Ce matin-là donc, une rencontre était organisée entre ma future capitaine Elina von Andrasil et moi-même. Cela avait lieu dans son bureau et nous projetions de parler des futures conditions de travail ainsi que de mes projets en parallèle dont j’avais l’intention de mettre à profit pour le Génie et indirectement la Garde sur le long terme, afin de garantir son indépendance scientifique et un retour direct sur les prochaines recherches. Avec un peu de chances, les plaintes de dérangement venant du quartier des ingénieurs avaient des chances d’être prises en charge si nous pouvions réaliser les recherches bruyantes à des endroits moins habités. Il était vrai que lors de mes entraînements matinaux près de ces lieux il devenait presque insupportable d’y rester si l’on tenait un tantinet à ses oreilles. D’ailleurs en parlant d’oreilles…
De ce que je savais concernant la capitaine, elle avait la trentaine et transpirait l’expérience militaire de par les rumeurs courant à son sujet parmi mes camarades et marchands du coin, sans parler des rares fois où nous nous croisions et où effectivement son regard sérieux confirmait cette vision. Butée, droite dans ses bottes qu’elle avait elle-même moulées, la lieutenant était devenue capitaine et c’étaient certainement en partie pour cette aptitude à demeurer agressive envers l’ennemi que l’on reconnaissait ses talents en situation désespérée. Là où plusieurs flanchaient, Elina devait être connue pour justement rester sur ses appuis. Je me devais alors de rester naturel, clair, concis, et agir avec respect tout en gardant foi en mes idées, car si je m’y prenais bien je pouvais au moins lui inspirer confiance et justifier le choix de la Commission envers ma personne. Même en ayant potentiellement servi la Garde plus longtemps qu’elle, il restait que la capitaine était ma future supérieure hiérarchique et avait peut être davantage tâté de la vie que la plupart de ses pairs du même âge.
Du moins, c’était ce que mon intuition de presque quinquagénaire me disait. Après tout, je devais rester confiant en mes capacités : On ne s’inspirait pas de quelqu’un qui reconnaissait ses limites, mais de quelqu’un qui les repoussait. Maintenant devant la porte de son bureau et ma valise fétiche en main, je la toquai alors, demeurant attentif à la moindre réponse de sa part.
« - Officier Niveren. Pile à l'heure. C'est encore un peu le fouillis mais, je vous prie, prenez place. »
J'avais eu le temps de décorer un peu la pièce depuis. Assez vaste, j'avais finalement opté pour une séparation avec mon lit par le biais d'une paroi dépliable judicieusement placée au niveau du petit salon. Le bureau lui faisait face, en diagonale par rapport aux murs et à la grande fenêtre donnant sur la petit cours.
M'asseyant face à mon convive, les mains posées sur mon plan de travail, je le regardai un instant avant d'ouvrir un portfolio pour en sortir quelques grandes feuilles de papier signées.
« - Ne tardons pas avec les formalités. J'ai eu vent de votre profil, de votre longue carrière et de vos compétences. Si la Commission vous recommande, il n'y a pas grand chose que je ne puisse faire pour aller contre leur avis. Et, de toute manière, ce n'est pas dans mon intérêt... »
À ces mots, je disposais le tout devant les yeux curieux du soldat. Il y avait matière à regarder et je le laissais diagnostiquer avec une grande attention les moindres détails des contrats, car il ne s'agissait pas d'une simple promotion. Malgré leur appartenance à la Garde, les membres du Génie étaient plus proches des salariés dans leurs mandats que des recrues de l'armée. Leurs droits différaient ainsi que leurs obligations. Leurs responsabilités leur conféraient d'ailleurs le droit d'accéder à certains matériels, quand les soldats n'avaient que leur slip et leur couteau si leur supérieur le voulait bien.
« - Mon prédécesseur, le Capitaine Ulricht, a mis toute son âme dans la création de cette unité. Le Génie est l'aboutissement de plusieurs années de travail et probablement le fruit d'une collaboration qui m'échappe encore. Je ne fais que répondre à ses dernières doléances en tant que Capitaine du Blizzard en poursuivant son œuvre, mais je n'ai pas les compétences pour continuer de superviser ce chantier. Il reste encore beaucoup à faire et par des mains expertes. »
Opérant une légère pression sur mon siège, je le basculai en arrière et laissai mon dos venir chercher le dossier. Les doigts croisés, j'arborais une expression plus détachée en observant l'homme devant moi.
« - Les vôtres, j'espère bien. Mais peut-être avez-vous des questions avant de vouloir poursuivre ? »