Jaina avait le cerveau en compote en ce moment. Quelque chose, pour ne pas dire quelqu’un, avait complètement chamboulé sa vie en une seule soirée. Elle ne savait plus du tout où donner de la tête et croiser ce dernier lui donnait envie de courir en sens inverse, mais elle se forçait et lui souriait malgré tout. Plutôt que de faire face à ses problèmes personnels, elle préférait fuir comme une lâche. Oui, oui, une lâche. Quand il s’agissait de se battre pour les autres, elle sautait dans la mêlée, sans soucis, mais quand il s’était pour elle c’était une tout autre histoire. Elle ouvrait la porte, écoutait le problème parlé, puis lui claquait la porte au nez en lui disant intérieurement « Nop! Je me barre! ». Et dans quel pétrin est-ce qu’elle s’était mise aussi! Quelle galère! D’ailleurs, pourquoi fallait-il que sur toutes les personnes de ce pays, cela dût tomber sur la première personne qui lui donnait conseil. Juste à y penser, elle en avait des papillons dans l’estomac. Pire encore! Elle sentait son cœur s’affoler à chaque fois qu’elle y pensait. Fichu alcool, plus jamais!

C’est ainsi que Jaina se retrouva alors devant les portes de L'Aventurier Téméraire. Bah quoi? Il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idées! Elle passa donc la porte observant le décor de celui-ci. Ce n’était pas la première fois qu’elle y mettait les pieds, mais elle aimait toujours autant ce côté rustique et de bois. Normalement Jaina aurait pris place à une table en retrait. Elle se serait contentée de boire un verre d’eau, mais ce soir, la demoiselle fit preuve de courage et prit place au comptoir. Elle tira le tabouret de sous le comptoir et y déposa ses fesses. Elle n’était pas de garde en cette soirée, heureusement me direz-vous. Sa tenue était donc plus légère. Elle ne portait ni sa médaille ni son armure habituelle. Elle avait même laissé dans sa chambre son épée et sa lance. Il n’y avait qu’elle, sa robe bleue ainsi que sa bourse remplie de quelques cristaux histoire d’avoir de quoi payer. Sa chevelure était coiffée de son habituelle tresse bien que des mèches rebelles encadraient son visage ainsi que son front.

La taverne semblait quand même bien occupée en cette soirée et Jaina regardait la panoplie de bouteille remplie de liquide transparent. Soit qu’il aimait vraiment la vodka soit qu’il s’agissait d’eau. Cette pensée la fit sourire un instant, puis elle porta finalement son attention sur le tavernier. Elle n’était pas ici pour regarder, mais bien pour boire!

- Bonsoir! J’aimerais…euh….Quelque chose de traitre et douloureux comme peuvent être les sentiments. Finit-elle en frappant dans son poing avec un air convaincant.

Il y a des soirées ainsi durant lesquelles je me dis qu'il ne serait pas plus mal d'engager une serveuse... Ce serait sans doute une perte d'argent, ma taverne est un lieu généralement relativement calme cependant, en ce début de soirée, ce n'est pas réellement le cas. Peu d'habitués pourtant, la plupart d'entre eux arriveront plus tard je le sais, et pourtant, plusieurs petits groupes disparates se sont formés et ils ont décidés de finir leurs soirée dans mon établissement. Bien-entendu, je ne m'en plaint pas, cela serait pure folie que de cracher sur ce genre d'événements, je suis un tavernier indépendant alors toute grosse soirée est bonne à prendre, même si même en temps normal je ne peux pas dire que mon établissement fonctionne mal, cependant il faut avouer que c'est parfois exténuant! Une tournée de bière pour la table quatre, une bouteille de vodka pour la deux, il y a même un jeune couple dont j'ai déjà vu le garçon, mais pas assez pour parler d'habitué, qui semble avoir décidé de passer la soirée à une table située plus au fond de la taverne... Non réellement, il semblerait que la réputation de ma taverne ait augmentée ces-derniers temps et cela m'oblige, malgré moi, à repenser la direction que je vais devoir prendre avec! Enfin bon, il sera toujours temps d'y penser une fois que j'aurais fermé car pour l'instant, je profite d'une brève accalmie dans les commandes pour retourner derrière le comptoir, après tout si personne n'a besoin de moi, c'est l'endroit que je préfère! De cette position, je suis en effet en mesure de saluer toute personne qui entrerait dans le bâtiment et je montre également que je suis LA personne en charge! Bien-entendu, étant le propriétaire et surtout le seul employé cela se remarque assez vite mais, si le moindre client a une remarque, une demande ou même une proposition quelconque à me faire, je préfère qu'il ne passe pas cinq minutes à me chercher, lors d'une soirée achalandée comme celle-ci, je n'ai pas cinq minutes à perdre malheureusement!

Enfin bon, quoi qu'il en soit, je viens à peine de revenir à mon comptoir que la porte s'ouvre laissant entrer dans mon estaminet une jeune demoiselle coiffée d'une tresse blonde et vêtue d'une robe bleue pour le moins étrange dans le décors. Non pas que mon établissement soit un tripot mal famé, loin de là d'ailleurs, mais il faut avouer que la jeune fille qui vient de faire son apparition ne ressemble pas vraiment à ma clientèle régulière... Enfin, je dis cela mais, cependant, après observation de son visage, il me semble l'avoir déjà vu... Je ne peux pas dire qu'elle m'ait réellement marqué cependant, elle est un peu comme le jeune homme du couple précédemment cité : elle ne vient pas assez souvent pour parler d'habitué et si ma mémoire est bonne, ce dont je ne doute que rarement, elle s'installe généralement à l'écart ne faisant aucune vague. Pour être honnête je pense même qu'elle fait partie de cette rare clientèle pour servir laquelle mon pouvoir est sans utilité : Je ne me souviens pas lui avoir servi la moindre goutte d'alcool! Et pourtant, malgré cette certitude, aujourd'hui semble être un jour différent!

Je n'ai même pas réellement l'occasion de la saluer qu'elle est déjà installé sur l'un des tabourets la mettant au devant de la scène puisque la voilà juste devant le comptoir. Une place de choix mais généralement tenue par deux sortes de personnes : Les piliers de bars qui boivent plus vite qu'ils ne commandent, et les gens qui désirent trouver une oreille attentive qui ne les jugera pas! Étrangement, cette jeune fille ne m'a jamais donné l'impression de faire partie de l'une de ces deux catégories et pourtant, sa première phrase me fait immédiatement comprendre qu'elle en fait bien partie ou, du moins ce soir... Je ne dis rien, mon boulot c'est d'abreuver les gens, pas de les juger cependant, il me semble évident que la demoiselle se trompe sur plusieurs points alors, je fais ce que je fais le mieux : Je commence à préparer sa boisson! Et là, il me faut préciser quelque chose : Je suis quelqu'un de plutôt professionnel, si vous me demandez un tord boyaux vous l'aurez, si vous voulez du subtil pas de soucis mais il y a parfois des exceptions, parfois les gens viennent ici pour se noyer dans l'alcool, comme si boire pouvait effacer tous leurs problèmes... Soyons honnêtes : Ce genre de clients sont votre ticket pour la fortune, du moins pour une soirée, ils boivent jusqu'à plus soif sans se soucier des conséquences et partent totalement ivres en chantant vos louanges... Cependant, ce n'est pas la politique de la maison, moi je suis ce barman que vous ne voulez pas mais que vous méritez! Je pense que c'est aussi pour cela que j'arrive à fidéliser ma clientèle alors que soyons sérieux un instant, les clients que j'ai décris juste avant oublient votre existence dès qu'ils sont à nouveau sobres...

Bref, ce détail étant maintenant établis, je commence donc le verre qu'elle m'a "commandé" : Ainsi, je sors plusieurs bouteilles : Bien-entendu une bouteille "d'eau" mais également du jus d'ananas, d'orange et de lime. Une banane que je prends sous le comptoir et finalement du lait de coco... Avec méticulosité, je coupe quatre rondelles de banane que j'écrase en purée avant de la placer dans mon shaker, j'ajoute les trois jus de fruit et je commence à piler le tout. Cela fait, j'y ajoute les deux derniers ingrédients à la bonne quantité à savoir deux oz de lait de coco et deux oz "d'eau" qui devient en réalité de l'amarula! Je mélange le tout avant de le servir en le passant au tamis large. Je donne le verre à la demoiselle en ne disant qu'une chose : "Et un Amarula Colada pour la belle!" Et là, en toute franchise, je n'ai absolument pas respecté sa demande, enfin... Pas vraiment! Un cocktail traître et douloureux? Je lui offre un cocktail avec de l'alcool certes mais qui n'a rien de traître et au goût doux et sucré! Pourquoi? N'est-ce pas évident? En prenant appuie sur le comptoir je regarde la jeune fille et je secoue doucement la tête. Elle voulait un cocktail comme les sentiments non?

"Vous savez mademoiselle... Les sentiments n'ont rien de traître ou de douloureux, en fait c'est juste votre interprétation qui va vous faire ressentir cela et, en toute franchise, vous me semblez bien trop jeune pour parler ainsi..."

Assise sur son tabouret, le dos bien droit et les bras croisés sur le comptoir, Jaina avait observé le barman préparer sa boisson. Du moins, c’est ce qu’elle pensait. Après tout elle n’était pas la seule cliente en cette soirée et peut-être avait-il d’autres commandes à préparer avant sa demande. D’ailleurs, elle était impressionnée par ce dernier qui semblait toujours travailler seul chaque fois qu’elle y avait mis les pieds.  À croire qu’il estimait ses capacités de tenancier. Enfin, bien qu’en cette soirée, il semblait en voir de toutes les couleurs. Au moins, il devait se tenir occupé et ne voyait sûrement pas le temps défiler. Puis, sa recette sera sûrement bonne. Après tout, qui ne rêve pas d’un business fleurissant où affluent clients et invités.

Les ingrédients qu’ils avaient choisis jetèrent un doute à la demoiselle, mais elle ne dit rien. Après tout, ce n’était pas elle l’experte en mixologie. Jaina savait manier la lance et l’épée comme ce dernier savait manier son mélangeur. Chacun son métier après tout. La garde eut le loisir de le voir user de son pouvoir afin de transformer l’eau qu’il s’apprêtait à mettre dans le cocktail. Elle en avait entendu parler, mais le voir faire en vrai, c’était vraiment très impressionnant! Enfin, passer à travers les murs, ainsi que toute sorte de surface aussi était quand même impressionnante.

Quand il eut terminé, il lui présenta son verre tout en déclarant ce qu’il s’agissait. Amarula colada... Cela ne lui disait rien. Il faut aussi dire qu’elle n’y connaissait rien en alcool. Elle buvait normalement la même chose que les autres ou ce qu’on lui avait commandé. Elle prit son verre, remercia le barman et approcha ce dernier de son nez afin d’en humer les arômes qui émanaient de la boisson. Première remarque, cela sentait fort sucrer ainsi que la banane. Il y avait aussi une légère odeur de noix de coco. Enfin, cela avait une fragrance très fruitée. Elle avait hâte d’y goûter, mais le barman s’était appuyé sur le comptoir et l’observait. Au début, elle lui offrit un sourire un peu gêné, puis détourna légèrement le regard.  Quand elle le vit secouer légèrement la tête du coin de l’œil, Jaina posa finalement ses yeux sur ce dernier. C’est alors qu’il prit la parole.

« Hmm, vous savez, je ne suis pas si jeune que cela. Enfin, je suis une jeune adulte, mais quand même, je ne crois pas qu’il y ait d’âge pour parler de cela. Chacun son propre bagage après tout. »

Elle trempa finalement ses lèvres dans le breuvage, ne sentant pratiquement pas l’alcool. À vrai dire, elle ne le goûta absolument pas. Les saveurs se mélangèrent laissant une douceur parcourir ses papilles gustatives. Elle ouvrit les yeux surpris  en observant son verre en main. Il put même l’entendre faire un petit « Mmmh! ». Pour être traitre, ce l’était, mais pas dans le même sens qu’elle l’avait suggéré. Elle déposa le verre devant elle, le gardant entre ses pouces et index réfléchissant à ce qu’il venait de lui dire.  En fait, elle s’était mal exprimée, mais elle ne pouvait pas parler d’amour, car elle ne savait pas ce qu’elle ressentait. Ses pensées et ses sentiments étaient mélangés et elle ne savait plus où mettre sa tête. Elle poussa un long soupir…

« Vous savez ce qui est ironique? C’est que je me suis promis de ne plus boire, mais me voici ici à essayer d’oublier une bêtise que j’ai faite, en plus sous l’influence de l’alcool. La boisson à cette mauvaise manie de briser nos barrières. On n’a plus aucun filtre et on agit comme de vrais imbéciles sans trop réfléchir aux conséquences… »

Un nouveau soupir s’échappa d’entre ses lèvres alors qu’elle porta de nouveau son verre à ces dernières. Après deux gorgées la demoiselle sentait déjà la chaleur lui monter aux joues. Je crois qu’il n’est pas nécessaire de préciser qu’elle ne tient pas vraiment l’alcool. Bon je viens de le dire, mais n’empêche. Existe-t-il un remède ou une technique pour améliorer sa tolérance mis à part de boire plus souvent? Jaina n’avait pas une bourse assez pesante pour se le permettre et elle ne voulait pas non plus passer pour un soûlon qui passait son temps à consommer.

Elle finit par écraser sa joue dans la paume de sa main sur laquelle elle prenait appui, prenant un air déconfit. Le barman n’avait sûrement pas que ça à faire l’écouter déblatérer ses conneries et il avait certainement d’autres clients à qui répondre. Enfin, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle était venue chercher en venant ainsi, mais une chose est sure, elle avait besoin de réfléchir.

On a tous notre propre bagage... Je ne peux pas affirmer qu'elle se trompe sur cette déclaration, en fait elle a même parfaitement raison mais cependant, cela ne change rien à une chose évidente : Ce ne sont pas ses sentiments qui sont difficiles, c'est ce qu'elle en fait! Je ne dis cependant rien, je la laisse goutter au breuvage que je lui ai servi en souriant doucement lorsqu'elle laisse passer un petit son de contentement. S'il y a une chose sur laquelle je n'ai jamais le moindre doute, c'est mes capacités en ce qui concerne les breuvages et cela se vérifie encore une fois... Bien-sûr, j'aimerai répondre à ses dernières paroles mais cela n'est pas le moment, la demoiselle s'est installée au comptoir pour la première fois et ses paroles ne me laissent aucun doute : elle fait bel et bien partie du deuxième type de personnes à prendre place aux devants de la scène, ceux qui cherchent une oreille attentive! Lorsque vous cherchez à parler, il ne fait aucun doute qu'il faut vous laisser le temps de le faire, si je m'empresse de répondre à chacune de ses phrases, je vais juste finir par influencer la conversation dans une direction qui, sans nul doute possible, ne sera pas celle que la demoiselle veut lui donner! Un bon barman n'a que trois qualités à avoir : Le sens des affaires, la facilité avec les breuvages et surtout, le service au client! Je suis particulièrement confiant en ce qui concerne mes propres capacités dans ces trois domaines, le bon service au client ce n'est pas juste lui donner le verre qu'il commande, en fait si c'était le cas je serai sans doute le pire barman du royaume! Non, ce qu'il faut c'est avant tout être capable de comprendre son client, ses raisons de venir et alors vous pourrez "l'aider" et, malheureusement, ceux qui sombrent dans l'alcool ont généralement besoin d'aide, bien plus qu'ils ne le pensent!

Et comme prévu, la demoiselle reprend la parole! Je l'écoute avec attention, buvant ses paroles en souriant doucement... L'alcool n'est jamais une solution, après tout c'est une drogue et comme toute drogue elle peut provoquer des problèmes! Cependant est-elle réellement LE problème? Je suis cependant interrompu avant de pouvoir répondre par le geste d'un client installé à l'une des table centrale : apparemment lui et son groupe sont à sec! Voilà pourquoi il me faut un employé, je ne peux même plus discuter tranquillement lorsque la taverne est remplie... Bien-sûr, ce serait folie que de s'en plaindre mais cela m'empêche tout de même de faire ce qu'il y a de plus agréable dans mon emploie : Converser! Je lui fais un petit signe de tête lui indiquant que je l'ai vu et prépare leurs breuvages. Depuis le début de la soirée ils boivent la même chose et il levait ici cinq doigts, signe qu'ils prennent une cinquième tournée... Je me suis déplacé la première fois lorsqu'il a levé deux doigts en l'air, lorsqu'il en a levé trois j'ai compris qu'il faisait juste en sorte de m'indiquer qu'il voulait repasser la même commande alors depuis, je fais juste servir de nouveaux verres et les apporter. Trois bières, deux rhum, un cocktail maison et trois scotch! Ce n'est pas la commande la plus difficile de ma soirée au moins c'est déjà ça! Je m'adresse à ma jeune cliente d'un simple "Je reviens." Et me voilà parti avec mon plateau pour servir à ces gentlemen leur dose d'alcool probablement durement méritée! Il me faut tout de même un peu de temps auprès de mes clients : prendre les verres vides après avoir confié les remplis, une petite blague au passage histoire d'augmenter le capital sympathie, je ris avec eux et je refuse de boire un verre au vu de ma "malédiction" et me voici de retour, je prends un peu de temps pour poser le plateau derrière le comptoir et reprendre ma place devant la jeune fille. Les autres clients boivent encore même si j'en ai vu un dont le verre devient dangereusement vide, je pense également que le jeune couple ne va pas tarder à passer à la caisse pour poursuivre leur soirée ailleurs... Quoi qu'il en soit, me revoici face à ma cliente privilégiée du soir dont je n'ai pas oublié les dernières paroles.

"Vous savez, l'alcool a beaucoup de défauts cependant, l'alcool brise effectivement les barrières mais lesquelles? Sans vouloir être désobligeant et, si vous me permettez un brin d'honnêteté, il me semble que vous prenez votre problème, quel qu'il soit, à l'envers... l'alcool brise des barrières en effet... Mais uniquement celles que vous lui permettez de briser! Même ivre, vous n'allez pas sauter dans le vide sauf si vous en avez envie! De la même manière, quelle que soit votre bêtise, c'est votre envie de la faire qui est plus responsable que l'alcool... L'alcool brise juste vos inhibiteurs, mais pour que quelque chose se passe c'est que vous le vouliez à la base..."

Même si cela ne se fait pas, je suis ensuite obligé de laisser la jeune fille avec ces paroles. J'aurais aimé qu'elle puisse prendre le temps d'y répondre mais comme prévu, le jeune couple s'approche du comptoir et je me dois donc des les accueillir. Ils viennent en effet payer leur dû et il y a une règle très importante lorsque l'on tient un commerce : Ne jamais faire attendre un client qui est prêt à payer! Après tout, même si l'on fait un métier par plaisir ou par passion, le chèque à la fin du mois reste l'objectif premier, on travaille pour pouvoir vivre et non pas l'inverse! Je quitte donc ma jeune amie pour me diriger vers la caisse enregistreuse, deux verres chacun et ils paient séparément... Le visage sombre du garçon, l'expression impassible de la jeune fille... Autant pour moi, ce n'était pas un jeune couple amoureux mais un couple en position de rupture... Un léger mais discret soupire s'échappe de mes lèvres alors que j'accepte le paiement, les gens ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont d'être avec une personne qu'ils aiment! Mais soit, je n'ai pas de leçon à leur faire, un léger regard vers la blonde toujours au comptoir et je secoue la tête... Chacun son bagage hein? Je reviens finalement auprès d'elle et je reprends appuie sur le comptoir signe que cette fois, je devrais être tranquille pour un petit instant.

Jaina continua sa boisson accoudée au comptoir. Le visage à moitié écrasé par son autre poing, elle regardait le barman travailler et compléter de nouvelles commandes pour une table en salle. À vrai dire, son regard ne semblait pas vraiment le fixer, mais plus dans la lune. Enfin, elle le voyait faire, mais n’avait pas réellement l’œil focalisé sur un point précis. Assise sur son tabouret, cette dernière ne touchait pas au sol ce qui lui permettait de balancer ses jambes avançant une jambe vers l’avant alors que la seconde se dirigeait vers l’arrière tout ça en continu et dans un rythme assez rapide. Lorsque ce dernier partit de derrière son comptoir équiper de son plateau ainsi que de nombreuses consommations, Jaina secoua légèrement la tête puis déposa son verre. Sans réellement s’en rendre compte, son elle fit glisser son index sur le rebord de son verre sans trop réfléchir. En vrai, elle se demandait si ce qu’elle faisait était bien ou insensé. Enfin, elle savait bien que boire ne lui ferait pas oublier ses problèmes. Une fois de nouveau lucide tout ce qui aurait été oublié serait de nouveau présent et peut-être plus encore puisque les bêtises pourraient s’accumuler. Heureusement, aujourd’hui Jaina n’avait pas de partenaire de buverie et elle était complètement seule.

Devon revint alors derrière son comptoir où il prit finalement la parole pour répondre à ce qu’elle avait dit. Ainsi donc, ce qu’elle avait fait ce soir-là était ce qu’elle désirait au fond d’elle? L’alcool l’avait tout simplement aidé à faire ce que son subconscient désirait? Enfin, c’est ainsi qu’elle percevait ses paroles. Mais comment s’était-elle rendue à ce point? À quel moment cela s’était à ce point dégradé pour qu’elle désire autant une personne. Même en ce moment, lorsqu’elle y repensa, un frisson parcourut toute son échine. Elle essayait de se remémorer tout ce qui s’était passé durant cette soirée. Il avait bu, avait parlé un peu plus personnellement d’eux-mêmes et avait fini par se trouver des points communs. Elle se souvient avoir lancé des petites piques en direction de ce dernier qui ne s’était pas gêné pour lui en retourner quelques-unes. Plus ils buvaient et plus cela dégénérait. Jaina n’avait jamais éprouvé d’intérêt envers qui que ce soit et le fait d’en avoir discuté avec lui, ne l’avait guère aidé. Enfin, son esprit était mélangé. Est-ce qu’elle voulait apprendre à le connaître hors de leur environnement de travail où devait-elle tenir cela au nécessaire? Et que devait-elle faire de cette clé qui n’était pas avec elle en ce moment, mais qui ne pouvait se faire oublier.

La demoiselle leva finalement son regard de sa consommation observant finalement la photo accrochée au mur. Elle reconnaissait le barman, mais ne reconnut pas la femme. D’ailleurs, c’est la première fois qu’elle y faisait attention. Le couple semblait bien heureux sur cette photo, pas comme celui qui venait de passer à la caisse en tout cas. Maintenant que l’homme était de nouveau devant elle, celle-ci pouvait finalement se permettre de lui répondre.

- Vous semblez être de bon conseil, alors dites-moi, imaginons qu’une personne n’a jamais été attirée par qui que ce soit, mais que cette fois-ci, après discussion et quelques verres, ils se sont tous les deux intéressés l’un à l’autre malgré qu’ils se rencontraient pour la première fois. Sauf que dans tout cela, celui-ci est marié à quelqu’un qu’il ne voit jamais et qu’il suppose qu’elle le trompe. Mais cette personne semble ne pas s’en soucier et trouver cela normal… Qu’est-ce que vous feriez à la place de la personne qui n’avait jamais été attirée par quelqu’un? Après tout, elle ne sait pas si elle doit apprendre à le connaître, ou bien juste tenir cela mort...

Elle ne pouvait pas mieux résumer son problème.  La demoiselle vida la moitié de ce qu’il restait dans son verre et observait le propriétaire des lieux. Bon elle avait peut-être essayé de détourner son problème comme s’il n’était pas le sien, mais bon,  ce dernier semblait quelqu’un d’intelligent et doté de logique. Il comprendra bien vite qu’elle parlait d’elle-même.

Alors que je reviens à ma position initiale, voilà que la demoiselle se met à me parler en indiquant qu'il s'agit de supposition, chose qui signifie dans environs cent pour cent des cas qu'elle parle en réalité d'elle-même... Je n'ai jamais compris les personnes qui font cela, si vous voulez des conseils qui s'appliquent à vous et non pas à n'importe qui, vous devriez être honnêtes et juste dire que cela vous concerne! Enfin soit, j'écoute les quelques informations qu'elle me donne et je soupire doucement lorsqu'elle a terminé son exposé des faits. Il est marié mais sa femme le trompe? Pourquoi? Pourquoi ne la voit-il jamais en plus? Est-ce lui qui n'a aucun temps à accorder à son épouse? En plus il trouve cela normal donc l'adultère est quelque chose de normal selon cette personne? La jeune fille affirme qu'ils s'intéressent l'un à l'autre donc ils se sont fait des avances, voir même plus ce qui fait que lui-même à également été infidèle d'une manière plus ou moins concrète dépendant si cela n'a été que des avances, des baisers ou plus encore... Et finalement, la jeune fille n'a jamais été attirée par qui que ce soit, donc elle ignore si c'est juste de l'attirance ou un potentiel amour... Oh bien-entendu, la raison veut que ce soit uniquement de l'attirance, on ne tombe pas amoureux en un unique jour cependant, je ne peux affirmer cela sans me sentir un minimum hypocrite vu mon histoire avec Leila! Quoi qu'il en soit, je suis quelqu'un d'honnête et la jeune demoiselle vient de demander mes conseils alors je me dois de faire ce pourquoi certains m'adorent et d'autres me haïssent : être totalement et parfaitement honnête... Rien ne m'y oblige bien-entendu et je risque de perdre une potentielle cliente mais c'est ainsi que je suis, c'est celui que j'ai toujours été et que je serais toujours.

"Donc, pour résumé et sur base de ce que vous venez de me dire, vous me demandez si vous devez prendre le risque d'aller plus loin avec un homme marié qui trouve l'adultère normal, qui vous fait des avances ce qui signifie que lui-même n'a aucun problème à tromper sa moitié tout cela sous l'effet de l'alcool, alors que vous n'avez jamais penser à l'amour et tout cela alors que vous le rencontriez pour la première fois..." Je la regarde un petit instant comme si tout cela me semblait parfaitement ridicule avant de soupirer et de reprendre de manière moins catégorique dirons-nous. "Et qu'est-ce que cela aurait comme influence en réalité sur vous? S'il reste avec sa femme vous serez la maîtresse qui espère qu'il quittera un jour sa femme, s'il la quitte, vous saurez qu'il a rompu avec la femme qu'il a aimé pour une personne qu'il connaissait à peine et cela après lui avoir fait des avances alors qu'il était encore en couple? Je suis un barman, je ne vais pas vous dire ce que vous devez faire mais quand on aime, on ne trompe pas! Le minimum du respect serait de mettre les choses au point avec sa femme avant de vous faire des avances, si cependant cela ne vous dérange pas, je vous souhaite bonne chance!"

Je suis sec? Catégorique? Dur et même peut-être méchant? Sans doute mais, je suis honnête et surtout, c'est un sujet sensible pour moi! L'amour est une chance, être avec une personne que l'on aime est un plaisir que l'on doit savourer chaque jour avant qu'il ne soit trop tard! Oui, il est possible que certains couple ne fonctionnent pas, je sais cela, j'ai vu des couples se déchirer, la douleur de ces-derniers qui pensaient pourtant avoir trouver leur moitié mais cela ne change rien à un point plus qu'important : Cet homme accepte l’adultère de sa femme, pire encore il semble prêt à en commettre un lui-même! A-t-il seulement parlé avec son épouse? A-t-il essayer de comprendre pourquoi ou même d'arranger les choses ou bien a-t-il juste laissé les choses se dégrader? Et que va-t-il faire ensuite si cette jeune fille, qui ne semble rien connaître aux sentiments amoureux, va vers lui? Laissera-t-il un autre amour se briser jusqu'à ce qu'il soit impossible à sauver? Je n'ai pas eu la chance de vivre avec l'amour de ma vie alors oui, les gens qui se complaisent dans la destruction de leur amour m'énervent au plus haut point. Je soupire légèrement avant de reprendre un semblant de calme, la jeune fille face à moi n'a rien fait pour mériter cela même si d'un certain point de vue, je n'ai fais que répondre honnêtement à sa question : un homme qui ne se bat pas pour son amour ne va sans doute jamais le faire!

"Il y a des choses que vous ne pouvez décider que de vous même, vous êtes celle qui devra vivre avec les conséquences de vos choix cependant... Ce n'est pas dans l'alcool que vous trouverez une réponse, ni même en questionnant le premier inconnu venu! Votre décision aura des conséquences, à vous de décider quelles conséquences seront les plus difficiles à affronter."

Après tout, je sais ce que je pense, je sais cependant tout ce que les sentiments poussent à faire, la jeune fille est la seule à pouvoir choisir ce qu'elle veut, dans les deux cas elle risque de souffrir alors, à elle de voir si le risque vaut le coup. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas véritablement l'occasion d'en discuter plus car un autre client me fait signe, je prépare donc les boissons demandés et me dirige vers la table avec trois choppe en main ce qui laisse à la jeune fille le temps de digérer mes paroles.

L’homme semblait impassible devant l’explication de la demoiselle. Elle savait que dans certains cas, cela serait très mal vu et elle le voyait aussi d’un mauvais œil. Après tout, elle l’avait secoué pour qu’il aille botter les fesses de l’amant en question, mais celui-ci semblait simplement résolu de sa situation. Et si Jaina ne s’était pas écouté à la toute fin, elle serait devenue ce qu’elle avait détesté. Elle avait même dépassé la limite en demandant à ce dernier de la tenir dans ses bras. Qu’est-ce qu’elle avait fait? Enfin, quand celui-ci prit parole, son ton ne laissait aucune place à la blague. Il résumait la situation de la demoiselle en d’autres mots. Mots qui ajoutaient poids et réalité sur les épaules de la demoiselle. Il évoquait les vrais problèmes de la situation et il ne lésinait pas sur le choix de ses mots. Son ton était ferme et sec, mais Jaina ne pouvait que le comprendre. Après tout, à moins d’être quelqu’un de volatile, personne de sensé n’encouragerait l’adultère. De plus, les points qu’il venait de mentionner étaient plus ou moins les mêmes qui l’avaient arrêté avant qu’il ne soit trop tard.

Jaina soupira aussi à son tour et déposa ses mains entre ses cuisses prenant appuie sur le banc. Elle avança légèrement son buste vers l’avant. Elle ne savait pas ce qu’il lui avait pris à ce moment, mais elle savait qu’elle ne devait pas refaire la même erreur. C’est juste que…qu’elle ne pouvait s’empêcher de penser à lui. Voilà, ce qui la perturbait! Peut-être que si elle prenait le temps d’aller lui parler plutôt que d’essayer de l’éviter en dehors du contexte de leur travail, elle pourrait enfin avoir la tête tranquille.

Ce dernier reprend donc la parole et elle l’écoute attentivement. Elle n’est pas choquée par ce dernier. Si elle ne voulait pas de ses conseils, elle ne lui aurait certainement pas parlé. Après tout, elle devait s’attendre à tout et n’importe quoi dans ce genre de situation. Il aurait très bien pu lui demander de quitter son établissement après tout et elle l’aurait fait sans rouspéter. Elle savait que l’alcool ne l’aiderait pas à trouver réponse, mais voilà, elle s’était retrouvée ici malgré tout. Un sourire triste s’afficha alors sur le visage de la demoiselle.

- J’ai l’impression de m’entendre penser… En vrai, je savais déjà tout ça, mais je crois que j’avais besoin d’une bonne grosse claque, si vous voyez ce que je veux dire. J’avais besoin qu’on me remette à l’ordre. Est-ce que j’ai vraiment envie de vivre une relation cachée qui peut se terminer n’importe quand. Est-ce que je veux vraiment être la troisième personne, celle qui ne peut pas être montrée au grand jour, celle qui ne possède rien de certain…

Bien sûr que non, elle ne voulait pas de tout cela. Mais à cela s’ajoutait une nouvelle question. Malgré ce qu’il s’était passé, est-ce qu’elle pouvait se permettre d’apprendre à le connaître même en tant qu’ami? Est-ce qu’il était déjà allé trop loin pour avoir droit à ce stade?

- Est-ce que malgré tout, cette personne et moi pouvons tout de même être amis? Si les limites sont respectées et que rien ne se reproduit… Ou vous pensez qu’il y a trop de risque ou qu’il est trop tard pour cela? Après tout, rien ne nous empêche de nous relever de nos erreurs.  

Je porte les boissons aux clients qui me les ont commandés et ceux-ci se permettent une petite blague alors que je leur donne leurs verres, blague qui me fait rire d'un rire sincère alors que je leur répond du tac au tac avant de retourner vers le comptoir. Après tout, même si la jeune fille présentement installée au dit comptoir a quelques problèmes et même si elle m'a demandé conseil, cela ne doit pas m'empêcher d’exercer mon métier et donc de servir les autres clients n'est-ce pas? Lorsque je reviens, la jeune demoiselle reprend la parole m'affirmant qu'elle avait juste besoin d'un claque, qu'elle a l'impression de s'entendre penser? Au moins elle n'est pas stupide et elle se rend compte de sa propre situation! Cela étant, l'amour fait faire des choses stupides même aux personnes les plus rationnelles alors, cela ne veut pas dire qu'elle ne va pas se jeter à deux pieds dans un bourbier sans nom mais, cela ne me regarde nullement après tout, je lui ai dit ce que j'avais à dire, j'ai répondu à la question qu'elle m'a posé. Pour le reste, cela ne dépend plus de moi, après tout je suis juste un barman et pour beaucoup de gens, mon rôle ne s'élève guère à plus qu'à servir des verres et, en réalité, c'est un rôle dans lequel je me complais parfaitement! Cependant, il semble que la jeune fille ne désire pas me laisser me contenter de mon métier en cette soirée puisqu'elle me pose une nouvelle question pour le moins personnelle! En effet, cela ne me concerne nullement mais elle désire mon avis sur la question et pourtant, pour ce coup bien précis, il m'est impossible de lui donner un avis direct et tranché sur la question et pour cause, cela ne serait aucunement pertinent car il ne s'agirait que de ma vision des choses et non d'une énonciation des faits comme précédemment. Est-ce qu'un avis entièrement subjectif peut être prit comme une ligne de conduite? Je L'ignore mais j'en doute fortement!

"Voyez-vous mademoiselle, cela est une question à laquelle je n'ai malheureusement pas de réponse... Cette question vous êtes la seule personne à pouvoir y répondre : Pensez-vous pouvoir vous contenter d'une amitié? Selon vous lui-même acceptera-t-il qu'il n'y ai rien de plus? Si vous devenez amis est-ce que vous aurez peur qu'il arrive plus ou est-ce que vous l’espérerez? Je peux vous prêter une oreille attentive, vous abreuver d'alcool ou de tout autre breuvage, ce que je vous conseil fortement d'ailleurs arrêtez l'alcool si vous voulez garder les idées claires, mais je ne peux pas déterminer pour vous les risques que vous voulez prendre... Face à vos sentiments, vous êtes la seule à pouvoir décider!"

Je me tourne ensuite alors qu'un de mes habitués quitte la taverne en le saluant d'un signe de tête et je m'empresse d'aller chercher les cristaux qu'il a laissé sur sa table, comme toujours il y a le compte exacte auquel il a ajouté un petit pourboire... Je n'ai pas à me plaindre à ce niveau, mes clients réguliers sont des gens extrêmement généreux, à moins que ce ne soit mon capitale sympathie qui me vaut ce traitement? Après tout, comme je l'ai déjà annoncé précédemment, certaines personnes m'aiment pour ma façon d'être d'autre me déteste mais cela ne m'empêche pas d'être celui que je suis! Je vais retourner vers le comptoir lorsqu'un vieux monsieur installé seul dans un coin me fait un petit signe de tête, je lui répond d'un hochement de la mienne, passe derrière le comptoir et sors de sous ce-dernier une bouteille d'alcool, l'une des rares que je possède, avant de rejoindre le vieux personnage pour remplir son verre de ce breuvage au combien précieux. Un alcool que je tiens en bouteille signifie un alcool rare qui a vieilli durant un long moment, je ne suis pas encore en mesure de reproduire un alcool ayant vieilli si longtemps alors, j'ai quelques bouteilles pour certains clients particulier qui se font servir ces petites merveilles... Bien-entendu, c'est également plus cher mais rien n'est trop beau pour des connaisseurs.

"Dernier pour ce soir tu sais bien..."

Il hoche la tête et prends une gorgée du breuvage que je viens de transvaser dans son verre... Je me dois de limiter les clients comme cela, non seulement cet alcool est plus fort mais également plus cher, j'essaie d'empêcher mes clients de devenir trop saoul ou trop pauvre dans ma taverne, j'ai une réputation à tenir! Je retourne ensuite auprès de la jeune fille, je range la bouteille et je l'observe un instant avant de me décider à lui demander la seule chose qui me semble pertinente à cet instant précis, la seule chose qui pourra peut-être réellement l'aider à faire un choix judicieux pour la suite.

"Vous ne le connaissiez pas avant cette soirée fatidique, maintenant oui alors posez-vous juste cette question : Comment vous sentirez-vous s'il sortait définitivement de votre vie à présent?"

C’était une question des plus innocentes, mais ce que lui ne savait pas, c’est que Jaina n’avait que très peu d’amis et si elle devait éloigner les seules personnes pour le moment qui s’était approchée ou intéressé à elle, il ne lui en resterait qu’une. D’ailleurs, elle ne savait pas si elle pouvait compter Wendy comme une amie, parce qu’encore une fois, elle ne l’avait vu qu’une fois, mais elle s’était très bien entendue avec elle. Enfin, ce dernier avait raison, malgré tout. Elle était la seule à pouvoir répondre à cette question. Elle pouvait très bien se contenter d’une simple amitié et ce dernier semblait l’avoir laissé comprendre aussi. Après tout, elle lui avait dit qu’il était mieux de se revoir les idées claires.  

Jaina sirotait le reste de sa boisson et fut gênée lorsque ce dernier lui mentionna qu’elle devrait arrêter si elle devait garder les idées claires. En effet, cela lui en prenait très peu pour perdre le contrôle et comme elle avait entendu ce qu’elle voulait entendre, il était maintenant temps d’arrêter. Elle repoussa alors son verre et vit le patron s’éloigner pour récupérer les cristaux laisser sur le comptoir. Jaina était impressionné par ce dernier. Après tout, il faisait bien des choses en même temps. La salle était pleine, il devait répondre aux demandes, servir les clients en personne et s’assurer que tous aient payé avant de quitter la taverne. D’ailleurs comment faisait-il pour se souvenir de toutes les consommations de chacun? Jaina releva un peu son derrière de son banc essayant de percer son secret, mais rien en vu, pas même un calepin rempli de gribouillis. Il devait donc avoir une excellente mémoire.

Alors qu’elle se retrouve maintenant seule, elle se met alors dos au comptoir et y prend appuie. Elle sentait quelques regards sur elle, mais cela ne la gênait absolument pas. Elle avait été si absorbée par ses pensées, qu’elle n’avait pas pensé à saluer les clients de ce soir. Après tout, elle reconnaissait quelques bonnes bouilles qu’elle avait pour habitude de croisé lors de ses rondes. À vrai dire, elle avait tellement été occupée avec les quelques préparatifs de son changement de poste, qu’elle n’avait pas du tout pensé à aviser certains de ses habitués. Elle crut même entendre quelqu’un murmurer à son voisin :  « Hey! Ça s’rait pas la petite Jaina? » Jaina sourit légèrement et les salua brièvement de la main, puis quand elle vit le patron revenir à son comptoir Jaina se mit alors de côté et ce dernier lui posa alors une simple question. Si simple, qu’elle en avait du mal à répondre. Elle ne pouvait pas lui dire qu’il s’agissait de son capitaine, car si elle sortait définitivement de sa vie, cela voudrait dire ne plus le voir, donc ne plus être garde royale et ça elle ne le voulait pas. Elle voulait apprendre à le connaître et voulait continuer à travailler avec lui. Jaina garda sa réflexion pour elle-même, puis porta son regard océan sur la salle.

- Je crois que je me sentirais mal, parce que je pense que malgré tout, il est sincère et respecterait ma décision quoiqu’il arrive.

Elle soupira finalement, non pas d’ennui, mais simplement parce qu’elle sentait un poids s’enlever de ses épaules. Elle devait rejoindre Arthorias et lui parler, ils avaient des choses à régler ensemble et elle ne pouvait continuer à le fuir par peur. Après tout, elle était maintenant une grande fille et devait agir comme telle. Pour le moment, elle était ici et profiterait du reste de sa soirée. D’ailleurs, une idée parcourut pendant un bref instant son esprit, mais elle hésitait. Enfin, elle prit sa bourse en main et lui demanda comment elle lui devait afin de lui donner la somme dût ainsi qu’un supplément parce qu’il avait pris de son temps pour discuter avec elle.

- Heum…vous voulez un coup de main? Je suis à l’aise avec les gens et je suis assez forte pour porter un plateau rempli de boisson…

Elle se gratta un peu la joue.

- Ça me permettrait de leur demander comment ils vont, tout ça, tout ça, depuis que je ne suis plus chez la garde civile, je sors un peu moins du palais. Et cela pourrait vous donner un peu le temps de souffler aussi. Qu’en dites-vous? Je le ferais gratuitement aussi!

La demoiselle a le mérite d'être sincère et au moins, elle se rend compte un minimum de ce qu'elle désire. Si elle se sent mal à l'idée que l'homme en question sorte de sa vie, alors elle ne doit pas le laisser en sortir pour le reste, je n'ai ni le droit ni l'envie de juger, elle voulait des conseils elle les a eut, maintenant c'est à elle d'agir comme sa conscience et son cœur le dicte. Non, l'adultère n'est certainement pas une chose que j'encouragerai cependant, je ne peux en aucun cas empêcher une autre personne de s'y adonner! Ce qui se passe chez les autres reste chez les autres, temps que cela ne met pas le foutoir dans ma taverne je ne m'en occupe pas! Il semble que j'ai réussi à offrir à la jeune cliente ce dont elle avait besoin, elle repousse le verre que je lui ai offert et me demande ce qu'elle me doit, je lui signale donc la somme convenue pour le cocktail en question et j'ai, suite à cela, l'agréable surprise de voir qu'elle me donne plus que nécessaire. Au moins, mes conseils ont étés appréciés cette fois, cela ne se passe pas toujours aussi bien. Cela étant, je m'attends donc à la voir quitter l'établissement mais ce n'est absolument pas le cas! À la place, elle me fait une proposition pour le moins surprenante : Elle se propose de faire le service pour me permettre de souffler? Bien-entendu, dans une soirée aussi occupée un peu d'aide ne serait pas de refus si l'on oublie certains détails cependant qui rendront la chose plus difficile : tout d'abord les tables ne sont pas numérotés excepté dans mon esprit, difficile pour moi de lui dire d'amener les boissons à la table quatre si elle ignore de laquelle il s'agit, de plus je n'ai pas le temps de lui expliquer comment cela s'organise dans mon esprit. De plus, il est plus compliqué d'une certaine manière pour ma part de réellement conserver l'état des commandes si je ne vois pas directement le service! Bien-entendu c'est toujours moi qui prépare les diverses boissons mais c'est parfaitement évident dans mon esprit, beaucoup moins en pratique si quelqu'un vient dans la mécanique mais surtout, le dernier point est le plus problématique!

Elle n'est plus dans la garde civile et passe plus de temps au palais? Cela ne peut signifier qu'une chose en toute logique, ma cliente du soir fait partie de la garde royale! Cela n'a rien de réellement gênant certes, cependant il faut comprendre une chose : toute sorte de personnes fréquentent mon établissement, des gardes, des civiles, il y a même des nobles en nombre plus réduit il faut bien l'avouer... Si la plupart de ces personnes sont des gens tout à fait ordinaire, je ne peux pas dire que ce soit le cas de tous, certains ont déjà eut des démêlés avec la justice, il arrive sans doute que certains soient même recherchés pour être honnête je l'ignore, je suis ce genre d'homme qui ne cherche pas à en savoir plus que de raison sur sa clientèle, si je suis témoin d'un crime je le signalerai mais de la même manière, si quelqu'un est un criminel, du moment qu'il ne provoque pas de grabuge dans mon établissement cela ne me concerne absolument pas! Je ne ferme pas les yeux mais je m’immisce le moins possible dans les affaires personnelles de mes clients sauf si, comme dans le cas de la demoiselle, ceux-ci me demande mon avis ou m'en parlent d'eux-même. De ce fait, envoyer un membre de la garde servir des gens, qui parlent sans doute d'affaire privées que ce soit leur vie, leur commerce ou leurs activités quelques soient leurs natures n'a rien de véritablement judicieux. Ma taverne est un lieu duquel les gens attendent boissons, divertissement et discrétions alors, ce point plus que tout autre est assez important à lui seul pour refuser l'offre proposée.

"Je vous remercie fortement de votre proposition cependant, je me dois de la décliner... Voyez-vous, même si je doutes que mes clients soient des criminels endurcis, j'ai dans l'idée qu'ils trouveraient ça assez déplaisant qu'un garde royale puisse ouïr leurs conversations... Certaines discussions doivent parfois rester fermées je pense..."

Je lui souris doucement, en toute sincérité ce n'est pas la seule chose qui me fait refuser mais, je ne pense pas que j'ai besoin d'en dire réellement plus à ce sujet. De plus, il faut avouer que je ne pense pas que ce soit une bonne idée même pour la demoiselle! Certes elle ressent peut-être le besoin de se vider l'esprit mais il y a d'autres moyens que de se mettre à travailler dans une taverne pour que cela se fasse! J'ajoute donc avec une pointe de malice dans le regard.

"Par ailleurs, si vous désirez saluer les gens que vous connaissez, je pense qu'ils trouveront cela plus agréable si vous y allez de bon cœur en discutant avec eux plutôt que pour prendre leurs commandes..."

Sa mine déconfite avait vite été remplacée par un large sourire qui illuminait son visage. La lumière tamisée de la salle faisait brillée ses grands yeux bleus. Jaina n’était pas du genre à rester bien longtemps aux prises de sombres pensé. Elle était plutôt du genre vif et joyeux. Du moins, c’est ce qu’on lui avait appris toute son enfance. Il était mieux d’apporter la joie et la bonne humeur plutôt que d’apporter le malheur aux gens qui nous entourent. Après tout, elle ne voulait pas être cette pomme pourriture qui pouvait contaminer les autres et ainsi propager sa mauvaise humeur.

Elle attendait patiemment que ce dernier répondre à sa demande. Elle savait qu’elle n’était peut-être pas qualifiée pour ce genre de métier, mais un coup de main n’était jamais de trop. Mais celui-ci ne semblait pas pensé de la même façon qu’elle. Il avait fait des liens, qu’elle n’avait pas spécifiés, mais qu’elle n’avait pas intentionnellement cachés. Après tout, elle ne débarquait pas en se présentant comme une garde royale. Ça ne se faisait pas et cela pouvait créer des malaises. Elle comprenait son raisonnement et ne lui en voulait pas, mais Jaina n’était pas sous son uniforme de garde. Non elle ne portait que sa robe bleue habituelle, longue à l’arrière et plus courte à l’avant, comme si elle portait une simple jupe. De longues manches cachaient ses bras ainsi qu’un collet assez haut empêchant ainsi tout curieux de se rincer l’œil dans un décolleté inexistant.  Elle avait mis de simples bottes de cuir et ne portait pas son casque diadème qu’elle ne quittait que très rarement. Enfin, elle fit légèrement la moue, déçue, mais cela ne l’empêcha pas de surenchérir.

- Ici, je suis Jaina, tout simplement. Je ne suis pas venue pour m’embrouiller avec qui que ce soit. Lorsque je ne suis pas en fonction et non armée surtout, je préfère me tenir à l’écart des ennuis. Mais bon, je crois que vous avez quand même raison. Si je ferme les yeux, eux ne le feront sûrement pas, mais je ne veux pas non plus vous faire perdre de précieux clients.

Elle écouta d’ailleurs attentivement le conseil de ce dernier et laissa échappé un léger rire suivi d’une petite grimace. Celui-ci avait bien raison, mais une Jaina qui ne travaillait pas n’existait pas. Elle se gardait toujours occupée, elle en avait besoin et elle aimait cela. Certaines personnes étaient accros à certaines substances qui affaiblissant les sens, alors que Jaina était accro au travail.  Enfin, elle se mit dos au comptoir et bondit de son banc atterrissant les deux pieds joints, comme si elle venait de faire une acrobatie digne d’un gymnase. Elle se tourna une dernière fois vers ce dernier, fouettant l’air de sa grande natte.

- Vous êtes sûre que vous ne voulez pas, un chouia d’aide? Un tout petit peu? Vous n’aurez qu’à me décrire le client et où se situe la table, je suis sûre que ça pourrait marcher, non?

Le non était incertain, mais qui ne tente rien n’a rien. Enfin, elle le laissa réfléchir à son offre et rejoint une table, celle qui semblait l’avoir reconnu. Jaina leurs tapa les épaules pour les saluer et les voix s’exclamèrent un peu plus.

- J’t’avais bien dit que c’était la p’tite Jaina!
- Qu’est-ce que tu d’viens? On t’vois plus dernièrement.
- Haaaa c’est une longue histoire, elle baissa d’un ton et se pencha pour que seuls eux puissent l’entendre. Voyez-vous que moi, Jaina, la meilleure de toutes les gardes, j’ai été recrutée par le capitaine de la garde royale en personne!

Elle leva alors la tête, bomba son torse fièrement tout en plaçant ses poings contre ses hanches. Un petit rire exagéré s’échappa d’entre ses lèvres alors qu’elle gardait le menton levé.

- Mais on t’verra plus?!
- Mais ne vous inquiétez pas! Je serai toujours là pour vous protéger.

Elle tapa d’un poing dans sa paume et poursuivit encore sa discussion avant de ne passer à une autre table. Après tout, elle avait l’habitude de passé dans le quartier commerçant et en 7 ans certains de ses gens l’avaient vu grandir et changer. Enfin, elle retourna alors auprès du barman qui s’était gardé occupé pendant ce temps.

- Alors c’est toujours un non?

La jeune fille avait les pieds sur terre, au moins elle comprenait mon raisonnement et même ne me donnait pas tord sur le font... Elle m'affirme cependant qu'ici elle n'est que Jaina? C'est étrange, c'est généralement la première chose que j'essaie d'apprendre chez mes clients mais ici, c'est au moment exact durant lequel elle affirme cela que je me rends compte que je ne connaissais même pas son nom avant cette phrase! Il faut croire que l'évolution de la conversation a été plus directe que ce dont j'ai l'habitude... Quoi qu'il en soit, elle suit mon conseil et se dirige vers une table à laquelle se trouvent des hommes qu'elle semble connaître, bien cela l'occupera sans doute et moi, cela me permet de faire ce que j'ai à faire à savoir : m'occuper d'autres clients. Ainsi, je me dirige vers une des tables situé le long des murs de la taverne pour y servir deux jeunes hommes qui discutent fougueusement, j'ai vu que leurs verres sont vides mais vu leur conversation, je sais qu'ils sont encore là pour un moment, c'est le genre de chose que l'on remarque quand on a de l'expérience ainsi, je remplis leurs bières et ils ne s'arrêtent même pas pour me remercier mais qu'importe, ce sera une consommation de plus sur leur note! Pendant ce temps, j'observe la jeune garde qui va de table en table, elle semble être fortement appréciée de la population et elle a l'air de savoir comment les aborder, c'est assez plaisant à voir en réalité, au moins elle n'est pas aussi perdue que j'aurais pu le croire aux premiers abords. Je retourne au comptoir faire payer le vieil homme qui boit l'alcool spécial, il me donne le nombre exact de cristaux en m'affirmant que mon service est toujours exemplaire. Je souris, le remerciant vivement alors qu'il s'en va. Bien-sûr il ne laisse pas de pourboire mais je ne lui en veut pas, le prix de sa boisson est déjà bien assez coûteux! C'est alors que la demoiselle se tourne vers moi, me demandant si je refuse toujours son offre... Je soupire doucement, elle a véritablement l'air d'être à l'aise avec les gens alors, pourquoi pas?

"Bon d'accord... Mais dès que ça ce calme tu arrêtes!"

Je dois avouer que l'aide de la demoiselle est une véritable bénédiction, je lui indique quelle table servir et je peux me concentrer sur les commandes et la paie des diverses additions, cela rend la chose beaucoup plus facile et me fait dire qu'il est vraiment temps que j'engage quelqu'un pour servir les commandes! La soirée passe beaucoup plus vite que prévue, je prends les commandes, les additions et le pourboire que je sépare en deux sans le dire à la jeune fille. Lorsque finalement la taverne se vide et que Jaina me rejoins je lui rend les cristaux de sa propre consommation et lui donne également la moitié des pourboires reçus après qu'elle ait commencé à servir les gens! Bien-entendu, je ne lui laisse en aucun cas la moindre occasion de refuser, après tout son aide m'a été précieuse et j'aurais l'impression de l'exploiter si je ne lui donne rien, je ne peux pas lui offrir de paie mais hors de question de ne rien lui offrir pour son aide!

"Merci pour l'aide, j'espère te revoir dans mon établissement! En tout cas, si cela ne fonctionne pas pour toi dans la garde, il sera de mon plaisir de t'engager comme serveuse!"

Je dis cela en rigolant, une petite plaisanterie en quelques sortes même si cela n'est pas totalement faux! Quoi qu'il en soit, je la laisse quitter l'établissement avant de fermer ce-dernier pour rentrer chez moi en sachant que demain, il faudra me lever tôt : Il va falloir que je me trouve une serveuse, cette soirée m'en a convaincue!