« Comment ça, y'a pas de portail pour aller à la Ville Aquatique ?! »
Il est minuit, personne aux portails, Zahria a pu avoir une place directement. Mais elle est quelque peu contrariée. Si elle n'a plus de comptes à rendre à (presque) personne et qu'elle peut bien partir comme ça si elle le souhaite, histoire d'élucider cette histoire qui lui prend la tête, visiblement, ça va s'avérer plus compliqué que prévu.
« Désolé, madame, mais va falloir accepter de prendre le portail pour Grand-Port, et après vous pourrez prendre la navette. Mais la prochaine ne part que dans deux heures... Ah non, tiens, vous avez de la chance, ils viennent d'en retarder une. Si vous vous dépêchez, vous pourriez l'attraper. »
Zahria soupire. L'administration. Rien de pire que l'administration. Pourquoi déjà, a-t-elle accepté de prendre le poste du vieux maître et se retrouver au milieu de tout ce bordel ? On la fait passer par le portail, puis elle court jusqu'à la navette. C'était censé être reposant, comme boulot !
A la surface, le soleil doit être à peine en train de se lever quand Zahria arrive enfin devant le laboratoire de Lin Gher. Est-ce qu'elle dort, est-ce qu'elle va la déranger ? Pour sa part, elle a dormi dans la navette, puis quelques heures dans une auberge, mais elle avait trop hâte, et puis elle doit rentrer à la Capitale dès que possible, parce que sa petite escapade lui fait perdre du temps sur ses dossiers plus importants. Mais elle veut tirer ça au clair. Elle n'a de rendez-vous avec aucun espion aujourd'hui, elle peut se permettre ces quelques heures d'entrevue, si ça peut calmer sa curiosité débordante... Et puis, ça fait partie des bienfaits de son nouveau poste, que de pouvoir s'échapper comme ça, non ?
La main sur le médaillon dans sa poche, Zahria s'approche de la porte en bois, qui s'ouvre d'elle-même à son arrivée. Bon, la patronne doit être là, pour que ça ouvre. Pourtant, quand elle pénètre dans la pièce plutôt chargée, avec ses bibliothèques, ses schémas, celle-ci est vide de toute présence humaine. Toussotant pour faire remarquer son arrivée, Zahria se demande s'il y a au moins quelqu'un pour l'entendre. Bon, bah il ne reste plus qu'à attendre. Plutôt que de se poser sur le fauteuil qui a l'air plutôt accueillant, elle décide de s'intéresser aux runes et formules posées sur la table la plus proche. Si elle n'y comprend pas grand chose, ça attise la curiosité féline dont elle est dotée, et elle cherche à déchiffrer les dessins pour tenter d'y trouver un sens... Sa concentration est happée par un dessin en particulier, si bien qu'elle n'entend pas l'arrivée d'un autre être vivant dans la pièce...
Du rangement, un mal nécessaire quand on déménage. Comme je garde la maison, mon ancien laboratoire va juste changer de fonction. Il sera une nouvelle extension de ma maison, à voir ce que je vais bien pouvoir en faire. C’est un grand espace disponible, je verrai plus tard. Pour le moment, je range ce que je n’emporte pas à mon nouveau laboratoire, quelques ouvrages ne portant pas sur la magie, du mobilier… Partie dans la réserve cachée sous mon espace de travail, je n’entend pas ma porte magique s’ouvrir. Revenant lentement, les bras chargé d’un carton remplis de livres que je n’avais plus la place de garder en haut, j’entend un toussotement.
J’arrive !
Pourquoi des clients viennent encore ici ? Cela commence à se savoir que je reçois les gens à mon nouveau laboratoire dans le nouveau quartier. Je pose mon carton à côté de l’échelle avant de remonter. Je m’accoude à la balustrade de mon espace de travail donnant sur la zone d’accueil des clients. Une jeune femme attend là regarder les différentes runes et marques magiques qui saignent les murs et objets. Je me racle la gorge.
Bonjour, je peux vous aider ?
Je laisse la femme se présenter et m’expliquer les raisons de sa venue ici et non à mon nouveau lieu de travail. Elle vient donc sur recommandation d’un ancien client pour une expertise. Sujet intéressant que voilà… Je n’ai pas encore repris mes activités en totalité mais bon. Quand un client se présente directement, je ne vais pas renvoyer cette personne comme une malpropre.
Comme vous pouvez le voir, mon laboratoire n’est plus ici. Si vous le souhaitez, vous pouvez me laisser votre objet à expertiser ou m’accompagner jusqu’à mon laboratoire.
Je prend mon temps pour descendre jusqu’à elle tout en continuant de parler.
C’est à une vingtaine de minutes de marche. Il y aura tout le matériel nécessaire à l’analyse de votre objet magique là-bas.
Après discussion, j’invite la femme à me suivre pour la laboratoire. Derrière-nous, la porte se ferme comme toujours, verrouillant ainsi l'accès au bâtiment. Il faudra que je m’occupe de modifier cet enchantement... En chemin, je l’interroge sur ce fameux objet qu’elle souhaite me faire analyser.
Je peux savoir dans quelle conditions vous avez obtenu l’objet ? Avez-vous une idée de ses propriétés magiques ?
Je le découvrirai en étudiant cet objet mais cela me facilitera l’expertise d’avoir quelques informations basiques.
« Je m'appelle Zahria, c'est un... ami, qui m'a conseillé de venir vous voir. J'aurais besoin d'une expertise sur un artefact, pour vérifier ses origines. Si possible, discrète. Je n'ai aucune envie d'être remarquée par qui que ce soit, et j'espérais que ça puisse rester entre vous et moi. »
La brune comprend ensuite assez vite l'air étonné de mademoiselle Gher quand elle lui explique que son laboratoire ne se trouve plus ici. Zahria la regarde descendre les marches en se demandant si c'est une bonne idée de lui laisser le médaillon d'Ovide. Elle n'a aucune idée de combien de temps l'expertise peut prendre, mais il faudrait qu'elle soit de retour à la Capitale d'ici au lendemain, une journée de retard sur ses dossiers serait déjà énorme.
Pour autant, elle n'a pas spécialement envie de se séparer de l'objet qu'on lui a confié et qui est un objet de pouvoir assez puissant pour mettre le bazar de partout. Il est marqué pour fonctionner dans le palais, qui est plus est, ce que Lin va certainement découvrir par elle-même, et placé entre de mauvaises mains, il pourrait faire de gros dégâts. Zahria décide donc de l'accompagner, quitte à perdre un peu plus de temps. Au point où elle en est, ça ne change plus grand chose.
« Je vous suis. Je ne sais pas combien de temps ça va vous prendre, mais je préfère le garder en ma possession. »
Elles se mettent alors en route, et certainement pour lui faciliter la tâche, Lin demande des précisions sur l'objet, que Zahria ne lui a toujours pas montré. Il est toujours au chaud dans sa poche, à attendre patiemment qu'elle le sorte. Mais ce n'est pas une bonne idée de le faire en pleine rue. Alors autant combler les vingt minutes de marche en lui expliquant ses capacités.
« C'est un médaillon qui permet de prendre l'apparence de la personne souhaitée. Je ne l'ai que peu testé jusqu'à maintenant, mais son précédent possesseur m'a fait une description assez détaillée des ses propriétés. Il permet de garder la nouvelle apparence pendant un maximum de six heures. La transformation peut être annulée avant la fin des six heures, mais à partir du moment où il commence à fonctionner, il demandera vingt-quatre de charge pour être réactivé. »
Zahria énonce les propriétés au fur et à mesure qu'elle se souvient des informations données par le vieux maître, en essayant de les organiser pour ne pas paraître trop confus. A chaque fois qu'elles rencontrent quelqu'un dans la rue, elle s'arrête de parler ou baisse la voix discrètement, pour ne pas attirer l'attention.
« On peut aussi forcer le retour à la normale en ôtant le médaillon. Il se métamorphose lui-même et change aussi l'apparence des vêtements de toute possession portée par l'utilisateur. Je pourrais vous en faire une démonstration tout à l'heure, si vous le souhaitez, mais comme vous l'avez compris, il me faudrait vous le laisser plus de vingt-quatre heures si vous vouliez vérifier tous mes dires, et je n'ai pas autant de temps à passer ici, même si j'aimerais évidemment découvrir s'il a des propriétés que je ne lui connais pas. »
Elle marque une nouvelle pause pour saluer une personne marchant à contresens, puis reprend.
« De toutes façons, vous l'avez compris, ce ne sont pas ses propriétés qui m'intéressent aujourd'hui, mais son origine. »
Zahria baisse encore plus le ton de sa voix, et s'approche de Lin pour que le message n'arrive que dans son oreille à elle. Il n'y a personne dans la rue, personne aux fenêtres, le soleil n'a pas fini de se lever et elles sont dans un coin tranquille.
« On m'a dit qu'il s'agissait du véritable médaillon d'Ovide. L'Ovide de la légende, celui qui a eu cinquante enfants, celui dont tous les habitants du royaume descendraient. Je ne sais pas si vous avez un moyen de savoir si cela est vrai ou pas, mais c'est ce que je voudrais authentifier. »
Elle se sépare de Lin pour apprécier la réaction que son annonce a sur elle, et n'est pas déçue. Elles continuent à discuter jusqu'à arriver au nouveau laboratoire, qui sent le neuf. Quelques outils traînent encore dehors, attestant le fait que les travaux ne sont finis que depuis très peu de temps. L'endroit est grandiose, on se croirait presque dans une cathédrale. Son dossier dans le bureau du maître-espion faisant mention de son partenariat avec le gouverneur de la ville, mais Zahria était loin de s'imaginer que c'était à ce point-là. Il fallait renforcer l'espionnage dans la Ville Aquatique, trop d'informations lui avaient échappé, visiblement.
Quand Lin la mène enfin dans un lieu tranquille où elles ne sont que toutes les deux, Zahria sort enfin le médaillon de sa poche. Extrêmement simple, il s'agit d'un simple rond de métal, certainement de l'argent, relié à une fine chaîne dans le même matériau. Il semble patiné par le temps et les frottements, mais difficile de savoir s'il est réellement aussi vieux qu'on lui a dit. Quelques fines et simples arabesques constituent le pourtour du rond de métal, qui pourrait passer aussi bien pour un bijou masculin que féminin, tant est que l'on aime les choses discrètes et peu ostentatoires.
« Je vous laisse faire votre affaire, je ne sais pas comment vous souhaitez procéder, mais n'hésitez pas si vous avez la moindre question ou besoin de mes compétences pour quoi que ce soit. Pour ce qui est du paiement, votre prix sera le mien. »
L'avantage de son nouveau salaire, certainement.
Tout en marchant, la femme me livre les secrets de son objet magique. Je suis surprise qu’elle vienne me voir pour une expertise alors qu’elle en sait autant sur les capacités magiques de l’objet… Son petit manège me fait sourire, dès qu’une personne passe non-loin de nous, elle s'arrête avant de reprendre un peu plus tard. Plus ses explications avancent, moins je comprend mon rôle la-dedans… Éventuellement, découvrir d’autres fonctions magiques même si j’en doute. L’enchantement est déjà très puissant vu ce qu’elle me décrit, difficile d’imaginer qu’un objet lambda puisse résister à une pression plus élevée… Enfin, elle se décide à me donner les vrais raisons de sa venue. L’origine de cet objet… Chose complexe à déterminer même pour nous enchanteur qui lions la magie aux objets.
C’est une chose compliquée que vous me demandez là.
De nos jours, chaque enchanteur signe ses créations par un ajout spécifique dans le processus magique afin que l’on puisse retrouver le créateur de tel ou tel objet. Cela permet d’avoir une sécurité vis à vis de ce qu’en feront nos clients… Mais si son objet est vraiment vieux, ce sera une autre paire de manche. Sans prévenir, elle se colle à moi pour murmurer les explications suivantes à mon oreille. Je grimace à l'énoncé d’Ovide. C’est une vulgaire légende parmi les enchanteurs… Si un objet aussi vieux existait, il aurait certainement permis bien des méfaits et serait réapparu bien avant maintenant. Zahria s’écarte finalement de moi pour me fixer. Je ne crois pas un instant que son objet puisse être le fameux médaillon d’Ovide. Tout comme cette légende n’est que pure invention à mes yeux pour justifier qu’un homme ait allègrement trompé sa femme durant toute sa vie.
Je doute que cela soit le cas. Ce n’est qu’une légende et les légende et la magie vont rarement de paire mademoiselle. Mais nous allons voir ça.
Nous continuons de discuter jusqu’à arriver à mon laboratoire. Plus vraiment impressionnée par les dimension du bâtiment, j’entre sans aucune cérémonie même si Zahria semble plus impressionnée. Je la guide jusqu’à l’escalier de bois montant à ma bibliothèque. Même s’il n’y a que des ouvrages portant sur la magie et les recherches associées, elle sera mieux installé pour attendre pendant que j’étudie son objet. M’installant dans le fauteuil faisant face au divan, j’invite ma cliente à s’installer dans ce dernier. Maintenant, il est temps de découvrir ce fameux “médaillon d’Ovide” qu’elle m’amène. Je prend en main le bijou qu’elle sort et me tend. Je le retourne dans un sens puis dans l’autre cherchant une quelconque marque indiquant le fabricant de l’objet mais il n’y a rien. Je m’interromps lorsqu’elle reprend la parole pour m’indiquer qu’elle me laisse faire mon travail comme je l’entend et que mon prix n’a pas d’importance pour elle. C’est bien rare de voir des gens prêt à payer autant que nécessaire pour un travail.
J’ai un tarif fixe pour ce genre de chose. Cinq cents cristaux gris, cela vous convient ? Quand à l’expertise, je vais déjà essayer de trouver un marquage physique ou magique qui pourrait indiquer l’époque de fabrication. Les enchanteurs ont pris pour habitude de marquer systématiquement leurs créations depuis environ deux cents années, avant, c’est plus sporadique, les artisans depuis encore plus longtemps. S’il n’y a pas de marquages, j’irai fouiller directement dans la magie contenue à l’intérieur de l’objet. Chaque époque a ses propres méthodes, on pourra situer une époque approximative avec cela.
Je pose le médaillon sur la table pour aller chercher un livre dans la bibliothèque. C’est un vieux grimoire que je tiens de mon maître qui le tenait de son maître et ainsi de suite. L’un après l’autre, ils ont consigné leur technique et celles qu’ils ont découvertes et datées. C’est une mine d’information que tous ont minutieusement protégé par divers enchantements. Je le pose lourdement sur la table avant de poser le médaillon dessus.
Le tout devrait prendre quelques heures. Vous pouvez lire autant de livre que vous voulez ou venir regarder comment je fais, c’est permis.
Je souris à la femme, souvent les gens n’osent pas venir me regarder travailler. Mais j’aime bien partager mon savoir, je trouve ça intéressant et plus stimulant que d’agir dans mon coin et en secret. Je ramasse le livre et le médaillon pour descendre au rez-de-chaussée où mon matériel magique attend. Petit à petit, les machines magiques arrivent pour remplir l’espace laissé libre, ça commence enfin à ressembler à un laboratoire de recherche magique. J’ai réussi à faire passer quelques instruments uniquement dédié à mes recherches dans le budget du Gouverneur donc autant en profiter aujourd’hui. Je dépose le tout sur le premier plan de travail, le plus proche de la réserve car ses tiroirs contiennent des outils de grande valeur. Ouvrant le plus petit tiroir, j’en tire un cristal tout plat de couleur bleuâtre. C’est un cristal chargé d’une magie assez basique, mais c’est le cristal lui-même qui fait sa valeur. De grande taille et rare, il coûte plus cher à l’achat qu’à l’enchantement. Allumant un cristal de lumière pour projeter sa lumière à travers le révélateur, je manipule le médaillon dans le faisceau de lumière bleue. Si une signature magique est présente en surface, elle devrait briller d’une lueur verte pâle dans cette lumière. Je retourne le médaillon pendant de longues minutes pour être certaine. Pas de signature… Cet objet est donc soit un objet fabriqué dans le plus grand secret par un enchanteur qui ne veut pas être découvert, soit il date d’au moins deux cents ans. Avec un soupire, je range mon cristal laissant le cristal de lumière éclairer le plan de travail. J’ouvre un second tiroir d’où je sort une tablette. Une création personnelle celle-ci. Une rune circulaire est taillée à même le bois. Je suis la seule à pouvoir l’utiliser. En plaçant l’objet sur la rune, je peux charger la tablette avec mon énergie. La rune concentre cette énergie pour faire vibrer la magie et révélé un marquage magique interne. On a tous nos petites méthodes pour faire cela… Après avoir posé le médaillon sur la tablette, je transfère un peu de mes forces dans la tablette. La réaction est immédiate, un dôme lumineux et vaporeux se forme autour du médaillon. De l’extérieur, cela ne semble qu’un nuage vaporeux mais cela est un livre ouvert pour qui sait lire les traits de magie qui peuvent s’y former. En l'occurrence, c’est le calme plat… Pas de marquage magique, cela commence à être intéressant. Généralement, on laisse des marques sans même s’en rendre compte… Une pollution d’une plante, un trait légèrement trop épais… Beaucoup de choses peuvent altérer la magie et être interpréter mais ici, le signal magique est presque parfait. D’un revers de la main, je pulvérise le dôme vaporeux.
Intéressant tout ça… Voyons voir ce qu’il a dans le ventre…
C’est la première fois que je tiens un objet qui semble aussi parfait. Même avec vingt années d’expériences en plus, je doute d’arriver à un tel degré de précision dans l’exécution de l’enchantement...
Zahria est interrompue dans sa réflexion par l'annonce du prix. Cinq cent cristaux gris ? A l'intérieur elle manque de s'étouffer, mais garde un air stoïque. C'est l'équivalent de trois mois de son nouveau salaire, qui n'est pas parmi les plus légers du royaume ! Pour quelqu'un qui était sur la paille à peine une semaine plus tôt, ça semble une grosse dépense à faire. On lui a fait une avance pour ses frais professionnels, et évidemment, difficile de faire passer ça en note de frais, mais elle va être obligée de piocher dans la cagnotte et rembourser au fur et à mesure.
De toutes façons, elle a dit que le prix était le sien, c'est trop tard pour revenir sur sa déclaration et tenter de marchander. Il va falloir qu'elle demande une allonge au Commandant... Super, pour sa première semaine de boulot. Peut-être qu'il reconsidérera sa demande de lui donner une secrétaire, quelqu'un qui gérerait ses dépenses, avec ça. En tout cas, sympa, la vie d'enchanteur. Bidouiller deux-trois trucs sur des machines incompréhensibles, et se gagner des montagnes astronomiques de cristaux en retour. Voilà, elle a raté sa vocation, Zahria.
« Très bien, va pour cinq cent cristaux gris. Je vous fais confiance pour le procédé, c'est votre travail, et puis je suppose que pour ce prix-là, vous ne le faites pas qu'à moitié. »
Un petit sourire félin est apparu sur les lèvres de Zahria en prononçant ces paroles, histoire d'atténuer le sarcasme de ses propos et les faire passer pour un vrai compliment. Ce qui est le cas, après tout. Lin Gher lui a été recommandée par le précédent maître, et vu le laboratoire qu'on lui a confié, ce ne doit pas être n'importe qui. On murmure que c'est l'enchanteresse la plus douée de sa génération, après tout. N'empêche que l'enchanteur habituel de Zahria, il lui fait des prix, au moins.
Quand Lin part avec le grimoire qu'elle vient de sortir et le médaillon, l'Ombre la suit. Pas qu'elle ne lui fasse pas confiance, mais puisqu'elle a proposé si gentiment de la laisser regarder, autant en profiter pour en apprendre plus sur son métier, et satisfaire sa curiosité. Pour sûr, les bouquins aussi ont l'air intéressants, mais c'est une occasion rare d'observer une enchanteresse faire son travail, et qui sait si elle ne devra pas prendre la peau de quelqu'un de sa profession pour une prochaine mission ? Ah oui, non, c'est vrai, elle est consignée à son bureau maintenant, plus de missions de terrain pour le maître-espion...
En tout cas, c'est intéressant à voir. Zahria reste assez proche pour observer ses mouvements et ses instruments, et assez loin pour ne pas la déranger. Elle ne comprend pas grand chose à ce qu'elle fait, mais ça ne cesse pas de la fasciner pour autant. Les objets qu'elle utilise pour étudier le médaillon sont plus insolites les uns que les autres, et ses gestes sont précis et minutieux. Son regard reste sérieux tout du long, mais la maître-espion peut se rendre compte qu'elle ne trouve rien de concret, pour l'instant.
Quand au bout d'un long moment, Lin prononce ses premiers mots depuis qu'elle est descendue au rez-de-chaussée, et promet de voir "ce qu'il a dans le ventre", elle sent chez l'enchanteresse une curiosité et une soif de savoir similaires à la sienne, mêlées à une véritable passion pour son métier. Elle se fait la réflexion qu'elles ne sont pas si différentes sur ce point, et que, encore une fois, dans d'autres circonstances, elles auraient pu être amies. Le nombre d'amitiés que Zahria rate à cause de son métier... Mais c'est aussi son métier qui l'amène à rencontrer des gens aussi intéressants, donc elle ne regrette rien.
Zahria avise un tabouret haut dans un coin de la pièce, et s'en saisit pour s'installer plus confortablement. Si ça doit durer quelques heures, autant être assise pour observer plus tranquillement l'enchanteresse travailler. Peut-être même qu'elle aura besoin de sa coopération à un moment donné, alors autant rester dans le coin, tant qu'à faire.
Pendant toute la première partie de mon analyse du médaillon, Zahria reste près de moi pour regarder comment je m’y prend. Cela doit lui sembler bien obscure compte tenu que je n’explique rien de ce que je fais. Mais je préfère rester concentrée sur ce que je fais, il y a toujours un risque de détériorer un objet magique en l’étudiant aussi finement. Actant le fait qu’il va être nécessaire aller plus loin dans l’expertise, je repose le médaillon tout en rangeant la tablette, je fais part de mes découvertes à la femme.
Après une première expertise, cet objet ne présente aucune signature volontaire ou involontaire. Je dois même avouer que la pureté de l’enchantement est bien au-delà des standards actuels. Il n’y a aucune imperfections dans l’enchantement pouvant révéler des informations sur son fabricant. On a tous nos petits défauts récurrents qui altèrent légèrement la magie, des traits un peu épais, une pollution des matériaux employés… Mais ici, rien…
Tout en parlant, je change de poste de travail. L’avantage d’avoir un grand laboratoire est que j’ai pu définir différentes zones de travail avec chacune leur usage spécifique. Infusion, inclusion, espace d’écriture… autant d’espaces que nécessaire pour maintenir un laboratoire aussi accueillant que optimisé pour mes besoins. Je prépare mon matériel tranquillement. Maintenant, il va s’agir d’aller lire directement la magie, un processus complexe et particulièrement long. Un enchantement à l’aide d’une rune magique est le plus simple à lire, il suffit de déchiffrer la rune. Cela peut prendre du temps car les runes varient tout au long de l’histoire de l’enchantement mais il suffit de la recopier pour avoir tout le temps nécessaire à disposition. Ouvrant les tiroirs un par un, je sort plusieurs morceaux de roches taillées. De nombreuses runes sont gravées dessus pour constituer un enchantement particulier. Le plateau de cet espace de travail est composé d’une grande dalle de pierre également taillée et jonchée de runes. Les piliers et le plateau constituent ainsi une rune en trois dimensions. Je garde en main le dernier pilier tout en allant chercher le médaillon.
Puisque nous n’avons aucun moyen de dater l’objet à l’aide d’une signature ou de défauts attribuables à un enchanteur connu, nous allons directement nous intéresser à l’enchantement lui même. Cet instrument va temporairement donner un enchantement supplémentaire au médaillon. Ce nouvel enchantement va créer une image rémanente de ce qui a créé la magie de l’objet. Ensuite, il faut comprendre cette image… Et cela peut prendre très longtemps dans certains cas. Je connais un enchanteur au Village Perché qui essaye de percer les secret d’une image vieille de quatre cents ans, un travail qui perdure depuis de nombreuses générations, le maître donnant le flambeau à son apprenti.
Il faudrait aussi que je précise qu’il y a un risque de détruire l’objet sous la pression magique mais c’est pour cela que ma rune n’est pas taillée d’un bloc. En soulevant un des piliers, la rune est rompue et la pression magique diminue préservant ainsi l’objet. Je prend le temps de retirer la chaînette du médaillon pour être certaine qu’elle n'interfère pas. Après avoir posé le médaillon au centre du plateau, je met en place le dernier pilier. Pendant quelques secondes, rien ne se passe. Il faut un peu de temps pour que la rune s’active puis transfère la nouvelle magie au médaillon. Puis d’un coup, le médaillon se met à briller. Briller si fortement que je suis obligée de me cacher les yeux… Je n’ai jamais vu un truc émettre une telle lumière lors de cette analyse. J’hésite un instant à stopper tout mais la lumière se tamise finalement. Il faut une bonne minute avant que je ne puisse retirer ma main et regarder sans être éblouie. Je reste interdite pendant plusieurs secondes à contempler l’image rémanente de ce médaillon… Je n’en ai jamais vue de semblable… Gigantesque, l’image occupe tout le laboratoire et occulte complètement la lumière provenant de l’extérieur. juste au-dessus du médaillon débute ce qui ressemble à une souche d’arbre abattu. Là où devrait se trouver les branches et le feuillage de l’arbre, une puissante étoile brille en projetant comme de nombreux feux follet. Elle pulse à intervalles réguliers créant des anneaux diffus tout autour d’elle. Me déplaçant, je passe ma main sur l’image comme pour toucher le bois puis un anneau qui me passe au travers.
Magnifique, je n’ai jamais vu un telle image rémanente ! Je ne saurai dire quel enchantement a permis la création de cette magie… C’est beau, n’est-ce pas ?
Je m’écarte pour passer rapidement dans la réserve et prendre mon livre-mémoire. Je dois absolument fixer cette image rémanente ! C’est une découverte historique, une magie d’enchantement totalement inconnue ! Tous les enchanteurs s’accordent à dire que les magies d’enchantements de ses 1000 dernières années sont connues, celle-ci pourrait donc être encore plus agée ! Je fixe au plus vite l’image utilisant plusieurs feuilles pour fixer le maximum de détails. Je jette tout de même un oeil au médaillon qui semble très bien supporté l’opération.
un visuel de l'image rémanente
Zahria déplace son tabouret quand Lin change de poste, tout en réfléchissant. Pendant que Lin prépare ses outils pour la suite de l'analyse, elle prend la parole, autant pour réfléchir à haute voix que pour exposer ses hypothèses d'inculte à Lin, en espérant pouvoir participer un tant soit peu à la réflexion.
« C'est possible, pour un enchanteur, de revenir sur sa création afin d'effacer ses traces ? Evidemment, j'aimerais bien que la légende soit véridique, mais je sais bien, comme vous l'avez dit sur le chemin, qu'il y a peu de chances que ce soit le cas, peut-on envisager le cas où l'enchanteur ait... "triché" pour faire croire à un collègue qui l'étudierait que la légende est vraie ? »
Une hypothèse comme une autre. Et certainement complètement à côté de la plaque, vu que Zahria n'y connait rien. Elle garde le silence pendant toute la partie suivante de l'analyse de Lin, mais quand elle explique que ce qu'elle va faire peut prendre des années à être compris, Zahria grimace. Elle a besoin du médaillon, elle ne peut se permettre de le laisser pendant des années à l'enchanteresse. Est-il possible qu'elle sorte d'ici en ayant perdu une journée sans obtenir les réponses qu'elle était venue chercher ? Elle commence déjà à réfléchir à un moyen pour donner un rendez-vous mensuel à l'enchanteresse, se demandant si ce serait jouable dans son emploi du temps, et si ça serait vraiment utile à Lin de n'avoir l'objet entre ses mains qu'aussi peu de temps à chaque fois...
Elle est interrompue dans sa pensée quand le médaillon se met à briller de mille feux. Les yeux de Zahria prennent immédiatement une teinte presque aussi blanche que la lumière pure, ce qui n'était jamais arrivé jusqu'à maintenant. Elle est tentée d'absorber la lumière pour atténuer le flux, puis se résigne à attendre, ne sachant pas quel effet pourrait avoir une lumière produite avec ces objets magiques sur son organisme et son pouvoir. Mais au bout d'un moment, la lumière baisse d'elle-même en intensité, alors que les yeux de la brune gardent leur couleur blanche inhabituelle. Et là, le spectacle qui se découvre est si magnifique que Zahria ne peut s'empêcher de le fixer en laissant sa bouche s'entrouvrir d'elle-même. Il faut que Lin la prenne à parti pour qu'elle se décide enfin à balbutier quelques mots.
« Oui c'est... magnifique... Je n'ai jamais rien vu de tel ! »
L'enchanteresse s'éloigne pour se saisir d'un livre mémoire, alors Zahria sort son cadre magique de son sac, et après avoir demandé son accord à Lin, prend quelques clichés du spectacle merveilleux se déroulant devant ses yeux. Elle laisse ensuite le temps à la jeune femme de prendre des notes, non sans remarquer son excitation. Après quelques minutes de silence, elle se risque enfin à prendre la parole pour la déranger, trop curieuse pour attendre une seconde de plus.
« Vous lisez quoi, là dedans, du coup ? Je n'y comprends rien du tout, mais je suppose qu'il y a un certain langage à analyser, je suis très curieuse d'avoir votre opinion... Je ne sais même pas vraiment ce qu'est une image rémanente, je vous avoue... »
Le regard de Zahria, commençant enfin à reprendre de la couleur, actuellement des teintes très claires de bleu, fait des aller-retour entre l'enchanteresse et la fameuse image rémanente, qui la fascine plus que tout, lui faisant oublier jusqu'à son nom en cet instant.
Je lève la tête au commentaire de ma cliente. Revenir sur son enchantement pour effacer les défauts ? En théorie, cela doit être possible avec les bons outils mais le risque en vaudrait-il l’effort ? Quand on sait qu’une simple visualisation de la magie contenue dans un objet présente un risque significatif de tout détruire, je n’imagine même pas la probabilité de réussite d’une telle modification… Il faudrait s’associer avec des génies de divers corps de métiers pour mettre toutes les chances de son côté. J’imagine mal un objet lambda résister à une telle magie. Je doute même qu’il soit possible de réunir à la même époque les artisans capable de produire les matériaux de base nécessaire.
En théorie, cela devrait être possible… mais je doute que cela puisse être le cas. L’enchantement est une magie qui exerce une pression magique sur la matière. Chaque défaut d’un objet est une amorce pouvant mener à la rupture catastrophique et cela n’inclut pas que des défauts visibles. Modifier la structure même d’un enchantement pour effacer les défauts, je n’ose même pas imaginer la pression qui s’exercera sur l’objet, je doute que l’on ait les artisans capable de produire un objet capable d’y résister.
Malgré tout je prend bonne note de réfléchir à cette hypothèse. Peut-être que les premiers enchanteurs avaient trouvé une méthode permettant de réparer les erreurs qu’ils ont forcément commis durant la création de l’art magique… Je vais me replonger dans les vieux livres voir si je pourrais pas en tirer quelque chose. Mais cela serait quand même bien de réussir à avoir un accès aux archives royales, je suis certaines qu’il y a des ouvrages bien plus anciens que ceux auxquels j’ai accès… Mais bon, c’est pas gagné ça…
Continuant ma préparation, j’explique tout de même ce que je m’apprête à faire. Évitant quand même de trop m’étaler sur les risques de la manipulation. Il ne faudrait pas qu’elle prenne peur. Après tout avoir préparer, j’active la rune tridimensionnelle en posant le dernier pilier sur le plateau. Il faut quelques secondes avant que la magie runique fasse son oeuvre mais une fois le processus démarré, je suis obligée de me cacher les yeux à cause de l’intense lumière. Cette réaction n’est déjà pas commune mais l’image qui finit par apparaître l’est encore moins… Émerveillée par cette image rémanente exceptionnelle, je m’extasie suivie par Zahria. Je prend bien soin de fixer l’image rémanente sur mon livre mémoire, impossible de laisser passer une telle découverte. Et cela pourra me permettre de travailler sans garder le médaillon. Distraitement, je répond à l’affirmative à la femme lorsqu’elle me demande l’autorisation de prendre l’image dans son cadre magique. L’idéal serait de recréer une représentation identique dans ses trois dimensions mais cela est délicat pour reproduire tous les petits détails. Face à une telle énigme, j’en oublie presque la présence de ma cliente pour me plonger dans l’étude de cette image rémanente. En tirer ses secrets ne sera pas simple mais cela pourrait m’attirer une certaine renommée et des revenus plus que correct à l’avenir. Finalement, elle me sort de la vi emprise de ma curiosité professionnelle en m’interrogeant sur ce que je peux en tirer comme information. Sans quitter l’image des yeux, je me lance dans une explication.
A vrai dire, beaucoup de choses et si peu à la fois… Les enchanteurs de notre époque se targuent de connaître tous les procédés d’enchantement utilisés au cours des 1000 dernières années mais aucune ne donne une telle image.
Je pointe tour à tour les feux follets en continuant mon analyse.
Généralement, des lumières mobiles indiquent l’usage d’un enchantement de type inclusion mais je pense plutôt que le procédé utilisé est encore inconnu… En l’état actuel, je peux dire que votre enchantement est soit l’oeuvre d’un tout nouveau procédé gardé secret par son créateur, soit votre objet a plus de mille ans. De mon propre avis, je penche pour la seconde option… Un enchanteur capable d’inventer un nouveau procédé, ça ne court pas les rues. Et actuellement, je ne vois personne qui pourrait atteindre un tel résultat…
Même parmi les meilleurs enchanteurs du royaume, je ne pense pas que l’on ait de génie de l’enchantement capable d’inventer une nouvelle magie d’enchantement de toute façon… Me désintéressant de l’image pour le moment, je soulève un pilier de ma rune. La lumière émise par l’image se met immédiatement à diminuer. Je touche précautionneusement le médaillon au cas où il aurait chauffer durant l’observation mais rien, il est aussi froid qu’avant… Je le prend pour le repasser à la chaînette avant de passer du côté où se trouve Zahria. Laissant le collier pendre au bout de mes doigts, je me permet une proposition à la femme.
Je ne saurais vous dire s’il s’agit du médaillon légendaire d’Ovide en l’état actuel des choses, l’image rémanente n’indique que la possibilité qu’il ait été créer il y a plus de mille ans. Je peux d’ores et déjà dire que la lecture ne sera pas une mince affaire, aussi j’ai une proposition à vous faire. Je vous offre le coût de l’expertise en échange de l’autorisation exclusive d’étudier cet enchantement.
Il est des moments où il faut savoir faire les bons choix. Travailler sur cette rune me semble le meilleur choix à faire cette fois. J’arriverai à la lire et à en tirer ses secrets, j’en suis certaine. Et, avec la création d’un nouveau dôme magique, ma renommée sera assurée définitivement. Sans attendre sa réponse, je lui redonne son collier, je n’en aurai plus besoin après avoir copié tout le nécessaire dans mon livre mémoire.
Elle attend patiemment que Lin remette le médaillon sur sa chaînette, avant de le prendre précautionneusement, se rendant enfin compte de la valeur historique et culturelle que pourrait véritablement avoir cet objet. Qu'il s'agisse ou non du médaillon d'Ovide n'est même plus le vrai enjeu maintenant, mais plutôt le mystère derrière son enchantement. Et quand Lin propose de lui offrir le coût de l'expertise pour qu'elle soit la seule à pouvoir l'étudier, Zahria ne peut empêcher son visage de se parer d'un petit sourire en coin. C'est donc elle maintenant qui est en position de force, et la jeune femme en face est suffisamment humble et honnête pour ne pas tenter de l'entourlouper. Elle laisse son sourire s'effacer quelque peu, avant de prendre la parole.
« Si vous me demandez ça, c'est que vous reconnaissez la valeur de cet objet, et la gloire que cela pourrait vous apporter que de l'identifier. Par contre, au risque de vous décevoir, je dois vous annoncer que votre étude ne devra jamais sortir du cadre de nos entrevues, et ne vous apportera aucune renommée. »
Elle laisse planer un air de mystère pendant quelques secondes, puis enchaîne.
« Je peux vous assurer que ce médaillon n'est pas récent, et si l'enchantement est un nouveau procédé, il a été fait il y au moins cent cinquante ans. C'est à cette date qu'il apparaît pour la première fois dans les archives... Il aurait été découvert par un maître-espion, à ce moment-là, qui l'a laissé à son successeur à sa retraite, et ainsi de suite, l'artefact restant entre les mains des générations de maître se succédant... jusqu'au maître-espion actuel, qui m'a envoyé aujourd'hui, simple émissaire que je suis. C'est pourquoi il compte sur votre discrétion absolue. Néanmoins, vos rapports apparaîtront dans les plus secrets des dossiers d'Etat, et je peux vous assurer que votre clientèle sera toujours abondante. »
Puis, sortant de son sac son cristal de communication, Zahria sourit à nouveau en le tendant vers Lin.
« Nul doute qu'une enchanteresse de votre acabit possède un cristal de ce genre. Si l'accord vous convient, je vous propose de le lier au mien, vous pourrez m'appeler à n'importe quel moment si vous avez besoin de consulter à nouveau le médaillon, je me mettrai en contact avec le maître-espion pour qu'il vous fasse revenir le médaillon. Et si vous avez besoin d'autres ressources auxquelles il pourrait accéder, je pense que cela peut être négociable, aussi. »
Après une courte discussion pour sceller leur accord, Zahria range son cristal dans son sac, satisfaite, puis se fait ramener à la porte par Lin. Elle se rend compte alors que de nombreuses heures sont passées depuis qu'elles sont entrées dans le laboratoire. Zahria tend la main à Lin pour prendre congé, avant de glisser une petite phrase humoristique.
« A une prochaine fois, j'espère. Notre rencontre fut... enchanteresse ! »
Et ces bons mots, Zahria déguerpit, en espérant pouvoir attraper la prochaine navette jusqu'au Grand-Port.
Une proposition qui me semble honnête. Exclusivité d’étude en échange de la gratuité de l’expertise. Cela me semble parfaitement équitable. Le fait qu’il puisse être une relique légendaire m’importe assez peu, cela ne rapporterait pas grand chose. Ce qui m’attire, c’est cette méthode d’enchantement magique inconnue ! Là est mon vrai plaisir, la recherche de la magie. Mon sourire se ternit un peu lorsqu’elle commence à m’annoncer que je ne pourrais pas vraiment avoir la chance de promouvoir mes recherches sur cet objet.
C’est ennuyant cela…
Je la laisse tout de même clarifier un peu la situation. Cette histoire est vraiment sans queue ni tête… Je crois que j’ai ma dose d’histoire étrange et société secréte pour aujourd’hui. Je me passerai bien de me coltiner des soucis avec la Garde, ça c’est certain… Avec en plus une branche inexistante de la Garde, ce serait le pompom. Je lève les mains en l’air pour signifier que je m’en moque.
Vous savez ce qui habite dans une taverne ? Les hommes de bières. Oui, elle est mauvaise. Tout ça pour dire que je me contenterai d’étudier le processus magique. Montrer qu’il s’agit ou non du pendentif légendaire d’Ovide ne m’apporterait rien de toute façon. J’accepte vos conditions.
Au moins, une telle relation m’assurera une certaine sécurité vis à vis de la Garde. Il est toujours bon d’avoir des relations haut-placée. Me détournant pour aller chercher mon cristal de communication dans ma cape, je répond à la femme.
Je ne devrais pas avoir besoin de revoir le revoir, j’ai copié la totalité de l’image rémanente sur mon livre mémoire avec le maximum de détails nécessaire. Par contre, je ne dis pas non à la possibilité d’avoir un accès aux archives royales, je suis presque certaines d’y trouver de très anciens manuscrits concernant l’enchantement dans les anciens temps. Cela pourrait peut-être m’aider dans ma recherche pour identifier cet objet.
Je touche le cristal de Zahria avec le mien liant ainsi les deux cristaux qui pourront maintenant communiquer librement. Nous échangeons encore quelques instants pour finir de sceller notre accord. Raccompagnant la femme jusqu’à l’entrée, je serre la main de ma “cliente” en souriant à sa petite blague.
J’ai hâte d’avoir percé les secrets permettant un tel enchantement. Faites bon retour jusqu’à la Capitale.
Ce projet est contraignant mais quoi qu’ils en disent le procédé d’enchantement n’est pas un savoir que l’on peut considérer comme quelque chose à dissimuler. S’ils souhaitent que cet objet reste une énigme, je ne m’y opposerai pas. Je ferait croire que j’ai inventé cette méthode si besoin. Ce ne sera qu’un maigre mensonge, je l’aurai réinventée au lieu de l’avoir inventée.