Les dernières informations reçues avaient été claires. Les décisions les ont suivi, en parfaite concordance : il fallait agir, ne pas laisser les choses dégénérer mais surtout, faire régner l'ordre. La situation est, au demeurant, on ne peut plus simple : une rixe avait éclatée dans une grande taverne non loin des quais, un peu excentrée, ayant bâtie sa réputation sur de l'alcool de qualité et quelques marchandises de contrebande. L'occasion était trop belle pour le Lieutenant. Il pouvait, avec l'aide de ses neufs hommes, mettre un terme à toutes ces actions, à tous ces actes illicites qui nuisaient à la population avec la prolifération incessante de malfrats - bien qu'ils restent souvent sans grande envergure, sans ambition mais surtout sans compétence. En cette soirée, la Justice marchait d'un pas solennel et impérieux dans les rues de Grand-Port, prête à frapper. Le petit bataillon d'hommes, armés d'épées et couverts d'armures légères - qui leur laissaient la possibilité de faire d'amples mouvements habiles et précis -, arrivait d'un pas lourd devant la taverne. Des cris se répandaient dans la rue, des éclats de verre gisaient au sol, un homme se tenait la mâchoire et tentait de se relever en s'appuyant tant bien que mal sur un tonneau qui, malheureusement pour lui, vacilla et fit tomber son compagnon de fortune. Emeor soupira. Il passe rapidement devant l'homme. Des vitres étaient brisées, laissant apercevoir le chaos intérieur - qui s'était répandu tel un fléau à l'extérieur de la taverne ; des hommes lançaient des chaises en hurlant au ciel - malgré le bas plafond- des injures, d'autres, plus conventionnels il faut croire, se battaient à un main nue, le cri de l'un d'eux fit comprendre que les dents pouvaient tout aussi bien servir d'armes. La porte était, tout naturellement grande ouverte. "Au bon vivant ! Taverne et Auberge". Quelle ironie.
Le pas lourd, épuisé par un voyage de plusieurs jours sans une nuit de repos correcte, Eivar avait à peine franchit l’immense porte de la ville marchande au moment ou son corps entier lui fit comprendre qu’il n’irait pas plus loin. Suivant les ruelles les plus éclairées, il avait fini par atteindre les quais, qui tenaient largement leur réputation d’animation touristique, même à une heure aussi avancée. Le jeune homme s’était d’ailleurs presque fait embarqué dans ce qui semblait être une petite fête locale, où la liqueur coulait tant à flot que tout passant était le bienvenue pour aider à vider les fûts. Et bien que n’étant pas du genre à refuser un verre, ses mollets tremblotants le poussèrent à décliner aimablement, avant de s’en retourner vers une rue adjacente.
C’était là qu’il avait finit par tomber sur un établissement plus que respectable au premier abord : le rez-de-chaussé avait tout ce qu’on pourrait attendre d’une taverne chaleureuse, plusieurs tablées de clients plus ou moins bruyants, tantôt jouant aux cartes, tantôt réinventant simplement le monde, le tout une choppe à la main. Assis au bar, trois hommes solides - des marins sûrement, aux vues de leur accoutrement – semblaient des habitués de la boutique, leurs voix portant bien au dessus du lot, plaisantant avec le tenancier comme avec un compagnon d’équipage. Au fond de la pièce, deux jeunes femmes, tentaient tant bien que mal de faire entendre un chant mélodieux au milieu de ce joyeux brouhaha.
En franchissant le seuil de l’établissement, quelques regards se tournèrent vers lui, étrangement méfiants, faisant taire quelques conversations… Mais Eivar n’en tint pas plus compte que ça, et se dirigea simplement vers l’aubergiste, qui le fixait d’un air interrogatif.
- Je sais qu’il est un peu tard pour ça, mais vous feriez un heureux en m’annonçant qu’il vous reste une chambre pour la nuit.
Le jeune homme avait à peine eu le temps de ponctuer sa phrases que déjà toutes les conversations avaient repris de bon cœur. Même les traits de l’homme qui lui faisait face semblaient plus serein, et avec un grand sourire et un accent assez typique du coin, il lui répondit qu’en cette saison les clients venaient plus pour la boisson que pour les lits. C’est ainsi qu’il lui proposa sa chambre la plus prestigieuse à un prix cassé, puisque dans tous les cas, c’était de l’argent gagné pour lui. L’occasion était trop belle pour passer à côté, et après avoir échangé une poignée de cristaux contre une clé en cuivre, il prit la direction des escaliers, suivant les indications qui lui avaient été données pour trouver sa chambre.
On ne lui avait pas menti : si elle ne pouvait être qualifiée de luxueuse, la pièce était aménagée de bien belle façon, et on pouvait voir le soin qui était mis dans son entretien. Sans faire attendre son corps épuisé plus longtemps, il déposa son long manteau sur une chaise, se laissa tomber sur les draps, et ne tarda pas à s’assoupir.
Il fut extirpé de son sommeil après ce qui aurait pu être quelques minutes comme plusieurs heures, par des cris et le fracas de verre brisé. Sentant bien tout son corps lui criait de rester allongé, il comprit qu’il n’avait que très peu dormi, mais ne pouvant pas rester à rien faire alors que sous ses pieds se tenait une querelle d’une extrême intensité, il prit sur lui et fit l’effort de se dresser sur ses deux jambes. A cet instant la porte de sa chambre s’ouvrit brusquement, laissant apparaître un homme assez imposant, dont l’uniforme trahissait l’appartenance au corps militaire.
Alors que le garde prononçait sa formule d’arrestation, Eivar, dont l’oreille avait perçu la fin du boucan à l’étage inférieur, comprit qu’il n’était pas venu ici tout seul, et que l’opération semblait d’envergure assez importante. Actes illicites ? Étrange, il n’avait pourtant rien remarqué du genre… enfin il n’avait pas vraiment cherché non plus. La déclaration du soldat était limpide, et si dans un meilleur jour, Eivar aurait pu songer à s’extirper de cette situation autrement que par la voie diplomatique, dans son état actuel, il se voyait mal faire face au soldat qui se dressait devant lui, alors face au régiment qui l’attendrait ensuite...
Tendant ses mains vers l’avant, paumes ouvertes, et ne quittant pas le garde des yeux, il s’avança douloureusement vers lui :
- Je vous suis avec bon cœur, mais sachez que je risque d’être un poids pour vous, non seulement je n’ai aucune idée de ce qui se passe ici, mais vous comprendrez qu’après une semaine de marche en provenance de la capitale, je risque d’avoir du mal à tenir la cadence militaire…
Sentant que son interlocuteur ne serait pas des plus réceptifs à la plaisanterie, Eivar préféra jouer franc jeu, et se laissa escorter, mains liées. Passant sur les lieux du crime, il eut l’occasion de jeter un œil au dégâts causés à cette pièce qui ne ressemblait plus tant à une taverne désormais : le silence s’était imposé en maître alors que seuls trois gardes restaient, tentant de réveiller les quelques soûlards cadavériques couchés au sol. Difficile d’imaginer qu’une demi-heure auparavant, l’endroit avait presque réussi à charmer un ancien noble.
Ce n’est qu’une fois à l’extérieur, en ressentant la brise fraîche sur ses bras nus, qu’il se rendit compte d’un détail qui pour lui avait plus d’importance que tout le reste de cette histoire.
-Brön…
Le majeur droit tendu, discrètement, Eivar prononça simplement son nom, et en un instant, le manteau argenté apparu, recouvrant ses épaules. Tournant son regard vers l’homme qui l’accompagnait, qui malgré sa rigidité paraissait au moins un peu étonné de ce qui venait de se passer, il s’adressa simplement à lui, sans détour.
-Bien, monsieur le gradé, j’espère que votre poste n’est pas trop éloigné, j’ai payé pour un lit confortable, cette nuit, et il me peinerait de me retrouver en cellule à la place...
" Présente ! Oui mon Lieutenant ? "
" Utilisez votre pouvoir pour contacter des renforts, qu'ils soient ici le plus rapidement possible. On a plus de travail que prévu.
Préférant l’ignorer plutôt que de voir en lui la cause de toute cette mascarade, Eivar se concentra sur le décor de la ville, toujours aussi lumineuse malgré l’heure avancée. Son regard papillonnant de-ci de-là entre les murs colorés, la belle route pavée sur laquelle ils se déplaçaient, et les quelques passants et leur mine interrogative, il finit par en oublier la fatigue. Ce n’est qu’une fois devant un large bâtiment qu’Eivar n’eut de mal à identifier comme étant le poste de garde, que ses mollets et ses cuisses recommencèrent à s’agiter légèrement.
- S’il se trouve un édifice duquel tout homme devrait tenir ses affaires éloignées…
Sans vraiment la contrôler, la réplique commença à sortir naturellement des lèvres du jeune homme, comme un précepte qu’on lui aurait fourré dans la tête à force de répétition. Son père, en bon noble qui se respecte, avait trempé dans quelques business peu glorieux durant ses belles années, et s’il ne s’en vantait pas plus que ça, il en avait retenu cette leçon, ce dicton qu’il répétait à sa famille à toutes les occasions… Mais en l’occurrence, la situation n’était pas vraiment convenable, c’est la raison pour laquelle le blondinet se ravisa avant de finir, sentant un regard intense dans son dos.
- Maintenant que j’y pense, c’est difficile à appliquer à ceux qui travaillent ici…
Pas étonnant qu’à part de rares exceptions, son père n’avait jamais de contact avec la garde…
Les cinq individus entrèrent dans la bâtisse, et alors que le Lieutenant à lunette faisait de nouveaux résonner sa voix, donnant leurs instructions à chacun de ses sous-fifres, Eivar ne prit pas le soin de demander l’autorisation pour s’asseoir nonchalamment dans le siège vacant d’une pièce adjacente. Dans d’autres circonstances, il aurait peut-être pris le temps de faire attention à ce qui l’entourait avant d’agir de la sorte, ce qui aurait permis d’éviter le long moment de blanc qui suivit la scène dont aucun des spectateurs ne semblait se remettre. Intrigué par l’ampleur de cette réaction, il finit par jeter un œil autour de lui, découvrant le bureau bien agencé derrière lequel il se trouvait, la pile de dossier qui y régnait, et surtout, une plaque nominative qui mit quelques instants à le faire tiquer.
- … Moi qui me demandait pourquoi ce siège était si confortable…
Prenant conscience de la situation actuelle, il essaya de se relever, pour la forme, mais se ravisa rapidement en sentant que ce fauteil ne le laisserait pas partir si facilement.
-Eivar Neass, de la noble maison Olgierd. Comme je le disais un peu plus tôt, je viens de la capitale, et j’y ai toujours vécu d’aussi loin que je m’en souvienne.
D’une voix calme et cadencée, faisant légèrement sourciller son interlocuteur qui ne s’attendait sûrement pas à le voir aussi sérieux après les scènes précédentes, Eivar ne faisait qu’énoncer les faits, ni plus ni moins. Lui aussi commençait à en avoir assez de cette histoire qui traînait en longueur sans raison, et ne pouvait s’empêcher de penser que plus vite ils en auraient fini, plus vite il pourrait, enfin, prendre un repos plus que mérité. Après avoir marqué une légère pause pour laisser le temps au soldat de prendre note, il reprit, forçant un peu sa voix pour rester au dessus de l’agitation qui régnait à l’extérieur.
- Comme vous l’aurez sûrement deviné, je suis aventurier, et la région semble propice à l’exercice de cette profession ces temps-ci. Je suis donc venu vérifier par moi même. Le voyage a été long et éprouvant, j’ai donc demandé une chambre dans la première auberge venue, point final. Quant à savoir pourquoi les autres chambres étaient vides, j’imagine que votre autre prisonnier saura mieux vous renseigner à ce pro…
**GLANG**
Le visage des deux jeunes hommes se tournèrent dans la direction du mur en même temps. Ils n’avaient aucun moyen de voir ce qui s’était passé de l’autre côté, mais ce fracas assourdissant n’annonçait rien de bon.
- Restez-ici, et ne bougez pas !
D’un bond, le Lieutenant s’était relevé, et d’un pas assuré et ferme, il avait quitté la pièce laissant le blondinet seul. En tendant l’oreille, Eivar pu entendre l’homme demander un point sur la situation, puis lancer ses directives à ses soldats avant de sortir de l’établissement. Entre les cris et les beuglement, il avait cru comprendre qu’une émeute de contrebandiers s’était rassemblée, et cherchait à faire passer un message à la milice après le coup mené plus tôt sur l’un de lieux de rencontre. A l’oreille, il lui était difficile d’estimer leur nombre, mais il ne faisait pas de doute qu’avec le peu d’hommes en poste à cette heure, diriger cette bataille et mater cette bande de voyou ne serait pas une mince affaire, même en étant un chef très capable. Un léger soupir plus tard, se grattant la tête d’une main, Eivar s’adressa à l’homme qui ne pouvait, évidemment, pas l’entendre.
- Désolé Monsieur le gradé, mais je me vois obligé de vous désobéir
En entendant les premiers signe annonciateur de la bataille de rue qui avait déjà commencée, il frappa chacune de ses cuisses de la paume de ses mains, toujours menottées.
- Encore un petit effort !
Il parvint à se redresser, et sans prendre le temps d’y réfléchir plus longtemps, il se rua vers la sortie de la pièce puis à l’extérieur du bâtiment. D’un coup d’œil, il estima les forces scélérates à une trentaine d’hommes. La garde, de son côté se composait d’une dizaine de soldats, parmi lesquels des épaules solides, et de jeunes recrues moins sereines. Un peu en retrait, le Lieutenant, toujours aussi droit, s’appliquait à veiller sur les plus faibles, couvrant leurs flancs découverts. Il avait beau avoir un tempérament peu ouvert, il n’était pas difficile, à le voir en action, de comprendre qu’il se souciait réellement de ses hommes et prenait son rôle de supérieur très au sérieux. C’est d’ailleurs le fait que son attention se portait plus sur ses hommes que sur lui même qui l’empêcha de remarquer l’un des brigands qui s’était glissé entre les rangs pour s’en prendre directement à lui. Prenant un appui à peine fluide, Eivar se rua droit dans sa direction pour lui asséner un de coude brutal au visage, mettant le bandit au sol, plié de douleur les deux mains sur le visage ensanglanté. Levant les yeux vers lui, il ne laissa pas le temps au soldat de prononcer le moindre mot, et s’inclina légèrement.
- Lieutenant, vos hommes ont besoin de vous, et je suis disposé à suivre vos ordres pour cette bataille si vous acceptez de me relâcher sans charge.
Le jeune homme savait qu’au fond de lui, le soldat était certain qu’il n’avait aucun rapport avec cette histoire de toute façon...
Un gémissement de douleur à tout à droite du rang, et la soudaine progression de la vague de bandits me fit rapidement prendre conscience de ce qui venait de se passer, et en tournant la tête un instant, je ne fus pas étonné de voir le visage de l’homme au commande crispé. Il étudiait les possibilités le plus calmement possible, mais pas besoin d’être un génie militaire pour comprendre que la formation actuelle ne pourrait plus tenir avec des effectifs réduits. Alors qu’il s’apprêtait à proposer une alternative, la voix du Lieutenant résonna derrière lui, indiquant des directives pour le moins audacieuses. Il ne lui laissa pas le temps de répondre, ou même de penser à un éventuel désaccord : en un battement de cil, il avait complètement disparu, semant l’incompréhension dans les premières lignes ennemies. Eivar lui-même perdit son attention une seconde, ce qui faillit lui être fatal.
L’homme qui lui faisait face, un large sourire planté sur ses lèvres, venait d’utiliser son pouvoir pour allonger la taille de ses ongles, et avait tenté de les planter directement dans son torse. Par reflexe, l’aventurier avait réussi à limiter les dégâts, les 5 lames se logeant directement dans son épaule, lui arrachant un léger cri de douleur, et le forçant à lâcher son arme. Il se repris rapidement, malgré la blessure, et assena une violente droite en plein dans le visage du bandit, qui ne réussit pas à rétracter ses ongles à temps.
-Sui ! Rena !
En un scintillement, ses deux Odachi signature apparurent au creux de ses mains, son bras droit tremblant légèrement à cause de la blessure ouverte à son épaule. A la vue de ces deux armes les soldats qui l’entouraient s’écartèrent du mieux possible pour lui laisser la place d’agir, et sans même dégainer, Eivar usa de leur allonge pour mettre à terre un autre opposant d’un coup de fourreau dans l’abdomen. Il ne mit pas longtemps à noter un léger mouvement à l’arrière de la foule, sur la gauche, là où devait se trouver le Lieutenant, et d’un signe de tête entendu avec l’un des gardes à ses côtés, il prit appui sur l’une de ses jambes, et s’élança directement dans la foule, prenant la tête du bataillon. Ce soudain renversement de situation insuffla le doute dans les rangs adverses, et percer leurs lignes désorganisées n’avait rien de compliqué.
Eivar n’avait jamais combattu au sein d’une armée auparavant, mais la stratégie adoptée se rapprochait des règles d’un jeu de plateau dont il était adepte. Le but était d’avancer le plus rapidement possible, sans marquer le moindre arrêt, droit vers leurs lignes arrières, qui nous tournaient désormais le dos puisqu’occupées par le Lieutenant. Cela permettait à la fois de se repositionner à notre avantage et de réduire l’effectif adverse en surprenant les troupes éloignées du front. Mais la réussite de cette manœuvre dépendant surtout de la capacité des gardes à suivre le rythme de l’avancée sans se noyer dans la masse. Ouvrant le chemin pour eux, Eivar n’avait pas le temps de se retourner pour vérifier, et ne pouvait que leur faire confiance, sans quoi lui aussi finirait absorbé.
Il lui fallut une bonne minute pour finalement apercevoir des ennemis qui lui tournaient le dos : essoufflé par son effort, Eivar parvint à asséner un coup puissant dans les côtes de l’un deux, et à casser la jambe d’un second, avant de se retrouver face à un visage familier.
-Lieutenant, ça fait plaisir de vous revoir
Se retournant pour la première fois, aperçut les premiers soldats sortir de la foule à sa suite, pour vite reprendre position. Avaient-ils tous réussi à passer ?
Cependant même dans sa droiture et sa fermeté, il n’en restait pas moins un homme fier, et d’un simple coup d’œil, Eivar avait remarqué une pointe d’agacement dans ses mouvements. Il prenait plus de risque, s’exposait beaucoup plus qu’au début du combat, ce qui était compréhensible : n’importe qui, si patient soit-il, commencerait à perdre son sang froid face à cet affrontement qui n’en finissait pas, d’autant plus alors que deux membres de son unité avaient été incapacités, et pas un seul n’était indemne. L’aventurier fit un pas en avant vers le Lieutenant qui s’était écarté du rang, il comptait l’interpeller, l’aider à reprendre son calme, au moment où un son salvateur se fit entendre. Le bruit à peine organisé d’une trentaine de paires de bottes sur le sol aurait pu laisser présager le pire, mais le regard paniqué des brigands, et le murmure émanant de leur amas ne laissa aucune place au doute : ils n’attendaient aucun renfort, nous si.
D’un coup brutal, et comme un seul homme, l’escouade s’arrêta net, et les trente gardes firent trembler le sol d’un coup de lance, avant de les tendre vers l’avant. Les contrebandiers étaient désormais pris en tenaille, et n’avaient plus nulle part où fuir. Les plus couards lâchèrent leurs armes dans la seconde avant de se mettre à terre, mais quelques-uns, plus vaillants - inconscients peut-être - se ruèrent droit vers le côté le plus fragile et à même de céder. Le lieutenant et l’aventurier échangèrent un regard entendu, et dans un effort ultime, Eivar s’élança vers l’avant, se retrouvant à son niveau, quelques mètres devant leurs camarades à bout. La scène suivante ne dura pas dix secondes, un talon contre un visage, un coup de paume droit dans un plexus solaire, une dague chutant au sol… un genou fourbe dans l’entrejambe - vilain celui-là - et pour finir, le chuintement d’une lame finalement sortie de son fourreau, glissant juste sous la barbe du dernier malfrat encore debout, s’arrêtant contre son cou, y déposant une légère coupure. Et un échange de regard plus tard, l’homme qui se tenait devant Eivar, menacé de la sorte, se laissa tomber au sol comme tous ses compères.
Les trente gardes arrivés en renfort avaient déjà commencé à passer le fer et à appréhender chaque homme présent, notant leurs noms un à un avant de les regrouper contre le mur du poste de garde. L’aventurier n’avait pas bougé d’un pouce, essoufflé lame tendue vers l’avant, ne menaçant désormais plus personne. Il fit l’effort d’abaisser l’arme et de la ranger dans son fourreau, avant de s’en servir comme d’un appui pour se redresser. Jetant un regard victorieux sur le champ de bataille, il glissa sa main sous son manteau, et grimaça en sentant la plaie ouverte qui avait été infligée à son épaule un peu plus tôt. Il se retourna vers ses camarades, et se fit la réflexion que certains étaient dans un état bien pire que lui, l’une en particulier semblait endurer une souffrance intense, gémissant de douleur au sol.
- Occupez-vous du soldat Leanort ! Ne voyez-vous pas dans quel état elle se trouve ?
Eivar releva les yeux, et ne pu s’empêcher de sourire : le Lieutenant était entrain de sermonner une recrue, un jeune médecin apparemment, qui avait sûrement cru se faire bien voir en s’occupant en priorité de son officier. La tête basse, il se rua sur la soldate et commença à lui prodiguer des soins, s’aidant de sa magie pour créer un onguent qui possédait sûrement des vertus régénératives. Boitant, sa longue épée sous son épaule sauve, il s’approcha, et signifiant la blessée du menton, il s’adressa simplement au Lieutenant, énonçant une évidence.
- Elle s’en sortira sans soucis, je l’ai vue se battre, elle ne se laissera pas mourir aussi facilement
Alors qu’il ne s’attendait pas forcement à une réponse, l’officier acquiesça en fermant les yeux, démontrant à nouveau la confiance qu’il avait en ses hommes. Quelques nouveaux hommes arrivèrent en courant, équipés de trousses de soin, venu quérir leurs ordres.