la valeur de son amie soit proclamée à sa juste valeur. Si je retrouve des informations sur l'activité des monstres, je te tiendrais au courant sinon. C'était le moins qu'elle puisse faire pour remercier son amie.
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S'amusa-t-elle à dire en pointant du regard le corps fin et longiligne de la jeune sorcière. Ce n'était pas tant une question de force mais plus d'équilibre. Tout comme il faudra être bien idiot pour donner une lame massive à celle qui se devait de porter une l'épée aussi fine que tranchante.
▬ Quant aux monstres... Ils sont en recrudescence. Peut-être la saison des amours ou un manque de nourritures mais fais bien attention en sortant de l'enceinte des murs.
Oh non, Loreleï ne désirait pas découvrir le nom de Ciara parmi les victimes de ces créatures. Trop d'aventuriers imprudents manquait de recul et fonçaient dans la gueule des monstres. Enfin, en cette soirée, la bête la plus massive restait Roger déjà bien imbibé d'alcool. Tout comme Loreleï d'ailleurs, dont les joues se colèrent doucement de rouge...
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▬ Tu sembles oublier que j'ai vécu à l'extérieur de vos murs un bon nombre de temps. Ma mère et moi avons beaucoup voyagé par-delà ces frontières que vous ne vous exposez jamais à surveiller. Elle ne le criait pas sur tous les toits, car après tout, c'était en partie pour cette raison qu'elle était perçue comme une sorcière, mais oui, elle avait l'expérience du danger, de la vie en solitaire et traqué par les monstres. Tu ferais mieux de dire cela aux aventuriers débutants. On leur parle de sanglier des montagnes et ils s'imaginent qu'il s'agit d'un vulgaire porc d'élevage. Elle pensait à une jeune femme en particulier ; loin d'être une mauvaise personne, celle-ci lui donnait la sensation durable d'être un peu tête en l'air, et donc, qu'elle pourrait se mettre en danger.
▬ Enfin, si ma sécurité t'importe tellement, tu auras l'occasion de m'aider à l'accroître. Néanmoins, où trouverait-elle une arme pour se défendre ? Une lame lui convenait-elle réellement ? Les lames qu'elle maniait était des songes oniriques, loin d'une réelle arme. Ce n'était que de jouer d'illusion, pas d'acier ou de métal. Elle se demandait donc si jamais elle développerait aucun talent en la matière. Et avec les maigres moyens que sont les siens, se trouver de l'équipement ne serait point chose aisée. Il faudra commencer avec des épées de bois, j'imagine. Le point de départ de tout guerrier, paraissait-il. Même à la guilde des aventuriers, ils formaient les jeunes avec ces armes factices.
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Évidemment, Ciara ne possédait pas suffisamment d'argent pour s'offrir une lame pensée pour elle et étant la parfaite extension de son bras. Mais Loreleï prévoyait déjà de mettre quelques cristaux de côté pour offrir cet acier à sa protégée. Mais pour l'heure, Loreleï et sa troupe ne cherchait pas à se renforcer mais bien à se détendre. Une autre tournée fut commandée pour le plus grand bonheur du tavernier qui voyait déjà sa bourse se remplir autant que les panses qu'il servait. Une nouvelle gorgée...
▬ Huuum... Par hasard, t'aurait-on déjà demander des potions à enduire sur des armes ? J'ai entendu que c'était à la mode comme technique de combat.
Même si l'idée de recouvrir sa lame de poison et autre sorcellerie dégoûtait celle pour qui la pureté et la beauté d'un combat loyal étaient des plus importantes.
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Concernant l'enduit pour les armes... J'imagine qu'il peut y en avoir. De l'enduis et de l'huile pour protéger leur tranchant. Certains veulent aussi les enduire dans le poison, mais je ne peux pas fournir ce genre de chose. mais on peut imaginer qu'une huile fabriquée à partir de fleurs de minuit pourrait être utilisé pour que la lame puisse provoquer la somnolence chez ceux qu'elle tranche. Même si je doute que le procédé soit très efficace. Elle but elle aussi une gorgée avant de grimacer. Elle était presque certaine que le tavernier mélangeait sa sueur entre deux gouttes de houblons. De toute façon, les armes enchantées demeurent le meilleur investissement que tu pourrais faire. Mais sauf à être très riche ou à sortir magiquement de la monnaie de nul-part à moindre effort au lieu de travailler pour l'obtenir, ce serait un montant complexe à rassembler, pour ceux qui usaient de leur temps pour mériter leur solde.
▬ Je pense qu'à mon sens, il serait plus facile de créer des potions de force ou d'endurance. Les rumeurs racontent que cela est possible. Mais j'ai eu beau chercher, je n'ai pas encore ce genre de chose. Mais si une dame a bien pu m'apprendre à faire des potions qui permettent de voir le réel de l'illusoire, je dois pouvoir finir par confectionner une sorte de potion magique pour décupler la force. En tout cas, si j'y parvenais... Le son des cristaux remplissant sa bourse semblait littéralement sonnait dans ses oreilles en même temps que ses yeux se mirent à briller face aux perspectives commerciales : un contrat avec ces riches nobles et ce roi fantasque, l'assurance de pouvoir vivre aisément et pour pas cher... Oh, si elle trouvait une telle recette, elle en garderait l'exclusivité jusqu'à sa mort, croyez-le bien.
▬ Mais seul le temps et la recherche me permettront de développer ce genre de choses. J'aimerais bien parvenir à produire des remèdes aussi. Elle était médicus à ses heures perdues, après tout. Et des gens qui soignaient, on en avait toujours besoin. Il y avait de l'argent à se faire et dans certains, une bonne conscience à se faire grâce à des bonnes actions faciles.
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En effet, pour trouver et mettre la main sur une telle arme, il fallait se lever tôt. Et être riche. Au moins la paie du Commandant. Hélas en tant que Capitaine, Loreleï ne pouvait amasser une telle fortune et puis elle préférait largement ces soirées de détente à la taverne plutôt que rentrer chez elle et compter tous ses sous.
▬ Le jour où tu sauras confectionner de telles potions et décoctions, tu seras bien riche ! Je n'ose imaginer le prix que certains mettraient pour de telles armes.
A ses mots, son comparse situé à sa droite se permit de donner un coup d'épaule à sa supérieur en riant grassement. Si elle pouvait faire une potion pour aider Dédé à se bouger sur le terrain d'entraînement, j'prends ! Un vieux soldat qui preinait à se traîner sur le terrain... Mais qui savait faire rire la garnison comme personne. Cela arracha un sourire à Loreleï qui ajouta.
▬ Allons, Ciaira est une apothicaire et même si elle est très belle, seule une déesse saurait produire un tel miracle.
Rire dans l'assemblée qui continuait de s'enivrer pour quelques sous. Une choses était sûre, ce n'était pas un spectacle que l'on pourrait contempler aux côté de la Grade Royale. Bien trop noble pour traîner dans de tels endroits...
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Elle ne se voyait pas abandonner le seul héritage de sa mère encore debout. Leur ancienne maisonnette en forêt était l'endroit où elle demeurait, car sa mère avait toujours souhaité demeurer près de la nature qui lui était si chère, mais là où elle avait produit ses meilleurs remèdes et poudres, c'était cette boutique désormais gérée par sa fille. Et m'acheter aussi du matériel pour mes travaux auprès de la guilde des aventuriers ne me dérangerait pas non plus. De meilleurs habits pour le voyage, un sac pour pouvoir y ranger plus facilement son matériel... Hélas les objets magiques n'étaient pas donnés. S'il est vieux, ce n'est pas d'un apothicaire dont il a besoin, mais d'un guérisseur. Et je n'en suis point une. Tout au mieux puis-je lui prescrire quelques remèdes pour les maux osseux.
C'était après tout l'un de ses sujets de prédilection... Le patient qui lui inspirait de tels remèdes était d'ailleurs l'un des rares qu'elle s'était juré de soigner, pour le moment, sans y parvenir. Tant que l'on me paie d'une manière ou d'une autre pour mes recherches... Les ingrédients étaient parfois chers. C'était même pour cela qu'il était complexe pour elle d'investir dans certaines recettes expérimentales et qu'elle s'était résolue à chercher ses ingrédients par elle-même ou à travailler pour la guilde des aventuriers.
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Après tout, cela faisait quelques années que la jeune femme avait pris la tête du commerce familial et jusqu'à preuve du contraire, celui était toujours ouvert aux clients. Ciara avait cette volonté et cette force que peu possédaient et que la militaire avait aperçu au premier coup d’œil. Et même si elle n'était pas sa cliente la plus fortunée, par quelques achats réguliers, la capitaine continuait d'aider sa protégée. Enfin... Une nouvelle gorgée glissa le long de sa gorge et d'un geste presque brusque, Loreleï déposa sa pinte vide que la table, poussant un soupire d'aise.
▬ De la bière en potion. Voilà un concept qui marcherait à coup sûr dans toute la capitale.
De sa main nue - chose rare pour celle qui portait toujours ses gantelés -, Loreleï pointa la pinte, souriant. Oui, c'était une idée même ingénieuse dans cette ville où l'alcool se trouvait être un des plaisirs les plus recherchés et apprécié.
▬ Mais cela impliquerait que tu vois débouler de nouveaux clients dans ta boutique...
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Il paraissait que faire de la bière était un art. Pour elle, c'était surtout l'art d'escroquer les gens en se faisant passer pour quelqu'un qui avait un véritable métier et dont le produit valait quelque chose. Elle n'avait jamais distingué une différence notable entre les bières proposées et celle-ci, peu importe leur couleur, lui donnait toujours ce même goût d'amertume désagréable. Et les bières blondes ! La seule chose qu'elle n'avait pas en commun avec l'urine, c'était probablement le goût ! Elles en avaient la couleur en tout cas, seule chose dont elle pouvait confirmer la ressemblance sur cette comparaison. Toujours est-il que Ciara buvait ses pintes uniquement pour faire plaisir à Lorelei, le plus souvent.
▬ Et détrompes-toi, je ne suis pas une si bonne commerçante. Je n'arrive pas à faire décoller l'affaire, malgré mes efforts. Sa mauvaise réputation jouait beaucoup, il fallait dire. Et la réputation de la profession aussi. Moqués d'épiciers, les apothicaires étaient affublés de nombreux fantasmes : certains disaient même que des monstres leurs murmuraient les secrets de leur produit. Si c'était le cas, Ciara aurait sûrement moins de mal à concocter certains remèdes en tout cas... Je ne suis pas une vulgaire serveuse et encore moins une tenancière pour outre-à-vinasse. Un peu de respect, je ne te traite pas de mercenaire, moi. Outrée par la proposition? Plutôt oui. Mais sa réponse cinglante aurait tôt de faire comprendre à la jeune femme que son amie avait une dignité et une fierté, autant d'ailleurs qu'une capitaine de la garde pouvait en avoir par rapport à la chevalerie ou à son serment de protéger le royaume et ses sujets...
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L'alcool faisait des ravages et commençait à réellement faire tourner la tête à la jeune capitaine de la garde. Les filtres s'envolaient doucement, les paroles se déliaient et Loreleï posa ses coudes sur la table afin de soutenir sa tête de plus en plus lourde.
▬ Et une potion pour éviter la gueule de bois ? Cela fonctionnerait tout autant voire mieux je pense...
Encore une moquerie en réponse ? Non. La réponse intéressait la jeune femme qui connaissait hélas les terribles conséquences des nuits arrosées. Guérir les maux de l'esprit embrumés par l'alcool, cela devait certainement rentrer dans les cordes de l'apothicaire et ses connaissances en potions.
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Elle pouvait encore tenir mais hors de question de déambuler dans les rues en se tenant aux murs. Bien que peu attachée à l'art de la réputation, Loreleï ne tenait pas à entacher celle de la garde et de tous les soldats sous ses ordres. C'est pourquoi il lui arrivait souvent de finir dans une des chambres située au premier étage de la taverne. Une nuit au calme pour quelques pièces. Un lit et un seau.
Déjà dans la taverne certains commençaient à rendre les armes, se roulant à terre dans la poussière et quelques flaques de bières et d'hydromel n'ayant pas résisté aux danses et gestes agités des consommateurs. Heureusement Loreleï ne s'était encore jamais donnée en spectacle à ce point...
▬ Alala, ma mère... Oui, je préfère qu'elle continue de vendre autant, c'est cela qui la pousse à se lever tous les matins.
Une mère travailleuse et fière du parcours de sa fille bien que craignant de ne jamais avoir la chance d'avoir de nombreux petits enfants comme toutes les femmes âgées du voisinage. Alors en attendant, elle continuait de presser du cidre autant que de cueillir les pommes de son jardin.
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▬ Et toi, pourquoi te lèves-tu, le matin ? Une question sincère et curieuse. L'affirmation de Loreleï avait presque semblé triste aux oreilles de la sorcière. Et au fond d'elle-même, Ciara espérait que son amie n'avait pas l'alcool triste. Elle était très mauvaise pour remonter le moral. On n'était pas sorcière sans raison, quelque part.
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▬ Huuuum... Ta boutique n'est pas trop loin j'espère...
Hors de question de laisser Ciara rentrer seule une fois la nuit tombée. Bien que la garde faisait de nombreuses rondes et que cela faisait quelques nuits qu'aucune violence grave n'était à déplorer, Loreleï savait qu'une jeune femme aussi belle et frêle que l'apothicaire attirait les regards...
La lune était déjà levée, baignant la capitale de ses doux rayons venant se refléter sur la chevelure et l'armure de la militaire qui avançait doucement, proche des façades des habitations.
▬ Le matin, je me lève pour la grandeur du pays.
Dit-elle. En riant.