Après des jours passé à travailler sur le monument magique de la Ville Aquatique, j’en viens vraiment à me demander si j’arriverai à déchiffrer cette magie pour la recréer. Bien que j’émette des hypothèses sur la signification de tel ou tel symbole constituant la rune, je n’ai aucun moyen de les vérifier. C’est à la fois frustrant et stimulant car il faut trouver un moyen de tester les hypothèses. C’est une activité nouvelle pour moi d’étudier une magie ancienne, je comprend ce qui passionne certains enchanteurs dans cette activité. Il y a tellement à découvrir grâce à cela. Mais pour le moment, cela me prend trop la tête et je dois m’occuper de mes commandes. Pour pouvoir continuer de travailler sur mes recherches, j’ai besoin de ces revenus.

Plongée dans la création d’une rune permettant de simplifier le filage de la laine en fil pour une artisane de la Ville, mon collier jumeau émet une douce chaleur. Carciphona communique assez régulièrement comme ça depuis notre expédition à Labyrinthia et surtout la “dispute” qui s’y est déroulée. Je ne sais pas si elle m’a vraiment pardonnée, j’ai vraiment dérapée à partir du moment où K’awill m’a dit qu’elle avait roulée dans l’herbe avec quelqu’un d’autre. Je lui ait fait mal pour des bêtises… Elle n’est pas revenue me voir depuis… Je sursaute lorsqu’une voix retentit juste dans mon dos. Mon coeur manque deux ou trois battements tandis que ma main dérape laissant un grand trait épais sur le schéma de ma rune, trait du genre irrattrapable… Moitié morte après une peur pareille, je me retourne prête à crier sur la personne qui m’a fait perdre un travail minutieux et plus d’une heure de travail. En me retournant, je reconnais Carciphona… L’envie de hurler et châtier l’inopportune immédiatement passée, un sourire chaud remplace mon expression sérieuse et méchante.

Carci…

Elle me prend dans ses bras et m’embrasse sans attendre. Surprise par tant d’affection, il me faut une bonne seconde pour passer mes bras autour d’elle et la serrer tendrement contre moi. Cela m’a manqué depuis le temps.

Cela faisait si longtemps, j’avais peur que tu me fasses la tête depuis la dernière fois…

Je me sépare d’elle pour commencer à ranger mes travaux dans le casier sécurisé caressant la tête de K’awill au passage. J’avais prévu un passage au Marché aux Coraux, cela tombe parfaitement que Carciphona soit là pile à ce moment. Une gentille artisane pour qui je travaille tient une boutique de vêtement là-bas. C’est l’occasion d’aller y faire un tour avec mon aventurière adorée.

Tu tombes bien, nous allons au Marché aux Coraux. Je voulais me rendre dans une boutique de vêtement tenue par une cliente. Je ne sais pas ce qu’elle vend mais ça sera amusant d’essayer. Laisses tes sacoches ici, elles seront en sécurité.

Je ne sais pas vraiment ce qu’elle vend comme vêtement mais je suis certaine que l’idée de faire une petite sortie dans une boutique comme cela ne déplaira pas à l’aventurière. Tout rangé à sa place, j’attrape Carciphona par le bras et l’entraine avec moi jusqu’à l’entrée. Main sur la porte, j’appelle mon Ribec.

Misuto ! Misuto, où tu te caches ? Je pars sans toi si tu ne viens pas ! Ce coquin doit être encore en train de se disputer la meilleure place tout là-haut avec Spacio.

L’oiseau au plume blanche fait finalement son apparition et se pose sur mon épaule comme un perroquet de pirate. Je lui propose ma main comme perchoir pour le montrer à ma compagne.

Il est tout beau maintenant, il a bien grandit. Aller, tu vas tenir compagnie à K’awill aujourd’hui.

Je l’incite à se percher sur la tête de la loutre. Ils sont mignon tout les deux comme ça. Misuto avec nous, nous partons du laboratoire en direction du Marché. Celui-ci n’étant pas très loin du quartier d’étude magique, nous y arrivons rapidement. Je m’immobilise devant la boutique de ma cliente “Au bout de tissu”. Je hausse un sourcil en voyant quelques vêtements en ouvrant la porte. Qu’est-ce que c’est que ces petits bouts de tissus qui n’habillent rien du tout ?

Arrivées devant la boutique, j’ai un moment d’hésitation en regardant les vêtements visibles de l’extérieur… Ce n’est pas du tout, mais alors pas du tout mon truc. Cela fait bien rire l’aventurière qui m’en fait la remarque avec la gestuelle qui va avec. Comment je pouvais savoir que ma cliente créé CE genre de vêtements ?! Je lui ai juste promis de venir faire un tour à sa boutique un jour. Pour ne passer pour la fille terne et ennuyante, je redresse le menton et lâche d’un ton condescendant :

Cesses tes bêtises.

On est en pleine rue après tout. J’aurai peut-être dû m’abstenir car elle m'entraîne à l’intérieur avec amusement tandis que je commence à appréhender cette sortie dans la boutique de ma cliente… Ce n’est pas Melody qui nous accueille. Cette femme n’est pas des plus distinguée mais je suppose que cela colle avec le style de vêtements vendus ici… Jamais je n’aurais cru que Melody puisse créer ce genre de choses. Elle qui semble si innocente et calme. Il va falloir que je revois ma façon de catégoriser les gens… Je profite que Carciphona s’intéresse à une tenue pour interroger la femme sur la présence de ma cliente. Manque de chance, Melody est à son atelier aujourd’hui et non à la boutique. Inutile de dire que j’aurai préférée qu’elle soit là. J’ai plus confiance en son talent pour me trouver quelque chose qui me corresponde qu’en cette personne débraillée… Tandis qu’elle s’occupe un peu de l’aventurière, je fais un petit tour des présentoirs. Il y a des petites choses intéressantes quand même. Tout n’est pas si olé-olé comme le dit la jeune femme… Jeune femme dont je n’arrive pas à remettre son nom dessus…

Melody, la créatrice est une nouvelle cliente. La curiosité fait que j’avais envie de venir voir ce qu’elle crée exactement. Si j’avais su, jamais je ne t’aurais emmener ici, tu manques de formes pour tout ça.

Juste retour pour sa petite plaisanterie devant la boutique, je lui montre ses tous petits seins. Je lui tire la langue juste au moment où la vendeuse revient avec plusieurs tenues à faire essayer à l’aventurière. Je fais un petit coucou lorsqu’elle se fait embarquer pour un essayage bien décidée à la laisser seule à essayer ces tenues presque indécentes. Mais la vendeuse ne semble pas l’entendre de cette oreille… A peine l’autre femme dans l’espace d’essayage, elle revient vers moi et m’entraine pour jeter un oeil aux créations de Melody.

Alors, qu’est-ce que vous aimez ma chère ?

Un simple “euh” m’échappe… Je n’ai jamais vraiment cherché à penser à tout ça. J’ai toujours gardé le style de tuniques que je portais chez les Soeurs. Et les rares fois où cela était nécessaire, j’ai laissé les couturières avec qui je travaille depuis longtemps faire les choix à ma place.

Je vois… Vous êtes du genre indécise, c’est pas grave. On va trouver ce qu’il vous faut.

Il ne lui faut pas bien longtemps pour faire le tour de la boutique en alternant “ça”, “et ça”, “non,pas ça”... Au final, j’ai l’impression qu’elle porte une montagne lorsqu’elle revient vers moi pour me pousser en direction du second espace d’essayage. Elle entasse les vêtements en quatre tas bien ordonné en m’indiquant d’essayer chacune. La vendeuse repartie, je regarde les tas… Qu’est-ce que je fait ici moi ? Dépitée, je commence l’essayage. Je n’enfile même pas la première, trop vulgaire à mon goût. La seconde est mieux mais je n’aime pas le rouge du haut… La troisième n’est qu’une tunique comme j’en ai plusieurs à la maison. Je soupire en enfilant la dernière tenue, une robe digne de celle que l’on porterait à une réception du gouverneur. Chose que j’éviterai de toute façon si l’occasion se présentait. Elle est quand même jolie. Ne couvrant qu’une seule épaule, elle est fendue presque jusqu’en haut de la cuisse. C’est un peu trop pour moi mais ça reste acceptable comparé à la première tenue… Alors que je m’apprête à retirer la robe, j’entend que la vendeuse se vante de ses propositions à une autre personne. Surement cette jeune femme qui est entrée en même temps que moi. Avec un soupire, je pousse le rideau vu que l’on semble m’attendre. Je dois bien dire que la jeune femme est plutôt jolie dans cette robe courte noire de jais. Elle manque peut-être un peu de poitrine pour le côté femme fatale en taverne de luxe de la robe.

Vous êtes plutôt jolie vous aussi.

Pour le coup, j’ai l’impression que cela colle parfaitement à son caractère mais impossible de dire d’où vient cette certitude. Pour l’essayage, j’ai retiré mes bijoux mais je remarque qu’elle possède le même collier que moi. Elle me propose de me donner son avis sur ma tenue et pourquoi pas de continuer le shopping ensemble. Je réfléchis un instant, j’ai encore du travail au laboratoire mais cela peut attendre… Pourquoi ne pas s’amuser un peu pour une fois ?

Pourquoi pas, ça passera le temps. Joli tatouage, ce sont des runes magiques ?

On dirait les mêmes runes que j'emploie durant mes enchantements magiques. Puisqu’il est acté qu’il faut donner son avis, je m’approche de la jeune femme. Je lui tourne autour un instant avant de jouer le jeu de la taquinerie.

Dommage qu’il manque un peu de forme par là et là.

Joueuse, je l’attrape par les hanches pour montrer qu’elle manque de forme à cet endroit puis pointe sa poitrine minuscule.

C’est ça d’être aventurière, tout dans les muscles, rien là où il faut.

Je taquine bien entendu même si je ne comprend pas trop d’où me vient cette certitude qu’elle est aventurière.

J’ai donc vu juste, ce tatouage est un enchantement magique. Mais il est porteur visiblement d’un message également. Message que son enchanteur ne lui a jamais traduit. Cela me semble bien amusant de mettre mon nez là-dedans, je pourrais peut-être même trouver qui a fait ce tatouage pour taquiner mon collègue. C’est une forme de jeu qui se met en place lorsque plusieurs enchanteurs communiquent souvent ensemble, on en vient à se taquiner les uns les autres en s’amusant à essayer de découvrir sur quoi chacun à travailler.

Je pourrais mais peut-être pas ici, il faut un peu de temps pour les déchiffrer.

Je la taquine un peu sur ses formes peu marquée. Au fond, je ressent l’envie de la taquiner là-dessus comme un juste retour mais sans réussir à expliquer pourquoi… Je ris lorsqu’elle se défend tel une enfants qui se rassure avec de vaines pensées. Un globou, c’est petit, mais c’est pas mignon, c’est répugnant ! Affirmation réfutée. Elle tente une diversion en revenant sur le sujet de son tatouage lâchant quelques informations sur l’enchanteresse à l’origine de ce message.

Mais oui, je vais te les lire, mais seulement si tu offres le chocolat pour accompagner mon travail.

Dommage, des enchanteresses sexy et mystérieuse, je ne crois pas avoir ça dans mon carnet d’adresse… Peut-être Maklemore mais je ne sais pas si elle travaille en dehors du palais. Elle n’a pas besoin de ce genre de commerce pour vivre vu que la Couronne la rémunère pour travailler au palais. C’est dommage, une occasion de taquiner un collègue qui s’envole… L’intervention de la vendeuse casse un peu ce qui se construisait entre nous mais que pouvait-on attendre d’autre d’une vendeuse dans une boutique vulgaire ?

C’est pas mal mais j’ai déjà ce qu’il me faut pour les extrêmements rares sorties où une robe s’impose…

J’ai toujours la robe qu’Ariel m’a créée pour le bal du festival du solstice. Je l’aime bien, originale et en même temps classique. Je trouve qu’elle me va bien au teint. La vendeuse fait un commentaire étrange et se comporte bizarrement avec l’autre fille. Tout ça est bien étrange mais je me dis que c’est encore une fois l’étrange lubie d’une vendeuse excentrique. Vendeuse qui verse maintenant dans le vulgaire en voulant me tripoter. Je fais un pas en arrière en essayant de chasser la main qui se tend vers moi. Mais l’aventurière est plus rapide. Avant que j’ai pu la remercier, elle se fond en excuse cherchant un prétexte bidon pour justifier son action tout à fait légitime de mon point de vue. Cela m’aurait embêté de devoir faire exploser la boutique de ma cliente pour faire comprendre à cette femme que je ne goûte pas ses petits jeux. Je soupire quand elle repart avec ses commentaires sur le fait que nous soyons là ensemble. Mais on ne se connait pas. Je lui ferai bien rentrer ça dans le crâne à coup de bille explosive… Rien de plus agaçant que les gens qui écoutent rien à ce qu’on leur dit. Mais elle me colle quand même un doute avec son histoire de potion d’oublie. ça pourrait expliquer des choses et des pressentiments mais ce n’est absolument pas mon genre de faire ce genre de choses… Qui serait assez idiot pour tenter une expérience comme ça ? C’est un coup à s’engueuler parce que l’un à foiré quelque part… Définitivement, faut pas être très malin pour jouer à un tel jeu. Face au regard de l’autre femme, je hausse les épaules. Cette vendeuse doit-être un peu dérangée pour lancer de telles idées et essayer de tripoter les clientes.

Bon, on va se faire ce chocolat pour traduire vos runes ?

On ne va pas se laisser abattre pour si peu. Je passe dans l’espace d’essayage où m’attendent mes affaires et me rhabille. Il ne faut pas longtemps avant que je sorte de la boutique attendant l’autre cliente à l’extérieur. Patientant à l’extérieur, une loutre géante vient s’assoir à côté de moi avec un petit ribec posé sur la tête. Ils attendent là en me regardant comme s’ils m’attendaient ou voulaient quelque chose. Lorsque l’autre femme sort, je lui propose de se rendre dans un café sympa que je connais dans le Marché. Et pendant que l’on marche, les deux animaux nous suivent sans faute. Au bout d’un moment, je montre les deux monstres du doigts par-dessus mon épaule.

Ils sont à toi ces deux là ? Parce qu’ils nous suivent depuis tout à l’heure.

C’est sympa qu’elle se balade avec ses familiers.

Je ris un bon coup lorsqu’elle m’avoue avoir cru que les familiers étaient les miens alors que moi, je pensais qu’ils étaient à elle. S'ensuit un échange iréel entre la loutre et la jeune femme. Je savais que certains familier développe la capacité de parler comme des humains mais c’est bien la première fois que je vois ça en vrai. La loutre est persuadée que ma nouvelle amie est sa maîtresse mais elle, elle ne semble pas du même avis. La pauvre bête semble au bord des larmes après quelques échanges. On dirait un mignon petit loutron comme ça. J’imite l’aventurière et flatte l’encolure de la loutre qui semble y prendre beaucoup de plaisir. Je me demande si son vrai maître n’a pas essayé de se débarrasser de son pauvre familier avec de la magie… Lorsqu’elle propose qu’on les emmène avec nous, j’acquiesce. Après tout, on ne va pas laisser deux petits familiers comme ça divaguer dans les rues… On reprend notre route vers le café où l’on pourra se poser pour étudier les runes de l’aventurière.

Vous pensez que leur vrai maître aurait pu utiliser la magie pour s’en débarrasser en les embrouillant ? Je trouverai cela vraiment détestable comme acte.

Si j’avais un familier, j’aurai honte de faire quelque chose comme cela. On aime son familier ou nous n’en prenons pas, c’est aussi simple que ça. Mais je sais que certains font du mal à leur partenaire, et ceux-là ne mérite que le bûcher pour un acte aussi détestable. Sans crier gare, le Ribec vient se poser sur mon épaules m’arrachant un petit cri de surprise. La surprise passée, je parle à l’oiseau.

Tu es un coquin toi…

Sans vraiment penser à le renvoyer sur la tête de la loutre, je le laisse là perché sur mon épaule. Cela semble lui plaire donc autant le laisser là. Approchant du café, je réagit au fait que les deux familiers n’auront pas le droit d’y entrer avec nous. Je me demande si cela est une bonne idée de les laisser seuls à l’extérieur… Mais après tout, ce ne sont pas les nôtres, ils retrouveront peut-être leur maître entre temps. Devant l’entrée, je repose le ribec sur la tête de la loutre reformant le curieux duo. La Loutre et le Ribec, voilà qui ferait certainement le bonheur de n’importe quel créateur d’histoire rocambolesque. Habituée des lieux, j’entre et m’installe à une table choisissant une banquette pour le confort. Entamant la conversation, je décide qu’il est peut-être temps que l’on se présente en bonne et due forme.

Nous ne nous sommes pas vraiment présentées je crois. Je m’appelle Lin, enchanteresse.

Je sais qu’elle est aventurière, cela me semble un juste retour de lui donner ma profession. Et puis, elle pourrait devenir une cliente, sait-on jamais. Chocolatine ne tarde pas à faire son apparition pour prendre notre commande.

Bonjour Lin, ravie de vous revoir avec votre amie. Qu’est-ce que je peux vous servir aujourd’hui ?

Je hausse un sourcil à la mention de mon amie avec qui je serai déjà venue vu la tournure de sa phrase. Mais pour autant, je me contente de commander un chocolat chaud, le meilleur de toute la Ville Aquatique, ainsi qu’une brioche feuilletée.

Installées à une table, Chocolatine est rapidement à nos côtés pour prendre nos commandes. Déstabilisée, j’écoute ce qu’il se dit entre Chocolatine et mon interlocutrice. Non seulement, la serveuse semble reconnaître en nous deux habituées du café qui viennent ensemble. Et en plus, elle affirme que les deux familiers sont bels et bien à nous. Tout ça est bien étrange et commence à me filer un mal de tête. Au final, la loutre a gagnée un petit gâteau dans l’opération donc je suppose qu’elle doit s’en pourlécher les babines. Chocolatine repart aussi rapidement qu’elle peut pour aller préparer nos commandes. Laissant ainsi l’opportunité à la zébre de se présenter. Carciphona, c’est effectivement un prénom bien long comparé au mien, je comprend donc pourquoi elle semble si pressée qu’on l’appelle par son diminutif.

Eh bien Carci, je dois dire que je ne me suis jamais posé cette question. Mon nom est trop court et j’ai l’habitude d’appeler tout le monde par son prénom complet. Déformation professionnelle dira t-on.

Pas d’attaches avec les clients, cela évite bien des ennuis. Un client qui pense être un bon ami est un client à problème. La jeune Chocolatine ne tarde pas à revenir avec nos chocolats chauds et brioches, et le petit gâteau de la loutre. Après l’avoir chaudement remerciée, je reporte mon attention sur Carciphona qui s’empresse de revenir au sujet des runes inscrites sur son bras. Bien entendu, elle a fait le lien entre mon métier d’enchanteresse et ma capacité à lire les runes sur son bras. Mais elle continue en me livrant des informations sur son enchanteresse. Une enchanteresse officiant ici ou à Grand-Port, parfois temporairement à la Capitale. Je ne vois guère qui cela pourrait être…

A la Ville Aquatique ? Cela ne me dit rien, aux dernières nouvelles, je suis la seule enchanteresse dans le coin. J’ai fait le ménage dans la concurrence en venant m’installer ici.

Charlatans et mauvais enchanteurs ont rapidement plié bagages quand mon travail de qualité à commencer à se faire connaître moyennant une petite aide physique. Je souris quand elle me donne son petit biscuit accompagnant le chocolat. C’est une petite attention qui est agréable à remarquer. Je le laisse absorber un peu de la boisson avant de le prendre pour le manger faisant un clin d’oeil taquin à l’aventurière. Finalement, elle se décide à me tendre son bras tatoué pour que je puisse y regarder de plus près et traduire. J’écarte mon chocolat pour pouvoir me pencher un peu sur la table.

Voyons voir ça. Tu as une idée du type de message ?

Je trouve l’idée amusante. Ce n’est pas à faire sur n’importe qui mais c’est une chose intéressante pour attirer l’attention d’une personne particulière. Je garde ça en tête, cela pourra être utile un jour, qui sait. L’enchanteresse a un peu stylisé ses runes donc la lecture est un peu moins aisée. Du doigt, je trace les runes non stylisées sur sa peau pour mémoriser le schéma.

Alors alors… Cette partie là.

Je trace les quelques sigles correspondant à la dernière partie des écrits.

Je pense que cela correspond à votre personne. Juste avant, cela se traduirait par quelque chose ressemblant à “moi qui écrit”.

Toi et moi en sommes… Je finis par tracer la première rune et la plus complexe de la série.

Cette rune est tirée d’une rune plus grande permettant de stimuler la mémoire. Si je devais en faire une traduction, je dirais “souvenir”. En retravaillant le tout, on obtient “Souviens-toi de moi”...

Libérant le bras de la demoiselle, je prend mon chocolat pour boire un peu.

Cela n’a pas été une réussite visiblement.

Finalement, traduire cette rune n’est pas si compliqué, elle sont du même type que celles que j’utilise tous les jours. Cela m’a grandement facilité la tâche. Dessiner les runes sur son bras n’était pas nécessaire mais ça m’amusait de l’embêter comme ça. Je hausse un sourcil lorsqu’elle m’avoue ne pas savoir pourquoi elle se serait fait tatouer ça.

Nous autres enchanteurs pouvons être très taquins. Ne jamais laisser carte blanche à un enchanteur lorsque l’on se fait faire un tatouage magique, c’est une règle de base. Cela ne m’étonnerait pas que bon nombre d’habitants du royaume se promène avec des petites choses comme celle-ci.

Je ne fais pas ce genre de chose mais parfois, cela est désespérant de voir que les clients ne savent pas ce qu’ils veulent. C’est un peu un moyen de passer la frustration. Mais ce message est particulier, il semble vraiment être un message important, du genre un rappel d’un lien précieux. Enfin, c’est pour ce genre de chose que je tatouerai ça sur la peau d’une personne.

Je dirait plutôt qu’il s’agit d’un rappel de ce qui effraie celle qui a écrit ça.

Une certitude qui me vient d’un endroit complètement inconnu de ma conscience… Je ne sais pas d’où ça vient mais je suis certaine qu’il s’agit de cela. Pas une quelconque quête étrange digne de la Guilde des Aventuriers, pas très bon au demeurant. Depuis quand on trouve l’amour en courant le monde pour trucider les monstres. Ce ne sont que des histoires pour pousser les gamins à devenir aventuriers plutôt que d’avoir un métier plus stable. Combien de mère en pleurs je peux voir passer pour m’acheter de quoi calmer leur crise et dormir paisiblement après que leur enfant ait été tué par un monstre ? Beaucoup trop à mon goût… Même si cela me fait des clients faciles. Je trempe un morceau de brioche dans mon chocolat avant de le porter à la bouche réfléchissant à la récompense que je voudrais en échange de cette traduction. Si elle n’avait pas posée la question, je n’aurais même pas réclamer quoi que ce soit. Une traduction de runes, c’est rien mais si elle y tient, je vais bien trouver quelque chose.

Vous avez l’air d’une aventurière chevronnée, pourquoi vous ne reviendriez pas me voir lorsque vous voudrez un objet magique pour augmenter vos pouvoirs ? Vous me ferez un peu de publicité chez les aventuriers en utilisant mes créations magiques.

Voilà qui me semble une bonne idée, plus je vend de renforcement de magie, moins j’ai besoin de vendre de petits objets magiques pour financer mes recherches.

Mais pas de soucis, c’était un plaisir de t’aider dans ta quête millénaire remplie de danger et d’aventure.

Prenant ma tasse pour boire une longue gorgée, je la regarde par dessus l’objet.

Mais attention, un grand savoir implique un grand danger ! Qui sait ce qui est arrivé à cette personne pour que vous l’oubliez ainsi ?

Cela m’amuse de jouer sur ce créneau. Si elle croit en avoir fini avec sa recherche, ce n’est que le début. Comme disait mon maître : Savoir, c’est Pouvoir ! Finissant ma tasse sur cet entrefait, je lui propose de venir découvrir l’univers de la magie d’enchantement. Et pourquoi pas passer un peu plus de bon temps.