Il n’était pas si roturier qu’il le pensait, l’histoire de sa mère et de son père, des parties de jambe en l’air en secret. Mais surtout, la trahison, l’horreur d’un paternel qui la renvoya, ne supportant pas d’avoir des bâtards. Il n’arriva pas à déchirer le prénom de cette homme. Mise à part qu’il commençait par Et. Puis, l’encre de mauvaise facture avait malheureusement mal vieilli. Cela le mit de plus en plus en rage. Il aurait tellement voulu connaitre ce nom, pour le retrouver et venger sa mère. Il ne voulait pas tuer, il n’a jamais tué d’hommes. A vrai dire, il sait que faire tomber en disgrâce un noble était beaucoup plus douloureux pour lui que la mort. Sans s’en rendre compte, il vient briser sa choppe de bière sous la rage. Des phalanges osseuses viennent former comme une coque autour de ses doigts ; tellement que la rage montait en lui.
Le lendemain après avoir laissé passer la colère qui le rongeait de l’intérieur, il vient sortir dans la ville. Il aurait plus d’informations à la bibliothèque, mais pour cela, il devait trouver le registre de naissance et surtout celle spécialisé dans les nobles. Car, il avait une certitude, sa mère ne se trompait pas, elle ne lui mentirait pas ainsi. Il voulait savoir qu’il était. Après plusieurs d’attente, il n’eut pas le droit d’accéder à ses registres car d’une part, il n’était pas ici et d’autres parts, il n’avait pas la qualification requise. Saloperie d’administration pro noblesse se dit l’albinos. Malgré cela, il parvient à glaner quelques renseignements.
-Mmmh, ce genre de registre doit se trouver dans les archives royales, mais bon, vous n’aurez pas accès, encore faudrait-il que vous ailliez accès au palais.
Il n’en fallait pas assez pour le jeune homme pour avoir une idée en tête. Le soir venu, il vient essayer d’infiltrer les archives. Il vient passer discrètement par le mur d’enceinte, usant de ses griffes en os. Cet endroit était à l’opposé de là où devait se trouver la famille royale. Donc peu de chance qu’il est un nombre de garde accrus à cette endroit. Après avoir passé ce dernier par une fenêtre, il vient déambuler dans les couloirs trouvant par hasard du premier coup la salle des archives. Lucy doit lui être favorable, il ira faire une offrande en rentrant, cela est sûr. Le jeune homme, armé d’aucune arme et surtout que de simples habits vient déambuler le plus discrètement dans les rangées. Il avait piqué une lampe à cristaux, lui permettant de rechercher le livre tant souhaité. Cela lui prit une bonne minute et vient ensuite déposer l’important recueil sur la table. Heureusement que le titre était assez évocateur car avec son faible niveau de lecture, il serait dans de beau drap.
Le petit homme était maintenant bien trop concentré, n’entendant pas, ni ne repérant pas l’ombre tapie approchée.
Et du coup, dans ces nombreuses tâches, il incombe à Zahria de venir en personne déposer les rapports confidentiels dans l'étagère fermée à clef. Et évidemment, il faudrait que Zahria prenne l'apparence officielle du maître-espion, pour ça, et qu'elle vienne durant la journée, pour respecter les règles et se plier aux directives. Mais on le sait, Zahria n'aime ni respecter les règles, ni se plier aux directives. Et l'apparence du maître-espion, si elle est de plus en plus à l'aise avec, n'est pas aussi confortable que son propre corps. Qui plus est, avouons-le, Zahria a tellement de dossiers sur les bras en ce moment qu'elle n'a pas le temps de se déplacer durant la journée pour aller jusqu'aux archives.
Les soirs où Vrenn n'est pas disponible, Zahria en profite pour travailler, et rattraper son retard, et ce soir-là en fait partie. Ses dossiers bien rangés dans son sac sans fond, elle utilise ces passages secrets que personne ne connaît pour rentrer jusqu'aux archives discrètement. L'avantage de venir la nuit, c'est qu'on est tranquille, et on profite de ce lieu magnifique sans que quiconque ne puisse venir vous embêter - et notamment, l'archiviste acariâtre dont on parlait plus tôt. Les archives royales, c'est un peu le petit plaisir personnel de Zahria depuis qu'elle a obtenu ce poste. Un endroit où consulter tous les livres interdits, les documents secrets, un lieu de savoir où elle peut venir combler sa curiosité. Il lui arrive même, certaines nuits, d'y rester à lire jusqu'au petit matin, dévorant les ouvrages les uns après les autres, prenant des notes même parfois, avant de disparaître pour retourner au travail.
Ce soir, elle n'a pas sommeil, et justement, après avoir ouvert son étagère, déposé ses rouleaux de parchemins à archiver, et refermé l'étagère, elle se dit qu'elle lirait bien un peu, histoire de ne pas avoir fait le trajet pour rien. L'Ombre se glisse alors entre les rayonnages, cherchant un livre qui attirerait sa curiosité, quelque chose pour l'empêcher de dormir - de cauchemarder, notamment. Si les thés et infusions de Luz sont efficaces, elle sait bien que son amie a été obligée de renouveler ses stocks suite à la mort d'Elina, et Zahria en a assez de la priver de ses breuvages exquis pour soigner ses peines.
Alors qu'elle a jeté son dévolu sur la version originelle du Conseil des Huit, un bruit discret dans l'obscurité attire l'attention de Zahria. Un deuxième, et elle en est désormais convaincue: elle n'est pas seule dans la grande bibliothèque. Elle repose son livre, et se glisse dans les ombres, apercevant le mouvement d'une lampe à cristaux. S'approchant doucement, elle aperçoit un jeune homme aux cheveux blancs, penché sur des documents au-dessus d'un bureau, l'air pas très rassuré. Le genre à s'être infiltré dans les archives et à n'avoir aucun droit d'être ici. Le genre à venir troubler la soirée lecture de Zahria.
Elle s'approche encore de lui, et la concentration qu'il porte à sa lecture l'empêche d'avoir les sens en alerte, dommage pour lui. La suite se passe beaucoup trop rapidement pour lui, alors que la jeune femme se saisit de la lumière de sa lampe pour augmenter la vitesse de son bras et dégainer son épée qu'elle vient arrêter sous le menton de l'homme alors qu'il se retourne, surpris par la disparition de la lumière. Et là, dans l'obscurité, alors que seuls les cheveux clairs du jeune homme et les yeux en ce moment gris de la jeune femme reflètent la lumière de la lune, elle esquisse un petit sourire laissant apparaître ses dents, la pointe de son épée toujours posée sur la glotte du gamin.
« J'espère que je ne vous dérange pas, jeune homme ? Vous m'avez l'air perdu, je pense que je vais vous raccompagner à la sortie, auprès de nos amis les gardes royaux, à moins que vous ne trouviez une excellente excuse pour expliquer votre présence en ces lieux... »
Pourquoi perdre du temps alors qu'elle aurait pu le ramener direct ? S'ennuie-t-elle tant que ça, ou le fait qu'il ait réussi à s'introduire ici tout seul comme un grand suffit-il à titiller la curiosité de la jeune femme pour le garçon intrépide ? Elle aurait certainement dû prendre le temps de changer d'apparence, mais elle se dit que l'obscurité qu'elle a instauré sera suffisante à cacher son identité le temps nécessaire pour régler ce petit problème...
Une fois rentré dans la bibliothèque, il était trop concentré à chercher le livre. Ce dernier devait se trouver dans les registres un peu plus au fond. Toutes ses lettres, il en avait assez mal à la tête, il avait comme l’impression qu’elle tournait autour et partout. Il aurait peut-être dû prendre des cours de littérature avant de venir ici. Mais avec le livre, il essaya de se concentrer, ne prenant pas la peine de s’asseoir, au contraire, il resta debout, droit comme un i. Son regard rougeâtre vient scruter les pages, ne touchant pas le bouquin de peur de l’abimer. Il était assez précieux aussi avec les pages, les tournant avec la plus grande délicatesse.
-Ah, les E …
S’exclama-t-il à faible voix tandis qu’il atteignait la page concernant le mystérieux E de son nom. Mais ce ne fut pas de courte durée, car lorsque d’un coup, la lumière fut happée. Il eut comme un mauvais pressentiment. Il vient se retourner assez vivement et se retrouva avec la lame affilé d’un épée ou d’une dague, il ne saurait dire. Cette lame vient lui lécher le cou, précisément là où doit se trouver sa trachée. Mais cela, Nivix sait juste qu’il a une arme sous la gorge. Grillé se dit-il, et il vient soupirer de malheur avant d’essayer de se ressaisir lorsqu’elle parla. Il ne voyait pas son interlocutrice, mais une chose était sûr, elle était devant lui, légèrement à gauche. Le regard de la jeune femme se décrivait dans les ombres. Pourquoi n’avait-il pas pris ses lunettes de jour ?
Avant d’essayer de parler, le jeune homme vient se racler la gorge, avant de parler à voix assez basse.
-Je ne suis pas perdu puisque je suis rentré ici par effraction, je le sais. Pourriez vous m’aider à trouver ce que je cherche et je partirais. Non, vous n’accepterez pas, eh bien, je cherche mon père, tout simplement.
Sur ses mot, il pointa le gros livre sur la table. Il vient croiser ses bras sur son corps, de toute manière, il n’avait guère l’opportunité. Mais il vient prendre un léger sourire.
-Mais vous auriez pu m’assommer et me jeter à leur pied. Bon dieu, dire que je suis pisteur et j’ai rien entendu… Me faire avoir de la sorte... Vous pourriez juste enlever votre arme, je ne suis pas armé et sans pouvoir. Et ne parlons pas de ma capacité à me battre au corps à corps, donc dans tous les cas, vous gagnez.
Le jeune homme parlait de manière sincère, sa voix ne tremblait pas malgré la lame. Il avait été surpris mais en tant qu’aventurier, il ne veut pas se laisser gagner par le stress. Même si bon, il était mort de trouille au fond de lui-même. Il s’en foulait même d’avoir pris une aussi grande assurance dans un moment pareil. La Citadelle l’a bien changé, ou du moins, elle lui a permis de gagner en maturité quelque peu. Avec toute cette pression, il sentit une petite pique à son flan, bon dieu, saloperie de Faucheur, si seulement il l’avait pas énervé autant à vouloir lui couper son bras.
« Je pourrais effectivement envisager d'enlever ma lame de sa position actuelle, mais pour ce qui est de vous laisser consulter des documents confidentiels, c'est une autre affaire. Et quand bien même, c'est un délit grave que de s'introduire au sein du palais. Vous savez ce que vous risquez ? »
Elle lui laisse le temps de répondre, puis éloigne sa lame, tout en le gardant en joue. Toujours dans l'obscurité, elle ne peut que deviner ses traits, mais il n'a vraiment pas l'air inquiet. Se rend-il seulement compte de ce qu'il a fait ? Même s'il n'est pas là pour attenter à la vie de la famille royale, il pourrait passer sa vie derrière les barreaux, pour son effraction, s'il passait devant un juge un peu teigneux.
« Quel est le noble qui mérite que vous risquiez votre liberté, et que vous a-t-il donc fait ? »
Elle fait un nouveau pas en arrière pendant son explication, commençant à comprendre le jeune homme, même si elle trouve toujours cela complètement inconscient comme agissement. La lame est maintenant pointée vers son torse, mais il pourrait essayer de se défendre, peut-être, si Zahria venait à se rapprocher à nouveau, maintenant qu'il n'y a plus la surprise. Cependant, il n'a pas une attitude belliqueuse, et se laissera certainement faire. Enfin, du moins, Zahria l'espère-t-elle.
« Et vous, jeune homme, quel est votre nom ? Et comment comptez-vous me convaincre de ne pas vous amener sur le champ à la garde royale ? »
Quand elle reconnait son prénom, une lueur de surprise traverse son visage, bien que dans l'obscurité il ne puisse la distinguer. Nivix, le troisième luron parti avec Vrenn pour la Citadelle... Le gars pour lequel il a estimé bon de s'ouvrir le ventre, alors qu'il aurait pu disparaître et lui revenir en entier. La personne qui a réussi à donner à Vrenn un élan d'altruisme qu'elle n'aurait jamais espéré voir chez son ami. Si elle pourrait être en colère de savoir que c'est à cause de lui que le Sbire est maintenant consigné à domicile, l'obligeant à lui servir d'infirmière dès que possible, elle est plutôt reconnaissante, quelque part, d'avoir révélé chez lui ces qualités.
Alors quelque part, elle a une dette envers Nivix, se dit-elle... Mais n'allons pas trop vite en besogne, le jeune homme a tout même commis un délit grave... un peu le genre que Zahria elle-même est capable de commettre, poussée à bout. Bon d'accord, ça mérite peut-être de s'arrêter deux secondes pour écouter son histoire.
Dans l'obscurité, par contre. Pas la peine de se faire reconnaître.
-Je le conçois, je sais que je risque la prison, même l’exil, mais il fallait que je sache. Sauriez vous passer une vie sans savoir de qui vous venez, de ne pas savoir qui a rendu votre mère malade ? J’ai besoin de savoir, et je n’aurai pas eu l’autorisation de consulter ce registre, je le sais car nombreux sont ceux du bas fond à l’avoir demandé. Ma liberté, je la dois à ma mère, je fais cela pour elle surtout…
Cela allait faire plusieurs années qu’il n’avait pas parlé de sa mère ainsi. Et il préfère généralement ne pas le faire, elle est dans un état qui empire chaque jour. Il vient marquer une pause dans son discours, le visage assez fermer, sans aucune émotion. Il était plongé dans ses songes, comme absence d’un coup. Il pensait à sa mère, à tous les sacrifices qu’elle avait fait pour lui et sa sœur, même si cette dernière a décidé d’abandonner la famille. Revenant à lui quand une nouvelle question lui fit poser. Il avait vraiment l’air de passer un interrogatoire, il vient se mordre la langue avant de répondre.
-Je ne sais pas son nom en entier, c’est pour cela que j’avais besoin du registre, j’ai réussi à découvrir que ses deux premières lettres de son prénom, soit E-T. Et son âge, il doit avoir entre 40 et 45 ans d’après la lettre de ma mère. A moi, il m’a fait, souillant ma mère et la jetant comme une malpropre dès qu’elle lui avoua qu’elle était enceinte de lui. Les batards, vous savez combien il y en a dans les bas-fonds de la Capitale, caché de tous, méprisés ? Et pendant ce temps, leur géniteur et leur génitrice se font tout blanc dans leur tour d’Ivoire. Mais si vous vous dites que je suis révolutionnaire, détrompez-vous, je suis un fervent partisan de notre Reine et notre Roi bien aimés, gloire à leur nom.
Il marqua une pause, reprenant son souffle un peu avant que son nom soit demandé, il vient se mordre la lèvre cette fois-ci. Il n’avait pas le droit de mentir et il ne mentait pas à proprement parler depuis le début. Donc foutu pour foutu, autant faire de se peut.
-Je m’appelle Nivix E. Orgrin, je suis aventurier au sein de la Capitale, j’aurai pu mal tourner mais j’ai préféré devenir aventurier… Et je présume que vous ne me direz pas votre nom, donc puis je au moins vous appelez madame ? Et comme raison, je pourrai vous dire de renforcer la garde à des endroits qui sont assez connus comme sans garde par les petits gens. Je suis passé par les cuisines, souvent, la fenêtre de cette dernière reste ouverte pendant la nuit, comme celle d’à côté. Je n’essaie pas de vous convaincre mais de vous montrez que je suis prêt à collaborer pleinement. Que voulez vous en échange de ne pas m’amener vers la garde ?
Autant être courtois, cela ne mange pas de pain, il attendait une réponse, l’esprit assez perplexe. Il avait beaucoup parlé mais autant vider son sac quand ce dernier est plein à raz-bord.