La capitale, auparavant si proche et omniprésente, n'était désormais qu'un souvenir, à des jours de marche. Et même si le chevalier fugitif avait vécu une vie entière à l'intérieur, il se sentait presque soulagé d'en avoir quitté les murs et les rues.
Sortir de ce carcan de pierre qui représentait tant pour un si grand pays avait de quoi faire réfléchir sur le sens de son devoir.
Lui même n'était cantonné qu'à une île au milieu de la capitale, elle même un îlot au centre d'un pays bien vaste.
Une armure usée sur les épaules, recouverte d'un long manteau de voyage élimé, Arthorias continuait sa route, envers et contre tout. La chasse aurait pu se faire dans la ville, mais cela aurait été bien contraire à ce qu'il aurait du faire.

Mieux valait aborder les routes oubliées, et si possible les moins fréquentées. Il n'avait fallut qu'une journée de marche pour perdre les grandes artères pavés qui transportaient les marchands, et cela il l'avait fait avec un convoi, qui l'avait porté bien au delà des frontière qu'il connaissait.
C'était maintenant seul qui abordait le monde, quoi que sa solitude était accompagnée de deux loups, bien trop heureux de pouvoir courir dans la campagne sans personne pour les déranger.
Yuna grandissait de plus en plus, et dépassait Yio en taille, mais restait étonnamment toujours soumise au warg noir, un lien complice s'étant tissé entre les deux, sous le regard bienveillant de leurs maitre.

Peu de personnes passaient dans ces coins reculés, et le peu qui le faisaient évitaient d'instinct le grand homme et son manteau, pensant surement à un bandit, ou un mercenaire avide de travail.
Dans la réalité, il n'était pas question de cela, mais l'armure aussi simple soit elle, était encore trop visible à son gout.
Toutes ses affaires tenaient dans ses sacs, les objets magiques ayant emportés tout ce qu'il pouvait prendre allant d'une grande tente jusqu'à de conséquentes réserves de nourriture, lui permettant de battre la campagne sans devoir déranger les locaux.

Une journée qui ne semblait pas bien différente des autres s'amorça, et alors que la route sortait d'un bosquet verdoyant, le chevalier fugitif tomba en plein dans l'entrée d'un village, ses deux yeux scrutant les paysans qui allaient aux champs.
Bien peu de personnes le manquèrent lui aussi, sa longue épée sanglée dans le dos, et cet air inquiétant. Presque une vision de la mort comme décrite dans de nombreux compte, exceptée que cette dernière n'avait pas deux loups géants.
Mieux valait traverser le village sans faire d'histoire, ce village n'avait pas été prévu, et sans doute les gens le verraient comme un intrus.
La capuche toujours levée sur son heaume d'acier sombre, il continua donc le long de la route, les deux loups le suivant calmement pour éviter de paniquer qui que ce soit.
A l'évidence, il n'avait rien de rassurant

-Yio, Yuna, restez près de moi, et pas de vagues

Sa voix s'éleva à peine audible, et seulement pour ses animaux, les wargs étaient bien plus connus ici, et la légende des wargs blancs sanguinaires bien plus présent.
Si les deux familiers étaient strictement obéissant à leurs maitre, les gens du cru, eux, pouvaient vite paniquer à la vue des animaux géant.
Encore une fois, la prudence était de mise dans ce cas.

Codage par Libella sur Graphiorum

Un gros panier de citrons sous le bras, Java s'essuie le front. Peu importe à quel point elle essayait de faire comprendre à ses parents qu'elle rentrait au village pour se reposer et passer du temps avec eux, elle finissait toujours par se retrouver à faire des commissions pour eux, aider les voisins qui l'ont vue grandir, sermonner ses petits cousins... Et au final, être encore plus fatiguée en partant qu'en arrivant.

Mais pourtant, elle affichait un sourire permanent. Nyoman voulait toujours qu'elle invoque ses clones pour l'aider avec ses corvées, et elle lui disait toujours non. Kusuma se blottissait toujours aussi fort contre elle la nuit lorsqu'elles dormaient, et bavait dans ses cheveux. Et les buissons de jasmin de la famille Anggun étaient toujours en aussi bonne santé que leurs propriétaires. Parfois, même s'il est fatigant, le passé a du bon.

Elle ramène les citrons à son destinataire, et récupère précieusement la petite quinzaine de cristaux noirs avec laquelle il la récompense. Java sait très bien que c'est un paiement symbolique – elle sait aussi que si elle ose en refuser un, elle prendrait le risque de passer pour arrogante. Et déjà que sa réputation avait pris un coup quand elle avait dit non à la vie de paysanne des plaines, elle ne comptait certainement pas en rajouter une couche.

C'est donc tout naturellement qu'elle attrapa le premier outil sous la main lorsqu'elle entendit parler d'un intrus dans le village. Son sabre était resté à la maison, mais tant pis : elle se battrait avec une faucille s'il le fallait, pour protéger sa communauté. Bondissant au-dessus des clôtures, fonçant à travers les haies, elle finit par enfin arriver jusqu'à l'individu suspect, cette fois imprégnée de sueur.

Une armure solide, un manteau bizarre, des wargs. Il y avait toujours la maigre possibilité que ce ne soit qu'un aventurier vagabond, égaré comme elle l'était parfois elle-même, dans une campagne qu'il ne connaissait pas. Peut-être même un possible futur camarade ! Mais elle ne pouvait pas se permettre d'être optimiste. Son regard s'attarde sur les canidés... puis elle décide de brandir sa faucille dans sa direction.

▬ Si t'es venu chercher du bétail pour nourrir tes deux bêtes de guerre, t'es mal tombé.

Une véritable héroïne du petit peuple.

▬ Y a pas non plus de contrats pour mercenaires ici, et personne te cachera si t'es en cavale.

Voyant que sa lame taquine le regard de ses deux gros loups, elle a une petite pensée pour les contes de son enfance, et déglutit. Mais Java est plus forte que ça. Elle se place en position de combat, malgré l'image absolument pathétique d'un potentiel combat avec une faucille émoussée contre cette grosse armure. Heureusement, elle a gardé sa médaille de garde dans une poche, qu'elle sort fièrement.

▬ Maintenant, tu vas décliner ton identité et ton but, ou je serai obligée de m'occuper de toi !

Avec la médaille, s'échappent des petits pétales immaculés et parfumés de sa poche. Java a bien conscience d'être en désavantage complet : désarmée, déjà fatiguée, elle n'avait même pas pris le temps d'invoquer du renfort avant d'arriver.

Mais c'était pour sa réputation, pour son ego, ou simplement pour son village, qu'elle avait dû autant se presser. Qui est-on si on n'a rien à protéger ?

Effectivement, la traversée du village aurait pu mieux se passer, et il ne fallut pas longtemps pour que quelqu’un s’empresse de lui barrer la route. Une âme courageuse, car peu auraient été ceux à tenter quoi que ce soit contre un chevalier en armure complète, surtout avec une arme d’aussi piètre qualité.
Devant les gestes agressifs de la personne en face de lui, les deux wargs réagirent, passant devant leur maître, se mettant à grogner de façon sonore en dévoilant les crocs. Le warg blanc commençait d’ailleurs à marcher sur le côté pour entourer la femme quand l’appel de son maître lui fit rebrousser chemin


-Yio, Yuna, derrière !

Dit il d’un ton sans appel, les deux louves se rangeant bien sagement derrière le chevalier fugitif qui eut la décence d’écarter les mains loin du pommeau de son arme en signe d’apaisement, sa voix rendue métallique et caverneuse par son heaume d’acier couvert.


-Il doit y avoir méprise mademoiselle, je ne cherche ni conflit, ni rapine, simplement à passer par cette route. Peut être m’a ton mal informé en oubliant de me dire que les gens d’ici avaient installé un filtrage.

Bon… c’était un peu impértinant de dire ça au vu de sa propre tenue, mais il n’allait tout de même pas se démonter pour si peu.
Il était censé être capitaine de la garde royale, pas le premier mercenaire perdu au fin fond des plaines… Même si cette première information devait rester secrète.
Au moins pouvait il répondre en partie aux questions


-Je cherche simplement à traverser le village, quand à qui je suis, je peux vous assurer que je ne suis ni bandit, ni mercenaire, un simple voyageur de passage, qui cherche à aller un peu plus loin.

Reconnaissant le médaillon de la garde qu’elle brandissait, il eut un petit sourire, une subite envie de présenter le sien. Mais autant annoncer tout de suite qui il était.
Essayer d’être un peu discret le changerait.



-Je m’épancherai bien sur mon nom, ou ce qui m’amène, malheureusement, je ne le peux. Mais vous pouvez m’appeler Garran.

C’était un nom comme un autre, qui conviendrait parfaitement.
Il tacha de resserrer les pans de son manteau de voyage sur sa cuirasse, ne serait-ce que pour cacher les traces qui subsistaient sur cette dernière, convaincu qu’une armure marquée serait de mauvaise augure.


-Je vous assure que vous pouvez baisser votre arme, d’ailleurs, cela serait fortement apprécié, mes familiers n’aiment pas vraiment votre posture.

Il sentait Yio, par le lien télépathique ne cesser de guetter, inquiète pour son maître d’avantage que pour sa propre sécurité. Yuna devait être dans le même état.
Le genre de situation… déconseillée à bien des gens.


-Ils ont mangés, et ne tiennent pas à vous prendre la moindre tête, à la rigueur payer pour un cheval si vous en avez, ou quelques vivres, voyez ?

Dit il en secouant une bourse du bout de la main, tachant tout de même de paraître un minima honnête, malgré que tout semblait jouer contre lui

Codage par Libella sur Graphiorum

Elle plisse des yeux en observant le comportement des deux familiers. Leur réaction n'avait pas grand chose de surprenant – la plupart des propriétaires de wargs ne les utilisaient que comme des chiens de combat. En revanche, Java ne s'attendait pas à ce que l'intrus en armure lourde les rappelle à ses côtés – elle haussa même un sourcil en constatant qu'il les avait nommés.

Il semble vouloir montrer patte blanche, et il fait bien. Java hoche la tête avec assurance lorsqu'il mentionne le fait que ce village semble être protégé. Il ne l'est pas. Enfin si, il l'est, cette semaine, parce qu'elle passe toujours un peu de temps avec sa famille quand elle est dans la région. Mais il n'y avait qu'à voir sa dégaine : elle était ici en tant que locale, voire en tant que civile, même si sa médaille ne la quittait jamais. La preuve, son arme ne quittait jamais son ancienne chambre – elle n'était pas censée avoir à s'en servir.

▬ Je m'épancherai bien sur mon nom, ou ce qui m'amène, malheureusement, je ne le peux. Mais vous pouvez m'appeler Garran.

Elle lève les yeux au ciel. Pas de visage, pas de but, et un nom sans la moindre connotation géographique ou sociale. Impossible de déduire quoique ce soit sur cette personne – même sa voix était aussi étouffée que ses traits, sous cette carcasse de métal. Comme si elle allait lâcher le morceau aussi simplement ! Il y avait beaucoup trop de variables inconnues, et elle comptait bien cuisiner ce Garran.

Pas folle non plus, elle s'exécute lorsqu'il lui conseille de baisser son arme. Java n'avait pas spécialement envie de se faire croquer les fesses par ses familiers – et le simple fait qu'il utilise ce mot pour les désigner en disait long. Ce n'était pas que des armes à quatre pattes, mais également ses compagnons de voyage. Heureusement qu'ils étaient rassasiés, d'ailleurs. Entre les deux wargs et Java, le village risquait de sérieusement manquer de viande si les trois commençaient à avoir faim. Après avoir ajusté le ruban autour de sa taille pour y caler sa faucille, elle croise les bras et s'adresse de nouveau à ce voyageur étrange.

▬ Et ça marche bien, d'éviter les conflits en étant enfoui dans une armure pareille, Garran ? T'as pas l'impression de faire un peu peur aux locaux ?

Son ton est aussi moqueur que son sourire. Et pourtant, malgré sa méfiance, elle se reconnaissait un peu chez l'étranger : elle aussi, parfois, se retrouvait confrontée à des villageois protecteurs, et freinée sur sa route par les plus téméraires.

▬ Je te fais pas confiance. Donc je vais t'accompagner tant que tu seras ici, et te surveiller, en tant que prestigieuse garde du grand royaume d'Aryon !

Comprendre : je n'ai pas de quoi te forcer à montrer ton vrai visage, et ça m'arrange bien de ne pas avoir à me battre. Java était bien trop fière pour prononcer ces mots elle-même, bien sûr. Et elle ne ferait certainement pas l'erreur d'invoquer un clone pour qu'il les prononce à sa place – de toute façon, elle était trop fatiguée, et préférait garder son pouvoir dans sa manche en cas d'urgence.

Au loin, une voix hurle son nom (complet bien sûr, sinon c'est pas drôle), et demande si elle a terrassé le vilain méchant hors-la-loi avec tous ses clones. On repassera plus tard pour l'effet de surprise, du coup : maintenant, non seulement elle était étiquetée en tant que garde, mais son nom, son pouvoir ET son village d'origine avaient été mis sur la table. Elle inspire un grand coup avant de crier à son tour :

▬ JE M'OCCUPE DE TOUT !

Le curieux ne l'entend pas, et elle doit crier la même phrase deux fois encore avant qu'il disparaisse à l'horizon. Elle se retourne vers « Garran », embarrassée. Les villages perdus n'étaient pas vraiment le meilleur endroit pour essayer de briller par la gloire...

▬ Bon, du coup... moi c'est Java, comme l'a dit le vieux Badak. Et comme tu t'en doutes, t'as plus vraiment le choix. Si je t'accompagne pas, t'auras rien ici à part des emmerdes. Du coup, on commence par tes vivres ou ton cheval ?

Bon lentement, la situation se désamorçait, et les armes étaient baissées. En théorie, ce n’était pas une faux rouillée qui risquerait de lui faire quoi que ce soit.
Le chevalier tenait simplement à passer tranquillement. Même si effectivement, il pouvait faire peur aux locaux… Son pouvoir ne lui laissait pas vraiment le choix, marcher tout une journée en armure aurait mis n’importe qui à genoux, et seule sa forme éthérée pouvait lui permettre de voyager sans ressentir la moindre fatigue ou inconfort
Haussant les épaules, il finit par répondre


-Tous n’ont pas le choix de voyager à cheval ou dans des carrioles, dans mon cas, une armure et un manteau de voyage sont mes attributs. Aussi effrayant que les gens puissent le trouver.

Et le manteau, s’il pouvait être pris pour un simple accessoires était tout l’inverse, il permettait de cacher cette armure aux gens qui pouvaient l’observer et à ne pas attirer trop l’attention même si il fallait l’avouer, il marchait mieux par temps de pluie.
Hochant la tête, il finit par répondre


-Accompagnez moi ou vous voulez, surveillez mes moindres fait et gestes, vous n’y trouverez strictement rien de suspect, c’est une promesse que je peux aisément vous faire.

Et sur ces mots il commença à marcher quand une voix résonna du fond des champs, décrivant précisément la personne en face de lui.
Autant dire que pour le côté mystère, c’était raté, et cela amusa le chevalier qui cacha son sourire derrière son heaume d’acier, et faisant au mieux pour ne pas pouffer.


-Et bien enchanté Java, j’ignorais que la garde envoyait des gens à demeure dans les villages reculés, mais ce n’est pas un mal, les terres ne sont pas sures ces derniers temps, et je crains qu’il soit important de veiller à la sécurité hameaux isolés

Arthorias ne tenait pas à jouer les oiseaux de mauvaise augure, mais la réalité était bien là. Des rapports faisaient état de Wardans dans les collines, et les bandits se multipliaient, se sentant pousser des ailes à cause de certaines rumeurs.
La Garde n’allait pas être de trop pour régler ces temps troublés.
Ne voulant pas jouer les oiseaux de mauvaise augure il finit par chasser ses pensées négatives


-Et bien je préférerais commencer par les vivres j’en possède un bon stock, mais je ne sais pas quand j’aurai la chance de tomber sur un village apte à m’en vendre, le cheval pourra bien attendre plus tard
Pourriez vous m’indiquer la route ?

Mieux valait qu’elle passe devant pour rassurer les gens. Ces derniers seraient plus rassurés de voir leurs valeureuse garde locale éclairer le chemin, d’autant plus qu’il ne devait pas être commun de voir une armure aussi imposante dans le coin.
Ces modèles étaient rare, cher et compliqués à manier, l’apanage d’une certaine élite guerrière qui, il fallait le dire, était rarement de passage ici, ou du moins pas pour de bonnes raisons


-Vous aidez aux champs pendant votre service ? Vos fameux clones vous aident ?

Après tout si ils en étaient capable, ou était le mal

Codage par Libella sur Graphiorum

Aïe. Java s'emmure dans un silence gêné lorsque Garran fait remarquer le côté inhabituel de voir un garde assigné à un village. Visiblement, il est informé... et il n'a pas non plus tort : ce serait une bonne chose que les petits coins perdus d'Aryon soient aussi bien protégés que les grandes villes. Elle se mord la lèvre et se retourne pour mener la marche, espérant que le sujet allait passer de lui-même. Peut-être qu'elle pourrait essayer de lui parler des récoltes du moment !

▬ Vous aidez aux champs pendant votre service ? Vos fameux clones vous aident ?

Oh non. La pire question. Un petit gémissement lui échappe – c'est vrai qu'elle a eu l'intelligence de brandir une vieille faucille qui ne lui appartient même pas ET sa médaille de garde... Comment expliquer ça ? Java se retourne brièvement pour lui lancer un petit regard, dans l'espoir de voir la moindre expression dans son armure... ce qui ne fait que la rappeler à son devoir manqué. Ses échecs. Le corps écartelé de son camarade sur les pierres en bas de la falaise... Bon. Peut-être qu'être sincère ne lui porterait pas forcément préjudice ? Ce n'était qu'un anonyme itinérant quelconque, même s'il semblait assez informé et armé – la théorie du mercenaire avait de plus en plus de sens à ses yeux.

▬ Nan. Je suis pas vraiment assignée au village, normalement je me balade un peu partout, mais comme j'étais dans le coin, j'en profite pour aider un peu la famille, enfin -

Elle se retourne et continue d'avancer en marche arrière pour finir sa phrase. Quelque part, ça lui semble plus évident de devoir montrer son visage, pour montrer son honnêteté. Une politesse que Garran n'a pas : ce qu'elle n'oublie pas.

▬ ... Oui, j'aide un peu la famille et les amis, parce que je suis pas une grosse ingrate qui vient juste manger à l'oeil chez Papa et Maman, tu vois ? Et comme je suis la seule présence officielle dans le coin, j'en profite pour surveiller un peu les environs... Enfin tu l'as dit toi-même, les villages perdus mériteraient un minimum de protection ! Du coup même si c'est pas mon boulot en temps normal, j'fais de mon mieux pour leur montrer que je suis pas allée à l'académie pour rien.

Elle se force à accompagner sa dernière remarque d'un grand sourire. Son malaise est plus qu'évident, tout comme sa volonté de le cacher. Et quelque part, elle espère que derrière cette armure, se cache un cœur capable de la comprendre. Dans le pire des cas, elle passerait juste pour une abrutie auprès d'un inconnu quelconque – ce qui n'était pas si grave, en soi.

Après quelques minutes de marche, ils arrivent devant les premières chaumières du village. Certains volets se ferment brusquement sur leur passage, d'autres rideaux s'entrouvrent, des enfants curieux viennent « comme par hasard » jouer sur le chemin... et toujours, Java s'occupe de leur montrer que cet inconnu en armure complète et ses deux loups sont sa dépendance. Le bruit de son armure qui clique et qui claque attire forcément l'attention, mais c'est quelque chose qu'elle peut gérer. Après tout, elle connaît les villageois par cœur, et c'est réciproque : la voir marcher avec confiance devant cet intrus est nécessairement rassurant, et elle sait exactement qu'elle ne doit pas s'arrêter de sourire et de parler pour communiquer son aisance (bien qu'elle soit fausse) aux autres.

▬ On arrive au marché. Tu feras gaffe, des fois ils sont un peu radins dans les négociations, mais c'est parce qu'on vend que des bons produits ici !

Et cette fois, pour la première fois depuis tout à l'heure, son sourire est entièrement sincère. Parce qu'à l'instant, elle arrive enfin à oublier ses problèmes, et à ne se concentrer que sur le positif. La fierté d'appartenir à une terre fertile. Devenant d'un coup légère comme une plume, elle s'approche d'un marchand de légumes pour le héler.

▬ Oy, Azad ! J'ai piqué la faucille de ton père, tu pourras lui rendre pour moi ?

Elle tend son arme improvisée au marchand qui grogne quelques jurons dans sa barbe, puis se retourne vers l'inconnu, attendant de voir ce qu'il voudra acheter en premier. Elle n'aurait pas pu faire plus explicite pour lui montrer qu'elle lui laissait le bénéfice du doute : quoi de plus parlant comme image qu'un garde qui se désarme ? Peut-être la façon dont ses épaules fatiguées semblaient tout à coup moins endolories par la fatigue... Ou peut-être la façon dont elle avait discrètement contourné Garran pour essayer de s'approcher d'un de ses wargs, et lui faire sentir sa main. Les deux animaux semblaient bien dressés, et dans le pire des cas, elle pourrait frimer avec la cicatrice d'une morsure super classe !

Ou un moignon, peut-être un peu moins classe.

Oh, une garde non assignée ici... Hum... Il avait entendu parler de certains garde itinérant. Mais l'information lui avait échappé depuis, il faut dire que s'il retenait absolument tout les papiers qui lui arrivaient dans les mains... Il aurai fallu un deuxième cerveau pour stocker tout cela.
Mais ce n'était pas là l'important et si le chevalier n'était pas vu comme amical, au moins n'était il plus une menace.

-C'est honorable dans ce cas, l'oisiveté est la pire des choses, je reste convaincu que toute bonne journée doit être productive, ou au moins enrichissante.
Et je ne pense pas que cela soit mal vu d'aider sa famille, c'est elle qui vous à élever, rendre la pareille n'est qu'une forme comme une autre de remerciement

Lui même n'aurait jamais pu assez remercier ses parents de l'avoir poussé à faire ce métier. Et si les deux ne cessaient de lui dire que sa promotion était une récompense plus que suffisante, l'homme se sentait tout de même l'obligé de ses géniteurs qui lui avaient tout appris.
Alors oui, quand les autres enfants partait jouer, lui était consigné à son rigoureux entrainement, quand ils partaient à la taverne, lui s’entraînait dur.
Sa jeunesse avait été légèrement sacrifiée sur l'autel de la garde. Mais cela avait valu le coup, même si parfois il regrettait de ne pas avoir eu de jeunesse.
Mais c'était un sujet bien illusoire maintenant.
Et nul doute que le marchand qui le regardait avec l'air mauvais n'en avais cure.

L'étal était fourni, il y avait des fruits et des légumes locaux, mais ce qui l’intéressait d'avantage était la viande séchée, plus pratique à conserver à a trimbaler un peu partout

-Je vais vous prendre le stock.

-Pardon ? T.... tout ?

Dit cet Azad avec de grand yeux. Bon si c'était à la vente c'était que ça ne manquerait pas non ? Et il y avait tout au plus un seul et unique kilo, ce qui était faramineux, mais Arthorias ne savait jamais quand il croiserait un nouveau village.
Qui plus est, c'était mieux que des racines.

-Vous avez assez au moins ?

Comme pour lui prouver, Arthorias tira d'une de ses sacoches sans fond une petite bourse bien garnie dont il défit le noeud avant de la montrer au marchand. Bourse qui n'était pas remplie que de cristaux noir, ce qui étonna encore plus l'homme

-Je pense que ça devrait aller oui

La voix bien que métallique, se voulait sympathique et ainsi le chevalier continua ses achats, prenant a peu près tout ce qui pouvait se conserver longtemps, des fruits secs notamment, ainsi que quelques produits frais, dont un peu de viande pour ses wargs.
Il sentit la caresse télépathique d'Yio dans sa conscience, cette dernière lui demandait si elle pouvait s'approcher de l'inconnue, ce à quoi il transmit son accord muet.
L'animal renifla la main tendue, d'abord timidement,puis finis par passer sa tête sous cette dernière pour chercher une caresse.
La louve noire n'était pas des plus sauvage, et une fois habituée était une boule d'amour, comme la louve blanche, bien qu'elle soit bien plus craintive et se recula doucement en baissant les oreilles. Encore intimidée malgré sa taille.

-Cela fera... hum... 2 cristaux sombre au total...

Le marchand semblait presque gêné. Et l'officier ne chercha même pas à négocier, récupérant les différents paquets qu'il plaça dans son sac sans fond, déposant enfin les cristaux dans la main du marchand avant d'incliner brièvement la tête

-Merci beaucoup, j'espère qu'ils me tiendrons longtemps au cours de mon voyage.

Oh, avec tout le stock, il pourrait sans doute se rendre jusqu'à forteresse ou grand port sans trop de soucis. Se tournant vers Java, il pencha légèrement son casque sur le côté, la lumière lui permettant de voir les yeux vairons légèrement brillant à cause de la lumière.

-Effectivement, c'est un peu cher, mais si ça les vaut, ce n'est pas si important.
Les wargs t'intriguent je me trompe ? Il faut dire qu'on n'en voit pas tout les jours, et rarement pour de bonnes raisons.

A sa connaissance, il était l'un des seul à en posséder un, et le warg blanc... cette créature quasi mythique... il était moins rare d'en croiser en liberté, ce qui était sans doute pire au vu de la soif de sang et la musculature de ces créatures.
Mais Yuna était simplement craintive, devenue aveuglément obéissante à l'officier.

-Je suis heureux que personne n'ai essayé de les attaquer... Malgré la réputations de leurs deux espèces, elles sont vraiment adorable.

Se baissant, il flatta le crane de l'animal blanc, se dernier cherchant la main de son maître, la queue battant dans tout les sens, bien trop heureuse d'avoir de l'attention.

-Vous n'en possédez pas ? Ni même de monture ?

Codage par Libella sur Graphiorum

Bien que son attention soit portée sur le warg qu'elle essayait d'amadouer, Java ne perd pas une miette des divers achats de Garran. Quelque part, elle est très fière de le voir faire autant honneur aux produits locaux – elle lui révélera peut-être plus tard que la majorité des fruits secs qu'il avait acheté avaient été récolté et traités par sa famille, qui sait. De plus, le fait de le voir payer sans faire de vagues est un soulagement. N'importe quelle dispute aurait fini par dégénérer, et elle aurait été déçue de devoir prendre le parti d'Azad le radin pour défendre l'honneur du village.

Son sourire s'agrandit lorsqu'elle voit sa tête après le paiement, d'ailleurs – lui qui se plaignait toujours de ne pas être reconnu à sa juste valeur dès que quelqu'un essayait de négocier... Pendant ce temps, le warg noir semble accepter sa tentative de contact, et en profite pour lui caresser affectueusement la tête. Qui aurait cru que la fourrure d'un animal aussi intimidant serait aussi agréable ? L'autre semble plus distant, mais une chose à la fois : Java était téméraire, mais pas au point de se jeter sur un warg blanc.

Son regard se porte sur Garran lorsqu'il lui fait remarquer que la réaction des habitants face aux deux loups le rassure, et elle manque de lui couper la parole pendant sa dernière question. Une chose à la fois, Java. D'abord, sa remarque initiale, qu'elle tient à faire avant d'oublier.

▬ J'peux t'assurer que personne va les toucher. Moi ça va, mais je les connais, ils auront trop peur. Y a peut-être un ou deux malins qui vont vouloir jouer avec ou leur monter dessus par contre, mais t'inquiète pas, je m'occuperai de les éloigner.

Parce que d'une, elle préférait éviter qu'il croie que les habitants réagissaient pacifiquement de manière naturelle. Et de deux, sa fierté l'obligeait à se placer en tant que protectrice du petit peuple, et maintenant des gros loups. Accessoirement, elle risquait aussi sa réputation, si un gamin se faisait croquer par le warg d'un inconnu qu'elle accompagnait. Ensuite, il fallait répondre à sa question – une question assez naturelle, étant donné qu'elle avait abordé son côté nomade juste avant.

▬ Nope, pas de familier, pas de monture ! Ça me faciliterait bien la vie, mais j'ose pas prendre le risque, vu que...

… Vu que, tu ne lui avais pas encore donné cette information là, Java. Elle s'arrête net, consciente que leur conversation n'a absolument rien de privé, et que n'importe quel marchand bavard ne se gênerait pas pour donner son avis sur ses choix de vie. D'ailleurs, un simple regard autour d'elle confirme ses doutes : ils sont le centre d'attention du marché. Elle grimace un peu, puis fait un geste de la main à Garran pour qu'il la suive.

▬ Suis-moi, on va aller voir pour ton cheval chez la sœur de Badak.

Une fois qu'ils sont suffisamment loin des oreilles indiscrètes, Java s'arrête à mi-chemin : la ferme et son écurie de la vieille femme sont visibles, au loin. Leurs habitants curieux également.

▬ Bon, à ce stade, j'vois pas vraiment l'intérêt de le cacher. De toute façon, c'est pas comme si t'allais ramener les petits détails de ma vie jusqu'à la capitale !

… Laissons-lui au moins ça.

▬ Je voyage pour recruter des gens dans la garde, en fait. Du coup, je ramène souvent des petits à la capitale... même si c'est pas toujours le cas ! D'ailleurs, si tu sais pas où aller, je peux te trouver une place facilement à l'académie, tu sais ? Y a pas que les gamins qui sont perdus, et je suis sûre que tu pourrais mettre ta « grosse armure qui fait peur aux gens » à profit !

On va lui laisser ça aussi, parce qu'à ce stade, Java fait un peu pitié. Mais en même temps, ce n'est pas comme si elle pouvait deviner par magie sa véritable identité !

▬ Du coup bah, je peux pas trop me permettre une monture, parce que je vais pas traîner les gamins avec une corde derrière moi non plus... Puis même, si eux ils doivent se taper tout le chemin à pied, je trouverais ça un peu injuste d'être perchée sur mon cheval. D'ailleurs, eux aussi, et ça finirait forcément en embrouille, et vu les pouvoirs que je croise...

Elle se pince l'arête du nez, se remémorant visiblement un souvenir désagréable. Vous avez déjà essayé de dompter un adolescent en pleine puberté qui crache de la lave ? Je vous donne un indice : c'est compliqué. Et ça donne chaud.

▬ De toute façon, j'ai pas les moyens, puis tu le vois bien avec tes wargs, faut bien s'en occuper, les nourrir... C'est marrant d'ailleurs, la seule autre personne dont j'ai entendu parler qui ait un warg blanc, elle a rien à voir avec toi ! Si tu nous rejoins dans la garde, tu le croiseras peut-être un jour !

Il se croise déjà à chaque fois qu'il se regarde dans le miroir... Mais ça n'empêche pas Java d'avoir les yeux qui pétillent, à l'idée de pouvoir peut-être rentabiliser (et donc excuser) son petit séjour familial. C'est déjà trop tard pour toi, « Garran ». L'idée s'est incrustée dans sa petite tête maintenant.

Tu ferais un très bon garde, après tout, non ?

Écoutant toujours la garde expliquer les raisons de son choix, l'officier leva un sourcil amusé bien qu'invisible sa consœur quand elle fit une allusion discrète à la possibilité de rejoindre la garde. Il du même se mordre l'intérieur des joues pour ne pas se mettre à rire.
Ah cette fameuse grosse armure qui faisait peur... Tiens, si c'était pas le moment de tenter quelque chose...

-Je ne sais pas si je serais d'une quelconque utilité dans la garde avec ça, a moins que vous connaissiez une unité qui en porte ?
Pour l'instant je n'ai croisé que des tenues bien légères chez les soldats du royaume. Enfin ça doit coûter un peu trop cher d'équiper tout le monde avec de telles protections.

Cela coûtait extrêmement cher, une cuirasse complète devant être fabriquée pour son utilisateur et exclusivement lui. Et c'était bien pour cela que seuls les gardes royaux pouvaient se permettre ce genre de protections.
Si une simple protection de torse était facile à avoir, tel n'était pas le cas pour la dizaine de pièce qui composait une telle tenue. Et c'était sans compter sur l'entrainement qu'il fallait avoir pour s'en servir efficacement.
Dans son cas, il connaissait sa cuirasse, en comprenant les défauts et les qualités, mais on ne pouvait pas donner ce genre d'objet à n'importe qui.

-Enfin, c'est encore un coup à finir n'importe ou ! Je suis bien là ou je suis, et puis à mon age, je vais être un peu trop vieux pour l’académie.

Et Lucy en soit témoin, il ne tenait pas à y retourner, ce n'était pas le pire des endroits, mais Arthorias se sentait bien plus utile à son poste. Il comprenait que le processus de recrutement était parfois compliqué, et les instructeurs obligés de faire avec ce qu'ils récupéraient....
Décidément, son régiment lui semblait bien mieux.

-Mais c'est amusant de trouver des recruteurs itinérant, je ne vous imaginaient pas dans des coins aussi reculés, même si présentement c'est plus pour votre famille.
J'imagine que toutes les journées ne sont pas aussi calme, ni même aussi ensoleillées ?

Les enfants difficiles, mais volontaires.... Un vrai casse tête, et le chevalier se voulait presque admiratif, lui même ayant la plus grande difficulté avec les enfants en tout genre, préférant les recrues fournis en fin de formation par l’académie.
Cette dernière faisait un travail remarquable transformant des pierres brutes en joyaux qu'il ne restait qu'aux régiment à tailler selon leurs convenances. Et si les plus prometteurs finissaient dans la royale, l'officier se dit que certains vrai talents devaient malheureusement échapper aux cadres stricts de cette école de la rigueur.

-Vous avez bien du courage d'allez au devant des gens, cela ne doit pas être facile tout les jours, et tout le monde ne doit pas décider de vous rejoindre la joie au cœur, pour certains cela doit être la dernière chance.

Cela cependant, il les connaissait bien, des gens prêt à tout pour intégrer la garde, que ce soit dans l'espoir d'avoir une vie stable, ou simplement par volonté.
Les recrues de la dernière chance, comme on les appelait, et qui formaient une bonne partie de la première Compagnie Rempart d'Arthorias.
Des gens solides sur qui on pouvait compter.... Mais les recruter cela dit... une toute autre paire de manche.
Un petit rire finit par s'échapper de son heaume quand il fut fait une référence à nul autre que... lui même et qui passa facilement pour de l'amusement.

-Ah, je ne peux vous cacher qu'elles engloutissent leurs quota de viande et que les nourrir pourrait me faire tourner à la criminalité si je n'avais pas les moyens.
Je me demande qui pourrait bien avoir les moyens dans la garde de posséder un warg blanc, ce sont des créatures rare et dangereuses, je suppose que ce n'est pas le premier venu ?
Dit m'en plus !

Fit il avec un sourire amusé alors que la route se poursuivait vers les étables. Les bâtiments étaient sobre mais l'officier commençait à se faire une idée de la disposition du village.
Les deux wargs sur leurs talons ne les lâchèrent pas Yio trottinant même à côté de Java, toute contente d'avoir trouvé quelqu'un qui voulait bien la caresser un peu
Cela dit, ce qui l'étonnait le plus était d'être connu hors de son régiment. Il était vrai qu'il était l'un des cinq capitaines du royaume, un titre rare et prestigieux... Et cela lui fit soudainement se demander si son nom était justement cité à l’académie comme cela avait été de rigueur de son temps

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Absorbée par la conversation, Java avale ses mots comme elle engloutirait un poulet rôti. Il a plein de questions ! Même s'il continue de jouer les timides, elle prend ça comme une marque d'intérêt. Ca y est. Elle a trouvé son prochain poulain. Il faudra toujours lui trouver son cheval, mais qui sait, elle arrivera peut-être à lui faire faire un détour par la capitale quand même – surtout qu'il avait acheté assez de vivres pour un long trajet, ce qui lui éviterait en plus de faire les courses avant de l'emmener !

▬ Comme tu dis, ça coûte pas mal les bons équipements ! Et puis surtout, faut réussir à voyager avec sans crever de fatigue sous le poids- eh d'ailleurs ! Je sais pas comment tu fais ! Tu dois crever de chaud dans ta marmite, là, non ?

Elle rigole toute seule à sa propre blague. Il faut croire que c'est drôle, un mercenaire dans une marmite, pour Java.

▬ Moi j'sais que je préfère les armures légères parce que ça me permet de bouger plus vite, et des fois c'est assez pratique de pouvoir être un peu furtif pour récupérer un orphelin qui fait des siennes... Y a des régiments qui auraient assez de budget pour que t'aies une bonne armure je pense, surtout au niveau de la capitale, mais là c'est compliqué, la garde royale c'est tout un délire !

A qui le dis-tu.

▬ Franchement, ce village, il est calme. Faut surveiller un peu son bétail mais bon, c'est comme partout. Le plus gros risque, c'est les voyageurs qui passent dans le coin et qui viennent faire les malins... Bah tu vois, justement, jamais tu vas retrouver un garde royal dans un coin comme ça. Bon en même temps, c'est normal, c'est leur boulot hein ! Mais ils ont trop de prestige, ils sont trop occupés avec les gros poissons pour venir vider le stock d'Azad le radin !

Et elle rit encore, toujours de bon cœur. C'était une forme de compliment, en retour au sien : elle appréciait que ses efforts soient reconnus, même par un inconnu. Tout comme elle tenait à lui montrer qu'elle était contente de son attitude polie au marché.

Tout en marchant d'un pas guilleret, encadrée par Garran et ses deux wargs, elle a presque l'impression d'oublier qu'il y a moins d'une heure, ce n'était qu'un intrus dans la routine du village, loin de lui donner la moindre envie de mettre en avant son art du recrutement. Parce que c'était tout un art, de savoir convaincre les parents s'il y en avait, ou les enfants s'il n'y en avait pas ; de savoir se montrer en tant que figure d'autorité, sans éveiller les fiertés mal placées ; de savoir convaincre une personne déjà expérimentée, sans lui donner l'impression de retourner à l'école.

▬ T'as pas l'air d'être un vieux croûton non plus, tu sais ? J'ai déjà ramené un ou deux types plus vieux que toi, j'en suis sûre, et aujourd'hui ils s'en sortent comme des champions !

Alors qu'ils approchent de la propriété de la sœur de Badak, elle jette un regard au warg blanc, avant de continuer à papoter tranquillement.

▬ Oh et sinon, ça tombe bien du coup parce qu'on en parlait : l'autre type, justement, c'est le capitaine de la garde royale ! Artruc Hekmachinchose. Hekmayar ? Ou Hekmatya, je sais plus. Il doit pas avoir du mal à le nourrir, lui, son warg blanc. Je fréquente pas trop ce genre de gars donc je saurais pas t'en dire plus... Il paraît qu'il est increvable, donc il doit être super fort quand même !

Java montre fièrement ses biceps, histoire de mieux vendre la puissance de la garde. Elle aussi, elle se considère comme super forte, après tout ! Et elle aurait bien continué sa propagande, mais un petite vieille ouvre sa porte pour en sortir faiblement, et se joindre à ce quatuor inhabituel.

▬ Ooh, mais c'est la petite terreur des Anggun !
▬ Bietka-
▬ J'espère que tu te bats que contre les hors-la-loi maintenant !
▬ Je-
▬ Mais dis donc ! C'est lui l'étranger ? Tu t'es enfin trouvée un preux chevalier ?
▬ NON !

Le cri de Java résonne, sa voix devenue d'un coup plus aiguë – et pourtant, également plus stricte. La vieille Bietka ne pouvait jamais s'empêcher de répandre les pires rumeurs, et si on ne lui montrait aucune résistance, elle pouvait très rapidement se monter la tête sur n'importe quoi.

▬ Bietka, il cherche un cheval. Ta fille est pas encore partie à Manillam pour vendre ceux que tu m'avais montré, si ?
▬ Non, non, elle est en train de changer leur eau. Il a de l'argent, l'étranger ?
▬ Yep. On va à l'écurie alors.
▬ Ma fille aussi cherche un preux chevalier...

Java lève les yeux au ciel. Bien sûr. Si l'intrus n'est pas une menace, alors il sera une bourse sur pattes, ou la première occasion pour caser les paysannes du coin dans un bon mariage. Ce qui résumait exactement la mentalité rurale qu'elle avait voulu fuir. Heureusement qu'elle était à moitié aveugle : si elle s'était rendue compte que le « preux chevalier » était accompagné de deux loups géants, elle aurait sûrement paniqué et refusé qu'ils approchent des chevaux. Au moins, sa fille adorait les animaux. A défaut de tomber amoureuse d'un anonyme avec un visage de fer, elle serait probablement folle de joie à l'idée de pouvoir rencontrer des wargs.

Elle se permet d'avertir Garran alors qu'ils entrent dans l'écurie.

▬ Tu feras gaffe, Anka va probablement foncer sur tes wargs pour les câliner dans tous les sens.

C'était aussi une tentative de faire oublier l'indélicatesse de la vieille éleveuse, quelque part. A voir si elle réussirait.

Tout un délire pour rentrer dans la royale ? Allons Java, ce n'était simplement que les premiers de chaque promotions de l’académie qui se voyaient offrir une place. Lui même avait dut, il y a quelques bonnes années, se battre pour arriver premier et demander son intégration.
Car oui... on n'avait pas de places attitrées, le volontaire faisait une demande écrite, et était ensuite vu par une petite assemblée composée des gradés temporaires de chaque compagnie.
Mais c'était une longue histoire dans laquelle, il ne valait mieux pas rentrer. Intégrer la garde royale était compliqué, et c'était pour justement séparer les motivés des profiteurs.
Et si le calme du village ne le surprenait pas, il se prit un moment à rêver ce qu'il aurait pu devenir s'il n'avait pas rejoins la capitale.
Arthorias avait toujours voulu rejoindre le régiment de l'ouest, n'aimant ni le nord, ni la Grand port. La Garde royale avait été son premier souhait, l'ouest son second

-Ahahaha, oui effectivement, je pense qu'ils ont bien d'autre histoires à gérer depuis la capitale

L'assassinat d'un noble, l'éradication d'un culte prônant des valeurs un peu trop dangereuses, la chasse aux trafiquant en tout genre.
Sur qu'Azad n'avait pas de soucis à se faire en temps normal, et puis... si une compagnie passait par là, il doutait sincèrement que son petit stock, suffise à nourrir les soldats.
Mais pour leur officier, cela suffisait amplement.
Les deux louves suivaient bien docilement, Yio sentant l'amusement de son maître allant en grandissant mais ne parvenait pas à comprendre ce qu'il se passait.

Hekmayar ? Bon, il pouvait lui pardonner d'écorcher son nom de façon assez brutale, déjà... elle voyait qui il était.
Mais c'était étrange de se trouver subitement connu. Et de constater que son nom n'était plus simplement celui d'un garde lambda.

-Ah ça, être capitaine, ça doit avoir un certain cachet, mais comme vous ne connaissez pas vraiment son nom, je suppose qu'il n'est pas si connu que cela

Oh, s'il ne pouvait pas se montrer un peu taquin... Heureusement que son heaume était en place, car il devait lutter pour ne pas s'écrouler de rire, et si un immense sourire barrait ses traits, l'acier le camouflait à la perfection.
Ils continuèrent de marcher jusqu'à une nouvelle rencontre qui donna encore un peu plus de relief à ce village qui semblaient pourtant si banal. Ses personnes âgées, marchand en tout genre et enfants indiscrets... Tout ce qui faisait qu'Aryon n'était pas qu'un simple livre composé uniquement de personnage principaux.

-Un preux chevalier hein ? Visiblement c'est une image qui résonne bien dans les villages comme celui-ci. Mais j'ose supposer que vu votre réaction, vous n'avez pas encore trouver la bonne personne ? Enfin, j'imagine que votre travail est plus que prenant, ça ne serait pas la première fois qu'un garde est marié à son travail.

Comme il pouvait fort malheureusement en attester... Mais il n'était pas vraiment temps de ressasser son propre passé. Garran était censé être simplement un noble en manque d'aventure, avec la grosse cuirasse de son paternel et une certaine expérience.
Même si au fond de lui, il ne pouvait que comprendre cela...

-Oh, c'est gentil de prévenir, si Yio ne posera pas de problème, je vais tout de même rester avec Yuna, les wargs blancs sont un peu plus... dangereux. Enfin, j'ai peur qu'elle se mette à paniquer.

La main du chevalier saisit la louve au collier, et cette dernière baissa la queue en signe de soumission à son maître.
Soumise mais rassurée par la main familière qui était posée contre elle, cela suffirait à la tenir tranquille. Si son maître était là, rien ne pouvait arriver

-Tant qu'elle ne cherche pas à s'attirer les bonnes grâces d'un preux chevalier pour le mettre dans sa vie, je pense qu'il n'y aura pas de soucis en tout cas ahahahah

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Java rit à son tour, d'abord avec bonne humeur, puis son rire prend lentement un léger ton... acide ? Dans le milieu on appelle ça un rire jaune, mais sa bonne humeur rendait l'interprétation compliquée. Elle hoche la tête en le voyant tenir Yuna : c'est bien, maintenant, elle pouvait les différencier aussi, grâce à sa remarque. Et effectivement, voir une de ses amies d'enfance se faire croquer par un warg blanc n'était pas vraiment dans son emploi du temps du jour. Ni d'aucun jour, en fait. Elle prendra quand même son temps pour lui répondre avant qu'ils rejoignent Anka, histoire d'éviter un malentendu.

▬ J'avoue que c'est surtout moi qui retient pas les noms des gens que j'ai jamais vu... Eh, au pire, tant pis, il est pas là pour se vexer !

Son sourire s'évapore après cette précision amicale. A ce stade, je ne relèverai même plus ses gaffes : elle gérera toute seule les conséquences quand ça lui tombera dessus, hein.

▬ Comme t'es en armure complète et que je marche avec toi, la Biantka s'est pas gênée pour se monter la tête. C'était mieux que je la calme tout de suite, parce que sinon, avant même que le soleil se couche, ils auraient commencer à planifier le mariage.

Elle fait une grimace, montrant à la fois son dégoût et son agacement. Ce genre de préjugés l'énervait au plus haut point. Elle grogne ses derniers mots, à peine articulés, beaucoup plus doucement.

▬ J'ai pas le temps pour ces conneries moi...

Et Java n'aurait pas grand chose de plus à rajouter pour mieux se faire comprendre. Ce n'est pas qu'elle n'avait jamais été en couple, ni même intéressée au point de se poser avec quelqu'un : c'est qu'elle les avait perdus et perdues, les uns après les autres. Perdu de vue, perdu tout court. Peut-être qu'une exception viendrait un jour ; dans tous les cas, ce ne serait certainement pas le premier inconnu en armure qui passerait par son village.

Après une petite pause, elle continue d'avancer, jusqu'à arriver à Anka, grossièrement accroupie devant la mangeoire des chevaux.

▬ Tu cherches un cristal éclatant ?

La jeune femme se redresse dans un petit cri, puis se retourne vers Java. Ses boucles pourpres contrastent avec sa peau mate, marquée de plusieurs cicatrices au niveau des bras et des jambes. Bien que sa tenue de travail soit couverte de boue et de paille (et probablement d'autre chose de plus puant), elle se jette dans ses bras.

▬ Noon, Java, me dis pas que tu vas partir tout de suite !
▬ Mais non ma belle, on vient voir tes chevaux.
▬ Mes chevaux... Oh, c'est l'étranger qui a fait peur à tonton ?
▬ Il s'appelle Ga-

Java n'a pas le temps de finir sa phrase qu'Anka est déjà à genoux, sur le sol sale, le nez enfoui dans la fourrure du warg noir. Ses mains ne tardent pas à parcourir ladite fourrure, alternant entre caresses et grattouilles. Heureusement qu'elle savait s'y prendre pour amadouer les animaux... et surtout, définitivement, heureusement que le warg blanc était resté en retrait.

▬ ELLE EST TROP BELLE. JE LA VEUX.
▬ Alors ça, tu vas devoir négocier avec elle, et avec Garran ! Elle s'appelle Yio, au fait.

Java fait un signe de tête en direction de l'inconnu, et Anka sort son nez du cou de la louve pour le regarder avec suspicion.

▬ Si t'es un autre prétendant que maman m'envoie, j'veux pas de toi ! Juste ton... Attends. C'est. C'est un warg blanc ?

La jeune femme s'élance vers Yuna et Java l'attrape au vol, avant que l'impensable arrive. Faisant attention à ne pas la blesser, et la maintient quand même de façon à ce qu'elle ne puisse pas glisser hors de son étreinte. Des souvenirs de leur adolescence et d'une tentative de câlin avec un boucton lui reviennent en tête, et Java rigole en retrouvant la cicatrice correspondante sur son avant-bras.

▬ Il veut juste acheter un cheval, t'inquiète pas.

Sans transition, Anka devient d'un coup plus sérieuse. Pas la peine d'être télépathe pour savoir qu'elle était déjà en train de faire des calculs pour baser ses prix sur l'apparence de Garran, et Java attend d'être sûre qu'elle soit noyée dans ses additions pour la lâcher doucement.

▬ Mes chevaux sont plus endurants que rapides, et ils sont en très bonne santé ! Je peux baisser un peu le prix si vous êtes un ami de Java, vu que ça me fera moins de vivres à acheter pour partir à Manillam.

Java croise les bras et hoche la tête pour montrer son accord. Elle avait beaucoup d'affection pour Anka, et espérait que Garran resterait aussi poli qu'il l'avait toujours été devant elle. Après, elle préférait le laisser mener ses négociations, tout comme elle préférait docilement suivre son amie, qui commençait à leur montrer une jument et deux beaux étalons.

Un mariage ? Encore ? Cela fit rire Arthorias sous son heaume, qui réussit à rendre le son encore plus inquiétant que joyeux en lui donnant un écho fantomatique, bien que l'amusement soit rée.
Il avait déjà donné pour ce genre de choses, et s'il ne regrettait aucunement ses choix, il ne se sentit pas prêt à retenter l'expérience.
C'était encore bien trop frai dans son esprit.

-Les gens se font beaucoup de films en voyant une armure, sans vraiment savoir ce que ça représente, c'est assez pitoyable d'ailleurs, à croire qu'ils ne voient qu'une plaque d'acier. Quand je faisais des joutes, chaque lancier avait sa propre armure décorée de différente façon.
Certains les avaient gravées à l'or fin, d'autres teintées de myriades de couleurs. Aucune cela dit ne ressemblaient à celle de la fameuse garde royale, leurs style est inimitable pour un forgeron lambda.

Montrant l'état de la sienne, une armure patinée avec bien des impacts et des traces de griffures, il n'avait rien de l'allure qu'il avait d'habitude. Un grand heaume secondé par un gorgerin fermant le tout. Rien à voir avec l'allure plus exotique de son armure de capitaine.
Et surtout, elle avait cet air usé que seuls possédaient la cuirasse d'un vétéran, ce qui au vu de son age, n'était pas si faux.

-Je pourrais tenter de vous donner les origines sociales d'un homme rien que par son armure, leurs conception est pleine de subtilités, par exemple, quelqu'un de moins aisé possédera le plus souvent une tenue mal adaptée à sa taille, signe d'un forgeron débutant, et il est fort probable que ses grèves ne soient que des demi grèves, protégeant seulement l'avant de ses jambes.
Un véritable noble aura même une cuirasse adapté aux escapades à cheval.... enfin je m'emporte un peu, c'est un sujet vaste et si méconnu... Mais j'imagine que bien des gens pensent un tel savoir comme accessoire, préférant charmer des demoiselles ou boire à foison

D'un autre côté, a quoi bon s'intéresser à quelque chose qu'on aura jamais. Lui même n'y connaissait pas grand chose en bière, et ne voulait rien en savoir. Il termina donc sa petite digression sur un haussement d'épaule. Si leurs ignorance pouvait le faire passer pour n'importe qui... pourquoi pas.
L'entrée dans l'écurie se fit dans le calme avant que la palefrenière ne remarque son ami et finalement Yio , se jetant dessus sans considération pour sa propre sécurité.
Heureusement, l'animal était plutôt bien dressé et ne bougea presque pas, Arthorias sentant simplement le léger l'agacement de l'animal

-Aucunement, j'aimerai juste....

Mais il n'eut pas le temps de finir, la jeune femme s'élançant vers le loup blanc qui se tortilla malgré la poigne de fer de son maître.
Fidèle à sa parole, la recruteuse l'attrapa au vol, empêchant une scène fâcheuse de se produire. Mieux valait éviter que la louve ne lui croque un bras complet. Les wargs quand ils se sentaient menacés pouvaient être très agressif

-Mademoiselle, je ne doute aucunement de la qualité de vos montures, bien au contraire, il me faudrait simplement un destrier endurant, apte à supporter les charges plus ou moins lourdes, je compte le charger de vivre en tout genre.

Il s'inclina légèrement avant de se diriger vers l'un de ceux parqués dans les box, son attention se tournant vers une monture de couleur grise, qui semblait bien robuste. Ce dernier était plutôt haut, et il ne doutait pas une seconde qu'il valait un certains prix.
Désignant ce dernier du bout du doigt, il inclina son casque légèrement sur le côté

-Pourriez vous me parler de celui là ? Il me semble en forme et j'aimerai connaitre son historique et son prix, s'il est à vendre naturellement.

Hors de question de dépouiller le village d'une monture utilisée habituellement par les gens. Il était là pour acheter une monture, pas pour leur enlever un outil de travail important.
Il commença à sortir sa bourse de cristaux, comptant de mémoire ce qu'il avait déjà utilisé et ce qu'il lui restait pour le reste du voyage.
En soit... il n'était pas à plaindre....

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Garran semble bien s'amuser. Java a un peu de mal à retenir toutes les informations qu'il lui donne, en revanche, sans pourtant oublier la plus importante – il en sait beaucoup, beaucoup sur les armures. Celle qu'il porte n'est donc pas complètement innocente. Sa bourse bien remplie et ses deux familiers bien nourris ont beaucoup plus de sens, tout d'un coup. Ne sachant pas trop quoi rajouter à son soliloque, elle acquiesce avec un petit sourire. C'était toujours un plaisir de voir quelqu'un de passionné ! Et si elle faisait également partie des gens pour qui une armure n'était jamais qu'un amas de métal inconfortable pour les riches, elle était trop fière de ses ambitions pour se sentir visée par sa petite pique. Elle, ne courait ni après les femmes, qui avaient tendance à perturber ses clones, ni après la boisson, qui ne lui réussissait pas vraiment non plus. Juste après la nourriture et la chair fraîche à ramener à l'académie. C'était bien aussi, non ?

Elle sent Anka sautiller, elle aussi envahie par l'enthousiasme, ayant déjà oublié le warg blanc pour pouvoir consacrer tout un discours à sa passion : ses chevaux d'amour. Et tous les muscles de Java ne suffisent pas à la retenir lorsque Garran pointe son petit favori du doigt. Avant que la recruteuse puisse glisser un mot à son amie pour lui demander de faire court, il est déjà trop tard.

▬ Dis donc, t'as l’œil toi ! Je te présente... Pipouille !

Java détourne la tête pour cacher son sourire moqueur. Gare à elle si Anka la voyait se moquer de ses noms si soigneusement choisis... Elle s'éclaircit la gorge et fait un petit clin d’œil à Garran, avant de s'asseoir sur une botte de foin.

▬ Il est aussi adorable que costaud ! Lui, je l'ai vu être conçu, naître et grandir, c'est mon préféré ! Je voulais le garder à la ferme, mais il a tendance à grignoter les cultures du village... Les villageois ont vraiment hâte de le voir partir. Pourtant, c'est un gentil mon Pipouille, il est juste incompris... Il est juste pas fait pour être un cheval de trait.

Avec tendresse, Anka passe doucement sa main sur la crinière du cheval, et pose sa tête contre son museau. Java profite d'être dans son angle mort pour lever les yeux au ciel. De tous les chevaux qu'elle allait vendre, il fallait que ça tombe sur Pipouille... Elle sent un fou rire monter en imaginant Garran, Pipouille et ses deux wargs débarquer à l'académie, et fait semblant de tousser pour camoufler son indiscrétion. Entre le mercenaire dans sa marmite de luxe, ses deux loups géants et un cheval aussi gourmand qu'elle, il faut dire que l'image mentale était plutôt glorieuse.

▬ Tout le monde lui crie dessus, alors il est un peu farouche, mais mine de rien, ça m'a sauvé la vie pas mal de fois ! Il faut juste lui montrer que tu l'aimes de tout ton cœur, et il prendra toujours soin de toi. C'est pas mieux qu'un mari, ça ?

Cette fois c'est trop pour Java, qui doit se tenir le ventre tellement elle est pliée de rire. Voilà, Garran n'aurait plus à s'embêter avec la recherche d'un ou d'une partenaire non plus, s'il décidait de choisir Pipouille... Anka lui jette un regard noir, et lui met un coup de pied dans le tibia.

▬ Ferme-la, toi ! Tu nous déranges !

Java gémit de douleur et se frotte la jambe, même si à ce stade, elle n'arrive plus à s'empêcher de rire. Elle l'aura mérité, celui-là. Elle en mériterait même un deuxième, mais son amie d'enfance était trop concentrée sur la vente de son cheval pour lui accorder plus d'attention que ça. La jolie rousse s'approche de l'étranger pour saisir son poignet d'une main ferme. Elle a beaucoup plus de force qu'il n'y paraît, et en profite pour tendre la main de Garran en direction de l'étalon.

▬ Dis-lui bonjour !

Pipouille souffle bruyamment du nez. Anka lâche la main de l'inconnu et se retourne vers lui, surprise.

▬ Mais non, c'est pas un bandit ! C'est un gentil monsieur avec plein d'argent qui pourra te nourrir et t'emmener dans pleins d'endroits rigolos.

Toujours en tenant son tibia, Java relève la tête pour assister à la scène. C'était toujours aussi amusant de voir Anka utiliser son pouvoir aussi instinctivement. Ce n'était pas pour rien qu'elle avait emmené Monsieur Marmite ici : après tout, qui de mieux pour vous vendre un animal que quelqu'un qui peut vraiment les comprendre ?

▬ Garran. C'est un cheval d'aventurier. Je sais que t'es fier de ton armure, mais je crois qu'il aura pas confiance en toi sans voir ta tête.
▬ Fais un effort, Pipouille ! Pour Maman !

Les yeux étincelant de curiosité, les deux locales se tournent en même temps vers Garran. Anka espérait qu'ils pourraient trouver un compromis. Java, en revanche, guettait simplement sa réaction, avec son sourire goguenard si caractéristique.

Pipouille.... Hum.... Disons que comme nom... On avait fait mieux... Du moins, largement plus épique, dans le cas présent, l'officier avait surtout l'impression d'avoir volé le cheval d'une bergère au milieu des montagnes, voir même une brebis...
Mais qu'importe, un cheval était un cheval, et il était même possible qu'il finisse par le lui rendre sur le chemin du retour. Mais c'était quelque chose qu'il tenait à garder pour lui pour le moment.
Sa propre monture l'attendait à la caserne, le palefroi de guerre élevé dans ce but précis, aussi irascible et impétueux que devait l'être tout cheval digne de ce nom.

Mais bon… On disait souvent à l’académie qu’un outil, même peut reluisant, restait un outil et était indispensable. Haussant les épaules, et tachant de rester neutre devant ce nom surprenant, il tacha tout de même de se montrer poli. Toussant légèrement avant de reprendre.

-Pipouille donc... Et bien, si le nom me surprend quelques peu, je ne peux nier ses qualités évidente, j'espère simplement qu'il ne vous fera pas trop défaut.
Mais si cela vous convient, je m'engage à le traiter convenablement.

Comme une épée, un cheval se devait d'être traité avec soin et l'officier ne comptait pas laisser l'animal dépérir. La route était encore longue et pouvoir se rendre jusqu'à grand port en des temps relativement court ne serait pas de refus.
Encore une fois, une épreuve attendait ce cher Garran, l'animal ne semblant se décider qu'après avoir vu le visage de son propriétaire.
Et bien tant pis pour la couverture, de toute façon Java finirait bien par connaitre la vérité un moment ou un autre.

Levant lentement les mains vers son heaume, il en défit la jugulaire avant de lever la protection lentement, laissant tout d'abord dérouler sa queue de cheval d'or dans son dos, tirant toujours un peu plus pour laisser tomber ses mèches blondes sur le côté de son visage.
Un visage connu de quasiment tout les gardes maintenant, apparut donc au milieu de cette petite étable, et alors qu'Arthorias accrochait son casque à sa ceinture, sa voix, bien plus douce et moins métallique se fit jour alors qu'il posa la main sur le museau de l'animal.

-Et bien cher destrier, me voilà comme tu l'as demandé, j'espère que cela peut te rassurer, ni brigand, ni voleur, simplement un chevalier comme un autre.

Un "simple" chevalier qui commandait à l'une des forces les plus puissante de la garde, et qui protégeait lui même la famille royale.
On lui avait souvent reproché de ne faire que peu de cas de son titre, mais lui même s'en fichait bien. Arthorias était Arthorias, ni noble, ni puissant.
Il finit par se retourner vers les deux locales en se fendant d'un sourire amusé sa tête penchant sur le côté alors que ses deux mains gagnaient ses hanches

-Et bien ? A quoi vous attendiez vous au juste ? Un vieil homme ? Un adolescent parqué dans une armure pour impressionner la pays ?

Comme pour ajouter au tableau, les deux wargs vinrent se poster près de leur maître, Yuna réclamant déjà une caresse de ce dernier, ce qu'il s'empressa de lui donner avant de relever ses yeux vairons vers les deux jeunes femmes.

-J'espère que tout le monde est rassuré maintenant

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Java se penche en avant, les deux mains sur les cuisses, alors que Garran s'apprête à se dévoiler. S'il a gardé son casque aussi longtemps, c'est qu'il doit avoir une sacrée tronche, non ? Son sourire énorme se fige d'un coup alors qu'elle aperçoit son visage. Garran est une femme ? Ah, non, il a une voix d'homme. Anka est tout aussi choquée que son amie d'enfance, bouche-bée devant cet étrange spectacle. Son attention à elle était plus portée sur l'attitude de Pipouille, qui s'était calmé en voyant l'homme derrière le heaume.

Java, une main sur le menton, inspecte « Garran » encore et encore, de haut en bas, de gauche à droite, et de toutes les façons possibles. Elle se lève même pour le contourner, comme si le fait de le visualiser en plusieurs dimensions allait changer la situation. Il ressemblait beaucoup au mec dont elle avait écorché le nom, quand même... Vraiment beaucoup. Un peu trop. Oh non. Elle regarde les deux wargs postés autour de leur propriétaire et se tape le front bruyamment.

▬ Je m'attendais pas à me rendre compte que j'étais aussi bête...

Son regard bleu et désolé remonte lentement jusqu'à celui d'Arthorias.

▬ Tu le connais ?
▬ C'est le capitaine de...

Elle n'a pas le temps de finir sa phrase qu'Anka est prise d'un énorme fou rire. Java la fusille du regard, les mains sur les hanches. Pas besoin de lire dans ses pensées pour voir qu'elle est vexée comme un pou.

▬ T'as même pas reconnu un de tes supérieurs ? Elle est belle, la grande garde d'Aryon ! C'était bien la peine de faire la maligne avec tes entraînements tous les matins, si c'est pour être aussi demeurée...

Java pousse un cri de frustration et s'éloigne avant de dire ou faire quelque chose qu'elle regretterait, que ce soit devant son amie, ce capitaine sorti de nulle part, le cheval ou les deux wargs. Elle se retrouve à taper du pied une grosse souche près du porche de la vieille Biantka. Après s'être défoulée, elle s'assied sur la souche et respire un coup.

▬ J'y suis peut-être allée un peu fort... Bah, c'est pas grave, c'est Java, ça lui passera. Pipouille dit qu'il te préfère comme ça. Et honnêtement... moi aussi !

Anka, les priorités dans l'ordre, toujours prête à faire jouer de ses charmes pour conclure une vente.

▬ Allez, je te fais un prix d'ami, et en échange tu me paieras une bière la prochaine fois qu'on se verra ! 60 cristaux sombres au lieu de 70, c'est pas une bonne affaire, ça ?

Bien sûr, en réalité, elle comptait vendre l'étalon pour cinquante, mais ça, ce n'était qu'un petit détail que cet élégant et fortuné étranger n'avait pas besoin de connaître ! Alors qu'elle fait les yeux de biche à ce potentiel client, Java revient dans son dos, surgissant derrière un mur.

▬ Capitaine. N'oubliez pas ce que je vous ai dit au marché.

Son ton est solennel, bien qu'elle semble toujours un peu gênée par son erreur. Ce qu'elle avait dit... Elle ne l'avait pas dit à la même personne. Enfin si, mais non. Est-ce que c'est comme ça que les gens se sentaient quand ils parlaient avec un de ses clones ? Elle passe la main dans sa nuque, et finit par baisser les yeux à nouveau. L'accueil des villageois risquait de prendre une nouvelle tournure, et pas forcément des plus plaisantes.

Fichu Pipouille !

La révélation n'en était pas une, du moins pas pour l'officier qui ne voyait pas l'importance qu'il avait. Comprenant toujours mal qu'il était l'un des cinq plus haut gradé de l'armée si on oubliait le commandant.
Et en plus d'être simplement un capitaine, c'était lui qui était chargé de la sécurité de la reine et de sa famille. Mais Arthorias ne s'était jamais vu comme exceptionnel, considérant qu'il avait toujours une marche à franchir pour être à la hauteur.
Peut être qu'un jour il réussirait à ouvrir les yeux pour voir la chance qu'il avait d'être aussi haut dans la hiérarchie.
Sa tête s'inclina légèrement en voyant la recruteuse partir en vitesse, entendant le bruit distinctif d'un choc à l'extérieur.

Mais le temps ne lui fut pas donné de considérer ce qu'il devait faire car la marchande en profita pour donner son prix et prétendre une remise.
Ce qui en toute honnêteté, n'était pas donné, mais un cheval restait un cheval, et les cristaux ne manquaient pas vraiment.
Il donna donc la somme convenue en soupirant légèrement.

-Je m'en rappelle, des bons produits avant tout

Même s'ils étaient un peu radin, il fallait l'avouer. Mais qu'importe, le cheval allait lui permettre d'avancer un peu plus vite, et si possible avec la possibilité de moins porter d'affaires.
Reportant son attention sur la jeune femme, il finit par se mettre à rire doucement.

-Allons, allons, je peux être Garran si ça arrange plus de monde, j'aime bien cette identité, même si elle me vaut d'être accueilli à coup de faux et de fourche, les platitudes habituelles, comme si j'étais un noble de haut rang ne me convienne guère.

Se tournant vers la vendeuse, il donna quelques cristaux de plus avant de demander aimablement.

-Pourriez vous préparer le cheval pour moi ? Je ne serais pas fâché d'avoir une experte dans le domaine pour le faire.

Un peu d'encouragement ne faisait jamais de mal. Et brosser les habitants dans le sens du poil ne ferait que les rendre plus agréable. Du moins il l'espérait.
Remettant le lourd heaume d'acier sur son visage, sa voix reprit sa teinte métallique alors qu'il sortait accompagné de Java, retrouvant le grand air et le village encore peu animé.

-Je vais devoir décliner votre offre de rentrer dans la garde je le crains, n'y voyez pas de mal, cela dit, vous savez y faire j'en conviens.
Même si je ne pensais pas trouver des gens de la garde ici.... C'est plutôt une bonne surprise, excuse familiale où non.

Ce n'était guère un reproche, Arthorias trouvait que bien des officiers oubliaient les régions les plus reculées, parfois à raison, mais souvent à tort. Et il fallait des gens pour battre la campagne.
Les gens des villes étaient souvent bien plus fainéant et faible que ceux habitués à la rude vie par delà les murs d'une cité calme.

-Et avant que vous ne fassiez une syncope, je me dois de préciser... Je ne suis pas là pour contrôler quoi que ce soit... Simplement de passage


Il avait laissé à son major le soin de faire les tournés d'inspection, lui même en avait déjà assez soupé

Codage par Libella sur Graphiorum

Java s'appuie contre un mur, et fronce les sourcils lorsqu'Arthorias dit qu'il peut redevenir Garran. Bien sûr que non, c'est déjà trop tard ! La fille de la commère du coin est au courant, ce qui veut dire que d'ici une semaine, toutes les plaines auront entendu parler de « la garde qui n'a pas reconnu un capitaine ». Elle se pince les lèvres pour s'empêcher de dire quelque chose de malpoli.

C'est vrai qu'il était resté humble et agréable depuis qu'elle l'avait interpellé. Enfin plutôt, agressé. Il ne méritait ni les potins qu'il allait alimenter pendant au moins deux lunes, ni l'agacement de Java. Vu son rang, ça devait être un peu difficile de voyager discrètement... Tiens ? Mais d'ailleurs, qu'est-ce qu'il faisait dans la campagne, monsieur le Capitaine de la Garde Royale ? N'avait-il pas mieux à faire ? Avait-il une mission secrète ? Est-ce que c'était si embêtant que ça, d'être reconnu et traité à sa juste valeur ?

Pas le temps d'explorer ces questions. Pendant qu'Anka s'affaire, il revient vers elle. Ah. Oui, c'est vrai qu'elle voulait le recruter, à la base. Elle se pince l'arête du nez pour essayer de rester diplomate. Ironiquement, et contrairement à Pipouille, elle se sentait beaucoup plus à l'aise quand le capitaine avait de nouveau son heaume en place. Peut-être parce qu'elle ne pouvait plus voir les expressions de son visage si élégantes.

▬ Merci, m'sieur. C'est vrai que du coup, vous avez pas vraiment besoin que je vous ramène à la capitale...

Java le regarde à nouveau de haut en bas, pour finalement contempler Yuna. C'est la goutte de trop, et Java commence à rire nerveusement. Plus ses gaffes lui apparaissent, plus elle a envie de s'enterrer vivante. Il faut qu'elle rattrape ça, par Lucy. Ça ne peut pas s'arrêter là. C'est un cauchemar. Avec un sourire plus navrant qu'autre chose, elle s'approche d'Arthorias pour parler un peu plus bas, profitant que son amie d'enfance soit trop occupée pour les écouter.

▬ Avec tout le respect que je vous dois... vous voulez bien venir manger à la maison ?

Elle ne lui laisse pas le temps de répondre et enchaîne avec les explications.

▬ Même si c'est juste pour boire un verre d'eau, s'il vous plaît. Je suis déjà mal vue parce que j'ai quitté le village (elle pointe du regard Anka) et je sais exactement ce qu'ils vont commencer à dire sur vous si vous partez maintenant...

Et c'est là que d'un coup, toutes ses inquiétudes prennent du sens. Que ce soit Garran ou Arthorias, c'était un frère d'armes auquel elle s'était déjà attaché. Avec tout ce que ça implique de vouloir le protéger.

▬ Et ça, j'veux pas. Vous méritez mieux. Si vous venez chez moi, les blabla retomberont sur moi, et ça c'est pas grave, j'ai déjà ma réputation ici.

Tout en parlant, elle surveillait également son amie, qui prenait tout son temps. Anka était perspicace quand elle en faisait l'effort, et elle avait bien compris que Java avait besoin d'un peu de temps pour éclaircir ce brouillard dans lequel elle s'était piégée toute seule. Et puis, elle avait les poches remplies de cristaux : pas besoin de s'en faire, quand on a des sous !

Le ramener à la capitale ? Ironique quand c'était justement l'endroit qu'il voulait fuir. Enfin fuir... Ce n'était pas comme s'il était chassé, simplement qu'un peu d'air lui ferait du bien, comme avait dit le maitre espion.
Et effectivement, l'officier avait la sensation d'en avoir  plus découvert en quelques jours qu'en plusieurs semaines à la capitale.
La vie était bien différente loin du centre du pouvoir, comme le lui avait appris Java.
Cette dernière avait tout d'abord semblé se murer dans le silence avant de finalement revenir vers lui.

-Pas vraiment non, mais c'est gentil de m'avoir proposé, j'avoue que votre technique de recrutement est peu conventionnelle, mais pas plus mal, nous manquons de gens rustiques. Et je doute qu'une affichette de recrutement les motives

Le recrutement était un art autant qu'une science, qui supposait de convaincre un individus de mettre de côté bien des envies personnelles pour servir sous les ordres d'autres personnes.
L'humain s'il était sociable de nature, ne se voulait jamais vraiment soumis. Et si bien des gardes étaient loin d'être des modèles de vertus en tout genre, ressemblant parfois à des parodies de ce qu'auraient du être un individus saint, Arthorias voulait croire que les recruteurs pouvaient éviter ce genre de cas.

Mais la demande de Java désamorça tout le processus cognitif qui se faisait dans l'esprit de l'officier, lui faisant écarquiller de grand yeux devant la proposition si soudaine

-P.... Pardon ?

Il failli refuser, mais la justification de la jeune femme le fit se raviser. Les villages avaient tous leurs réputations, et leurs habitants semblaient parfois classés en fonction de bien des choses qui le dépassaient.
Loin des villes, ou un tavernier pouvait s'improviser aventurier, chaque personne avait sa place, et chaque place sa personne...
Le blond finit par hocher la tête

-Je ne tiens pas à nuire à votre réputation, à dire vrai c'est bien pour cela que j'essaye de voyager... "discrètement", même si je conviens que cela peut paraître étrange

Il s'écarta d'un pas pour laisser à la voie libre à Java avant d'incliner légèrement la tête.

-J'accepte donc votre proposition, je me permet de vous laisser diriger, je ne suis tout de même qu'un étranger ici.
Et vous me voyiez navré si je terni votre réputation par ma présence

Dit il, un peu triste pour la recruteuse

Codage par Libella sur Graphiorum

Java scrute le heaume du capitaine alors qu'il lui répond, pas vraiment sûre d'avoir eu la meilleure idée du monde pour sauver son nom. Au moins, il comprend son raisonnement, et ne fait pas de manières. Au contraire, il semble même plus humble que jamais. Il avait même agréablement mis en valeur son rôle auto-proclamé. Ce qui la laisse sceptique – ne serait-ce pas le meilleur moment pour faire valoir son autorité ? Elle se retourne vers son amie d'enfance.

▬ Anka ! Tu pourras amener le cheval à la maison ? Merci.

Trop affairée à pomponner Pipouille, elle répond par un simple pouce levé. Pas besoin de plus pour savoir qu'elle tiendra parole. Alors Java passe devant Arthorias, pour l'emmener jusqu'à la maison de ses parents.

Après s'être un peu éloignés de la propriété des commères du village, elle se retourne vers Capitaine Armure pour éclaircir un peu la situation.

▬ Faut pas être désolé, vous avez rien fait de mal. C'est moi qui suis pas très populaire à cause de mes choix de vie... et c'est ça qui risque de vous causer du tort. Mes parents sont plutôt bien vus au village, donc ça devrait compenser. Vous serez pas vu comme la garde qui a abandonné sa famille...

Son visage se durcit, et son intonation aussi.

▬ Vous serez vu comme le bon gars que vous êtes. Et y aura juste un potin en plus sur la garde ratée qui a pas reconnu un de ses chefs.

Sa rancœur transparaît à travers ses mots, et elle serre les dents. Combien de fois avait-elle enduré les regards de travers et les piques passives-agressives, si propres aux campagnards mécontents ? Combien de fois avait-elle plié devant eux pour protéger la réputation, non pas d'un capitaine vagabond, mais de sa propre famille ? Être considérée comme une brebis galeuse quand on était déjà vu comme le mouton noir, ce n'avait rien de très glorieux.

Elle s'emmure dans un silence contrarié jusqu'à approcher sa petite chaumière, encadrée par de gros buissons de jasmin. Java jette un œil aux deux wargs, puis au capitaine en armure... Bon. S'il pensait avoir déjà vu les fantaisies de son village natal, il allait probablement déchanter en entrant dans le territoire des Anggun. Elle inspire un grand coup.

▬ Je vous préviens d'avance : ma petite sœur n'épargne personne et mon petit frère est très, TRES bruyant. Ah, et ils vont probablement vouloir que vous repartiez avec dix pots de confiture, aussi... Vous êtes pas obligé d'accepter.

Même si elle était retournée au vouvoiement par défaut, elle ne peut s'empêcher un petit élan de familiarité, et donne une tape dans le dos métallique d'Arthorias. A l'entendre, on croirait qu'elle s'apprêtait à le jeter en pâture à des prédateurs affamés. Et pourtant, c'était surtout elle-même qu'elle essayait de préparer mentalement à cette rencontre et ses conséquences.

Elle ouvre la porte.

▬ J'ai ramené un invité !

Son père ne lève pas les yeux de son livre. Sa mère, en cuisine, crie que Java aurait pu la prévenir en avance, pour qu'elle puisse passer un dernier coup de balai. Et son frère et sa sœur arrivent en courant, tous les deux curieux de savoir qui est ce fameux invité. Même s'ils étaient tous les deux adultes, Java ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'ils étaient toujours de vrais gamins.

▬ WOOOOAAAAH L'ARMURE EH ! IL EST TROP BALEZE TON POTE ! EN PLUS IL A UN WARG BLANC ? TU SAIS DEPUIS COMBIEN DE TEMPS JE REVE DE VOIR UN WARG BLANC ?
▬ Nyoman, arrête de crier ! Bonjour monsieur, j'imagine que vous êtes le voyageur dont tout le monde parle aujourd'hui ? Bienvenue dans notre humble demeure.

Et voilà, ça commence. Java se retourne vers Arthorias et déglutit.

▬ M'sieur, je vous présente mon petit frère, Nyoman, et ma petite sœur, Kusuma. Vous deux, tenez vous un peu mieux. Vous êtes devant Arthorias Hek... Hekma... le capitaine de la garde royale.

Le livre tombe des mains de son père. Son frère et sa sœur, eux, sont bouche-bée. Et sa mère arrive comme une fleur, accompagnée par une délicieuse odeur de ragoût.

▬ LE ARTHORIAS HEKMATYAR ?!
▬ Oui, lui.
▬ Tu oses écorcher son nom devant lui, toi ?
▬ Oui, bah je fais de mon mieux, écoute, ça va, hein !

Profitant que son père et sa mère se soit joints au comité d'accueil, elle continue les présentations.

▬ Et voici ma mère, Sarnai Anggun, et mon père, Hasan Anggun.
▬ C'est un immense honneur de vous recevoir, messire ! Je suis désolée de l'état de la maison, si ma fille ingrate m'avait avertie de votre présence...
▬ Laisse, Sarnai. Il doit être fatigué de son long voyage. Vous voulez goûter à mon eau de vie ?
▬ Resterez-vous pour le souper ?
▬ OOOHH OUI ! VOUS DEVEZ AVOIR DES HISTOIRES INCROYABLES !

Et ce n'est que le début.