Vous avez toutes deux été conviée (chacune de votre côté) au vernissage d'un grand peintre du village perché. (Il peut faire parti de votre connaissance ou être une connaissance de connaissance, comme vous le souhaitez) Et vous voilà donc parti pour quelques jours dans le village perché. Vous avez toutes deux prit une chambre, comme par hasard, dans la même auberge et vous voilà sur la route du grand atelier.
C'est quand vous vous retrouvez en face de la salle d'exposition que vous avez un doute. C'est fermé et il n'y a personne. A part une jeune femme qui semble aussi perplexe que vous... Vous seriez vous trompé de date ? Pourtant vous êtes deux à être posté devant... Mystère.
Au moins, vous pouvez profiter pour faire plus ample connaissance !
Elle se mordit la lèvre inférieure et se dévissa un court moment le cou dans l’espoir d’apercevoir la moindre lumière entre les volets clos. Sa peine ne fut récompensée que par la noirceur environnante de l’intérieur et le silence sépulcral qui régnait sur l’endroit. L’exposition avait-elle été déplacée ? Reportée ? Personne ne l’avait prévenue ? Elle, juste elle ? Non, se corrigea-t-elle en apercevant la silhouette élancée d’une jeune femme qui s’approchait. Une autre victime s’était visiblement fait avoir par ce traquenard…
Elle recula de prime abord, curieuse de voir si l’inconnue allait agir d’une manière différente d’elle. Si cela se trouvait, il fallait rentrer quelque code spécial et invisible pour accéder à la véritable salle d’exposition, et cette inconnue avait toute connaissance de cette procédure secrète… Au bout de quelques secondes, Luz s’aperçut néanmoins que la belle avait l’air aussi perdu qu’elle. Alors, les sourcils de la praticienne se froncèrent progressivement, au fur et à mesure que les traits de l’inconnue lui revenaient dans un souvenir parsemé de champagne et de musique de bal.
Cette fois-ci, elle se fendit d’un sourire tout à fait franc. Quel heureux hasard ! Retrouver cette mystérieuse jeune femme plusieurs mois après la nouvelle année, et ce, à l’autre bout du continent… Et à une maudite exposition qui semblait les avoir toutes deux lâchement abandonnées. Elle désigna du pouce la salle close et expliqua dans un soupir :
EXPOSITION ANNULÉE
Rebecca a dû accepter, à contre cœur, de se rendre à une exposition d'une de ces connaissances au village perché. Comprenez la : son amie, la célèbre Paola Ruiza Picassa, l'a supplié à genoux de venir à son vernissage. Alors bon, déjà qu'elle n'a pas beaucoup d'ami, si en plus elle doit jouer la difficile, où va le monde ?
Son prospectus dans la main, la jeune femme marchait à travers les cordages du Village Perché. Ne voulant pas trop s'apprêter, elle n'était vêtu qu'un simple manteau léger noir et d'un pantalon de la même couleur. Pour le déplacement, Tagada l'accompagnait. La petite glooby adorait l'art en général, et sa maîtresse n'avait jamais encore eu le droit à une première d'exposition. Accrochée à son épaule, Tagada était folle, et n'arrêtait pas de sauter.
- Tu vas te ramasser, Tagada. Je récupère pas les morceaux moi.
Mais voilà, l'excitation du glooby redescendait devant les portes closes de l'exposition. Une jeune femme était là, également, à contempler cette magnifique porte en bois. Était-elle aussi conviée au vernissage ? Rebecca répondit à son "bonsoir" d'un hochement de tête. Reportant son attention sur les battants, elle cherchait une explication à cette fermeture. Paola n'a pas pu venir ? Non, elle l'aurait prévenue c'est sûr. Mais alors pourquoi ?
Sa contemplation fut interrompu par les paroles de l'autre personne. Le bal du Solstice ? C'est vrai qu'elle en avait un vague souvenir. Elle y était allée pour retrouver Arthorias, et de nombreux rebondissements l'ont conduis à devenir juge d'un concours de déguisement. Sa tête lui dit quelque chose. Ne l'avait-elle pas croisé autre part que pendant cette compétition ?
- Rebecca Hekmatyar. Je n'ai aucun souvenir de vous, par contre.
Elle la revoit dans quelques brides de mémoire. Une jolie femme en habit de dragon, si tout est exact. Mais cela ne va pas plus loin, Rebecca ayant perdue espoir de retrouver feu son mari dans une foule aussi grande.
- C'est ce que je vois. Si le vernissage avait encore eu lieu ici, les portes auraient dus être ouvertes.
Mais ça ne ressemble pas à Paola tout ça. Elle qui avait l'air toute contente pendant leur appel par cristal de communication, ne pouvait pas décider du jour au lendemain de tout annuler. Il a dû se passer quelque chose d'important.
- Descendons sur la place du village. Nous trouverons certainement des informations là-bas.
Mais elles n'ont pas eu le temps de faire le moindre pas que le battement de gauche se mit à grincer et à s'ouvrir. Une tête connue de l'aventurière passa à travers, les yeux injectés de sang.
- R-rebdéka ? essayait de dire la tête entre deux sanglots et un reniflement des moins sexy.
- Paola ? Pourquoi les portes ne sont-elles pas ouvertes ? Ou sont les visiteurs ?
La peintre ouvrit un peu plus la battant pour permettre aux des femmes de s’engouffrer à l'intérieur. Et quel intérieur, il aurait mieux fallu rester dehors...
Des dizaines de peintures, toutes déchirées. Certaines étaient au sol, baignant dans une mare de peinture verdâtre. D'autres reposaient encore sur leur socle d'exposition, mais pouvons-nous vraiment appeler ça des peintures ? Les magnifiques toiles de Paola Ruiza Picassa ont été vandalisé. Ça explique bien ces pleurs.
- Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ici ?
Luz eut un recul horrifié. La jeune artiste arborait un visage dans un état déplorable, quand bien même Luz ne la connaissait pas au naturel. La manière dont Rebecca l’apostropha, en revanche, mit la puce à l’oreille de la praticienne. Paola, comme la célèbre peintre Paola Ruiza Picassa qui avait renoncé à toutes proportions humaines et savamment dessinées pour se lancer à corps perdu dans les formes géométriques et les couleurs imaginées ? Du cubisme au surréalisme, l’artiste était connue pour ses élans émotionnels et n’hésitait guère à s’afficher autant dans la politique que dans des initiatives artistiques tout à fait inégalées et originales. Silencieuse et attentive, Luz suivie les deux amies à l’intérieur de la bâtisse.
Même la pénombre n’aurait su pleinement dérober à la vue inquisitrice des visiteuses le terrifiant spectacle de ces toiles déchirées. Naturellement compatissante et un brin curieuse, Luz s’accroupit près de l’une des toiles pendant que Rebecca tâchait de réconforter Paola.
Elle se tut en milieu de phrase et engloutit son visage dans un mouchoir d’ores et déjà recouvert de maquillage fondu.
Elle se redressa et se tourna vers les deux amies pour poser la question qui lui brûlait les lèvres :
Au regard perplexe qu’elles lui retournèrent, Luz enfouit sa main dans sa besace et en sortit la petite invitation cartonnée qui lui avait été envoyée. Celle-ci comprenait la date et l’heure du vernissage, exactement semblables à la présente exposition. Incrédule, Luz retourna l’invitation entre ses doigts et échangea un regard étonné avec Rebecca. Elle n’eut malheureusement pas le temps d’ajouter quoi que ce soit, que Paola serrait avec rage son mouchoir dans son poing fermé, une nouvelle inondation en perspective sur son visage.
Un silence s’appesantit l’espace d’un court instant sur le trio. Alors, doucement, Luz releva les yeux vers l’assemblée et sentit poindre l’once d’une hypothèse.
« J-j’sais pas… Une heure, une heure a-avant ? J-j’étais partie là, b-boire mon thénaumiel et… Et… »
« … Vous ne pensez tout de même pas qu’une erreur de programmation se soit produite et qu’il ait cherché à se venger ? »
Si tel était bien le cas, alors le coupable devait encore se trouver dans les parages… Elle avait peine à imaginer Vincente faire montre d’un tel coup de sang. Jalouser une collègue réputée, oui, probablement, mais saboter dix ans d’effort et de travail, lorsque l’on était soi-même peintre et que l’on connaissait le coût de telles toiles… ? Mais comment, dans le cas contraire, expliquer l’envoi de cette invitation pour le même vernissage, hormis qu’il s’agissait de celui de Vincente, et non de celui de Paola ? Pourrait-il s’agir d’un coup monté ? D’un fan un peu trop réactionnaire ? D’un amoureux éploré que Paola avait récemment éconduit ? Où était passé Vincente ? Luz se glissa subtilement aux côtés de Rebecca et tenta d’attirer son attention. Vu l’état de l’artiste, il n’était peut-être pas très utile de l’exciter davantage encore… A voix basse, Luz s’enquit de son avis :
EXPOSITION ANNULÉE
Rebecca essaye de consoler du mieux qu'elle peut la jeune peintre, en lui tapant dans le dos. Oui, ne jugez pas sa manière de réconforter les gens. Certains sont plus fort que d'autres. Alors que Paola expliquait à Luz ce qui c'était passé ici, l'aventurière regardait tout autour d'elle. Des dizaines de peintures massacrées, elle n'ose même pas imaginer le temps que cela a du prendre. Au moins autant de temps que pour faire pousser une plante, pour elle. Elle se lève et va discuter avec l'invitée.
- Ça fait longtemps que je ne l'avais pas vu. Elle c'était enfermée depuis plusieurs mois pour peindre. Je ne serai vous dire si elle a des ennemis. Mais sachez que le monde de l'art est impitoyable.
Sans nulle doute. De toute façon, tous les mondes sont impitoyable : celui de l'amour, du travail. Savez vous combien de personne Rebecca a dû réduire au silence pour avoir une place en tant qu'aventurière ?...Personne n'a été tué hein...personne...chuuut. La jeune femme retourne auprès de son amie, et lui demande d'expliquer la scène. La peintre jeta un regarde sur ses toiles, et se mit à pleurer encore plus fort que tout à l'heure.
- J'sais pas ! Je...je suis venue plus t-tôt pour v-vérifier que tou-tout aller bien...et quand j-j'étais en train de ve-venir, j'ai en-entendu des br-bruits sourds venir di-d'ici. Mes bébéééééééés !!! Mes bébés sont moooooooorts !!
- Je ne pense pas qu'on va pouvoir en obtenir plus de sa part. Fouillons un peu les environs, elle finira bien par arrêter de pleurer une fois qu'il n'y aura plus d'eau dans son corps.
Rebecca inspecta la partie droite de la pièce, tandis que Luz prenait la gauche. Mais malgré ses recherches, rien ne sortait de l'ordinaire, pour une exposition de peinture. Des pinceaux, encore cette peinture verte horrible, des chevalets retournés, et bien sûr les fameuses toiles du peinture Picassa. Néanmoins quelque chose attira son oeil : une trace de boue, face à un mur. Comme l'homme (ou la femme !) qui les portait était passé à travers. C'est un pouvoir des plus pratiques.
La porte du fond se mit à s'ouvrir dans le plus grand des fracas. Un vieille homme à la barbe grisonnante et au ventre rebondit rentre en trombe, suivis d'une dizaine de lunetteux tous avec un air plus intelligent les un que les autres.
- Mais qu'est-ce qu'il se passe ici !
- M'sieur l'organisateeeeeeeeur !!
- Pourquoi êtes vous en pleur, madame Picassa ? Et où sont donc les visiteurs ? (petit tour du propriétaire) et que s'est-il passait avec vos oeuvres ?
Après lui avoir expliqué la situation et exposé les trouvailles que les deux femmes ont pu trouver chacune de leur côté, l'organisateur resta coi.
- Je suis désolé, mais il est impossible que quelqu'un soit venu ici. Il n'existe qu'un seul jeu de clés pour ouvrir les deux portes de la pièce. Et rentrer et sortir grâce à la magie n'est également pas envisageable. (il montre du doigt le dessus des portes). Un système anti-magie, toute la pièce est concernée.
Rebecca n'avait pas fait attention, mais en ouvrant son manteau, son petit oiseau d'ombre avait bel et bien disparu. Le mystère s’épaississait, mais les deux femmes étaient-elles vraiment venus pour régler une telle affaire ?
Quelle affaire ! Et dire que vous n'étiez venu que pour profiter du vernissage, vous voilà improvisé détective... Au dessus de votre tête, un dispositif anti-magie recouvre toute la salle, seul l'organisateur et l'artiste possédaient les clés de la salle : comment diable un tel acte a-t-il pu avoir lieu ?
Vous pouvez en faire part à la garde, mais sans victime ou danger, il est peu probable qu'ils lancent une enquête pour quelques peintures. Si vous souhaitez aider la pauvre femme en larme il va falloir le faire par vous même.
C'est lorsque vous commencez à vous questionner qu'un grand fracas se fait entendre derrière une porte. Attenante à celle de l'exposition, il s'agit d'un tout petit placard, vous ne faîtes pas de détours et vous foncez sur les lieux mais en fin de compte vous ne trouvez qu'un tas de peinture au sol. Une peinture encore fraîche et des pots renversés : est-ce le bruit de leur chute que vous venez d'entendre ? Pourtant ils n'ont pas pu tomber tout seul ? Mais vous êtes entré par la seule porte de la pièce et vous n'avez croisé personne... même pas un chat...
Cependant, vous entendez encore un nouveau bruit : le bruit d'une porte qui claque. Mais cette fois ci provenant de la salle dans votre dos, celle de l'exposition, celle que vous venez de quitter. C'est à en perdre la tête ! En vous retournant, la porte principale est fermée, est-ce le vent qui l'a claqué ?
Mais en voulant la rouvrir vous notez qu'elle est fermé à clé... vous êtes enfermé dedans. Mais le petit homme secoue son trousseau avec fierté :
- Ne paniquez pas ! J'ai les clés.
Ne venait-il pas de dire qu'il possédait la seule paire de clé ? Dans ce cas, comment la porte a-t-elle pu être verrouillée ?
Le lieu était-il… Hanté ? Luz n’osait y croire. Elle jetait pourtant un regard mi méfiant mi anxieux sur les contours de l’atelier, s’attendant presque à voir surgir à tout instant le visage opiniâtre et déformé d’un vieux spectre sorti des pires décombres de leurs esprits. Oh, Luz avait son content de courage, mais faire face à quelque chose qu’elle ne pouvait ni percevoir ni toucher avait de quoi fortement la défriser. Elle préférait largement taper sur une bonne vieille créature tangible tout en échangeant quelques blagues sur les risques du métier. C’est donc avec un accent un brin trop pressé, qu’elle eut un geste d’humeur et chercha à pousser l’homme bedonnant à s’activer :
L’organisateur lui retourna un regard embrumé d’agitations, ses clés glissant même un bref instant de ses doigts potelés pour s’écraser au sol dans un véritable tintamarre. Luz retourna à sa compagne de (més)aventure un regard agacé et tâcha de s’assagir. Allons, le pauvre homme n’avait rien à voir avec ce vaste fiasco. Lui qui s’apprêtait à toucher les gains d’une splendide exposition se trouvait coincé dans une pièce visiblement habitée par une conscience intangible aux côtés d’intellectuels niaiseux, d’une artiste dramatique en pleurs et de deux illustres inconnues passablement irritées.
« Non ! »
Son cri avait jailli un brin plus fort que prévu. Il esquissa immédiatement un sourire d’excuse et récupéra ses clés au sol avant que la praticienne ne puisse s’en saisir.
Un peu plus, et Luz aurait juré qu’il cherchait à gagner du temps. Mais pour quoi… ? Sa réflexion s’arrêta là de son déroulé lorsqu’il ouvrit finalement les battants de la porte centrale et qu’un mystérieux courant d’air les parcourut immédiatement.
Bien trop électrisée par ce petit épisode de frayeur artistique, Luz démarra au quart de tour. Elle s’élança dans une splendide enjambée à la suite de la silhouette spectrale, tâchant de retenir son souffle comme à l’entraînement. Malgré sa course effrénée, elle ne parvint pas à rattraper l’étrange apparition qui eut tôt fait de se dissoudre brutalement dans les airs six rues plus loin… Luz manqua se prendre de plein fouet la branche d’arbre qui apparut brutalement à sa place et dut amorcer un dérapage contrôlé pour ne pas se fondre à l’écorce du tronc imposant. Bordel de… Plus aucune trace du fuyard. Aurait-elle sauté à pieds joints dans un traquenard, un tour de passe-passe destiné à les divertir et à les leurrer… ?
Un râle d’agonie sur les lèvres, elle fit donc demi-tour aussi rapidement qu’elle le put, tout en priant Lucy d’avoir accordé un meilleur cerveau que le sien à Rebecca… Pourvu que la jeune femme se soit montrée maline et n’ait pas foncé à sa suite dans ce qui ressemblait fort à une épouvantable distraction ! Une diversion, mais pour quoi ? Dans quel but… ? Luz songea qu’elle ne tarderait guère à le découvrir en constatant les visages sombres du petit groupe de personnes qui s’agitaient à quelques mètres dans la salle d’exposition.
EXPOSITION ANNULÉE
Tout ceci commençait à agiter Rebecca. Elle n'a jamais été fan des pouvoirs trop particuliers, surtout ceux qui vous rende fou. Et celui-là en faisait parti. Le bruit provenant d'un placard, puis la porte de la salle d'exposition qui claque. On pourrait croire que ce petit manège n'avait pour but que de les faire sortir d'ici, Luz et elle.
Et quand, enfin, l'organisateur ouvre la porte, celui-ci ne tardait pas à crier au loup. Sans se poser plus de question, Luz part en courant. Elle a de sacrés réflexes ! L'aventurière n'avait même pas fait un pas.
Et alors qu'elle allait courir à sa suite, un mouvement dans sa poche intérieur la fit s'arrêter net. Son oiseau d'ombre était de nouveau là, roulé en boule en train d'essayer de dormir. Mais comment cela est-il possible ? La pièce d'exposition n'est pas sous système anti-magie ?
Rebecca lève la tête vers les boitiers, et se rendit compte qu'ils ne brillaient plus. Mais à peine l'a-t-elle pensé qu'ils se rallumèrent, leur dangereux pouvoir fonctionnant de nouveau. Tout ceci devenait de plus en plus compliqué.
Luz revient enfin avec une mauvaise nouvelle. L'apparition n'était que le fruit de l'utilisation d'un pouvoir, rien d'autre. Un pauvre leurre magique. Ça devait être le maître de l'apparition qui a coupé le système anti-magie. L'aventurière explique ce qu'elle a trouvé.
- Je pense qu'on nous a fait sortir de la salle pour une bonne raison...mais laquelle ?
A côté d'elles, l'organisateur s’agitait de plus en plus, jouant de ses mains avec le trousseau. Il regardait à droite, à gauche, comme si sa présence -- ou celles des femmes -- dans ce lieu le rendait nerveux.
Luz allait lui poser la question, mais l'homme se mit à parler tout seul. Sa voix n'était pas forte, et un peu tremblante.
- C'est ici....c'est ici même qu'un massacre s'est produit...je suis sûr que c'est le fantôme d'une des victimes...
Rebecca aurait pu y croire, si elle pensait que les fantômes existent. Mais malheureusement pour lui, l'aventurière ne se défile pas. Tout le monde sait que les apparitions fantomatiques, les objets qui volent ou les possessions de corps ne sont dû qu'à un pouvoir.
- Il serait bête de croire que tout ceci soit la conséquence d'un mas-
Mais Rebecca n'a pas eu le temps de finir sa phrase. Une voix résonne dans la pièce, impossible de connaître la provenance. Celle-ci est roque et ne fait que rire. Un rire gras et lent, comme s'il se moquait des deux femmes.
Le rire continuait encore quelques secondes, avant de se volatiliser. "Comme vos amis". De quels amis parlait-il ? Puis, l'évidence vient frapper Rebecca en plein coeur. Comment a-t-elle pu ne rien voir ? Elle se retourne vers Luz.
- Paola n'est plus dans la pièce.
Elle pivota en tous sens sur ses jambes et jeta des coups d’œil hagards à la grande salle d’exposition. Tant de recoins dans lesquels l’artiste aurait pu disparaître ! Les cadavres de toiles ceignaient toujours la pièce d’une multitude d’ombres déchirées, et pour un œil affolé, deux traits de couleurs éventrées avaient tôt fait de prendre des allures de silhouette hostile en mouvement. Luz crut même entendre l’un des visiteurs pousser un glapissement ténu lorsque sa semelle heurta par hasard un pot de peinture laissé sur le sol… Ils arboraient du moins tous un large panel d’émotions, variant de la crainte à l’hystérie, et même pour certains, à une irritation profonde. Cette dernière émotion était particulièrement criante en cet instant sur le visage de l’organisateur, mêlée d’un savant mélange de nervosité croissante.
Luz plissa les yeux, et ses prunelles glissèrent rapidement sur le dispositif d’anti-magie qui avait été installé au sommet de la porte. Bien loin de l’efficacité des dispositifs détenus par la Garde elle-même, ces boîtiers n’étaient qu’un simulacre de cristaux conçus pour pallier aux situations d’urgence : ils n’étaient pas conçus en somme pour résister à des assauts physiques, raison pour laquelle il avait été placé en hauteur au-dessus de la porte principale, contre le plafond. Heureusement que la Garde veillait jalousement sur ses systèmes anti-magie, songea Luz. Cela évitait à n’importe quel civil de pouvoir déployer des dispositifs équivalents.
Elle s’empara pour sa part de l’un des grattoirs à peinture qui étaient tombés au sol à l’arrière du placard et se dirigea à grandes enjambées fermes vers la porte.
« Poussez-vous, laissez-moi faire. »
Elle le mit de côté sans ménagement et plaça la chaise gracieusement apportée sous la porte. Elle l’escalada d’une détente souple, et le regard déterminé, glissa immédiatement le grattoir entre le mur et l’installation, serrant les dents et tâchant d’arracher le système du mur. L’ossature du boitier grinça et sa lumière devint immédiatement tremblotante.
Elle s’immobilisa, et son regard glissa vers l’organisateur. Son visage était présentement tordu d’une moue hystérique et dépassée par les événements. Un très long couteau venait de surgir dans sa main, présentement glissé sous le cou d’un jeune homme sur le point de défaillir.
Il eut un signe désolé de la tête et raffermit sa prise sur le couteau.
Ce faisant, il pointa son couteau vers Rebecca, probablement dans un geste irréfléchi destiné à mieux assoir son ordre. Constatant qu’il ne lui prêtait plus guère d’attention pendant une brève seconde, Luz enfonça d’un coup sec et brutal son grattoir derrière le dispositif anti-magie, qui dans un « flop » peu élégant se détacha du mur et explosa en mille cristaux sur le sol.
Maintenant quoi ? Elle n’en avait foutrement aucune idée. Mais pourvu que sa compagne du moment se révèle plus ingénieuse et sorte un Fenrir de sa proche...
EXPOSITION ANNULÉE
Rebecca, curieuse de la suite des évènements, regarde et laisse sa collègue monter sur une chaise afin d'atteindre le dispositif anti-magie, au-dessus de la porte. Elle était forte comme femme, cette Luz....Elle sait commander, ne se laisse pas faire et en plus, n'a pas besoin d'aide.
Se plaçant derrière elle, pour un "au cas où", l'aventurière la regarde faire. Avec son manche à balais, la jeune femme commence à triturer le dispositif anti-magie.
« Arrêtez ! »
- Ne vous inquiétez donc pas, ce n'est qu'un petit gadget à 10 cris-
Mais en se retournant vers l'organisateur, celui-ci avait sorti un couteau qui tenait sous la gorge d'un de ces employés. Ah, et bien voilà. Encore une situation qui avait échappé à Rebecca.
« Vous allez tous gentiment suivre mes ordres ! Et vous deux, satanées parasites ! Les mains bien en évidence ! »
Pointant son couteau dans sa direction, l'aventurière leva les bras en signe d'abandon. Elle n'allait tout de même pas risquer la vie du prisonnier et de son amie, qui est retenu dans un endroit inconnu. Mais voilà, ce n'était pas le plan de sa collègue.
Dans un dernier coup de balai, Luz fit tomber le dispositif anti-magie, qui explosa au sol dans une pluie de cristal et de métal. Elle lui cria de passer à l'action. Mais quoi faire ? Rebecca n'a pas eu le temps de réfléchir. Tendant la main vers l'organisateur, elle fit apparaître un serpent long de plus de deux mètres, qui sortait de la manche de son manteau. Volant vers l'homme gueule ouverte, il a prit peur et lâcha le prisonnier qui vient s'écrouler quelques mètres plus loin.
L'organisateur essaye désespéramment de donner des coups de couteau à droite et à gauche. Mais le reptile est trop rapide et trop agile, la lame ne finissant que par trouver de l'air.
«Non ! NON ! Lâche moi ! »
Mais cela ne sert à rien, l'homme était déjà prisonnier par le corps de l'ombre. Enroulé autour de lui, le serpent emprisonnait ses deux bras, et l'obligea à poser ses fesses au sol. Pendant cette action qui dura seulement quelques secondes, Luz descendait de sa chaise et se plaça aux côté de Rebecca.
- Bon, on fait quoi maintenant, chère Sherlock ? On l'interroge ou on va chercher les prisonniers ?
Il fallait aussi avertir la garde. Il venait tout de même de menacer un homme, qui c'est ce qu'il aurait pu faire de pire... Mais il reste tout de même beaucoup de question sans réponse : qui était l'ombre aperçu par Luz tout à l'heure ? Ca ne pouvait pas être l'organisateur, il était à leur côté. Et pourquoi aurait-il mit à mal une exposition qui aurait pu lui faire gagner gros ?
Il allait falloir se poser calmement pour trouver la clé de cette affaire.
Luz coula un regard blême à Rebecca. Et prit bonne note de ne jamais, jamais marcher par accident sur les plates bandes de la jeune femme, ou de la mettre en colère de quelque manière que ce soit. Par les saintes loches de Lucy ! Qui diable était capable de lancer des serpents de deux mètres à la face des outrecuidants ?! Comme ça, juste l’air de rien, avec un gracieux mouvement du poignet en subtile bonus. Juste par excès de prudence, Luz prit soin de descendre de sa chaise sans mouvement brusque, et d’adopter la moue la plus adorable de sa galerie pour arborer un visage des plus innocents et amicaux.
L’un des invités était sorti du groupe, une main en l’air pour se désigner et présentant presque aussi peu de tons de couleurs qu’elle sur son visage. Visiblement, il ne s’était pas attendu à plonger droit dans les rets obscurs d’une enquête policière en se levant ce matin, ravi par avance de pouvoir prochainement débattre des coups de pinceau intempestifs de Paola Ruiza Picassa. A la place, il héritait d’un long couteau, de deux justicières folles, d’un organisateur hystérique et de deux peintres disparus. Il attendit d’obtenir l’assentiment de Rebecca et détala aussi vite qu’il le put à travers la porte désormais ouverte pour prendre la route de la garnison. Luz songea qu’elles n’auraient probablement pas à attendre plus d’une dizaine ou d’une vingtaine de minutes avant qu’un Garde ne vienne prendre le relai de cette formidable débâcle.
Elle s’avança donc jusqu’à l’organisateur et le surplomba de toute sa hauteur. Les traits tordus d’un long sourire sardonique, ses lèvres rouges sang réhaussant l’éclat électrique de son regard, elle posa ses mains sur ses hanches et ne daigna pas même se pencher pour lui parler. Heh, elle avait lu ça quelque part ! L’histoire du bon flic, et du méchant flic… Où était-ce déjà… ?
Elle désigna du pouce Rebecca derrière son épaule sans quitter des yeux un seul instant le regard angoissé de leur prisonnier. Alors, elle baissa la voix d’un ton supplémentaire, et lui chuchota presque avec une once de plaisir :
« Q-Que voulez-vous ? »
« Qu’as-tu fait de Paola ? »
Il rougit, pris d’un subit accès de colère.
« Ah... »
Oui, bon, elle ne s’attendait guère à ce qu’il vocifère ainsi sur sa piteuse existence comme s’il n’avait pas vu de psychologue depuis dix ans.
Elle retourna un haussement d’épaule un brin perdu au regard étonné de Rebecca. Prise de court, c’était là la seule réplique qui lui était venue. Fort heureusement, cela parut enclencher un nouveau déclic chez leur bedonnant adversaire.
« Par « ils »… Tu entends Paola et Vincente… ? Tu les détiens tous les deux ? Où ?! »
Il ne répondit pas. A la place, ses doigts s’agitèrent subrepticement sous les écailles du serpent, comme s’il manipulait une marionnette invisible. Un cri retentit à l’arrière de la salle, bien vite suivi d’une bousculade. Luz se retourna vivement, pour mieux découvrir une silhouette brumeuse qui courrait droit vers elle, de toute évidence fermement décidée à lui faire subir quelques sévices. Luz activa juste à temps un bouclier d’énergie contre lequel vint se heurter de plein fouet le mystérieux individu. Sonnée, l’ombre rebondit en arrière et tomba sur le sol, ses contours n’étant plus guère similaires à ceux d’un homme tels des traits dessinés par un enfant.
Un mouvement de Rebecca, et le monstrueux serpent s’agita et resserra suffisamment ses anneaux pour faire perdre à l’organisateur toute sa concentration. Son double obscur disparut donc en une constellation d’étincelles noires, tandis que l’homme grognait au sol d’irritation et d’inconfort. Confiante en la capacité de Rebecca pour maintenir le criminel attaché, Luz vint tapoter son menton de deux doigts pensifs, et commença à mettre bout à bout quelques fragments d’éléments….
EXPOSITION ANNULÉE
Et bien.
On dirait que la jolie rousse n'a pas besoin de l'aide de Rebecca, on dirait. Elle se débrouille très bien pour intimider l'organisateur. L'aventurière n'a besoin, quant à elle, que de simplement rester en arrière les bras croisés et le regard mauvais, et de resserrer la prise du serpent quand le prisonnier n'est plus coopératif.
L'organisateur essayait tant bien que mal de faire appel à son pouvoir, mais la rapidité d'exécution de Luz le prit au dépourvu. D'un mouvement de main, Rebecca resserra encore un peu plus son étreinte, de telle façon que l'homme ne pouvait plus bouger les mains, donc ne plus utiliser sa marionnette. A la question "Qu'avez-vous fait d'eux ?" il se mua dans un silence de mort, comme si tout ceci allait jouer sur le déroulement de sa vie.
La patience de Rebecca a atteint sa limite. Le libérant du serpent, elle l’empoigna par le col et le souleva du sol. Luz l'avait prévenu, ne pas mettre l’aventurière en colère ou ça finira mal pour lui.
- Bon, écoute moi garçon. Ma collègue a été gentille avec toi. Mais si tu commences à ne pas répondre, je te promets que je prend sa place, ok ?
Comme il faut additionner geste et parole, le serpent inoffensif laissa sa place à un warg. L'impatience de sa maîtresse le rendait encore plus méchant et plus agressif, surtout avec ce filet de bave qui coulait de ses babines. Et comme par magie, l'organisateur passa à table. Les deux peintres sont enfermés dans dans l'aile Ouest du bâtiment et sont paisiblement endormis.
Quelques secondes après ses aveux, la garde apparaît. Luz et Rebecca leur explique ce qu'il s'est passé, leur propos approuvé par les différents témoins. L'organisateur non plus n'a pas menti, et bien pour lui. Vincente et Paola furent retrouvés sains et saufs, mais leurs peintures beaucoup moins.
- Ce n'est pas grave !
- Oui ! Surtout que nous avons pensé à faire une exposition tous les deux ?
- Ah oui ? Sur quel thème ?
En signe de réponse, les deux peintres se mirent le doigt devant la bouche. Dans six lunes, il est fort possible que Rebecca repasse par ici pour revoir son amie.
Les deux seules invitées sortent enfin de la salle d'exposition. A l'extérieur, c'est comme si rien ne s'était passé. Le soleil brille, les oiseaux chantent. Tout est beau dans le meilleur des mondes. Après toutes ses péripéties, le ventre de l'aventurière commence à crier famine.
- Luz, ça vous dit d'aller manger un bout ? Je connais une adresse pas mal dans le coin.