Petite journée au calme pour une fois. Pas de client intempestif au laboratoire, pas de chamaillerie entre Misuto et Spacio pour pourrir le calme du laboratoire pendant que j’étudie le monument magique à l’origine du dôme magique de la ville. En finissant le tracé de la rune, aucune magie ne s’est activée ce qui signifie qu’il doit certainement manquer un morceau de la rune, certainement cachée dans la partie enterrée des pylônes… Comprendre le rôle de chaque symbole de la rune est un autre paire de manche. Où que j’ai pu cherchée, je n’ai trouvée aucune mention de ce type de rune magique. Trop ancienne, nous avons dû perdre les écrits parlant de ce type de runes magiques. La dernière chance de trouver des livres aussi anciens est assurément les archives royales dont l'accès est plus que limité… Autant dire qu’y avoir une autorisation d'accès va être compliqué vu mon passé.

Tasse de chocolat chaud face à moi, je réfléchis à un moyen d’obtenir cet accès. Le Café Gourmandise est mon petit coin où je peux réfléchir au calme tout en profitant de bonnes boissons et sucreries. Cela fait toujours rire Carciphona quand j’ai le malheur de proposer d’aller “boire un coup” ici. On est bien loin des tavernes qu’elle côtoie à la Guilde. Le gouverneur T’hoi et le Capitaine Al Rakija devrait pouvoir appuyer ma demande mais est-ce que cela sera suffisant, j’en doute… Peut-être devrais-je faire jouer le fait que j’ai ramené le prince de sa grotte ? Je n’aime pas cette idée, cela pourrait tout aussi bien se retourner contre moi. On verra plus tard…

Repue de pâtisserie et de chocolat chaud, je rentre rapidement pour aller dormir. Enfin essayer… Depuis la Cité Enfouie, dormir la nuit est devenue un gageur. Mais cela fait trois nuits que je ne ferme pas les yeux, j’espère bien réussir à dormir cette nuit… Comme à mon habitude, j’allume ma lampe magique près de mon lit. Sans elle, il est clair que je n’arriverai pas à fermer les yeux. Détendue, je met plus d’une heure à trouver un semblant de sommeil, virant d’un côté puis de l’autre sans cesse… Sommeil qui m’emporte ailleurs loin de mes soucis quotidien. Endormie, mon esprit fertile crée presque toujours des choses qui animent mon repos, plus spécialement depuis l’expédition où mon sommeil s’est fait plus complexe…

J’ouvre les yeux sur un paysage urbain. Architecturalement parlant, cela est similaire à la Ville Aquatique avec ses constructions bien hiérarchisée et ses pierres caractéristiques. Chaque pas à travers la ville renforce cette impression jusqu’à croisé un Eratrodon en pleine nage calme entre les constructions… Que ce monde est intéressant, la ville est sous l’eau mais je peux y vivre comme si de rien n’était. Les rêves sont vraiment un monde à part. Amusée d’avoir un tel rêves au milieu de mes habituels cauchemar, je court après l’Eratrodon curieuse de voir ce que me réserve ce rêve.

Courir après l’Eratrodon sans vraiment regarder où je vais est amusant. Un banc de pichon par là qui zigzague entre les constructions. Quelques squiperl par ici virevoltant entre les fenêtres ouvertes d’un grand palais semblable à celui du gouverneur T’hoi. Tout est si magnifique ici… Des coraux poussent un peu partout dans la ville contribuant à l’effet enchanteur de la cité. Cette petite course onirique me semblait une bonne idée. Bonne jusqu’à ce que je me cogne violemment au détour d’une rue… Les yeux levés vers l’Eratrodon nageant dans le ciel aquatique, le choc est plutôt brutal… Tête contre tête, je m’écroule par terre à moitié sonnée.

Il me faut plusieurs très longue secondes pour reprendre un semblant de mes esprits et chercher la cause de cette vive douleur à la tête. Une jeune femme est là également à terre. J’essaye me lever mais chancelle la tête me tournant violemment… Je me demande bien pourquoi je rêve d’une telle jeune femme… De Carciphona, cela serait compréhensible mais d’une inconnue. Même s’il ne s’agit que d’un rêve, je m’excuse.

Désolé, je ne regardais pas où j’allais… Vous allez bien ?

La tête encore tournant, je me concentre sur la femme. Grande, avec de jolis traits… Assurément à mon goût si j’était encore dans ma phase d’adolescence à la Capitale.

C’est fou comme notre tête est capable de reproduire des traits caractéristiques de sa personnes chez d’autres protagonistes d’un rêve. Sa chevelure aussi blanche que la mienne n’est pas chose si fréquente. Sonnée l’une et l’autre, elle s’amuse de ressentir de la douleur dans un tel monde onirique. Je ris également.

Qui sait ce qui peut exister dans les rêves ? Pourquoi ne pourrait-on pas faire l’expérience de la douleur même dans un rêve ?

Je prend la main tendue de la femme pour m’aider à me relever. Debout ma tête tourne encore un peu mais cela reste supportable.

Rien de bien méchant, juste la tête qui tourne après le choc.

Je lui sourit, cela aurait été le comble d’en arriver au point de se casser quelque chose dans un monde purement onirique. Maintenant que nous sommes toutes deux debout, je lui tend une main forcément maladroite avec la tête qui me tourne encore un peu. Même en rêve, les réflexes professionnels sont toujours là.

Enchanté de vous rencontrer, je m’appelle Lin et vous ?

Si on s’est cognée, c’est que je dois découvrir quelque chose avec elle. Enfin, je pense que c’est comme ça que marchent les rêves… Je m’écarte de quelques pas sur le côté, entraînant mon interlocutrice avec moi en voyant une raie abyssale arriver dans son dos en flottant juste au-dessus du sol.

Il est vrai qu’habituellement expérimenté la douleur en rêve cause le réveil mais là, pour une raison inconnue, cela ne semble pas être le cas… Mon interlocutrice se perd dans une tentative d’explication alchimique à cette étrange réaction de mon rêve. Franchement, c’est moche de rêver du travail même si ce n’est pas mon travail. Il faut vraiment que je mette ma tête un peu plus au repos. Après m’être présentée, elle fait de même. Je hausse un sourcil lorsqu’elle fait remarquer sa joie de me rencontrer ayant entendu parler de moi pour me talents d’enchanteresse. C’est pas que ça me déplaise que ma tête me complimente mais ça fait bizarre de s’auto-complimenter comme ça… Difficile de me dire que je puisse être connue au point que mon prénom seul et mon apparence suffisent à ce qu’on sache qui je suis. Pourtant, ce qu’elle affirme par la suite jette un blanc dans ma réflexion. Son rêve ? Alors là, ça devient carrément bizarre…

Si c’est votre rêve et le mien en même temps, cela n’est pas un peu étrange quand même ? J’ai entendu parlé de pastilles étranges qui pourraient causer des choses comme celle-ci mais je n’en ai pas prise, enfin pas à ma connaissance…

Tout cela est bien étrange mais puisque nous en sommes là, autant profiter de la situation… Reprenant la promenade au milieu des créatures aquatiques et de la ville engloutie, nous devisons. Nema partage avec moi ses craintes des vagues tandis qu’elle se sent bien ici.

Je dois avouer que je n’ai jamais vraiment eu peur de l’eau. Ayant passée toute ma jeunesse à la Ville Aquatique, cela vaut mieux. J’ai pour ma part plutôt peur de l’obscurité depuis quelques mois… Mais parlons de choses plus intéressantes, vous avez dit me connaitre de réputation mais j’avoue ne pas pouvoir dire la même chose en retour… Puis-je savoir dans quelle spécialité vous exercez ?

Je suis loin de connaître l’ensemble des enchanteurs de la Capitale et encore moins d’autres artisans dont les professions sont plus ou moins éloignées de la mienne. Tandis que nous discutons, une ombre passe au-dessus de nous. Je lève la tête, curieuse de voir ce qui nous surplombe. La faune marine est si vaste qu’il s’agit sûrement d’un gros poisson. Je m’immobilise à la vue des écailles caractéristiques… Je les connais car chacune de leurs apparition provoque un branle-bas de combat dans ma ville. Ces créatures sont rares mais particulièrement dangereuses… Il est dit qu’ils pourraient détruire le dôme magique de la ville s’il leur prenait l’envie. Rien que ces pattes armées de griffes m’inspire la plus grande des prudences… J’incite Nema à également lever les yeux au ciel.

Je pense que l’on devrait se mettre à l’abri, qu’en pensez-vous ?

En rêve ou en réalité, je n’ai pas envie de croiser ces monstres… C’est bon pour Carciphona ce genre de choses, pas pour moi.

Une alchimiste, c'est génial ! Depuis le temps que je cherche un alchimiste compétent pour mes travaux de recherche et mes créations. Habituellement, je crée les solutions nécessaires moi-même mais ce n'est pas ma spécialité. Je suis certaine de ne pas tirer le maximum de puissance de mes solutions, mes produits même s'ils sont de qualités ne sont certainement pas traités dans les règles de l'art. Un alchimiste sera plus à même de me permettre de tirer le maximum. Apres tout, c'est sa spécialité.

Il faudra que nous en discutions de vive voix, vos services d'alchimiste pourrait m'intéresser hors de ce monde onirique.

Un petit voyage à la Capitale va s'imposer. C'est Carciphona qui va être heureuse que je vienne la voir. L'ombre attire notre regard. Un Tanhiwa… tout sauf une créature que j'ai envie de croiser en tant normal. Mais dans ce monde tout a fait irréel, la rencontre me semble très intéressante. Mais Nema n'a pas l'air du même avis. Elle m'entraîne à vive allure entre les rues puis dans une maison. Je lui sourie lorsqu'elle s'excuse de nous avoir éloigner de la menace.

Il n'y a pas de mal, c'est normal face à une créature comme celle-ci.

Je passe la tête à l'extérieur pour regarder où est le fameux monstre. Même d'ici, je peux sentir son électricité dans l'air/eau. C'est extraordinaire une telle puissance magique.

C'est génial ce monde onirique, vous croyez que ce monstre est identique au vrai ?

Si c'est bien le cas, ce sera une chose géniale. Je pourrais étudier la magie des créatures en toute liberté et sans aucun risques. Carciphona sera certainement mécontente si je lui dit qu'elle pourra pas aller chasser des monstres pour moi.

Ces pilules marchent comment ? On peut les utiliser sans risques ?

Mon entrain reprend le dessus. Mes recherches personnelles sont une vraie passion. Une pierre pour deux coups. Ca m'aide à dormir et j'étudie le lien entre Magie et Vie du Royaume.

Cela me semble bien intéressant tout ça, s’il suffit de rêver pour étudier la magie des plus dangereuses créatures du royaume sans courir le moindre risque, je suis partante. La discussion dévie rapidement vers des aspects plus scientifiques que la simple créature qui flotte tranquillement au-dessus de nous. Elle a raison sur ce point, nous ne savons pas ce qui gouverne cet espace onirique. Je doute que Lucy ait quelque chose à voir avec tout ça, nous ne sommes pas si importantes que cela. La déesse de la chance a certainement autre chose à faire que de se préoccuper de nous. Il doit bien y avoir un moyen de contrôler le sujet du rêve…

Peut-être que l’on ne contrôle consciemment que le sujet du rêve, il y a bien des gens qui affirment arriver à contrôler leurs rêves. Peut-être est-ce la seule chose que nous pouvons contrôler à la base...

Cela me semble une chose à creuser mais cela risque d’être compliqué si je n’arrive pas à dormir sans être arrivée au point de m’écrouler. Je l’interroge sur les pilules, peut-être qu’elles pourraient être une solution à mon problème de sommeil… Un pis-aller mais il faut bien que j’essaye des choses pour passer outre la peur autrement que d’utiliser mon pouvoir pour m’assommer… Et clairement, ce qu’elle m’explique n’est guère réjouissant pour mon problème… Cela pourrait être intéressant de temps en temps avec Carciphona par contre, cela nous ferait du bien de nous retrouver pendant les temps où nous sommes loins l’une de l’autre.

Cela me semble bien dangereux d’en utiliser régulièrement… Mais ponctuellement, ça pourrait être intéressant avec une amie à moi, vous sauriez en fabriquer ? Mais la question qui me vient est comment se fait-il que nous soyons connectées ? Je n’ai rien pris moi…

Rien du tout, enfin pas consciemment en tout cas… Mais ma réflexion est interrompu par un craquement assez inquiétant ainsi qu’une vibration du mur contre lequel je m’appuie. Je passe la tête par la porte avant de revenir vers Nema horrifiée.

On peut être blessé ou mourir dans ces rêves ? Parce qu’on a un problème, un gros problème même…

Il ne faut qu’un instant pour que les choses commencent à dégénérer. Les murs commencent à fissurer et des morceaux tomber du plafond.

Le tanhiwa a décidé de câliner le bâtiment… Ses écailles doivent le gratter !

Enfin, on s’en fiche à vrai dire. Je la prend par la main pour qu’on se tire de là avant de finir écrasé par un tanhiwa un peu trop affectueux.

Les premiers dégâts sur le bâtiment sont assez inquiétant pour me pousser à m’interroger sur l’impact d’une blessure ou même de la mort sur notre conscience réelle. Certains disent que les rêves ont un impact significatif sur notre personne alors que nous sommes inconscient de cette réalité alors je me demande ce que cela causerait à notre psyché consciente maintenant… Nema ne souhaitant également pas tenter l’expérience et en découvrir les effets, nous prenons la fuite avant que la cela ne nous soit plus possible. On se précipite à l’opposée de notre entrée sans se demander s’il y aura une sortie par là. Sortie inexistante finalement si l’on ne considère que les portes comme des sorties. Mais il en faut plus pour nous arrêter. La fenêtre fera très bien l’affaire compte tenu que de plus en plus de débris commencent à tomber à l’intérieur, rendant trop dangereux un demi-tour. Carciphona serait certainement fière de moi si elle me voyait sauter sans crainte par l’ouverture. Une vraie aventurière onirique… Il faudra juste que j’achoppe le moment où je me rate, tape mon pied contre la bordure et me ramasse lamentablement de l’autre côté du mur.

ça va, tout va bien !

Réflexe de la jeune femme mal à l’aise de s’être vautrer en beauté, j’annonce que je vais bien. Je souris quand même à l’alchimiste qui s’interroge sur la teneur de ce rêve. Je suppose qu’il s’agit d’une question purement rhétorique et n’y répond pas, préférant me concentrer sur son commentaire sur notre prochaine cachette. Pas de bâtiments, cela est trop risqué avec le Tanhiwa qui semble vouloir renverser les construction comme des châteaux de cartes.

Essayons de trouver une grotte sous-marine alors.

D’abord, on doit s’éloigner du monstre avant qu’il ne décide de changer de plan ou de nous prendre en chasse tout simplement… Avisant une rue s’éloignant de notre position à l’opposée du monstre, j’entraine l’alchimiste à ma suite. L’air de rien, à voir Carciphona faire plusieurs fois, j’ai appris plein de choses… Je guette les ombres surveillant que rien ne va en bondir pour nous attaquer et tenter de nous dévorer tout en courant vers ce qui me semble une falaise sous-marine visible bien plus loin. C’est là que nous aurons le plus de chance de trouver une grotte. Soudain, quelque chose craque et l’eau se met à trembler. Je me retourne pour voir le bâtiment s'effondrer. Et surtout entrevoir quelque chose de vraiment effrayant. La déformation du champ de vision… J’ai déjà vu ça autour de la ville Aquatique. Un mouvement d’eau puissant, comme une bourrasque d’air. Une lame de fond qui emporte tout sur son passage… Raffermissant ma prise sur la main de Nema, je me prépare à l’inconnu qui va nous frapper.

Face à la menace, Nema est beaucoup plus réactive que moi. Moi, je reste planter là à attendre que cette vague sous marine me frappe et m’emporte terrifiée par ce phénomène. Mais elle, elle agit me projetant au sol sans aucune douceur pour ensuite s’allonger sur moi. Puis la vague nous frappe… Tout se passe si vite… J’ai d’abord l’impression d’être soulevée par l’eau comme une fétu de paille avant qu’elle ne m’écrase sur les sédiments du fond marin. La sensation est loin d’être agréable surtout que l’alchimiste m’écrase de son corps, certainement pour me protéger… Protection qu’elle paye fortement lorsqu’un débris flottant la cogne violemment à la tête. Même si je n’ai pas été frappée, la douleur qu’elle doit ressentir se répercute dans ma tête. Le monde devient flou et s’efface lentement… Tout disparaît : le tanihwa, la ville sous-marine, Nema.

Puis un sursaut de douleur qui me tire de mon sommeil comme une douleur fantôme tirée de mon rêve conscient avec l’alchimiste. Réveillée en sursaut, j’ai du mal à reprendre mon souffle après ce dernier événement du rêve. Misuto me regarde du haut de son perchoir ne comprenant pas pourquoi je l’ai réveillé avec mon boucan en plein milieu de la nuit.

Rendors-toi Misuto, ce n’est rien…

Rien, plus ou moins on va dire. Je viens de vivre une expérience étrange avec une parfaite inconnue peut-être tirée de mon inconscient trop fertile pour une raison inconnue. Et l’unique hypothèse semble aller vers le fait que l’on m’ait droguée pour en arriver là. Par acquis de conscience, je quitte mon lit pour faire le tour de la maison cherchant d’éventuelles traces de cambriolage.