Début de la saison chaude

- Haru, quand vas-tu finir par faire ce qu’il doit être fait.
- Mère, vous avez encore cette idée dans la tête ! Je vous dis que je n’ai pas envie de rencontrer cet homme.  
- Tu viens d’avoir trente-six ans et il faut qu’on fasse quelque chose à ça.
- Et me marier avec l’un des meilleurs clients de Père, c’est la solution ?  
- Non bien sûr que non ! Thomas est jeune homme intelligent, élégant et il semble avoir un faible pour toi.
- Bien sûr qu’il a un faible pour moi si je peux lui avoir vingt pourcent de remise pour les achats de son père !  
- Tu vois vraiment le mal partout Haru. Ce n’est pas comme ça que je t’ai élevée.
- Ah aujourd’hui, vous prenez le mérite de m’avoir donner une éducation ? Je ne me rappelle pas de vous avoir beaucoup vu pendant mon enfance.  
- Je t’ai fourni toute l’éducation nécessaire pour arriver là où tu es aujourd’hui. Tu devrais avoir de la reconnaissance pour ta pauvre mère.
- Vous réclamez de l’attention maintenant ou c’est juste que vous voulez avoir une bonne réputation en mariant sa fille aînée ?  
- Tu as vu ton âge et tu continues à batifoler. Quand on voit tes dernières conquêtes…
- Nyx Anger était quelqu’un de bien, n'insinuez rien d’autre.  
- Oh oui bien mais c’était une femme donc puis cette rumeur comme quoi tu as rencontré L’héritière Weiss. Ne va pas me dire que tes penchants se sont arrêtés.
- Vous divaguez !    
- Tu crois ça pourtant… Aucun de notre famille n’est malade, on ne compte pas faire affaire avec les Weiss et je ne pense pas que la Couronne soit intéressée par son programme.
- Vous n’en savez rien.  
- Arrête de me mentir, tu as beau croire que je te délaisse mais je connais cette expression sur ton visage quand tu me mens. Alors Haru Du Lys fait un effort de mieux cacher tes mensonges.
- C’est sûr, je n’ai pas pris de vous là-dessus.  
- Moi j’ai le mérite de le faire mieux comme ton chasseur de prime ! Franchement un homme de bas-fond qui chasse les hommes pour se faire de l’argent. D’ailleurs il a une magnifique boutique maintenant, j’espère que tu as fait les papiers de contraction de dettes. Il se sert de toi.
- Vous n’en savez rien, vous vous hâtez sur des conclusions futiles. Vous m’espionnez maintenant ?    
- Si tu savais comment tout s’achète ici sauf ton maudit garde du corps qui refuse toutes mes offres.
- J’ai choisi l’homme qui ne cédera rien,  il est trop honnête et loyal pour ça !  
- Oh mais ce n’est pas grave, il me reste juste de m’occuper de cet aventurier. Les accidents de missions ça arrive puis tu te retrouveras enfin la raison !
-  Est-ce une menace ?  
- Voyons, voyons… Je suis ta mère, jamais je ne ferai une chose pareille. Évincer un prétendant pour que tu retourne sur le droit chemin. Est-ce mon genre ?
- Oui c’est votre genre !    
- Sinon accepte de te marier avec Sir Thomas De Rhodia et ton petit coup de coeur sera tranquille.
- Vous me faites vraiment du chantage ? Mais pour qui vous vous prenez à faire une chose pareille ? Vous croyez que je vais céder. Ne vous avisez jamais à toucher le moindre de ses cheveux, aucun de vos sbires !    
- Tu es si mignonne quand tu fais la femme amoureuse. On dirait que tu t’es accroché à cet homme. Le collier jumeau, la pierre de lien et ce ridicule bout de tissu que tu portes au poignet.
- C’est un cadeau et non un engagement Mère. Il n’y a rien entre nous, je suis sa mécène et c’est tout.    
- Oui, le restaurant à la Capitale, l’escapade au Village Perché, tes rendez-vous avec lui à ton bureau puis il vient même te chercher après ton travail. Ce n’est pas une relation ça ?
- Non aucunement. Je ne m’amuse pas à changer de partenaire tous les lunes Mère. Je vous rappelle que j’étais avec Nyx il y a peu et j’ai besoin de temps pour réfléchir.    
- Je crois que tu ne vois pas la vérité en face. Tu portes ce collier et tu l’as touché au moment où j’ai parlé de le blesser. Tu es amoureuse mais tu en sais rien. Amoureuse d’un roturier sans nom, sans héritage, sans rien. Tu es obligée de lui fournir le nécessaire pour que sa porte se ferme. Il vit chez avec sa mère dépendante de lui. Il mourra jeune à cause de sa soif d’aventure face à un Gévaudan. Comment tu peux aimer un homme qui ne sera jamais là, préférant le risque que d’un avenir prospère. Tes lubies sont incontrôlables ma fille.
- Ce n’est pas à vous de choisir qui je dois aimer ou non. Puis je constate que vous vous ennuyez pour passer tout votre temps à espionner cet homme.    
- Je protège ma fille de l’inévitable.
- De tomber amoureuse c’est ça ? Merci Mère de votre attention.    
Reviens à la raison Haru. Accomplis ton destin, oublie ce simple homme.
-  Pourquoi je devrais. J’y tiens et je ne peux pas l’abandonner comme ça et je ne sais même pas ce que je pense de tout ça.  
- Je n’ai pas le choix alors.

C’est alors qu’on entends du bruit dans le salon d’accueil de mon cabinet. Une voix se lève et j’entends Miranda essayer de calmer le jeu. Je sors de mon bureau, ma mère dans mon dos. Je reconnais aussitôt la mère de Jin. Mais qu’est-ce qu’elle fait là ?

- Mon garçon… Dame Du Lys...

Je… je reste tétanisée pendant quelques secondes. Il est arrivé quelque chose à Jin et je dois d’abord mettre de l’ordre dans ma tête.

- Mère, on aura cette discussion plus tard. Je dois m’occuper de ce rendez-vous.  

La matriarche Du Lys finit par s’approcher de moi, tout doucement pour me glisser quelques mots.

- Je t’avais prévenu non ?
- Quoi ? Qu’est-ce que vous venez de dire ?  
- Reviens à la raison ma fille.

Puis elle quitte mon bureau et affiche son plus beau sourire.

- Madame Hidoru, ravie de faire votre connaissance. Je vous laisse à ma fille.

Mais la mère de l’aventurier est désemparée, elle ne sait plus quoi faire. Je l’invite à mon bureau et ordonne à Miranda que personne nous dérange pour la prochaine heure. Je la fais rentrer dans mon bureau, elle était en pleurs. J’attrape une mouchoir en tissu et lui tends.

- Racontez moi Madame Hidoru.    

Mais elle continue de pleurer et j’attrape aussitôt mon collier. Je ne ressens rien, ni la présence de Jin, je ressens rien. Ce n’est pas possible… La panique m’envahit peu à peu mais j’essaye de rester calme. Je pose les mains sur la commode, prends une inspiration en regardant dehors. Est-ce que ma mère est vraiment dans le coup ou est-ce autre chose ? Je reprends mon courage a deux mains. Je ne dois pas faillir devant sa mère sinon ça ne va mener à rien.

- Racontez moi tout, je vais faire mon possible.  

Mon possible ? A part lever une armée, lancer tous les espions du coin et faire appel aux enchanteurs royaux. Je ne savais que faire. J’écoute le récit de la femme devant moi. Je réfléchissais en même temps. Si c’était vraiment ma horrible mère, j’allais devoir marchander avec elle et je refuse de céder à son caprice. Non je dois trouver autre chose mais quoi ? De nouveau, j’essaye d’envoyer une vague d’apaisement à Jin et faire fonctionner la pierre de lien puis maintenant le cristal de communication… toujours rien…
Je… Je… Je ne voulais pas le perdre, c’est maintenant que je me rendais compte qu’il était plus important pour moi mais est-ce que c’était trop tard ? Sa mère ne m’aurait jamais demandé de l’aide si elle ne le savait pas en danger mais si je ne pouvais rien faire et si… et si il était déjà mort ? Non ce n’est pas possible, il m’a promis de toujours revenir et si il a le malheur d’avoir rompu sa promesse, je vais le chercher entre les morts pour l’étrangler de mes propres mains.

Je finis par m'asseoir sur mon fauteuil, prenant ma tête entre les mains. Réfléchissons… réfléchissons…

Je redresse les yeux vers la mère de Jin. Elle aussi était désemparée et pour qu’elle vienne jusqu’à moi montre à quel point elle ne sait plus quoi faire. Mais moi, qu’est-ce que je pouvais faire ? Envoyer la garde pour le chercher ? Demander de l’aide au Maître-Espion ? Faire appel à des services privés de Père et Mère pour le retrouver ? Non jamais ma famille m’aidera et je ne peux pas forcément compter sur les réserves de la Couronne. Si je m’explique à la Reine, elle fera tout pour m’aider, je le sais mais je n’ai pas envie que retrouver Jin soit un fardeau pour ses Majestés. Ce n’était qu’un énième aventurier qui avait disparu et c’était fréquent d’en perdre, c’était le risque du métier. Hélas, ce n’était pas n’importe quel aventurier, c’était mon chasseur de prime et le fils de la femme qui se trouve en face de moi.

Je finis par essayer de garder la face, je me dois de me montrer forte, pour elle, pour Jin. Elle avait demandé mon aide, du réconfort peut-être.

- Je.. Je n’étais pas au courant de ses songes.  

Il faut dire que je ne le connais pas spécialement au fond. Je ne connaissais pas ses rêves, ses envies et encore moins sa couleur préférée. Je savais que j’appréciais sa présence, sa façon de me regarder, de me désirer. Son regard de braise me faisait sentir plus vivante, plus jeune, plus désirable. Il était une de ses personnes qui ne faisait pas attention à mon statut et ni des avantages qui pouvaient en découler. Il était différent de tous ses gens que j’avais fréquenté mais peut-être que je ne faisais qu’idéaliser notre relation, sans chercher à savoir plus sur lui, ne prennant ce que je souhaitais, à savoir son amour. Je sais qu’il a des sentiments pour moi, je le sens, je le vois avec mes pouvoirs mais je n’arrivais pas à me décider, savoir si je voulais plus ou non. Si c’était une de ses relations mouchoirs ou simplement que nous n’étions pas destinés l’un à l’autre mais je crois que Lucy n’a pas mis ce bel homme sur ma route pour rien...

- Mais oui effectivement, c’est une vraie tête de mule quand il le veut.  

Et pas qu’un peu. Je me suis retrouvée avec un collier jumeaux et une pierre de lien avec lui. J’aurai dû refuser mais je n’ai pas eu le courage puis au fond, je le voulais. Je ne pouvais dire non car son attention m’avait touché et elle était sincère. Je prends la peine alors de voir la mère de mon amant. Elle se faisait du soucis, elle avait des cernes, ses traits étaient tirées et je voyais apparaître devant mes yeux les courbes de la peur. Perdre son petit garçon comme ça et je me pose alors la question si Jin avait de la famille, une soeur, un frère ? Je n’en savais rien et ça me désole de rien savoir, je n’ai l’impression que d’avoir que profiter et je me fais une claque mentale.

- Je vais faire mon possible, je… je vais appeler des gens qui pourront faire quelque chose !    

Mais qui ? J’avais quelques noms dans ma tête puis me vient le nom Lagertha. Ce haut-dirigeant de la Commission me devait une faveur. Il va réussir à me trouver quelques gardes et ils iront faire l’enquête puis me dire si oui ou non il y est encore vivante.

-  Je vais envoyer quelques gardes mais je ne peux rien vous promettre. J’ai cru comprendre que votre mari était aussi aventurier et vous connaissez les risques.  

Je les connais aussi malheureusement. Chasseur de prime était un métier plus que dangereux mais nécessaire pour la communauté. Je savais que Jin d’après son dossier n’était pas n’importe qui et bravait nombreux dangers. Ca me faisait peur et j’avais surtout peur de connaître la réponse de cette enquête.

-  Je sais que la situation est compliquée mais je n’ai pas un pouvoir si étendu que ça. Je ferais tout ce que je pourrai à mon niveau. Mon garde personnel prendra part aux recherches et j’ai toute confiance en lui.  

Mais avant de l’appeler je vois appeler ce haut-dirigeant mais je ne peux le faire en présence de Madame Hidoru. Je ne peux pas non plus la jeter à la porte et Tsubaki décide de faire son entrée.

- Oh toi sentir comme homme brûlant !

Puis le voilà qui grimpe sur les genoux de la femme chagrinée. Se roulant en boule et quémandant des caresses.

-  Veuillez m’excuser. Il a le don d’en faire qu’à sa tête mais il est n’est pas méchant. Je vous présente Tsubaki, mon assistant ou plutôt chauffeur de siège.  

J’essaye de prendre un ton enjoué mais c’était dur de retrouver le sourire dans la situation.

- Chauffeur genou aussi !
- Oui aussi. Je peux vous offrir un thé si vous le souhaitez ou si vous avez des questions. Prenez le temps de vous poser un peu et j’appelle ensuite mes contacts.    

Machinement je pars à mon service à thé et active ma bouilloire. Le frémissement se fait entendre tout doucement. J’observais la femme frêle, tout son monde est en train de s’écrouler et sans son petit garçon.

- Puis-je me permettre de vous poser une question ?  

J’attendis son accord. Elle me fit un léger signe de tête.

- Je ne connais pas toute votre histoire, ni votre famille. Mais si vous avez besoin de compagnie ou vous ne sentez pas l’âme de rester seule. Je peux demander à quelqu’un de passer chez vous. Il ne faut pas que vous restiez seule chez vous Madame Hidoru et je crois que Jin n’acceptera pas cette situation. Je sais que j’ai pu faire beaucoup pour lui et pour vous mais…si je peux faire la moindre des choses, n’hésitez pas à m’en parler. Je connais quelqu’un qui fait des gâteaux excellents et c’est un peu mon rayon de soleil lors des journées moins chaleureuses.  

Louise, mon intendante, serait heureuse de faire ça. Sa joie naturelle était plus que communicante et au moins, j’aurai fait quelque chose pour cette femme...

Cette femme était forte, je le voyais. Elle le devait, elle avait perdu son mari et elle avait peur que son fils subisse le même sort. Elle avait ses habitudes, ses amies, sa vie continuait quoi qu’il arrive mais elle se trouvait dans une impasse et j’étais sa seule solution. J’étais l’amante de son fils ou du moins, on se fréquentait et encore, quelques fois. Je les avais déjà aidé, améliorer leur confort de vie et j’aurai pu lui dire que je ne pouvais faire plus, j’en avais déjà fait beaucoup pour un simple aventurier. Mais Jin n’était pas un simple aventurier, il était plus même si je n’arrivais pas à le définir et face à la détresse de sa mère, je ne pouvais rester de marbre face à sa peine.

Sa remarque me pince le coeur. Moi qui pensait faire plus de mal qu’autre chose au chasseur de prime. Lui qui avait des sentiments et que je me refusais d’aller plus loin. Je le rendais heureux malgré toute la peine que je lui fais subir. Il avait changé pour moi et grâce à moi. Sa mère l’avait ressenti et elle vient de m’apprendre qu’il avait une soeur… Une soeur qui avait elle aussi disparu. C’était beaucoup d’informations mais j’essaye de rester impassible. On m’a déjà annoncé pire nouvelle sur la gestion des affaires de la Couronne mais là, ça me concerne personnellement. Je ne savais comment réagir. Je vois alors l’image de ma mère me dire de la mettre à la porte, qu’elle reste dans sa vie misérable, je leur devais rien. Mais je n’étais pas comme ça… je ne pouvais faire ça.

Les larmes de sa mère finissent par apparaître, mes yeux étaient certainement brillants mais je resterai forte. Je ne peux pleurer la perte de son fils, je n’ai pas le droit. Je suis la Première Ministre, je dois rester forte. Ma seconde main englobe la sienne, essayant de transmettre toutes les émotions positives que je possède. J’aurai voulu que mon pouvoir puisse apaiser sa peine à ce moment-là mais je n’avais pas cette capacité. Je ne pouvais que lui donner une tisane pour réchauffer son corps. Mais au lieu de  ça, je la vois me supplier, sa tête contre ma main, me demandant mon aide. Avec tendresse je place ma main sur ses cheveux doux. Il avait la même odeur que Jin, ils utilisaient le même savon. Je finis par la prendre dans mes bras, essuyant sa souffrance.

- Je vais faire mon possible, je vous le promets. Finissez ce thé et je m’occupe de tout ça. Je vous promets de retrouver votre fils.    

Je me détache d’elle et ses larmes se tarissent. Il était maintenant plus aisé de lui parler et nous discutons de la douceur de ce thé. Des discussions sans importance, évitant le sujet Jin.

- Oui ce mélange ressemble beaucoup à celui que vous m’aviez fait goûter chez vous. J’ai dû faire quelques boutiques pour me rappeler des différents composants. Je trouve qu’il est assez ressemblant.  

Taquine, elle me dit qu’il manque toujours l’ingrédient secret mais je lui réponds alors que je finirais par le trouver à force d’essai. Une fois la boisson finie, je l’invite à me suivre et l’amène à la porte de mon bureau.

- Je m’occupe de tout. J’ai quelques messages à passer. Je pense que l’escouade partira en fin de journée. Mon Garde personnel prendra part aux recherches, ainsi j’aurai des nouvelles rapidement. Attendez une petite semaine pour les premiers résultats mais sachez que dès que j’ai des nouvelles, je vous en fait part enfin du moins un messager viendra chez vous.  

Malgré les larmes qui pointent le bout de ses yeux, elle affiche ce sourire que j’ai pu voir quelques fois chez l’aventurier. Ils étaient parents, on retrouve quelques traits chez l’un et l’autre. Jin a eu de la chance d’avoir une mère comme elle, elle aurait retourner le royaume pour retrouver son fils si nécessaire et je la vois aussi lui tirer les oreilles quand il rentrera.

-  Bonne journée à vous Madame Hidoru.
- Miki, appelez moi Miki, s’il vous plaît.
- Bien entendu Miki. En espérant vous retrouver avec des bonnes nouvelles.    

On quitte mon bureau pour rejoindre la porte du cabinet. Miranda lève un oeil soucieux puis adresse ses salutations à la femme. Je finis par fermer la porte.

-  Bon, je crois que ma journée va être longue, très longue.
- Je m’occupe d’annuler vos rendez-vous de ce matin. Occupez-vous de cette affaire urgente.
- Merci bien Miranda.  

Je pars en direction de mon bureau et m’affale dans mon fauteuil. Je devais jouer maintenant mes cartes et Tsubaki finit par sauter sur mes genoux pour me donner du réconfort. Cela fonctionne au bout de quelques secondes et convoque Lancelot. Il me retrouvera ici dans quelques minutes, maintenant appeler le haut-commissaire de la Commission. Sir Lagertha. J’attrape mon cristal et lui explique les tenants et les aboutissants. Il m’indique qu’il s’en occupe et ce petit service risque de me coûter cher. Je le sais bien, ces gens ne travaillent jamais gratuit et j’espère qu’il ne me demandera jamais un service dont je ne pourrai honorer.

- Le garde Steelhearth sera de la partie également. Il rejoindra votre milice ou je ne sais pas comment vous appelez ça au bastion de l'Île Rocheuse. Merci encore Sir Lagertha.  

Je raccroche et Lancelot arrive aussitôt. Il avait enfilé sa tenue militaire. Il avait compris qu’il allait partir au “ combat “. Je lui explique la situation et je vois ses yeux pétillants. Un peu d’action, ça va lui plaire et en plus il va visiter un peu de pays. Je lui donne de l’argent pour les frais attenants et je l’invite à prendre un cheval rapide à l’écurie royale. Il va en avoir besoin. Il file en quatrième vitesse et me voilà enfin seule…

- Homme chaud va revenir Maîtresse ! Puis demander aide à homme doux sinon.
- Le Maître-Espion, ça sera ma dernière carte. Là, j’essaye cette technique et j’ai toute confiance en Monsieur Steelhearth.    
- Moi calin alors.
-   Merci Tsubaki, je crois que j’en ai besoin.

Je la caresse machinalement tout comme j’essaye de communiquer avec Jin. Toujours rien mais j’espère que Lucy entends mes prières...

Jour 6 - 1ère lune - Saison chaude


Swan avait quitté le bureau des officiers comme une furie. Son charmant papa de la Commission l’avait appelé. Généralement après leur discussion, elle ressortait soit de mauvaise humeur et j’étais son souffre-douleur. Je me demandais ce qu’il lui voulait. D’habitude, il appelait en fin de journée, à la fin de notre service mais là en plein milieu de la matinée, ça doit être certainement important. Au bout d’une quinzaine de minutes, je vois la porte s’ouvrir en grand, ma collègue lieutenant en colère.

-   Je parie que ça s’est bien passé non ?    
- Ne me fait pas dire, il veut que je pars à l’autre bout du royaume pour chercher un péquenot perdu et c’est la Première Ministre qu’il lui demande.
-    Dame du Lys ? Etrange qu’elle passe par ton paternel.  
- Ce n’est pas officiel et lui devait un service.
- Donc c’est sa progéniture qui va s’en occuper ?      
- Justement non, ça sera toi. Il a fait une mini enquête de son côté et on aurait vu le chasseur de prime proche de Forteresse. Donc c’est à toi de t’y coller.
-  Ce sont les problèmes de ton père et c’est moi qui doit faire ça ?    
- Tu adores Forteresse ! Tu connais ses montagnes comme ta poche puis le garde du corps de la ministre arrive sous peu alors il faut se décider maintenant !
-  Non mais tu abuses, tu ne vas pas me demander de faire ça.    
Bah si, s’il te plaît Bridget. Je n’ai pas envie de dormir dehors pendant une semaine puis je déteste ses foutues montagnes !
-   Ce n’est pas une raison !  
- Mais si la Capitaine va adorer que tu sort d’ici. Je prends tous tes services et je m’occupe de la paperasse pendant que tu courras au grand air  ! Allez s’il te plaît !
-    Sérieux… pourquoi j’ai une collègue pareille...  
- Je suis parfaite, avoue le. Tu rêvais de te promener.
-  Super la balade, je vais me trimbaler un garde royal sur la route. Pour retrouver un type pour la Première Ministre. La dernière fois, j’ai dû chercher un oréouille pour elle.    
- Ah oui ! Trop marrant ça. Bah dis toi qu’elle te donnera certainement une bonne prime !
-   Je veux juste des vacances tu sais...  
- Bah tu négocies tes jours de repos. On dit que les termes de Forteresse sont intéressants. On y fait plein de rencontres sympathiques.
- Je ne veux pas que tu me parles encore de tes rendez-vous, Swan.      
- Allez dis oui !
-   D’accord mais ça va te coûter cher. Je te laisse trouver l’excuse pour la Capitaine.    
- T’inquiète, je gère !
-  Justement, c’est ça qui me fait peur.    
- Va t’équiper. Il ne va pas tarder je pense.
- Okay, okay. Je me dépêche...      

Je file alors dans mes quartiers et prépare mon sac pour une escapade dans les montagnes. La saison chaude permettait de prendre des épaisseurs en moins mais ça n’empêchait pas les nuits fraîches. Je prenais le nécessaire pour tenir une bonne semaine et me voilà de nouveau dans le bureau des officiers. Le garde était là, je reconnaissais cette tignasse bleue et il avait enfilé son armure légère de la royale.

- Bonjour Lieutenants. Je suppose que vous connaissez le contenu de cette demande.
-   Oui et c’est moi qui me chargerai de vous accompagnez.  
- Oh très bien. Un ancien officier de Forteresse. J’ai cru comprendre que notre première piste nous mène par là-bas, c’est cela
- Oui c’est bien ça ! Puis allez dites le nous. C’est qui ce mec pour la Première Ministre.
- Je ne peux vous répondre. Ma Dame m’a demandé d’accomplir cette mission, je le fais.
- Roooh ses rabats-joie de garde personnel. Vous n’avez pas d’humour.
- Je ne suis pas payé pour rire mais pour la protéger et la servir.
- Et bah… vous êtes bien dressé  !
-  Swan… tu peux arrêter s’il te plaît !    
- On ne peut plus rire maintenant.
- Dame Du Lys nous a réservé un créneau pour le téléporteur. Je suis prêt, je vous remets à vous Lieutenant Alnilnam.
-  Bon allons-y alors. Je prends mes deux familiers également. Ils porteront le matériel d’escalade. J’ai ma jument qui m’attends également.    

Nous filions dans les écuries du bastion et partons à toute vitesse vers le site de téléportation. Nous nous retrouvons alors une trentaine de minutes plus tard à Forteresse. Je signale ma présence aux gardes présents et explique la raison de notre venue. Le protocole voulait qu’on définisse une feuille de route avant de partir au cas où en cas de recherches à faire. Le protocole était suivi généralement par les gardes si nous ne voulions pas prendre un avertissement pour ça. J’avais espoir que l’aventurier l’ait fait également. Je regarde alors le registre, je vois qu’il est passé mais il a indiqué une zone très large, juste que c’est par l’Ouest.

- Steelhearth, je pense qu’on va s’amuser tous les deux. Allons au premier village sur la route qui mène à l’Ouest.    
- Allons-y alors.

Nous galopons à toute vitesse vers ce petit village. Il y avait quelques bâtisses et un refuge pour ceux de passage. Ce n’était pas une auberge mais en échange de quelques cristaux et de la sympathie. Une famille pouvait vous dépanner pour un repas chaud si vous le souhaitez. Ayant officier de nombreuses années dans les environs, beaucoup me connaissait. Une vieille connaissance s’approche de nous.

- Oh lieutenant Alnilnam, ça fait si longtemps ! Que faites-vous ici.
-   Bonjour Madame, je recherche un chasseur de prime. Voici son portrait-robot.  
- Oh, je me rappelle de lui. Charmant mais il semblait un peu fou. Il était venu ici pour se reposer la nuit mais il est parti précipitamment, on croyait qu’il était poursuivi par des esprits. C’était étrange. Mon mari a voulu l’aider mais il est parti à la hâte.
- Une direction ?      
- Le lendemain matin, nous avons demandé à un voyageur si il l’avait croisé dans le village voisin mais non.
-  C’était quand ?    
- Une dizaine de jour, Lieutenant.
-  Il a dû monter pour prendre le col des Javas.    
- Une route bien dangereuse.
-   Je le sais bien...  
- Vu que c’est la belle saison, les bûcherons du village sont à deux jours de marche ici vers le Nord-Ouest. Peut-être il est passé par là-bas.
-   Nous allons tenter nos chances. Il est encore tôt, nous arriverons à rejoindre le plateau pour bivouaquer.    
- Le temps semble clément, pas d’orage à l’horizon.
-  Merci beaucoup pour vos informations. Nous filons vers Javas alors.    

Nous reprenons notre route. Il fallait qu’on arrive à point stratégique pour la nuit. Je connaissais un endroit parfait pour planter la tente.



Jour 8 - 1ère lune - Saison chaude


C’était notre troisième jour de recherche. Ce Jin était passé près des bûcherons, certains certifient l’avoir vu au loin. Enfin, la silhouette et les cheveux correspondaient mais ce n’était qu’une piste mais la seule qu’on avait malheureusement. Avec Lancelot, nous continuons à monter vers le Nord-Ouest. Nous avons passé le col des Javas et la partie difficile commence. De nombreuses failles étaient présentes dans les environs, si on ne connaissait pas les lieux, on peut facilement se faire avoir. Ce qui me faisait peur, c’est qu’on me rapporte à chaque fois qu’il ne semblait pas normal, que quelque chose le pourchassait. Il n’y avait pas de bête dangereuse dans les environs puis quand je lis son dossier, il avait un pouvoir offensif assez impressionnant donc le seul problème vont être les crevasses…

-  Steelhearth, c’est votre première balade ici hors de la Capitale. C’est bien ça ?    
- Oh, je me suis déjà baladé dans les environs mais des missions de ce genre. Jamais. La Garde Royale fait quelques missions périlleuses mais jamais de ce genre. Ca me change puis je vois que vous fonctionnez vous ! On sent que vous êtes passé par Forteresse !
- Oui, c’est tout un monde ce régiment. Le milieu est hostile et on peut facilement se perdre. Mais c’est comme ça qu’on apprends et on devient prévoyant !      
- Heureusement que vos familiers portent tout le matériel nécessaire.
-   Le Catosorux est parfait pour ça. Agile, endurant. C’était mon rêve d’avoir ma propre monture de ce genre. Elle est encore petite mais d’ici quelques années, je pourrai grimper dessus !    
- Comme votre Kit’sune, il semble protéger la femelle avec ferveur.
-     C’est ça, je l’ai pris pour ça. Pour faire un duo et que je ne me souciais pas d’elle le cas échéant. Assurer ma propre sécurité est déjà assez difficile en cas de combat alors si je dois me préoccuper d’eux en même temps !  
- Je vois. Quoi qu’il en soit. Reposons-nous, notre journée de demain va être compliquée. Je le sens.
-   Oui, un peu d’escalade ! On doit suivre la fourche de la foudre. Un raccourci pour passer de l’autre côté de ce mont. On gagne facilement deux jours de marche en passant par là mais c’est périlleux.  
- Je vais donc dormir maintenant. Bonne nuit Lieutenant.



Jour 10 - 1ère lune - Saison chaude

- Steelhearth ! Regardez ça !      
- On dirait de l’équipement d’aventurier.
-  Ca mène directement vers cette crevasse.    

Nous descendons tous les deux de nos montures et on s’approche tout doucement du bord. On marche une trentaine de mètre le long quand tout d’un coup, je trouve enfin ce que je cherche.

- Il est là !      

Lucy s’approche de moi, elle avait tout le matériel pour m’aider à descendre.

- Trouvez un point pour amarrer ça dans le sol. Je vais descendre, vous vous occupez de la sécurité. Ca vous va.      
- Je ne suis pas un spécialiste mais bien sûr.

On mets une dizaine de minutes à faire l’installation quand je finis par m’équiper totalement. Je descends en rappel dans la crevasse qui fait une vingtaine de mètre de profondeur. L’homme a l’air K.O. Je pose immédiatement ma main sur sa jugulaire. Je sens un pouls et il respirait encore. J’attrape une gourde et lui donne à boire. Il finit par ouvrir les yeux. Il fait un bon et j’essaye de le rassurer.

-  Monsieur Hidoru. Lieutenant Alnilnam. Je viens vous sortir de là. Je fais partie du Myrmidon, la Première Ministre nous a envoyé vous chercher. Vous ne craignez plus rien maintenant...    

Jour 10 - 1ère lune - Saison chaude

Je m’attendais à beaucoup de réaction mais pas celle-ci. Il hurle et me dit de me pousser. Par réflexe, je me recule d’un pas pensant que c’était moi le problème mais celui-ci continue de crier encore et encore. Est-ce le fait qu’on soit au fond d’un trou qu’il hurle ou autre ? Mais je comprends assez vite quand il essaye de détruire le flanc de la paroi.

-  Calmez-vous, vous allez provoquer des éboulements.    

Sauvez des gens oui je veux bien mais me retrouver à mon tour coincée, non là, ce n’était pas possible. Il continue son petit spectacle quand je finis par lui attraper l’épaule. Un coup par dans ma direction mais j’arrive à l’esquiver juste à temps.

- Calmez-vous tout de suite. Je viens ici pour vous aider. Je dois vous remonter, mon collègue attends pour nous hisser.      

Mais rien n’y fait et il ne me restait qu’une solution. Essayer de l’assomer. Ecartant légèrement les jambes, un pied en avant, mon poing protégé par un cuir résistant, je lance un coup droit dans la mâchoire pour l’arrêter. Je l'attends mais je n’arrive pas à avoir l’effet escompté. Il est encore plus énervé et saute sur moi. Le tenant à distance à l’aide de mes bras, il se détache de moi pour pouvoir m’adresser un uppercut. Le coup frôle ma mâchoire et fait un pas chassé en arrière pour me concentrer. Je reprends mon souffle et essaye de trouver une solution. Je ne peux pas me permettre de le ramener en morceau à la Première Ministre, il me reste qu’une solution et ça ne va pas lui plaire, je le sais bien. Ma main droite se glisse dans ma besace sans fond accroché dans mon dos. J’attrape une flèche de foudre et la glisse contre mon avant-bras. Il me reste maintenant la partie “ rigolote “ du plan. S’approcher pour lui planter la flèche.

Il s’élance de nouveau sur moi, je l’évite. Sa rage ou sa peur, je ne sais pas ce qu’il se passe vraiment s’accentue. C’était ma dernière chance, je le sais. J’attrape le bout de la flèche dans la main et court dans sa direction. Je fais semblant de lui lancer un coup au visage mais finalement, je me baisse au dernier moment pour lui planter la flèche dans le muscle de la cuisse. Je lâche aussitôt le projectile pour éviter de me prendre la décharge et le voilà par terre, tétanisé.

Il ne peut pas bouger ses jambes et je m’approche de lui.

-  Je suis désolée d’avance...    

Je lui donne alors un coup de poing pour l'assommer. Il perds aussitôt ses moyens et sombre dans l’inconscience. Il me restait quelques minutes pour l’équiper pour le faire grimper. J’attrape les sangles et le fixe. Le garde royal le remonte et je suis peu de temps après à l’air libre.

- Vous ne l’avez pas raté !
-  Pas le choix. Soignons sa plaie et préparons sa civière, nous allons le traîner jusqu’au prochain village.    

Lancelot s’occupe du brancard provisoire pendant que profite de mettre des onguents et cautériser si nécessaire. Jin n’avait pas refait surface et tant mieux, ça sera plus facile pour l’accrocher à la civière. On s’assure que ses bras et jambes soient biens fixés et nous voilà partis pour redescendre la montagne, la civière traînée par mon cheval.

Jour 11 - 1ère lune - Saison chaude

Jin avait continué de dormir. Peut-être que son corps avait besoin de repos, je n’en sais rien. Nous avons monté la tente  la veille et nous étions en train de ranger pour repartir. Nous étions à moins de deux jours de cheval de Forteresse. Nous n’avons pas encore prévenu la ministre, nous attendons qui se réveille. Ne donnons pas de faux espoirs et je préfère qu’un médecin le consulte avant.

- Vous avez une sacré poigne.
- Je pense que son corps était bien fatigué avant. Peut-être que son esprit sait qu’il est en sécurité et il se repose. Je ne vois que ça puis c’est un petit jeune, il arrivera à s’en sortir enfin si il souhaite se réveiller. C’est pour ça, attendons de prévenir votre patronne à Forteresse, le médecin confirmera son état.      
- Je comprends même si elle m’a demandé de la prévenir dès qu’on trouve quelque chose.
-     Faites le si vous voulez. Dites lui qu’on nous avons une bonne piste. Mais si c’est pour lui dire qu’on l’a retrouvé vivant et qu’il est mort entre nos mains… ca va être compliqué de lui expliquer !  
- Ce chasseur de prime est un coriace. Déjà quand je vois tout ce qu’il a fait pour arriver à un certain niveau. C’est peut-être le plus courageux des hommes.
-    Je ne comprends pas trop mais si vous le dites.  
Attendons qu’il se réveille et vous verrez. Je pense que la Ministre viendra dans l’heure quand elle saura qu’il est en vie.
-  J’avoue quand il n’hurle pas ou ne me menace pas de me frapper, il est plutôt charmant mais bref passons ! Nous avons encore à faire là.    
- C’est vrai !


Jour 12 - 1ère lune - Saison chaude

Jin passait son temps à se réveiller, hurler, se débattre puis tombait de nouveau dans son sommeil. Je lui faisais un mélange pour apaiser son esprit. Sa plaie n’était pas infectée et heureusement. Avec Lancelot, nous avons bien avancé et les conditions météos étaient favorables. On a pris le parti de ne pas s’arrêter cette nuit, si mes calculs sont bons, nous arrivons quelques heures après le coucher de soleil. J'espérais qu’une patrouille nous intercepte pour nous aider à transporter le blessé et surtout pour nous reposer mais il fallait qu’on tienne encore un peu.

- Je vois les feux de Forteresse !
- Allez dans une heure, on pourra enfin nous reposer et soulager nos fessiers.    
- Ça m’avait manqué de parcourir autant de kilomètre à cheval. J’avoue que j’avais perdu l’habitude
- Moi aussi également, je pense que je vais investir dans une selle plus confortable.    
- Je compte faire pareil dès mon retour à la Capitale !
- Allez Steelheart, nous y sommes presque.      

Nous étions maintenant proche des remparts. Les gardes nous reconnaissent aussitôt et ouvrent les portes. Plusieurs militaires viennent nous aider et amène directement Jin à l’infirmerie.

- Je pense qu’il est temps d’appeler votre patronne non ?      
- Oui, on se retrouve à l’infirmerie.
-  je m’occupe de faire le rapport.    

C’est alors que je vois le corps de l’aventurier partir dans l’infirmerie, l’officier Waltz s’en occupera, j’ai toute confiance en elle. Bon allons faire mon rapport à l’officier de garde et j’ai hâte de retrouver le confort d’une couchette pour finir ma nuit...

Jour 9 - 1ère Lune - Saison chaude

Ça fait maintenant plusieurs jours que l’équipe de sauvetage est partie. Mon garde personnel ne m’a toujours pas contacté. Il est du genre à ne jamais déranger sauf si nécessaire et cette absence d’information me tue intérieurement. Je ne pense qu’à une chose me reposer demain, c’était mon jour de repos et je ne compte pas quitter mon lit ou mon transat de la journée.

Ma journée est longue, mes pensées s’évadent vers Jin, sa mère. Je ne saurai quoi dire si elle venait de nouveau à mon bureau. C’était peut-être ça qui me faisait plus peur, la peur de la revoir, de ne pas savoir quoi dire et voir la déception, la tristesse dans ses yeux. J’ai du mal à comprendre ce qui m’arrive, ajouter la peine d’une autre personne sera certainement de trop. Bien heureusement, Miranda avait fait en sorte de combler mon agenda, enchaînant réunion avant les vacances de la saison estivale. La saison chaude rime avec de nouveaux évènements, les citoyens se déplacent pour profiter des points d’eau et de la côte. Il faut donc assurer la sécurité sur les routes et renforcer les patrouilles si nécessaire. Donc oui, je ne m’ennuie pas et la charge de travail me fait oublier.

Tsubaki avait compris ma détresse et me voyait souvent toucher mon collier jumeaux qui ne répondait pas. La pierre de lien ne m’indique aucune direction et je me demande comment ses gardes vont réussir à trouver le jeune chasseur de prime. Je fais toute confiance en Lancelot mais les gardes qui l’accompagne, vont-il faire l’effort de le chercher ? Ne vont-il pas comprendre que c’était une énième demande futile d’un noble qui avait de l’argent ? Ca l’était en soit car en temps normal, personne ne se serait amusé à le chercher, sauf si une patrouille le retrouve quelque part mais ça s’arrêtait là. Mon floki sur les genoux, j’entends ses ronronnements si particulier. Pour une fois, il a decidé d’être calme comme Natsu mon gloot. Tous les deux près de moi, je me sentais moins seule mais je me devais de rester forte et pas faillir. Demain je le pourrai mais pas ici…

Jour 13 - Nuit -  1ère lune - Saison chaude

Nous sommes en plein milieu de la nuit, je n’arrivais pas à dormir, encore. Même si mon corps réclame de dormir, de me reposer mais quelques heures, mon cerveau refusait ainsi que mon corps. Les jours passent et toujours pas de nouvelles. Pas besoin de faire un dessin pour comprendre que nous dépassons presque une lune de disparition. Le corps ne peut tenir très longtemps sans eau et ni nourriture. Dans mes mauvais rêves, je vois Jin, allongé au fond d’un trou, perdant son sang et des créatures voulant le dévorer car il n’avait plus la capacité d’utiliser son pouvoir pour se défendre. C’est pour cela que je ne pouvais fermer les yeux, je ne peux plus supporter ces images, ces mauvaises pensées, Jin ne peut pas mourir comme ça et on doit absolument le retrouver.

Je me retourne encore et encore dans mon lit. Ma pupille était même venue près de moi cette nuit, entendant mes cris quand je me réveille en sursaut. J’avais failli, c’était moi qui devait la protéger, me montrer forte mais c’était elle qui me consolait assise près de moi, proche du lit. Elle m’avait déjà vu en pleurs quand Nyx avait mis un terme à notre relation. J’étais en colère plus contre moi-même mais là c’était différent. Je n’ai pas mérité cette peine et c’est pour ça que je n’aimais pas fréquenter un aventurier et même un garde. La mort les attendait toujours au tournant alors qu’une vie paisible derrière un bureau, rien ne pouvait t’arriver à part la maladie ou la vieillesse.

- Retourne te coucher Sekyung. Je vais bien.    
- Je suis assez grande pour voir que non.
- Je sais bien que tu as grandi ma chère fille.    

Ma main finit sur sa joue. Je la remercie intérieurement qu’elle soit là. C’est une présence plus réconfortante et depuis qu’elle est ici, elle n’a fait que s’améliorer. Elle n’était plus la fille frêle que j’ai récupéré dans la rue. Sa préceptrice avait fait des miracles et elle était devenue une jolie jeune femme.

- Donc ta chère grande fille te dit de te reposer. Ne pense plus à cet aventurier, tu as fait tout ce que tu as pu.
-  Comment tu le sais ?  
- J’ai entendu dire son nom dans ton sommeil. J’ai demandé à Rose des détails puis tu nous connais, nous avons fouiné.
- Elle est de mauvaise fréquentation !    
- Tu es pire tu sais. J’ai un bon professeur pour faire des recherches sur les autres.
-  Oui mais moi c’est mon travail.  
- Non, non. Tu es comme ça, tu veux tout savoir pour pouvoir tout contrôler ou du moins maîtriser les risques. Cet homme est tout ce que tu n’as pas besoin ou du moins tout ce que tu ne veux pas.
- Mademoiselle Sayuri t’apprends l’étude de l’esprit maintenant.    
- Non mais nous discutons de toi entre autre.
- De moi ? Mais de quoi parlez vous ?    
- Il faut bien que je trouve une confidente et Louise est plus une nourrice pour moi qu’une confidente. Il y a des choses dont je ne peux dire et…

Je mets mon doigt sur ses lèvres pour la faire taire. Nous avions déjà parlé de ce genre de choses. Sekyung me voit comme sa sauveuse et se veut redevable à vie. Les premières lunes ont été difficile avec ses “ maîtresse “ ou “ Ma Dame “. Elle a toujours connu une vie de servitude et de sévices. Je ne voulais pas de ça, c’était une enfant qui plus est ma pupille, rien ne pouvait en découler sauf pour elle, c’était tout autre. Il y a eu qu’un baiser de sa part et je me souviens encore de cet écart. Elle venait de rencontrer pour la première fois Nyx et par jalousie ou que sais-je, elle m’avait dit qu’elle pouvait faire comme mon ex-compagne. Qu’elle pouvait me donner tout ce que je désirais et faire ce que je voulais de son corps. Je ne compris pas tout de suite quand ses lèvres avaient fini sur les miennes. Je n’ai pu que la repousser et fuir la situation. Nyx ne l’avait jamais su et Sekyung ne montrait aucune animosité contre l’ancienne Ministre. Elle restait à l’écart et attendait d’être seule avec moi pour avoir mon attention. La préceptrice a été ma sauveuse, prenant beaucoup de temps pour l’éducation de la jeune brune, j’ai pu remarqué qu’elle aussi était satisfaite que je me sépare de Nyx. Mes pouvoirs m’avaient déjà montré de nombreuses choses mais je ne pouvais la renvoyer alors qu’elle était parfaite pour Sekyung. Donc j’espère que ces deux-là n’ont pas comploté un plan machiavélique même si ce n’était pas leur genre….

-  je t’ai déjà dit tout ce qu’il fallait sur ce sujet. Tu es ma pupille Sekyung et un jour trouvera quelqu’un qui t’aimera pour ce que tu es car tu es une fille remarquable.  
- Oui je le sais bien. Mais cet aventurier… Il ne te mérite pas.
- Pour l’instant cet aventurier est disparu. Et la question si il me mérites ou non ne te concerne pas. Je ne sais pas comment ça va se finir. Ne me voit pas déjà marier avec lui et ma troupe d’enfants.    
- De toute façon, tu as déjà une mère pour te rappeler tout ça. Mais si par malheur… il ne revenait pas… sache que je suis là.
-  je le sais bien ma chérie mais prions plutôt Lucy qu’il revienne non ?  
- Oui Lucy… Je ne veux pas que tu m'abandonne pour lui. Il y a eu Nyx, j’ai cru qu’il allait avoir Rose.
-  Il n’y aurait jamais eu Rose. Jamais et je t’abandonne jamais. Je tiens mes promesses. Je t’ai donné un nom, ta liberté, il faut que tu en profites, je ne suis pas éternelle.  
- A mes yeux, tu l’es et je ne pourrai vivre dans un monde si tu n’y es pas. Tu le sais !
- Oui, oui. Je le sais bien.    
- Veux-tu que je te ramène une infusion ou sinon je peux rester avec toi cette nuit. Je fais très bien oreiller !
-  Non merci ma chérie. Je préfère être seule et va te reposer. Ta préceptrice t’attends demain.  
- Tu sais, au pire je ferai la sieste puis elle m’a dit que j’avais pris de l’avance. Une matinée ne changera pas beaucoup surtout si ma chère “ mère “ arrive à trouver le sommeil.

Sekyung s’amusait à employer ce terme pour me taquiner. Jouant sur ma corde sensible et c’était souvent à ce moment-là que je cédais à ses caprices. Mais j’avoue que cette nuit, je n’avais pas la force ou le courage de l’affronter et me décale un peu dans le lit.

- C’est exceptionnel et je pense que tu vas faire le pied de grue devant ma porte ce qui m’empêchera de m’endormir.    
- J’ai pris de ton entêtement. J’ai un bon maître.
-  Tais-toi et ne bouge plus.  
- Oui, mère.

Puis je me tourne dans mon coin de lit. Je sentis Sekyung s’installer de l’autre côté et se mettre sur le dos. Je pouvais imaginer d’ici son sourire de victoire mais j’avoue que sa présence me réconforte et retrouve rapidement le sommeil…

Jour 13 - Matin-  1ère lune - Saison chaude

Il était tôt mais je me devais me préparer pour ma journée de travail. Sekyung avait ramené un petit gateau et laisser un petit mot sur la table. J’essaye d’ouvrir les deux yeux et m’avance vers les rideaux pour faire percer les rayons de soleil dans la chambre.

Petit mot a écrit: Tu dormais comme un loir cette nuit. Comme toujours tu étais ravissante et je t’ai laissé quelques gourmandises pour commencer ma journée. Avec Rose, nous allons nous promener vers le Grand Théâtre pour ma leçon du jour. Tu as vu, je prends mon éducation à coeur.

Bonne journée ma chère Mère.

- Ta Sekyung -  

Cette fille était incorrigible mais ça faisait son charme. Je me prépare et enfile une tenue légère mais apprêtée pour ma journée au cabinet. Je n’avais aucune réunion de prévu et je vois déjà mes pensées se faufiler vers Jin. Non ce n’était pas le moment. Sekyung m’a permise de dormir un peu plus et surtout me faire oublier le beau brun en me remémorant ses actions ne moins en moins subtiles. Allez Haru, c’est une journée comme les autres. Pas de Reine qui ne va débarquer chez toi, pas de soucis, pas de coup d’état, pas de princesse qui disparaît. Non aujourd’hui sera une journée parfaite.

Oui l’auto-persuasion était maintenant une idée que j'appréciais ou du moins me permettait de me faire sortir de mon lit. Je mange un petit-déjeuner copieux, finit de me maquiller et prends le chemin pour mon cabinet. Mon début de matinée se passe bien jusqu’à ce fameux coup de fil.


- Ma dame ?
-  Monsieur Steelhearth !  
- Je viens vous annoncer de bonnes nouvelles Ma dame.
- Vous avez retrouvé Jin ?    
- Oui et il est en vie. Il vient de se réveiller dans l’infirmerie de la Forteresse.Vous pouvez venir le voir.
-   Mais vous l’avez retrouvé quand ?  
- Il y a quelques jours mais son état était critique. J’ai pris la décision ne pas vous déranger sans être sûr. Nous sommes arrivés dans la nuit à la Caserne mais il est en très bonnes mains.
- Je… Je… j’arrive avec le premier téléporteur.    

La communication se coupe. Mon coeur s’emballe, Jin était en vie. Lancelot m’a parlé d’un état critique mais il était en vie, ils ont retrouvé Jin. Je sors de mon bureau et part en direction du bureau de ma secrétaire.

- Je dois partir à Forteresse. Certainement pour la journée. Envoyer une missive à Madame Hidoru, ils ont retrouvé leur fils. Je me charge de la rapatriement ou sinon je m’occuperai de la faire venir à Forteresse.    
- Bien Ma Dame.

Je la vois sourire avant de me retenir quelques instants.

- Je m’occupe de tout Haru. N’ayez crainte, allez le retrouver. Je trouverai une excuse.
- Merci encore Miranda.    

Je prends alors la direction du bâtiment avec les anneaux téléporteurs. Mon accès est facilité par les gardes qui me reconnaissent immédiatement. En moins de trente minutes, me voilà dans le cabinet médical du Blizzard.

- Dame Du Lys ? Qu’est-ce que vous faites ici ?
- On m’a dit qu’un jeune homme a été amené ici cette nuit. Puis-je le voir ?    
- Euh oui, oui. Bien sûr. Un garde royal et un lieutenant de la capitale l’ont amené cette nuit effectivement. Oooh… je vois.
-  Merci beaucoup Docteur.  

Je pensais qu’elle a collé les morceaux toute seule et Lancelot arrive aussitôt devant moi avant de me saluer.

- Ma Dame.
- Monsieur Steelhearth, merci encore pour tout ce que vous avez fait.  
Vous pouvez remercier le Lieutenant Alnilnam, elle connaisait bien les environs.
-   Je n’y manquerais pas. Allez vous reposer, vous le méritez.  
- Bien.

Ce nom me disait quelque chose. C’était la garde qui avait trouvé l’oreouille. Je ne l’ai jamais vu personnellement mais j’ai compris qu’elle était au Myrmidon. Je devrais en discuter avec Lancelot et elle pour certains points de confidentialité. Mais là, j’avais quelqu’un à voir et mon coeur s’accélère à chaque fois que je m’approche de cette fameuse porte. Je me pose des tonnes de questions. Est-il en mauvais état ou pire encore. Lancelot m’aurait prévenu si c’était le cas, je le pensais assez prévenant sur ce genre de choses. Je pousse alors ses lourdes portes en bois. Il y avait quelques lits ici et là et je reconnais celui où Jin s’occupe. Il était le seul patient, la porte grince et il tourne la tête vers moi. Il avait quelques bandages sur le corps et je ne remarque pas tout de suite qu’il était en petite tenue. Non tout ce qu’il m’importait c’est qu’il avait les yeux ouverts, vers moi. Mon coeur me disait de courir dans sa direction, mon cerveau me disait de me contenir, je n’étais plus une jeune adolescente et mon rang ne le permettait pas. Je choisis la solution intermédiaire et en quelques enjambées je retrouve son lit. Je ne savais pas quoi dire et la seule chose que je réussis à faire c’est de poser mes genoux à terre et prendre Jin dans mes bras.

Mes larmes commencent à couler, je ne sais pas si je lui faisais mal mais tant pis pour lui si c’était le cas.

- Tu m’as fait peur idiot… et à ta mère aussi...    

Ma poigne autour de lui se renforce. Ma tête contre son torse, je retrouve ses odeurs, son corps chaud, ses cheveux qui avaient poussé, ils étaient détachés.

- Ne… ne me refais plus jamais ça. Jamais….    

Colère, tristesse, soulagement, je ne savais pas quelle émotion était plus forte par rapport à l’autre. Oui j’étais réconfortée de savoir Jin vivant mais les derniers jours que j’ai passé ont été terrible. Je me repassais en boucle le moment où je le retrouvais enfin. Il y a eu la phase où il aurait la plus grosse gifle de sa vie, enfin celle que je pouvais me permettre de faire. Il y avait la scène où un baiser passionné scellait son retour. Il y avait les pleurs, la peine et aussi celle où je ne voyais qu’un cadavre ou un homme qui ne ressemblait plus au Jin que je connaissais. Mais c’est quand j’ai vu Jin, quand j’ai vu son regard sur moi que j’ai su au fond que je ne pouvais pas m’énerver contre lui. Il n’avait rien fait de mal au fond, juste son travail et c’était peut-être ça le pire…

Quand ses bras ont fini par m’enlacer, j’ai senti enfin cette douce chaleur. Sa présence est réconfortante et j’ai bien vérifié avant de m’approcher si il avait bien tous ses membres. Grâce à Lucy, il a gardé tout son charme et il n’est pas borgne. Après ses embrassades qui furent peut-être trop courte à mon goût, nos yeux se retrouvent enfin. Il était fatigué, c’était sûr mais j’avais certainement la même tête avec mes heures de sommeil en moins.  On reste quelques secondes silencieux quand je vois qu’il essaye de dire quelque chose. Je l’encouragement silencieusement à continuer quand enfin, il présente ses excuses. Honteux, il fuit aussitôt mon regard. Oui j’étais en colère mais j’étais plus heureuse de le retrouver. Tout comme sa mère qui va retrouver son petit garçon, j’ai retrouvé mon bel aventurier. Je ne doute pas ce qu’il ressent et ma main glisse sur sa joue, effaçant cette larme qui coule le long de sa joue. Voir cet homme qui semblait si fort, si courageux dans cet état me serre le coeur. Intérieurement, je suis contente de ma décision et rejeté ma colère contre lui. Il ne le méritait pas et c’était une façon bête de le perdre encore plus, sa culpabilité faisait déjà l’affaire.


- Tu es encore là….  

Je tourne sa tête vers moi, mes  yeux certainement bien brillant, c’était même inévitable. Moi Haru Du Lys, Première Ministre, montrait mes faiblesses à un simple aventurier. Il faut dire que cette année, on met mon coeur en morceau avec Sekyung, Nyx et maintenant Jin. Prions qu’on me laisse enfin tranquille après tout ça.

-  C’est tout ce qu’il compte aujourd’hui, Jin.  

Je finis par me redresser, rester à genoux n’était pas une perspective à long terme et m'assois près de lui, sur son lit de malade. Je sors rapidement quelque chose qui pourrait ressembler à un semblant de miroir pour voir si mon maquillage n’a pas fini en catastrophe même si il est léger. J’efface quelques traces de traits noirs et reprends un peu possession de mes moyens. J’avais mille et une questions à lui poser, telles que pourquoi, comment, où ? Non, je ne pense pas qu’il veut parler de ça et peut-être ni avec moi. Non, je pouvais parler d’autres choses, des choses totalement hors propos.

- En tout cas, on s’occupera bien de toi et les sources thermales te feront un bien fou. Peut-être, on pourra prendre du temps pour y aller si tu le souhaites, je connais un très bon établissement.  

Qui me permettent également de privatiser les lieux pour avoir déjà essayé cette option avec une certaine rouquine forte séduisante.

- On peut dire que dans l’histoire, j’ai appris quelques petites choses par ta mère. Tu as beaucoup de chance de l’avoir, elle aurait retourné tout le royaume pour toi, elle a fini par me trouver, ce qui revient presque au même finalement.    

Un léger sourire se pointe aux bouts de mes lèvres. Miki avait débarqué dans mon bureau pendant que Mère me faisait une de ses énièmes remarques désobligeantes. Ce qui me fait penser que je dois maintenant me renseigner si ce n’est pas elle qui a fait en sorte d’attenter à la vie de Jin. Si par malheur c’était elle, elle verra enfin qu’on ne touche pas ce qui “ m’appartient “.

-  On peut dire que ma chère belle-maman m’aime bien. Si on peut l’appeler comme ça, enfin je ne sais pas exactement ce que tu as lui dit mais elle m’a raconté quelques secrets sur toi que je n’ai pas le droit de raconter évidemment. Tu ne pourras pas me faire cracher le morceau ! ça c’est sûr. Non, ce que j’ai surtout appris dans cette histoire Jin, c’est que je ne te connais pas toi et j’aimerai bien en savoir plus.    

J’avais pointé son doigt au niveau de son coeur. Je voulais savoir c’était quoi sa couleur préférée, son dessert, quelle saison à Aryon lui donne envie de voyager, à quoi il pense le soir, c’était quoi son rêve, si il rêvait de famille, si il voulait rester à la Capitale toute sa vie. Savoir un peu plus de lui autre que son corps et autres désirs plus intimes.

-  Comme tu vois par exemple, mon rêve c’est de voir un jour un Drarbuste. On dit que ses dragons sont magnifiques. On dit que certains l’ont même en familier. Il y a toute cette  histoire avec la K-Liane et le fait que ça se passe à Labyrinthia. Mais bon, je me contente de mon Floki et j’ai même un Gloot, il est insupportable mais il est mignon. Il faudrait que je te le présente celui-là, il s’appelle Natsu et lui aussi il parle. Des fois ils font de grandes discussions avec Tsubaki.  

Je m’arrête alors de parler, me rendant compte que je m’étais dans une longue discussion comme je pouvais le faire à chaque fois.

- Enfin bref, la finalité de l’histoire était de savoir. Jin, quel familier aimerais tu avoir si tu le pouvais ? Je te déconseille un gloot, ce n’est vraiment pas utile !  Oh ça me fait penser que la princesse est revenue au Palais avec un mystérieux Dante, un garde du village Perché mais ne parlons pas de ça ici ! Nous avons d’autres trucs à se dire.    

Je vois Jin à côté de moi qui lui aussi avait pris quelques couleurs, souriant à mon entrain à toujours vouloir parler.

- Si tu es fatigué, je peux te laisser aussi. Je dois m’occuper du transfert de ta mère. Théoriquement mon garde s’en occupe mais c’est toujours plus facile quand je viens avec mon sceau ministériel pour demander l’ordre de téléportation.    

J’attrape alors sa main qui avait quelques bandages et je trouve une énorme compresse sur sa cuisse et me rappelle ce que m’a dit Lancelot.

- Ca fait quoi de se faire foudroyer par un lieutenant de la Garde ? Mon garde m’a raconté, le voyage a été très calme après l’intervention du Lieutenant.    

Je me mets à rire légèrement. J’essaye d’imaginer la scène et je ne savais pas qu’on pouvait utiliser les flèches de foudre de cette façon. Fort heureusement, il a eu aucune séquelle mais un jour, il faudrait que je rencontre cet officier en tête à tête.

- Tu… Tu… tu as un drarbuste ?    

J’étais surprise qu’il possède un familier de ce genre. Je sais que la guilde à demander que des aventuriers aillent à Labyrinthia pour chercher des oeufs pour des études d’enchanteurs mais pas que. Cette annonce prouve encore que je ne savais rien de lui…

- J’attendrais ton invitation pour voir toute ta petite troupe alors.  

Quand il sera remis car je ne pense pas qu’on puisse le transférer pour la Capitale. Je sais qu’il se retient de ne rien dire, rien montrer mais ses bandages montrent ses blessures, ses bleus sur sa mâchoire montre qu’il a dû faire une grosse chute. Il n’y avait rien de casser enfin à première vue mais Lancelot m’a expliqué quand il était conscient qu’il avait hurlé comme si il voyait autre chose et ça lui faisait peur. Tel un cauchemar ou autre traumatisme qu’on découvrira dans le temps. De toute façon, nous n’étions pas à ce stade et il était vivant. Nous continuons notre discussion pour apprendre à mieux se connaître mutuellement.

- Un phoenix ? Etonnant pour être de flamme comme toi.    

Dis-je avec une pointe d’humour. Cet oiseau était fabuleux et on ne sait pas à quoi on pouvait vraiment le comparer. Il était très rare de l’apercevoir dans les montagnes du Nord. Nous savons peu de choses sur eux, leur reproduction, leur nombre, leur longévité. On pouvait lire dans les archives qu’ils vivaient longtemps car quelques ornithologues avaient réussi à identifier un spécimen grâce à son plumage mais ça s’arrêtait là. Tout le monde est d’accord qu'il est comme une créature céleste, je dirais même solaire. Ses aîles seraient a priori de feu et celui-ci se consummerait à sa mort pour se ressusciter par la suite. Non il y a de nombreuses légendes là-dessus mais je n’étais loin d’être une experte. Mais je comprenais parfaitement que la magie élémentaire de Jin soit attiré par cet être.

-  Même si je ne pense pas que tu puisses un jour en posséder un comme familier. Je prie pour toi que ton rêve se réalise et que tu puisse en voir un vrai ! Il te faudra une bonne escorte pour se promener dans les monts de Forteresse.  

Un sous-entendu sans équivoque pour pas que cette malheureuse situation se reproduise si il compte gravir les monts pour voir une telle créature. Enfin, je n’étais ni sa mère ni autre chose pour l’obliger à sortir avec des camarades compétents pour ce genre d’aventures.

-   J’ai toute confiance en cet officier pour ne pas tomber sous ton charme. Elle n’a fait que son devoir et je pense qu’elle a jugé que cette manière était la plus à même de te rendre la raison. Le coup de foudre n’a juste pas fonctionné.  
Tous les deux, on s’amusait de la situation. Il fallait plutôt en rire même si voir le corps musclé de l’homme en face ne me rendait pas si indifférente. J’ai pu profiter de lui quelques secondes lors de notre embrassade. Ma suggestion de le laisser un peu tranquille ne semble pas lui plaire. Je continuais alors de sourire comme une enfant. Savoir qu’il réclamait encore ma présence me fit chaud au coeur. Je ne sais pas si j’avais totalement le droit d’être ici, sa mère avait beaucoup plus de légitimité à mon sens.

- Je peux bien rester encore un peu. Puis de toute façon, maintenant que mon emploi du temps a été chamboulé, je ne suis plus à ça près mais… ça en valait la peine.  

Ma main glisse sur sa joue, glissant une de ses mèches de cheveux derrière son oreille. Son ruban rouge avait encore sa place à mon poignet et j’avoue qu’en plus du magnifique collier qu’il m’avait offert finalement juste avant sa mission, je n’ai pu que me souvenir le soir de notre première rencontre. Cet enchantement qui nous avait réuni, ces discussions interminables, nos étreintes. Il m’avait fait sentir différente le temps d’une soirée comme actuellement. Cette femme-médecin avait raison, il faut se laisser porter et ressentir les choses. Rien n’était tracé comme ses émotions qui naissaient dans mon coeur et que j’avais terriblement peur.

Je préfère alors quitter sa joue pour remonter un peu le drap sur ses jambes et aussi un peu son torse car ça va être difficile de ne pas regarder ses abdos musclés.

- Alors je vais dans l’obligation de parler. Je ne vois que ça puis tu vas rigoler. J’ai eu la visite de notre chère Reine chez moi il y a quelques jours.  

Je lui avais promis de nombreuses fois de venir à ma demeure, pour un thé ou autre séance de lecture. Je n’aurai jamais cru qu’elle serait venue mon jour de repos, tôt le matin alors que j’avais très peu dormi avec les cauchemars et autres pensées néfastes de la disparition de mon amant.

- Sekyung a pu enfin faire sa connaissance à mon plus grand désarroi, elle a lancé un sujet très intéressant dirons-nous. Sekyung est de nature taquine et elle a évoqué le sujet d’aventurier devant sa Majesté. Je ne sais pas si je t’avais parlé de notre lien ou plutôt notre amitié. C’est la Reine bien entendu, je ne serai jamais à son même niveau, je suis de nombreuses fois sa confidente mais cette fois-ci, elle a voulu inverser les rôles quand elle a remarqué que je n’étais pas dans mon assiette et pire encore que sa présence ne réchauffait pas autant mon coeur que d’habitude. Le plus dur est de ne pas pouvoir mentir face à elle et je ne suis pas du genre à contourner les mots. C’est un peu le contrat entre nous, l'honnêteté enfin … tout ça pour dire qu’on a parlé de toi, du moins de nous.  

C’était compliqué de dire à  haute voix ce que je pensais, ressentais mais notre Reine a toujours une femme extraordinaire et compatissante. Je crois que ça serait la première à m’encourager ou même célébrer notre mariage à la seconde.

- C’était un moment troublant à vrai dire, je ne te le souhaite jamais de passer devant ce détecteur de mensonge. La Reine est redoutable et quand elle veut quelque chose, elle l’obtient !  

Pour avoir succomber à ses nombreux caprices, il était étonnant que cette fois-ci, c’était elle qui jouait mon rôle. Une oreille attentive, des conseils avisés. Se retrouver de l’autre côté et ensuite traiter les paroles qu’elle me donnait. Je la plains finalement, elle doit avoir des avis sur tout et elle doit ensuite faire le tri. Mais vu qu’elle me garde, je dois bien m’en sortir, je présume.

- Mais ce n’est peut-être pas le moment de parler de ça même si j’ai commencé la discussion. Tout ce qu’il compte, c’est que tu sois revenu et surtout rendu à ta mère.    

Je pense qu’elle ne va pas tarder si Miranda a bien fait son travail. Je ne voudrais pas être là quand elle reviendra. Elle va étriper son fils et je ne veux pas être coincée entre deux feux.

- Que voudrais-tu faire pendant ses vacances forcées ? Forteresse est une destination certes intéressante mais je pense qu’il y a mieux surtout avec ce beau temps. On dit que visiter la Ville Aquatique dans ce temps est magique. Le soleil est au zénith et les reflets dans l’eau sont reposants. Il faut dire que les gens préfèrent profiter de l’eau et non être sous l’eau sans possibilité de se baigner.  

Je m’arrête encore de parler, me rendant compte que je parle beaucoup trop comme toujours. J’étais légèrement nerveuse et je ne sais pas si j’arriverai à supporter un blanc dans notre discussion. Alors je fais ce que je sais faire de mieux, parler.

- Veux-tu quelque chose à manger, boire ou juste je me tais et je reste ici. Je peux le faire aussi. Une sieste ne serait même pas de trop après mon voyage express mais avec la chance que j’ai, quelqu’un va venir et elle sera de courte durée.  

A l’idée de la sieste, je me surprends à bailler. Je cache aussitôt cette bévue de ma main, mon éducation et surtout les paroles de ma mère reviennent aussitôt en tête. Tiens toi droite, reste les yeux ouvertes, soit une dame. Allez, un petite torsion du cou, et c’est partie.

- Alors, que choisis-tu ?