Elle arriva dans le grand hall de la guilde, il était encore tôt ce matin mais elle était déjà pleine d'aventuriers prêt à chercher la gloire à tous les coins de rues. Ignorant la foule, Ain traça jusqu'au comptoir le plus proche et s'adressa à la charmante hôtesse qui l’accueilli avec un grand sourire. Après quelques années au sein de la guilde, on commence à reconnaître des visages, celle de la jeune femme lui était familière, elle avait certainement dû l'envoyer en quête précédemment, mais Ain n'avait aucun nom à mettre sur cette personne. Elle était juste : l'hôtesse de la guilde.
- Bonjour, vous avez une quête pour moi ?
La jeune femme, toujours souriante lui répondit :
- Oui attend Ain. Laisse moi chercher un peu..
Visiblement, celle ci connaissait son nom. Pas étonnant que son visage soit familier à l'aventurière. Mais elle ne rajouta rien et laissa la demoiselle chercher dans ses papiers une quête. Elle se moquait bien de la nature de la quête, si certains aventuriers préféraient rester des heures devant le panneau d'affichage pour trouver la perle qui leur apporterait gloire et richesse. La jeune femme se moquait bien de savoir si elle partait pour chasser des rats ou escorter un riche noble. Toutes les quêtes se valaient, du moment qu'elle était payée.
- Tiens j'ai ça ! Tu m'as dit la dernière fois que tu aimais bien aller au nord, je t'ai gardé celle là de côté !
Elle avait dit ça ? Ain ne s'en souvenait même pas, mais c'était certainement le cas. Elle appréciait beaucoup la région montagneuse où elle était née. La jeune femme prit le papier que lui tendait l'hôtesse pour lire le contenu de la quête quand cette dernière ajouta :
- Oh, par contre je comptais te mettre en binôme avec un petit nouveau ! Je sais que tu es sérieuse dans ton travail donc tu pourras lui montrer comment fonctionne le métier ? C'est un peu loin mais comme ça vous aurez le temps de faire connaissance sur le chemin !
Ain haussa les épaules. Elle préférait travailler seule, elle n'avait personne pour l'embêter, si ce n'est Vif qui devait picorer des graines dans un coin de la capitale. Mais si la mission était prévue pour un binôme, elle n'allait pas chipoter.
- C'est très bien, je prend cette quête.
- Super ! Je vais prévenir Jhonas dans ce cas, les portes nords de la ville à midi, ça te convient comme lieu de rendez vous ? Elle n'attendit même pas que Ain lui réponde, sachant certainement que l'aventurière allait se contenter de hausser les épaules. Très bien ! Je lui fais passer le message, tu le retrouveras là bas !
Sans un mot, Ain ressortie de la guilde avec le papier sous le bras : depuis quelques temps, des voyageurs se font attaquer par des bêtes sur le chemin de la forteresse. Il n'y avait pour l'instant aucun mort à déplorer mais les attaques se faisaient de plus en plus fréquentes et de plus en plus violente. La mission consistait à chercher l'origine de ce problème et s'en débarrasser.
Il était encore tôt, Ain avait un peu de temps encore avant l'heure du rendez vous, aussi elle repassa chez elle pour préparer ses affaires : ses objets magiques, ses armes, des vêtements de rechange, des vivres, du matériel de camping... Avec les dix jours de trajet jusqu'aux montagnes, ils étaient bien parti pour une bonne lune de voyage. Heureusement, elle pu tout fourrer dans son sac sans fond, aussi elle n'était pas énormément chargée lorsqu'elle se présenta à la grande porte nord...
Premiers Pas.
Mon regard se porta alors vaguement sur tous ces hommes et femmes qui allaient et venaient. Après m'avoir remis cette plaque d'identité, l'hôtesse m'avait énuméré les quêtes disponibles. Toutes réclamées que je sois accompagné. Enfin, il y avait bien celle qui consistait à aller récupérer une fleur pour une vieille mais tout de même, j'avais des ambitions et un certain égo. Le problème, était que cela me forçait à me trouver un comparse dans une ville que je découvrais à peine pour un métier dont je n'avais pour connaissances que les récits de tavernes.
Par la volonté de Lucy, qui venait probablement d'entendre ma détresse, je vis venir à moi un employé de la Guilde qui m'apportait une mission mais également un partenaire. Ou plus précisément, une, partenaire. Je n'étais pas en position de faire la fine bouche, d'autant plus que de manière générale je ne faisais pas de distinction entre les hommes et les femmes. Lorsque l'on a vu l'une d'elle briser les os d'un Smilodon des plaines d'un simple clin d'oeil on ne commet pas l'erreur de leur porter des préjugés.
Après m'être égaré quelques heures dans la contemplation des quartiers colorés, je finissais par trouver l'immense porte Nord. L'architecture de la Capitale dénotée en tous points de ce qui n'était plus que le misérabilisme des villages à côté de telles structures. Adossé contre un mur, je laissais une nouvelle fois mes yeux aller et venir sur ce qui m'entourait, un sourire au coin des lèvres. Il ne me restait plus qu'à attendre une dénommée Ain Sunrick. Une bonne heure me séparait de sa venue mais n'ayant rien d'autre que ma tenue de cuir souple, mon épée courte et mon bouclier arrondi, je n'avais pas grand chose d'autre à faire dans cette cité où tout à un prix.
Devant elle, les grandes portes nord de la ville. Elle avait donc rendez-vous avec un certain Jhonas mais ne savait pas du tout à quoi il pouvait bien ressemblait. Pourtant elle n'eu pas de mal à le reconnaitre : un homme, attendant patiemment quelque chose. C'était le seul, hormis les gardes, à rester immobile parmi toutes ses allées venues. Elle s'approcha de lui et le salua en lui tendant la main.
- Bonjour, je suis Ain. Vous êtes Jhonas ? La guilde a décidé de nous mettre en binôme pour cette quête.
Elle attendit que ce dernier lui serre la main et se présente. La voix de l'aventurière était neutre et ne semblait contenir aucune émotion, comme à son habitude, et son regard était terne. Elle n'attendait rien de spéciale, simplement d'effectuer la quête, rentrer chez elle, se faire payer et recommencer. Elle détailla l'homme en face d'elle : l'hôtesse de guilde lui avait dit qu'il s'agissait d'un nouveau inscrit mais cela ne voulait rien dire. Il pouvait très bien être nouveau à la guilde mais avoir beaucoup d'expériences de manière générale. Il n'avait visiblement pas beaucoup d'affaires sur lui, mais Ain non plus ne semblait pas chargée.
- Si vous êtes prêt, on va pouvoir y aller ? Je souhaiterais avancer rapidement, je connais une ferme à une demi-journée de marche où on pourra louer des chevaux.
Ils avaient quelques jours de marche avant même d'arriver aux montagnes. Il fallait se mettre en marche le plus tôt possible pour arriver au plus vite. Pour un tel trajet, se déplacer à cheval était très utile, cela leurs économiserait facilement un tier du voyage et les fatiguerait beaucoup moins : quel intérêt d'arriver vite si on arrive épuisé ? Mais la ferme en question n'était pas toute proche et il était déjà midi. Si ils ne tardaient pas, ils pourraient profiter d'une dernière nuit confortable avant de prendre la route le lendemain.
Premiers Pas.
Une étincelle s'alluma dans le fond de mes yeux, m'imaginant un jour être aussi imposant qu'eux. Néanmoins, il me fallait aussi prendre en considération ceux qui revenaient sur des brancards, boitant ou avec les habits déchirés et les armes brisées. La moindre erreur pouvait coûter la vie, que cela soit la notre ou celle de notre compagnon. Une mise en garde que je veillerai à me rappeler. Là était mes pensées lorsqu'une main tendue accompagna une voix d'une parfaite neutralité. Mon regard se fit interrogateur un instant, se demandant pourquoi un jeune homme se présentait à moi alors que l'on m'avait stipulé que ma comparse serait une femme. Je repris un peu de prestance en me redressant de toute ma hauteur avant de tendre la mienne à mon tour.
Je n'avais pas le désir de paraître énigmatique ou distant, mais l’intonation de sa voix et l'absence d'émotion aux premiers abords dans son regard me laissait à penser que ma compagnie n'était pas source de réjouissance pour elle. Une chose que je ne pouvais pas lui reprocher, surtout si on lui l'avait informé de ma jeunesse dans ce métier. Je gardais néanmoins le léger sourire qui déformait le coin de mes lèvres et continuais d'arborer un ton chaleureux et enthousiaste tandis que je lui répondais, rassuré par le son de ses mots remettant en question sa masculinité.
Il n'en fallut pas plus pour que nous prenions aussitôt la route et profitant que je fus un instant dans son dos, mon regard se fit interrogateur. Ce n'était pas important pour la mission mais, sérieusement, c'était un homme ou une femme ? Ma marche rattrapa la sienne au niveau de la porte et se fut ensemble que nous en franchissions le seuil. Les alentours de la ville étaient peuplés par tous ceux allants et venants, ce qui nous laissait encore la possibilité d'une certaine décontraction, propice à la discussion.
Les deux compagnons se mirent donc en marche.
- Tu as l'air de ne pas être à ta première mission. Ca fait longtemps que tu arpentes les routes pour la Guilde ?
Il avait l'air d'humeur bavard, comme la plupart des personnes normales. Il était rare de tomber sur aussi peu loquace que Ain, les quelques fois où c'était arrivé, la quête c'était déroulée dans un silence digne d'une pierre tombale. Non pas pour déplaire à l'aventurière, mais le marchant qu'ils escortaient avait été assez gênée par la situation pour le rapporter à la guilde. Discuter de la pluie et du beau temps ne faisait pas partie de ses attributions, aussi elle n'avait bien évidemment pas été réprimandée pour cela, mais l'hôtesse de l'époque lui avait tout de même fait la remarque et lui avait demandé d'essayer d'être plus sociale... et souriante. Mais si elle pouvait essayer de faire un effort sur le premier point, le second était tout bonnement impossible.
- Ça va bientôt faire cinq ans.
Elle se souvenait de ses première missions avec Shnor, son mentor. Pendant trois ans, elle avait effectué des missions avec lui et avait tout apprit du métier. En fin de compte, même si elle ne comptait pas prendre Jhonas sous son aile, il lui rappelait un peu ses premiers jours à la guilde. A l'époque, Ain était beaucoup plus jeune : elle y est entrée dès qu'elle a eu l'age. En comparaison, son compagnon avait l'air plus âgé qu'elle. Si elle était curieuse, elle se serait demandé ce qu'il avait fait avant de rejoindre les rangs de la guilde... mais elle ne l'était pas. Alors elle continua de marcher d'un pas rythmé en silence.
Elle n'avait aucune intention de taper la discussion et accéléra le pas. Si son partenaire avait des questions à lui poser il le ferait lorsqu'ils auraient atteint la première étape de leur périple. Ain avait remarqué en discutant, les gens avaient tendance à ralentir le pas, elle ne voulait pas prendre de retard.
L'après midi passa rapidement, la marche était monotone mais les longs silence ne dérangeait pas l'aventurière qui continuait à tracer sa route, sans même faire attention si Jhonas la suivait. Vif quand à lui a rapidement rejoint la jeune femme et était plutôt silencieux pour une fois. Il volait au dessus de leur tête et allait se poser sur l'épaule d'Ain lorsqu'il était fatigué...
Ils atteignirent la ferme plus rapidement que prévue. C'était une grande ferme, servant occasionnellement d'auberge pour les aventuriers de passage : des champs à perte de vue, des écuries, une petite maison réservé au propriétaire des lieux et une grande bâtisse où étaient accueilli les voyageurs. Ain se présenta devant le propriétaire : un homme à la carrure imposante, une grande barbe et un regard qui semble vouloir dire de se tenir à carreau.
- Bonjour Pyke. On te prend deux lits pour cette nuit et deux chevaux pour demain s'il te plait.
L'homme dévisagea longuement le couple d'aventurier et fini par sourire joyeusement.
- Bien sur Ain ! Va dire à ma femme de te préparer un repas et je m'occuperais des chevaux pour qu'ils soient prêt à la première heure demain matin !
- Merci
Ain glissa quelques cristaux dans la main de l'homme et se dirigea vers la grande maison. Elle connaissait les propriétaires depuis qu'elle faisait des missions avec Shnor et malgré la mort de ce dernier, continuait à passer de temps en temps lorsqu'elle partait en mission. Lorsqu'elle poussa la porte, elle fut accueilli chaleureusement par la maîtresse des lieux. Ain connaissait le refrain mais la femme expliqua le fonctionnement à Jhonas :
- Une nouvelle tête, ça faisait longtemps ! Aventurier je présume ? Très bien, je t'explique comment ça fonctionne ici : on paie d'avance mais je suppose qu'Ain s'en est déjà occupé avec mon mari et puis vous pouvez utiliser les lits dans la grande salle. Tu m'excuseras, on est pas une auberge on a pas de chambre indépendante mais bon, c'est juste pour dépanner ! Tu as une douche derrière la porte là bas, c'est chacun son tour, je veux pas me retrouver à nettoyer les cochonneries d'un homme qui sait pas tenir ses hormones. Et aussi, je veux pas de problèmes, pas de baston, pas de vol, je connais des têtes hautes placés à la guilde et au moindre soucis je peux demander à ce qu'on te retire ta plaquette ! C'est compris ?
La femme n'avait pas l'intention de menacer Jhonas mais il valait mieux se protéger. La ferme était suffisamment éloigné de la ville pour ne pas pouvoir bénéficier de la protection constante de la garde et Shnor avait raconté à Ain qu'ils avaient déjà eu des soucis avec des soi-disant aventuriers par le passé. Elle n'en savait pas plus et cela ne l'intéressait pas.
- Très bien, vous pouvez faire ce que vous voulez, je vous prépare un repas pour 20 heures.
Ain hocha la tête. Il n'y avait pas de chambre et les lits étaient loin d'être confortable, mais cela lui permettait de ne pas dormir à la belle étoile. Elle se dirigea vers un des lits, il n'y en avait pas beaucoup juste six afin de pouvoir accueillir quelques aventuriers et comme la femme l'avait dit : ce n'était pas une auberge. Elle posa ses affaires et s'y assit, invitant Jhonas à faire de même.
- Bon, si on va passer la nuit ici et on repartira dès demain matin. Reposez vous, après on n'aura certainement pas d'occasion de faire des haltes aussi confortable.
Pour Ain, confortable était simplement avoir un toit sur la tête. Les lits de paille étaient dures et piquaient lorsqu'un brin sortait des tissus. C'était clairement pas le grand luxe...
Premiers Pas.
Notre marche continua, imperturbable. Pas même par la vue d'un troupeau de Rapidodos sauvages ou encore au loin l'esquisse d'un ours à la tête de chouette. Ou de hibou. Difficile à dire avec la distance. Qu'importait ce qui se passait autours de nous, rien se paraissait inquiéter la jeune femme continuant son avancée, imperturbable. Pas même par l'arrivée soudaine d'un petit oiseau venant trouver son épaule en guise de perchoir. Il m'aurait été plaisant de l'observer de plus près mais à chaque fois que je pressais le pas pour m'en rapprocher, à peine en eu-je fais un seul que déjà il s'envolait.
Finalement, je me contraint à me consacrer uniquement sur mon souffle pour ne pas me faire semer et tenir durant tout ce long chemin qui prit enfin fin lorsque se dessinèrent les contours d'une large ferme. Je laissais échapper un profond soupir de satisfaction de ne plus être obligé de faire endurer un tel supplice à mes pieds. En bon compagnon découvrant le monde, je suivais l'aventurière sans un mot. Ce ne fut pas la massive carrure de « Pyke » qui me fit légèrement blêmir mais l'annonce que nous prenions des lits et des chevaux. C'est vrai qu'elle avait évoquée cette situation à la grande porte Nord de la Capitale.
Je m'apprêtais à lui dire avec gêne que je ne disposais pas de quoi m'offrir pareilles choses mais je la vis payer ce qui devait être pour tous deux. Un hochement de tête en guise d'un égal remerciement et j'avançais à la suite de Ain. L'intérieur était plutôt agréable dans l'ensemble. Mon regard se porta sur chaque lieu régit par des règles au fur-et-à-mesure qu'elles m'étaient dictées. Cette femme ne semblait pas être mauvaise en soit mais pas en train de plaisanter pour autant. Une certaine dureté obligatoire chez les aubergistes souhaitant envisager une longue carrière.
Ma voix avait été assuré et mon regard avait tenu le siens. Je n'étais pas ici pour jouer de l'égo ou défier l'autorité en place. D'un nouvel hochement de tête je la remerciais pour le repas annoncé et répondais après quelques secondes à jeter un œil sur les clients déjà présent, à l'invitation de Ain. Posant le bouclier au sol et l'épée toujours dans son fourreau avec, je m'allongeais sur le matelas voisin. Je m'étirais de tout mon long et plaçait une main derrière ma tête tandis que mon regard se portait sur le toit. L'endroit n'était pas un luxe pour beaucoup, mais habitué à me réveiller dans des ruelles, je n'allais pas me plaindre.
- Vous connaissez l'endroit où nous allons ?
Ain sorti le papier de la guilde de son sac et survola les informations.
- Un peu oui.
Elle y avait grandit dans les montagnes et avait passé quelques années à la forteresse, donc elle connaissait plutôt bien les lieux. Même si elle ne connaissait pas chaque village, elle savait comment était la vie en montagne et les surprises que celle ci pouvait renfermer. Mais elle ne souhaitait pas s'attarder sur son passé aussi elle reprit :
- Apparemment des voyageurs se font attaquer par des créatures dans les montagnes en direction de la Forteresse. On pourrait peut être commencer par là pour recueillir des informations. A cheval, on pourra y être dans cinq jours si on avance bien.
A pied, le trajet aurait durée plus de quinze jour mais à cheval, cela va de suite plus vite. Non seulement le rythme est plus rapide mais il y a besoin de faire beaucoup moins de pause, on peut facilement boire et manger en scelle. Ain avait l'habitude de tel trajet, elle ne connaissait pas l'aventurier avec qui elle était partie mais espérait que lui aussi.
- Vous avez l'habitude des voyages à cheval ?
Le soir, il fallait s'occuper des chevaux afin qu'ils soient en forme pour le lendemain. C'était leur monture qui leur permettraient d'avancer aussi rapidement, leur confort passait avant celui des deux aventuriers. Beaucoup croient que tout est facile à cheval, mais il faut bien passer une bonne heure à les chouchouter afin qu'ils puissent les porter jusqu'au bout, même si le voyage n'était pas exceptionnellement long elle voulait garder un rythme soutenu jusqu'au bout.
Premiers Pas.
Un enthousiasme qui se crispa néanmoins lorsqu'il fut mention d'équitation. Je n'avais pas pour moi la noble éducation ou l'entraînement d'un homme d'action. J'avais grandis à travailler la terre et appris sur le tas davantage à garder la vie plutôt qu'à combattre. Cependant, il m'était déjà arrivé pour des escortes ou des décréaturisation de me faire prêter une monture. Aujourd'hui je savais monter dessus et plus ou moins faire comprendre le rythme que je voulais dans la direction générale où je souhaitait l'emmener. Mais j'avais toujours les cuises et l'entre-jambe assez douloureux au moment de descendre. Bien entendu, je ne me voyais pas lui présenter la chose ainsi.
Une réponse sans détails mais probablement suffisante. D'ailleurs, cela me faisait repenser au fait qu'elle se soit proposée de prendre à sa charge les premiers frais, sans même me consulter. Une chance qui m'avait donné l'occasion de taire ma situation financière mais il me fallait aborder le sujet. Les jours annonçaient pour arriver étaient nombreux. Bien trop pour feindre une meilleure préparation. Mais j'avais également l'envie de lui préciser que je n'oublierai pas la dette causée et que j'étais homme à ne pas m'y soustraire.
Elle devait probablement se dire qu'elle n'avait décidément pas eu les grâces de Lucy a se voir trimballer un pareil comparse. Pour un homme venant des champs et n'ayant jamais côtoyé de personnes fortunées au point d'être capable de se payer des chevaux sans sourciller, c'était assez déplaisant de se montrer aussi peu indépendant. Pourtant je m'aidais de la réputation concernant la solidarité entre aventuriers pour ne pas céder à la honte. Tout comme le fait de rapidement changer de sujets.
- Ça suffira, arrivé à la forteresse on laissera les chevaux à l'écurie et on continuera à pied. Les montagnes ne sont pas forcément un bon environnement pour les animaux des plaines.
Elle jeta un coup d'oeil à Vif qui roupillait sur une poutre. Est-ce que le chantelune supporterait l'air glacé des montagnes ? A vrai dire, elle n'y était jamais allée depuis qu'elle l'avait, cela allait donc être une nouveauté pour le petit oiseau. Ain espérait qu'il n'y laisse pas des plumes, malgré toute l'exaspération qu'il lui procure, la jeune femme commençait à s'attacher au petit familier.
Jhonas aborda l'aspect financier du voyage et en guise de réponse, Ain hocha les épaules. Elle ne roulait pas sur l'or mais ce n'était pas un cheval qui allait la ruiner. Surtout qu'en réalité, elle n'avait quasiment aucune autre dépense en dehors de ses déplacements pour les quêtes.
- Je me demandais, nous allons certainement combattre ensemble. Quel est ton pouvoir ?
- Rien d'utile au combat.
Ain n'avait pas envie de s'attarder dessus. Elle n'aimait pas parler d'elle et le faisait savoir par une réponse froide et sans développer davantage. Cependant, elle n'avait pas menti : son pouvoir n'avait aucune utilité au combat et elle ne pouvait compter que sur ses propres capacités physiques. Et quelques objets particuliers qu'elle avait acheté il y a quelques lunes.
Coupant court à la discussion avant que l'homme ne la questionne davantage, Ain se leva et chercha une serviette dans ses affaires, puis sans un mot elle se dirigea vers la douche. Cela serait la dernière fois qu'elle pourrait prendre une vraie douche avant des jours, elle avait bien l'intention d'en profiter. Elle y resta quelques longues minutes et en ressortie les cheveux encore mouillées, mais en un instant, toute l'eau qui gouttait de ses mèches s'évapora.
Au même moment, l'aubergiste arriva avec une grosse marmite qu'elle posa au centre de la table :
- Aller ! Venez manger, ce soir c'est ragout de Boucton !
Ain passa devant Jhonas pour s'avancer jusqu'à la grande table centrale et pris place. L'aubergiste lui servit une part généreuse de soupe tout en souriant. Vif, ayant senti les bonnes odeurs, descendit de son perchoir : c'est l'heure de manger ? Hm ! Vif va manger tout le boucton ! Si Ain avait été étonnée la première fois, elle s'était maintenant habitué au régiment alimentaire du petit Chantulune et ne lui fit pas attention quand le petit bec de l'oiseau se plongea dans le bouillon. Attention c'est chaud. Avant même qu'Ain n'ai pu lui prévenir, il s'était déjà brulé le bec : ça brûle ! ça brûle ! Le boucton est en feu ! La jeune femme soupira et lui approcha son verre d'eau afin qu'il puisse plonger son bec dedans...
Premiers Pas.
Lorsqu'elle eut fini de se rafraîchir, je n'eus pas l'occasion de remarquer son pouvoir à l'oeuvre, mes yeux scrutant les nouveaux arrivant dans cette ferme. Un vieux réflexe. Protégé par Lucy, je ne remarquais aucun visage particulièrement menaçant. La carrure barbue à l'accueil extérieur paraissait faire particulièrement effet. J'hésitais néanmoins un instant à prendre avec moi mon épée pour rejoindre la table où nous étions invités, avant d'opter pour la laisser à sa place. L'odeur se dégageant du repas l'emportait sur ma méfiance.
Il fallait dire qu'il s'agissait là de mon premier repas de la journée, et j'avais grande hâte de le savourer. J'étais habitué à me contenter d'une ration quotidienne. Quand on gagne peu et que l'on ne veut pas que sa jeune sœur soit contrainte de s'offrir à des hommes, on force son corps à s'adapter à une alimentation moins fournie. Ceci étant, je ne comptais pas faire la fine bouche pour autant et j'en serais déjà à vider le bol servant d'assiette si je ne me retrouvais pas éberlué par l'oiseau nous ayant rejoint.
C'était la première fois que j'observais un pareil comportement chez un animal. Qui plus est qui semblait si craintif lorsque sur le chemin, je tentais de m'en approcher. Ce même volatile s'avançait désormais à quelques centimètres de nous, prêt à voler de notre repas. Si je ne l'avais pas vu faire une partie du chemin sur l'épaule de Ain, je l'aurai chassé avec hâte. Chose qu'il fit de lui-même finalement, partant rafraîchir son bec dans l'eau que lui tendait ma comparse. Je venais sûrement d'éviter de lourds problèmes en ayant retenu mon geste.
Sans trop de manières, je remplissais mon écuelle avec gourmandise et commençait à goûter le plat qui nécessitait de toutes évidences un temps de refroidissement. Mon attention se portait alors sur le duo me faisant face. Cette manière d'agir était assez déroutante. Ain pouvait apprécié l'animal certes, mais le comportement de ce-dernier ne ressemblait à rien avec tous ceux que je vis s'envoler des arbres. Il me vint alors une pensée. Il existait des créatures accompagnant les aventuriers que l'on disaient capables de nouer un lien des plus particuliers avec leur maître. Voire même, d'user de parole et de magie. Mon visage s'avança un peu, le regard toujours porté sur l'animal.
Voyant certainement les mimiques du petit chantelune, Jhonas lui posa une question : est-ce qu'il était un familier. Ain hésita avant de répondre et baissa les yeux sur le petit oiseau. Sentant son regard, Vif leva la tête Qu'est ce qu'il y a maman ? Ain ne répondit pas. Manger ? C'est froid ? Manger du froid ? Vif aime pas le chaud ! Elle hésita et hocha la tête, permettant au petit oiseau de venir picorer de nouveau dans son assiette. Elle eu beau vouloir le nier les premiers jours, Vif était incontestablement son familier. La télépathie avec les animaux n'était pas son pouvoir et Vif ne pouvait communiquer avec personne d'autre de la sorte. Alors comment expliquer ce lien ?
- Il semblerait...
Vif n'avait pas perdu une miette de la conversation et entendant l'approbation de Ain, il sautilla tout joyeusement sur la table, faisant claquer ses petites pattes sur le bois. Super ! Vif c'est un familier ! Super ! Il avait été calme pendant toute la première partie du voyage et maintenant le voilà en forme. Qu'est ce que c'est un familier ? Ain soupira mentalement et ne répondit pas au petit chantelune.
La suite du repas se déroula dans le calme, Ain toujours aussi peu loquace, Vif toujours aussi bavard et Jhonas... Et bien Ain ne le connaissait pas assez pour avoir une idée de lui. Lorsqu'elle eu fini, elle remercia la patronne et ramena son assiette en cuisine, puis rejoignit son lit. Vif semblait repu du repas et vola de nouveau jusqu'à une poutre où il se nicha. Il n'était pas encore très tard mais ils se lèveraient tôt le lendemain.
- Repose toi cette nuit, demain on part au levé du soleil et on s'arrêtera pas avant le soir.
L'aventurière voulait avancer. Si certains de ses collègues appréciaient de flâner sur le trajet et d'admirer le paysage, Ain se fichait éperdument de toutes ses choses là. Plus vite elle serait arrivé, plus vite elle pourrait effectuer sa mission, plus vite elle serait rentrée, plus vite elle serait payée et plus vite elle serait repartie. C'était son rythme de vie.
Mettant fin à la conversation, elle tourna le dos à Jhonas et à défaut d'arriver à s'endormir de suite, se reposa. Elle s'endormit quelques temps plus tard et sa nuit fut sans rêves.
Les premiers rayons du soleil réveillèrent Ain. La pièce principale commençait à être lumineuse alors qu'il était encore tôt. Ain s'étira et sans ménagement appela son compagnon de route, sans savoir s'il dormait encore ou s'il était reveillé.
- Jhonas, prépare toi. On part dans une demi-heure.
Elle savait que le propriétaire avait déjà préparé les chevaux. En réalité il se levait bien plus tôt qu'elle. Tout était prêt pour le voyage, il ne manquait que les deux aventuriers. Ain se leva et rejoignit la salle d'eau pour se débarbouiller puis regagna la salle principale pour reprendre ses affaires : tout avait déjà été préparé la veille, Ain n'avait qu'à mettre son sac sur le dos. En passant devant les cuisines, Ain accepta volontiers la boisson que la patronne leur proposa : une mixture à base d'une graine noir et amère mais qui avait la faculté de réveiller et donner de l'énergie pour la journée. Elle sortie dehors pour déguster sa boisson pendant que son compagnon se préparait : l'air était encore frais, Ain pouvait le deviner grâce à la vapeur qui sortait de sa bouche lorsqu'elle soufflait, mais elle ne pouvait pas sentir la température qu'il faisait. Les oiseaux étaient encore silencieux et le paysage tout entier semblait ce réveiller. Le brouillard du matin englobait encore les plaines et les fleurs étaient encore trempée de la rosée matinale. C'était le moment qu'Ain préférait dans la journée : tout était calme et silencieux.
Lorsque Jhonas la rejoignit elle lui demanda :
- Tu es prêt ?
Le départ était proche. Même si ça ne faisait pas plaisir à la jeune femme d’entendre les chants incessant du chantelune, elle ne voudrait pas qu'il se perde en essayant de les retrouver s'ils prennent trop d'avance et réveilla Vif mentalement. Vif, on part. Le petit oiseau semblait encore endormi et répondit avec une pensée embrumée Non... dodo... Ain soupira. Je te laisse si tu viens pas. La menace tira Vif se son sommeil, Ain ne pouvait pas le voir mais elle l'imaginait bailler et voler maladroitement jusqu'à elle et effectivement, c'était un Vif à moitié endormi qui passa la porte d'entrée pour venir se poser sur sa tête et se rendormir...
Premiers Pas.
Elle était l'incarnation des héroïnes dont on me faisait le récit le soir venu. Une jeune femme sur qui on savait peu de choses et qui voyageait au gré des besoins pour aider d'honnêtes citoyens. Parcourant les terres avec pour seule compagnie fidèle celle d'un compagnon. Tous deux disposés à mourir l'un pour l'autre et vivant de glorieuses aventures faites de dizaines d’improbables et rebondissantes péripéties. Un enthousiasme s'était emparé de moi mais à peine fut-il présent qu'il laissait déjà sa place à un sentiment mélancolique. Alors à l'instar de ma guide, je mangeais en silence, le regard absent fixant mon écuelle.
Il me fallu plus de temps pour rejoindre ma couche, perdu dans une peinante vérité. Mais finalement je quittais la table et fus accueillis avec une froideur déjà presque devenue habituelle. Aucune réponse n'était de toutes évidences attendues et aucune ne fut apportée. Je me contentais d'aller à mon tour user de la douche afin de ne pas avoir à en perdre le temps demain. Là-bas, je laissais s'échapper un long soupir et pris plusieurs minutes à fixer mon pendentif tandis que mes doigts l’effleuraient difficilement. Elle aurait adorée rencontrer une telle personne.
A mon retour je jetais un œil sur nos compagnons de chambré. Hommes et femmes d'un peu tous les âges. La plupart armés que ce soit lourdement ou non et tous semblant soit s'abandonner au sommeil soit ne plus tarder à s'y laisser happer. Avant de prendre place sur le matelas je dégainais silencieusement mon épée que je gardais ainsi parée à l'emploi sous ma fine couverture une fois allongé. Le sommeil s'imposa assez vite mais ma nuit ne fut pas pour autant la plus agréable. N'ayant pas ma dose d'éthanol je fus contraint de faire face à d'ensanglantés souvenirs qui me firent à plusieurs reprise sortir mon arme en me redressant.
De fait, lorsque Ain m'extirpa à sa manière du repos, je ne fus pas le plus prompt à me lever. J'avais l'impression de m'être à peine endormis et que déjà il me fallait me lever. Je profitais qu'elle soit dans la salle d'eau pour grogner à son encontre et à l'inutilité de partir si tôt. Puis lorsque je la vis rejoindre la grande salle je me forçais au réveille. C'est avec la tête encore assoupis que j'enfilais ma tenue de cuir souple, mon épée retrouvant son fourreau attachée à mes hanches et le bouclier sur l'épaule.
La demie-heure accordée n'était pas encore totalement écoulée et lorsque je vis la gérante me proposer un verre, je m'accordais le temps de me poser auprès d'elle. Pas d'alcool. Dommage. Mais pas mauvais et assez fort pour réveiller son homme. Entre deux courtes lampées, j'interrogeais la fermière sur ma guide. J'appris alors bien peu que j'ignorai. Ain n'était pas quelqu'un de loquace. Pas prompt à entretenir de longue conversation et elle ne intéressera probablement pas à ma vie à moins que cela puisse avoir une utilité concrète.
Une nouvelle lampée et j'abordais le sujet de son familier, m’interrogeant plus qu'autre chose à son propos. Le gérante me répondit dès lors qu'il s'agissait d'un Chantelune et que je ne tarderais pas à comprendre pourquoi, lorsqu'elle vit ma surprise à l'annonce de ce nom. Elle m'informa ensuite qu'il existait un bien plus grand nombre de sorte de familiers. Pour tenir une ferme accueillant les aventuriers, elle en avait vu de toutes sortes. En constatant mon intérêt pour la chose, elle m'énuméra une liste impressionnante mais de tous, seul un retins mon attention. Une créature qui paraissait correspondre parfaitement au vue de mes capacités dues à mon pouvoir.
Le conseil était avisé mais déjà dans mon esprit je songeais à m'en procurait un. Je ne savais pas comment, je ne savais pas pourquoi avec exactitude, mais j'y songeais avec un grand intérêt. Puis l'aubergiste me sortais de mes pensées en m'informant que Ain ne devrait pas tarder à finir sa boisson et que je ferais mieux d'aller la rejoindre. Je remerciais cette dame pour la veille ainsi que cette petite discussion avant de suivre son conseille. J'arrivais alors aux côté de l'aventurière, réagissant par réflexe au froid. Mon visage retrouva l'anonymat sous ma capuche que je relevais et d'une voix déterminée à parcourir des kilomètres dans un silence instauré, je lui répondis.
- Eh ben ! Il était temps de vous lever ! Les bêtes sont impatientes de se dégourdir les pattes !
Ain voulu lui sourire intérieurement. Elle appréciait l'homme, avec ses manières un peu rustre mais sur son visage rien ne changea.
- Oui merci.
Le patron sourit à la demoiselle et parti chercher les deux bêtes. Pendant ce temps, Ain et Jhonas attendaient à l'entrée. Lorsqu'il revint quelques instants plus tard, il tenait par les rênes deux belles bêtes. Elles n'avaient rien de l'élégance des chevaux des nobles, ils n'étaient pas très grand mais ils avaient les pattes solides et une carrure assez similaire à celle de leur propriétaire. Les deux chevaux étaient prêt à parcourir des kilomètres. Le poils était brillant et impeccable : pas une seule poussière, signe que l'homme faisait énormément attention à ces animaux. Ils étaient déjà arnachés et prêt à partir.
Le propriétaire lui tendit les rênes d'un grand cheval à la robe baie brun.
- Elle s'appelle Anis, elle est plus toute jeune mais c'est la plus endurante de mes juments. Prends en soin !
Il n'avait pas besoin de le préciser. Ain lui avait donné une caution la veille et vu la somme qu'il avait demandé, elle espérait bien la récupérer et avait donc tout intérêt à prendre soin de l'animal. Il tendit les rênes du second cheval à Jhonas et lui présenta de la même manière.
Lorsque les présentations furent faîtes, Ain remercia encore l'homme avant de se mettre en selle.
- Je vous ai glissé quelques sucres dans les sacoches en plus des affaires habituelles, n'oubliez pas de leur donner !
- Oui merci.
Les affaires habituelles contenaient un petit panel pour panser les chevaux, entretenir le cuirs de l'harnachement et quelques autres petits trucs utiles pour les chevaux. Attaché à la selle par les deux côtés, c'était les chevaux qui portaient leurs propres affaires.
Après avoir vérifié d'un rapide coup d'oeil que Jhonas se tenait bien sur sa selle, Ain donna un petit coup de talon à sa jumeau pour la faire avancer sur le chemin.
- Bon voyage !
Ils partirent de la ferme, ils avaient encore un long chemin devant eux avant même d'arriver sur le lieu de la quête.
Premiers Pas.
Le rythme était mesuré, de ceux qui visent à favoriser l'endurance de l'animal plutôt que sa performance afin de parcourir le plus de kilomètres possibles entre deux arrêts nécessaires à leur temps de repos. Durant le premier qui s'imposa, je me contentais d'imiter Ain, apprenant par la même occasion comment on s'occuper d'un cheval pendant un voyage. De manière convenable et efficace du moins. Puis nous reprîmes la route. Elle n'avait pas mentis et ne comptait pas faire de réel arrêt avant la nuit tombée. En bon compagnon imposé, je suivais la cadence.
Depuis notre départ de la ferme, je n'avais pas cherché à engager la conversation. Il m'avait été facile de comprendre que ce n'était pas le souhait de ma guide et je n'avais pas l'envie de lui déplaire. Hélas, la longue route paraissait déjà le double à ne faire qu'imaginer la parcourir en silence. J'en venais déjà à scruter les horizons en souhaitant qu'une mésaventure nous arrive en chemin ou qu'une demoiselle ne hurle sa détresse au loin. C'était peut-être cela le but finalement. Permettre de se concentrer sur ce qui nous entoure afin d'anticiper d'éventuelles menaces. Convaincu de la chose, je demeurais de nouveau silencieux. Une heure du moins.
D'un tapotement du talon je m'étais avancé à sa hauteur, lui ayant laissé quelques mètres d'avance le reste du temps après avoir perçu que cela lui était probablement plus agréable. Je venais aussi de la vouvoyer pour la première fois, ayant pris conscience que je l'avais naturellement tutoyé depuis notre rencontre. Chose naturel pour du bas peuple que d'ainsi se parler mais Ain n'était pas de cette caste sociale et j'espérais ne pas l'avoir offensée. A moins que là se trouvait la véritable raison de ses silences. Quel idiot..
- Vous permettez une question ? On raconte que certains familiers sont dotés de magie. Votre Chantelune en est capable ?
Ain leva les yeux vers son compagnon d'aventure. C'est vrai qu'elle n'avait pas fait attention à lui depuis qu'ils avaient repris la route, elle entendait le bruit des sabots de sa jument sur le chemin, cela lui suffisait pour savoir qu'il gardait le rythme.
- Oui... Et rajouta pour elle même : Même si j'aurais préféré que ce ne soit pas le cas.
De la télépathie avec un animal aussi bavard ! Une raison de plus pour laquelle Ain ne croyait pas en Lucy. Si elle avait commencé le trajet en vouvoyant son compagnon, elle était naturellement et rapidement passé au tutoiement. Aussi, quand elle l'entendit lui parler en employant ce pronom elle hésita un instant avant de rajouter :
- Et tu peux me tutoyer. On va passer une lune ensemble, faire trop de courbettes sera une perte de temps.
En faisant trop de politesse, ils perdraient du temps mais également de l'énergie. Mieux valait aller au plus rapide, surtout qu'ils étaient tout deux aventuriers. Ain avait beau avoir plus d'expérience dans le métier, elle avait le même rang que l'homme. De plus, il était certainement plus âgée qu'elle donc cela lui faisait étrange d'être appelé de la sorte.
Premiers Pas.
J'apprenais néanmoins que le Chantelune se nommait Vif et qu'il avait la capacité de télépathie. Une chose qui expliquait pas mal de situation où ils interagissaient ensemble. Ain m'expliqua également son obtention du familier. Une histoire surprenante dans laquelle ma guide s'apprêtait à déguster des œufs lorsque l'un d'eux fit jaillir le dît compagnon la suivant désormais depuis deux Lunes environs. En plus de cela j'apprenais grossièrement le type de monstres peuplant la zone de notre destination. Et ce n'était pas pour me rassurer.
Des Smilodons aux Grognours en passant par les Sangliers, les montagnes laissaient présager une terre rude. Pas étonnant en un sens, après tout c'était proche de la Frontière. Il serait sans doute préférable que je l'informe d'ici là de mes capacités et qu'ainsi nous préférerions la nuit à la journée pour les affrontements si le choix nous était possible. Si tel n'était pas le cas, nous allions devoir prendre le temps de bien organiser nos interventions sans quoi, les choses pourraient facilement dégénérer en notre défaveur.
Les plaines commencèrent à laisser de plus en plus la place à des routes rocailleuses tandis que le temps se rafraîchissait même durant la journée. Les pics à l'horizon grandissaient à mesure que les heures passèrent et bientôt ont pouvaient distinguer les montagnes du pied au sommet. Cette fois difficile de le nier, nous étions arrivés à notre destination. Un long chemin qui m'avait permis d'acquérir les bases d'une bonne équitation. Voyageant de manière générale légèrement en retrait, je m'étais approché. L'endroit était possiblement plus hostile et mieux valait ne pas être trop distant l'un de l'autre.
Le lendemain, rebelote pour une journée de voyage.
Ainsi, plusieurs jours s'étaient écoulés et après six jours de voyage à cheval, ils avaient atteint les pieds des montagnes. Le trajet avait été bien plus court que s'ils étaient à pied mais ils avaient pris un jours de plus par rapport à ce que Ain avait prévu. Ce n'était pas dramatique. Fort heureusement, leurs montures avaient encore de l'énergie à revendre et ils commencèrent l’ascension de la montagne.
- Nous sommes encore loin du chemin en question ?
Parlait-il du chemin où les voyageurs se font attaquer ? Ain haussa les épaules. Les chemins étaient nombreux et ce n'était pas précisé dans l'ordre de mission. De plus, si les attaques provenaient bien d'animaux, il est fort probable qu'ils ne se cotonnent pas à un seul morceau de route.
- Je n'en sais rien.
Toujours aussi bavard. Ain talonna sa jumeau afin de continuer sur le chemin. Après une bonne heure de marche, le soleil commençait déjà à se coucher. Un petit coup d'oeil vers la forêt en contre-bas lui permit de visualiser le chemin qu'ils avaient fait jusque là : les arbres, habituellement si grand, ressemblaient à des petits points en bas de la montagne.
- On va bientôt s'arrêter pour la nuit. On devrait atteindre la forteresse demain dans la journée puis on ira récolter des informations.
Il était imprudent et inconscient d'aller se balader dans les petits chemins de montagne sans savoir où les attaques ont eu lieu ni quel est la créature qui en est à l'origine. Même si Ain était confiante en ces capacités mais s'ils croisaient un Kerberus Alpha ou une Ombre Écarlate... De front, elle n'était pas sur d'en ressortir. Il valait mieux se renseigner afin de mettre au point un plan d'action qui diminuerait les risques au maximum. Même s'ils n'étaient jamais à l’abri d'une mauvaise surprise... Ain était bien placée pour le savoir.
Après avoir fait avancé encore une bonne heure les bêtes, Ain aperçu l'entrée d'une grotte un peu plus en hauteur et la désigna du doigt.
- On s'arrêtera là bas pour la nuit.
Même si, en principe, la saison du blizzard était passée, ils n'étaient pas a l'abri d'un caprice de la météo. De plus, il faisait bien plus froid dans les montagnes et à cette altitude que dans les plaines. Il n'était pas improbable qu'il neige pendant la nuit ou au moins qu'il givre. Ain se moquait bien des températures extrêmes mais on l'avait mise avec un homme qui, visiblement, n'avait jamais mit les pieds dans les montagnes. Elle devait prendre en compte ce paramètre, les protégerait au moins de la neige et du vent. Maintenant qu'ils avaient commencé à gravir les montagnes, il était impensable de camper à la belle étoile comme ils l'avaient fait jusqu'à présent...
Premiers Pas.
L'intérieur ne semblait pas habité de Grognours au premier regard, ce qui était la bonne nouvelle du jour. Sa taille laissait également assez de place pour rentrer les cheveux dont je pris soin de laisser le miens entre nous et la sortie. Leur instinct serait plus propice que le miens à ressentir une menace approcher. Après quoi, j'informais ma guide que je prenais en charge de trouver de quoi alimenter le feu pour la nuit.Cela la laisserait en paix plusieurs bonnes minutes ce qui ne serait pas pour lui plaire à coup sûr. J'entrepris donc d'explorer rapidement les environs, ramassant quelques brindilles sur mon passage. Le tout me prit la bonne moitié d'une heure pour m'assurer de ne pas empiéter sur le territoire d'un prédateur.
Je devais une certaine lenteur également au fait de m'être à plusieurs reprises arrêté l'espace d'une poignée de secondes, afin de porter mon regard sur l'horizon que le relief des montagnes me faisait surplomber. Ainsi perché en altitude, je pouvais contempler la grandeur du monde et l'insignifiance de nos êtres dans une pareille création. L'une de mes mains se porta à mon médaillon et j'eus l'espace d'un doute, l'impression que Léanna était à mes côtés, admirant ce paysage dessiné par la main des Dieux. Puis lorsque l'hésitation fut passée, je reprenais conscience de la réalité et ce tableau de maîtres me sembla bien fade. Suffisamment pour que je m'en délaisse et retourne dans la grotte pour nourrir les flammes.
Lorsque Jhonas parti chercher de quoi alimenter le feu, Ain hocha la tête. Elle n'allait pas le materner, elle espérait juste qu'il ne se montre pas trop imprudent dans les montagnes si c'est son premier voyage. Cependant, ils n'étaient pas encore monté assez haut pour qu'il y ai de la neige aussi, cela ne devrait pas être trop risqué de s'aventurer dehors. Pendant ce temps Ain s'occupa des chevaux : elle les pensa, les nourrit et leurs donna à boire. Heureusement, elle possédait une gourde fontaine, même si l'eau ne coulait pas à flot, cela suffisait pour s'abreuver sans avoir besoin de chercher un point d'eau. Elle se remémora le temps où elle n'était pas autant occupée et où elle devait faire fondre de la neige pour boire... Ce temps était passé depuis longtemps, si elle était septique au début, aujourd'hui elle ne regrettait pas une seconde ses achats.
- Tu n'as pas froid ?
Ain secoua la tête.
- Non, je ne ressent pas les températures.
D'ailleurs si Jhonas posait cette question, c'est qu'il devait faire suffisamment froid dehors pour qu'il s'interroge. Ain fouilla dans son sac sans fond et en sorti une grande cape anti-climat. Elle la lança à Jhonas en lui disant :
- Tiens, prend ça pour la nuit. Elle est faîte d'un tissu anti-climat, ça te tiendra au chaud.
Avec le bois que son compagnon avait ramené et une poignée de paille qu'elle avait emportée dans ses affaires, Ain entreprit de faire un feu à l'entrée de la grotte. Cela éloignerait les prédateurs qui pourraient arriver de l'extérieur et réchaufferait un peu l'intérieur. Cependant il valait mieux ne pas bruler le bois à l'intérieur : elle avait connu un aventurier qui s'était asphyxié avec son propre feu...
Vif quand à lui c'était blottie dans la veste d'Ain. Les températures ne devaient pas être confortable pour le petit familier. Elle le laissa là et continua ses affaires : elle sortie deux rations de viande séchée, une couverture qu'elle plia pour s'asseoir au sol et sa gourde fontaine pour ne pas manquer d'eau.
La nuit se passa sans soucis. Le lendemain, les voila reparti sur les chemins, Vif s'était glissé dans une des sacoches des chevaux pour profiter de leur chaleur et ils reprirent l’ascension de la montagne dans le silence.
Il était midi passé lorsqu'au détour d'une falaise, ils commencèrent à apercevoir la forteresse : un imposant édifice, construit à même la montagne. A ces pieds, le bourg qui grouillait de monde. On aurait pu croire que c'était un coin tranquille perdu dans les hauteurs, pourtant c'était un important lieu de passage : la plus grande partie de la population des montagnes y habitait et c'était le point centrale des recherches technologiques du royaume.
- On arrivera à la forteresse dans deux heure je pense. Ne traînons pas.
Ain talonna sa jumeau et accéléra le pas. A l'approche de la forteresse, les chemins était plus sur et plus large pour laisser passer les chariots. Deux chevaux pouvait aisément passer. L'aventurière ne voulait pas trainer, même s'ils arrivaient avant la nuit, ils avaient beaucoup à faire avant de pouvoir commencer les investigations : confier les chevaux à une écurie, chercher une auberge où loger le temps de leur séjour, refaire quelques stocks de nourriture...
Premiers Pas.
C'est avec autant d'étonnement que de surprise que j'attrapais de justesse la large cape m'étant jetée. Un remerciement aussi sincère que gêné raisonna sous l'écho de la grotte. Je notai le nom du tissu tout comme celui de la gourde lorsque je lui fis par de mon questionnement en ne la voyant jamais se tarir. C'était là de précieuses informations que d'en connaître l'existence. Preuves supplémentaires que j'avais eu raison en affirmant que j'apprendrais de nombreuses choses en sa compagnie. L'avantage d'une comparse si expérimentée.
La nuit fut calme et les profondeurs inexplorées de la grotte ne nous firent pas de mauvaises surprises. Au lendemain, bien trop tôt à mon goût comme à l'habitude, nous reprîmes la route. Plus rocailleuse et froide à chaque nouveau mètre faisant croître l'altitude. Par les grâces de Lucy ma tenue de cuire était suffisamment proche du corps pour me faire encaisser le froid. Cela et le temps à la clémence de manière générale. Nous n'étions pas aux grands froids de la Dernière Lune après tout.
Obéissant à son injonction de ne pas perdre de temps, à l'instar de l'ensemble de notre route, je maintenais avec une plus grande aisance le rythme imposé. Je pouvais même garder un œil sur ce qui nous entourait en même temps. Et lorsque l'approche imposa une fréquentation plus poussée de la route, j'arrivais même à ne pas heurter les passants allants et venants. Tapotant pour gagner la hauteur de Ain, je rompais une nouvelle fois le silence.