Janua, une hôtesse la guilde, m’avait transmise une nouvelle mission, j’avais demandé un truc pépère qui sort de l’ordinaire et elle m’avait même trouvé une coéquipière esquive pour faire ça. Elle s’était mise dans la tête que depuis que je lui ai dit que j’avais laissé tomber avec Sue, une garde qui m’avait lâchement larguée comme une malpropre sans m’envoyer la moindre lettre, qu’elle devait me trouver l’amour de ma vie et elle ferait en sorte de choisir quelque chose de bien. Oui elle avait bien dit quelque chose et j’ai eu tout de suite peur, bon j’avoue profiter de la vie, des soirées de folie et tout ça, c’est cool hein mais je ne lui avais pas dit que j’avais peut-être trouvé quelqu’un d’autre qui recousait mon petit coeur depuis une lune.

Donc j’avais préparé mon ami a quatre pattes, mon fier destrier, ma loutre géante qui était entraîné depuis maintenant quelques années, on faisait les quatre cents coups, nous avons nos stratégies, il savait quoi faire en cas de danger, c’était mon complice, mon ami et mon allié, il était devenu quelque chose de très précieux, c’était mon K’awill et les aventuriers qui passaient souvent au QG savaient très bien que nous étions les fanfarons de la Guilde.

J’attendais ma coéquipière et le soi-disant rendez-vous car je pense que la jeune femme ne sait même pas dans quoi elle est tombée, car oui elle m’a dit que c’était une femme, qu’elle était herboriste, elle pourrait soigner mes bobos comme me la gentiment rappelé l’hôtesse qui avait lu son dossier, elle était grande, une chevelure magnifique, un brin sauvage, tout ce qu’il me plairait, Janua était donc devenue une agence matrimoniale…

Accoudée au comptoir, je vois alors ma partenaire, effectivement Janua avait raison, une belle plante, j’adorais déjà et je sens que je vais m’amuser pour les prochaines semaines car oui on va escorter la personne mais il faudra rentrer, moi j’avais le pass de téléportation mais peu de gens le possédait donc on fera tout simplement le retour en essayant de grapillier une mission d’escorte de convoi marchand dans l’annexe de Grand-port.

-  Hey salut toi ! Carciphona ou Carci, ta partenaire du mois ainsi que K’awill, la grosse peluche derrière, il va porter nos affaires !  

K’awill s’approche aussitôt d’elle, il avait des grosses sacoches sur lui, assez pour mettre le nécessaire pour tenir un camp.

- Il faut qu’on se dépêche, on parlera détails sur la route si tu veux bien, le commanditaire nous attends.  

On prends rapidement la route vers le point de rendez-vous quand je reconnais aussitôt la jeune femme, je n’avais pas fait le rapprochement tout de suite mais je fus plus qu’heureuse de savoir que c’était pour une connaissance, je vais vraiment faire en sorte que ça se passe bien vu ma malchance habituelle.. On se présente rapidement quand Luz m’indique les derniers détails en privé, je prends note mentalement et lui dit de faire un bisou à Naëry pour moi et je lui disais qu’il préférait sur la fesse droite et non la gauche. Elle partit aussitôt, elle était pressée la petite dame mais quand j’arrive devant notre “ mission “, je comprends aussitôt le problème, cette mission va être un enfer.

-  Yo Papy ! Les choses va être clair, nous sommes des pauvres aventurières qui vont vous amener jusqu’à Grand-port, vivant donc si possible rendons les choses cools ! On va passer par la porte sud pour louer une jolie calèche confortable et on va passer presque une demie-lune ensemble puis je suis sûre que vous avez plein d’histoires à nous raconter non ?

Je lui fais une tape sur l’épaule, attrape ses affaires et me demande comment on va aller jusqu’à la porte sans que le mec nous tombe dans les bras… je ne veux pas qu’il crève non plus moi…

-  Hey Tysha, tu peux m’attendre ici une quinzaine de minutes, je prends K’awill et je vais chercher la calèche à la vitesse de la lumière, ça te va ?

Je lui fais des yeux qui lui indiquent que j’étais déjà navrée pour la situation et je lui dis tout doucement un désolé, elle allait passer les pires quinzes minutes de sa vie mais je ne me voyais pas faire un kilomètre en portant le vieux avec tous ses sacs...

Alors que je traversais la ville à une vitesse de la lumière sur le dos de ma loutre de combat, je faisais tout mon possible pour abréger les souffrances de ma belle coéquipière du moment, il fallait faire un choix, il était difficile mais j’ai du le faire, je n’avais pas le choix, ça m’a coûté même mais je ferai tout pour me faire pardonner en allant le plus vite possible.

K’awill prends de la vitesse, on saute des étalages, il prends appui sur des murs, tonneaux, chariots, on renverse quelques trucs comme à notre habitude, la discrétion n’est pas notre fort enfin dans ces moments-là, j’ai déjà été plusieurs fois réprimander par la garde pour mes désordres sur la voie publique mais bon là c’était un cas d'extrême urgence. Collant mon buste contre l’encolure de la bête, j’entendais le soufflement rapide de celui-ci mais dans deux minutes, on arrive à destination, je vole une calèche, enfin plutôt je la loue pour le bien de la mission et je pars aussitôt dans l’autre sens enfin vu la tête du poney enfin cheval qui soi-disant s’appelle vif-éclair bah ce n’était pas une flêche celui-là, on fera avec de toute façon, est-ce que j’avais le choix ?

Je ne sais pas si j’étais partie longtemps mais quand je vois la reconnaissance de ma camarade que je sois enfin de retour, je ne pus que lui mimer un désolé, j’ai fais ce que j’ai pu moi !

- Votre carrosse est arrivé monsieur Lebrank !    

Une calèche standard, on ne va pas dormir dedans c’est sûr mais ça suffira largement pour mettre notre matériel, les vivres, les couchages, j’ai la tente magique où on peut accueillir tout le monde et ça va nous permettre de survivre aux intempéries et que l’autre vieux ne crève pas avant la fin du voyage car c’est un peu la saison froide là…

Après que le monsieur fait des siennes, je prends les rennes laissant la belle avec le petit vieux, K’awill passe devant et ouvre la marche regardant de travers notre cheval, le fameux vif-éclair que j’aurai appelé plutôt gros balourd mais laissons lui le bénéfice de doute. Je me tourne vers l’arrière, fait mon plus beau sourire à mes passagers.

- Je vous vole Tysha Monsieur Lebrank, installez vous bien nous allons nous diriger vers la porte Sud, il va avoir les contrôles standards de la garde mais après on sera partie pour de nouvelles aventures.    

Je fis un signe à l’aventurière de venir me rejoindre sur le banc du conducteur, tapotant même pour qu’elle s’active un peu. Notre marchandise rale, nous rappelant qu’à son époque, les calèches étaient plus confortables et qu’on lui aurait servi un cocktail.

- On n’est pas dans le Grand-Port Express vous savez. Mme Weiss n’a pas les moyens de payer ce genre de service donc estimez vous heureux que j’ai trouvé une calèche avec une toile qui ne laisse pas passer le vent.    

Il reprit son argumentaire qu’on ne devait pas lui parler comme ça mais je finis par l’ignorer, cette mission va me gonfler.

-  Alors alors ma belle, j’espère que je n’étais pas trop longue et je voulais savoir tu as déjà fait ce genre de boulot ? Je connais pas mal cette route qu’on va emprunter, on va choisir la route des marchands, il n’y aura pas de soucis mise à part le temps, je ne pense pas qu’on va avoir des brigands, on n’a aucun bien et vu la tronche de notre convoi, nous ne sommes pas intéressantes sauf si ta beauté est considérée comme un trésor !  

De nouveau un grand sourire mais j’adorais taquiner les gens, ce n’est pas de ma faute.

- Je sais, je sais, on me dit souvent que je ne dis que des bêtises mais c’est plus marrant de rigoler que de faire toujours la tête non ? Ca me rappelle une mission d’escorte où mon binôme était d’un ennui, c’était horrible mais vraiment, il n’ouvrait pas la bouche et les seuls fois c’était pour dire que c’était le meilleur, insupportable, tu t’en rends compte ?  

- Sinon vous allez arrêter de parler le zèbre là, vous n’arrêtez pas, vous me cassez la tête et je ne vais jamais supporter un voyage comme ça.

Han, il avait osé, m’insulter de ma magnifique coiffure et en plus que je parlais trop, bon je sais que je parle trop mais je fais connaissance avec mon rendez-vous arrangé là, alors il ne va pas casser mon coup le vieux.

-  Ma douce et mélodieuse voix vous dérange peut-être, c’est bien dommage j’ai une folle envie de parler encore...

Souriant de plus belle, je finis par me taire un peu, guidant notre convoi vers la porte Sud où des gardes nous arrête.

- Oh salut Cuddy ! Transport de marchandises avariées pour le Grand-Port !    

Je lui tends notre ordre de mission et jette un coup d’oeil à l’intérieur, il avise ma mission et nous laisse partir.

- Merci Mec, bon courage, on se revoit au retour hein ! Tu me dois toujours une partie de dés diabolique.  

Un petit clin d’oeil et nous voilà de nouveau en route, K’awill s’amuse à courir devant et jouer avec les papillons, son activité préférée et il était totalement ridicule en faisant ça.

- Ouais je sais, on me dit souvent qu’il ressemble à un gogol en faisant ça mais il est trop mignon, ça me rappelle quand il était tout petit, un vrai ange !  

Je l’ai eu quand c’était un loutron, trop choupinou même, ça me donne presque envie d’en avoir un autre tiens !

- Sinon pour économiser la bête, on peut se partager K’awill, ça ne le dérange pas d’avoir d’autre cavalier puis on se partage l’autre en même temps enfin si tu as envie bien sûr.  

-  Je suis peut-être vieux mais pas sourd !

- Oui oui Monsieur Lebrank, prenez vos médocs ! Prochaine pause dans deux heures et je m’en fiche de vos problèmes de prostate !    

Je préfère être claire et lui lance un seau à l’arrière qui je l’espère n’est pas arrivé dans sa tête...

Une journée de faite et toujours pas d’approche concrète avec ma cible, rien d’étonnant avec papy grincheux derrière qui ruine tous mes coups à chaque seconde. Je crois que son but, c’est de m’empêcher d’atteindre le mien. Pourtant, j’ai tout essayé, les mots doux, les approches subtiles, les poèmes, lui laisser le temps de se reposer. Mais Grincheux avait toujours son mot à dire et ça cassait tous mes projets enfin, peut-être que c’est un envoyé de Lucy. Oui bon ce n’est pas parce qu’elle est sexy, les cheveux blancs que je n’ai pas le droit de faire plus ample connaissances. Il faut juste quand on arrive de Grand-Port faire attention qu’une Lin sauvage ne traîne pas dans les environs pile le jour où j’arrive, ça serait tellement dommage de mourir bêtement après mon exploration de la mort.

Oui car prendre cette mission était une bonne idée, simple, tranquille, pas de risques de rencontrer des monstres qui mangent les maisons et même un palais entier. Non le pire qui puisse m’arriver ce sont des humains débiles mais comme on ne peut pas les tuer facilement sans raison valable bah ça peut devenir vite compliqué ! J’ai bien démonté un minotaure avec ma sarbacane alors un homme, je le fais les yeux fermés ! Mais comme ma chance ne m’oublie jamais, à notre troisième jour jour, il a fallu qu’une bande de ploucs nous attaquent. Peut-être qu’ils vont capturer le vieux grincheux et je serai tranquille ! Non, Luz va me tuer, Naëry aussi donc non, on va éviter ce genre de cas, on va éloigner ses brigands et nous partiront cheveux au vent. Sauf que là, j’ai oublié le facteur Tysha et sa manière de se battre, ça ne va vraiment pas allé ! Je vais devoir sauver, ma peau, celle du vieux et celle de ma coéquipière.

Je n’aime pas tuer les gens… sinon je serai allée à la Garde ! Moi, je vis dans un monde de Oréouille, tout est beau, tout est mignon. Bon sauf que là, ils veulent notre mort et pas la marchandise. K’awill se prépare et moi également. J’attrape mon épée et pare les attaques, Je lance quelques lames retour dans les jambes de certains quand le dos tourné, je sens quelque tombé. Je me tourne vivement pour voir… la métisse ! Chouette, de la compagnie supplémentaire. On finit de mettre la misère aux hommes qui finissent de partir. On fait l’état des lieux, Tysha va mal et le vieux va bien, c’est déjà ça. D’ailleurs, je constate que Zahria connaît bien le grincheux !

On panse rapidement la blessure de la blanche pour essayer de trouver une solution définitive. J’explique la situation et on choisit de changer de partenaire et d’envoyer l’aventurière voir un guérisseur.

- Déçue ? Je pense que j’ai gagné au change ouais !  
-  Voilà que le zèbre va encore nous bassiner pendant tout le voyage par ces exploits héroïques.
- Zen papy ! Vous avez gagné une guerrière en plus, vous êtes en sécurité avec nous deux sans compter K’awill !  
- justement, c’est un nid de malheur cette femme…
- Je crois que tu t’es fait un pote dis moi.  
- Ne m’en parle pas.
-  J’aurai dû investir dans des potions gros dodo, j’aurai tellement la paix mais il a une bonne oreille.
- J’ai entendu le zèbre !  
- Tu vois… impossible d’être tranquille à moins que…  

Je pense alors à plein de choses qui pourraient dérouter le grincheux. Certaines étaient plus ou moins amusante, voir franchement dégueux mais bon, on va éviter la syncope, je veux ma prime.

- Du coup, ça sera toi, moi et grincheux !  
- Aucun respect pour ses aînés.
- Et non papy !  

Puis je rigole un bon coup, ça m’avait manqué de sourire autant après mon exploration qui a failli coûter la vie à K’awill. Je sais que les deux autres sont mal en point mais j’ai essayé de faire ce que j’ai pu, j’ai voulu gagner du temps pour qu’ils puissent s’enfuir mais bon a ce qui paraît j’ai rendu un grand service à la Couronne pour les informations remontées… tu parles, j’ai toujours la même vie qu’avant.

- Donc ça t’arrive souvent de sauver les demoiselles en détresse sur la route ? On dirait que tu as fait ça toute ta vie, comme si tu avais embauché ses gars pour nous attaquer pour ensuite me sauver et que je contracte une dette à vie.  
- Ah ah, non j’étais juste de passage, je devais aller déposer des colis au village précédent et puis ensuite le Grand-Port.
- Oh… je vois. Moi qui voulait que tu joues le chevalier servant, ça aurait fait si romantique !  
- Tu en rates jamais une non ?
- C’est ça !  
- Pitié, faites la taire...
-  Non pour la peine, je vais même chanter ! Dis à mes amis que je m’en vaiiiiiis, je pars vers de nouveaux pays !!!

Puis je continue la chanson jusqu’au bout, au plaisir du grincheux. J’ai un talent inné pour la chansonnette et K’awill s’amuse à sautiller au rythme de la chanson. Ca me rappelle les missions avec Naëry quand on se prenait pas la tête, on avait juste à marcher, se reposer, manger, dormir puis repartir à notre prochain point. C’était si simple… pas de monstres qui nous attendent, rien de monstrueux… J’ai un frisson d’angoisse rien que d’y penser puis je ne suis toujours pas allé voir Lin après mon retour mais j’ai peur qu’elle m’étrangle après ça mais je lui ai envoyé un message. Je lui ai dis que j’étais encore en vie, toutes mes dents, bras, jambes et toujours aussi jolie !

On continue notre longue route dans cette ambiance joviale et le soleil commençait peu à peu à descendre.

- C’est l’heure de coucher les vieux non ?  
- J’ai faim surtout puis l’autre savait mieux faire à manger que vous deux.
-  C’est pas bien de critiquer vous savez… vous n’appréciez pas notre art, c’est tout !
- je ne survivrais jamais à ce voyage…
- Oh si… vous allez avoir ce bateau et on sera enfin débarrasser de vous.  

J’arrête le chariot à un endroit adéquat et lance le cube emport-tout !

- Tadaaaaa ! votre palais est enfin prêt Messire.  
- Prépare la soupe le Zèbre.  
- Vos désirs sont mes ordres Messire sans dents.  

Puis je pars en courant pour échapper aux caillous qui me jettent.

-  Pas de force dans le bras, vous n’arriverez jamais à m’atteindre !  

Puis je me reçois un caillou en pleine tête, je me tourne Zahria et elle me sourit joyeusement.

- Hey ! Mais c’est de la triche ça.  
- S’en prendre aux vieux, ça ne l’était pas déjà ?
- Non….  

Je pars chercher du petit bois pour faire du feu pendant que je fais semblant de bouder dans mon coin. Je reviens avec mon tas et prépare le feu. Je jette le tout dans la marmite et j’attends patiemment.

-  J’aurai dû venir avec Naë… il fait tellement bien à manger… il me manque un peu dans ces cas-là tiens.. Enfin et toi, raconte moi des trucs ! Tout ce que tu veux, je suis curieuse et surtout comment tu as connu le beau-gosse ténébreux !  

- Non le dernier truc qu’on a fait ensemble, c’était au festival et depuis… Tout ça parce qu’il vit avec deux jolies filles ! D’ailleurs, les gens de votre quartier doit s’amuser avec vos histoires ! ça fait presque un triangle amoureux ! D’ailleurs ça me fait penser… vous l’avez fait ?  

Elle me fait un petit clin d’oeil qui veut tout dire.

- Tu t’es tapé Naë, Luz et aussi les deux ! COMMENT TU AS FAIS !  

Elle fait mine de rien vouloir me dire.

- Je le saurai un jour, je le saurai ! Enfin Naë, c’est assez simple, on s’est rencontré à la guilde. Je parlais avec Janua, l’hôtesse et il est arrivé là dans le Hall avec son aura de Beau-Gosse, tu vois le truc ?    
- Oui très bien.
- Bref, Janua voulait lui parler et moi aussi d’ailleurs. Donc je suis allée le voir et lui ai demandé avec mon tact légendaire de passer un peu de temps avec nous pour boire un coup. On s’est raconté plein de trucs puis Janua a trouvé marrant de nous donner une quête à nous deux. Puis une grande amitié est née ! On a traversé plusieurs le pays ensemble, on a vu des trucs cools, moins cools puis voilà mais jamais plus loin… pas comme toi ! Profiteuse.  
- Jalouse.
- Non, non ! C’est un ami et voilà. Il m’a beaucoup aidé quand je déprimais puis nous sommes potes et coéquipiers des fois !  
- Il n’a jamais juste pas voulu de vous !
- Hey ! Ce n’est pas vrai papy ! Qui ne voudrait pas de la belle Carciphona !  
- Pas moi en tout cas, vous avez aucune éducation.
- Si tu le dis ! Allez mange ta soupe et va poser ton dentier.  
- Plus jamais je demande un service à Dame Weiss.
-  Vous avez raison, comme ça je vous croiserai plus !

J’attrape un bol pour moi et effectivement, ses épices donnent du goût au mélange. C’était délicieux, chacune dans nos pensées quand j’entends un nom que je semble connaître.

- Tu connais Calixte !  
- Deux jambes avec bébé loutre !
- Oui c’est ça K’awill, c’est Calixte et Kaname. Il est à Grand Port ? Son boulot le fait amener loin en tant que Coursier… le pauvre.  
- Bébé loutre va bien, fille-chocolat ? ?
- Appelle là, Zahria. Ce n’est pas poli !  
- Zah-ria ?
- Ouaip, c’est ça Zahria !  
- Zahria, toi avoir nouvelles bébé loutre ?
- Ouais, Calixte a un loutron comme familier, on a fait un cours de dressage ensemble. J’ai appris à connaître Apolline et j’ai même su que j’avais une âme artificielle dans mon arbalète  

Je lui montre fièrement mon arbalète magique qui se trouve sur mon poignet. Pour l’exemple, je secoue ma main et elle se déplie automatiquement.

- Tadaaaaa ! C’est cool hein ? J’ai même l’option grappin maintenant.  
- Il ne parle pas ?
-  Non, Shushu ne parle jamais. Il ne parle qu’aux gens dignes peut-être au grincheux mais bon… il ne parle qu’avec Apolline et les deux ensemble… c’est la catastrophe !

Entre l’un qui me dénigrait, l’autre qui parlait comme un putois, c’est sûr, j’avais tout contre moi. Puis je me rappelle encore de Calixte avec ma tenue, il lui allait bien enfin.. C’est fini les bêtises maintenant ! On finit de manger et de ranger le tout pour ensuite se préparer à dormir. Le vieux ronflait déjà et je profitais encore des quelques lueurs du feu pour discuter avec Zahria. Nous avions plein d’amis en commun au final mais il y avait une chose qui m’intriguait dans l’histoire.

- Sinon je ne me demandais. Ca ne te dérange pas de vivre avec un couple ? Enfin ces deux-là ont l’air plus qu’amoureux, je me demande même c’est pour quand le mariage ! Ils sont trop choupinou, je les envie presque !  

Lin et moi, nous étions loin l’une de l’autre et j’aimais finalement cette distance. J’allais la voir quand je le voulais, on ne se prenait pas la tête mais où était les limites entre nous deux ? Aucune idée, je n’avais juste pas le droit de lui faire du mal, voilà ce que je lui ai promis et aussi toujours revenir en vie ! Mais bon l’item de rappel m’a déjà sauvé la vie plus d’une fois. Il m’a coûté cher mais comme ça, je respecterai toujours cette promesse enfin je dois faire encore quelques quêtes dangereuses pour atteindre mon objectif et ensuite à moi la gloire !

Quand le grincheux parle de Naëry comme un bon à rien, j’avais une folle envie de lui mettre mon poing dans la figure. Il était top mon Naë et ce n’était pas un bon à rien, non mais. Mais vu qu’il était complètement dépendant de nous, on finit par lui donner à manger après le grognement de son ventre.

Une fois débarrassé du vieux, on peut enfin s’occuper à papoter toutes les deux. Avec Tysha c’était amusant mais parler avec des gens qu’on connaît, c’est plus sympa surtout sur nos connaissances communes. Je pouvais me dévoiler un peu plus, ce n’était pas une parfaite inconnue surtout après ce repas chez Jack. Drôle de soirée… Je n’avais pas encore compris pourquoi j’étais invitée, tout le monde était venu en couple, même Jack et cette fameuse feu Elina. Bon sur le coup, vu qu’il n’y avait plus du Capitaine bah… nous avons fait un nouveau duo puis surtout après la nouvelle.. Il avait un peu besoin qu’on rigole un peu.

-  Ah ah ah, tu sais quoi je ...

K’awill revient avec son nouveau copain. J’admirais sa capacité à toujours trouver des amis improbables. Le Mist de Luz, le loutron de Calixte puis maintenant un Lumios puis avoir un animal si brillant, c’est sûr c’est amusant puis maintenant que notre lien magique est de retour, je me sens plus que rassurée. J’ai pris conscience après la quête que mon lien avec lui était important et je ferai plus attention à l’avenir. Ma petite trogne d’amour s’approche de nous, content comme jamais.

- Là sur le coup, j’ai un peu de mal à m’en souvenir oui mais c’était quand ?  
- Grosse fête avec Naë ! Papiers volants !
- La fête du solstice avec les jeux, c’est ça ?  
- Oui, fille-chocolat tout casser en attrapant méchant deux jambes.

Je tourne la tête vers Zahria avec le regard le plus noir qui existe, c’est à dire aucune crédibilité mais je m’amuse à sortir ma dague pour la menacer.

-  Alors… on casse mon magnifique stand c’est ça ? Une explication mademoiselle.
- C’est une longue histoire tu sais…

Puis elle me fait un clin d’oeil et j’abaisse ma dague et la range sous ma tunique, sur la cuisse.

- Tu n’as pas le droit d’user de tes charmes là ! Le petit clin d’oeil, la petite moue  et tout ! TU AS CASSE MON STAND.  
- Je sais mais c’était involontaire
- Moi qui avait mis tout ton amour puis K’awill, il s’est senti désemparé ! Il devait le garder et le seul moment où nous étions partis !  
- Moi surveiller mais fille-chocolat trop rapide ! Moi pas pouvoir partir la chercher.
-  Je sais, je sais K’awill. Fais lui des excuses à ce petit.

Je la menace des yeux et pour K’awill s’amuse à prendre la position avançant sa truffe vers elle également.

- Nous attendons des excuses formelles ma chère !  
- D’accord… pardon ?
-  Il faut dire Pardon o grand K’awill d’avoir casser le stand de la superbe Carci et Näe.
- Bien sûr.

Puis K’awill approche plus la truffe vers la métisse et souffle avec ses naseaux.

- Moi attendre pour jouer ensuite avec lapin brillant.

Puis Dihm aide sa maîtresse et s’enfuit de l’autre côté, ma loutre sur les talons.

- Hey ! Tu triches là ! Je t’aurai tu sais.  Allez au lit ! Nous avons encore une longue route.

J’appelle K’awill pour qu’il revienne suivi du Lumios.

- Allez mauvaise troupe, au dodo. Toi aussi Zarhia, tu es la pire de tous finalement.

Le vieux rouspète et je lui donne de quoi dormir dans son lit improvisé. Je fais mon couchage dans un autre coin de la tente géante et K’awill s’enroule près de moi. C’était ma bouillotte à moi.

-  Si tu as froid, tu peux venir avec nous tu sais.

Je fais un clin d’oeil moi aussi et je m’endors d’une traître. La belle vie, pas de monstres, pas de méchants enfin si quelques brigands mais je les attends de pieds fermes si on me dérange lors de mon sommeil. La nuit passa rapidement et K’awill me réveille au lever du soleil. Il file en quatrième vitesse dehors, fait le tour du camps pendant que je me redresse de mon couchage, domptant ma chevelure. Quelques étirements et je sors de la tente. Zahria semblait déjà dehors en train de préparer le feu.

- Matinale dis moi !  
- L’habitude
-  Je vois, je vois, je suis une vraie marmotte enfin quand je peux dormir comme ça, j’en profite mais bon nous avons un peu de tranquillité avant que le vieux se réveille.

J’attrape dans mon sac du pain de campagne et des herbes pour le thé, je sors même ce truc du café en poudre dégueulasse mais grincheux aime bien ça. Je lui tends ma gourde fontaine.

-  Ça me manque ces petites missions toutes simples ! Mais bon, ça rassure Lin que je fasse ça au lieu de traîner un peu partout dans les profondeurs du Royaume. Il y a peu, j’ai cru que j’allais mourir et K’awill… j’ai failli le perdre également mais bon je me rappelle d’avoir tout fait pour éloigner ce monstre de mes coéquipiers, un a été gravement blessé enfin quand je lis le rapport mais je ne vois plus qui c’est, j’espère qu’il va bien… En tout cas ! K’awill est comme avant.
- Lin ?
- Ah oui !!! Je devais te répondre à ta question avant que K’awill m’avoue tes terribles méfaits.  
- Je t’ai déjà dit que c’est une longue histoire
- Ouais, ouais, je le conçois ! Bref Lin, c’est un peu mon coup de coeur, est-ce qu’on est en couple ? Aucune idée, elle vit à la Ville Aquatique, c’est une enchanteresse de renom ! Elle travaille pour le Gouverneur, elle est trop stylé non ?  
- Ouais, ouais.
- Certes, on ne soit pas souvent mais je sais que je veux revenir en vie pour la voir elle ensuite. Peut-être c’est de l’amour mais elle compte pour moi et on a même un collier jumeaux et pierre de lien. Elle sait presque tout mais bon… la distance c’est compliqué puis je ne sais pas trop ce que je veux donc pour l’instant on va dire que c’est comme ça et c’est tout aussi bien.  
- Ca arrive quand ce petit déjeuner ? L’autre aventurière s’en sortait mieux enfin ça change de voir le petit numéro du zèbre qui essayait de batifoler !  
- Ca arrive Monsieur Lebrank.
- Enfin quelqu’un de serviable ici enfin...  
-  Plus que deux jours et on se débarrasse de vous, demain après midi, vous aurez votre bateau !  
- C’est réciproque puis n’oubliez pas qu’il part en fin d’après midi le zèbre.    
- Oui oui, je le sais.. Allez manger !    

Nous dévorons ce rp avec vigueur, je range ensuite le camp pendant qu’on nourrit les autres goinfres du convoi. Nous partons une heure plus tard sur la route principale, K’awill devant pour faire l’éclaireur.

- C’est parti !    

~~~

Bon je crois que je dois télécristaliser Zahria… je n’ai pas le choix mais avant je prépare ma voix douce et suave. J’ai toujours rêvé de faire du cristal rose aussi !

- Bonsoir.
- Carci ?
- Tu m’avais beaucoup manqué tu sais et...
- Mais qu’est-ce que tu fous Carci !
- Tu sais j’ai réfléchi à nous et je me suis dis quand tu es loin de moi je..
- Carci qu’est-ce que tu veux !
- Pfff, on ne peut plus s’amuser ici !
- J’ai dis de m’appeler en cas d’urgence !
- Mais tu me manques !!!  
- Je vais raccrocher
- Aucun humour..
- Tu ne peux pas être sérieuse un peu
- Si mes sentiments sont tout aussi bien sérieux agrouuu
- Carci…
- Je rigole roh !  
- Donc, c’est quoi l’urgence ?
- Tu sais… c’est une longue histoire !
...
- Okay, okay j’arrête ! Tu vois. Pendant que tu es loin de moi bah K’awill se promenait autour du campement. Il adore se faire des potes sauf que tu vois… là il a croisé la route d’un Smilodon des plaines. Bon t’inquiète j’ai géré ! Juste bah maintenant on a de la fourrure pour nos longues nuits lors de la saison froide quoi...
- Tu m'appelles pour ça ?
- Oh non bien sûr ! Juste bah déjà il y a l’autre putois qui hurle à la mort et n’arrête pas de dire de faire ramener l’autre car Dame Weiss n’arrête pas de dire des éloges sur cette femme, elle est trop forte blablabla. Il ne semble pas me croire que je peux terrasser un minotaure et autre. Du coup, il hurle et tous les charognards du coin vont venir même si il n’est pas mort donc mais ça ils ne le savent pas . Vu que je ne peux pas le faire taire, il a besoin de ta douce et gentille présence.  
- Il me gonfle.
- Oh tiens… j’ai des copains !  
- Des copains ?
- Deux Braconniers qui pourchaissaient le poilu. Je reviens !!  
- Carci !

Puis je raccroche sans entendre la fin de sa phrase, les deux gaillards vont vouloir récupérer la carcasse. Enfin ils pensent qu’il est mort, ils vont adorer quand il vont voir les yeux ouverts de l’animal, il ne bouge plus avec la flèche de foudre que j’ai balancé. Je fais un signe au vieux de se taire. Je fais un signe à K’awill de se préparer, un message télépathique et le voici invisible et je fais de même. J’adorais mon pouvoir, bien pratique pour ce genre de cas. Sauf que moi, je n’étais pas un assassin donc le combat au corps à corps ce n’est pas mon truc. Je pourrai tellement demander des flèches avec un somnifère, le problème sera réglé mais je n’ai que des carreaux et je ne vais pas tuer ces hommes. Allez à l’ancienne, je me faufile derrière eux comme si on ne les voyait depuis le campement. Ils parlent doucement car ils pensent que vu qu’il n’y a pas de mouvement dans la tente c’est qu’ils ne sont pas repérés. Ils vont être surpris puis moi Carci, je suis contre le braconnage donc baston. Les deux hommes s’approchent du félin mais pas encore assez vers l’animal qui feint la mort pour éviter les ennuis. Il sait que la flèche de foudre ne dure qu’un temps.

- Hey hey, c’est un coup de bol non ?
- Tu ne me fais pas dire mec ! Une bonne prise
- On devrait remercier le mec qui abattu le monstre
- Ouaip ! Se partager la prime en plus, la carcasse a l’air intacte.
- Bon boulot.
- Allez viens, on va chercher la bête.
- Ouaip, tu as raison

Des boulets, je devrais peut-être attendre qu’ils soient trop près pour voir le smilodon leur donner un coup de patte, ça serait tellement amusant mais non, on va faire la technique de la peur. C’est plus marrant ! Je me place derrière celui qui semble le moins costaud. La rouquine voleuse m’avait appris un truc lors de son combat, les coups dans la nuque, c’est vraiment le bon truc pour assommer un mec. Je prends le pommeau de ma dague, un coup dans la nuque et je rends invisible le mec. Il était immobile, je lui accroche rapidement les poignets au cas où il se réveille.

- Alors tu vois Bob, ça a l’air d’un gros mâle en plus !
…
- Bob ? BOB

Le mec tourne la tête de partout, il a peur et je reste là pour l’observer. K’awill s’amuse à faire un rugissement pour le taquiner.

- BOB ! MAIS QU’EST-CE QUE TU FOUS !

Puis le félin commence à bouger une patte, le mec veut prendre la fuite mais K’awill se place devant lui et se le prends de plein de fouet. Il est à terre, il ne sait plus ce qu’il se passe. Le smilodon pousse un vrai rugissement, il sait qu’il va bientôt revenir à lui.

- Mais mais… montrez vous !

Je passe derrière lui sortant ma dague et demande à K’awill de se montrer visible devant lui tout en montrant les dents. Il s’exécute et je place aussitôt ma dague sous sa gorge.

- Alors… on fait moins le malin non ?  
- Ne me tuez pas !!
- Tu as demandé l’avis à l’autre toi ?  
- Il est où Bob
- Hum… il fait dodo !

Je me rends visible et bob aussi. Ma loutre part le chercher alors qu’il était encore inconscient.

- Je crois que notre ami à poil a besoin d’un goûter, tu lui amènes non ?
- Oui Maîtresse !
- Non, non ! Ne faites pas ça. Je vais vous donner tous les cristaux que je veux.
- On ne m’achète pas monsieur, je suis une aventurière honnête moi !
- S’il vous plaît
- Non non ! On va aller au village à côté et vous livrer aux autorités compétentes.  
- Des cristaux transparents je vous donne.
- Oh tiens, j’ai une copine qui arrive !  

Je vois Zahria au loin, elle n’a pas l’air très contente et elle regarde le smilodon au loin.

- Attends, je m’occupe de lui. Toi, faire leur un sermon que ce n’est pas bien le braconnage !

Je me dirige vers l’animal qui commence à se lever. La main sur ma sarbacane au cas où.

- Hey mon pote ! Si tu nous fait rien, je te fais rien d’accord ?  

Le monstre se lève difficilement mais quand il voit que j’arme mon arbalète chargé droit devant lui, la sarbacane dans l’autre au cas où.

- Tu sais que je vais gagner alors fuit !  

Un combat de yeux se met en route. J’attrape ma sarbacane et vise l’extrémité de ses moustaches. Je tire et l’animal ne comprends rien ce qu’il se passe à cause de ma bague enchantée.

- Donc fuit sinon c’est ta tête que je vise !

Il part à vive allure et je retourne alors vers mes camarades.

- Alors ! Tu as fais un sermon à ses deux boulets ?

~~~

La routine matinale était la suivante : aide au centre de tri de la poste de la Caserne, première tournée du courrier, dépôt de celui du lieutenant Calyx avec éventuellement un coli « surprise » et bonus furetage, entrainement avec si possible quelqu’un d’aimable comme Solveig, repas en bonne compagnie ou sur le pouce pour consacrer quelques heures à de l’espionnage actif. Cette routine ne comprenait usuellement pas d’appel cristallique impromptu, et certainement pas d’une certaine aventurière dont le souvenir amenait un sourire à la fois amusé et embarrassé sur ses lèvres. Et Calixte était plus que partant pour l’insolite, mais il n’était pas dans une situation des plus judicieuses pour faire fi de sa routine bien huilée. Il hésita. Puis décida que son supérieur avait peut-être un peu trop déteint sur lui si sa curiosité usuelle s’effaçait autant pour une prudence stoïque qui lui était jusque-là peu commune. Il fronça les sourcils. Lui qui essayait d’exacerber les réactions d’Emeor, il semblait finalement que c’était ce dernier qui lui transmettait son amour inconditionnel de l’organisation rigide. Déplaçant un peu le bocal vide qu’il venait de poser sur le bureau du lieutenant, il réarrangea de manière ordonnée les rapports qu’il était en train de lire et accepta l’appel de Carciphona. La voix enjouée de l’aventurière résonna dans la pièce austère, et Calixte ne put s’empêcher de sourire. Brièvement. A la mention du nom de Zahria, ses doigts se crispèrent légèrement le long du rebord.

- Je…

Et vraiment, elle était chouette Carciphona. Rigolote, de bons conseils, et mignonne à souhait. Mais il avait oublié à quel point elle pouvait parfois avoir la délicatesse d’un grognours et rendre certaines situations infiniment complexes. Comme s’il n’avait pas déjà suffisamment à faire avec sa propre maladresse dans le domaine. Il se mordit la lèvre, avant de répondre :

- Attends Carci, ralentis. Elle s’est fait quoi Zahria ? Elle saigne ? Elle a des plaies ? Des fractures ? Une entorse ?

Automatiquement, il passa en revue la liste de ses produits thérapeutiques, celle de la planque en ville, et celle de ceux qu’il pourrait éventuellement chopper au pôle médical de la Caserne. Il refit aussi le point sur l’équipe actuellement présente à l’infirmerie. Et calcula le temps qu’il lui faudrait pour rejoindre les deux femmes d’après les informations décousues de l’aventurière. Et cette dernière n’avait pas l’air si inquiète que ça, donc il se faisait peut-être une montagne de pas grand-chose, mais c’était Zahria. Et malgré ces derniers temps un peu troublés…

- C’est juste des courbatures, je peux gérer, fit finalement la voix un peu plus lointaine de l’intéressée.

Il hésita le temps d’une demi-seconde, que Carciphona remplit allègrement d’histoires plus ou moins en rapport avec la condition de la Maître-Espion.

- Je vous retrouve au Requin Soul’Art au niveau des quais en début d’après-midi, trancha-t-il finalement. Tu me raconteras tout ça à ce moment-là, poursuivit-il sans trop savoir à qui il s’adressait.

L’appel se termina, et il contempla songeur le bocal, replaçant distraitement l’étiquette qui indiquait « Destinataire : lieutenant E. Calyx – Département logistique, Bastion du Grand Port ». La pause avait été d’une douceur agréable, d’une lenteur inhabituelle mais bienvenue. Parenthèse inespérée à un moment où il avait perdu le cap. Peut-être était-il temps de se remettre en mouvement pour, justement, le retrouver. Replaçant méticuleusement les affaires de son supérieur, il quitta discrètement le bureau.



Le Requin Soul’Art faisait partie de ces lieux insolites que vous manquiez inévitablement à la première balade le long des quais du Grand Port. Déjà parce qu’il ne payait pas de mine, et puis parce qu’il fallait se taper toute la promenade avant de trouver l’entrée juchée au-dessus d’une famille de caisses immanquablement entreposées là. L’œil avisé pouvait observer l’agencement en réalité artistique desdites caisses. L’œil taquin pouvait remarquer que c’était là une belle excuse pour expliquer l’accessibilité un peu bancale à la porte d’entrée. Le lieu, à l’image de sa fréquentation, n’avait pas d’étiquette bien définie. On pouvait y boire – à flots – y grignoter voire parfois y manger, et à certaines heures incongrues y dormir. Un large espace pour les familiers était systématiquement prévu. Une place toute particulière pour l’art était aussi invariablement consacrée. Sur les fresques peintes et repeintes des murs, les œuvres étaient de coutumes. Dans l’arrière-cour, les statues excentriques observaient les clients. Tous les soirs, un groupe de musique venait animer les lieux. Toutes les nuits, diverses activités improbables y étaient organisées. Du tournois de scrabble à celui du nombre de conquêtes intimes, en passant par le cours de tricot. Au comptoir, se côtoyaient entre autres boissons, contraceptifs et pelotes de laine. C’était le point de rencontre des insouciants, des curieux, des excentriques, des artistes, des libertins, des marginaux. C’était l’étrange mélange des strates de la société dans un bouillon de frivolité harmonieuse. C’était un lieu où tout pouvait se passer. Où les rumeurs se baladaient gaiement et les opportunités étaient reines. C’était l’un des points d’intérêt des espions au Grand Port. Jusque-là, Calixte avait principalement participé aux nuits karaoké, et était tombé une fois avec Lichael sur une nuit « un c’est bien, deux c’est mieux, mais roi est celui qui ne compte pas ». L’histoire officielle voulait qu’il n’y avait pas eu d’histoire.

Et Calixte ne savait pas trop pour quelle raison il avait donné cette adresse comme point de rendez-vous. Elle lui était venue par habitude. Par habitude d’y retrouver Zahria à l’époque où elle n’était qu’Ombre. Au moins y avait-il des alcôves improvisées offrant un peu d’intimité, et il semblait que le thème de l’après-midi était « origamis pour la gériatrie ». Des feuilles de papiers dans des états de pliage plus ou moins avancés trainaient un peu partout, et la fréquentation était principalement d’un âge vénérable. Deux banquettes plus loin, l’espion pouvait observer deux grands-pères se faire de la canne. En tout bien tout honneur. Une voix qu’il aurait reconnue entre milles s’éleva au milieu des papotages du troisième âge, et il tourna la tête pour adresser un sourire à la petite troupe qui débarquait sous les indications de Zahria.  

Copaincopaincopaincopaincopaincopain !!
- Oui Kana, tu peux aller voir K’awill, fit-il avec amusement en regardant la loutre géante de Carciphona trotter dans la pièce. Et Dhim, ajouta-t-il en apercevant le pelage clair du lumios.

Surexcitée, Kaname se précipita dans les pattes du familier qu’elle n’avait pas vu depuis quelques mois déjà. Le loutron avait bien grandi – et pris du poids – depuis, et était à présent capable de communiquer par télépathie avec Calixte. Ce qui était amusant, mais causait plus de migraines que de véritables réjouissances à l’espion au stade actuel, le vocabulaire de la créature étant assez limité, mais son enthousiasme débordant à toutes heures beaucoup moins. Dans leurs retrouvailles animées, les deux loutres faillirent bousculer un homme d’un âge avancé qui fût prestement conduit jusqu’à un fauteuil par la main assurée de Carciphona.

- Votre trône, monsieur grincheux ! déclara-t-elle sans prêter attention à l’avalanche de remontrances de l’homme.

Elle poussa le vice à lui fourrer une liasse de papiers colorés entre les mains, et l’espion se dit que le trajet avait dû être comique. Ou long. Ou les deux.

- Salut Calixte ! Sympa l’endroit, pas tout à fait mon genre de fréquentation mais bon, chacun son truc. Hey elle a grandi Kana ! Oui K’awill, tu es toujours plus grand. T’as pas amené Apolline hein ?

Dans un rire, Calixte déposa un baiser sur la joue de l’aventurière, écho de leur dernière rencontre.

- Je ne promets rien.

Parce que vraiment, l’âme artificielle n’en faisait qu’à sa tête.

- J’en profite pour te rendre ça, ajouta-t-il en lui tendant les affaires qu’elle lui avait prêtées au décours de la séance de dressage.
- Mon Bolce & Rihanna ! Il t’a bien servi au moins ?
- Qu’est-ce qu’il faut faire pour avoir à boire dans le coin ?! Si vous me faites m’assoir dans pareil endroit miteux le Zèbre, ayez au moins l’obligeance de me chercher un verre.
- Oui oui, papi, vos désirs sont mes ordres, répondit-elle en levant les yeux au plafond. Allez faites vos origamis. Vous voulez quelque chose ? Bah, j’trouverai bien. Je reviens !

Suivant des yeux la silhouette dynamique de Carciphona qui s’éloignait en quête de breuvages, il tomba sur celle de Zahria. Elle avait tiré les paravents colorés donnant un peu plus d’intimité au groupe, et se tenait un peu en retrait. Une il y avait une légère tension palpable, maintenant que l’aventurière joviale s’était éclipsée. Une prudence toute en retenue. Il franchit avec réserve l’espace qui les séparait.

- Zahria…

Il n’aurait su dire qui d’eux deux avait bougé le premier, et peut-être que cela n’avait pas d’importance. Rien n’importait plus que la chaleur familière du corps de Zahria contre le sien, ses bras le serrant avec détermination. Le parfum rassurant des boucles brunes, sanctuaire de tant de souvenirs heureux. Mélancoliques. Et comment avait-il pu penser que le Bastion du Grand Port aurait pu remplacer ce sentiment si particulier. Ce sentiment d’être de retour à la maison. Ici, contre l’ombre de son Ombre. Pendant un battement de cœur, ou pendant une vie, il se laissa aller au manteau de la tendresse. Elle lui avait manqué, tellement. Il ne savait toujours pas exactement où il en était avec son Maître-Espion. Le temps lui avait permis de verser de l’eau dans son vin et d’appréhender sous un angle différent les difficultés qu’ils avaient rencontrées. Mais il ne pouvait oublier. Il ne pouvait s’empêcher de comparer. Et parfois, il ne pouvait s’empêcher de douter. Sa loyauté n’avait pas changé, mais sa dévotion n’était plus aussi intacte. Alors s’il n’était qu’amour pour Zahria – sa mentore, son amie, sa sœur de cœur – sa relation à son Maître-Espion était infiniment plus torturée.  

- Tu m’as manqué, finit-il par avouer en desserrant son étreinte. Les appels cristalliques… c’est vraiment pas pareil. Et je… pour la Capitaine Von Andrasil, je suis désolé, ajouta-t-il conscient que si sa vie avait jusqu’ici connu le beau fixe sous le soleil du Grand Port, il n’avait pas été de même pour son amie.

Elle hocha la tête, et ses doigts s’attardèrent contre les siens avant de lui indiquer la banquette adjacente. Tandis qu’elle s’y installait en lui racontant finalement ce qu’il s’était passé et la raison de ses douleurs aux jambes, il fouilla dans sa besace pour récupérer les préparations qu’il avait sélectionnées un peu plus tôt. Du coin de l’œil, il pouvait surveiller Kaname et K’awill – Dhim confortablement posté sur l’épaule de la loutre géante – échanger sur… leurs dernières aventures ? Et le vieil homme s’être mis aux pliages de papier. Tout en faisant la conversation à Apolline. Les gestes de l’espion se stoppèrent, et il observa prudemment l’étrange scène. Visiblement l'homme - sieur Lebrank d'après Zahria - se trouvait fort à son aise de pouvoir se plaindre auprès de l’âme artificiel tout en lui racontant d’une voix retenue qu’il faisait autrefois de l’origami avec sa petite-fille, avant « qu’elle n’épouse son incompétent de mari ». D’une voix enjouée, Apolline surenchérissait aux complaintes de l’homme, et il semblait qu’ils avaient trouvé là un équilibre conversationnel. Bon. C’était pas le truc le plus étrange qu’il ait vu de la part de la trousse de cuir. S’asseyant à côté de Zahria, il passa doucement ses doigts le long des muscles endoloris. L’Ombre avait retroussé son pantalon, et remonté ses jambes sur la banquette. Sa mentore avait raison, ça tenait plus de la contusion qu’autre chose, mais elle allait devoir attendre un petit moment avant de reprendre la course à pied sous peine de risquer un bon claquage. Il dévissa le couvercle du petit pot de crème entre ses mains, et elle tendit la main vers le récipient. Faisant ostensiblement semblant de ne pas la voir, il enduisit ses doigts du produit antalgique et antiinflammatoire, et commença à masser délicatement les mollets douloureux. Carciphona revint sur ces entrefaites, avec la discrétion d’un fenrir dans un magasin de porcelaine.

- Je savais que tu t’y connaissais en plantes Calixte ! Et tu m’avais dit que tu n’voulais pas de massage toi, mais je vois qu’on a ses préférences… T’inquiète je dirai rien à ton copain « compliqué ».

A sa suite, un serveur déposa toute une panoplie d’étranges breuvages colorés sur la table basse entre les banquettes dépareillées. Mais Calixte n’y prêta pas attention, ayant brusquement levé le regard vers celui de Zahria, incrédule. Quel copain ?

- Alors y avait plein de trucs possibles, et du coup bah, j’ai ramené ça. Prenez celui avec des bulles, vieux grincheux, ça vous nettoiera le dentier. Bien sûr que j’t’ai pris quelque chose K’awill, c’est heu… de l’eau. Tiens regarde.

Elle traversa l’espace pour se mettre à la hauteur des familiers impatients, navigant avec habileté entre les sièges, la table, et les jambes de toute la troupe présente. Le regard toujours fiché sur le visage de Zahria, les doigts continuant machinalement leur doux ballet, Calixte manqua complètement les propos de l’aventurière. Quel copain ?

- J’crois qu’tu nous avais promis une longue histoire, mamzelle poivre et sel, intervint Apolline en référence à l’appel cristallique de plus tôt.
- Si vous la lancez, on n’a pas fini de l’entendre parler celle-ci, bougonna sieur Lebrank en finissant un pliage.
- Oh mais on adore les histoires. Et les détails des histoires. Et les détails croustillants des histoires.

Quel copain ?!

J’ai toujours des bonnes idées moi. Zahria ne voulait pas faire le premier pas et voir son pote Calixte. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre eux mais bon il ne faut pas se biler pour un vol de gâteau. Enfin à moins que Zahria ait volé l’amoureux de Calixte car ouais je vois Calixte gay mais pas que. C’est un peu le genre de mec qui s’adapte à la situation, qu’est-ce que je donnerai cher pour une scène improvisée entre Naëry et blondinet. Non, non, arrête de penser à des choses du genre, pense aux roucoulades étranges qui se passent là-bas dans le coin.

J’arrive avec mes boissons et je retrouve ma super copine ! Qu’est-ce qu’elle m’avait manqué, l’élégance même, une femme qui avait son charme et un franc-parler exemplaire. O Apolline, reine des trousses et vide les bourses des arbalètes.

- Mais j’y compte bien, les détails les plus croustillants !
- Faites la taire…
- Oh Shushu, ta belle est là et te voilà de service. Tu m’avais presque pas manqué tiens.
- Je ne te parle pas méprisable humaine…
- Ah  ah, je le sais bien mon cher ami, c’est pourquoi, je ne t’ai pas rapporté de l’eau, ni à toi Apolline, désolé ! Bon, l’histoire.  

Je jette un dernier coup d’oeil derrière moi. Kaname et K’awill jouait comme des petits fous, l’arrière train de la petite remuait dans tous les sens et je crois qu’elles s’amusent à faire un concours d’apnée dans leur gamelle. Je me demande pourquoi je fais encore des efforts avec eux, ils sont insupportables.

- Donc mon histoire est assez simple. C’est l’histoire d’une future Saphir qui sauve une belle princesse !  

Les bras tendus vers Zahria, grand sourire et les paillettes que je n’ai pas. Je vois la mine blasée de la métisse.

- Enfin dans ma version à moi, ne l’écoute pas Calixte… j’ai raison mais elle ne veut pas se l’avouer.

Dis-je en me baissant près de lui en chuchotant à moitié.

- C’est simple. Elle voulait voir son amant ou amante, je ne sais pas trop cette nuit quand soudain ! Un magnifique Smilodon est apparu. Pas le petit un, le gros ! Moi courageuse, affrontant seule ce monstre poilu. J’attrape mon courage à deux mains (et deux pieds) et ma sarbacane pour lui donner un petit de flèche paralysante. Et boum, a pu de tigrou à grandes dents.  
- Oui Maîtresse vise toujours bien
- Tu as raison K’awill, merci de me le rappeler, j’ai un don voyez vous.  

Replaçant ma mèche rebelle devant les yeux et un petit effet avec un mouvement du cou pour prendre la pause.

- Mais bon un personnage indésirable a décidé de briser les rendez-vous galant d’elle !  
- Vous êtes incompétente au possible !  
- Qu’est-ce que j’entends ? Moi incompétente !  

Pieds sur la table basse, bras levé encore pour la pause. J’avais un public de plus en plus grand. K’awill avait mise Kana sur sa tête et elle aussi était en admiration devant mon histoire. Peut-être elle ne comprenait rien…

- Abrège Carci...
- O la princesse commence à rechigner ? Bon alors abrègons. C’était simple, j’ai frappé deux gaillards qui voulaient faire du mal à Tigrou. Zahria a fait son truc de garde, je crois puis après pour me remercier du travail bien fait, j’ai eu le plus beau baiser de mes rêves !
Carci…
- J’ai peut-être imaginé cette partie !
- Tu dis que ce qui t’arranges.
- Ah oui, j’ai oublié ma phase cristal rose et ma déclaration d’amour qu’elle a cruellement rejeté mais bon Madame et ses histoires compliquées.  
- Les détails croustillantes, ils sont où ?
- Mais la trousse perverse est dans la place ! Désolée mais je ne dis rien aux trousses. Surtout la nuit précédente dans la tente. Quand Papy Grincheux ronflait et que Zahria avait froid… C’était hummm, elle voulait se mettre sous mon plaid compact aussi doux et chaud qu’un gronours.
- Elle n’est pas possible.
- On s’y fait…
- Hey blondinet ! Ne fais pas de complot avec elle sinon je vais demander que tu mettes ce kimono avec un petit strip tease sur la table devant ce public qui t’acclame.  

Je me tourne et invoque les vieux qui font du pliage. Bon aucune réaction, j’avais oublié qu’ils étaient sourds.

- Enfin bref… on doit attendre encore une heure pour livrer le colis de Luz et moi je pense que je vais faire un petit tour à la Ville Aquatique cette nuit !  
- Ah oui, tu vas à la Ville Aquatique ? Dit un Calixte intéressé
- Bien sûr, ça serait bête de ne pas profiter puis aucun de vous deux ne veut de moi… alors bon.  
- Imagine, j’ai eu le droit pendant deux jours de ça...
- Un honneur et dit toi que Naëry m’a supporté plus longtemps que ça !  
- Je comprends qu’il ne fasse plus de quête avec toi.
- Mais, mais… n’importe quoi !  

Je pars en boudant dans mon coin. J’attrape la première boisson qui était… dégueulasse et regarde le petit jeu des tourtereaux. Allez dans une heure, je les libère et je pars faire un coucou à Lin… ça ne coûte rien.

-  N’oubliez pas mon bateau le Zèbre.  
- Oui papy...

« Elle m’entend ? Vous n’allez pas me dire que cet objet difforme arrive à fonctionner de si loin, on ne me la fait plus à mon âge ! Et vous avez pensé aux ondes que ce truc dégage ? Déjà qu’il faut que je me farcisse des rhumatismes, si en plus vous nous grillez le cerveau… »

« Je vous assure que Monsieur Lebrank a tout le nécessaire pour le voyage, haussa-t-elle la voix pour couvrir ses exclamations, regardez dans la doublure de la valise noire. N’hésitez pas à me rappeler s’il… Devient trop problématique. Il a tendance à se montrer plus têtu qu’une Trésorière Royale. Bon courage ! »