- C'est long.
- Jin, faut laisser le temps à la cuisson de faire son oeuvre.
- J'pourrai accélérer le processus, non ?
- Si la tarte cuit trop vite dans un four trop chaud, la pâte n'aura pas le temps de lever.
- Et donc?
- Et bien la personne qui tentera de poser les dents dessus aura de fortes chances de les perdre dans la tarte.
- Ah.
- Eh oui... Tout ne se règle pas avec tes flammes, Flammèche.
Depuis huit heures du matin, je me dispute avec m'man pour les préparatifs. Etant une vraie tanche en cuisine, il fallait bien qu'elle supervise le déroulé de la recette, et vraisemblablement la cuisson. Alors évidemment, cet effort ô combien difficile pour moi ne m'a pas traversé l'esprit sur un coup de tête. D'ici la fin de semaine ça fera bientôt trois Lunes que je n'ai pas posé les yeux sur "Elle". Alors pendant tout ce temps, j'ai essayé d'envisager les possibilités de la voir. Je suis parti en mission, j'ai participé à la rénovation de la boutique, et à l'enchanter. Mais dans toutes mes tâches, il n'y avait pas un instant où je ne pensais pas à CE moment. À cela, plusieurs choix s'offrait à moi. Partir en expédition ? On a bien vu que c'était trop dangereux. Allez au restaurant? Trop cher, et puis, déjà fais. Passez un coup de vent au boulot? On a bien vu les risques d'être dérangé. Alors j'ai commencé à lire quelques bouquins que m'man garde précieusement dans sa chambre.
Des romances, entre autre. Ouais, jamais j'aurai pensé poser mes yeux dessus un jour.
C'était plutôt dur, au début. J'ai bien compris qu'il n'y avait pas de notice pour emballer une nana en dix conseils. Mais c'est vrai qu'il y a un schéma assez courant. Notamment une partie de l'histoire d'une jeune femme nommée Anna, qui rencontre un jeune homme dont l'union leur est impossible. Un chapitre parle d'un pique-nique, l'idée m'a semblé limpide pour le coup. Simple, intime et reposant. On ne risque pas de se faire arrêter par la garde en tout cas. Mais ça ne pallie malheureusement pas à la dette que je dois à Haru Du Lys. Alors malgré le peu d'argent qu'il me reste, j'ai fais l'investissement d'un cadeau assez précieux. Un cadeau qui pourrait nous lier, lorsque nos corps sont séparés. Il attend sagement sur la table dans une petite boîte.
D'une pichenette sur la tête, m'man m'interpelle. Ah, c'est l'heure de sortir la petite tarte. Pour deux personnes seulement. Sans gants et sans attendre que le four refroidisse, j'ouvre le compartiment et tire le plateau vers moi. La chaleur ne brûle pas mes mains fort heureusement. Tournant la petite pâtisserie dans tous les sens, j'essaie d'avoir un aperçu du plat.
- Alors?
- Pas mal, pour un débutant.
- Faut que sa soit mangeable, c'est tout ce qui compte.
- Je me suis assurée à ce que tu respectes les doses.
- Merci.
- Tu as dormi cette nuit?
- Euh...
Vrai que je n'ai pas réussi à fermer l'oeil de la nuit. Enfaîte depuis notre dernière séparation toutes mes nuits ont été tourmentées. Tout me rappel Haru Du Lys, des odeurs, des vêtements. Il m'est même arrivé de courir derrière une nana, persuadé que c'était la première Ministre, avant de finalement juste déranger une demoiselle qui a cru se faire agresser. Le trac est encore plus présent maintenant que les heures défilent, trop vite j'ai l'impression. Elle devrait terminer vers les coups de cinq heures du soir. Ça me laisse encore du temps. Ce qui est encore plus flippant que toutes les fois où on s'est vu, c'est que cette fois elle n'est pas au courant que j'passe la voir. Et si elle me rejetait? Ou pire, me snobait? Mon stress se traduit par mon pied qui tape nerveusement le nouveau plancher. Une main réconfortante vient se poser alors sur mon dos.
- Jin...
- Ça va.
- Restes naturel.
- Ouais.
- Je dois y aller, le marché est déjà envahi à cette heure-ci.
- D'accord. A ce soir.
D'un rapide baiser sur ma joue, elle quitte la maison. Je suis seul, face à moi-même, maintenant. Je prends une énorme inspiration et me décide d'aller prendre un bain pour virer l'odeur de la cuisine, et de la tarte. La petite baignoire remplie, l'eau était froide. Après m'avoir fait violence pour entrer - pendant 20 minutes du coup - mon corps finit entièrement sous l'eau que j'réchauffe à la température que j'souhaite en concentrant mon pouvoir. Quelques bulles apparaissent, j'dois être pas loin des cent degrés. Ce lavement était plus long que tout les autres que j'ai pu faire jusqu'à présent. Tout simplement parce que je voulais être irréprochable, aussi irréprochable qu'un noblard pouvait l'être.
Aujourd'hui, je ne m’apprête pas aller voir n'importe qui.
J'ai même acheté des vêtements spécialement pour l'occasion. Une chemise blanche avec de légères rayures, un pantalon à pince, et des bottes de cuir qui montent jusqu'en bas des genoux. Comme un rituel je retourne vers ce flacon de parfum bleu, j'crois qu'on s'est réconcilié lui et moi. Habillé et parfumé, je prépare le panier. La fameuse boite, un petit service à thé que je réchaufferai surplace, la tarte, un petit tapis pour ne pas se salir, et le fameux livre d'Astronomie, que je devais lui rendre pour espérer en avoir un autre. Mais dans tout les cas, ce livre doit retourner à son propriétaire. Elle me fait lire, me pomponne comme une princesse... Par Lucy, comment j'ai fais pour en arriver là. Haru m'a vraiment transformé.
L'heure passe, et j'vais devoir partir.
Devant mon miroir, je décide de me détacher les cheveux. J'arrange quelques mèches, me peigne brièvement avec celui de m'man. Me regardant droit dans les yeux, j'essaie de concentrer tout le courage qui me reste, c'est-à-dire pas grand-chose.
- Allez Jin. Tu t'es battu contre un grognours, des pirates, une armée de Porc-Becues. Du courage, bordel.
Je venais juste de passer le battant de la maison, et mon coeur tambourine déjà la poitrine. Puis, j'prends la route en faisant attention où marcher pour éviter de me salir dans un chemin que je connais trop bien. La première fois, c'était pour l'accompagner. La deuxième fois, c'était pour le travail, enfin, pas tout à fait. Et maintenant, c'est tout simplement pour la voir. Pas de prétexte, pas d'excuse, pas le boulot pour appuyer ma motivation...
Juste... La revoir.
Bizarrement, personne ne me remarque. Enfin, personne ne s'écarte, ou s'enfuit dans leurs maisons comme ce que j'ai l'habitude de voir. Les gosses me disent bonjour, leurs mamans aussi. Des ouvriers s'excusent de travailler au milieu de la route et même des adolescentes rigolent en ma présence. Elles rougissaient. Elles se moquent de moi? J'suis pas présentable?! Merde, je savais que j'avais trop exagéré... Trop tard, Haru fini dans dix minutes et j'suis pas encore arrivé. En marchant plus rapidement, je quitte les entrailles de la capitale grouillant d'habitants pour aller aux grands boulevards de pavé utilisés par les calèches et autres véhicules que possède la haute noblesse. N'ayant pas de tenue d'aventurier cette fois, j'arrive à me fondre dans le décor. Enfin, j'crois, puisque personne ne me zyeute comme si je devais déguerpir d'ici. Le Palais a vu d’œil désormais, l'allée de sable qui est délimitée par une basse bordure de buis. De part et d'autre, une vaste étendue de gazon était percée, çà et là, de massifs floraux. Cette même haie d'aubépine ceignait l'ensemble dans un écrin de verdure toujours plus sombre. Il fallait passer par ce chemin pour atteindre l'entrée principale.
Mais cette fois, j'attends au portail.
Impossible de savoir l'heure. Autant elle s'est déjà barrée. Mais normalement je suis bon. Faisant les cent pas en cercle devant l'entrée, je tente de reprendre mon calme. Jusqu'à ce que ma pupille se dilate quand je...l'aperçoit. D'abord c'était une petite silhouette, qui se précise avec les mètres qui réduisent. Son costume parfait qui épouse chacun de ses atouts, ses cheveux ébène, son visage d'une beauté sans nom, son regard mauve et mystique. Pas de doute, c'est elle. J'sais pas quelle gueule je tire actuellement, mais ça doit pas être joli. Ma main sur mon panier, je m'assure que mes affaires ne m'ont pas quittés jusque là. Mes yeux regardent le sol, mon palpitant tabasse la poitrine, je ne voulais pas ou plutôt n'osais pas savoir si elle était ravie, ou énervée, outrée ou amusée de me voir. Mon autre main jouant avec le bouton de mon col, j'essaie de bredouiller quelques mots. Il fallait absolument dire quelque chose, mais quoi?
- Jin:
Attendre sa réaction est éprouvant. Il fallait maintenant renforcer mon esprit et envisager qu'elle avait peut-être autre chose à faire...
Plusieurs semaines se sont passées depuis le facheu événement au Village Perché. Il faut dire que tout n’était pas de grand repos. Depuis ma rupture avec Jin, j’ai comment dire, essayer de tout jeter par la fenêtre. M’éloignant le plus possible de ce bureau vide qui me rappelle tant de souvenirs mais aussi mes fautes. J’avais trahi Nyx, voilà tout ce qui me revenait en tête depuis ce jour-là. Craquer sur un petit minot qui avait une bouille adorable qu’on avait envie de mettre dans son lit. Pourquoi j’avais fais ça ? Parce qu’il ne savait pas qui j’étais et qu’il ne recherche pas ni mon argent, ni mon nom. Voilà ce qui changeait tout et malgré le fait qu’il a fait un petit tour en prison à cause de moi, il était encore là pour me ramener à la demeure du Gouverneur.
Je rêve encore de son regard quand j’ai dû le laisser, lui promettant que j’avais un livre à récupérer. Malheureusement, je n’ai pas eu le courage d’aller lui demande, au lieu de ça, Lancelot a fait quelques rondes près de son bureau de prime pour me confirmer que celui-ci avançait bien. J’étais rassurée de voir qu’il n’avait pas pris la poudre d’escampette mais ça ne m’aidait pas pour la suite. J’ai préféré m’enfuir à Forteresse et j’ai fais connaissance de la délicieuse Doctoresse, j’ai fais aussi un tour à l’Archipel et flâner quelques fois chez moi au lieu d’aller au Palais mais cette situation ne pouvait durer éternellement surtout que j’ai entendu dire qu’un nouveau ministre de la justice va être nommer. Allez rangeons tout ça et rentrons, c’était mieux ainsi.
- Tsubaki ! Viens ici.
- Moi être là !
- Je m’en vais, pas de bêtise et montre que tu es le plus mignon des familiers okay ?
- Oui
- Allez à demain.
Ouvrant la porte de mon appartement privé pour lui laisser plus d’espace, je finis par quitter mon bureau pour rentrer à ma demeure qui se trouve à une quinzaine de minutes de marche. Je laissais quelques fois par semaine mon floki seul à mon bureau. Il était difficile de le traîner tout le temps derrière moi en ville puis il m’a dit qu’il adorait ça car il s’amusait à se faufiler dans les bureaux des autres quand Miranda ou Queen fermait mal la porte. Avant de partir, je fis un crochet par le cabinet de la Reine en passant par l’allée Royale. Il m’arrivait souvent de m’arrêter quelques minutes pour aller lui parler d’autres choses que nos travails respectifs et elle m’a encore rappelé que je lui dois une dégustation de thé. La saluant selon le protocole, je descend une à une les marches où les portraits des différents monarques étaient accrochés le long du mur. Je ne me laissais jamais de m’arrêter devant celui de Luna Renmyrth avec mon aïeul à ses côtés. J’admirais cette homme qui a laissé son nom pour épouser la femme qu’il aimait puis je le comprends quand on voit toute la beauté de cette femme, enfin… ce n’est pas aujourd’hui que je vais épouser un prince héritier !
Je salue les derniers gardes du palais avant de prendre l’allée en gravier pour rejoindre le portail. Mes yeux errant sur les courbes du jardin et les diverses plantes qui commencent à fleurir. J’adorais cette période, la saison douce avait un temps modéré, les pluies devenaient moins fréquentes et mon anniversaire approchait. Dans une Lune, je vais encore prendre un an de plus et je m’approche peu à peu de la quarantaine, signe que ma mère va vouloir me marier de force car à mon âge je dois procréer.
Je finis enfin par passer les grilles quand une silhouette familière s’approche de moi. Je restais quelques secondes interdites pour comprendre quand je vois enfin cette chevelure caractéristique. Machinalement je pose la main sur mon poignet et je sens le bracelet autour de celui-ci. J’essaye de reprendre contenance quand il finit par m’adresser la parole. Il était comme un adolescent qui essaye d’inviter la fille au bal. Jouant avec le bouton de sa chemise qui d’ailleurs était un peu trop ouverte, laissant apparaître sa musculature qui ne cesse de gonfler au fil du temps mais ce n’était pas tout, il avait même enfilé un pantalon élégant avec des bottes qui lui faisait une fière allure. Il s’était fait beau pour moi et je soupçonne qu’il y avait une suite dans son scénario quand je vois ce panier dans sa main.
Nous étions à une distance raisonnable entre nous et je vois quelques regards qui se tournent vers nous. Certes nous étions en public et je garde mes distances mais malgré ça, je ne sais pas comment réagir. Est-ce que j’ai envie de l’embrasser, de lui tenir la main ou tout simplement juste discuter avec lui ? Je n’en savais rien mais ce que je savais c’est que je ne pouvais pas le laisser se dépatouiller seul ici.
- Me déranger ? Jamais Jin.
Puis je finis de me rapprocher de lui, rendant allant mes paroles moins audibles pour les spectateurs.
- Je suis même ravie de te revoir. Tu veux bien me raccompagner ?
- Haru :
Lancelot arriva alors à ce moment-là, proche de nous et d’un regard, il compris que je rentrais seule ce soir.
- Je vous souhaite une bonne journée Dame Du Lys.
- Merci Monsieur Steelhearth, à vous également.
Puis le voilà parti pour rejoindre la caserne de l'Île Royale.
- Allez viens, ne reste pas ici sans bouger. Tu vas finir par gober des mouches, marchons un peu.
Je prends alors la route vers chez moi sans vraiment savoir ce que j’allais faire. Un léger silence s’installe entre nous mais je finis par le briser. Jin avait fait le premier pas en venant ici, autant que je fasse ma partie également.
- Je vois qu’à chaque fois que je te vois, tu fais des efforts vestimentaires ! Lancelot me rapporte ton état quand tu reviens de missions, c’est assez amusant de te voir sans tes affaires de travail !
Tenue d’aventurier, traces de sang, armes sur son dos et à la ceinture. Il avait tout la dégaine d’un chasseur de prime impitoyable. J’ai eu le malheur de lire plusieurs compte rendu de retour de mission, les cibles ne revenaient pas souvent dans un bon état mais ils étaient vivants comme il ne cessait de répéter au garde qui réceptionne. C’était difficile de parler de ce genre de pratique avec lui, je ne prône pas la violence du moins modérée contre les criminels mais je n’ai pas envie que de torturer les criminels soit un plaisir, les dérives sont courantes.
- Alors comment vas-tu ?
J’aurai pu ajouté, est-ce que je t’ai manqué? Penses-tu à moi ? Est-ce que tu m’attends encore que je prenne décision pour nous ? Est-ce que tu as finis par m’oublier et trouver une aventurière qui t’irait mieux ! Mais non, je m’arrête sur cette question bête car pour moi, oui il m’a manqué, oui j’ai pensé lui et non je ne sais toujours pas quoi penser de nous. Les mains derrière mon dos, je souris à quelques marchands dans leur boutique qui ont l’habitude de me voir par ici à cette heure. Que ce soit seul avec Lancelot. Ils penseront que c’est un nouveau garde du corps qui porte mon panier.
- Tu as dû être de corvée pour ta mère non ? Tu sais ton panier.
Je le pointe du doigt et fait mon premier vrai sourire depuis qu’on s’est revu. Finalement, je crois que j’étais plus qu’heureuse de le retrouver...
Pas trop proche, pas trop loin. Pas besoin non plus de regarder autour de soi pour sentir quelques regards pointés sur nous. Faut dire, un jeune homme connu de nulle part qui se trouve devant l'une des personnalités politique les plus cité d'Aryon, ça peut laisser place à quelques questionnements. J'avais envie d'aller leurs dires d'aller se faire cuire un oeuf, enfin c'est ce que le Jin habituel dirait. Le Jin d'aujourd'hui, lui, il est planté comme un poteau sans pouvoir avoir la force de souffler ne serait-ce qu'un mot. Comment je peux perdre mes moyens devant une personne qui vient tout juste me dire que je ne la dérangeais pas? Mes joues deviennent chaudes, mais j'souris quand même...
...Heureux de la retrouver.
Un jeune homme s'approche de mon amie, j'conclus que c'est son espèce de garde du corps qui veille à sa propre sécurité. Il comprend de suite après un vif échange de regards, j'imagine qu'ils travaillent depuis suffisamment longtemps pour que ça puisse couler autant de source. J'accepte silencieusement sa proposition et nous prenons une direction. La raccompagner? Chez elle?! Euh, bon, on verra bien. Pas de conclusion hâtive, Flammèche. Le silence entre nous s'étire, et je n'ai pas de phrases pour amorcer quelque chose. Haru sera plus courageuse que moi - encore - pour saluer mes efforts vestimentaires. J'rigole nerveusement en me grattant la tête par réflexe, elle avait remarqué... Bingo. J'hausse un sourcil sur le dénommé Lancelot qui lui rapporte mon état en retour de mission. Lui raconte-t-il ce que j'y fous...? Hm, en tout cas si elle sait ce que je fais, elle n'a pas l'air de m'en vouloir. Rares, sont les personnes qui pourraient voir ce que je fais sans grimacer ou éprouver de l'empathie sur les suspects que je capture. Mais Haru... Ce n'est pas n'importe qui, hein?
- Je...Eh bien... J'essaie de me mettre à niveau, et c'est pas évident, crois moi. Ahah.
Je n'ai pas de vêtements qui coûtent aussi cher que les siens, je ne les porte pas non plus aussi bien. Et on voit bien que je ne suis pas aussi à l'aise que si j'avais ma tenue habituelle. Mais l'avantage, c'est que je ne fais peur à personne, et donc par conséquent reconnu de personne. Je peux me permettre d'être plus vulnérable, plus sensible, plus émotif.
Plus sincère. Allez, au placard le Châtieur Ardent. Ça fais longtemps que Jin Hidoru ne s'est pas exprimé comme il le souhaite.
À cela, elle rajoute en me demandant comment je vais. Comment lui dire brièvement? J'avais envie de lui dire qu'il n'y a pas un moment où elle n'est pas dans mes pensées. Que la revoir me comble de joie, que si les circonstances étaient autrement je l'aurai sans doute prise dans mes bras. Lui dire qu'aujourd'hui plus que jamais je n'ai jamais étais aussi sur de moi pour lui dire que c'est une personne importante dans ma vie, lui dire que je l'a....
- ...Eh bien ça va. Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour moi depuis le début de la saison douce.
On continue de marcher, et j'vois qu'Haru est une petite starlette dans le coin. Les gens lui disent bonjour, renvoyé par un sourire envoûtant dont elle a le secret. J'y connais que dalle en politique, mais je reste persuadé qu'elle fait son maximum pour que Aryon prospère. Et les habitants ont l'air de bien lui rendre. Toujours aussi habile, elle pointe du doigt mon panier. Évidemment qu'elle a dû deviner que je ne vais pas la voir sans rien, du moins, sans avoir à lui proposer quelque chose. Elle me sourit, ce sourire que je n'ai pas revu depuis le Village Perché. Merde, et moi qui venais tout juste de reprendre mes moyens....
- Euh, d'habitude chez moi, à cette heure-ci, c'est l'heure du thé. Alors je voulais t'inviter à un modeste pique-nique, pour que tu puisses souffler de ta dure journée de travail. Et qu'ont... puisse partager un petit moment ensemble, p-pour me raconter un p-peu ce que tu as fais après tout ce temps, enfin si t-tu veux.
Bordel, ressaisis-toi !
- Je t'ai préparé spécialement quelque chose, ça doit être la deuxième fois de ma vie que je cuisine. Et donc rien pour ça, sa serai dommage de refuser. Je te demanderai de rester tolérante, et de vomir seulement après le pique-nique. Histoire de me donner bonne conscience, quoi.
Mon ton était légèrement taquin, mais je n'ai pas pris le risque de réduire la distance pour éviter de refléter une quelconque ambiguïté aux yeux des habitants qui terminent leurs journées également. Je comprenais parfaitement les enjeux que sa impliquait si cela devait arriver. Et lui causer du tort est bien la dernière chose que je lui souhaite, même si ça implique d'être juste une simple rumeur. Mais ...
... Est-ce que je pourrai exister dans une toute petite place de sa vie?
Comptant sur les connaissances d'Haru, il va falloir maintenant lui faire confiance sur le choix de la destination.
- Tu connais un coin d'herbe où l'on pourrai s'installer le temps du pique-nique?
Et peut-être plus, qui sait?
Se mettre à niveau ? Comme si j’apprécierais mieux sa présence avec de meilleurs vêtements… Il est vrai qu’il est plus charmant et les gens le défigurent moins dans ce quartier peu habitué à voir des aventuriers revenant de missions mais il perds alors une pointe de spontanéité. Mais je crois que ce n’est pas le moment de lui dire ça, il a fait l’effort de venir me voir, de faire le premier pas et c’est tout ce qu’il compte malgré tout. Je choisis de prendre une route au hasard et je sens que je vais faire le plus beau détour pour rentrer chez moi en cette si belle journée.
Il tenait fermement son panier dans ses mains et maintenant que je l’ai interrogé sur le contenu de celui-ci, le voilà qui essaye de barbouiller une réponse. Est-ce que je l’intimide toujours autant ? Lui qui traque des criminels, a peur d’une simple personne comme moi et finalement, c’était peut-être ça qui me plaisait le plus avec lui, son innocence. Il ne cherche en aucun cas de me contrôler ou chercher quelconque intérêt sachant que je pourrai tout faire pour lui pourrir la vie même si ce n’est pas de mon genre même avec Queen, je ne suis pas résignée à le faire alors à quoi.
- Je suis sûre que c’est bon et je suis convaincue que ta mère n’aurait pas laissé son cher fils empoisonné la Première Ministre non ? Alors ne t’en fais pas, je pense que ça sera tout du moins mangeable et même je projette que ça sera même délicieux.
Rigolant même à la fin de ma phrase, je constate qu’il était resté près de moi, ni un pas en avant, ni en arrière, il était là à côté et personne ne m’a vu aussi “ proche “ avec quelqu’un dans la rue, peut-être avec mon frère mais Elliot ne passait très rarement à la maison. Cela dit, ce n’était pas désagréable moi qui avait l’habitude de Lancelot toujours dans mon dos, j’aurai au moins l’impression qui regarde mes fesses même si le Garde ne se le permets pas ou rarement, je ne vais pas lui poser la question.
- Oui je connais un endroit tranquille et j’ai même la clé. Il y a quelques fois des avantages de s’appeler Du Lys et être à mon poste.
Je m’amuse à lui brouiller les pistes, lui laissant croire que ça pourrait être un jardin de la Couronne, ou que sais-je, je ne préfère laisser le suspense.
- Ce n’est pas très loin d’ici même.
Je dirais même à cinq minutes de marche maintenant car nous allons arriver par derrière ma propriété. Un portail se trouve au fond du jardin et on ne voit même pas la maison donc on pourrait vraiment croire que c’est un jardin public.
- Sinon Jin, je voulais te dire que après notre mésaventure au Village Perché, je me suis assurée que rien ne soit mentionné dans des dossiers. Malheureusement, je ne peux pas faire taire les personnes présentes donc voir si le Sergent et les quelques gardes diront quelque chose mais je suppose que le Maître-Espion a effacé tout ça.
Et je le remercie grandement d’avoir fait ce genre de choses et notre prochaine entrevue risque d’être amusante. Je le vois bien s’asseoir sur le fauteuil me raconter mes dernières frasques. Entre mon passage à l’Etoile du Sud, aux thermes avec cette doctoresse, ma rupture avec Nyx, j’ai un paquet de choses à lui raconter en oubliant aussi quelques détails…
- Mais bon, essayons d’oublier tout ça enfin pas tout non plus. Quoi qu’il en soit, j’ai constaté que tu n’as pas profité de tout l’argent pour fuir dans une ville pour tout dépenser aux jeux ou autres. Ton établissement va être parfait et j’ai même cru comprendre qu’une enchanteresse est passée par là non ? Cette Gher est très compétente d’après le Gouverneur de la Ville Aquatique.
Prenant conscience alors que je savais un peu tout ce qu’il avait fait depuis la dernière fois, je préfère me retenir d’en dire plus. Je m’arrête de marcher quelques secondes, Jin s’arrête lui aussi. Je comble d’un pas l’espace et glisse ma main sur sa joue.
- Néanmoins, tout ça ne me dit pas comment tu allais toi. Malheureusement, ça se ne devine pas et je suis heureuse que tu sois venue me trouver. De nous deux, tu es certainement le plus courageux.
Un sourire timide se dessine sur mon visage. J’étais heureuse qu’il fasse un effort pour nous et le poids des choses me tombent sur les épaules. Je devais prendre une décision et ce rendez-vous a irrémédiablement avancé l’échéance. Je quitte sa joue pour reprendre mon chemin, retombant dans mes pensées. Est-ce raisonnable de venir dans un jardin tranquille ? Personne pour nous déranger et je sens que si il continue à me regarder avec ses yeux là, je ne tiendras pas longtemps à ses charmes mais une fois encore, nous n’en sommes pas là. On arrive enfin à ce vieux portail et essaye de retrouver la clé. Après quelques secondes de recherche, voici la clé que je ne me sers jamais et quand je la mets dans la serrure, je sens qu’elle est un peu grippée. (Dé : non) Désamparée, je regarde Jin.
- Je crois que je vais avoir besoin d’un peu aide….
Sa boutade me fait rire, mais sa confiance me touche. je n'ai jamais vraiment eu confiance en l'humanité, après tout, j'ai vu assez de choses horribles orchestrées par des personnes qui avaient un profil "normal". Alors avoir confiance et surtout, avoir foi, c'est devenu une chose assez abstraite depuis la mort de père, depuis la fugue de ma soeur... Jusqu'à maintenant. Haru est une personne foncièrement gentille, d'une bonté impossible à mesurer. Et j'ai beau dépasser les 2400° degrés, de nous deux, elle est sans doute la plus chaleureuse. Même dans un milieu que je ne connais pas, grâce à elle, j'me sens bien. Nous continuons de marcher et Haru mentionne un lieu où il sera possible de s'installer tranquillement. Une clé alors? Donc les ministres ont des accès personnels? Étrange, mais curieusement logique. Finalement elle a raison, il n'y a pas que le travail incessant de papelard à remplir ou de réunion redondante avec les lourdes responsabilités qui vont avec. Il y aussi le pouvoir et les privilèges. Et moi, petit habitant de la Capitale en profite sournoisement pour partager une simple tarte.
Et bien sur, sa merveilleuse compagnie.
Je la suis, sans faire trop d'histoire, j'ignore où nous sommes, peut-être dans la cour de la Reine ? Ou une connerie du genre, un honneur en tout cas. Elle reprend les rênes, j'ai envie de dire, comme d'habitude.
- J'te suis, Haru.
Encore, toujours, où elle le décide.
L'un à côté de l'autre, comme un banal couple, nous nous dirigeons vers ce fameux lieu tranquille. Mon regard se perd dans les quartiers chics. Les architectures folles et osées, les couleurs des rideaux et de certaines bannières dont le symbole ne me reviens absolument pas. Les haies parfaitement taillées, les massifs dans les couleurs de l'arc-en-ciel dans un soleil déclinant peu à peu. Les couleurs flamboyantes qui font me sentir chez moi. Haru voulait souligner notre mésaventure au Village Perché. Bordel, quelle histoire. Vrai qu'elle n'est pas encore au courant que j'ai passé quelques jours en mission avec Luciole. Elle s'est assuré que c'était de l'histoire ancienne en plus d'avoir présenté ses excuses. Et pour couronner le tout, on s'est réconcilié et j'dois admettre qu'avec Mad' nous étions un trio efficace.
- Euh, merci pour cette attention. J'ai pu revoir Zahria, et elle m'a assuré que c'était de l'histoire ancienne aussi. Tout va bien pour nous, désormais.
C'était une hésitation de lui en parlé comme elle était aussi remonté que moi à son égard. Sauf qu'elle ne la pas revue depuis. Mais j'ai préféré faire le choix de lui dire la vérité, mais la nommer par son prénom voulait aussi dire que la proximité entre nous avait changé aussi. Faudra jouer cartes sur table pour que l'histoire soit claire et limpide et qu'il n'y est pas de malentendu surtout. Les malentendus avec Luciole, c'est une habitude maintenant. On va éviter de tout faire capoter, d'accord ?
- Mais, je t'expliquerai quand on sera installé. J'ai une longue histoire à te raconter.
Oh oui, une sacrée histoire.
Mais tout comme moi elle veut faire table rase sur cette histoire. Cette expédition promettait d'être magique, mais il en fut tout autrement. Le plus important, c'est qu'il ne soit rien arrivé de grave et que le problème a pu être vite résolu et que chacun de nous a pu reprendre sa vie comme il le souhaitait. Dis dont, mais c'est qu'elle est bien renseignée ! Qu'elle sache que le Bureau de Prime est bientôt comme neuf est une chose, mais que j'ai pris contact avec une enchanteresse en est une autre ! Mademoiselle Gher a été fantastique, l'achat de ses services ne m'a pas déçu et m'man comme moi-même sommes plutôt rassurés de vivre dans la maison sans appréhender le pire. Même si j'trouve ça un peu louche, c'est plutôt mignon de savoir qu'elle gardait un œil sur moi depuis tout ce temps. De savoir que j'étais dans ses pensées, ça me dit qu'au moins je n'étais pas le seul à avoir quelqu'un constamment dans ma tête. Enfin, il n'y avait pas que moi aux dernières nouvelles, il y avait aussi quelqu'un d'autre. J'me demande comment ce dilemme a évolué dans son esprit et surtout dans son cœur. J'suis personne pour lui mettre la pression, et faudra d'ailleurs que j'en touche deux mots, quoi qu'il arrive. Si elle préfère rester avec cette personne, je ne veux pas détruire leurs couple, qu'importe le mal que ça peut me faire.
- Cette enchanteresse possède des pouvoirs étonnant, et qui plus est, a travaillée d'une vitesse tout aussi étonnante. Tu crois que j'suis le genre de type à dépenser son fric aux jeux ou partir sans dire au revoir?
Que j'dis tout en rigolant mais avec un fond de vérité. C'est presque dommage si elle le pensait. Si j'devais partir, j'aurai commis tout les effractions possibles pour aller lui dire, s'il le fallait. Et sans regrets.
Puis on s'arrête.
Elle s'approche d'un pas, je me raidis d'un coup. Sa main si douce vient rejoindre ma joue et nos regards se captent vraiment pour la première fois depuis des Lunes. Ma respiration vacille, et j'me perds en elle. Elle tient à savoir comment je vais, une si belle attention. Courageux? J'en sais rien, en réalité je ne sais qui je suis lorsque je suis à ses côtés. Je m'étonne à me faire beau, à cuisiner, et perdre mon temps à proposer un pique-nique. Je découvre un autre homme, et bizarrement c'est pas si désagréable.
- Les choses vont beaucoup mieux. Ma situation s'améliore et comme tu le vois, je suis encore entier. J'vais même te dire que, je ne me suis jamais senti aussi bien, encore plus aujourd'hui. Maintenant. Toute de suite. Courageux, j'en sais rien. Mais quelque chose en moi me poussait à le faire.
Mais l'heure n'était pas aux déclarations, et comme on vient à peine de se revoir, j'voulais pas aller plus loin. Ni l'envie, ni le courage et surtout... ni les mots.
- En tout cas j'espère que tout va bien pour toi. Mais tu rayonnes aujourd'hui, difficile aussi de deviner.
Je la connais assez pour mesurer sa force et sa capacité extraordinaire à endurer. À en encaisser. Sa famille, son éducation, rien à n'était facile et il fallait un mental d'acier pour tenir le coup. J'espère quand même qu'il ne lui est rien arrivé de malheureux depuis. Nous reprenons notre route et j'vois qu'Haru est un peu absente? Est-ce que finalement quelque chose ne va pas? Il y va de soi que si c'est le cas je lui offrirai mon épaule et mon soutient, même si c'est contre moi, contre nous. On s'arrête de nouveau devant un immense portail, qui en a pris dans la gueule, faut l'admettre. Elle extirpe une clé d'une poche et l'insère dans la serrure avant de batailler pour la déverrouiller. Elle se retourne et un peu comme une enfant qui n'arrive pas à récupérer son ballon demande mon aide. J'ricane moqueusement et me rapproche de la serrure.
Nous étions très près. Ma tête était par dessus son épaule, mon torse contre son dos, et ma main contre la sienne qui tient toujours la clé.
- Tu sais les serrures rouillées, j'connais ça. Rappelle-toi la première fois que tu as vu mon Bureau. La serrure était rongée par la rouille. Mais j'ai trouvé une solution.
Ma main tenant toujours la sienne, j'pose mon index et mon majeur contre la serrure. Mes phalanges deviennent écarlates, puis incandescentes, avant que le métal du mécanisme rougit.
- En augmentant la température de la serrure, les pièces se dilatent et explosent la corrosion qui s'est propagée à l'intérieur. Fais attention à ta main, ça va être chaud.
Délicatement je retire sa poigne pour avoir une totale emprise sur la clé et la tourner d'un geste vif. Le mécanisme s'actionne et les gonds du portail vont grincer à l'ouverture du battant. J'quitte le regard de mon amie pour me mettre au seuil de l'entrée pour tirer une légère révérence et lui indiquer de passer comme un larbin ou un garde le ferai pour elle.
- Madame la Première Ministre. Après vous.
Avoir un Jin sous la main était quelque chose de vraiment pratique. Son pouvoir était plus qu’intéressant pour les longues soirées d’hiver mais pas que. Il a réussi à donner tort à cette pauvre serrure vieillie par le temps. Même si j’avais un infime espoir qu’elle ne fasse pas des siennes aujourd’hui pour qu’on puisse rentrer par l’arrière de mon jardin, je suis soulagée de voir que Monsieur avait la solution.
Inclinant légèrement la tête pour m’avoir laisser le passage, je m’amuse alors de la situation.
- Merci bien Monsieur l’Aventurier.
Foulant l’allée en gravillons, je me dirige vers un coin tranquille qui se trouve à droite. Personne depuis ma propriété nous verra et surtout il ne verra pas qu’il y a une maison par ici, il pensera à un grand jardin appartenant à la Couronne, enfin je vais faire en sorte que.
- De mémoire, il y a un coin sympathique ici.
L’attendant quelques secondes pour qu’il referme cette porte rouillée, je prends le temps de l’observer bataillé un peu. Il n’y avait pas que la serrure qui était récalcitrante et il essaye de se contenir pour ne pas tout envoyer valdinguer. D’un dernier coup avec sa botte permet de fermer le tout, il me retrouve à ma position, souriant comme toujours. Nous étions enfin seuls, plus personne pour nous embêter, nous voir, nous espionner et reporter nos moindres faits et gestes que je fais ce que j’ai envie de faire depuis que je l’ai revu devant le palais. Ma main trouve rapidement sa joue tout comme l’autre le bas de son dos. L’envie pressante de retrouver ses lèvres se fait sentir et celles-ci s’écrasent alors sur les siennes pour un baiser impatient. Le panier finit par tomber au sol, Jin avait fait en sorte qu’il ne tombe de pas trop haut avec l’aide de son pied. Ses bras puissants m'enlacent et nous voilà de nouveau réunis. Je suis amusée de sentir ce parfum qu’il a mis également à notre première rencontre mais il faut avouer qu’il était mieux habillé ainsi que le costume qu’il avait lors de notre premier rendez-vous.
Comme toutes les bonnes choses avaient une fin et qu’il fallait qu’on parle au lieu de s’embrasser comme des jeunes adolescents. Je finis par quitter ses lèvres à contrecoeur et lui donne un léger baiser sur la joue avant d’attraper le panier pour lui mettre dans les mains.
- Allez suis-moi, allons goûter tes spécialités.
Je marche quelques minutes à pas lents dans la pelouse fraîchement tondue. Il y avait quelques bosquets ici et là. Leurs fleurs de saison étaient rayonnantes, un champs de couleur alors du bleu au rouge était décimé ici et là. Je trouve enfin le lieu idéal et Jin tire une petite nappe pour m’inviter ensuite à m’asseoir.
- On pourrait croire que tu as presque tout prévu.
A cette remarque, il sourit de nouveau. Ce sourire solaire me fait fondre à chaque fois et me rappelle qu’on s’est quitté au Village Perché en tirant chacun une tronche pas possible avec l’espoir que tout ceci n’aura pas causer notre perte. Assise sur mes fesses, mes jambes repliées contre moi, j’admire le travail de Jin qui s’affaire à tout bien présenté et on peut même voir que la tarte a survécu !
- Donc tu as une longue histoire à me raconter alors ? De ce que j’ai compris, tu as déjà revu cette sergent, Zahria c’est ça ?
Jalousie, peur, honte, je ne savais pas trop quelle émotion était la plus forte dans mes pensées. Est-ce que j’avais peur qu’il raconte des choses que cette femme au sang chaud ne doit pas savoir ? Honte de la situation, de l’embarras que j’ai mis à la Garde mais aussi à la perte de temps que j’ai causé ? Jalouse qu’il a préféré la voir elle, lui raconter tout au lieu de me voir et qu’on efface ce tableau ensemble ? J’en avais aucune idée et je préfère encore oublier que de ressasser encore et encore toutes les scénarios possibles. Puis comme il l’a dit quelques minutes plus tôt, il a dit que “ tout va bien pour nous, désormais “. Est-ce qu’un nous est plus d'envisageable pour lui ? Est-ce qu’il a appris pour Nyx et moi ? Je ne sais pas si il est assez au fait de l’actualité politique déjà qu’il ne savait pas mon propre poste alors Nyx puis en plus savoir que c’était ma compagne…
- Mais si tu t’es assuré qu’il n’y a pas plus rien à dire sur cette sombre histoire, c’est le principal. Je suis encore désolée pour ce qu’il t’est arrivé, je ne sais pas même pas si on t’a fait du mal mais comme le docteur Weiss est passé te voir, je pense qu’elle t’a rastifolé, elle a un talent unique !
Et pas que. Je me rappelle encore il y a quelques jours, notre passage aux thermes de Forteresse. Un moment envoûtant qui me fait penser que Jin pourrait ne pas apprécier cette “ infidélité “ même si rien n’est acté entre nous, ce sentiment de culpabilité me ronge au fond de moi.
- Quoi qu’il en soit, je te remercie encore d’être venu me chercher pour ce merveilleux goûter improvisé. D’ailleurs, on devrait voir si c’est bon, promis je ne ferai que des commentaires élogieux.
Maladroit, il tire le plat du panier et quand il le découvre, je sens qu’il attends mon jugement sur la présentation. Je ne peux me retenir de sourire à cette façon qu’il a de me regarder et j’essaye de le rassurer comme je le peux.
- Tu sais, elle est présentable, pas brûlée et elle sent bon donc tu n’as pas à t'inquiéter !
Je sens qu’il respire de nouveau, comme si je venais de dire le meilleur compliment au monde. Cet homme me fera toujours rire avec ses réactions et même pas besoin d’activer mon pouvoir pour comprendre toutes ses émotions. Il était prévisible et il voulait toujours faire de son mieux pour me faire plaisir. Des fois, j’avais l’impression qu’il en faisait même trop et que je ne mérite pas forcément toutes ses attentions d’un homme qui ferait certainement tout pour moi si je lui demandais. Ce point me pesait aussi, nous n’étions pas du tout du même niveau sur ce sujet et cette différence me faisait peur mais j’ai appris qu’avec lui, autant être honnête puis le temps fera son affaire.
- Je voulais te dire quelque chose depuis notre retour du Village Perché, ça n’a pas été si tranquille que ça. J’avoue avoir beaucoup voyagé pour…. Comment dire, prendre l’air et pensez à autre chose. Je sais que tu n’es pas très concerné par la politique de notre belle Capitale mais il y a peu la ministre de la justice à quitter son poste.
Reprenant mon souffle et aussi mon courage. J’essaye de trouver les mots pour lui dire mais je n’avais jamais eu le temps de préparer ce discours, je ne pensais pas le voir aujourd’hui et ne rien maîtrisé était un sentiment étrange pour moi.
- Oui j’ai eu plus de travail, il fallait que je trouve un remplaçant avec la Reine et j’en passe. Mais le plus important ce n’est pas ma charge de travail mais cette personne. Elle a quitté la ville, Jin, ça veut dire que…
Que j’étais libre, plus en couple, je peux être avec toi ? Je ne savais pas vraiment ce que je pouvais dire, penser ou ce que je voulais vraiment mais au moins le dire à Jin était la moindre des choses. Il se sentira peut-être libre ou justement il pourra se dire qu’il avait le champs libre ce qui me faisait le plus peur dans l’histoire…
- Ca veut dire que…. mon ex-compagne est partie de la Capitale Jin.
Fuyant son regard, je me contente de regarder le laurier rose qui était plus loin. Mon coeur palpitait dans ma cage thoracique et je me dis que je n’aurai jamais dû lui avouer…
Un coin sympathique ? Mais absolument TOUT était sympathique ! L'allée de graviers impeccables, qui délimite un gazon parfaitement tondu, des lauriers roses, blancs et thym. Des haies délimitant harmonieusement ce grand jardin. J'sais pas quels paysagistes ou jardiniers bossent le dedans, mais ils font un sacré job. Des massifs proposent un grand répertoire de fleurs dont j'suis sûr que m'man en connaît les noms mais n'arrive malheureusement pas à faire pousser à la maison. Enfin bref, un endroit aussi prestigieux que son titre. En tout cas sa raye dans ma liste le souci du cadre, on pouvait pas rêver mieux, c'est clair. La Première Ministre joue la scène dans le ton de l'amusement lorsqu'elle entre dans le supposé jardin de la Couronne, qui me fera étirer naturellement un sourire. Comme tout homme galant je m'apprête à fermer le portail derrière elle quand... Il veut quoi ce portail. Allez ferme-toi. Vite. Vite ! Rah, discrètement j'envoie un petit coup avec le coude dans le portail pour la dompter un peu plus facilement et la fermer correctement. Voilà, ça y est. Tout va bien. Où j'en étais déjà...?
Ah oui, Haru Du Lys.
Mon sourire revient aussi vite qu'il était parti, et j'vois qu'Haru m'attendait. J'espère qu'elle ne m'en veut pas d'avoir été brutal avec le battant. Seuls dans ce jardin de rêve, nous étions. J'croirai rêver pendant un instant. Et le rêve continue quand elle me saisit fougueusement dans une étreinte précipitée, sans laisser de temps à mes lèvres d'aller chercher les siennes. Une vague d'apaisement et de bien-être parcours tout mon corps, puis des frissons. J'en lâche mon panier que j'amortis avec ma botte et enroule mes bras autour d'elle pour l'enlacer davantage. C'était le signal, on peut enfin faire ce que l'on désire, dans la limite du raisonnable bien sur. Le rêve se termine - enfin pas vraiment - et nous reprenons notre route.
Le lieu proposé est aussi magnifique que tout le reste, la nappe pouvait être posée partout maintenant que j'y pense. Mais j'écoute ses consignes et commence à déplier la nappe. Bordel, j'ai une pression monstre. Ça y est, on commence enfin ce pique-nique. Toutes ces heures de préparation, pour ce moment. Qu'est-ce qu'il disait ce garçon à Anna dans le bouquin déjà... Rah je m'en souviens plus. J'crois que je panique. Non, c'est sur enfaîte. Elle s'installe, me félicite d'avoir prévu le truc.
- Oh, trois fois rien.
Trois fois rien? Jin. T'as une nuit blanche dans les godasses, tes yeux sont encore cernés, t'as mis trois heures pour piger comment le four fonctionnait, deux pour assimiler la recette de la tarte, une pour la faire et le reste de la journée à te faire belle comme la marquise de machin bidule. M'enfin, elle n'est peut-être pas obligée de le savoir. J'risque de passer pour un taré.
Non, ça aussi c'est sur enfaîte.
Je m'installe près d'elle et dépose le panier entre nous. Madame ne perd pas de temps et embraye le sujet du Village Perché. J'ai bien deviné qu'elle ne se sentait pas bien. D'une part j'trouvais ça mignon, de l'autre ça me rend triste que ça la préoccupe à ce point. Elle serai jalouse? Haru Du Lys ? Ha. Mais on vient tout juste de s'installer, peut-être entamer un sujet à la fois serai plus judicieux, non? Ses excuses sont évidemment pas recevables, parce que ce n'est pas de sa faute. Un malheureux évènement, un malentendu, une erreur. Et ouais. Docteur Weiss...
- Oui, tout à fait, mais laisses-moi être un hôte correct et d'abord te servir comme il se doit. Tu n'as pas à t'excuser Haru, tout s'est bien passé pour moi et docteur Weiss n'avait presque rien à me faire. Un simple contrôle de routine. Elle est très douée. Je l'ai rencontré au détour d'un verre lors de la fête du solstice, une personne bien aimable. Rassure-toi, il ne s'est rien passé. Et pis elle devait s'occuper d'une amie ivre morte. Enfin, j'crois.
Un petit flirt innocent tout ce qu'il y a de plus mignon. Elle n'est pas obligée non plus de savoir qu'on m'a refait le portrait parce qu'un garde ne se sentait plus pisser quand j'étais en cellule. Luz est vraiment une personne intrigante, et curieusement attractive. Et au dessus de tout ça, une partenaire de pouvoir. Sur ce point nous nous comprenons parfaitement. On est vu comme des dangers public, doivent faire deux fois plus attention que les autres, et avoir une parfaite maîtrise de nos pouvoirs. Haru passe a autre chose et me promet d'être un jury tolérant. J'pensais que ça allais me rassurer, mais non. C'est carrément la panique et le stress à bord ! J'perd mes moyens et évidemment le panier deviens plus compliquer à ouvrir, à chercher le plat et à l'extirper. J'avais refais cette scène tellement de fois dans ma tête, pourquoi ça marche pas?! Tant pis, la fameuse tarte est désormais sous ses yeux.
Et le silence est trop long. En apnée, encore plus.
Mais encore une fois, j'me suis fais toute une montagne. Sa simplicité, sa bonté, n'a d'égale tout ce qu'elle et Aryon possèdent.
- C'est...Donc, Hum. C'est donc une tarte aux fruits rouges à la crème d'amande. Il y a des framboises, des fraises, du cassis et des mûres. Cueillis fraîchement, cuit tout juste ce matin. J'espère sincèrement que ça te plaira. Sinon, bah... je m'en excuse d'avance.
J'écoute son histoire pendant que je sors les couverts et le service à thé. Évidemment, tout comme moi, il lui fallait qu'elle prenne l'air. Bon, moi je risquais ma vie, elle sans doute qu'elle est partie se détendre. J'espère que c'était suffisamment régénérant pour reprendre le travail en bonne et due forme. La ministre de la Justice s'est barrée. Ouais depuis ma rencontre avec Haru, j'zyeute les journaux de m'man sur l'actualité politique, mais j'comprends pas trop où elle veut en venir...
- Euh, ouais j'suis au courant. Comme elle s'appelle déjà...Elle a une crinière rose, hm...Anger ! Nyx ! C'est ça ? Et donc?
J'coupe la tarte en quatre petite portions, et pose une de chaque sur deux assiettes accompagnées d'une petite cuillère en argent. Sa respiration oscille, elle peine à me regarder dans les yeux. J'commence à flipper, qu'est-ce qui se passe? Un incident diplomatique ? En tout cas sa a l'air de la travailler. M'enfin, je prends la petite théière et entre mes mains j'commence à la réchauffer en concentrant mon pouvoir.
Peut-être une mauvaise idée de faire ça à ce moment là.
Cette femme était sa compagne. Une femme, du coup. J'me sens un peu idiot, elle préfère les femmes? J'me suis trompé sur elle? Et bizarrement ça sonne comme une mauvaise nouvelle. Elle aurait pu me sauter dessus pour me dire qu'elle pouvait se consacrer à nous, ou bien tout simplement dire que c'était dur pour elle et qu'elle ne sait pas où elle en est. Ou alors c'est moi qui demande des réponses, trop tôt. Mon cœur s'emballe, mon pouvoir aussi, et la théière siffle. Un peu trop fort d'ailleurs. Avant qu'elle nous explose à la tronche je la pose sur son socle pour éviter de brûler la nappe. Et laisser du temps à Haru qui visiblement n'arrive même plus à me regarder. Ses prunelles perdues dans les espaces verts, comme s'ils allaient lui apporter une réponse ou du soutien. Ça me rend malade pour elle. D'une main bienveillante sur son genou, j'essaie de choper à nouveau son attention.
- Hey. J'espère que cette rupture s'est passé sans trop de casses, et que tu as pu traverser cette épreuve dans la mesure du possible. Je suis désolé de ce qui t'arrive. Davantage, si c'est moi qui a tout fait capoter. J'sais pas comment me racheter Haru, mais si je peux faire quoi que ce soit...
Je laisse mes mots résonner dans sa tête sans pouvoir terminer ma phrase. Y'avait rien à dire de plus de toute manière. J'voulais pas parler de nous, de moi. Je suis peut-être le seul coupable dans cette affaire, et ça me ronge profondément. Alors silencieusement, je prends de nouveau le récipient et sers deux petites tasses, puis j'en glisse une devant elle avec son petit goûter. Même si c'est clairement un rencard, et que j'ai déployé des efforts pour ça, ce n'est pas important comparé à l'état de mon amie. J'en culpabilise maintenant, Haru traverse une rupture et moi j'arrive avec ma chemise neuve et de la bouffe.
- Haru, si tu as besoin d'en parler. Je suis là. Et si tu veux parler d'autre chose, alors on parlera d'autre chose.
J'saisis la cuillère et coupe un premier petit morceau.
- Euh, bon appétit?
Ouaw, ça commence bien.
La nouvelle a surpris Jin quand je vois la théière faire des siennes. Est-ce parce que j’étais avant une femme ou tout simplement de nouveau célibataire ? Je n’en avais aucune idée et mon pouvoir ne me permet pas d’avoir toutes les réponses puis de toute façon, ce n’était pas mon genre de l’utiliser avec des proches même si il pourrait être d’une grande aide dans certaines situations. J’étais perdue dans mes pensées pendant que le chasseur de prime essaye de réparer les dégâts avec le récipient bouillant. Bien heureusement, rien de dramatique n’a eu lieu.
Comme toujours, Jin essaye de faire le premier pas, se montrer rassurant et sa main qui se pose sur mon genou me fait vite oublier mes sombres pensées quand mon regard tombe de nouveau dans le sien. Il avait toujours ses yeux qui parlent par eux-même. Ses pensées étaient généralement facile et on y retrouve souvent la bienveillance de sa mère que j’ai pu rencontrer une fois.
- Tu n’as rien à te reprocher tu sais. C’est uniquement de ma faute, ne prends pas aussi cette responsabilité. Il fallait que je sois honnête, je ne pouvais plus vivre comme ça, jouer sur les deux tableaux...
Sa tasse de thé était la bienvenue comme son dessert. Je pose la tasse sur le côté pour le boire après un petit temps de refroidissement. C’était maintenant au tour de l’assiette avec la sucrerie qui n’attends que d’être manger mais cette discussion me coupe l’appétit. Non seulement Jin va culpabiliser pour ma rupture mais il va croire que sa tarte est immangeable alors qu’elle sort particulièrement. J’attrape quand même une cuillère et la glisse dans ma bouche. La douceur du produit ne me fait toujours pas oublié notre discussion et préfère la poser sur le côté près de la tarte.
- Je… Je ne sais pas quoi faire Jin. Mes pensées sont légèrement bousculées depuis que je te connais. Ma vie change à une vitesse où je ne maitrise plus rien et j’ai l’impression de ne faire que des erreurs.
Même si notre premier rendez-vous n’est que l’élément déclencheur de cette situation, je ne le considère pas comme une erreur comme telle. J’ai adoré le repas et après aussi mais ce sont les sentiments, ses sensations qui m’ont fait peur. Je me rappelle encore des paroles de Luz. L’amour c’est l’inconnu, le hasard mais est-ce vraiment l’amour que je ressens pour Jin alors que même avec Nyx, je ne pense pas l’avoir trouver. Peut-être que lui aussi n’était pas le bon et j’attends encore l’élu de mon coeur, homme ou femme.
- Pour être honnête avec toi, oui j’étais avec une femme il y a peu, j’ai été aussi avec des hommes. L’un ou l’autre ne change pas grand chose au fond même si Mère me souhaite avoir un héritier, tu devines très bien que mes préférences lui fassent peur. Mais là n’est la question. J’ai été pendant un certain temps avec Nyx et même si nous vivions quelque chose de beau sur le papier, je ne pense pas avoir trouver le grand amour et je me doute si j’ai les capacités à aimer.
Je me tourne alors vers lui, je voulais le prévenir. Ne pas lui briser le coeur comme avec l’ancienne Ministre. Cela me ronge de l’avoir fait souffrir et je ne veux pas que ça lui arrive à lui aussi car j’ai la capacité émotionnelle d’un gloot.
- Je ne veux pas te faire souffrir toi aussi mais on m’a dit que je ne devais pas vivre dans le regret. Je m’en voudrais de ne pas avoir essayer de nouveau... même si encore une fois, la souffrance est au bout du chemin.
Allez, Haru, reprends un peu de ta fougue d’avant. Il n’est pas venu te voir pour que te montrer aussi faible devant lui. J’ai toujours voulu me montrer forte mais je suis surprise quand je le sens tout près de moi. Il avait fini par s’avancer, sa main puissante sur mon épaule comme si rien ne lui faisait peur à lui aussi. Son sourire me fait de nouveau fondre et mon visage se déride aussitôt. Peut-être que… je me fais des idées pour rien.
- Mais tu as raison, parlons d’autre chose. J’ai un gâteau à déguster non ?
Ouais un gâteau, j’ai rien trouvé de mieux pour changer de sujet mais finalement, j’attrape une seconde bouchée.
- Et il n’est pas mauvais en plus !
Jin, 15 ans. Devant l'antiquaire d'Okubo Hidoru, jouant au ballon avec son père.
- Eh, papa.
- Oui mon garçon?
- Comment tu fais, pour rester fort, tout le temps?
- Qu'est-ce que tu racontes...
- J'ai l'impression d'être un moins que rien. Si t'es pas riche, noble ou quelqu'un d'important, la vie paraît merdique.
- Ton langage, fils.
- Pardon, papa.
- Tu le devineras peut-être pas, mais tu as tenu dans ma main.
- Papa, je sais que j'étais un bébé...
- Et en te tenant comme ça, je disais à ta mère "ce gamin là sera le meilleur du monde". Je disais, "ce gamin là, sera meilleur que n'importe qui d'autre".
- ...
- Et tu es devenu le plus beau, une merveille, c'était super de te voir grandir, chaque jour c'était un privilège. Et quand l'heure est venu pour toi de te prendre en main et d'affronter le monde en m'accompagnant à mes aventures, tu l'as fais. Et quelque part en cours de route, t'as changé. Et je ne t'ai plus reconnu. T'as permis aux enfants du quartier te dire que t'étais nul.
- Mais comment as-tu...
- Puis quand ça était trop dur, tu t'es trouvé responsable, une ombre qui t'empêchait d'éclore.
- ...
- Je vais te dire un truc que tu sais déjà. Le soleil, les arcs en ciel, c’est pas le monde. Y’a de vraies tempêtes, de lourdes épreuves, et aussi grand et fort que tu sois la vie te mettra a genoux et te laissera comme ça en permanence si tu la laisses faire. Toi, moi, n’importe qui, personne ne frappe aussi fort que la vie. C’est pas d’être un bon cogneur qui compte, l’important c’est de se faire cogner et d’aller quand même de l’avant, c’est de pouvoir encaisser sans jamais, jamais flancher. C’est comme ça qu’on gagne. Si t’es sûr de ce que tu veux, faut tout essayer pour l’obtenir, mais accepter aussi qu’il y ait de la casse. Au lieu de montrer le voisin du doigt en disant « j’ai tout raté dans la vie à cause de lui, ou d’elle ou de j’sais pas qui »...
- ...
- ...Ça c’est des trucs de trouillards et t’en es pas un, toi ! Tu vaux mieux que ça !
- ...
- Je t’aimerai toujours, quoi que tu fasses comme choix. Je t’aimerai quoi qu’il se passe. T’es mon fils, ce que j’ai de plus précieux. La meilleure chose qui me soit arrivé. Mais tant que tu croiras pas en toi, en tes rêves, ta vie... ça sera pas une vie.
- Papaaaaaaaa ! Grand-frère !! M'man a dit que c'est l'heure de manger !
Il est mort l'année qui a suivi. Ses derniers mots résonnent dans ma tête chaque fois que je me noie dans le doute, l'incertitude, et la peur. Comme aujourd'hui. J'aurais aimé que Haru voit les choses de cette manière. Rien n'est facile, et accepter l'inconnu fait partie de l'aventure. Mon cœur souffre un petit peu, de voir que pour elle notre relation est vouée à l’échec. J'dis pas que j'y croyais. Mais comme disait mon père....
"Faut tout essayer pour l’obtenir, mais accepter aussi qu’il y ait de la casse."
J'vois que ça la travaille, la pâtisserie arrive à contre coeur dans sa bouche. Ce n'était pas vraiment l'idée que je me faisais de ce pique-nique. La preuve que les choses ont changées depuis. Notre rencontre a plus bousculé sa vie que je ne le pensais. Faut dire qu'au début, j'pensais que mon existence était assez insignifiante dans sa vie, un petit aventurier. Comment un type comme moi peut faire autant de grabuges? J'apprécie son honnêteté, sur sa sexualité, sur les enjeux que sa implique. J'ai bien compris depuis le Village Perché que les traditions ont la peau dure dans sa famille. Tout comme moi à l'époque, elle a des doutes.
Aimer, c'est un truc évident et à la fois... flou.
J'reste silencieux et bois mon thé pour m'assurer que je n'ai pas foiré sur la montée de la température. Ça va, du Matcha Impérial, il m'a coûté la peau des fesses, navrant si c'est gâché. Rond et moelleux en bouche, qui développe de belles notes végétales rehaussées par une saveur particulièrement puissante. Mais qui ne gâche en rien la dégustation. Faut voir ça comme un tonique qu'on prend en fin de journée pour tenir le coup.
Ou comme pour tenir le coup, maintenant.
La première Ministre fait mine de changer de sujet. Un défi de taille pour moi au vu de la situation. Elle déguste de nouveau la sucrerie, au moins, c'est quelque chose que je n'ai pas foiré.
- Ouais, tant mieux si ça te plaît. C'est le plus important.
Ma réponse manquait de force et de conviction, mais c'était sincère même si ma déception se laisser apercevoir, mais j'sais pas mentir. Mais bon, je suis là devant elle, et j'ai un paquet de chose à lui raconter et des cadeaux à lui offrir. T'inquiète père, je vais suivre le plan, foncer et tant pis si ça casse. Je terminerai ce pique-nique, coûte que coûte. J'racle la gorge et prend une plus grande portion de tarte. Trois morsures en grognant pour me donner de la force et mon regard de faucon revient à la charge.
- J'ai une longue histoire à raconter, on peut commencer par là. Je vais remonter loin en arrière, ma rencontre avec Zahria. Donc un client m'avait engagé de chercher un petit tricheur aux jeux qui lui devait du pognon, rien de bien dangereux au premier abord[...]
Je synthétise un maximum en lui racontant cette première rencontre qui n'était pas si anodine. Zahria "Luciole" Ahlysh me tombe dessus pensant tomber sur un indic et moi aussi. Le début du quiproquo commence et les embrouilles s'enchaînent. Il nous a fallu du temps à nos deux tempéraments assez frontaux de se synchroniser. Mais faut l'admettre, on a fait un boulot d'enfer. Enfin, j'vais peut-être pas expliquer qu'on s'est embrassé pour conserver notre couverture dans le tripot de jeux, ça ira.
- [...]Et enfin, on a réussi à attraper le suspect. Et on se sépare, sans pouvoir s'être présenté. Pour ça qu'elle me surnomme "Flammèche", par rapport à mon pouvoir. Rien d'affectueux. Puis, les lunes défilent après notre expédition au Village Perché... Et je rencontre par hasard une amie d'enfance, Marie Madeleine. Une nana qui a un foie solide et une épée gigantesque.[...]
J'explique un petit peu qui elle est pour moi. On était deux sales gosses qui passaient leur temps à faire des bêtises dehors, elle qui squattait la cuisine de m'man à bouffer tous ses plats. Elle qui m'a soutenu pendant la mort de père. Mad' est importante dans ma vie. Je lui raconte donc qu'on s'est croisé dans la capitale et qu'elle avait besoin d'un coup de main pour rendre service à un tavernier qui nous connaît bien. Sans rentrer dans les détails, peut-être un peu trop glauque pour mon vis-à-vis. Haru, sage comme une image, m'écoute sans prendre la peine de me couper la parole. J'ignore ce qu'elle pense, mais peut-être que le mieux ce n'est pas d'essayer de savoir. J'espérais juste que mon histoire lui permettrait de lâcher du lest et de penser à autre chose que... Nous.
- [...]Et avec Mad' - comme j'ai l'habitude de l'appeler - on décide de partir en mission. Et une garde nous accompagne. Ironie du sort, c'est le Sergent Zahria qui se pointe...
Personne n'aurais pu le voir venir. Donc je lui raconte comment j'ai voulu lui briser la bouche pour avoir pu se tromper et coffrer la première ministre et faire de ce rencard un véritable désastre. Mais à la surprise générale, elle présente ses excuses et il m'a fallu quelques jours, tout en traversant des obstacles ô combien difficiles à leurs côtés. Ça nous a rapprochés. Et finalement, ça va mieux. Pour me la péter un petit peu je raconte comment j'ai sauvé mes comparses d'un grognours en l'attirant dans une galerie descendante en m'envolant, où comment j'ai cramé douze Porce-Becues en pleine charge, sans oublier les combats contre les pirates, un combat rude. Mais on a quand même sauvé une quinzaine d'esclaves, et c'est une bonne chose. Bon tirer trois chaloupes avec une corde, plus jamais.
- [...] Et on a fêté ça à la taverne. Tu comprendras que j'ai passé l'éponge. On a risqué nos vies tous les deux, une preuve suffisante pour passer à autre chose. Elle a commis une erreur, et croit moi elle s'en veut. Si jamais tu as l'occasion de la voir... Ne lui fait pas tes yeux de ministre pas content, quand ce n'est pas le cas tu es quand même beaucoup plus agréable à regarder, délicieuse, je dirai.
Ce compliment m'échappe complètement, un peu trop naturellement, alors j'disparaît derrière ma tasse en buvant une gorgée, impossible pour moi de savoir si il est encore trop brûlant.
- Ahem, voilà. Tu sais à peu près tout. Enfin, l'essentiel.
J'avais pas fais gaffe, mais ça commence à faire un petit moment que je parle. Une bonne heure j'dirai, faut dire que raconter des histoires c'est jamais court, surtout quand on est aventurier.
- Et toi alors? Racontes-moi.
J'étire un petit sourire. Hâte d'entendre son récit. Avec peut-être un peu d'appréhension d'apprendre des mauvaises nouvelles. Mais ça fais parti de la casse, c'est le jeu.
Pourquoi ça serait difficile de lui dire que si j’écoutais mon coeur, j’aimerai passer plus de temps avec lui. Que depuis que Nyx est partie, je sens comme un vide et que j’aimerai le combler mais que je sais pertinemment que Jin n’est pas la personne qu’il le faut. Mathématiquement parlant, il n’avait rien pour lui sur les standards de ma mère et je vois qu’une succession d’ennuis. Mais faut-il écouter son cerveau et non son coeur ?
Je mange machinalement sa tarte qui était plus que délicieuse. Comme toujours, il n’avait pas confiance dans ses capacités hors celles d’aventuriers. Personnellement, je trouvais cet homme plein de courage et je voyais qu’il faisait des efforts pour moi alors que je n’avais rien à lui offrir. Oui je lui ai donné de l’argent mais c’était autre chose, c’était un mécénat comme je me plais à dire et ce n’est pas ça qui cimente notre relation. Non, il y avait ses attentions que je ne peux ignorer et malgré que j’étais “ prise “ à l’époque que je l’ai connu, j’ai pu voir le feu brûlant qu’il était en lui. J’ai eu peur, je l’avoue car je ne pouvais lui donner ce qu’il attends mais maintenant ? Est-ce que je le peux, le veux ? Je n’en savais rien et c’était le pire, l’ignorance.
Le chasseur prends les devants et commence son histoire. Me racontant son lien avec cette Zahria, le fameux Sergent Ahlysh dont le maître-espion m’a suggéré de pardonner. Elle n’avait rien fait de mal, c’est vrai mais si Jin aurait eu des dégâts majeurs, je n’aurai jamais accepté qu’il subisse la moindre chose par mes bêtises ou autres erreurs. Je prends connaissance alors de son petit surnom et aussi ses compagnons de voyages. Cette Marie semble amusante même si la comparaison que je pourrai faire c’est que le feu capitaine du Blizzard avait, elle aussi, une arme géante. Donc Jin a l’habitude de partir en aventure avec des femmes. Il était beau gosse, il est vrai que je ne peux pas lui retirer ça mais les relations entre aventuriers ou même entre gardes a toujours été un mystère pour moi. Frères et soeurs d’armes, ce lien qui les unit face à l’adversité. Si tu as sauvé la peau de l’un, tu es maintenant meilleurs amis, je vous dit, très complexe alors que moi je signe des partenariats avec plein d’alinéas et autres frivolités.
Je me retiens de faire les gros yeux pour la forme mais je me contente de sourire quand il me glisse un compliment. Il avait maintenant parlé pendant un certain temps et je m’installe de nouveau confortablement et pose ma tasse.
- Je ne pense pas que ce soit aussi passionnant que toi mais je vais essayer de faire les choses biens.
Je vais surtout oublier beaucoup de détails mais surtout un moment particulier.
- Depuis le Village Perché, on va dire que c’est compliqué. Comme je te l’ai dit, j’ai demandé quelques vacances. Je suis passée à Forteresse faire un saut dans les thermes. On dit que l’eau est curative et je pense que j’avais besoin de ça. J’ai passé de longues heures à me prélasser dans l’eau et j’ai passé d’agréables moments en essayant de penser à rien. C’était peut-être ça qui était le plus dur.
Je continue alors à lui expliquer les quelques réunions que j’ai eu avec le Gouverneur ainsi pour le problème pour la succession pour le Capitaine avec l’aide de la Commission. Je passe maintenant sur mon séjour à l’Etoile Sud.
- J’ai fait un saut là-bas aussi suite à l’invitation d’un propriétaire de casino lors de la fête du millénaire. J’ai rencontré la fille d’un noble de la région. J’avoue qu’ils ont une drôle de vision de la métropole et surtout de la Capitale. J’ai acheté quelques souvenirs pour Sekyung, son anniversaire était il y a trois jours.
J’avais organisé une petite fête avec Louise. Elle avait préparé ses desserts préférées et quelques amis à elle sont venus. Depuis peu, elle sort avec quelques enfants du quartier, je dirai plutôt ados et jeunes adultes du coin. Rose avait proposé cette idée pour qu’elle s’habitue aux autres et c’était une belle réussite.
- Ce qui m’amène à te parler de la recherche de son cadeau ! On m’a envoyé un lieutenant du Myrmidon et un autre garde pour aller chercher un oreillouille dans les plaines. Ils ont réussi en peu de temps, j’étais impressionnée puis la teinte était presque celle que je voulais. Je pense que je referais appel à cette équipe de choc, je ne voulais pas te déranger pour ce genre d’affaires...
Je ne voulais surtout pas l’embêter car il aurait accepté sans rechigner alors que la guilde propose des services de ce genre même si je ne comprends toujours pas qu’on m’a envoyé des gardes à la place des aventuriers…
- Puis comme toujours, des réunions, de la paperasse puis Nyx… enfin rien de bien méchant. Je ne me suis pas trop ennuyée !
J’ai surtout peu dormi, j’ai essayé de me noyer sous le travail pour ne plus penser à Nyx, Jin, Luz… Je me souviens encore des mots de la rouquine et je me dis qu’elle a raison. Il faut que je profite.
- Ah si, des chenapans m’ont refait ma tapisserie de mon bureau. J’ai deux petites filles qu’on décidé de saccager mon bureau et je n’ai toujours pas trouvé le coupable. Je vais te faire un portrait robot, tu pourras les capturer s’il te plaît ?
Je vois le regard de Jin qui semble ne pas comprendre la situation et je pose la main sur sa joue.
- Je rigole…
Je le sens soulagé et décide de m’approcher un peu plus de lui.
- Ah oui, tu as essayé de m’acheter avec ta tartre ? Tu me promets que ta mère n’a rien à voir là-dedans ?
Tirant maintenant sur son col, il comble les derniers centimètres pour profiter des lèvres sucrés de mon compagnon. Il n’a pas arrêté de parler et le soleil commence de décliner, je compte profiter encore un peu de lui avant que je sois obligée de rentrer à la maison.Relâchant le pan de sa chemise, je finis par le libérer.
- On va dire que ça voulait dire oui !
Je détends mes jambes sur la nappe et jette un coup d’oeil vers le Sud. Pas de signes de mes jardiniers, ni de Louise. La preuve que n’importe qui peut squatter ici et personne ne se rends compte. Je vais demander une protection supplémentaire à mon domaine si ça continue.
- Si on parlait du vrai sujet maintenant ? Pourquoi tu es venu Jin ?
Regardant de nouveau au loin, je réfléchis à ce qu’il pourrait me demander. Voulait-il connaître enfin ma réponse, si je voulais encore du temps ou sinon ma rupture avec Nyx change la donne…
- Je … Je sais que c’est compliqué… Je sais que j’hésite mais… je ne veux pas te faire souffrir ou j’ai peur de souffrir. Je ne sais pas ce que je veux, ce que je sais c’est que tu m’as manqué mais je ne peux pas mettre un nom. Je viens de casser notre rendez-vous non ?
Modeste, simple. Jamais extravagante et pourtant, son quotidien pourrait totalement lui permettre. Un peu comme sa cousine, que je n'ai pas oublié. Miss Couettes. Kwin? Qinn? Une bêtise du genre. Je suis rassuré qu'elle ait pris le recul nécessaire pour se détacher de son boulot, de sa vie affective, et tout ce qu'il l'entoure. Prendre de la distance sur les choses et faire le point sur sa vie est une entreprise pleine de sagesse, mais encore une fois rien d'étonnant lorsqu'on connaît un petit peu Haru. Vrai que je m'étais fait du soucis au début du pique-nique, la ministre Anger partie, on peut très vite se mettre dans des situations regrettables. Mais grâce à sa force de caractère, il n'en fut rien.
Elle me raconte son séjour, pendant un instant je l'ai imaginé avec une serviette - et rien d'autre - et j'me dis que j'en aurai surement profité, mais j'aurai eu sans doute peur de l'ébouillanter dans le bassin, quand elle parvient à faire sa petite scène qui marche à chaque fois me faisant partir au quart de tour. J'pourrai presque lui en vouloir. Mais avec ce qu'elle m'offre, il est clair que ça vaut le coup de se laisser faire. Rien de mieux pour se détendre en tout cas. J'ose même pas imaginer dans quel état elle devait être avant le départ. Avait-elle quelqu'un pour se confier, elle est partie seule? Je préfère ne pas lui poser de questions à ce sujet. C'était son moment, à elle seule et je n'ai aucune légitimité à en savoir davantage sans qu'elle décide de le faire de sa propre personne.
Elle poursuit sur un blabla administratif. Elle serait moins exquise, moins Haru en fait, j'aurai peut-être piqué du nez. Mais je voulais tout savoir d'elle, et ma curiosité va prendre le dessus sur ma capacité lente à comprendre les informations et termes compliqués. Même si j'avais l'impression qu'elle simplifie son discours pour moi. Pas en pitié je pense, mais simplement de la façon nécessaire pour une personne qui n'est pas du milieu. Ou alors, elle est très habile sur sa façon de me prendre pour con. Mais j'en doute. Elle rebondit sur l'étoile Sud, j'conclus finalement qu'elle a pas mal bougé ces derniers au temps, presque plus que moi alors que c'est mon job. Tu me diras, ses fonctions doivent être appliquées sur l'ensemble du territoire, j'ose même pas imaginer combien de bornes il faut faire à chaque fois. Sekyung grandit, et comme je le savais déjà sa mère fait tout ce qu'elle peut pour qu'elle puisse passer son anniversaire dans les meilleures conditions. Rien de telle que la famille, pour se sentir mieux. Enfin, quand la famille est soudée.
Le sujet de Nyx va vite être aborder, et de la même façon, j'insiste pas plus. J'hausse un sourcil sur le malheureux sinistre qu'il y a eu dans son bureau. Sans dec'? Des mioches? Dans le palais? Sans se faire griller ? Dans le cabinet du Premier ministre? Deux gosses? Euh. D'accord ? Son sarcasme vient balayer son témoignage et du coup je sais même pas si elle dit vrai ou pas? Bon, elle a l'air assez amusée pour prendre cette situation avec légèreté. Sa main cherche ma joue. Comme un félin attendant ses caresses, je frotte tendrement ma joue dans le creux de sa main. Une douceur indiscutablement inlassable. Haru s'approche et toujours d'humeur taquine me demande si je ne l'ai pas acheté ou pire, laisser ma mère faire la tarte pour moi. Il n'y avait pas de réponse à donner, alors je viens me rapprocher à mon tour et viens déguster ses lèvres, appétissantes, dur de s'arrêter. Mais le délice s'arrête, et évidemment....
...Elle veut connaître l'objet de notre petit rendez-vous improvisé.
J'perds un peu mes moyens. Notre conversation m'a fait presque oublié tout ça. L'atterrissage est un peu rude et par réflexe j'pose ma main sur mon panier. Je le gratte nerveusement pour essayer de trouver les bons mots. Mais, hésitante, elle s'expose enfin à cœur ouvert sur ce qu'elle ressent.
Mon coeur s'arrête un instant. Ma mâchoire se crispe.
Mon coeur, comme un château de cartes, celles-ci tombent les unes après les autres alors que les mots défilent. Mon poing se ferme et mes sourcils se rapprochent, froncés. J'essaie de comprendre ce qu'elle dit et je réalise peu à peu la situation. Son indécision impact grandement ses sentiments, comme une entrave. Alors que les miens n'ont fait que grandir avec le temps. Elle se sent mal, devinant bien qu'il y a mieux comme nouvelle.
La première casse. La première fracture.
J'essaie de reprendre une respiration, régulière, en vain. J'me fais violence en essayant de prendre du recul sur son ressenti. Parler en réfléchissant, j'sens que je vais en chier.
- Euh. Écoutes. Tout d'abord, tu n'as rien cassé du tout. J'aurai dû me douter que les choses étaient plus compliquées que ça. Je serai le pire des amants si j'devais te forcer à prendre une décision. Ça serait ni te respecter, ni respecter ce que nous vivons. J'ai bien compris que depuis Nyx les choses étaient délicates. J'ai bien compris également, que je n'étais pas le type de mec que tu cherches.
Mes derniers mots ont ouvert une plaie à l'intérieur de ma poitrine, la convalescence va être rude. Mais un mal nécessaire j'présume.
- Mais tu me connais, maintenant. Je suis un aventurier. Avoir peur de l'inconnu fait partie du métier. Et étonnement c'est ce qui me fais le plus palpiter. Alors oui, les enjeux sont différents, je pense faire un piètre noble si on devait continuer tous les deux. Mais je n'abandonne pas les choses aussi facilement. Depuis notre rencontre, j'ai découvert un autre Jin. Un Jin qui se cultive, qui prend soin de lui, qui a rendu une mère heureuse. Qui ne prononce pas un juron toute les deux phrases. Et pour ça, qu'importe ce que tu souhaites pour nous, je t'en serai éternellement reconnaissant. Et c'est pour cette reconnaissance que je suis venue te voir.
J'sors son bouquin, l'astronomie d'Aryon. Puis une petite boite bleue.
- J'vais pouvoir utiliser mon Globe semi-stellaire grâce à ce bouquin. Pauvre babiole qui prenait la poussière. Aha. Et enfin...
J'ouvre ladite boite et dévoile deux bijoux parfaitement identique étant posés l'un à côté de l'autre.
- Colliers Jumeaux:
- Ces colliers sont magiques. S'il y a bien quelque chose que je voulais avoir pendant notre petit séjour en cellule, c'est bien ça. Ce bijou qui va de pair avec son second, l'un est à garder et l'autre à donner. Lorsqu'une personne est en danger, elle insuffle un peu de magie et la seconde personne est immédiatement informée. Une pierre y est incrustée, une pierre de lien. Elle a la capacité d'entrer en résonance avec sa seconde moitié où qu'elle soit dans le monde : il nous suffit simplement de la serrer dans la main et on pourra sentir la direction et la distance approximative de l'emplacement de la seconde pierre.
D'un doigt je viens caresser l'une des pierre tandis qu'Haru plonge ses yeux dans les reflets ambrés que proposent ces bijoux. Evidemment que j'avais choisi la couleur exprès. Nos prunelles. Enfin, quand elle déclenche son pouvoir bien entendu.
- J'espère que tu ne verras pas ceci comme une façon de t'espionner ou quelconques raisons obscènes de t'avoir dans le viseur. C'est seulement un moyen de me dire que même si ce pique-nique est le dernier moment que nous partageons. Je veux simplement savoir que tu vas bien. Haru Du Lys...
Je m'approche, posant mes deux mains sur ses joues, le regard humide, la voix vacillante, et mon corps tremblant comme une feuille morte.
- Avec toute la reconnaissance qui me porte, et les sentiments qui m'animent, je voulais te dire...
Subitement et de manière pressé, j'viens capturer ses lèvres, pour un baiser tendrement langoureux. M'écartant légèrement, je pose mon front contre le sien.
- ... Merci pour tout, Haru Du Lys.
Ma main vient récupérer l'un des colliers, et minutieusement je viens détacher la chaînette pour tendre la pierre ambrée dans sa direction.
- Je...Je peux? Tu n'es pas obligé de dire oui, hein.
Malgré ce doux baiser, je n’obtiens pas ma réponse mais commençant à le connaître un peu, par fierté, il a dû tout faire sous l’oeil avisé de sa mère. Quoi qu’il en soit maintenant je vais savoir l’objet de sa visite. Il n’aurait pas fait tout ça pour simplement me voir même si ça me fait plus plaisir que je le laisse croire. Il était bien habillé, il était beau, c’est certain et ce panier recèle peut-être un autre secret mais lequel ?
Comme toujours, il me rappelle que “ notre “ histoire, elle était comme ça. Un rendez-vous, une nuit intéressante puis d’autres rendez-vous avec le souhait que ça reste ainsi. Jin fait partie intégrante dans ma vie mais laquelle ? Amant, compagnon, gigolo comme certains pourraient le penser. Même lui le pense quand il me sort “ le type de mec que je cherche “. Ces mots résonnent dans ma tête, laissant une douleur en moi car je ne savais pas ce que je voulais. Là était le problème.
Quoi qu’il en soit, Jin prends son panier près de lui et sort mon livre d’astronomie de celui-ci. Je sais que ce n’était pas pour autant une lecture facile mais il fait toujours l’effort de lire puis j’espère qu’il a appris des choses pour ses missions. Si mes choix de lecture peuvent l’aider et même l’occuper lors d’un bivouac, c’est tout ce qu’il compte. Une façon de lui laisser un cadeau pour qu’il pense à moi de la manière qu’il souhaite. Mais c’était la petite boîte bleue qui m’intrigue. Il voulait me remercier pour “ l’éducation “ que je lui donne. C’est là que je me rends compte la fracture entre nous. J’ai eu le droit à l’éducation mais aussi à l’argent, toutes ses choses étaient naturelles. Vivre dans le besoin, je ne connaissais pas et je ne pense pas que je pourrai le connaître un jour mais pour lui et sa mère… Je sais que l’argent que je lui ai donné lui a permis tellement de choses, puis avoir sa “ belle-mère “ heureuse ne pouvait rendre Jin encore plus. Mais l’argent ne résout pas tout et dans notre cas, c’était ça le plus gros soucis.
- Tu appeler ça une babiole, le globe semi-stellaire et beh…
Puis il ouvres la boite et je vois les bijoux. Il n’y a pas de doutes, je sais ce que c’est pour en avoir offert à Nyx. Ce bijou n’était en rien anodin mais je garde contenance, je laisse Jin faire. Il avait choisi des pierres qui ressemblent à nos yeux enfin quand j’active mon pouvoir. La parure était magnifique. La mienne plus féminine bien sûr, je me vois mal avec ça autour du cou. Il avait ajouté la pierre de lien directement, l’orfèvre enchanteur a dû bien s’amuser. Je restais bouche bé car il était magnifique mais c’est la symbolique qui me dérange.
Je ne sais pas si je peux accepter. Il est tout le temps en danger et je le sentirai quand il ira mal et je me sentirai tellement impuissante. Avec Nyx, c’était facile, elle ne risquait presque rien, je ressentais ses douleurs mais surtout ses désirs quand elle s’amusait de l’autre côté du bâtiment, a me les délivrer pour me taquiner. Mais là ? Je vais devoir lui donner un garde et même plusieurs pour ne pas que je m’inquiète ainsi que lui payer tous les enchantements possibles pour qu’il en ressort indemne. C’était… difficile. Et maintenant qu’il me regarde ainsi, ses yeux brillants, j’essaye de différencier ses émotions, est-ce vraiment la reconnaissance que je perçois ou son amour ? Mon coeur palpite et j’ai l’impression de revivre ce moment ou Nyx m’a dit je t’aime la première fois. Cette sensation de se sentir impuissante ne pouvant donner ce que l’autre attends.
- Jin...
Ses lèvres capturent les miennes sans m’en rendre compte tellement j’étais restée interdite. Je ne maîtrise plus rien. Je m’attendais à plein de choses mais pas à ses colliers, cette gage de reconnaissance qui ressemble à une bague de fiançailles. Je découvre une tendresse chez l’homme que je ne connaissais pas. Notre première rencontre n’était qu’un mélange de désirs et autres luxures mais maintenant, les sentiments s’en mêlent. Ma main retrouve sa joue et continue ce baiser qui me fait frissonner. Ce chasseur de prime abaissait mes barrières et une fois que son front était contre le mien, ses yeux dans les miens. Je me surprends à ressentir cette chose qui me brûle le coeur.
Il s’éloigne pour récupérer le bijou dans son écrin et j’attrape mes cheveux pour les remonter au-dessus de ma tête comme réponse. L’aventurier était hésitant et moi aussi d’ailleurs. J’étais en train de signer un pacte dont je ne pourrai certainement pas défaire d’un simplement de doigts. Je tourne le dos et il se place derrière pour glisser le pendentif au creux de ma poitrine. La mesure était parfaite, mettant en avant mes courbes. Je sens son souffle chaud contre ma nuque et il me donne un baiser à cet endroit si enivrant quand le fermoir est accroché.
- Jin Hidoru, tu as le don de changer toutes mes habitudes...
Attrapant maintenant son collier plus masculin, je l’accroche à son cou car je ne dois pas être la seule à porter cet ensemble. Nous étions liés magiquement simplement mais la portée de ce geste est plus grande mais n’évoquons pas ce sujet là maintenant. La pierre trônait maintenant sur son torse et je glisse ma main sur celle-ci tout attrapant la mienne. Je savais me servir de cet artéfact et je lui transmets un sentiment heureux et doux. M’éloignant maintenant de lui, je pointe alors du doigt sa pierre et prends une voix plus sérieuse.
- je t’interdis maintenant de mourir. Je sais que tu pars dans des endroits dangereux, tu fais des missions où tu risque ta vie. Maintenant que je porte ça, tu es obligé de faire attention et sache que si tu disparais, la douleur ressentie par ce bijou est atroce.
Ce point n’a jamais été vérifié mais un avertissement de ce genre le marquera plus. Je lui transmets de nouveau alors une vague apaisante avec mon collier avant de prendre une posture plus bienveillante.
- Je ne veux ressentir que ça et rien d’autre. Tu as bien compris ?
Tel un enfant, il hoche la tête, acceptant le contrat sans sourcilier. A moins qu’il sourit pour le fait que j’ai accepté le collier bien trop facilement à mon goût. Certes, c’était difficile de dire non après tout ce qu’il a fait et je peux simplement ne pas le porter. J’ouvre alors ma veste et attrape ce petit cristal de communication qui me quitte jamais.
- Je crois que maintenant que tu m’as donné ça, il sera aussi plus simple qu’on synchronise nos cristaux non ?
Il me le tends et je l’attrape pour faire l’opération qui ne dure que quelques minutes. Je les pose tous les deux côte à côte dans l’herbe.
- Et si je t’apprenais à utiliser ce collier, ça te dit ?
Il y a quelques petits trucs marrants à faire avec ça mais voyons comment il s’en sort avant ça.
Voilà, nous y sommes.
La réponse était silencieuse, mais éloquente. Dégageant sa crinière ténébreuse, elle me laisse sa nuque pour y déposer son futur bien. Son collier. J'avais le sentiment de sceller quelque chose, et je réalise qu'elle a peut-être peur que je l'enferme dans une promesse qu'elle n'est peut-être pas capable de tenir. Mais ce n'était pas la symbolique que je lui avais donnée. Déposant un baiser sur son cou qui me supplie de le faire, je goûte vicieusement sa peau.
- Tu as bousculé une bonne partie de ma vie, on est quitte maintenant.
Sa poitrine ornée par le bijou désormais, je m'écarte pour me donner un aperçu. C'est complètement dingue, sidérant, qu'un si petit objet pouvait avoir autant d'impact sur la beauté d'une personne. Haru Du Lys avait tout d'une Reine, et n'avait rien à envier à notre chef de ce pays. La clémence, la miséricorde, la sagesse, la tempérance, l'ambition, la force. Comment ne pas s'effondrer ou bien de ployer le genou face à elle. Elle saisit mon futur collier, et à mon tour vient dégager mon cou cicatrisé. Son souffle chaud et régulier me parcours le corps alors que la pièce est maintenant sur mon torse. Ses dextres viennent parcourir le sillon de mes pectoraux avant de retrouver le bijou. Nous étions liés par une magie puissante, et c'est que maintenant que j'en saisis l'ampleur. Me montrant qu'elle connaissait la nature et la capacité de nos artefacts, je prends pour la première fois une vague de bien-être et de douceur. C'était quasi palpable et pourtant nous ne nous sommes pas touchés.
Mais la poésie va s'arrêter.
Sa voix, ferme et sérieuse, son regard strict. J'ai bien compris qu'elle voulait me faire passer un message que je ne dois pas oublier. La responsabilité. Je suis maintenant responsable de nous, de ce qu'on va ressentir en tout cas. Je n'étais pas au courant de ce qui pourrait arriver si jamais l'un de nous perdrai la vie. L'imaginer une seconde me rend malade. Elle dégage une nouvelle vague qui me ramène dans ce cocon confortable et doux, signant quand même que c'est la seule et unique chose qu'on doit ressentir.
Et j'espère que ce sera le cas.
Je réponds silencieusement, sans en ajouter davantage et elle me propose de synchroniser nos cristaux. Elle en a un aussi? On va pouvoir... se parler régulièrement? Ouaw, avoir la première Ministre dans ses contacts c'est pas rien. J'sors le caillou et les laisse se lier entre eux pendant qu'Haru me propose son premier cours de Collier Jumelage. Comme ça qu'on dit? Mais je l'interromps en levant la main.
- Avant que tu me montres comment l'utiliser, laisses moi te dire quelque chose.
Je laisse le silence s'étirer quelques seconde pour préparer mes mots.
- Écoutes, j'espère de tout mon cœur que tu ne vois pas ceci comme un engagement. Tu es libre de faire ce que tu veux, et si un jour, tu prends la décision que tout ceci s'arrête... Je t'ordonne de t'en débarrasser. Mon but premier et te savoir saine et sauve grâce à ce collier, de te montrer que mes pensées vont vers toi, mais jamais ne vois ceci comme un sceau ou une manière de marquer mon territoire.
Je pousse un long soupir de soulagement, heureux d'avoir pu dire ce que je pense. Puis me redressant, discipliné et fier d'être le premier élève de bijou dans l'école improvisée d'Haru Du Lys, j'attends sa première leçon.
- Allez-y professeur, promis je serai sage.
Sauf si elle veut un mauvais garçon...
- Assis toi, pas besoin de te mettre au garde à vous !
J’attrape sa main pour qu’il se mette de nouveau près de moi. Cette leçon risque d’être plus amusante avec un élève pareille. Je lui explique rapidement les rudiments magiques du collier et qui a inventé cet enchantement, il y a de ça quelques siècles. L’amour d’une soeur qui voyait son frère partir au front au Poste Frontière. L’histoire raconte qu’elle n’a jamais réussi à rentrer dans la Garde elle aussi à cause d’une santé fragile mais la tradition familiale que chacun des enfants intègrent le fameux régiment du blizzard. C’est alors qu’elle a essayé diverses stratagème pour soit se faire enrouler soit démobilisé son frère. Mais le temps eu raison d’elle, aucune de ses solutions ne fonctionnent et l’aîné de la famille devait partir. La première année fut alors un calvaire pour la jeune fille surtout que peu de nouvelles n’arrivaient. Elle décida alors de se mettre à la magie et l’art de l’alchimie. Si elle n’avait pas la force de rejoindre l’armée, elle pourra alors rentrer dans le Génie et aider son frère pour qu’il ne meurt pas. Elle passa des années à étudier divers bouquins ainsi que tenter diverses expérimentations. C’est au bout d’une dizaine d’année qu’elle réussit à tracer les runes de l’enchantement. Heureuse de sa trouvaille, elle part en quête d’une pierre qu’elle pourra offrir à son frère. Elle lui donna alors dès son retour à Forteresse le temps de refaire le plein. Son frère devait alors accompagner un criminel au grand gouffre, c’était une mission périlleuse mais c’était son devoir. Le collier autour de son cou, il donnait alors quelques fois ses impressions à sa soeur à travers le bijou. La cadette lui renvoyait toujours en retour et c’était même sa source de réconfort lors de nuits glaciales. Malheureusement, le frère n’est jamais revenu tout comme l’escouade qui est parti au poste frontière. On ne sait que la douleur qu’à perçu sa soeur lorsqu’elle a senti son frère disparaître. Cette vieille rumeur court alors que perdre l’autre partenaire pourrait rendre fou. Rien n’a été prouvé mais il arrive que certains cas sont réapparus car la jeune femme a tout de même rendu public sa trouvaille.
Une bien triste histoire et quand Jin m’a offert ce collier, je me suis rappelée alors de l’amour de cette soeur. Il a beau me répéter que ce n'était rien, pas d’engagement mais chacun voit l’histoire de sa façon. Peut-être que maintenant qu’il connaît la vérité, peut-être il s’en rendra compte. Quoi qu’il en soit, je finis par lui expliquer comment ça fonctionne. Mon pouvoir étant de visualiser les émotions des autres, je prends un malin plaisir à différencier les miennes. Lui envoyant la joie, la tristesse, la colère mais surtout pour finir le désir. Les prémices de ses essais étaient chaotiques mais il arriva très rapidement à force d’encouragements. Je n’ai connu que les vagues d’apaisement de Nyx et recevoir les siennes fut étrange au premier coup. Ses émotions étaient moins subtiles, moins délicates mais elles étaient fortes. Je pouvais aisément comprendre ce qu’il voulait me faire partager et je n’arrivais tout bonnement pas à renvoyer des émotions avec la même intensité ou du moins sincérité.
- je crois que nous avons bien travaillé non ? Ce bijou est bien quand nous sommes à distance !
Prenant appui sur mon bras, je me glisse contre lui pour lui voler un baiser.
- Autant profiter du contact physique.
Ma main finit par déraper de nouveau sur ses pectoraux, jouant avec ce nouveau collier qui trône celui-ci. Me laissant tomber en arrière, Jin finit par me surplomber, quelques mèches de ses cheveux encadrant mon visage. Il n’y a pas à dire, il n’était pas prêt de trembler de bras par son manque de force, j’avais même l’impression qu’il avait pris un peu. Levant mon bras en hauteur, ma main retrouve sa joue. J’admirais le regard de feu de l’homme qui n’arrêtait pas de chambouler tous mes plans depuis maintenant presque une saison. Les paroles de Dame Weiss résonnent dans ma tête et je n’arrive pas toujours pas à briser ce mur que ma famille et mon éducation à dresser face à moi. J’avais tout bonnement peur de lui faire du mal mais j’avais surtout peur qu’il part en mission et ne revienne jamais…
Ma main retrouve alors le dessus de mon front et j’entends alors les cloches du palais. Il se faisait tard et si je continue à rester ici avec lui, ça va finir alors comme l’autre fois. Il serait plus raisonnable d’arrêter de lui sauter dessus enfin en tout cas, pas dans mon jardin même si il n’est pas sensé le savoir.
- Tu sais, j’ai adoré ton idée de pique nique. Tu essayes d'appâter mon ventre, c’est celà ?
Il se mit à rire, justifiant que j’avais certainement de meilleurs cuisiniers au palais mais aussi chez moi.
- Je n’ai qu’un intendante et deux jardiniers chez moi, j’aime ma tranquillité tu sais. Peut-être, un jour, tu seras invité !
Il était rare que j’amène des invités et il fallait justifier la présence de l’homme à Sekyung. C’était beaucoup trop tôt et avant cela, il fallait qu’un nous existe, pour l’instant je n’étais qu’officiellement son mécène.
- J’ai eu une semaine bien compliquée et je pense que je vais devoir t’abandonner pour ce soir.
Me redressant sur mes coudes, Jin finit par s’écarter et se mettre sur ses deux jambes. De sa main tendue, j’arrive à lever facilement et celui-ci finit par m’attraper dans ses bras.
- Tu avais peur que je tombe c’est ça ?
Tapotant son torse, je lui donne un léger baiser pendant qu’il finit ensuite de ranger tout ça. On reprends alors la route du portail. J’avais le coeur lourd, je ne voulais finalement pas le laisser partir, aucun de nous deux d’ailleurs.
- Beaucoup de missions de prévu ?
Il me confirme qu’effectivement qu’en plus de son boulot de chasseur de prime, il compte travailler un peu pour la guilde. Il ne risque de ne pas être souvent là donc… Lui aussi avait son emploi du temps de ministre !
- Bah maintenant, tu as mon cristal. Préviens moi si tu veux me faire goûter une nouvelle pâtisserie.
On rigole de nouveau tous les deux et maintenant que nous arrivons devant le portail. Il s’amuse alors à l’ouvrir de nouveau et je le laisse sortir. Il attends alors dans l’impasse, pensant que j’allais le rejoindre pour qu’il finisse de me raccompagner. M’approchant alors près de lui, je lui chuchote alors quelques mots.
- C’était chez moi ici… peut-être un jour, je ne te montrerai une autre partie du jardin.
Taquine, je lui vole un baiser et passe de l’autre côté du portail avant de le fermer. Je lui fais alors un signe de la main en salut. Un échange se fait silencieusement, on se reverra, c’était sûr. Comme la fois où on s’était quitté au Village Perché, mais quand ? Je finis par lui tourner le dos et prendre la direction de mon manoir. Je reçu alors une vague d’émotion apaisante, elle était forte. Je serre alors mon collier, lui envoyant une du même acabit avant d’ouvrir la porte de ma demeure…