feat.
Elle en avait perdu le compte et elle n'en pouvait plus. Lutzi est relativement patiente quand elle donne ses cours, elle sait que parfois elle n'est pas toujours claire, dans l'élan de la chose elle peut omettre certains détails. Mais là, elle était contente que ce cours soit enfin fini. Un élève particulièrement à l'ouest, trop simplet ou complètement con ? Elle n'en savait rien, mais elle espérait de tout coeur ne plus jamais le revoir.
Elle s'enferma dans son bureau pour finir les quelques affaires qui traînaient, notamment un dossier d'inscription à valider, des papiers plus ou moins importants à remplir et les comptes à mettre à jour. Une fois tout ce travail effectué, elle jeta les piles de papier dans un coin de la pièce se rassurant elle-même.
- Mais oui, t'inquiète pas Lutzi, tu ne vas pas les oublier ce n'est pas dans tes habitudes.
Elle n'y croyait pas une seconde, mais elle en avait assez. Avant de sortir elle s'alluma à la bougie une petite feuille enroulée autour d'un peu de tabac. Lutzi amena délicatement à sa bouche la feuille puis aspira une longue bouffée, la bouffée de fin de journée qu'elle savoura avant de souffler un filet de fumée dans son bureau. Puis, elle sortit du théâtre s'assurant d'avoir bien pris ses affaires et correctement fermé la porte, avant de se diriger vers l'endroit le plus proche du théâtre enclin à lui servir une pinte fraîche.
Dehors, il faisait chaud, mais il y a avait juste assez de vent pour que ce ne soit pas désagréable. Lutzi était habillée, comme à son habitude, très légèrement, elle avait un haut noir qui lui arrivait au niveau du nombril, laissant passer le vent qui caressait son abdomen exposé à l'air libre et c'était loin d'être désagréable, en effet cela lui faisait se sentir toute légère et après une journée comme celle là ce n'était pas de refus.
Quand elle trouva enfin le lieu de sa prochaine consommation, elle rentra avec nonchalance sans prendre le temps de lire le nom de la taverne, à la limite de claquer la porte. Puis elle s'affala sur le comptoir commandant la pinte tant attendue !
- Une pinte de votre bière la plus fraîche, s'il vous plaît et vite.
Le barman la dévisagea, mais s'attela quand même à la tâche. Elle se releva, s'asseyant correctement sur le tabouret et prit le temps d'analyser un peu les gens présents dans la pièce. L'ambiance était chaleureuse, les gens buvaient et criaient plus que parlaient. L'odeur de l'alcool (ou peut-être des alcooliques qui transpiraient) avait envahi tout la salle, cela eu pour effet de provoquer une petite grimace sur le visage de Lutzi qui oublia bien vite l'odeur pour se concentrer sur sa bière qui venait d'arriver. Elle paya le serveur avec un clin d’œil mais aussi des cristaux qui traînaient dans sa poche. Elle sortit également une nouvelle feuille ou, comme elle aime appeler ça une "fumette" d'une petite pochette qu'elle gardait précieusement dans son sac. Elle demanda à quelqu'un dans la salle si il n'avait pas de quoi l'allumer et par miracle l'homme à côté d'elle possédait une pierre de feu !
- Il faut vraiment que je m'en prenne une, je sais pas comment j'ai fait depuis tout ce temps mais ça devient critique !
Vous me sauvez la vie, merci !
- Boarf ! Pas de soucis ma petite dame ! Vous êtes ici pour le spectacle ?
Un spectacle ? Non mais sérieux, il pouvait pas genre rien se passer du tout pour une fois ? Elle replaça une mèche rebelle, puis tira une fois en soufflant sans aucune forme de pitié sur le visage de l'homme à côté d'elle. D'ailleurs elle trouva bizarre que celui-ci, qui n'avait pas vraiment l'air plus vieux qu'elle, l'appela "ma petite dame". Elle lui répondit d'un haussement d'épaules puis se retourna vers sa bière en tapant légèrement sur la feuille pour faire tomber le petit morceau de cendre qui pendait.
Elle hésita un instant à s'en aller après sa pinte, mais la curiosité l'emporta et Lutzi s'accouda sur le comptoir en attendant le début du spectacle...
Je me présente, je suis le grand Mag'Oz,
Je m'en vais vous présenter ma magique prose,
Des tours à vous en donner la berlue !
Des tours c'est promis, sans pouvoirs, sans Lucy
Que de la vraie magie, sans mensonge ni tricherie.
-Eum... Excuse-moi, y aurait moyen de t'en piquer une ?
feat.
L'attente ne fut pas trop longue. La preuve, il restait un peu de bière dans la pinte. Les rideaux se levèrent, laissant apparaître un homme capé et enchapeauté dans une tenue ne laissant pas trop de place au doute. Lutzi s'était imaginé à peu près tout : un mini concert, de l'impro etc... Tout sauf un tour de magie, sans "vraie" magie. L’incongruité de la situation fit lâcher un rire d'étonnement à la comédienne qui non seulement était surprise mais aussi très amusée par la posture très...dramatique du magicien.
Le spectacle se déroula tranquillement, Lutzi n'arrivait pas vraiment à déterminer si elle était en admiration devant des tours si illusoires ou si elle trouvait ça stupide de faire de la prestidigitation dans un monde où la magie était quand même courante. Mais ces quelques tours eurent le mérite de retenir son attention tout du long.
Il n'était pas aisé de rendre attentif Lutzi à tout ce qui était magique. Elle trouvait ça, certes, pratique dans certains cas. Mais elle, n'en trouvait pas personnellement d'utilité ni d'intérêt dans sa vie quotidienne. La comédienne ne comprenait pas vraiment les gens qui ne vivait QUE pour la magie, il y avait tellement plus intéressant dans la vie que de pouvoir changer l'eau en vin - bon c'était une exception ! Ça c'était vraiment intéressant !
Son pouvoir, elle ne s'en servait que rarement, parfois par inadvertance oubliant qu'il existe. Alors oui, ce spectacle de magie fictive captiva son attention car il y avait là quelque chose d'original et de ridicule qui donnait un certain charme au prestidigitateur.
Quelques applaudissements plus tard, Lutzi retourna à son affaire, c'est-à-dire sa pinte, qu'elle n'avait pas fini. Elle bue le tout d'une traite et harcela l'autre gars de toute à l'heure pour allumer une de ses cigarettes.
"Une dernière puis je rentre." pensa-t-elle. C'était sans compter sur une légère pression sur son épaule qui lui fit lever vaguement un de ses sourcils noirs. Elle tourna légèrement la tête, et se trouva nez à nez avec el famoso magicien qui lui demandait sans pression aucune une de ses seiches. Elle voulut lui répondre normalement mais elle se rappela sa manière de parler en rime durant sa prestation, elle vit là une occasion de s'amuser un peu. Yeux dans les yeux, elle prit son sourire le plus narquois possible réfléchissant un peu puis se lança :
Un don je ne pourrais vous faire.
Une bière contre mon tabac, cela vous convient ?
Plus équitable me paraît cette affaire.
Elle exhala un petit nuage de fumée qu'elle envoya en direction du prestidigitateur, toujours le sourire aux lèvres. Au passage, elle comprit que la soirée n'allait pas se terminer là pour elle et cela n’agaçait pas la comédienne, au contraire, elle voyait enfin de quoi bien finir la journée : se faire payer une bière tout en embêtant un magicien pas si magique que ça. Cette pensée la ravie.
Mais il vous faudra des rimes un peu plus féroces,
Et un lever de coude un peu plus véloce,
Si vous voulez parfaitement imiter mon style.
-Mets-en deux ou trois et je te paierai une bière avec plaisir.
-Je m'appelle Erland. Tu peux m'appeler Mag'Oz si tu veux, mais c'est juste mon nom de scène et il est un peu pompeux ahah. C'est surtout pour impressionner les simples d'esprit. T'as vu mon passage sur scène ? T'en as pensé quoi ?
Yep, pas besoin de grand chose pour le lancer, le petit Mago...
feat.
Sourire aux lèvres, le magicien ne tarda pas à répondre avec habileté clouant plus ou moins le bec à la comédienne. Lutzi était agacée, mais elle n'en fut pas pour autant vexée. Un rire discret s'échappa de la bouche de la jeune femme en même temps qu'un léger filet de fumée, son interlocuteur avait de la réparti, il marquait déjà un bon point. Cependant, il n'avait toujours pas répondu à sa proposition, ce qui l'induisit à penser que l'homme en face n'allait pas accepter si facilement. Elle le regarda boire sa bière, écouta sa proposition et leva légèrement les yeux au ciel, "toujours plus !" pensa-t-elle.
- Monsieur est dur en affaire. Deux maintenant et si tout se passe bien, à la fin, je t'en donne une troisième.
Lutzi n'essaya pas de marchander plus que ça, puis fumer à deux c'était toujours plus agréable que seule. Elle donna tout ce qu'il y avait à donner puis reçu tout ce qu'il y avait à recevoir. Le magicien leva son verre et la comédienne trinqua avec lui. Après une journée comme celle-là, elle se trouvait chanceuse de ne pas se trouver avec un idiot fini. Alors, puisqu'il fallait bien commencer la conversation quelque part, le magicien se présenta et demanda l'avis de la jeune femme. Elle fut ravie, car elle avait deux ou trois trucs à dire sur sa prestation puis une question qu'elle ne pouvait pas retenir plus longtemps.
- Enchantée, moi c'est Lutzi. Je me contenterai d'Erland ou de Monsieur le magicien si tu veux bien.
Elle se gratta le menton, leva les yeux au ciel, signe évident d'une réflexion qui n'en était pas vraiment une. Elle savait ce qu'elle voulait dire, mais voulait laisser un peu de suspense. Et puis voir le magicien, attendre sa réponse, n'avait pas de prix. Ses traits fins, avaient quelque chose d'intriguant et la comédienne voulait décidément en savoir plus.
- Alors tout d'abord, c'est bien t'as une bonne présence sur scène, tu attires assez bien l'attention - bon, là on est dans une auberge et les gens ne sont pas forcément lucide, mais t'as réussi à captiver ton audience dès le début et c'est une qualité non négligeable - mais fais gaffe sur la durée. Quand tu vois que tu perds ton public, fais un truc pour les réveiller. Tout est une question de dosage, mais t'as un truc donc c'est déjà bien !
Ça y est elle était lancée, probablement que rien ne pouvait l'arrêter, son débit de parole était assez impressionnant. Rapide mais clair, signe d'une certaine expérience dans l'éloquence. Elle continua, résumant les points fort et les points faible du spectacle. Elle était complètement objective, pas de mot de travers, elle voyait qu'il y avait du travail et elle respectait ça. Puis une fois, son avis étalé en long, large et travers, il lui fallait maintenant des réponses. Elle bu un coup, histoire de s'humidifier ses lèvres puis, de sa voix chaude posa la fameuse question.
- J'ai juste une question. Pourquoi se risquer à la prestidigitation ? Dans notre monde où la magie est omniprésente, c'est un peu comique de voir quelqu'un essayer de faire de la - en faisant des guillemets avec ses doigts - fausse magie. Bien que, je trouve cela courageux.
Ouf ! C'est bon, Lutzi avait fini de parler, elle prit une autre cigarette se pencha vers le tavernier qui lui alluma sans rien dire. Puis, la comédienne s'accouda sur le comptoir et croisa les jambes attendant le plus sérieusement du monde la réponse à cette question.
-Je euh...
-Oh, je vois... Encore une adoratrice de l'usurpatrice ? Eh bien sache, pour ta gouverne, que ma magie est la seule vraie magie. Le mythe de Lucy n'est qu'une invention du Royaume pour empêcher les citoyens de chercher à en savoir plus. Comme ça ils gardent tout le monde tranquille et ils peuvent faire leurs magouilles dans leur coin.
-C'était une analyse plutôt détaillée, dis-moi ! J'ai pas compris la moitié des mots que t'as utilisés ahah... Et dans ceux que j'ai compris, j'en ai pas retenu la moitié je crois... Tu bosses dans le métier ou quoi ?
feat.
Lutzi avait dû toucher une corde sensible du garçon pour obtenir une telle réaction face à une question si simple. La réponse semblait presque automatique comme s'il suffisait d'un mot pour que la réponse s’enclenche. De plus, la condescendance dont faisait preuve le magicien ne plaisait pas du tout à la jeune femme. Elle le vit galérer avec sa cigarette, elle eut presque pitié de lui. Elle rigola un instant se moquant clairement de ses dires, et replaça cette foutue mèche avant de répondre avec tout autant de condescendance :
- T'es mignon avec ta réponse préconçue. Elle lui lança un petit clin d’œil provocateur. Mais c'est pas ce que je t'ai demandé, moi ce que j'ai demandé c'est : pourquoi tu fais ça ? Vrai ou fausse magie, en vrai moi ça m'est égale, donc ton discours conspirationniste tu me le sortiras quand je serai tellement éméchée que je pourrais ne plus me souvenir de ce que tu m'auras dit la veille.
Voilà qui était dit ! Bon...En vrai, tout ça amusait grandement Lutzi, elle aimait bien ces petites joutes verbales et son interlocuteur avait l'air de bien encaisser les coups et de contrer avec aisance. Seulement, ce n'était pas la seule chose qu'il avait répondue. Elle avait compris, qu'il avait compris et tous les deux étaient plutôt étonné de rencontrer quelqu'un comme ça dans un endroit pareil. Malheureusement pour lui, comme avant, il lança Lutzi sur un sujet qui était quasiment inépuisable. Elle était dans le métier depuis longtemps, avait beaucoup à dire, mais cette fois elle s'en tiendrait au renseignement de base, elle n'était pas obligée d'étaler sa science tout le temps même si la comédienne adorait parler d'elle et de ce qu'elle faisait, puis ça faisait toujours de la pub. Alors elle fuma un coup, de la fumée sortit de ses narines et puis elle répondit simplement.
- Ouais. Je suis comédienne. Enfin, ça c'est quand je ne gère pas les cours, les visites et la paperasse de mon théâtre. La Rousselle. C'est le nom du théâtre. Au sud d'ici. Elle but une gorgée. Donc tu te doutes bien que je m'y connais un peu ! Tu devrais passer un jour prendre des cours.
Ce "Tu devrais passer un jour prendre des cours." elle le sortait à chaque fois qu'elle parlait de son théâtre. C'était devenu un automatisme, un peu comme ce que semblait être la réponse du magicien mais là c'était plus de la provocation que de la promotion. Parfois cette phrase était accompagnée d'un "Tu veux qu'on visite ?" qui était certainement pas là pour faire de la pub mais juste une phrase débile pour ramener quelqu'un chez elle. Elle songea à toutes ces fois où ça avait marché, puis un sourire éphémère apparu sur son visage. Lutzi hésita puis abandonna l'idée, il était trop tôt, ou alors elle n'était pas assez saoul. Elle secoua légèrement la tête avant de reprendre une gorgée, l'alcool mélangé à la fatigue commençait à lui monter un peu à la tête mais elle gardait encore tous ses esprits.
- C'est à mon tour de poser une question. T'as pas l'air de porter la magie dans ton cœur, c'est quoi ? T'es frustré d'avoir quelque chose qui te sers pas ? Le prend pas mal hein, moi aussi j'ai un pouvoir de merde... C'est juste que ça court pas les rues une telle aversion.
-Oulah, désolé ma bonne dame ! Vous savez, je ne suis que le lanceur d'alerte moi, hein !
-Hum... C'est quelqu'un de très cher à mes yeux qui m'a appris la prestidigitation. J'ai toujours adoré ça. Et puis... Ses mains disparurent sous la table pour en ressortir un instant plus tard avec un petit porte-clef au bout duquel pendait une grosse clef. Et puis ça m'a appris quelques « talents » un peu particuliers qui m'ont été pas mal utiles à certaines périodes...Alors dis-moi... Ce sont les clefs de chez toi ?
-Je vois... Donc ce sont les clefs de ton théâtre ? Bah écoute c'est sûr, je passerai dès que je pourrai ! J'ai encore pas mal à apprendre eheh enfin... si tu veux bien de moi bien sûr. Tu dois déjà être pas mal occupée j'imagine...
-Ok, je te propose un truc : pour apprendre à se connaître, chacun notre tour on pose une question personnelle à l'autre. Il ou elle a le droit de refuser de répondre, mais doit alors boire sa bière cul sec. Ça te va ? Du coup... Je hais la magie car les gens en tirent une fierté déplacée. Ils se sentent puissants et se donnent une importance qu'ils ne méritent pas. Alors que ma magie à moi -ou le théâtre, pour ce que ça vaut- reposent entièrement sur un travail acharné et un apprentissage assidu. On mérite plus que ces prétentieux, et pourtant on nous apporte moins de crédit... Et pour info, oui. Mon pouvoir est naze. Vraiment naze.
-Ok, à moi maintenant ! Tu as l'air vachement jeune pour avoir ton propre théâtre. Comment tu as fait pour en arriver là ?
feat.
Le magicien s'était clairement rendu compte qu'il s'était emporté, il s'excusa faussement. "Un lanceur d'alerte" pensa-t-elle en levant les yeux au ciel. Lutzi se surprit à pouffer légèrement. C'était presque absurde comme situation. Elle en avait vu des phénomènes mais celui-là avait vraiment réponse à tout, c'était presque frustrant mais Lutzi n'était pas du genre à se laisser faire !
Mais enfin, il daigna répondre à sa question, vaguement certes mais une réponse quand même. En même temps, il sortit un porte clé familier à la comédienne. Elle le coupa légèrement.
- Quel rapport avec... Elle s'arrêta quelques secondes, le magicien finit sa phrase et Lutzi se leva du tabouret. Non mais c'est à MOI ! Comment t'as fait ?! Rends-moi ça !
Elle se rua sur lui, essayant tant bien que mal de récupérer ses clés. Et telle la suite du spectacle, le reste de la taverne assista à la scène. Finalement, Lutzi tendit le bras en l'air, clé en main, riant de la victoire
L'homme en face d'elle, assurément étonné de la rapidité de l'enchaînement de la situation, écouta ses explications concernant son appartenance au milieu et semblait intéressé. Lutzi était contente, si effectivement il envisageait de passer cela ferait une rentrée d'argent en plus. Cependant, il ne fallait pas se montrer trop enthousiaste, car il faut faire croire au client que ce sont eux qui ont besoin de nous et pas l'inverse, sinon ils prennent la grosse tête et chipotent un peu trop sur leur "contrat". Elle enchaîna et le magicien lui fit une proposition qu'elle ne pouvait pas refuser ! C'était un moyen d'en savoir plus sans pour autant faire penser au potentiel client qu'il était désiré et puis si en plus on pouvait boire alors Lutzi ne pouvait que dire oui !
- Je marche !
La comédienne écouta la réponse du magicien. Lutzi se demanda si c'était vraiment la magie qu'il détestait, on sentait plus une amertume envers les conventions sociales actuelles que dans la magie à proprement parlé. Elle partageait ses idées, peut-être pas aussi intensément car elle n'en avait pas réellement souffert mais plus parce qu'elle pensait que c'était une solution de facilité, un raccourci et qu'il était plus méritant de parvenir à ses fins sans qu'avec.
- Je comprends et dans un certain sens, je suis d'accord avec toi. J'aurai toujours plus d'estime pour quelqu'un qui mérite sa place que pour quelqu'un qui est là par un concours de circonstances qui l'avantage.
C'était à son tour, elle s'attendait à une question facile du genre "Oh ! Mais est-ce que tu connais untel !" C'était une des questions qui revenait souvent. Oui, elle connaissait vaguement quelques célébrités, mais c'était plus de la concurrence qu'autre chose. Mais là, il posa une question, qui fit sourire la jeune femme. Elle prit une autre cigarette qu'elle fit allumer, laissa un léger temps et se lança. C'était une histoire un peu bête pour une question qui ne l'était pas temps que ça.
- Haha, c'est pas con comme question. On me l'a donné il y a 3 ans. Elle attendit la réaction du magicien. Sortir ça juste après un discours sur le mérite c'était gonflé, mais elle aimait bien le taquiner. Plus précisément, je l'ai gagné en fait. Le théâtre ne valait plus rien, plus personne ne venait là-bas -t'aurais vu l'état en même temps- et le patron était fauché. Il voulait vendre mais la seule condition c'était que l'endroit reste un lieu ayant pour objectif de promouvoir les arts, fauché mais passionné le monsieur. Il ne trouva pas d'acheteur. Un jour, il fit comprendre qu'il céderait gratuitement le théâtre pour qui saurait le convaincre. Tu te doutes bien que cette info passa dans mes oreilles, à l'époque, bien que je sois dans le métier et que je jouais un peu, j'avais pas un sous je squattais ici et là, alors là je vis l'opportunité que j'attendais tant. Tu te doutes bien que j'étais pas la seule, quand on prononce le mot magique "gratuit" on a tout de suite des vautours qui rôdes. Tout le monde proposa son projet, j'étais la plus convaincante et banco. Après quelques années de travaux avec des "amis" qui me devaient un service, le théâtre La Rousselle renaissait de ses cendres. Aujourd'hui, avec tous les efforts du monde, le théâtre fonctionne bien, j'ai pas mal de partenariat et on reçoit pas mal d'artiste et d'élève. Belle histoire hein ?
Le plus compliqué ne fut pas l'acquisition du théâtre, elle s'était débrouillée à merveille. Non, ce qui avait été difficile c'était la restauration, Lutzi n'était pas qualifiée, elle avait demandé de l'aide financièrement pour embaucher de la main d'œuvre à ses parents mais quelle idée ! Elle n'était pas fière mais elle utilisa tous les moyens à sa portée, chantage, arrangement...C'était une partie de sa vie qu'elle avait préféré mettre de côté, aujourd'hui elle n'avait plus de compte à rendre et elle ne culpabilisait pas du tout de vivre dans le déni.
Elle laissa au magicien le temps de réagir avant de réfléchir à une autre question.
- Donc, monsieur le magicien... Vous avez parlé de cette personne qui vous a appris la prestidigitation, comment vous êtes-vous rencontré ? C'est assez étonnant qu'une personne révèle ses secrets au premier venu, il y a forcément un truc en plus !
-J'avoue c'est dingue. Bon ça va, je pense qu'on peut dire que tu rentres dans la catégorie des « travailleuses acharnées qui ont du mérite » eheh...
-Joker.
-Ok, j'avoue, ma pinte était à moitié vide... Du coup je t'accorde un petit indice. Mais après, plus d'autres questions là dessus, ok ? Alors... On va dire qu'il « travaillait pour moi ».
A ce rythme, l'ancien noble allait bien rapidement être saoul. Mais après tout, n'était-ce pas là le but ?
feat.
- Joker.
Joker ? Joker ! Le silence précédent la réponse ne fit qu'accroître la curiosité de Lutzi qui voulait définitivement en savoir plus. Un sourire malicieux se dessina sur son visage et son esprit était en ébullition. Des théories farfelues lui traversèrent l'esprit. Peut-être que la magicien prit en pitié la comédienne, ou peut-être avait-il peur des potentielles divagations de l'esprit de la jeune femme car il apporta quelques précisions sous couvert d'une équité et d'un suivi des règles du jeu. Mais commençant plus ou moins à cerner son compagnon de comptoir elle se doutait fortement que ce fût plus pour entretenir un mystère autour de sa personne. Elle trouva ça charmant, Lutzi lui lança un regard plus que douteux. Un silence entre les deux s'installa entrecoupé de petits bruits de réflexion.
Son "mentor" travaillait pour lui donc, il a bien fallu que les rôles de dominance s'inversent. De plus, cela induisait que le magicien n'était pas magicien mais tenait un rôle à responsabilité pour qu'il ait un larbin. Erland avait précisé qu'il n'aborderait plus le sujet de l'apprentissage de ses tours. Il fallait donc axer la conversation sur autre chose, avec subtilité mais pas trop. Un soupçon de provocation permettait toujours de se rapproché du sujet souhaité. Surtout que "l'indice" n'était pas mineur, il impliquait énormément de chose. Le cerveau de Lutzi était en totale ébullition. Était-il un ancien du milieu reconvertit ? Non. Elle en aurait déjà entendu parler. Donc, le jeune homme venait d'un tout autre milieu. D'ailleurs, c'est vrai que celui-ci n'était pas bien vieux, un héritage familial ? Le magicien avait l'air d'être pris d'une certaine passion du mérite, ce qui expliquerait pourquoi il aurait tout plaqué pour repartir de zéro. Il ne fallait pas non plus négliger le fait qu'il ne soit pas vraiment en bon terme avec la magie.
La question la plus simple à poser en suivant c'était "Vous faisiez quoi avant ?", cependant il fallait aussi que l'autre réponde et ne s'abandonne pas trop à la boisson. Quoique le faire boire, lui délierai peut-être la langue, cependant elle ne connaissait pas les conséquences de l'alcool sur sa personne, elle se réserva donc cette solution en dernier recours. La question devait être personnelle mais pas trop, subtile mais pas trop non plus et précise sans trop l'être. Puis un éclair de génie lui traversa sa cervelle. Pourquoi s'embêter avec une question ? Autant affirmer les choses et voir comment il réagirait, puis ça évitait de trop attendre.
Lutzi s'étira, se racla la gorge puis se rapprocha du magicien tout en jouant avec sa chope. Elle prit soin de parler le plus rapidement possible afin d'éviter d'être interrompu elle voulait exposer l'entièreté de son raisonnement. Elle était ravie de voir qu'elle n'avait pas encore assez bu pour s'embrouiller dans ses réflexions bien qu'elle se sentait plus légère.
- Bon...Si j'ai bien compris Monsieur le magicien. Vous étiez quelqu'un d'important, assez pour avoir des gens sous vos ordres. Situation qui, clairement, ne vous convenait pas...Un manque de mérite peut-être lié à - vu votre âge probablement proche du mien - votre situation familiale. Des riches commerçants, ou soyons fou une famille proche de la royauté...
Elle espérait mettre mal à l'aise le garçon, comme ça la comédienne pouvait mieux observer ses réactions. C'était un peu ridicule mais cela amusa Lutzi.
-Et vous, madame la comédienne, vous disposez d'une imagination débordante. Tu trouves vraiment que j'ai la tête d'un noble ?
-Allez, à moi ! Tu connais des célébrités ? Genre Léonard de Câpres ? Tu sais que j'ai eu une aventure avec une star ?
feat.
Le magicien esquiva habilement la question, décidément elle n'aurait pas ce qu'elle voulait. D'ailleurs son esquive verbale fit rire Lutzi de plus belle, il était vrai que son compagnon de beuverie n'avait en aucun cas la tête d'un nobliau et ses sapes n'avait pas l'air de très bonnes factures, en somme rien qui pourrait faire penser à une origine noble et Lutzi était bien placé pour savoir que de belles phrases construites n'étaient pas gage de noblesse. N'empêche, elle avait tenté le coup, le mystère planait toujours autour des origines du magicien et la comédienne laissa de côté la conversation comprenant qu'elle n'obtiendrait rien de probant pour le moment.
- Hahaha, en effet t'es biiien loin de l'image qu'on se fait du petit noble pataugeant dans l'opulence c'est même tout le contraire.
Elle se moquait sans se cacher, en même temps elle ne s'était jamais vraiment cachée et lui non plus. Comme il l'avait si bien rappelé, c'était à son tour de poser une question et celle-ci n'étonna pas Lutzi, c'était une question qui revenait souvent et la question était assez simple : Oui bien sûr ! Le problème c'est qu'une grande partie des célébrités n'étaient pas associés à l'art. Ce qui faisait rêver les gens c'étaient les personnalités aux faits d'armes extraordinaires et aux pouvoirs extraordinaires. Donc les célébrités de Lutzi n'étaient pas les mêmes que pour une grande partie du peuple. Heureusement, certaines personnalités sortaient du lot et étaient reconnues pour leur art et non pas pour avoir fait mumuse avec des couteaux plus ou moins gros qui ne sont là que pour gonfler les egos. Léonard de Câpres, elle l'avait déjà croisé à une soirée, ils avaient brièvement discuté ensemble, rien de passionnant. Mais il n'était pas le seul qu'elle connaissait et elle allait se faire une joie d'éveiller l'envie du magicien. Non sans un peu exagérer, évidemment.
- Le vieux Léo ? Bien sûr que je l'ai déjà vu, j'ai même dîner avec lui. Après je connais bien, Vinhcent Passel, ou peut-être que tu as déjà entendu parler de Nathalia Bortman ? On se voit souvent...
Après, Lutzi n'allait pas étendre tout son catalogue de contact, surtout que dedans il y avait bien sûr quelques personnes qu'elle voyait régulièrement, mais en général c'était des gens qu'elles croisaient rarement et c'était juste histoire de montrer qu'elle pesait dans le milieu, alors qu'il y avait quand même, beaucoup mieux et plus influent qu'elle.
Mais du coup, le petit magicien avait déjà un petit passif avec une célébrité...Lutzi aimait bien les potins, les rumeurs c'est ce qui faisait vivre le milieu.
- Oh...Une aventure avec une star ! C'est que Monsieur a du succès, c'était bien ? C'est quoi son petit nom ? Tu peux considérer ça comme mon tour à notre jeu. Dit-elle avec un grand sourire intéressé.