Danse pour moi, Félindra ~
[PV @Carciphona Ixchel]
Luz marchait d’un bon pas dans la Capitale. La promenade lui procurait un bien fou, elle qui s’échinait depuis plusieurs jours déjà à dresser ce maudit lézard… Elle n’avait trouvé d’autres endroits propices à son installation qu’à l’arrière de la demeure familiale des Weiss : son appartement en ville n’était pas suffisamment grand pour contenir une créature stupide et affolée par la proximité de l’être humain. Tout juste commençait-il à tolérer la présence des domestiques qui longeaient toujours la roseraie dans laquelle il s’était reclus. Heureusement, Luz était exclue de ces traitements acariâtres. Elle était libre de circuler autour de lui, de s’approcher, de le toucher. L’autre soir, elle l’avait surpris à ronronner sous ses doigts lors de gratouilles tout à fait généreuses. Pour autant… Lui apprendre à réagir à des ordres simples demeurait une autre paire de manches. Luz ne désespérait pas non plus de lui apprendre à se montrer plus familier avec les autres individus, et ce, sans montrer les crocs ni tenter d’arracher la tête de ses pauvres invités. C’est qu’elle avait une coloc’ et un compagnon à préserver !
Elle soupira et rajusta les pans de son manteau sur sa silhouette. Elle voyait très bien dans le regard malin du mist qu’il comprenait à merveille les ordres qu’elle lui donnait. Il se contentait généralement de regarder ailleurs, voire de souffler bruyamment par les naseaux. Elle n’avait pas encore tenté de lui donner d’ordre plus compliqué qu’un « viens ici », « ne bouge pas », « arrête de manger les poules du voisin », mais elle craignait d’ores et déjà la difficulté de l’exercice ! Pourraient-ils un jour se faire confiance au point de pouvoir combattre côte à côte… ? Elle avait accepté sa garde, espérant pouvoir sortir ce foutu lézard de sa dépression et lui offrir de nouveaux compagnons d’aventure. A présent, la tâche s’avérait diablement sportive… Peut-être pourrait-elle au moins lui permettre de devenir plus civilisé, faute d’être un vrai familier. Si elle pouvait garantir qu’il se tiendrait tranquille et n’inquiéterait pas les civiles de la Capitale, peut-être pourrait-il vivre une vie tranquille dans les grands jardins de la demeure des Weiss…
Un bel objectif en somme, et peu d’aptitudes. Luz était une tanche avec les animaux, guère capable de s’occuper davantage que de son glooby. Aux grands maux donc, les grands moyens… Elle connaissait la personne parfaite pour l’aider dans cette vaste tâche, et Naëry s’était chargé de les mettre en contact. Il lui avait assuré que sa future professeure se ferait un plaisir de l’aider… Luz n’en doutait pas pour avoir quelques fois déjà croisé la jeune femme. Et puis, quelle meilleure occasion pour mieux la connaître ? Un ou deux échanges au détour d’un stand n’étaient pas l’idéal.
Elle lui avait donné rendez-vous devant le quartier général de la Guilde des Aventuriers, et la chevelure bicolore de la jolie demoiselle était perceptible à des mètres à la ronde. Elle l’avait prévenue par l’intermédiaire de Naëry qu’elle aurait besoin de son aide à la demeure des Weiss. Elle comptait sur le trajet pour lui fournir plusieurs éléments d’explication plus avancée. Elle sautilla donc à son encontre et s’empara immédiatement de ses mains, un grand sourire enjoué sur les lèvres.
Tandis qu’elles se mettaient en route, Luz tâcha d’expliciter sa pensée :
Elle leva des prunelles pétillantes vers son interlocutrice, à demi taquine :
Elle lui fit un clin d’œil, n’hésitant pas à la titiller d’un faux coup de coude jovial.
Quand Naëry m’a vu au bar de la Guilde il y a quelques jours avec deux choppes à la main, j’ai compris qu’il allait me proposer quelque chose. Ca n’avait pas raté quand il m’explique que sa belle avait besoin de mes services, les services de la “ Reine des loutres “. D’ailleurs j’ai bien ris quand il m’a dit ça, ça va devenir une habitude d’aider les autres à dresser les familiers d’autrui. Bon, je dis ça mais j’ai qu’un client pour l’instant et c’était un loutron mais là, il m’avait dit que ça serait un peu différent mais que j’étais totalement capable de le faire. Je me rappelle d’avoir lever un sourcil quand il m’a dit, c’était louche, méga louche même mais que voulez-vous comment dire non à Naëry et Luz… ll m’avait eu par les sentiments. Mais ce qui était bien, c’était que j’allais avoir sa rouquine pour moi toute seule et je vais pouvoir la bombarder de questions sur mon coéquipier et ça… ça n’a pas de prix !
J’avais rendez-vous devant la Guilde et j’avais cette fois-ci prit juste le strict minimum d’affaire. K’awill, mes petits sac d’équipement et nous traversons la Capitale au galop loutrien. C’est à dire, plus hurler qu’autre chose, sauter par-dessus les étales et éviter le maximum de gens sur notre route. Bien entendu maintenant que j’arrivais près de notre magnifique bâtiment, je déplore aucun incident car nous nous améliorons de jour en jour puis j’en avais assez de payer pour les dégâts cela dit.
Une fois devant, la jeune femme devant moi. Je fais un dérapage contrôlé et saute de ma monture pour la retrouver. A peine pieds à terre, j’ai droit à un salut énergétique de sa part, elle est comme ça tous les matins ? Pauvre Naë. Bon c’est toujours mieux que quelqu’un qui tire la tronche toute la journée.
Je finis par la suite, K’awill dans notre dos jouant l’escorte sur le coup. Elle m’explique son affaire de mist. Même pas elle me laisse m’extasier devant la nouvelle qu’elle enchaîne aussitôt sur ma renommée nationale.
- Luz ! Tu as Mist… un Mist !
Dis-je au tac o tac, oubliant son histoire de prime.
- Tu te rends compte ? Déjà que c’est dur d’en voir en vrai et toi tu essaye d’en domestiquer un ? Tu…. as un dragon !
Je revenais toujours pas de la nouvelle, elle a récupéré un dragon rare qui était blessé, qu’elle a chouchouté et en plus maintenant qui est lié à elle. C’est quoi le soucis, il y a une arnaque non ? J’ai entendu peu de gens qui avait un Mist comme monture.
- Tu sais que rien d’en voir un, ça vaut tous les cristaux d’Aryon !
Bon là tout de suite, c’était un peu exagéré mais quand j’essaye de reprendre le fil de ma pensée, elle m’a proposé une rémunération, qu’est-ce que je pourrai avoir besoin… ? Je pourrai lui proposer comme service en nature mais déjà d’une, Naëry me tue et de deux Lin me tue et pire encore mais c’était la chance de ma vie ! Puis elle m’a fait un clin d’oeil, moi un clin d’oeil ça voulait dire “ tout ce que tu veux Carciphona chérie, je pourrai te récompenser avec mon propre corps tu sais “. Bon peut-être que j’ai un peu dérivé mais elle n’avait qu’à pas faire de clin d’oeil non mais…
- Tu sais… je le fais car ça me fait plaisir puis je dois rester à la Capitale pour une Lune là, j’ai des choses à faire donc bon, je peux bien t’aider puis tu as qu’à me livrer les petits secrets du Beau-Gosse ou quelques séances de bobologie.
Oui, là c’était intéressant. Donnant-donnant même si je ne veux pas tout savoir mais je trouve qu’il a beaucoup de chance d’avoir une femme comme elle dans sa vie. Ils ont l’air proche tous les deux alors que moi, Lin est loin et c’est compliqué quoi.
- Je suppose que tu as dû lire tous les ouvrages concernant les Mist non ? Ca vit dans la forêt proche des montagnes non ? Peut-être que le milieu urbain n’est pas sa tasse de thé… Il se sent peut-être encore enfermé comme avec les contrebandiers que tu viens d’évoquer.
Un être si majestueux qui est recherché par sa rareté qui se trouve enfermé de nouveau dans un maison certes grande mais enfermé tout de même puis croire qu’il n’est pas libre. Même si Luz est la personne la plus gentille au monde, son familier ne pense pas pareil surtout que récupérer un animal a un certain âge est plus compliqué. Avec K’awill, je l’ai eu bébé et nous avons grandi ensemble dirons nous mais lui, il a connu les grands espaces et tout le reste.
- Je ne te dis pas de le libérer loin de là mais montrer que tu lui accorde de l’espace, je crois que c’est la confiance qui vous manque mais allons voir ton Mist, j’ai hâte en tout cas !
Nous continuons de marcher pour enfin atteindre une grande demeure que je ne connaissais mais j’ai l’impression que Naëry fréquente une femme qui a l’air drôlement riche. Il a vraiment de la chance...
Elle qui connaissait une multitude de faits scientifiques sur la zoologie et dévorait régulièrement des ouvrages de référence sur le comportement animalier, héritait d’une inaptitude flagrante à comprendre réellement la nature animale. Ce n’était pas faute de bonne volonté, puisqu’elle s’entendait bien malgré tout avec la plupart des bestioles… Elle les voyait cependant comme des individus à part, et non le fruit d’une espèce. Cette approche était utile en temps normal, mais peu efficace en matière de dressage. Oh, elle aurait beau proposer des câlins à son mist, celui-ci n’aurait que faire de ses ordres en échange…
Elle appuya sa remarque d’un lever de regard au ciel fort théâtral. Carci était une compagne d’aventure très chère à Naëry. Par ce simple fait, elle avait acquis une place spéciale dans le cœur de Luz qui n’aimait rien autant que d’ajouter de nouvelles personnes à protéger dans sa meute. Dès lors et bien avant cette proposition de service, la noble se serait fait un véritable plaisir de soigner Carci contre la plus parfaite gratuité. Tout en marchant, elle vint tapoter son menton de deux doigts songeurs, tâchant de réfléchir à la suite des questions qui lui étaient posées.
En attendant et puisqu’il ne semblait pas vouloir bouger de plus de quelques mètres, je l’ai laissé s’installer librement dans la roseraie de ma demeure familiale. Il n’est pas attaché, mais j’en viendrai presque à espérer qu’un sursaut le prenne et qu’il se transforme en brume pour s’enfuir ! »
Elle laissa filer un profond soupir. Cela au moins témoignerait du fait qu’il était toujours en vie avec la volonté ferme de rester un animal fier. Tout en ouvrant la large grille qui menait à l’allée de sa demeure, Luz retourna vers Carci un regard sincèrement interrogateur :
Le problème était en effet peut-être là, dans cet environnement qui n’éveillait pas suffisamment son instinct animal.
Elle gratouilla gentiment la douce tête pelucheuse de K’awill qui s’était avancée jusqu’à elle et les incita à s’engager sur le chemin de graviers.
A présent, ses airs interrogateurs s’étaient mués en curiosité. Elle avait eu vent des tours de passe-passe dont la loutre était capable grâce aux quelques blagues de Naëry sur le sujet, et voilà à présent que sa soif de découvertes et de démonstrations la titillait. Si un aussi charmant animal pouvait faire le choix de s’apparenter à un autre humain, cela signifiait qu’il y avait encore de l’espoir pour son foutu lézard…
Sitôt qu’elles pénétrèrent dans l’enceinte de la propriété, un domestique apparut à l’entrée pour leur proposer de quoi se restaurer tout en récupérant les éventuels manteaux dont elles souhaiteraient se délester. Luz avait revêtu une tenue de voyage en cuir et fourrure qu’elle ne craignait pas de salir. D’un geste expert, elle remonta d’ailleurs la masse flamme de sa chevelure sur sa nuque, accrochée d’un catogan soigneusement serré d’un rapide tour de main.
Heureusement, le temps leur était favorable. Elles n’auraient pas à hurler des imprécations sous la pluie battante !
Elle posa avec douceur sa main sur son avant-bras, aimant souligner ses propos d’un brin de tactilité.
Au loin, la roseraie se dessinait dans le vaste jardin, environnée de plusieurs tâches de couleurs propres aux fleurs en cette période de l’année. L’espace d’ordinaire si bien entretenu avait été chamboulé par la présence du grand dragon qui y somnolait présentement : Renkhi profitait de la chaleur du soleil sur ses écailles bleutées pour surveiller avec flegme les environs, ses prunelles de chat à demi-clauses. Ses longues oreilles étaient détendues, de temps à autre saisies d’un frisson lorsqu’un insecte venait y bourdonner de trop près, et son flanc était appesanti d’un souffle ample et relaxé.
Lorsque le groupe se rapprocha de quelques mètres, ses naseaux s’agitèrent, signe qu’il venait tout juste de flairer la présence significative de K’awill. Il releva à demi la tête, ses quatre oreilles duveteuses pointées vers la source d’intrusion avec une forme non cachée de curiosité. Ses iris s’étrécirent, et il secoua brièvement sa fourrure en rapides remous pour ôter le pollen qui s’y était pris.
Bon cette femme était tactile et plus ça allait plus je me demandais si il n’y avait pas un truc bizarre là. Non mais je n’aime pas marcher les plates bandes des potes mais quand même à force si elle me fait un clin d’oeil, je ne répondrais plus de moi là !
Quoi qu’il en soit, on rentre dans sa demeure, enfin moi je n’appelle plus ça une demeure mais une quartier privatif au sein de la Capitale mais ce n’était qu’un détail car quand je vois ces employés de maison là, je me dis que j’arrive maintenant à tenir les finances mais eux, ils arrivent à payer des gens pour ne pas faire leurs propres tâches, la chance… Monsieur arrive aussitôt sauver la demoiselle et moi je me demande encore pourquoi je suis ici, ah oui sauver un pauvre petit Mist qui a eu la meilleure maîtresse au monde, moi je aussi je vais demander à être adoptée par Luz. Elle fait son petit numéro de charme, cheveux au vent, je sens son délicat parfum mêlé au cuir de sa tenue… Naëry, tu es trop chanceux.
- Une tasse de... eau chaude avec des herbes qui sentent bon !
Je ne sais jamais ce qu’il y a dedans aussi alors je ne préfère pas m’avancer.
- Après tu sais pour ton Renkhi, si physiquement il a l’air apte, je pense que le sortir dans son environnement n’est pas plus mal. Sinon, tu connaissais le lien qu’il avait avec son ancien maître ? Il lui faisait la lecture, cherchait des plantes avec lui enfin peut-être si tu essayes de faire comme avant, ça pourrait amorcer quelque chose entre vous.
Une idée comme une autre mais je ne dis pas de prendre la place du vieux non ça ne fonctionnerait jamais mais essayer d’amorcer quelque chose. Un Mist, ça se promène dans la forêt et ne s’attache pas aux humains comme ça, il faut quelque chose de fort. Moi avec K’awill, c’était l’amusement, l’esprit d’aventure, toujours faire les quatre cents coups, nous avons ça en commun, pouvoir parcourir le monde tout en s’amusant mais pour Luz, c’était quoi son but ? Avoir un dragon rarissime dans son jardin ?
D’ailleurs je vois que ma loutre a déjà adopté Luz, elle avait cette joie de vivre qui illuminait son monde, même K’awill l’aperçoit mais pourquoi pas Renkhi, il doit bien sentir qu’il ne veut que son bien non ? Puis moi, si quelqu’un comme elle pouvait grimper sur mon dos, je serai fière !
- J’ai toujours du mal à croire que je serai toujours la bienvenue ici avec cette armée de domestiques qui scrutent le moindre de tes désirs ! Naëry arrive à s’y faire, lui aussi c’est un aventurier, tombé dans toute cette richesse, c’est dur pour nous tu sais.
Des gens comme Luz ont toujours tout eu tout ce qu’il fallait. Une éducation, un toît et à manger dans leurs assiettes sans le moindre effort. Moi je n’ai jamais connu ça et ni un immense jardin qu’elle me présente là comme si c’était normal comme avoir un Mist au milieu des fleurs.
- Finalement, c’est peut-être juste un feignant !
Dis-je en rigolant, il est fan des fleurs et il adore se rouler dessus comme les moutons qu’il va dévorer dans peu de temps. J’imagine si j’avais pris ça comme familier mais je n’aurai jamais eu le budget pour nourrir une bête qui mange plus que moi ! Heureusement K’awill, je m’en sors et il mange des trucs dans la rivière mais des moutons ! Moi un mouton, je tiens plusieurs semaines avec et je me fais un bonnet ensuite.
On s’approche peu à peu, ma loutre regardait “ l’ennemi “ en face, il pourrait s’envoler et attraper ma loutre pour un petit goûter mais c’était hors de question. Même pas il ne mange ma loutre lui sinon il se prends une flèche entre les deux yeux. D’ailleurs, je vérifie que j’ai bien ma sarbacane à ma cuisse et prévient K’awill télépathiquement de faire attention, qu’il ne fasse pas l’imbécile.
- Je pense qu’il sait très bien que tu peux lui donner toute la nourriture qui souhaite. Peut-être qu’il attends quelque chose de plus … concret. Tu lui a surtout donné des soins non ? Mais ensuite ? Je crois qu’il te teste ou il pleure son ancien maître.
Une fois près de lui, voilà qui bouge. Montrant la grâce de son rang, il nous jauge de nouveau de son regard, laissant un certain temps celui-ci sur K’awill qui essaye d’attraper le pollen qui vole. Il me désespère encore et encore celui-là, il ne peut jamais rester calme.
- Puis j’y pense, un Mist ce n’est pas agressif puis ça s’échappe en brume en cas de danger, peut-être c’est ça son soucis, il ne peut plus se transformer en brume et donc il a peur de l’homme. Ooooh si ! Normalement il vit dans les forêts humides non, il en manque d’humidité pour créer sa brume ou sinon il a vraiment de bronzer…
Je croise les bras sur ma poitrine, ça devenait compliqué son affaire et j’y connais rien en Mist mais j’essaye de tenter un truc.
- K’awill, approche toi de Renkhi et essaye de lui parler s’il te plaît !
- Mais si dragon veut me manger ?
- Mais non t’inquiète, c’est un gentil dragon puis c’est le Mist de Luz, pourquoi elle aurait une bête féroce dans son jardin.
- Mais dragon me regarder tout le temps
- Normal qui ne craquerait pour une mignonne petite loutre comme toi !
- Je suis plus petite loutre, moi grand !
- Mais oui, allez fait ça pour Luz et Naë. Tu pourras peut-être m’aider sur ce coup.
- D’accord maîtresse, mais récompense après.
Il ne perds pas le nord celui-là mais je fis un sourire à Luz, j’espère que le plan va fonctionner.
- Promis, c’est Luz qui régale elle a dit !
Ma loutre finit par avancer tout doucement, je lui envoie quelques messages télépathiques de réconfort mais j’espère vraiment qu’il ne va pas le manger car je n’ai pas envie de le tuer devant les yeux de la rouquine moi...
Pour le moment, ajouta-t-elle en son for intérieur. Elle connaissait le lieu d’habitat de ce dernier, à proximité de la Forteresse. Cela ne devrait pas être trop dur de dépêcher un messager là-bas pour trouver l’un de ses anciens proches en mesure de répondre à ses questions et de lui apporter quelques précisions, non ? Quoiqu’un vieillard accompagné d’un mist, c’était souvent synonyme de marginal… Lorsque Carci poursuivit l’inventaire de ses impressions, Luz tapa cette fois-ci son poing dans sa main.
Elle s’apprêtait à courir chercher des sceaux d’eau lorsque la jolie loutre se mit à parler. Certes, Luz avait connaissance des effets des parchemins de familiers disponibles sur le marché, mais voir une loutre géante s’adresser soudainement d’une voix gutturale à sa maîtresse avec un air diablement adorable, avait de quoi impressionner ! Luz se tint donc coite, un peu trop penchée vers le duo, dévorant des yeux le charmant museau de K’awill. La magie était un splendide don des cieux. Elle soupçonnait que ce n’était pas là les seules capacités de la créature, mais celle-ci valait déjà son pesant d’or. Elle n’osait imaginer combien cela devait être pratique pour s’entendre immédiatement sur le terrain avec son familier… Pensive, elle nota également cette information dans un coin de son esprit. Très bien. Elle se renseignerait dès que possible pour obtenir une magie similaire. Peut-être qu’en ayant accès aux pensées profondes de son mist, la situation se délierait davantage… Ou se complexifierait ?
Lorsque le grand reptile paresseux compris que la loutre s’avançait vers lui, il eut un vif sursaut pour se redresser. Tout d’abord méfiant, il flaira l’air entre eux deux et pencha la tête de côté, interrogateur. La fourrure à demi gonflée à la manière d’un chat, il ne dévoila pas pour autant ses crocs. Les mists n’étaient pas de nature agressive, et celui-ci percevait très bien la non hostilité de la nouvelle venue. Il se tassa plutôt sur lui-même, et passa sa longue queue devant ses pattes, ses oreilles pointant tantôt vers l’avant, tantôt bougeant en vagues ronds inquiets. Alors, il tendit son museau jusqu’à celui de K’awill, et vint souffler dans son pelage une longue respiration chaude. Luz, tendue, crut l’espace d’un instant le voir s’amuser à décoiffer le joli pelage de la loutre géante. Il parut pour sa part instantanément se détendre, ayant de toute évidence classé K’awill parmi les espèces inoffensives pour la sienne. Il la poussa légèrement du museau, puis se retourna tout bonnement pour leur montrer son arrière train à la manière d’un très, très gros chat boudeur. Sa queue brassa des touffes d’herbe lorsqu’il la rabattit soudainement vers lui. Heureusement, la loutre souple et vive évita le crin touffu de sa queue lorsqu’il fit semblant de ne pas voir qu’elle risquait de lui passer sur le museau. Aaah… C’est qu’il faisait sa diva le malin !
Les mains sur les hanches en signe de défi, Luz fit volte-face. Elle revint quelques interminables instants plus tard armée de deux énormes bassines d’eau et accompagnée de trois autres domestiques portant de semblables outils. Ils eurent tôt fait de repartir, et Luz retroussa ses manches sur ses coudes. Le soleil, haut dans le ciel, diffusait une chaleur tout à fait agréable pour des jeux d’eau.
Lorsque le contenu de la première bassine fut déversé sur son arrière train, Renkhi releva un museau outré vers sa maîtresse. En une poignée de secondes, il plongea le bout de sa queue dans le fond d’eau du sceau et en distilla d’une secousse son contenu sur les trois comparses. Une multitude de gouttelettes se déversèrent sur elles, et Luz ne put contenir le rire qui l’envahit tout aussitôt. Ses mains en protection devant son visage, elle recula de quelques pas malicieux, prétendit répondre à Renkhi et… Jeta au visage de Carci un quart de la deuxième bassine.
Bien malgré lui, Renkhi s’était à demi tourné vers elles, une pointe d’excitation vibrant dans son pelage. Les pupilles rondes, il semblait lutter pour préserver ses airs de diva, visiblement complètement appâté par la perspective d’une bataille d’eau.
Je tremblais intérieurement, j’espère qu’il ne va pas le manger, je n’ai vraiment pas envie qu’il me morde. Est-ce que je devrais dire que les loutres, ce n’est pas bon pour les Mist ? Ouais j’aurai dû dire ça, je suis sûre qu’il m’aurait cru !
K’awill ne paniqua pas mais il m’adressait des messages télépathiques plutôt amusant.
- Allez, montre que tu es une loutre de combat
- Mais Mist… regard bizarre
- Je suis là K’awill, jamais je ne t’enverrai à la mort
- Maîtresse m'envoie toujours premier dans trou noir qui fait peur
- Non ça c’est autre chose K’awill.
- Moi toujours affronter noir tout seul. Là pareil !
- Mais non regarde, il est tout gentil
- Alors pourquoi pas Maîtresse y aller ?
- Car toi tu es plus mignon K’awill, une magnifique loutre
- Moi demander beaucoup récompense...
- Promis, tout ce que tu voudras !
Cet échange télépathique devrait être amusant à voir, surtout les grimaces que je faisais en même temps mais quand je vois la queue du Mist passer à quelques moustaches de K’awill, j’ai failli m’évanouir. K’awill, comme toujours, parfait, esquive la bête mais il ne savait plus quoi et resta assis devant le familier de Luz. Il tourna la tête dans notre direction attendant les ordres. Mais quand la propriétaire arrivait fâcher, enfin on aurait cru car la position montre qu’elle essaye de faire la loi mais c’était plus amusant qu’autre chose.
Quelques instants plus tard, je vois des seaux qui arrivent de tous les côtés. Non sérieusement, elle va mouiller avec ces quelques litres ? Le premier seau lui arrive dessus, il se tourne, le regard noir… K’awill s’allonge aussitôt au sol.
- Pas content ! Pas content
- T’inquiètes, ça va aller.
C’était la première fois qu’il me parlait autant par télépathie, il savait qu’il devait faire attention mais je ne contrôlais pas les actions de Luz. Mais Renkhi a décidé que c’était journée t shirt mouillé tout comme sa maîtresse d’ailleurs.
- AH MAIS LUZ !
Je demande à K’awill de s’approcher et de faire son plus secouage de fesses autour de Luz. Aussitôt l’ordre dit, il s’approcha de nous et éclabousse Luz ainsi que moi de toute sa splendeur. J’arrache un seau d’un domestique et jette le tout sur ma rouquine, bon le récipient est parti avec pour l’occasion.
- Désolée !
J’arrive à ses côtés pour voir l’ampleur des dégâts, je lui avais balancé en pleine tête.
- Ca va… je n’ai pas fait exprès tu sais mais ça glissait… et.. tu m’as attaqué la première !
Oula, un début de bosse, c’était peut-être le moment de lui dire de voir un médecin mais c’est elle le médecin, c’est dur de soigner quelqu’un mais la seule personne que je vois encore compétente, c’est Calixte, il m’avait bien soigné la main l’autre fois mais si je ramène Luz à moitié cassé, Naëry va me tuer ? Je suis une femme morte… terriblement morte que ça doit se voir sur le visage. Je m’approche d’elle, tapotant autour de sa future bosse possible sur le front. Elle va être belle comme ça puis je constate notre proximité soudaine et l’eau qui dégouline sur nous. C’est bon j’ai chaud maintenant… j’ai envie d’être cette gouttelette d’eau qui descend le long de son cou et encore plus bas.
Puis on se prends de nouveau de l’eau sur nous, qui a bien pu faire ça encore...
Elle attendit que la jolie aventurière se rapproche d’elle pour lui envoyer son ample chevelure au visage d’un souple mouvement du cou. Les mèches flammes imbibées d’eau produisirent un splotch convaincant lorsqu’elles entrèrent en contact avec la joue humide de la Cendrée. Ne cherchez donc plus d’où venaient les sales habitudes de Renkhi… Dragon qui s’était d’ailleurs subrepticement approché de la scène pour mieux se saisir d’un sceau d’eau entre ses crocs. Sans le réaliser tout à fait, il surplombait presque à présent les deux jeunes femmes, dressé sur ses pattes arrière. Plutôt que de le leur envoyer, il leva haut la tête et le sceau finit par se renverser pleinement sur son museau et son pelage, inondant au passage les témoins silencieuses de son forfait. Il s’ébroua alors de l’exacte même manière que K’awill, un ample souffle de satisfaction soulevant ses flancs et ses babines. Redevenue sérieuse, Luz affichait un grand sourire ravie.
Elle se redressa pleinement en position assise, riant lorsque la proximité d’une loutre géante en train de s’ébrouer lui valut quelques éclaboussures.
Revenue à une position plus verticale, elle épousseta le cuir de son pantalon recouvert de terre et d’herbe humide. D’une main experte, elle tordit sa longue queue de cheval entre ses doigts et vint l’essorer par-dessus son épaule.
Renkhi les écoutait lui aussi sagement, les prunelles grandes ouvertes, ne perdant pas une miette des mouvements de la loutre géante. Il ne se conduisait toutefois pas en prédateur, mais en animal curieux d’un congénère. Ses oreilles pointaient d’ailleurs dans sa direction et il articulait parfois un grognement à son égard.
Puisque sa maîtresse le regardait, Renkhi tourna vers elle sa grosse tête de reptile et vint doucement étirer son long cou pour la poser entre ses mains. Un grondement de bonne humeur le saisit progressivement lorsque Luz commença spontanément à lui gratouiller le sommet du crâne. Un peu plus loin, la voix de Basile les interpella pour leur signaler que les boissons et les encas étaient prêts. Une petite table avait en effet été dressée, comportant les diverses commandes des invités.
Elle joue sur la plaisanterie alors moi aussi je sais le faire !
- Bah tu auras toujours une place dans le mien, ahahaha.
Alors que je regarde de plus près sa fameuse défiguration sur son si beau visage, elle me balance ses cheveux trempés contre ma joue.
- Ah mais ça fait maaaaaaleuh !
Je me frottais ma joue pour essayer de calmer un peu la douleur, on me l’a jamais faite celle-là d’ailleurs. Enfin si le fameux déhancher de cou sauvage et sensuel mais là… elle a utilisé ça comme une arme ! Puis encore une fois, on se prends une nouvelle douche. Je lève les yeux au ciel et j’observe un Renkhi qui s’amuse à s’arroser. Je crois qu’ils ont plus de points communs qu’on pourrait le croire.
- Merci Renhki… Je n’étais pas assez mouillée !
Les deux familiers s’amusent à enlever l’eau de leur fourrure et nous voilà de nouveau arroser par mon plus grand désarroi. Je suis mouillée même en-dessous et je n’aime pas être mouillée jusqu’au sous-vêtements. Essayant de trouver un semblant de dignité, Luz fit de même mais on ressemblait à plus rien maintenant mais ce n’est pas grave, ce n’était pas fondamental d’être impeccable, sexy, on peut être juste sexy !
- Tu es une vraie pipelette tu sais, je ne pensais pas trouver pire que moi. Pauvre Naëry, déjà qu’avec moi en expédition mais maintenant même chez lui il supporte ça…
Le dragon devenait de plus en plus curieux avec K’awill mais aussi à notre étrange duo. Alors que le médecin continuait à poser des tonnes de questions, le mist approche sa petite grosse tête vers sa maîtresse qui lui donne aussitôt quelques caresses. C’était peut-être un vieux ronchon qui demandait de l’attention finalement, les vieux… toujours aussi casse-pieds !
- Oui on peut faire ça si tu veux dans les prochains jours, je suis libre d’ailleurs, tu veux y amener Naëry aussi ?
Bon si il ne venait pas, c’était bien aussi, c’était surtout de le pur politesse et l’occasion de mater sa copine sans sentir son regard noir car il me connaît le bonhomme.
- Enfin comme tu veux ! ça m’est égal mais oui je crois que ce lascar a besoin de changer d’air puis je crois qu’il aime bien K’awill aussi.
Ma loutre s’amusait autour du dragon. C’était la première fois qu’il en voyait et il s’amusait à se cacher dans les fleurs pour essayer de lui tendre un piège. Je lui donne alors l’autorisation télépathiquement qu’il pouvait se rendre invisible si il veut réussir son coup.
- Alors pour tes questions, moi j’ai eu K’awill à la sortie de l’oeuf, j’étais un peu sa maman. Au début, c’était surtout des jeux. A la fois autoritaire et l’autre douce, c’était un savant mélange des deux. J’ai une relation fusionnelle à ma loutre mais tu as dû le remarquer c’est pour ça que j’ai choisi des parchemins qui me permettent de communiquer avec lui. Comme un enfant humain, j’ai appris un vocabulaire par exemple pour lui ta chevelure est couleur feu etc car je ne connais pas le loutrien moi mais à force de persévérance.
Des heures et des heures de jeux même, des kilomètres de parcourus, nous avons sillonné tout le royaume, affronter mille danger aussi. Voilà la force de notre tandem, l’aventure, il était toujours avec moi, c’était mon ombre.
- Après généralement, nous avons un code, un ordre télépathique ne peut jamais être contredit. Si je le réprimande à voix haute, ça n’a pas le même poids. Quand nous sommes en mission, nous travaillons par télépathie, on rentre tous les deux alors dans une sphère sérieuse mais nous nous taquinons le plus souvent à voix haute pour différencier. N’est-ce pas K’awill ?
Il lève aussitôt la tête des fleurs. Il me fait les gros yeux car je venais de le faire sortir de sa cachette lui qui voulait attaquer le dragon mais dois-je lui rappeler que sa fourrure n’est pas couleur fleurs… il le verra bien assez vite de toute façon.
- J’ai appris plein de petits tours d’ailleurs aussi. Regarde ce bracelet, c’est notre item de secours, comme un chien de montagne, si un jour il me voit inconsciente sur le sol ou à l’article de la mort. Il sait que si il appuie sa truffe dessus, ça nous ramène illico à la guilde. J’ai passé des heures à lui expliquer mais maintenant je sais que si il m’arrive quelque chose, cet item nous sauvera car j’ai choisi un enchantement qui nous ramène tous les deux.
Tournant la tête vers les fleurs, K’awill était encore allongé au sol, attendant le bon moment. Il me fait rire et je me concentre de nouveau sur Luz qui semble boire mes paroles. Ca me rappelle le cours avec Calixte quelques jours plus tôt sauf qu’elle, elle ne m’a pas fait de strip-tease.
- En tout cas, ça dépend que tu veux avoir avec lui ! Tu n’es pas une aventurière. Tu ne peux pas l’amener dans ton cabinet tous les jours donc je pense qu’il faut que tu viennes régulièrement le voir, Naëry va devoir te partager. Je crois que c’est ça le plus important, l’échange entre nos familiers, c’est ça qui les rends heureux. Tu viens bien de le voir, je crois qu’il a besoin de compagnie et de divertissement.
Je me gratte la tête pour savoir les questions que j’aurai pu oublier.
- Ah oui les récompenses ! Pas forcément de la nature, ça peut-être des caresses ou même un compliment. Au début, c’est important surtout petit et après essayer d’espacer. K’awill ne fonctionne plus trop avec les récompenses sauf quand il fait quelque chose de différents, d’ailleurs il attends que tu lui donnes quelques sardines, il adore ça !
Je me mets à rire car je n’hésiterai pas à lui rappeler pour embêter la belle doctoresse. J'essaye alors un truc avec le dragon.
- Hey Renhki ! Avec K’awill, nous allons à la table là-bas pour prendre un goûter. Tu viens avec nous ?
Donnant un ordre à ma monture, il rapplique aussitôt et court en direction de la table.
- J’ai une faim de Mist en plus !
Je pars retrouver la table avec joie, manger des trucs de riches, ça ne peut être que bon !
Peut-être pourrait-elle apprendre à Renkhi quelques tours bien utiles, semblables au bracelet de Carci ? S’ils s’avéraient suffisamment synchrones au bout de plusieurs mois, lui apprendre à se battre à ses côtés pourrait être une judicieuse idée ! Peut-être commencerait-elle à s’entraîner à proximité de lui dans les semaines à venir afin qu’ils s’habituent dès à présent à son électricité ainsi qu’à son épée de souplesse… ?
Elle fut interrompue dans ses réflexions par la proposition enthousiaste de Carci et releva des yeux curieux vers Renkhi. Le grand dragon était jusqu’alors pris d’une fascination terrible pour la loutre géante qui ne cessait de faire la mariole dans les parterres de fleurs avoisinants. Surveillant ses mouvements de ses prunelles étriquées, sa queue s’agitait de légers soubresauts lorsque la loutre s’amusait à disparaître brièvement de son champ de vision. L’animal avait de toute évidence plus d’aisance à s’entendre avec les autres bestioles de tout poil qu’avec le genre humain… Il suivit néanmoins le mouvement du groupe et bondit de quelques sauts chaloupés jusqu’à K’awill. Alors, d’un tout petit et prudent mouvement de patte, il vint tapoter le museau de la loutre de la pointe de ses coussinets, se tassant par moment au sol comme pour s’approprier un meilleur aperçu de la pelucheuse monture.
Elle se tourna vers Carci, un grand sourire avenant sur les lèvres :
Elle s’accapara pour sa part la tasse de thé qui lui était destinée et repris le fil de la conversation :
Elle replaça une mèche de cheveux rebelle derrière une oreille de deux doigts habiles et adressa cette fois-ci un semi sourire en coin charmant à l’adorable Cendrée.
Il était vrai qu’elle ne connaissait que très peu de choses sur la jeune femme, outre son penchant pour les blagues et son caractère naturellement spontané et guilleret. Ce qui était en somme fort peu d’éléments : quelqu’un de sa posture dans la Guilde des Aventuriers n’avait pas terrassé quantité de monstres et parcouru le monde sans avoir d’histoires à raconter ! Que faisait-elle de son quotidien ? Quelles étaient ses spécialités ? Avait-elle une famille ? Quelqu’un qui partageait sa vie ? Des enfants même ? A ce stade, Carci pouvait bien être dotée d’une multitude d’aspects étonnants.
Elle tapota un court instant son menton de ses doigts et son visage s’éclaira d’une curiosité encore plus mordue qu’auparavant.
Carci, bavarde ? Attendez de placer Luz à ses côtés, et vous risqueriez d’obtenir un bruit de fond perpétuel ! A trois mètres d’elles, Renkhi s’affairait à récupérer son sceau de mouton à grand renfort de mâchonnements ravis.
Le dragon finit par nous suivre ou il finit par suivre K’awill. Comme avec Calixte et son loutron, c’est surtout ma monture qui fait tout le travail se nouant facilement à ses congénères avec une facilité déconcertante. K’awill s’extasie quand Luz parle d’un seau entier de poissons et lui-même finit par répondre par l’affirmative de cette proposition. Il sauta alors partout et s’amuse à tourner autour du Mist jusqu’à se poster en face de lui pour recevoir une petite tape gracieuse sur le bout de la truffe.
- Tu sais, rien nous oblige à aller si loin… mais l’appel de l’aventure est toujours si tentant !
Il existe plein de missions dans les villages aux alentours qui nous prends juste quelques jours par-ci, par-là. Moi c’était par vagues, des fois j’avais envie de partir loin, d’autres non. Allant essentiellement vers le nord du pays, je m’approche peu du Grand-Port mise à part pour voir Lin pour prendre la navette mais peut-être que je devrais négocier avec Janua, une hôtesse de la guilde, des missions à la Ville Aquatique !
Alors que je m’approche de la table, je vois thé, petits gâteaux et j’en passe. C’était donc ça un goûter de riche ? Ooooh, je veux la voir plus souvent quand j’attrape un petit gâteau et le mets direct dans la bouche. Hummmm, il avait un goût exquis dont je ne connais pas le nom mais c’était un délice. Avalant tout rond le met, Luz s’approche encore de moi. Elle avait ce don de tout chercher la présence de l’autre, des fois même de trop et c’était marrant de voir son approche comme un chat qui tourne en rond autour de toi. Elle faisait de même, une démarche féline, un regard de captivant, des gestes précautionneux, des sourires savamment placés. Naëry, je comprends pourquoi tu as craqué, moi aussi j’aurai craqué face à une charmeuse pareille…
Elle replace une mèche de cheveux derrière mon oreille, je ne m’y attendais pas et si je le pouvais ma mâchoire tomberait par terre par la surprise. Je sens que je rougis un peu, moi Carciphona qui n’a peur de rien. Mais depuis que j’ai ce collier jumeau, cette rune dessinée sur mon avant-bras, à chaque fois que les gens deviennent entreprenant avec moi… bah je perds mes moyens alors qu’avant c’était moi la prédatrice. Bon Luz était au-dessus, elle fait ça naturellement mais quand elle sourit, on lui pardonne tout, traîtresse va…
- Oui, oui, dans trois jours si tu veux !
Attrapant un autre biscuit que je dévore aussitôt, elle réfléchissait à me torturer encore et encore quand elle me demande comment j’ai croisé Naëry. Je me mets à rire subitement car cette histoire est à mourir de rire.
- Ah,ah, ah. Tu veux vraiment savoir en plus de tout ce qui me concerne ? La nuit va tomber d’ici là !
Je tourne la tête quand j’entends des bruits métalliques dans mon dos. C’était le dragon qui prenait son petit goûter à lui. Heureusement que je n’ai pas de Mist en familier… il serait vite au régime avec moi.
- Oooh tu sais quoi !!! ça me fait à un truc. Tu sais ce que c’est une châtaigne ?
Sautillant presque de joie à ma blague hors du commun.
- Un félin méchant, ah aha.
Je me racle la gorge avant de prendre une voix plus sérieuse.
- C’était lors d’une nuit où le ciel avait décidé de montrer ses tourments. On m’a raconté que l’orage grondait, la pluie était un déluge car la naissance du septième enfant était pour bientôt, le septième prodige d’une famille fermier en cette année neuf cent soixante douze. Sous les yeux de ses six ainés, Carciphona Ixchel est née dans la salle commune de la maison familiale. Ses parents avaient un humour sans limite car après Cahill, Caleb, Caly, Carmine, Ciaria et Candy, trouver un autre prénom en C, ce n’était pas une mince affaire et pour la petite dernière, ils ont choisi le plus long possible comme aussi habités dans un petit hameau proche d’un village au nom imprononçable, Manillam.
J’attrape un autre gâteau à la vanille avant de continuer.
- Sinon, non pas d’enfants, ça risque d’être compliqué car je sors principalement qu’avec que des femmes même si un petit Naëry serait bien tentant tout comme votre amie métisse là, elle est...!
Un petit clin d’oeil taquin et on repart.
- Puis une aventurière n’a pas le temps pour ça, les enfants… j’ai une loutre géante ! Sinon, je n’ai rien d’extraordinaire, je vis à l’étage d’une grange dans une ferme d’un couple de vieux non loin de la porte Sud-Ouest. J’y suis depuis que j’ai quitté la maison familiale, ils ont accepté de me prêter l’étage contre travaux et maintenant ça fait presque dix ans que j’y suis et j’ai tout aménagé ! Puis moi mon rêve, c’est d’être Saphir car je veux que mes parents soient fiers de moi, que notre nom perdure et qu’une fille de paysan puisse mettre la raclée à tous ses riches et autres gens de la Capitale, enfin sans t’offenser Luz !
Oui bon elle était cool Luz, elle ne comptait pas comme ses autres nobliards.
- Enfin je crois que tu sais presque tout. J’ai un coeur d’artichaud également et j’ai du mal à faire des choix intelligents, Naëry m’a beaucoup aidé pour que je tourne la page sur la soi disante femme de ma vie…
Rien de penser à Sue, la belle garde, mon coeur se resserre. A chaque fois que ça fait ça, j’ai l’impression de trahir Lin mais comment je peux effacer des sentiments que j’ai pu avoir pour cette femme, ils étaient si intense et elle m’a brisé le coeur en mille morceaux en partant sans me dire au revoir ni m’expliquer pourquoi.
- J’ai un peu rencontré comme ça Naëry. C’était il y quelques lunes, je parlais avec Janua, pleurant à moitié cette femme et Naëry arriva avec son popotin royal dans le Hall de la Guilde. Bien évidemment, mon amie masquée a fait des éloges de cet bel homme que je n’avais jamais croisé. Moi, téméraire que je suis, j’ai décidé d’inviter le beau-gosse ténébreux à boire un verre avec nous car ça m’amusait. On a ris une bonne partie de la soirée, j’ai vomis car j’ai vu le visage de Janua sans son masque, ne lui demande jamais de l’enlever, tu verras ton pire cauchemar puis j’ai appris à connaître un homme avec un grand coeur malgré son air de beau-gosse, je me suis dis que c’était un type bien. Tu as de la chance Luz et j’espère tu arriveras à casser la carapace qui cache son coeur, il ne parle jamais de son passé...
Cette discussion venait régulièrement dans nos discussions d’expédition mais il ne disait jamais rien. J’ai préféré abandonner et continuer à parler de moi pour aussi dire rien d’intéressant. Notre duo fonctionnait comme ça.
- Enfin, je crois que tu sais tout non ? D’ailleurs vu qu’on parle de notre Naëry, comment tu as mis le grappin sur cet homme mystérieux ? Il a fini en consultation chez toi ? Il t’a sauvé quelque part car je le vois bien faire ça ou c’est un truc moins romantique, tu l’as trouvé saoul quelque part ?
Même si voir le brun saoul me semblre invraisemblable, il garde toujours le self-control celui-là. J’entends de nouveau du bruit dans mon dos quand je vois K’awill, la tête coincée dans le seau.
- Espèce de boulet va, viens.
Il se dirige au son de ma voix et j’arrive pour lui arracher le récipient de la tête.
- franchement, tu en rates pas une toi !
Il avait les moustaches retroussées, une crête de poils sur la tête, il était ridicule mais je lui donne une caresse sur le sommet du crâne.
- Allez, Renkhi a fini de manger, va l’embêter un peu.
Le voilà qui part à toute vitesse vers son grand copain…
Autant laisser derrière soi les gens toxiques et indécis. Carci n’avait guère besoin d’une personne qui l’aurait tirée vers le bas lorsqu’elle avait pourtant des rêves à accomplir ! Luz faillit toutefois boire son thé de travers lorsque son interlocutrice poursuivit son histoire. S’astreignant à ne modifier en rien son comportement naturel, elle reprit une nouvelle gorgée de thé chaud et se composa une mine assez désolée. Dans les premiers temps, mentir sur ce point s’était avéré délicat et fortement artificiel. Mais l’entraînement avait commencé à porter ses fruits et Luz devenait chaque jour un tantinet plus habile à jouer pleinement le jeu de Naëry Wig, Aventurier bourru vivant à l’étage d’une petite maison de quartier.
Elle rit doucement.
Elle soupira, l’air de dire que cet effort lui coûtait une énergie surhumaine par instant.
Elle désigna l’ensemble de la maison et du terrain. Carci l’avait elle-même sous-entendu à plusieurs reprises, la vie des nobles pouvait paraître déstabilisante par bien des aspects pour des personnes qui n’avaient pas eu autant de ressources offertes dans leur existence. Elle ne savait guère si cet appât ferait mouche, mais Luz espérait qu’un probable doute en la matière ferait réaliste pour une personne telle que Carci. Le plus dur était néanmoins encore à venir. Mince. Ils n’avaient pas discuté de la version officielle de leur rencontre ! Que faire si la Cendrée interrogeait Naëry sur le sujet dans les prochains jours… ? Taquine comme elle l’était, aucun doute qu’elle prendrait plaisir à lui envoyer des messages ! Bon. Autant essayer de rester relativement vague, composer quelque chose proche de la réalité. La perspective de lui mentir ne lui plaisait guère non plus, et se rapprocher des faits réels soulagerait un peu plus sa conscience. Elle contacterait Naë’ par cristal de communication dès le départ de Carci.
Elle lui fit un clin d’œil et s’accapara un gâteau pour accompagner la fragrance délicieuse de son thé.
Elle haussa les épaules, et son visage se fit soudain plus joyeux.
Elle fit mine d’imiter son compagnon, carrant les épaules avec un faux air de ténébreux.
La mention du pouvoir particulier du jeune Aventurier fit alors tiquer Luz. Il y avait bien encore un aspect sur lequel elle n’avait pas harcelé la Cendrée…
Autour d’elles, l’après-midi s’était étirée d’ombres plus changeantes. Le soir surviendrait bientôt, et la température s’était un tantinet rafraichie. Renkhi somnolait d’ailleurs à proximité, enroulé sur lui-même à la manière d’un gros serpent duveteux.
Comme Naëry, Luz était quelqu’un d’optimiste dirons nous. Elle m’encourage et elle aussi pense la même chose au sujet de Sue. Je ne demande à personne de comprendre ma relation avec elle, même moi je ne la comprends pas, enfin ne la comprenais pas mais je l’aimais et… voilà ce qu’il fallait en retenir. C’est bien différent avec Lin, toutes les deux, nous avons un coeur brisé. Aucune ne veut réellement s’engager mais on le sait que ce n’est pas vrai, nos gestes, nos attentions prouvent tout le contraire mais on se ment à nous même, se contentant à une relation consentante et basta.
- Puis une future Saphir n’a pas besoin de ça… l’amour… une quête qu’on ne réussit jamais de toute façon, ahahaha.
Oui une quête qu’on ne sait jamais comment elle va finir et des fois même commencé. Je n’ai pas spécialement envie d’y penser mais tout autour de moi, chacun trouve sa moitié et je demande si Lin est ma moitié.. Bref, penser à ça, écoutons les lourds secrets de Naëry, ça c’est amusant. Bon je croyais que j’allais avoir plus d’informations et tout le reste mais que dalle ouais, que des choses que je savais déjà.
- Pfff… ce mec, toujours aussi mystérieux. En tout cas, toi tu étais vraie rebelle ! Je t’imagine bien là, grimper sur les murs et tout.
MOi aussi j’aurai bien voulu une femme splendide fasse le mur pour moi puis surtout à faire le mur. Mettre les mains sur ses hanches et des fois sur les fesses, parce que les dérapages, ça arrive hein !
- Ouais, il se la pète avec ses yeux, je compatis. Il arrive fier comme un paon à me dire “ Carciiiii, tu ne peux rien me cacher “... puis il a souvent raison, il m’éneeeerve !
Bon il savait bien écouter cela dit puis quand on partage la route ensemble, on a le temps de raconter des choses car à part marcher, regarder droit devant, bah… on a rien d’autres à faire. Donc on discute, encore et encore puis il fait bien à manger aussi, des vrais mets ! Hum, faut que je lui propose de refaire une mission avec lui pour le plaisir de manger ses bons petits plats.
Je m’empiffre d’un autre gâteau quand elle me pose d’autres questions. Répondant ainsi la bouche pleine.
- Faire tomber de l’eau ! Nooooon, je ne sais pas faire ça ! Mais je sais faire ça.
J’active aussitôt mon pouvoir, me rendant invisible. Elle ne me voyait plus mais elle ne pouvait ni me sentir, ni m’entendre. Pour continuer notre spectacle, je dis à K’awill de s’approcher et de se rendre invisible devant elle.
Lui laissant le temps d’assimiler, je passe tout doucement derrière elle, pour lui souffler quelques mots au creux de l’oreille.
- C’est ça mon pouvoir, rendre invisible les choses, pouvoir lui parler dans sa tête..
Puis je m’éloigne d’un pas pour éviter tout risque de coups de sa part. La laissant me chercher quelques secondes, je me place devant elle.
- Je pourrai en profiter d’ailleurs…. Bon j’ai déjà fait cela dit mais pour toi… je ne ferai rien d’étrange.
Je m’amuse alors à lui tourner autour quand je finis par la toucher et lui transmettre mon pouvoir.
- Regarde toi dans quelque chose, tu verras… je t’ai fais une surprise. Hey en plus ça me rappelle une histoire drôle. Tu connais l’histoire de deux saucisses qui cuisent dans un four ? Normalement personne ne connaît mais tu vois, elles sont là en train de cuire quand au bout de dix minutes, l’une d’elle finit par dire “ Pfiouuuu il fait chaud ici “. Alors l’autre saucisse à côté finit par crier d’une voix d’une femme hystérique, “ aaaaaah, une saucisse qui parle “ aahahahaha. Je l’adore cette blague.
Me pliant en deux et rigolant à moitié, j’essaye de guider Luz dans cette nouvelle expérience.
- Tu vois plus personne te voit mais le plus drôle de ce que je sais faire, ce n’est pas ça. Tu vois ce fruit dans l’arbre au-dessus de Renkhi ?
Je prends ma sarbacane, vise et souffle d’un grand coup pour faire tomber le fruit sur la tête du Mist.
- Bah, moi aussi rien n’échappe à mon regard aiguisé !
Bon maintenant, c’est prendre la fuite mais bon il n’est pas prêt de me trouver !
Elle frémit à nouveau lorsque la main de Carci se posa sur son épaule. Aux indications qu’elle lui donna, Luz ne put s’empêcher de regarder ses mains dans l’espoir de voir une différence. Peine perdue. Elle chercha dès lors des yeux quelque chose susceptible de servir de miroir et opta pour l’un des sceaux qui contenait toujours un léger fond d’eau. Elle se pencha par-dessus la bassine et tâcha de percevoir une once de son reflet. Le ciel lui renvoya pour toute réponse l’infinité de son bleu parsemé de nuages. Aucune présence de ses traits !
Les doigts de Carci quittèrent son épaule pour se livrer à une troisième démonstration de ses capacités. Incapable de déterminer l’emplacement exacte de la jeune femme, Luz se contenta de suivre les consignes et d’observer le fruit désigné avec un vague haussement de sourcils. Renkhi, qui amorçait un savant bâillement à s’en décrocher la mâchoire, se figea net dans son mouvement lorsque ledit fruit heurta son crâne dans un « plop » de pêche bien mûre. Riant aux éclats de sa déconvenue et applaudissant l’adresse de Carci, Luz l’observa se redresser furibond et chercher en tous sens la cause de ce chahut. Ses oreilles s’agitaient en virevoltant et il tenta même de poser la truffe au sol dans l’espoir de débusquer l’Aventurière. L’odorat n’était néanmoins pas le point fort des mists, surtout à proximité aussi évidente d’une loutre géante… Le sceau d’eau toujours en main, Luz avisa les quelques poissons que K’awill avait justement laissés pour s’adonner aux jeux de sa maîtresse.
Préférant l’honnêteté aux cabrioles, Lucy se fâcha et déclara que le turbo serait désormais doté d’une chaire délicieuse : l’on verrait alors si ses crâneries et ses tours de passe-passe suffiraient à lui épargner les crocs des prédateurs. A ce jour, la cardine franche vit paisiblement au fond des océans. Le turbo pour sa part, atterrit plus souvent qu’à son tour dans les assiettes des Hommes. »
Elle fit un clin d’œil taquin à l’endroit où elle supposait que Carci se trouvait. Alors, elle brandit ses mains devant elle à la manière de griffes, et se mit à rire à demi en courant en tous sens :
Que Carci se soit laissée faire ou non, elle parut soudainement sentir de la matière entre ses bras. Elle encercla spontanément la taille de la jeune femme et tâcha de l’entraîner à sa suite dans l’herbe humide et glacée de ce début de soirée, en un simulacre de placage jovial.
Ce fut à cet instant que Renkhi heurta sans faire exprès l’arrière train d’un K’awill toujours invisible. Le dragon qui jusqu’alors paraissait si plein de confiance, fit un bond de chat spectaculaire et s’évapora en une poignée de secondes en un mince brouillard semi opaque. Stupéfaite, Luz s’immobilisa net dans l’herbe, plusieurs mottes de terre emmêlées dans ses longs cheveux flammes à la manière d’une enfant chahuteuse prise sur le fait :
Alors qu’on finissait au sol, j’arrête aussitôt mon pouvoir, nous rendant toutes les deux invisibles. Nous rions aux éclats et son sourire était magnifique, elle essayait de me taquiner avec son herbe mouillé et j’en passe mais c’est plutôt amusant.
- je n’ai pas peur de la maladie moi ! Puis comme dirait deux poissons qui discutent. On rentre ? Oui je me les caille… ahaha.
Je finis par me lever et le soleil venait d’entamer sa course sol pour atteindre l’horizon, je grelotais à moitié. Bruuuh, je vais attraper son fameux rhume si ça continue. Mais alors que K’awill continuait à embêter Renkhi, Luz partage sa joie. Je me tourne et je vois effectivement cette fameuse brume.
- C’est surtout K’awill qui faut féliciter ! Un vrai farceur.
Puis il redevient aussitôt visible, le temps venait de passer et il commence à prendre la fuite pour éviter les représailles. Se cachant derrière Luz et moi, je continue d’observer cet étrange brouillard.
- C’est impressionnant quand même comme pouvoir, c’est presque comme le parchemin d’invisibilité. Tu vas faire des économies toi !
Je tends une main et l’aide à se redresser. Elle avait heureuse de la tournure des évènements. On l’avait aidé à faire dérider ce gros grincheux et j’ai réussi à apprendre quelques petites choses sur Naëry en passant. Cette journée était plutôt sympathique finalement !
- En tout cas, maintenant tu sais que Naëry est entre de bonnes mains.
Mimant les faux muscles que j’ai aux bras, je retourne à la table manger les derniers gâteaux.
- Je me demandais Luz, pourquoi avoir choisi un Mist ? Tu l’as pris pour le sauver ou c’était ton rêve d’en avoir un ? Je sais que tu es médecin de la ville, tu as un cabinet mais tu comptes devenir un médecin d’escouade ? Genre on pourra partir avec toi en quête ?
J’étais assez curieuse du pouvoir qu’elle pouvait bien avoir. Etait-elle forte ? Pouvait-elle partir à l’aventure comme ça ? Sa tenue montre qu’elle a le goût du voyage mais ensuite ?
- Tu es allée à la cité enfouie ? Je sais que ça été un moment difficile pour Naëry. Lui qui veut toujours se montrer le plus fort, le plus protecteur, ça lui a fait un coup cette histoire…
Peut-être qu’elle a fait partie de l’expédition et je viens de lui faire revivre de mauvais moments.
- Ne parlons pas de choses si tristes, parle moi plutôt comment tu veux que Naëry te demande en mariage ! C’est plus amusant comme ton amie métisse, elle avait l’air super cool elle aussi, ça sera ton témoin ?
Un mariage… le truc le plus improbable au monde, je n’en avais assisté à aucun sur Aryon, peut-être que ça serait eux qui vont ouvrir le bal.
Elle leva les bras pour mimer ses galopades d’antan, un sourire de connivence sur les lèvres. Carci tenta alors de dévier la conversation amorcée par ses précédentes questions, et Luz rit doucement pour la rassurer :
Elle lui adressa un clin d’œil goguenard, avant de se mettre elle-même à genoux aux pieds de la délicieuse Carci pour mieux lui compter sérénade :
Elle dut une nouvelle fois tapoter ses genoux pour essuyer la terre dont elle s’était à nouveau maculée. Oui, Luz s’amusait follement aujourd’hui. Elle redevint néanmoins plus sérieuse, et crut bon d’expliquer à la Cendrée :
Alors, ses prunelles prirent une teinte plus admirative, tandis qu’elle précisait avec une évidente sincérité :
Voilà un beau rêve qu’elle caressait depuis plusieurs années. Découvrir des contrées inexplorées et des civilisations enfouies aux côtés d’un groupe d’Aventuriers aguerris. Être capable de gérer toute l’arrière garde, c’est-à-dire les protéger face à n’importe quel danger, le temps justement pour eux de préparer l’offensive… Un support devait pour autant être multifonction et avoir constamment conscience du positionnement et des dangers encourus par chacun des membres de son groupe. Si elle leur laissait la gestion du combat lui-même, elle se devait d’assurer leur propre parfaite santé physique à tout instant.
Les mains sur ses hanches, un soupir la prit. Puis, l’excitation.
Elle tapota son menton de deux doigts pensifs, et clarifia le fond de sa pensée :
Elle rit de très bon cœur, toujours ravie de prendre des roustes lorsque la leçon s’avérait en contrepartie d’une extrême richesse. Elle ne comptait plus de toute façon le nombre de fois que le maudit pouvoir de Naë’ l’avait étalée. Aujourd’hui, ces échecs répétés lui avaient donné une attention accrue et une sournoiserie beaucoup plus efficace envers ce type de pouvoirs. Elle tourna donc vers Carci une moue tout à fait interrogatrice, plus désireuse qu’une enfant observant un splendide gâteau de mariage :
Cette femme était…. Pleine d’énergie, pire que moi et je plains Naëry qui doit supporter cette furie à tout va. Je comprends alors certains compagnons de voyage qui me disaient de me taire, tout s’explique. J’écoutais avec attention son histoire sur ses dragons. Voilà donc un rêve qu’elle a réalisé en ayant enfin un Mist, moi aussi j’aimerai bien réalisé mon grand rêve mais je sais que je ne suis plus très loin avant d’avoir mon étoile de Saphir.
Alors qu’on dévie la discussion sur le mariage, j’ai cru un instant qu’elle me demandait la main mais je ne pouvais feindre ma déception quand elle ne me demandait qu'en témoin. Est-ce qu’on peut faire comme dans les livres, la mariée finit avec le témoin et fin ! J’imagine déjà la scène. Luz, une belle longue rose blanche, cheveux de feu au vent, quelques barrettes dorés dans les cheveux, un magnifique collier émeraude au cou. Moi pourtant mon plus kimono blanc, noir et jaune avec de nombreux détails dorés. Ah, on serait si belle mais j’imagine déjà le regard noir de Naëry me trucidant sur place, peut-être il me tuerait si je ferai ça. Elle finit par se lever et lui fit un sourire charmeur, bien entendu que je serai sur son témoin si nécessaire mais je pense qu’elle a d’autres amis plus proche à proposer. Enfin, la vie d’aventurier ne permet pas une vie où on peut se poser, nous sommes des êtres libres, s’arrêter de faire notre activité, c’est comme une mort lente et douloureuse mais peut-être quand je serai plus vieille, je me contenterai de siéger au conseil, former les plus jeunes ou juste les petites missions.
- Oulalala, tu en poses des questions !
Je n’arrivais plus à l’arrêter et ni à répondre mais au bout d’un moment je finis par lui expliquer un peu mon expédition mais c’était entre deux micro pauses.
- On n’est pas allé loin nous, seul le guerrier a continué avec une autre équipe. On fait que la partie exploration avec Lin et K’awill. L’enchanteresse a pu revenir avec des tonnes de croquis de runes et tout le reste mais malheureusement, psychologiquement, ce n’est pas ça… Tu sais, je ne sais pas comment l’aider, elle fait des cauchemars et à peur du noir mais bon, le temps fera son affaire.
Peut-être que Luz connaissait des potions qui pourraient calmer ses peurs, je lui en parlerai plus tard, là n’était la question puis Lin va dire que j’ai pris trop les devants, elle aimait se débrouiller seule.
- Je crois que tu me surestime, tu as clairement ta place avec nous surtout si tu es un support ! Mais oui j’aurai toujours du temps pour les amis pour les aider ! Si c’est un moyen pour que tu puisses mettre la pâté à Naë en toute discrétion, ça me va car avec son oeil… ce n’est pas une chose aisée.
Je n’ai pas compris exactement son pouvoir mais il avait toujours quelques secondes d’avance sur moi sur les combats et autres évènements, un sixième sens qui l’aide et j’avoue que ça nous a servi quelques fois.
- Mais promis, quand tu veux pour de l’entraînement. Ce n’est pas une punition de faire du corps à corps avec toi mais je préfère les attaques sournoises comme tu le dis. Je suis une experte en lancer et avec mes armes, je pourrai tuer à des dizaines de mètre de la cible. Pour ça que j’ai une sarbacane avec des projectiles non létaux. Je cherche des fléchettes qui paralysent, tuer n’est pas mon truc…
Puis on continue de rire de la situation et surtout de nos échecs contre le beau-gosse ténébreux. J’imagine bien Luz essayer de m’attraper alors que je suis invisible puis mon nouveau pouvoir va me permettre d’être intangible, il faut que je l’essaye lui aussi !
- Va pour une séance en forêt, tu vas voir c’est amusant. On va apprendre à lancer des dagues, si tu as des lames magiques de retour encore mieux ! L’arbalète c’est pratique aussi surtout l’arbalète-grappin, ça serait bien que tu saches t’en servir en expédition, genre pour les évacuations d’urgence mais tu viens avec ce que tu veux et on s’arrangera d’accord ?
Former un médecin de guerre, une bonne idée tiens surtout je repars dans une autre expédition dangereuse, elle pourrait nous être utile la petite.
- Sinon en service….
Je fais semblant de réfléchir quelques instants.
- Tu soignes les manques affectifs ?
Je rigole un bon coup avant de me retourner vers K’awill.
- Allez mon gros, on rentre à la maison, il est tard.
- Oh moi plus voir copain ?
- Si, si mais aujourd’hui c’est fini mais on va le revoir bientôt !
- Oh oui !
- Bon Luz, on va te laisser ! Profite de ton petit Renkhi.
Grimpant sur le dos de ma monture, je fais un signe à la petite “ famille “.
- N’oublie pas, la prochaine fois, je veux un bisou comme paiement.
Puis je détale à grandes vitesses passant au-dessus de la clôture sous le regard médusé du domestique.