Ce matin, là Solveig avait la chance d’avoir obtenue une permission. Son arrivée à la caserne du grand port était toute ressente mais elle se plaisait ici. Cela n’avait rien à voir avec tout ce qu’elle avait pu connaître jusqu’ici. Les escouades étaient soudés, les lieux agréables et surtout sa famille était toute proche. Alors, lorsqu’elle sut qu’elle avait toute la journée devant elle, elle prit la route en direction de la maison de ses parents. Son métier lui prenait beaucoup de temps c’était certain mais elle arrivait toujours à se dégoter un instant pour Samaël. Ce dernier ne cacha d’ailleurs pas sa joie lorsque sa mère le tira du lit plus tôt que d’habitude.

- On va au grand port aujourd’hui ? Lui avait-elle murmuré tout en caressant sa crinière bleuâtre. Et en un tour de bras le petit garçon avait enfilé tout ses vêtements, engloutit une pomme qui passait par là et attrapé le petit bateau qu’il avait confectionné avec ses grands parents. Il avait toujours eut le don d’amuser Solveig. D’aucun disait que c’était un garçon trop mature pour son âge, que sa mère le négligeait au profit de ses envies de bataille. Mais en vérité, il n’était qu’un petit garçon haut comme trois pommes qui, même si il aimerait la garder à ses côtés, était fier de savoir que sa mère était présente pour protéger son pays. Ce fut donc aux alentours de dix heures du matin que la petite famille décomposée se rendit sur la route menant à la ville.

L’avantage avec la famille Prêth, c’est qu’elle se réjouissait de chose simple et ni la garde ni sa progéniture ne dérogeaient à la règle. Ils commencèrent par manger dans une taverne du coin avant de parcourir les rues bruyantes. Les étales étaient toutes plus colorées les unes que les autres, les odeurs étaient nombreuses tant et si bien que Solveig manqua d’avoir un mal de tête. Mais en dehors de cela ils passaient un moment excellent. Tantôt perché sur ses épaules tantôt accroché à sa main comme si sa vie en dépendait, Samaêl observait tout ce qu’il pouvait, il se penchait parfois trop et sa mère était obligé de le remettre en place d’un brusque coup d’épaule.

A mesure que les allées défilaient, les sens de la blanche se virent assaillit. Un peu trop sans doute puisqu’elle proposa au petit garçon de les quitter afin de se diriger vers les quais. Là au moins, elle aurait un peu plus d’espace et surtout il cesserait de lui mettre des coups de bateau entre les deux oreilles. Une fois qu’ils furent sur place, elle le reposa à terre et d’un coup de nez lui indiqua un groupe d’enfant non loin d’eux. - Tu peux aller jouer un moment si tu veux. Je vais chercher de quoi se rafraîchir. Évite de t’éloigner. Sans plus de cérémonie, elle tourna les talons. Encore une fois, bien des personnes lui lancèrent des regards outrés. Cela lui était bien égal. Contrairement à la majorité d’entre eux, la distance ne gênait pas la garde. Non, pourquoi s’inquiéter quand à cent mètres elle était encore capable d’entendre, de voir et de sentir son fils ? Cela faisait bien des années qu’elle avait cessé d’essayer de le leur expliquer. Les laisser déverser leur venin était bien plus simple.

La jeune femme n’eut pas l’impression d’avoir mit longtemps mais lorsqu’elle revint avec une gourde dans une main et une glace dans l’autre, elle comprit que quelque chose ne collait pas. Son garçon n’était pas du genre à pleurnicher pour rien et surtout aux dernières nouvelles il ne portait pas de tricorne. Sans qu’elle puisse lui poser la question, il se jeta à corps perdu contre le cuir de son pantalon et pleura de tout son soûl. Interloquée, elle cligna des yeux une paire de fois avant de relever la tête. Cette fois son regard se posa sur une femme qui se tenait en face d’elle, l’air parfaitement neutre. Quel était donc tout ce bordel ? Sans doute la même chose que d’habitude…

- Tenez moi ça. Dit-elle simplement à la jeune femme en lui présentant un peu trop vivement ce qui l’encombrait, manquant de faire tomber la glace sur le cuir de sa veste. Une fois qu’elle eut les mains libre, elle s’accroupit afin de faire face à Samaël qui n’arrivait définitivement pas a sécher ses larmes. Elle lui donna un petit coup de nez dans la joue afin de capter son attention.

- Ne pleure pas. Ça n’en vaut pas la peine.
- Mais… Personne ne veut jamais jouer avec moi.
- Je sais mon chaton. Mais ils répètent ce que leurs parents disent. Et puis tu joues avec les enfants des voisins…
- C’est parce que tu es garde !

Solveig se mordit la langue pour ne pas perdre son calme. Elle savait pertinemment que ce statut faisait de son fils une cible privilégiée et aussi une tête de turque pour les enfants dont les parents étaient aujourd’hui en prison voire pire en exil. Mais elle avait toujours du mal accepter que cela se répercute sur lui. Qu’est-ce qu’un marmot de son âge pouvait bien faire quant au fait que sa mère arrête des gens ? Rien. Alors pourquoi s’en prendre à lui ? Elle n’avait pas la réponse à cette question.

- Je sais. Ils ne sont pas tendre avec toi et même moi je ne pourrais pas les faire changer. Par contre… Elle eut un sourire malicieux. - Je peux te dire que derrière toi, il y a quelque chose qui va beaucoup te plaire. Puis avant qu’il n’ait le temps de se retourner, elle l’attrapa et le serra avec douceur contre elle. - Je n’aime pas te voir pleurer. Je te promet qu’un jour, plus personne ne t’embêtera parce que ta mère est garde. Aller en selle microbe ! S’exclama-t-elle en l’invitant a grimper sur ses épaules ; ce qu’il fit immédiatement. Ils se retournèrent tout les deux afin de faire face à la pauvre demoiselle qui les attendaient depuis tout ce temps. Samaël l’observa de la tête aux pieds, plissa les yeux puis se pencha pour chuchoter à l’oreille de sa mère. Cette dernière s’agita sous les chatouillis de son souffle puis son visage se fendit d’un sourire.

- Salut ! Solveig Prêth, capitaine ! Elle leva la main en direction de la tête de son fils et lui retira le chapeau qu’il portait. - Je crois que ça vous appartient ! Voyant qu’elle avait les mains prisent, elle le lui déposa sur la tête et récupéra ses propres affaires dont la gourmandise, qu’une petite main vint lui chiper immédiatement. - Merci de vous être occupé de Samaël. Ce n’est pas un mauvais garçon vous savez ! Il se fait souvent chahuté a cause de moi. Mais bon… Un jour tu arriveras a leur rabattre le caquet ! Hein microbe ? Dit-elle tout en lui plantant un doigt dans les côte. Le petit garçon éclata d’un rire aigu, se tortilla et récupéra sa boule de glace inextremis. Les pleures étaient maintenant bien loin. - Enchantée de vous rencontrer. Finit-elle par dire, tendant une main griffue a son vis-a-vis.

Solveig empoigna la main de la jeune femme avec force et la serra avec tout autant de vigueur. Elle l’agita longtemps, sans doute un peu trop. En vérité, elle était d’une nature tête en l’air et les paroles qu’elles échangeaient l’intéressais suffisamment pour qu’elle en oublie d’abandonner sa main. Alors comme ça, elle faisait face à la gouverneure du grand port. Très bien. Ça ne changeait absolument rien. D’aucun aurait sans doute rompu le contact comme s’il venait de se brûler mais ce n’était pas le cas de la demi-chiraki qui n’avait cure des rangs de tout un chacun. La seule véritable réaction qu’elle eut fut un « oooh » imité par son fils la seconde suivante.

- Mh, il est curieux de tout. Mais il apprécie effectivement les bateaux. Elle lâcha enfin sa main.

Morgiane semblait être un drôle de personnage. Et surtout elle était aussi curieuse que la garde, ce qui l’amusa beaucoup par ailleurs. Plus encore, elle arrivait à trouver une ressemblance entre elle et sa sœur. C’était une chose rare. Après tout en dehors de leurs crinières blanchâtres, rien ne les rapprochaient sur le plan physique. Thépa était aussi grande que Solveig était petite. Elle était aussi blanche de peau et d’un caractère posé. Alors qu’en face son aînée était une boule d’impulsivité cuivrée. Mais ça ne lui déplaisait pas, de lui être ainsi associé. La gouverneure était aussi perspicace ou observatrice, elle n’aurait su dire. Une chose était sûre, elle avait vu juste concernant sa venue au grand port. Même si ce n’était pas la première fois, elle venait bel et bien de s’installer ici de nouveau.  

Alors qu’elle allait enfin répondre à ses interrogations, elle lui coupa l’herbe sous le pied en proposant de réparer le jouet de Samaël. Solveig n’y avait pas fait attention jusque là, mais elle ne pouvait nier l’état délabré dans lequel se retrouvait le bois. Elle eut un pincement au cœur pour lui. Le pauvre, jusqu’à quand devrait-il subir les brimades de petits idiots dont les parents sont incapable de savoir se tenir en société ? Après avoir poussé un long soupire elle vint tapoter la cuisse du garçon du bout de la griffe.

- Ça te plairait ? Question rhétorique. Même sans le voir, elle avait pu entendre son pouls s’accélérer avant même que la proposition n’eut été formulée entièrement. C’est donc sans surprise qu’il hocha vivement la tête alors que ses yeux semblaient parsemés d’étoiles. - Bien. C’est décidé alors. Sans prévenir, elle glissa son bras autour de celui de Morgiane et l’entraîna dans son sillage.

- Je vous laisse nous guider ! Ça fait un bail que je suis pas venu. Je risquerais de nous perdre ! Donc, pour en revenir à vous ! Primo, appelez moi Solveig. Juste Solveig. Elle plissa une nouvelle fois les yeux avec un air de défi puis elle éclata de rire tout en continuant de l’entraîner. - Deuzio, Thépa n’est pas capitaine mais lieutenante ! Bien que je ne doute pas qu’elle soit capable de reprendre le flambeau si cette vieille branche de Yuduar vient a rentre l’âme. Enfin, vous ne pouviez pas savoir. Elle lui tapota l’épaule avec ferveur, plusieurs fois, tout en lui souriant de toutes ses dents. - Je crois que vous êtes la première à retrouver des ressemblances avec elle d’ailleurs, il faut le dire, on ne se ressemble pas. Enfin cela nous ait bien égal et puis… La génétique… Elle va, elle vient. Regardez Samaël ! Huit mois a ressembler à une baleine échouée et tout ça pour quoi ? Pour qu’il ressemble à son père ! Vous y croyez vous ? Le petit garçon ricana et se mit a jouer avec les oreilles de sa mère.

- Maman dit toujours que j’ai tout prit de papa sauf le cerveau !
- Encore heureux ! Gémit sa mère en réponse.

Ils éclatèrent tout les deux de rire. Là comme ça, le manque d’un père et d’un compagnon pouvait passer pour quelque chose d’anodin et ils aimaient se donner cette sensation. Mais la vérité était bien différente, Samaël avait longtemps réclamé son père et Solveig n’avait jamais pu accéder à sa demande. Même si elle l’avait voulu, elle ne savait comment elle aurait pu le retrouver ni même si elle en avait envie. C’était sans doute égoïste de sa part mais maintenant qu’elle avait réussit à construire quelque chose sans lui, elle ne voulait pas le voir revenir pour tout gâcher. Samaël était au courant, dans les grandes lignes, de tout ce qu’avait traversé sa mère et il n’évoquait plus son père depuis sauf lorsque c’était sa mère qui lançait le sujet. A ce moment là, ils en riaient. Cela était bien plus simple que de se morfondre sur l’absence d’une personne, qui ne reviendrait sans doute jamais.

- Je viens de m’installer au port. Enfin, je viens d’être affecté au bataillon des Valkyries. C’est un vrai micmac pour y être engagée vous savez. J’ai du faire des pieds et des mains ! M’entraîner encore et encore. Tout ça pour parce que mon idiote de sœur y a été engagée. J’vous jure ! La famille c’est pas toujours simple. Et elle soupira bruyamment avec un air de dramaturge. Quand elle eut finit sa petite comédie, elle se concentra sur la jeune femme et ses pupilles s’agrandirent sous la curiosité. - Et vous Morgiane, depuis quand êtes vous gouverneure ? Ça doit être un sacré boulot quand même ! Les responsabilités, tout les dossiers, les touristes, la ville… Brrrh.. Terrible !

Le temps était toujours au beau-fixe, de même que l’humeur de Solveig. Elle était contente d’être ici, de déambuler dans les allées avec quelqu’un pour discuter. Pas que son fils de soit pas de bonne compagnie mais il était toujours plaisant de faire de nouvelles rencontres, surtout pour une personne comme elle qui se nourrissait de son contact avec les autres. De plus Samaël semblait parfaitement s’accommoder de la gouverneure et s’amusait à essayer d’attraper les plumes sur son chapeau. A la fin, sa mère dû même poser une main sur sa cuisse afin de s’assurer qu’il ne tombe pas. Mais l’avantage, c’est que lui occupé, elle pouvait discuter en paix.

Morgiane semblait être de ceux qui distribuait de sage parole. Ou peut-être uniquement parce qu’elle ne la connaissait pas encore. Ça aussi c’était une chose qui l’amusait beaucoup. De prime abord les gens étaient souvent calme, de bon conseil mais dès lors qu’on les connaissaient un peu, on pouvait s’apercevoir qu’il manquait une case à quatre-vingt dix  pour cent d’entre eux. Et pas toujours dans le bon sens du terme. Aussi, la soldate était curieuse de savoir quelle genre de lumière ne s’allumait pas dans les étages de la blanche.

Elle lui prêta ensuite toute son attention et ne se priva pas d’une belle tranche de rire dès que l’occasion s’en présenta. Moins lorsqu’elle lui parla de son frère avec qui elle avait, semble-t-il, des liens quelques peu tendu. C’était une chose qui faisait toujours de la peine à la garde. Elle avait eut la chance d’avoir des liens indéfectibles avec Thépa et ne pouvait imaginer une vie où elles ne s’entendraient pas. Mais si un jour cela venait à arriver, il était certain que la douleur en serait inaltérable. Elle l’écouta ensuite parler des obligations auxquelles elle faisait face en étant gouverneure et elle ne put que compatir sans vraiment comprendre ses soucis. Solveig n’aimait pas les obligations et les devoirs. Les seuls qu’elle tolérait été son fils et sa sœur ainsi que ceux qui incombaient à la garde. Le reste ne l’intéressait pas. C’était aussi pour cette raison qu’elle n’était jamais monté en grade. Il était déjà compliqué de se gérer soi même, pas besoin de devoir s’occuper de toute une escouade alors une ville… Un frisson parcourus son échine. « Terrible » pensa-t-elle.

Peu à peu, la conversation devint plus légère et s’orienta de nouveau sur la jeune Prêth. Lorsque Morgiane parla de vocation familiale, elle éclata de rire pendant un long moment tout en se tenant le ventre. Sacrée tradition familiale que d’aller suivre son imbécile de sœur qu’une mouche a piqué. Si ça n’avait tenu qu’à elle, Solveig serait sans doute devenu aventurière. Et elle serait sans doute morte dévorée par le premier warg venu parce qu’à l’époque elle avait déjà du mal à tenir un couteau à beurre. Enfin cette époque était révolue, elle avait fait une croix sur ses envies d’aventure et se contentait d’effectuer le travail qu’on lui demandait en plus de mener une enquête personnelle sur les nouveaux événements récent.

- Maman n’était pas bonne à l’école ! Claironna Samaël, coupant cours aux réflexion de sa mère. - Mais elle se bagarre bien !
- Peut-être mais moi je sais lire et écrire ! Maugréa-t-elle
- Oui, mais toi tu es vieille…
Solveig manqua de s’étouffer.

Enfin la blanche posa la question qui brûlait les lèvres de tout le monde lorsqu’ils rencontraient la demoiselle pour la première fois. Si autrefois cette question l’avait gênée, ce n’était aujourd’hui plus le cas. Cela faisait trente deux ans qu’elle entendait la même chose alors elle n’était plus à une près et surtout elle ne s’en cachait plus.

- Le chiraki. Ce n’est pas toujours simple de ressembler à moitié à un renard hybride mais au final...Il y a beaucoup d’avantage. Tout ça… Elle désigna son visage d’un geste circulaire. - N’est pas là que pour faire jolie.  Enfin, ce n’est rien de bien fou non plus mais ça m’est utile dans mon travail comme dans ma vie de tout les jours. Sans prévenir, elle se pencha vers Morgiane. - Et pour répondre à votre question, non la garde n’est pas une vocation familiale. Ça ne l’a jamais été. Mes parents sont de simple fermiers, mes grands parents aussi. Bref, Thépa et moi étions destinées à devenir de simple paysanne espérant faire un bon mariage. Mais comme toujours elle n’en a fait qu’à sa tête et nous nous sommes retrouvée ici ! Mais bon, je ne suis pas mécontente et elle encore moins. Nous avons juste échoué concernant le mariage. Et elle repartie pour une nouvelle barre de rire.

Petit à petit, le petit groupe avançait. L’atmosphère était toujours aussi légère, alors Solveig, toujours prompt à mettre les pieds dans le plat ouvrit la bouche.

- Vous savez, rien ne dit que vous ne serez jamais mère. Enfin, vous êtes jolie, pas encore trop vieille, je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez pas encore faire de mariage et porter un enfant. Bien que je ne vous le souhaite pas. Entre les nausées, la fatigue et ce démon qui vous appuie constamment sur les reins et la vessie… Je vous assure, il vaut mieux se promener en culotte au-delà de la frontière c’est bien moins compliqué ! Puis sans douceur, elle lui envoya une grande claque dans l’épaule. - Ne désespérez jamais. Ensuite, elle relâcha le bras de la noble et se mit à sautiller tout en avançant, faisant parfois prendre un angle douteux à Samaël qui ne semblait pas dérangé le moins du monde. Une pirouette et demi plus tard, elle reposa sur regard sur sa compagne de route.

- Pourquoi vous ne vous entendez pas avec votre frère ? Curiosité oblige, elle s’était entendu poser la question avant même d’avoir finit de la penser. Peut-être aurait-elle dû éviter. Sans doute même. Mais c’était chose faites, alors autant faire passer ça avec le sourire. C’est ce qu’elle fit.

Morgiane était un personnage hautement sympathique. Peu importe le sujet de discussion, elle répondait à Solveig avec sérénité et un sourire aux lèvres. Tant mieux, la promenade n’en était que plus agréable. Elle l’informa par ailleurs n’avoir jamais aperçu de véritable Chiraki. C’était une bonne chose parce que, si ces animaux étaient effectivement majestueux comme elle le disait, ils étaient également de redoutable prédateurs et la jeune mère pouvait aisément en témoigner à l’aide d’une estafilade qui courrait le long de sa joue. Mais elle aimait tout de mêmes ces créatures et pas seulement parce qu’elles étaient son animal totem mais bel et bien pour leur caractère. Protectrice, téméraire mais loin d’être idiote. Parfois Solveig, se demandait si elle ne tenait pas un peu plus de l’animal que de l’humain. Enfin peu importait.

- Une femme de la mer ? S’interrogea-t-elle a haute voix. Qu’est-ce que c’était qu’une femme de la mer ? Une pirate ? Une personne dont le pouvoir est lié à la mer, elle ne savait pas et elle espérait bien que la gouverneure viendrait éclairer sa lanterne. - Ne vous pressez pas et attendez de trouver quelqu’un digne de cela ! Poursuivit-elle en réponse à sa phrase. Oh oui, il ne fallait pas qu’elle se presse au risque de se retrouver avec un microbe sur les bras et seule sa solitude pour pleurer. Solveig ne connaissait cela que trop bien même si, dans le fond, Samaël n’était pas un enfant désiré.

Peu à peu la conversation dériva et un sujet qui paraissait épineux dans la bouche de la jeune femme fit surface. Quelle triste situation. La garde ne pouvait imaginer que l’ont puisse ainsi repousser un enfant et vouloir autant de mal à sa propre sœur. Sans compter que Morgiane n’avait absolument rien de machiavélique. Elle aurait voulu la réconforter que ce soit par les gestes ou par les mots mais dans les deux cas elle était une incorrigible maladroite, alors elle se contenta de poser une main amicale sur son épaule.

- Vous réussirez. S’entendit-elle lui répondre avant qu’ils n’arrivent devant un bateau. Le duo leva le nez d’un même mouvement tout en formant un « o » surprit avec leurs bouches. Ils saluèrent d’un geste identique l’homme à qui la jeune femme les présenta une fois qu’il furent sortie de leur contemplation. Contre tout attente, l’homme se montra plutôt maussade et Morgiane dû en chuchoter la raison à Solveig qui se retint de laisser échapper un rire. Si Thépa avait arrêté un homme, c’est qu’elle avait ses raisons et ce n’était pas le genre de femme à faire du zèle.

L’atmosphère s’en retrouva cependant un peu tendu. Mais fort heureusement leur accompagnatrice semblait avoir plus d’un tour dans son sac. Intriguées, les oreilles de la demi-chiraki se redressèrent sur son crâne comme un seul homme. Et elle se mit à chercher la réponse à la petite devinette. Plusieurs choses lui venait en tête mais la véritable réponse la laissa hébétée. De même que Samaël qui avait cessé de gesticuler dans tout les sens. Puis d’un coup d’un seul ils partirent d’un éclat de rire commun qui se mêla à celui de la demoiselle. Sulimane lui, se contenta de les regarder tout trois avant de lancer une vacherie.

Pour toute réponse, la jeune Prêth glissa un bras derrière la nuque de la politicienne et sourit de toutes ses dents. - Moi je l’ai trouvé très bien cette blague ! Comme si ça ne suffisait pas, le petit garçon s’accouda sur la tête de celle qu’il avait décidé de nommer comme sa nouvelle amie. - Moi aussi ! Au moins on a pas b’soin d’aller aux tavernes pour rigoler ! Puis il fusilla le marchant du regard. Sa mère ne se retint pas et éclata de rire. Ce gamin n’avait jamais la langue dans sa poche, de qui pouvait-il bien tenir cela ?  

Après s’être tout trois esclaffés des paroles du petit garçon, tout le monde tourna les talons et le petit duo emboîta le pas à leur guide. L’ambiance était toujours très détendu, Solveig sautillait dans tout les sens, montant sur des murets ou sur des cailloux qui se trouvaient sur son passage. Samaël, lui, avait enfin terminé sa glace et s’amusait à faire voguer son bateau abîmé entre les deux oreilles de sa mère. C’est aussi ce moment que choisit Morgiane pour répondre à la question qu’elle lui avait posé auparavant. D’ailleurs, elle comprenait mieux et surtout elle comprenait ce que la gouverneure pouvait ressentir. Apparemment, la jeune garde n’était pas la seule à avoir des vues sur les frontières d’Aryon. Sauf qu’à défaut de passer par la mer, elle voulait passer par la terre. Enfin, dans les deux cas cela ne lui aurait pas été agréable. La demi-chiraki avait beau vivre en bord de mer, elle n’était pas une grande amatrice de l’eau, tout comme elle n’aimait pas le froid qui se situait à la frontière terrestre. Cependant, si un jour l’une des deux occasions se présentait, elle s’en saisirait sans hésiter. Ce n’était pas des choses qui arrivaient deux fois dans une vie.

Tandis qu’elle l’écoutait parler, elles s’engagèrent dans une allée bondée où se trouvaient la majorité des commerces du port. C’était un endroit bruyant et aux milles odeurs. Mais cela sembla bien ridicule comparé à ce qu’elle entendait. Les ancêtres de sa nouvelle compagne, était donc ceux qui avaient aidé la grande Diana Jones ! Ce n’était pas rien ! Cela piqua une nouvelle fois sa curiosité. Il n’était pas question qu’elle laisse échapper une telle chance, dès que l’occasion se présenterait, elle l’a questionnerait à ce sujet. Mais avant qu’elle n’aie tu le temps de le faire, Morgiane changea de sujet et l’interrogea sur sa domiciliation. C’était amusant de voir à quel point cette question pouvait revenir lorsque l’on savait que vous étiez mère. Si elle avait été une soldate « normale » personne ne se serait inquiétée de savoir dans quel coin elle pouvait bien passer le nuit. Toutefois la question ne la gêna pas le moins du monde.

Enfin, alors que Solveig tentait de mettre en ordre ses pensées afin de ne pas répondre n’importe quoi, elle remarqua une fumée s’échapper du corps de son amie. Dans un premier temps, elle eut un petit mouvement de recule. Elle était entrain de prendre feu ? Rêvait-elle ? - Euh… Commença-t-elle avant de remarquer que les volutes de brume était maintenant des petits oiseaux qui voletaient autour d’un Samaël ravis. - Génial… Murmura-t-elle dans un souffle tout en levant, elle aussi, un regard admiratif vers les petits animaux. Enfin, elle s'intéressa à son a vis-a-vis avec des yeux de petite fille. - Vous pouvez faire apparaître toute sorte de créature ? Je ne sais pas… Disons des chiraki ? Bon c’était certes un choix prévisible mais cela l’amusait beaucoup. Sans attendre sa réponse, elle embraya sur la sienne. - Je vis à la caserne, c’est plus simple en cas d’urgence ou quand j’ai de longue mission. Sans compter que nous n’avons pas des horaires tout à fait normaux… Si je devais en plus faire le trajet jusqu’au village tout les jours… Brrr… Elle eut un frisson. - Je ne pourrais pas dormir ! Samaël, lui vit chez mes parents au village. C’est plus simple pour le faire garder et soyons honnête, il est bien mieux la bas qu’en ville ! Comme pour confirmer, le garçon hocha fermement la tête tout en essayant d’attraper un petit shalupin qui se trouvait non loin de lui. Maintenant qu’elle avait elle-même répondu aux interrogations la concernant, elle supposa que le moment opportun qu’elle attendait venait de se présenter. C’est donc sans ménagement qu’elle s’empara de nouveau du bras de Morgiane avant de l’entraîner avec elle. Son sens de l’orientation étant relativement déplorable, elle bifurqua dans la première ruelle qui attira son attention. De toute façon, elle finissait toujours par arriver à bon port. Mais pas forcément à l’heure.

- Alors comme ça, vos ancêtres était aux côté de Diana Jones ? Dites m’en plus à ce sujet ! Murmura la jeune Prêth comme si elle parlait d’un secret d’état. Puis elle lui fit un grand sourire tout en posant des yeux bien trop curieux sur elle.

Le pouvoir de Morgiane était véritablement fascinant, même les paroles qu’elle prononça n’arrivèrent pas à faire décrocher le regard de Solveig. Toutefois, elle n’en perdit pas une miette, bien au contraire et elle ne put que se montrer déçu en apprenant que ce ne serait pas aujourd’hui qu’elle rencontrerait un chiraki de fumée. Tant pis, les animaux qu’elle était capable d’invoquer étaient déjà extraordinaire et extrêmement divertissant, surtout pour le petit garçon qui ne cessait de jouer avec eux. Tantôt en les faisant disparaître tantôt en faisant mine de les attraper sans les touches.

- Vous bilez pas ! Dit-elle dans un éclat de rire. - Je n’aime pas non plus la montagne ! Surtout pas la forteresse ! Quel enfer là-bas. Il fait froid, il fait moche, les monstres sont énormes.Quoi que ça c'est cool. Non franchement, vous ne perdez rien à rester ici. Enfin je dis ça, mais je ne suis pas une grande fan des étendues d’eau. Je sais nager, j’aime bien nager mais je n’aime pas être dans l’eau. Allez comprendre vous. Peut-être parce que combattre sans avoir pied me poserais problème. Mh… Ce doit être quelque chose comme ça. En plus je n’ai jamais eut à affronter de monstre marin… Boarf ! C’est pas grave en tout cas. Avait-elle répondu avant de l’entraîner de force dans la ruelle pour lui soutirer les informations au sujet de ses ancêtres.

Et qu’elle ne fut pas sa déception, lorsqu’elle comprit que Morgiane n’avait absolument rien à lui apprendre que ce qu’elle savait déjà. Si ce n’était le fait que l’entreprise de la gouverneure avait pu prospérer grâce à toute l’agitation qu’avait crée cette histoire. « Dommage... » avait pensée Solveig tout en affichant une mine dépitée. Pour le coup, ce sujet l’aurait franchement intéressée et elle se promit de refaire, un jour, un voyage au village perché afin de fouiller la bibliothèque à la recherche d’informations. Puis vint la question quant à leur changement soudain de direction. Solveig dressa les oreilles et observa les alentours puis alors qu’elle allait répondre ce fut Samaël qui le fit à sa place.

- Maman aime bien prendre des chemins au pif ! Du coup elle est toujours en r’tard.
- Je te remercie de ta sollicitude fils. Railla-t-elle. - Enfin, il dit vrai en tout cas. Je n’ai jamais eut un grand sens de l’orientation alors je me laisse guider par mon instinct. Une ruelle plus fleurit qu’une autre… Elle haussa les épaules. - Je prendrais la plus fleurit. Une qui à une meilleur odeur ? Je la choisirais. En attendant, j’arrive toujours à l’endroit précis ou je veux me rendre ! Cela dit, rarement à l’heure. Mais que voulez vous ! Ce sont les aléas de la vie ! Vous ne faites jamais ce genre de chose ? C’est tout de même plus marrant ! L’imprévu est source de bonne surprise ! Mais si vous préférez, revenons à la route principale. Après tout vous n’avez pas toute la journée et à se rythme Samaël aura casser mon crâne en plus de son bateau ! D’une même voix la mère et le fils partirent à rire et la garde fit demi tour afin de revenir sur l’avenue. - Non il n’y avait rien de secret mais qui sait… Peut-être y aurait il pu avoir des informations importantes !

Solveig se mit subitement à tapoter ses mains tout en sautillant sur place, faisant sauter son fils sur ses épaules par la même occasion. Une telle opportunité ne se reproduirait pas de ci tôt et elle ne comptait pas la laisser filer. C’est donc tout sourire qu’elle lui répondit en hochant vigoureusement la tête.

- Oh oui ! Ca serait génial ! Sans compter que ça m’éviterait un voyage au village perché. C’est que ce n’est pas la porte à côté tout de même ! Puis elle rit et donna une grande tape dans le bras de son accompagnatrice. - Tant mieux, il faut savoir prendre un peu de temps pour soit de temps en temps !

A force de marcher, les étales disparurent puis les maisons et bientôt le paysage urbain laissa place aux entrepôts et au bruits strident de métal ou de charge lourde. Ce n’était certainement pas un instant de plaisir pour la pauvre chiraki dont les tympans ne cessaient d’être malmenés mais elle était tout de même contente de découvrir une autre partie de la ville qu’elle servait et surtout de la ville dans laquelle elle avait grandit. Enfin, ils arrivèrent devant l’entrepôt des Sorna. Curieuse, Solveig tenta de passer la tête par l’entrée, afin de voir avant les autres mais Morgiane la rappela à l’ordre, demandant ce que pouvait bien préférer Samaël. Le petit garçon ne se fit pas prier pour crier haut et fort qu’il voulait un super bateau de course de « la mort qui tue ». Ce qui eut le dont de faire lever les yeux de Solveig vers le ciel. Elle ajouta d’ailleurs un : - Si ça ne vous dérange pas !

Après cela, ils entrèrent tous ensemble. Avant que la garde n’ait eut le temps d’oublier ce qu’elle allait dire, elle reprit la parole. - Oh et je ne tue pas inutilement. Seulement quand c’est nécessaire ou que j’en reçois l’ordre. Nous n’avons d’intérêt à chasser les créatures marine que lorsqu’elles approchent trop des côtes et que les aventuriers ont échoués avant nous. Puis elle leva un doigt, toujours avec un sourire. - Je n’ai pas peur de l’eau. Je ne suis pas à l’aise dedans, c’est différent ! Une nouvelle fois, elle éclata de rire puis tendit la main au dessus de sa tête afin de récupérer le petit bateau qu’elle inspecta. - Hum… Je ne sais pas si vous pourrez faire grand-chose… Enfin… C’est vous la pro ! Puis elle lui tendit le jouet de bois.