Elle avait pris poste dans la salle collée à un mur, s’assurant d’avoir un grand angle de vision tout en observant d’un regard bienveillant les convives festoyés. La mélodie n’était pas trop forte ni trop basse, juste parfaite. Heureusement, car elle n’était toujours pas habituée à porter une telle armure et encore moins un heaume complet. Elle n’aurait pas supporté la vibration de la musique sous cette boîte de conserve. D’ailleurs, habiller ainsi les Gardes se ressemblait tous. La seule chose qui pouvait la faire sortie du lot c’était sa taille plus petite ainsi que sa grande natte dorée et tressée qui tombait sur son épaule jusqu’à sa hanche. Elle gardait son épée à la hanche gardant une main sur le pommeau de cette dernière. Ainsi, elle était prête à réagir aux moindres soucis, bien que sa présence semble bien plus décorative que nécessaire.
Telle une statue, Jaina ne bougeait pas de son poste. Les invités continuaient d’entrer dans la salle, créant un peu plus de brouhaha. Elle poussa un léger soupir sous son heaume et bâilla même. Heureusement qu’on ne pouvait la voir, car on lui aurait très certainement fait une remarque. Mais qu’est-ce qu’on s’ennuyait! Et elle n’aimait pas s’ennuyer, car dans ces moments elle se mettait à réfléchir ce qui n’était vraiment pas bon pour elle en ce moment. Juste à l’idée de ce qui aurait pu se passer si elle était restée ce soir-là… Elle secoua la tête donna une tape sur son heaume au même endroit où se trouvait sa joue créant ainsi un claquement métallique qui fit sursauter quelques personnes tout près d’elle. Elle sourit gênée et s’excusa en hochant la tête en leur direction. Quelle idiote!
**ARRRGH! Cette armure est insupportable! Impossible de se gratter, en plus il fait chaud… Comment fait-on pour voir avec ça sur la tête?! Pitié, un petit peu d’action, que je ne serve pas totalement à rien sauf d’élément de décoration. Si au moins je m’étais mis à côté du buffet, j’aurais pu me servir subtilement. Mais non! Fallait que je sois à l’autre bout du monde…** pensa-t-elle.
Heh. Ça faisait un bout de temps qu'elle n'y était pas retourné. Après tout, maintenant qu'elle n'était qu'une simple civile sans fortune ni renom, elle n'avait aucune raison de venir ici, mis à part peut-être pour aller rendre visite à Allys et Grimvor.
Bah. Toujours était que la jeune femme aux cheveux blancs n'avait qu'un but dans ce si bel endroit : faire de la merde. Le plus possible avant de se faire chopper et de finir en prison.
Même si elle connaissait l'endroit comme sa poche et connaissait la moindre cachette du palais, il n'en était pas moins que sans sa vitesse du son, elle n'échapperait pas aux gardes très longtemps. Donc elle s'était déjà préparée à se faire attraper pour finir un ou deux jours en taule. Mais cela dit, si elle pouvait faire chier quelques nobles avant, le plus possible, ce serait une grande victoire pour la trolleuse de service.
Mais d'abord, il fallait se remplir le bide et se désaltérer avec l'alcool du coin. Une chose lui manquait bien depuis qu'elle n'était plus commandante de la garde royale, c'était bien la bouffe du coin ! Les cuistots étaient décidément pas payés pour rien faire.
Faisant fi des regards des autres personnes, la jeune femme se baladait avec une assiette bien garnie et se baladait avec non pas un verre, mais une bouteille prise dans le buffet.
Son déguisement ? Simple comme bonjour !
-Une banane ?
-C'toi la banane ! Rétorqua la citoyenne en ricanant.
-Avec des pantoufles roses et des lunettes de soleil… ? Marmonna à peine un homme à sa femme. Le comble du mauvais goût.
-Tu veux savoir c'quoi la différence entre mes pantoufles et toi ? S'exclama Astrid en mâchant une cuisse de poulet. C'est que….buuuuuuuuurp. Elle lâcha un rot, puis reprit. C'est que y'en a pas ! On est bien dedans, mais on sort pas avec ! Bwaha !
Des regards choqués par la blague de mauvais goût, et Astrid reprit son chemin dans la salle de bal, zieutant les gardes. Elle allait devoir faire attention à ces salauds pour ne pas se faire sortir trop vite. D'ailleurs, elle s'arrêta devant l'un d'entre eux qui venait de se taper le casque.
-Ouah putain, ça a changé la garde royale. C'quoi cette armure ? Y'a 20 ans on portait pas ça. C'trop lourd wesh. En plus elle est mooooooche ! Whooaaaaaaa ! T'as pas trop chaud à l'intérieur le jeunot ? Ou la jeunette ?
Astrid but goulûment sa bouteille en face du garde et poussa un soupir de soulagement :
-Pfiooooooooou, une bouteille bien fraiche ! Ça rafraîchit bien !
Elle entama ensuite un délicieux gâteau au chocolat, le fit miroiter quelques instant devant le garde, et le goba directement. Une vraie attitude de...gamine.
Mais telle était la jeune-vieille : stupide et imprévisible. Cette dernière s'approcha d'ailleurs du garde et dit à voix basse :
-C'dommage que les gardes aient pas le droit de boire ou de manger en service hein ? Et t'es si loinnnn du buffet. Elle tendit sa propre bouteille et assiette dans laquelle reposait autant de la viande que des sucreries. J'suis sûre que si t'es assez rapide, personne ne te remarquera ! Allez, fais ton plaisir huéhuéhué !
Plus loin, on entendit le bruit d'une personne tombant par terre à cause d'une peau de banane laissée par terre. Oops.
Elle remercia chaleureusement les gardes qui la laissèrent passer et tâcha de remettre son attirail en place. Elle commençait à regretter vaguement son choix de costume, quand bien même sa parure était du plus bel effet. Il n’y avait qu’un seul animal en lequel elle acceptait de se déguiser, fascinée par les prouesses zoologiques qu’il représentait. Ainsi, ses longs cheveux flammes avaient été remontés sur sa nuque, maintenus en place par une somptueuse paire de cornes torsadées en ébène. Son maquillage avait pris un temps considérable et Luz ne pouvait que saluer l’impressionnant travail de ses domestiques. Les parcelles de peau nue laissées dévoilées par sa robe était parsemées de fines écailles de nacre aux teintes rouge mordoré, naturellement disséminées en formes artistiques. Elles laissaient place à sa robe à la naissance de sa poitrine, le tissu prenant le relai de ces artifices comme quelques écumes sur la crête d’une vague. Le textile vaporeux soulignait les courbes de son corps, fendu à l’aune de sa hanche pour laisser dévoiler le galbe d’une jambe elle aussi ponctuée de nacre. Le tout s’était révélé fort coûteux et elle avait vaillamment dépensé l’énergie d’un artisan durant plusieurs semaines pour obtenir ce résultat précis… Et que dire des potions de paillette sacrifiées pour la cause !
Ses talons d’un doré tranchant raisonnaient sur le dallage impeccable du palais tandis qu’elle se dirigeait avec aplomb vers la salle du bal. Toute dragonne qu’elle était, elle escomptait bien s’occuper ce soir avec la prestance et l’appétit d’une personne digne de son rang. Elle regrettait toutefois l’absence de Naëry en cet instant, quelque peu renfrognée de perdre cette occasion de tester le jeune homme sur ses enchainements de danse. Fort heureusement, plusieurs visages lui étaient familiers dans la vaste salle de bal. Elle crut discerner l’adorable bouille de smilodon de Zahria un peu plus loin, la chevelure brune si caractéristique de Veriano ou encore la majestueuse héritière Milan dont elle avait justement fréquenté la sœur peu de temps auparavant…
Ce n’était pourtant guère là ses cibles principales. Elle espérait grandement pouvoir croiser la Reine pour lui offrir ses salutations, et peut-être profiter de cette occasion pour rencontrer la Première Ministre. C’est que cette foutue bibliothèque royale lui demeurait encore fermée malgré ses efforts ! Elle en était là de ces élucubrations lorsque cherchant à reculer d’un pas pour mieux embrasser la salle du regard, son dos percuta la silhouette de… d’une… De ce grand machin jaune qui ricanait et se dandinait, entrainant la chute inévitable de son assiette pleine de victuailles droit sur le sol. La nourriture produisit un vieux « flop » mouillé à quelques millimètres des pieds du garde, définitivement perdue selon la célèbre loi de la chute de la tartine.
Elle s’était adressée davantage au Garde qu’au fruit géant, considérant que l’assiette s’apprêtait à changer de propriétaire lors de son arrivée malencontreuse.
- Apparence costumée de Luz :
En parfait petit soldat, Jaina resta de marbre face aux commentaires de cette dernière. À vrai dire, la seule chose qui la troubla s’était la référence d’il y a 20 ans. Était-elle au moins née pour pouvoir en faire une comparaison? Bon, il est vrai que de nos jours pratiquement tout le monde avait un pouvoir, dont elle-même. Ah! Il y avait aussi le fait que cette personne semblait avoir lu dans les pensées de la Garde. Comme si les moindres points qu’elle avait énumérés un peu plus tôt servaient à cette dernière pour l’emmerder.
- En effet, il fait chaud, mais cela ne doit pas m’empêcher de travailler pour autant. Si je ne souhaitais pas porter ce genre d’armure, je ne me serais pas dirigée vers un métier de garde. Vous ne pensez pas?
S’en suivit le moment de la bouteille. Jaina la regarda boire à même cette dernière en exagérant bien comme si elle cherchait vraiment la blondinette sous sa boîte de conserve. Sans s’en rendre compte, elle avait déglutît la bouche ouverte comme si sa bouche était devenue soudainement sèche. Haaaa! Jaina ne devait plus la regarder ou du moins trouver un moyen de l’empêcher de la déconcentrer.
- Il est chouette votre costume. Cela fait différent des autres…
Elle étira son cou cherchant à regarder derrière la banane qui lui cachait à moitié la vue, mais ne se douta pas qu’une troisième demoiselle allait entrer en jeu. Bien que la première essayait de la tenter avec de la nourriture, Jaina tenait bon.
- Non merci, j’ai pris le temps de manger avant de venir ici, car je savais que dans le cas contraire, mon estomac ne me l’aurait pas pardonné.
Faux! Elle n’avait rien mangé et le regrettait amèrement. L’odeur du gâteau au chocolat faisait saliver cette dernière et si elle n’avait pas été en fonction, elle se serait très certainement laissé tenter par l’offre. La main levée entre elle pour repousser l’assiette, démontrait bien qu’elle ne se laisserait pas tenter, bien que ceci puisse être interprété d’une autre façon. N’ayant pas à refuser bien longtemps, l’assiette se retrouva assez rapidement au sol, puisque l’enquiquineuse venait d’être heurté par une…Wooouaahhh, une dragonne!
Estomaquée, Jaina était impressionnée par la beauté et l’élégance que cette dernière avait su mettre en œuvre dans son costume. Son casque, qui la gênait jusque-là dans sa vision, fut rapidement retiré se logeant entre son bras et son plastron. Son regard, maintenant libre de toute gêne se délectait de l’apparence qu’elle avait décidé d’arborer. Quand elle comprit, avec le regard de la rougeoyante créature qu’elle s’adressait à elle, Jaina toussa légèrement.
- Je, euh, non, merci ça va aller. Je venais justement de refuser l’assiette de cette dame. Ne vous en faites pas pour cela.
Malgré son armure, celle-ci réussi à poser un genou au sol, déposant son heaume à ses côtés, puis attrapa l’assiette, enfin, attraper était un bien grand mot. Ses doigts gantés avaient du mal à se glisser sous le plat et ce n’est qu’après maintes tentatives et quelques jurons pensés très fort dans sa tête, qu’elle réussit. Elle ramassa les aliments bons pour la poubelle en pleurant intérieurement. Pauvre nourriture, si jeune…si bonne. Elle ne pourra jamais connaître le plaisir d’être mangé. En se relevant, elle reprit son casque d’une main alors qu’elle tenait l’assiette de l’autre. Zut…elle avait nettoyé le dégât pour que personne ne s’y mette les pieds, mais elle était maintenant prise avec l’assiette.
- Si je peux me permettre, vous êtes magnifique, ma dame.
Elle se mordit la lèvre inférieure lorsque la jeune femme en question se pencha pour ramasser ses bourdes. Garder toute la sainte soirée cette foutue pièce ne devait déjà pas constituer une partie de plaisir, si les convives rajoutaient en plus un lancer glisser de majestueuse purée… Elle fit donc volte-face pour attraper au vol un domestique et lui subtiliser d’une œillade la serviette blanche qui ceignait son plateau. Elle n’eut cure de son exclamation outrée –une histoire de vol d’emplois et de fin de mois qu’il ne toucherait pas- et rejoignit en deux enjambées les lieux du crime. La Garde s’était d’ores et déjà relevée, son assiette dans une main et son casque dans l’autre. Blonde, les yeux d’un bleu cristallin tels qu’elle n’en avait jamais vus.
Un sourire de lutin ancré sur les lèvres, elle s’empara de la bouillasse informe qu’était devenue cette assiette et la déposa sur le plateau du domestique qui était désormais soudé à ses pieds avec moult inquiétude. Facétieuse, elle tendit alors sa dextre pour venir se saisir avec douceur de la main tâchée du Garde pour en nettoyer le gantelet d’un coup de torchon habile.
Entre-temps, un deuxième domestique à l’œil avisé avait repéré le drame et le sol était désormais nettoyé de toute injure alimentaire. Torchons et remerciements rendus, Luz en profita pour mener plus avant la curiosité maladive que son interlocutrice avait malheureusement réveillé comme un feu de forêt :
Ses prunelles glissèrent sur l’imposante armure dont son interlocutrice était revêtue. Bon sang, cela devait peser une plombe ce machin-là… Comment diable faisait-elle pour se mouvoir en cas d’échauffourée ? Luz était pour sa part plus partisane des armures légères et de la mobilité d’une attaque au corps à corps.
-T'as bien raison ma petite !
Elle avait même complimenté Astrid sur son costume, heh.
Puis, c'est le drame.
Astrid put voir avec horreur – et en ralenti – l'assiette lui glisser des mains et le tout s'écraser lamentablement au sol lorsque quelqu'un la percuta.
-NoOooOoooooOOooon ! S'exclama-t-elle en ralenti dans sa tête, tout en tendant les bras pour tenter de rattraper la nourriture.
Si elle avait eu son pouvoir et les réflexes qui allaient avec, elle aurait pu se montrer en spectacle et rattraper le tout avec que ça ne tombe au sol. Malheureusement, elle n'avait pas encore les améliorations qui allaient, aussi ce fut avec une impuissance totale qu'elle assista à la catastrophe.
« Bonsoir ténèbres, mon vieil ami,
Je suis venu discuter encore une fois avec toi »
Des gâteaux ruinés par la maladresse d'une connasse qui l'avait percuté par derrière. Sous le poids du désespoir, Astrid s'effondra au sol, regardant avec une tristesse infinie les restes de son gâteau à la fraise, de son éclair, de ses chouquettes….
-Ô rage ! Ô desespoir !
Bon, ok, elle en faisait un peu trop. Mais toujours était-il que ça la faisait un peu chier de gâcher de la nourriture, surtout quand on comptait les cristaux à la fin de la semaine. Mais ça ne devait pas être le genre de problème que rencontrait la garde ni la personne qui venait de la percuter. D'ailleurs, elle avait deux mots à dire à cette personne. À cause d'elle, la garde était en train de ramasser ! Aussi, lorsque la jeune femme aux cheveux blancs se releva et se retourna, c'était dans l'intention de lui gueuler dessus un bon coup sur le fait de regarder devant soi, mais tout ce qui sortit de sa bouche fut un sifflement impressionné.
Hé bah, elle était, on pouvait le dire, sacrément bonne avec ce costume. Était-ce le moment pour Astrid de sortir le grand jeu ?
-Hey m'dam la dragonne, vous crachez du feu ? Parce que vous êtes sacrément chaude et vous v'nez d'enflammer mon cœur !
Ah. Ok. Ahem. Faisions comme si nous n'avions rien entendu.
Puis la garde retira son casque et devinez quoi ! Une deuxième beauté ! La citoyenne était bien entourée ce soir. M'enfin, cela dit, on était loin des quartiers mal famés de la capitale donc forcément…
-Ah ok. Commenta la banane lorsque la garde décrivit le costume de l'autre comme étant magnifique, alors qu'Astrid elle avait eu le droit à un « il est chouette vot' costume ». Ok ok. Elle gonfla les joues, légèrement jalouse. En réalité pas vraiment, mais elle fit mine quand même.
Luz Weiss ? Jamais entendu parler. Le doc de la famille royale ? L'ex-commandante devrait demander à Allys si cette nana était aussi tête en l'air que tout à l'heure, parce que boonn.
Et ah, elle proposait même une coupe de champagne à la garde ! Grrr, si cette dernière acceptait alors qu'elle avait refusé ça à Astrid taleur, ce serait du favoritisme !
Ou du bon sens tiens, de ne pas accepter de boire avec une banane.
Hmmm.
Bah. Dans tous les cas, les deux nanas avaient l'air d'avoir oublié l'existence d'Astrid, aussi cette dernière haussa les épaules et se décida à retourner au buffet pour se refaire une assiette et rechercher non pas un verre, mais une bouteille. Peut-être qu'elle reviendrait et se vengerait en refaisant tomber une assiette ou sa bouteille non sur le sol, mais sur cette Luz, heh.
- Merci bien, mais ne vous en faites pas pour cela. On ne peut prédire d’avance un accident et je ne pense pas que cela ait été intentionnel de votre part. Ni de notre amie ici présente…
Jaina chercha du regard la banane qui s’était tout bonnement volatilisée. Comment avait-elle pu la perdre de vue? Après tout, elle était assez imposante et la couleur criarde de son costume jaune ne se manquait pas. Enfin, son regard se porta au loin et elle crut la voir se créer un passage vers ce qui semblait être le buffet mis à la disposition des convives.
Cela ne prit qu’un moment pour que le plancher soit brillant. L’efficacité des domestiques la surprenait toujours tout autant. Après tout, cela ne faisait que très peu de temps qu’elle se trouvait ici et il y avait encore matière à l’amélioration.
- Merci, Dame Weiss. Je suis la garde Jaina Stonebridge, tout le plaisir est pour moi. En effet, nous nous ne sommes jamais croisées, car cela ne fait que très peu de temps depuis mon changement de grade. J’étais chez les civils. Il semblerait que le Capitaine Hekmatyar a su voir quelque chose en moi et mes sept années de service. Donc me voici ici en cette soirée.
Elle déposa son poing contre son cœur malgré son plastron et se pencha légèrement vers l’avant comme s’il s’agissait d’un honneur.
- J’ai encore beaucoup de choses à apprendre et j’espère ne pas décevoir les attentes de mon Capitaine ainsi que de nos souverains. C’est pourquoi, je me suis portée volontaire pour être de garde en cette soirée, afin de permettre à ceux qui le voulaient de prendre repos et de fêté en ce soir de festivité.
Terminant sa courbette qui commençait à lui peser avec le poids de son armure, Jaina reprit sa droiture exemplaire arborant toujours un magnifique sourire. Elle se devait de refuser cette nouvelle offre, pas qu’elle ne désirait pas, mais un barman aux airs plutôt bourrus, lui avait conseillé de ne plus toucher à l’alcool si elle désirait garder les idées claires. Jaina ne tenait absolument pas l’alcool et si c’est faculté venait à être affecté et que quelque chose venait à arriver, elle s’en voudrait.
- Je suis désolée, je ne peux accepter votre offre… et de quel incident parlez-vous?
À cela, elle lui fit un léger clin d’œil, alors qu’elle ramena l’un de ses bras dans son dos alors que le second tenait toujours le casque. En effet, le port de ce genre d’armure était tout nouveau pour elle, mais comme il s’agissait d’un évènement officiel, Jaina était obligé de la porter, même si elle détestait être enfermée dans cette boîte de ferraille géante. Jaina se pencha légèrement vers l’avant comme si elle s’apprêtait à lui dire un secret de la plus haute importance.
- Ne le dites pas au Capitaine, mais cette armure est insupportable. Puis elle se redressa parlant plus aisément. C’est une habitude que je dois prendre, ce n’est qu’un petit entraînement en plus.
Elle observa de nouveau le joli costume de Luz. Leur proximité lui permettait de voir quelques détails qu’elle n’avait pu voir un peu plus tôt. Elle devait y avoir consacré beaucoup de temps à la préparation de celui-ci.
- Vous allez participer au concours? Je suis sûre que vous avez toutes les chances de gagner. Enfin, ce n’est pas pour vous flatter, mais vous avez de loin le plus beau costume que j’ai pu voir jusqu’à présent.
Celui-ci disparut au détour d’un couloir, sans doute pour satisfaire la demande de sa cliente. Insouciante du malheureux fruit qu’elle venait d’envenimer à son corps défendant, Luz fut pour sa part prise d’une horrible envie d’éternuer. Quelqu’un, quelque part, devait avoir juré sa fin… Elle haussa légèrement les épaules et revint à la conversation présente. Ooh, une protégée du Capitaine Hekmatyar ! L’événement se révélait suffisamment rare pour que Luz y prêtât une attention renouvelée. L’air fortement surpris, elle posa sur Jaina deux prunelles d’un vert aussi attentif qu’une jeune écolière face à son tuteur. Elle jugea bon d’expliquer derechef sa réaction à son interlocutrice, ne souhaitant pas que celle-ci puisse se méprendre sur ses intentions :
Elle ramassa les pans évanescents de sa robe et fit un pas en avant. Elle s’inclina à la manière d’une Dame de cour, volontairement un brin théâtral, un sourire sur ses lèvres pour signifier là qu’il s’agissait tout à la fois d’une marque de respect et d’une révérence amicale.
Elle lui fit un clin d’œil malicieux et se redressa, compatissant avec la lourde tâche qui incombait à son interlocutrice. Pour une fois qu’elle n’était pas elle-même de service, à courir par mont et par vaux pour soulager les articulations douloureuses de la haute noblesse... Elle espérait vaguement que peu de ses patients la reconnaîtraient ce soir : son costume avait également pour but de masquer en partie ses traits pour semer les pistes. Rien de pire qu’une soirée détente où l’invité du coin venait vous demander conseil sur la consistance de ses selles.
Elle chassa le compliment d’un vague mouvement du poignet désabusé, reconnaissante du compliment, mais consciente des efforts considérables que le résultat avait requis :
Elle se pencha à demi vers elle et reprit, sur le ton de la confidence cette fois-ci :
Elle acheva sa phrase sur un ton presque ronronnant. Draguait-elle ? Elle dut bien s’avouer que cette interrogation était en partie vraie. Elle prenait plaisir à être présente ce soir et les festivités lui attaquaient sérieusement le moral : il n’y avait pas meilleure âme enthousiaste qu’elle ! Qu’y avait-il donc de mal à faire du gringue doucereux à une charmante Garde qui était d’excellente compagnie ? Comme à son habitude, Luz préférait ainsi alpaguer des personnes qui n’étaient pas nobles… Les ronds de jambes lui déplaisaient s’ils n’étaient pas faits avec un brin d’honnêteté.
Elle jeta un rapide regard à la cantonade. Où donc était passée sa coupe de champagne ?
Se faufilant à travers la foule, elle essayait tant bien que mal de retrouver Arthorias. Il lui a juste dit qu'il devait venir ici pour surveiller elle ne sait quoi. A croire qu'il n'y a pas assez de garde célibataire dans tout le royaume. Elle poussait une, puis deux personne, afin, elle espérait, de s'avancer en direction du buffet. Elle savait qu'il était plus facile de voir des gardes à côté de la nourriture.
Sur le trajet, elle rencontra un employé, une coupe de champagne sur un plateau. Parfait ! Cela lui ferait attendre le garde. Elle ne savait pas pour qui était ce verre, mais elle remerciait la personne intérieurement pour sa commande.
Regardant tout autour d'elle, Rebecca essayait tant bien que mal de trouver Arthorias. Pourquoi quelqu'un avec une si grande et grosse armure pouvait passer inaperçue ?
La voix raisonnait dans sa tête. Une voix sombre, presque diabolique. Du coin de l’œil, une ombre passa, mais impossible de mettre un nom sur ce qu'elle a bien pu apercevoir. Cette chose avait tout bonnement disparue, aussi vite qu'elle était arrivée. Ni prêtant plus vraiment attention, elle décida de revenir sur sa chasse au capitaine. Un reflet attira son attention. Ah ! Enfin une armure ! Rebecca s'approchait de la personne. Assez proche pour pouvoir entendre la discussion qu'elle avait avec deux autres personnes.
Ce n'était clairement pas Arthorias. A part s'il avait rapetissé et changé de sexe. Bon, au moins, elle avait trouvé un garde, c'était déjà un grand pas. Elle allait enfin pouvoir savoir où était son capitaine. Puis, elle s'arrêta. La protégée d'Arthorias ? Il ne lui en avait pas parlé. Elle avait comme souvenir qu'il ne voulait prendre personne sous sous aile. Alors qu'elle n'était pas sa surprise d'entendre ça. Peut-être est-ce pour avoir plus de personne dans la garde royale ?
La voix continuait à parler, mais Rebecca n'en prenait guère connaissance. Elle était trop intéressée par cette jeune femme qui ce disait la compagne de travail de son mari. Avançant prudemment vers elles, elle s'introduisit dans leur conversation.
- Excusez-moi. J'ai entendu que vous connaissez le capitaine de la garde Royale ?
Rebecca pris une gorgée de sa coupe de champagne, et regarda la jeune femme déguisée en dragon.
- Très jolie costume.
- Et bien, je suis avant tout une lancière, mais je sais tout aussi bien manier l’épée. Je ne crois pas qu’il m’ait déjà vu au combat, mais je peux manier les deux en même temps à vrai dire, mais ce n’est pas toujours facile, car il s’agit d’un style qui demande beaucoup d’espace. C’est pour cela que je n’ai que mon épée ce soir.
Jaina fut amusée par la révérence de cette dernière, bien qu’un brin exagéré. Elle avait su comprendre au sourire sur ses lèvres qu’il s’agissait là d’une marque plutôt amicale. Enfin, Jaina hocha la tête en retour remerciant cette dernière. Après tout, n’était-ce pas là sa mission; veiller sur les autres au péril de sa propre vie? Bien sûr, Jaina avait bien des façons d’échapper à la mort en commençant par son pouvoir qui, si bien utiliser, lui permettrait d’esquiver une attaque qui pourrait lui être fatale. Bien sûr, l’armure d’apparat, ici présente, était bien assez solide pour se prendre quelques coups, mais Jaina ne se battait pas avec ce genre d’accoutrement. Non, elle avait besoin d’une armure plus légère afin de lui permettre de se mouvoir agilement.
La femme avait agité sa main, déclinant tout le mérite que Jaina lui donnait. Avisant qu’il s’agissait là du travail de sa couturière et non le sien. La garde n’y avait pas vraiment pensé, après tout c’était elle qui le portait et le résultat ne serait sûrement pas le même sur une autre demoiselle.
- Et bien, je n’ai pas vraiment de costume sous la main et je ne pense pas réussir à charmer les juges d’un simple regard. Je vais laisser ma place à ceux qui désirent vraiment participer au concours.
Oui, Jaina ne sembla pas réellement bronché suite aux compliments de cette dernière et même si cette dernière tentait de la draguer, Jaina était une vraie débutante dans le domaine, pour ne pas dire pire. Elle n’était pas du genre à reconnaître les signaux et encore moins si l’on tentait de la séduire.
Enfin, l’arrivée d’une nouvelle femme auprès d’elles fit tourner la tête de la demoiselle. Ses grands yeux bleus se posèrent alors sur la femme qui se tenait là. Jaina dû lever le menton pour regarder le visage de l’inconnue. Elle avait posé une bien drôle de question. Qui de la garde ne connaissait pas son propre Capitaine? Jaina tenta de ne pas laisser paraître son étonnement, car après tout, son armure parlait d’elle-même, mais elle resta polie et courtoise envers cette dernière toute vêtue de noir.
- En effet, je connais le Capitaine Hekmatyar, vous avez besoin de lui parler? Je pourrais vous aider à le trouver, il ne devrait pas être bien loin. Il me semble l’avoir vu un peu plus tôt. Vous n’avez qu’à me dire votre nom et je pourrai alors vous annoncer à ce dernier.
Luz le pensait véritablement, et la tonalité de sa voix s’acheva dans un murmure quelque peu désappointé. Il était bien évidemment préférable pour la sécurité des convives que les gardes en poste respectent leurs obligations l’entièreté de la soirée. Elle trouvait pour autant bien dommage qu’ils ne puissent profiter des célébrations à l’égal des autres citoyens… Eux aussi avaient probablement une fille et le désir de s’amuser par moment. Et avec un aussi joli faciès que cette Garde, elle ne doutait pas de sa réussite au concours de déguisement.
Elle ne put malheureusement répondre plus avant à leur petite conversation, car une troisième personne apparut dans leur cercle. Luz posa sur elle un regard curieux, aussitôt admirative de l’effet abyssal de son costume. La jeune inconnue était revêtue d’un costume de Ténébreux, de longs cheveux blancs et un regard aussi clair que le cristal… Un instant interdite sur une blague intérieure qu’elle se garda bien de proférer à haute voix, son regard navigua entre son interlocutrice cuirassée et cette nouvelle arrivante. Par Lucy, les jolies femmes de sa génération étaient-elles toutes blondes, élancées, avec des yeux aussi limpides qu’un ruisseau de montagne ? Elle se mordit la joue intérieure pour ne pas sourire, en réalité aux anges d’être si bien entourée.
Ah, elle était à la recherche du Capitaine de la Garde royale. Luz prêta une attention distraite à la réponse de Dame Stonebridge, ses prunelles glissant sans le vouloir sur les quelques convives qui venaient de traverser la salle. Il y avait là l’un de ses éminents confrères, auteur d’une théorie tout à fait intéressante sur les soins médicaux à base de magie… Si sa mémoire était bonne, une historienne de renom marchait à ses côtés, peut-être suivie par un intellectuel de la cour royal.
Luz retourna derechef son attention sur le duo. Elle s’aperçut que les heures défilaient et qu’elle n’aurait bientôt plus beaucoup de temps avant le passage à l’année suivante si elle voulait pouvoir mettre la main sur la Première ministre et sur quelques autres cibles choisies… De toute évidence, la jeune garde était désormais accaparée par une convive perdue. Elle ne devrait donc pas voir trop d’inconvénient à ce que Luz s’éclipse… Elle cesserait ainsi peut-être de la distraire de ses obligations de Garde.
Elle lui sourit, encourageante.
Elle se tourna brièvement vers la jolie Ténébreuse, esquissa un « Madame… » d’au revoir et tourna les talons pour se glisser dans la foule. C’est qu’elle avait un trio de savants à retrouver pour échanger avec eux quelques croquantes affaires scientifiques...
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