Nouvelle vie.
En traînant des pieds je parvins à rejoindre la fontaine trônant au centre d'une place déjà bien animée afin de m'y éclabousser le visage. Et me sécher la gorge par la même occasion. Puis, n'ayant pas la force d'autre chose, je m'allongeais sur son rebord en me laissant rapidement happer par le sommeil. L’inconvénient fut que mon organisme n'avait plus assez d'éthanol en lui pour me garantir un repos de plomb, sans le moindre rêve. La noirceur de mes songes se teinta alors de tâches rougeâtres et de cris de douleurs. D'appels à ce qu'on l'aide tandis que des rires étouffaient ses lamentations.
Le souffle rapide j'ouvrais les yeux, ramené au vrai monde par des enfants s'étant amusés à m’éclabousser. Faisant mine de les rouspéter je les laissais s'enfuir en riant tandis que je les remerciais silencieusement de m'avoir extrait de ces sinistres souvenirs. Mes doigts vinrent légèrement effleurer mon médaillon et je prenais conscience du temps passé. Du temps gâché. Il me fallait cesser de jouer les mercenaires pour quelques cristaux non payés la moitié du temps, et faire ce pour quoi j'avais quitté Verrage. Je me laissai alors à prier silencieusement Lily, pour qu'Elle daigne m'accorder une part de Sa Chance.
L'astre solaire commençait à décliner et et il était temps pour moi de trouver de quoi me nourrir ou à défaut, me déshydrater. Errant au hasard des rues, je tombais sur une caravane entourée de quelques hommes en armes. En m'approchant, je compris qu'il s'agissait de mercenaires ayant répondu à l'assistance que quémandait une femme pour lui assurer la route jusque la Capitale. Mes yeux se levèrent vers les cieux et sans un mot, je remerciais Lily. Déterminé à ne pas laisser passer se signe, je m'empressais de proposer mes services. Chose qui fut rapidement refuser, l'équipe étant au complet. Mais lorsque je précisais que je ne demandais en prix qu'une place sur l'une des charrettes et à leur table, elle accepta.
Le chemin fut étrangement assez calme. Les attaques subis par des créatures étant rapidement gagné par la puissante magie de mes compagnons et le maniement correct de nos armes de manière générale. C'est ainsi, sans trop de pertes humaines, que je pouvais observer pour la première fois les hauts remparts de la Capitale s'étalant sur l'horizon. Au plus ont s'approchaient, et au plus ils se hissaient vers la voûte céleste. La chose était évidente, nous n'étions plus dans un patelin quelconque paumé dans un coin perdu de cette île. Ici, les choses sérieuses commençaient.
Notre petite compagnie traversa les premiers murs, passa devant l'une des imposantes bases militaires puis longea le bras de la rivières Sud pour remonter en direction du Grand Marché. C'est une fois les secondes murailles passées que je les abandonné, apercevant au loin le lieu de ma quête. J'éprouvais un certaine empressement durant ma marche qui disparu aussitôt la surprenante bâtisse atteinte. Le doute s'emparait de moi. Etais-je seulement capable de rejoindre une telle classe sociale, moi qui n'était encore il y a quelques semaines, qu'un simple laboureur de champs ? J'admet avoir eu l'envie de faire demi-tour mais quelques secondes à tenir mon médaillon firent étinceler en mon regard la flamme de la détermination.
Une profonde inspiration gonfla mes poumons, et je m'aventurais à l'intérieur de cette construction aussi imposante par son élégance. Sans prêter attention à l'intérieur pour ne pas perdre de nouveau cette fragile confiance retrouvée, je me hâtais de rejoindre la première personne semblant être faite pour l’accueil.
'Client ?'
Perinn hissa un sourire poli sur ses lèvres. L'autre repoussa sa capuche et déclina la raison de sa venue.
'Nouvelle recrue, encore mieux.'
Il se permit une analyse plus poussée, disséquant l'étranger d'un regard franc. La carrure était prometteuse. Il avait les yeux d'un abîmé de la vie qu'on retrouvait trop souvent parmi les aventuriers ; cela faussait l'appréciation de son âge, mais il avait très clairement plus de 16 ans, l'âge minimal pour l'inscription. L'épée et le bouclier qu'il portait montraient des signes d'usure. On pouvait donc supposer qu'il savait s'en servir.
"Bienvenue," dit-il avec un sourire plus honnête. "Vous connaissez le code de la guilde ? Nous demandons à nos aventuriers de respecter un certain standard de conduite. Vous devrez faire preuve de courage dans l'accomplissement de vos missions, mais également d'honneur et de loyauté envers vos collègues et compagnons. Vous êtes libres de choisir vos contrats, mais lorsque vous en prenez un, vous vous engagez à le terminer. Votre parole est d'or. Bien sûr, un aventurier n'est pas au-dessus des lois du royaume. Vous agissez en votre âme et conscience et serez responsable de vos actes devant la justice si vous commettez un crime, fût-ce au cours d'une mission."
Perinn tapa sa pile de paperasse sur le comptoir pour l'égaliser et la mit de côté. Il recula son siège et fouilla dans un tiroir.
"Si vous êtes d'accord avec ces conditions, j'aurai besoin de votre nom complet et de votre date de naissance."
Nouvelle vie.
Un premier approche qui pouvait en heurter certains mais elles paraissaient être faites sur la base de la logique plus que de la contrainte. Il était évident qu'il était déconseillé de trahir son compagnon de route. A moins que cela n'était dicté après que certains s'en soient débarrassés d'une manière ou d'une autre pour obtenir la totalité de la prime. Je tâcherai de garder un œil sur mes futurs associés, sait-on jamais. Pour ce qui était du reste, cela revenait principalement à éviter qu'un Aventurier se pense au-dessus des lois de par son statut et ses missions visant à le rendre héroïque la plupart du temps. De cet aspect là, mon égo n'était pas intéressé. Un avantage lorsque l'on vient du bas peuple, on ne souhaite pas devenir les tirants qui nous dominaient.
Hélas je ne pouvais pas être plus précis que cela. La situation familiale à l'époque fit qu'ils oublièrent de marquer l'exactitude du jour. Cela ne m'avait jamais dérangé, que ce soit le quatorze ou le dix-huit, où était la différence en soit ? Nul part. Quant à la vie de tous les jours, cela n'avait jamais eu la moindre incidence. J'avais espoir que mes informations suffisent mais un pressentiment me susurrer l'inverse. Craignant de ne pas être autorisé à rejoindre Guilde si je ne faisais pas preuve d'exactitude dans mes réponses, j'improvisai le jour qui deviendrait l'officiel.
J'attendais alors avec une certaine crainte maîtrisée d'observer si cela passerait. Si tel était le cas, je me préparais déjà à rapidement changer de conversation. Ce n'était pas les questions qui manquaient et je m'empresserais de l'interroger au sujet du fonctionnement de la Guilde ainsi que de ses possibilités d'évolutions. Vers où et comment, orienteraient mes questions. Mais encore fallait-il tout d'abord qu'il ne souhaite pas de certificat ou papier de ce genre qu'il m'aurait fallu ramener. Il ne me restait plus qu'à espérer être dans les grâces de Lucy aujourd'hui.
Il referma le livre. "Jhonas Hinstack" ne figurait nulle part sur la liste noire de la guilde. Elle n'était pas très fournie, de toute façon, n'étant constituée que de criminels en cavale et de rares aventuriers bannis de l'organisation. Bien sûr, Jhonas pouvait avoir menti sur son nom, mais ce n'était plus du ressort de Perinn. En cas de problème, ce serait les examinateurs qui se chargeraient d'enquêter sur son passé.
"Très bien, reste un simple test d'aptitude physique. Rien de bien compliqué, je vous rassure. Le but est juste de vérifier que vous savez vous défendre. Ensuite, on vous fait confiance pour connaître vos limites et évaluer les missions qui sont à votre portée. On peut y aller tout de suite, à moins que vous ayez des questions ?"
Un coup d'oeil aux hautes fenêtres du hall assura à Perinn que le temps se maintenait au beau fixe. Tant mieux. Il n'y avait rien de plus pénible que de devoir se battre sous la pluie. C'était certes une preuve supplémentaire des capacités des nouvelles recrues, mais Perinn n'appréciait pas de finir couvert de boue. Il oubliait toujours d'amener des vêtements de rechange au travail.
Nouvelle vie.
C'était un fait. Elles visaient actuellement à connaître les possibilités d'évolutions au sein de la Guilde des Aventuriers et ainsi, connaître mes compétences et les missions auxquelles je pouvais prétendre permettait soit d'y songer, soit de les oublier. J'attendais alors que l'homme paraissant plus jeune que moi ouvre la marche avant de marcher à sa suite. Une certaine excitante impatience commençait à réchauffer mes veines.
Perinn assortit cette remarque d'un sourire espiègle et, comme il contournait le comptoir pour rejoindre Jhonas, lui tapota le biceps comme preuve de ses dires. Du moment qu'il savait utiliser ces muscles, l'affaire serait vite pliée.
"Sortons, nous allons nous trouver un coin propice dans les jardins."
Il quitta le hall et conduisit Jhonas à l'écart des chemins, jusqu'à un carré d'herbe à l'ombre des murs de la bâtisse. Il décrocha le fouet enroulé à sa hanche et fit glisser le cuir usé entre ses paumes.
"Ce n'est pas bien compliqué," répéta-t-il. "Je vais vous attaquer. Défendez-vous et tentez de m'immobiliser. N'hésitez pas à utiliser votre pouvoir s'il peut être utile en combat. Vous êtes bien sûr prié de ne pas me tuer," ajouta-t-il, la commissure de ses lèvres se relevant avec ironie, "tout comme il vous faudra éviter de tuer un ennemi lors de vos missions. Ah, mais ne vous souciez pas de me blesser. Je sais que je n'ai pas l'air de grand-chose, comme ça, mais j'ai plus d'un tour dans mon sac."
Du moins, plus d'un tour dans son sac en matière d'évasion. Pour ce qui était des capacités martiales, ce n'était pas lui qui risquait de présenter le test d'admission le plus ardu de la guilde. Ça tombait bien, ce n'était pas le but.
Sans prévenir davantage, Perinn claqua son fouet, tentant d'enrouler son extrémité autour de la jambe de Jhonas.
Nouvelle vie.
L'épreuve était néanmoins assez déroutante. Je ne m'attendais pas à devoir affronter un membre de la Guilde, qui plus est un adversaire ne m'étant en rien menaçant. Qui plus est en devant prendre soin aux coups portés. La moindre erreur pouvait m'obligeait à des conséquences particulièrement déplaisante dans mes ambitions, mais aussi faire de moi un criminel aux yeux de la Justice Royale. Pourtant, je n'avais pas d'autre choix que de répondre aux conditions en me pliant aux demandes formulées.
Une phrase des plus courtes et pourtant bien trop longue pour réagir au claquement du fouet venu prendre une solide prise sur ma jambe. L'étonnement s'empara de ma gestuelle tandis que je portais mon regard sur cette arme des plus étonnantes. Une première à dire vrai. Et avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, je me retrouvais au sol. Un soupir d'agacement envers moi-même et je me redressais pour me tenir de nouveau face à cet homme ayant en effet, plus d'un tour dans son sac.
Me contentant d'un simple signe de la tête, quelque peu touché dans mon orgueil, je me déclarais être finalement prêt cette fois-ci. L'épée toujours au fourreau et le bouclier sur l'avant bras gauche, je fléchissais les genoux et me tenais solidement en place. Puis, espérant prendre l'avantage cette fois, je m'abaissais suffisamment pour masquer autant que possible mes jambes tandis que je me précipitais ainsi, le corps entier dissimulé au mieux derrière le bouclier, déterminé à percuter mon adversaire si ce dernier ne me réservait pas une nouvelle surprise.
Hélas, Perinn ne pouvait pas fuir ce combat. Ce n'était pas le but du test. Cela ne l'empêcha pas de savourer le soupir de Jhonas.
D'un geste du poignet, il détacha le fouet de sa cible et le ramena derrière lui. Mais à peine Jhonas se releva-t-il qu'il lui fonça dessus, bouclier le premier. Le sourire de Perinn s'effaça et ses yeux s'écarquillèrent. Il termina son geste, cinglant le fouet vers Jhonas, mais la lanière rencontra le bouclier avec un claquement sec. Peut-être la mèche avait-elle laissé une ecchymose sur l'épaule de la nouvelle recrue s'il avait de la chance, mais c'était bien tout ce qu'il avait réussi à accomplir.
Perinn évita la charge en se jetant sur le côté. Malheureusement, un fouet ne s'enroule pas magiquement dans la main de son propriétaire. Tandis qu'il effectuait un roulé-boulé pour se redresser, la lanière traînait derrière lui, serpentant dans l'herbe verte.
Nouvelle vie.
J'espérais ainsi parvenir à prévoir son attaque en faisant mine de ne pas avoir conscience d'une faiblesse apparente. Ainsi, tandis qu'il œuvrerait comme prévu, je n'avais qu'à éviter d'un mouvement de jambe avant d'écraser aussitôt son arme de mon pied et le contraindre alors, à me voir m'avancer pas après pas sur son fouet, jusqu'à sa hauteur. C'est alors qu'à défaut de lui asséner un coup, je lui proposerai à la place de me concéder la victoire. Car bien que nous étions dans le cadre d'un test, et que l'on me décrivait plus proche du combattant qu'autre chose, je n'éprouvais aucun plaisir à faire violence envers un homme ne l'ayant pas mérité. Du moins c'était ce qui était prévu. Car la finesse de son arme me faisait douter que mes bottes parviennent à ne pas la laisser filer à un moment ou un autre.
"Merci bien," dit-il avec un sourire, "c'est mon seul point fort."
Soit Jhonas n'avait aucune mémoire, soit il lui tendait un piège. Comme c'était précisément le genre de choses qu'il devait découvrir par ce test, Perinn y répondit volontiers. Jhonas évita lestement le fouet, qui claqua dans le vide. Le talon de la recrue s'abattit sur la lanière, la coinçant sous son poids.
Ce n'était pas une mauvaise stratégie, mais Perinn haussa les sourcils lorsqu'il se mit en tête de remonter le fouet vers lui. Il attendit que Jhonas avance un pied, en équilibre sur l'autre, et leva le manche au-dessus de sa tête, tirant pour tendre la lanière à son maximum. L'angle suffit à faire perdre son équilibre à Jhonas, et le fouet lui échappa.
"C'était une bonne idée, mais vous auriez mieux fait de me l'arracher des mains."
Peut-être ne devrait-il pas donner de conseils pendant un test, mais Perinn avait déjà plus ou moins décidé que Jhonas l'avait franchi. Il savait utiliser son bouclier, il avait une connaissance basique de la stratégie et il n'avait pas perdu son sang-froid face à un adversaire déstabilisant. Ce n'était pas le meilleur combattant que Perinn ait jamais vu, mais le potentiel était là.
Il préférait toutefois laisser un peu plus de temps à Jhonas pour trouver ses marques et tenter de terminer le match à son avantage. Il claqua le fouet vers son visage.