Vous vous êtes séparées, chacune rentrant chez elles. La soirée se passe sans encombre, et vous vous mettez au lit.
Une fois endormie, vous commencez à rêver. Mais cela n'a pas l'air d'être un rêve. Non, on dirait des souvenirs. Mais des souvenirs de qui ?
Chacune de votre côté, vous rêvez d'une souvenir de l'autre. Quelque chose qu'elle aurait voulue oublier, quelque chose qui vous lie...
D'ailleurs, est-ce qu'elle voulait vraiment la revoir…. ? Elle qui s'était promise de ne jamais revoir un membre de son ancienne famille pour garder son secret. Après tout, Dahlia détestait Edmond. Comment est-ce que elle, elle réagirait en apprenant la vérité… ?
Ce fut le moral dans les chaussettes qu'Astrid alla quand même dans des tavernes de la capitale pour noyer ses soucis. Et dire qu'en se réveillant dans les plaines au milieu de nul part, elle avait encore eu l'esprit léger ! Là, elle fit bien attention de pas rentrer dans une taverne avec une autre personne aux cheveux blancs à l'intérieur. Elle but verre après verre en se lamentant auprès de ceux qui voulaient l'entendre, sans jamais expliciter son problème, réfléchissant à une solution pour réparer l'irréparable.
Au fond d'elle, elle savait que la seule chose à faire était probablement d'annoncer la vérité, aussi terrible et gênante soit elle, avant de se plus jamais se revoir et tenter d'oublier toute l'histoire. Rencontrer la réincarnation du grand-père qui a ruiné votre enfance et votre vie…. ? Ça se terminerait sans doute comme ça. Qu'est-ce qu'elle donnerait pour rencontrer une personne pouvant vous effacer une partie de votre mémoire. Ça faciliterait bien des choses, mais était la voie de la lâcheté.
6ème verre, 7ème, 8ème…Pas une seule fois la jeune citoyenne ne fit de blague, attestant là de son état des plus terribles. Ceux qui la connaissaient et qui la croisèrent ce soir-là se demandèrent bien ce qui lui était arrivé pour qu'elle en arrive à ne pas raconter une seule blague ou dire un seul jeu de mot. Ils n'eurent pour réponse que du charabia incompréhensible et des soupirs de frustration.
Au bout d'un moment, ce fut le tavernier qui ne supporta pas de la voir comme ça et qui la renvoya malgré ses protestations qu'elle avait encore soif. Il fallut bien 6 personnes pour maîtriser l'ivrogne et l'emmener jusqu'à chez elle, de braves personnes qui récoltèrent quelques bleus et cocards.
Une fois dans son humble demeure, la citoyenne se résigna finalement à faire sa toilette et à enfiler son pyjama. Dommage, elle ne finirait pas le reste de la nuit en compagnie de quelqu'un pour partager son lit. Cela l'aurait bien aidé, car il fallut bien des minutes avant que son esprit sombre finalement.
Et lorsqu'elle rouvrit les yeux….
Elle n'était plus dans son lit, mais devant un cercueil.
Si elle avait été dans son état normal, pétant le feu, elle aurait sûrement chantonné un air bien familier à base de « Tululu lulu, tululu tululu » tout en faisant mine de porter le cercueil, heh. Mais malheureusement, ce ne fut pas le cas.
Il ne manquait plus que ça. Dahlia dut finir sa route en rasant les murs des maisons, s'abritant comme elle pouvait sous les arcades et les encorbellements. Non qu'elle fut en sucre, mais elle n'avait guère envie de conclure la journée en écopant d'un rhume.
Ce fut trempée, malgré tout, qu'elle atteignit finalement à la porte de sa chambre militaire. Alors qu'elle tournait sa clef dans la serrure, des jappements réjouis se mirent aussitôt à retentir, de l'autre côté. Et à peine poussait-elle le battant de la porte, que Dahlia fut accueillie par l'assaut, affectueux et baveux, de son Canitribus. Elle se fendit d'une excuse tout en le grattouillant :
« Pardon, Keruberosu... Je ne voulais pas t'abandonner aussi longtemps. »
Dahlia s'absentait couramment, pour son travail, mais rarement plus d'une journée - hormis lorsqu'elle était temporairement affectée, ce qui restait rare, hors de la Capitale. Or les récents évènements l'en avaient éloignée sans qu'elle ne le veuille. Elle se fit pardonner en... ressortant promener son compagnon canin. C'était ça, d'avoir voulu un familier, il fallait en assumer les responsabilités inhérentes. Fort heureusement, la pluie avait diminué et les gouttes étaient déjà plus clairsemées, l'averse ayant été aussi violente que courte.
Alors, seulement, elle put rentrer pour de bon. L'appartement était vide, ses colocataires étant certainement de sortie - ce qui lui allait très bien, vu son humeur maussade et peu encline au dialogue. Après avoir pris une douche et avoir mangé, Dahlia décida de finir la soirée... sur l'un des fauteuils capitonnés, avec un bon livre, Keruberosu lové à ses pieds.
Une parfaite fin de journée, en somme. Dahlia aurait été prête à prolonger la soirée, si elle avait pu la passer avec Astrid, comme cela s'était esquissé, un temps. Mais finalement, avec du recul, son annulation était peut-être pour le mieux... car elles auraient probablement beaucoup bu, et fini par s'abandonner à un autre type d'ivresse nocturne. Une seconde fois, ce qui n'était, il fallait l'avouer, jamais une bonne idée. Une relation charnelle récurrente, ça créait de l'attachement, et ça, elle voulait l'éviter à tout prix.
Cependant, elle espérait tout de même revoir la citoyenne, amicalement parlant, car ses blagues lui manquaient déjà...
Dahlia se perdit dans son livre le restant de la soirée, jusqu'à ce qu'il lui tombe sur le nez, et qu'elle se résolve à rejoindre son lit. Alors, le sommeil la happa... et elle émergea dans ce qui semblait être un rêve. Ou plutôt, un cauchemar, vu l'ombre titanesque qui lui faisait face...
Toutefois, quelque chose clochait et était différent de l'accident qui s'était déroulé plus tôt dans la journée. Alors que pendant leur petite aventure dans les pleines Astrid avait été seule avec Dahlia, cette fois la jeune femme était au milieu d'une foule. Une foule de géants. Il lui fallut bien quelque secondes avant de comprendre que ce n'était pas des géants, mais juste des adultes. Le problème venait...d'elle. En regardant ses mains, elle découvrit des paluches de gamine.
….
Elle avait rétréci ? Confuse et affolée, elle regarda autour d'elle dans l'espoir de trouver un miroir mais n'eut le droit à rien. Elle ne put que constater qu'elle avait des cheveux blancs. C'était déjà ça.
Allez, concentre toi Astrid. C'était encore l’œuvre d'une magie quelconque cette merde. Mais laquelle….
En regardant de plus près les adultes, elle finit par remarquer qu'ils étaient tous habillés en noir. Elle aussi d'ailleurs. Elle portait une petite robe sombre. C'était de circonstance pour ce qui semblait être...un enterrement.
-On peut dire qu'ils tirent tous une sacrée tête d'enterrement. Haha. Ha. Ha.
...Personne ne dit mot ni la regarda, comme si elle n'avait rien dit. Peut-être trop occupés à pleurer ou à se morfondre. C'était un peu triste (pendant un enterrement, vraiment?), sans personne pour écouter et commenter ses blagues vaseuses. D'ailleurs euh...elle ne reconnaissait pas la petite voix qui était sortie de son corps. Bizarre. Et inquiétant. Mais elle avait vécu pire.
Sans prévenir, une main vint prendre la sienne et, en levant la tête, le visage d'Astrid se décomposa en reconnaissant la personne.
C'était…la fille d'Edmond. L'une de ses filles. Celle qui avait été la plus diligente dans sa carrière militaire.
...
Eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeh ? Qu'est-ce qu'elle faisait là ?! Et pourquoi elle avait l'air aussi jeune ? Elle aurait dû sembler plus….âgée normalement ! C'était vraiment pas normal. Mais le plus choquant encore pour Astrid, fut de voir de la tristesse sur son visage. Une profonde tristesse. Et des larmes. Est-ce que Edmond avait déjà vu cette expression chez sa fille ? La citoyenne ne s'en souvenait plus.
Bon. Euh….pourquoi est-ce qu'elle lui tenait la main du coup ? Et, comme si ce n'était pas assez, une autre personne vint lui prendre son autre main.
-Laissez-moi deviner, ça va être mon fils ou un truc du g….Oh putain de merde.
Son beau-fils. Tss, Edmond ne l'avait jamais aimé. Pour quelle raison…. ? Euh...Pas de raison précise...Juste qu'il ne l'avait jamais aimé….
La situation aurait pu être drôle, car après tout, ce n'était pas tous les jours qu'on pouvait voir une gamine de 7 ans parler comme ça, mais personne ne sembla la remarquer.
Étrangement, elle n'arriva pas à se défaire des mains des deux adultes. Ce n'était pas qu'elle se sentait mal à l'aise en la présence de sa fille, mais elle était ultra mal à l'aise.
Retournant son cerveau dans tous les sens pour tenter de trouver une explication logique à tout ça, Astrid entendit le sanglot d'une autre personne. Une vieille dame que la femme à tout faire ne reconnut pas :
-Oh Haydée, tu avais encore tant à faire ! Ce monde ne sera plus le même sans toi….
...Sous le choc, la femme aux cheveux blancs vint à changer de langue :
-¿Qué?
Et la raison de son état d'alarme se tenait devant elle... Un monstre titanesque, dont le dos était hérissé de reliefs abrupts, pareils aux arêtes déchiquetées d'une montagne. Le colosse en avait d'ailleurs quasiment la hauteur, et Dahlia devait tordre le cou pour en apercevoir le sommet, dont les crêtes partaient à l'assaut du ciel, prêtes à déchirer les nuages.
Un fenrir. Cette créature légendaire qu'avait combattu son aïeul, et qu'elle ne connaissait, pour sa part, qu'en fables.
Dahlia l'admira un court instant, dans le calme figé de cette fraction de seconde de répit. L'immensité, aussi majestueuse que monstrueuse, de la bête la laissait coite. Puis le massif se mit à rugir, en dévoilant une dentition effrayante, garnie d'une infinité d'aiguilles acérées. Et alors, elle sut le devoir qui l'animait... Elle devait l'affronter.
- musique:
« Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit.
La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. »
La garde regarda de plus près son armure : superbement damasquinée, sa facture était digne des plus hauts gradés. Elle avait également un bouclier, à son flanc gauche, qui luisait d'une aura magique. De l'autre main, elle tenait une puissante lance, magnifiquement orfévrée...
« J’affronterai ma peur. »
Elle resserra sa prise sur celle-ci avant de la projeter, tel un javelot, vers l'ennemi. L'arme de jet, qui était vraisemblablement également infusée de magie, fusa vers le monstre en vrombissant dans l'air glacial.
« Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. »
Le fer de la lance vint percer le cuir épais de la bête, juste sous son œil, qu'elle avait ciblé. Mais malgré la puissance de l'impact, cela la fit à peine vaciller. Le fenrir gronda avec la force du tonnerre, faisant retentir sa clameur de rage dans toute la vallée, au point d'en faire vibrer le sol, et de provoquer des éboulements, dans les contreforts des montagnes alentours.
« Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. »
Dahlia parvint de peu à éviter le coup de queue féroce, qui balaya, telle une bourrasque blanche, les rochers alentours en les pulvérisant. Lorsqu'elle se releva, sa pique était revenue dans sa main. Une lance retour, voilà qui était pratique, car elle ne comptait pas aller la récupérer en gravissant cette montagne carnassière... Le combat reprit, et se déroula encore intensément, la garde découvrant à ses dépends toute la brutalité contenue sous les névés ivoires du fenrir.
« Rien que moi. »
Et finalement... du sang macula le parterre de neige, perlant sur celui-ci en une infinité de rubis. C'était la fin. Elle avait tenu tête au colosse, au cours d'un affrontement de longue haleine, et elle était prête, à présent, à accueillir son destin, dans la solitude de la mort... pour conclure la solitude de sa vie.
Vous êtes perdu dans vos souvenirs. Pas les votres, mais ceux d'Astrid / de Dahlia. Vous rêvez de ces souvenirs... mais aperçevez une sorte d'ondulation du coin de l'oeil et devant vous apparaît une silhouette familière : Dahla / Astrid se trouve en face. Elle ne devrait pas se trouver dans ce rêve et personne ne semble y prêter attention. Elle a l'air aussi perdu que vous mais vous pouvez discuter...
HRP : Vous avez vu Sense8 ? En gros, vos rêves sont liés mais vous ne voyez pas la même chose. Cependant, ce que dit Dahlia : la Dahlia du rêve d'Astrid dira la même chose et ce que dit Astrid : la Astrid du rêve de Dahlia dira la même chose... Mais le décors et le contexte, reste dans vos rêves respectifs.
Et pourtant, ce rêve avait l'air bien trop réel et contenait bien trop de détails pour n'être qu'un simple rêve fabriqué par son imagination. Est-ce qu'elle venait de voir le roi et la reine parmi les personnes endeuillées ? Fergus, l'ancien commandant ? Tant de visages familiers de son ancienne vie. Elle se demandait si son enterrement avait été similaire, tiens. Ou est-ce que, mal aimé qu'Edmond avait été, aucun des membres de sa famille n'y était allé ? Ce ne serait pas étonnant.
On aurait pu croire qu'Astrid ressentirait de la tristesse, mais il n'en fut rien. Au mieux, une forme de nostalgie, car son deuil, elle l'avait déjà fait auparavant et avait visité la tombe de sa femme à de multiples reprises déjà. Et puis, sa femme n'était pas vraiment morte. Enfin si, mais elle était encore là….Bref, c'était compliqué.
Ce qui l’embêtait était de savoir pourquoi elle faisait ce rêve réaliste et pourquoi elle avait la taille d'une gamine. Si seulement il y avait un miroir…
Alors qu'elle se creusait la tête, une main vint se poser sur le dessus de son crâne. Le beau-fils lui caressait la tête tandis que sa fille dit les mots suivants en la regardant dans les yeux :
-Dahlia, Grand-mère Haydée est partie rejoindre les étoiles…
Pour seule réponse, Astrid haussa les sourcils et regarda sa fille, ébahie. Donc là, elle était dans le corps de Dahlia…. ? Et Dahlia était leur enfant, ce qui rappela à la citoyenne qu'elle était en effet, une grand-mère. Ou un grand-père. D'une certaine manière.
Même en rêve, Astrid n'échapperait donc pas à la réalité. C'était comme si Lucy voulait lui faire passer un message ou lui faire regretter.
Le seul bon côté dans tout ça, c'était qu'elle était seule dans ce rêve bizarre.
…
-Tch, ça m'apprendra à penser trop vite. Marmonna-t-elle en claquant la langue.
Car en face d'elle, sans que personne d'autre ne réagisse autour, Dahlia, adulte, apparut. Et elle avait l'air aussi perdu qu'Astrid. L'espace d'un court instant, la femme à tout faire fut heureuse de la voir, mais se rappela très vite de leur lien.
-Oh hey Dahlia ! Je pensais pas te...euh...recroiser si vite haha. Elle ricana et évita le regard de la garde. T'es réelle ou c'est encore mon esprit qui me joue des tours…. ?
Réelle ou non, cela ne changerait probablement pas la gêne que la citoyenne ressentait.
Dahlia était donc prête à mourir, ici, dans cette vallée glaciaire, sous les crocs du monstrueux colosse blanc... Lorsqu’elle entendit une voix familière, au bout du funeste corridor dans lequel elle s’engageait. Rouvrant les yeux, elle distingua alors la silouhette de…
« Astrid ? »
Dahlia resta interdite de stupéfaction un moment. Son esprit venait-il de la faire apparaître, avec le concours de sa dernière volonté de mourante ? La citoyenne était toutefois aussi confuse et interrogative qu'elle. Pour un mirage, sa réaction était étonnante de réalisme. Et alors, Dahlia finit par comprendre.
« Rien de tout ça n'est réel... »
Ce fenrir, Lucy soit louée, n’était qu’une projection onirique. Une chimère, issue… des souvenirs de son ancêtre, le commandant Edmond Delancy, le plus probablement. Dahlia ne voyait que cette explication, et cela justifiait son physique plus massif, et masculin, de ce qu'elle pouvait entrevoir de ce dernier. Mais comment se faisait-il que la citoyenne était soudainement apparue dans son rêve, et était parvenue à la reconnaître ?
« Toi aussi, tu es dans un rêve… en ce moment ? Tu ne vois pas le mien, j'imagine... Il est entretissé avec les souvenirs de mon grand-père, et tu ne m'aurais pas reconnue. Dommage, j'aurais bien aimé voir ta tête, face à ce fenrir. » trouva-t-elle le courage de plaisanter, alors qu'elle devait elle-même éviter de regarder le monstre présentement figé dans sa fureur, sous peine de trembler d'une intense frayeur.
Si elles pouvaient communiquer ensemble, elles devaient toutes les deux errer dans cet espace intermédiaire propre aux rêves... Comment un lien magique avait-il pu s'établir entre elles ? Dahlia n'en avait aucune idée, et elle était préoccupée par autre chose :
« Et sinon ça va mieux, tes… heu, troubles intestinaux ? T'es partie précipitamment, tout à l'heure, alors ça m’a un peu inquiétée... »
Si c'était vraiment Astrid, autant prendre de ses nouvelles.
En tout cas, en voyant la réaction de l'autre jeune femme qui avait l'air aussi surprise de voir la citoyenne, cette dernière pu en conclure qu'elle était – possiblement – réelle. Enfin, réelle. Façon de parler. Elle n'était pas issue de l'imagination d'Astrid, mais était bien une camarade de...euh...rêverie ? Et les deux rêves s'étaient liés pour leur permettre de discuter ?
L'ex-commandante failli s'étouffer (est-ce qu'elle pouvait mourir dans un rêve?) en entendant que Dahlia faisait actuellement face à un Fenrir. C'était de toute évidence le souvenir d'Edmond. Et quant à Astrid, elle était dans le souvenir de la garde. Tout s'expliquait. Plus ou moins.
Cela dit, que son amie soit tombée sur ce rêve en particulier, contre le Fenrir….Elle n'avait vraiment pas de chance.
-Je serais sûrement tombée dans les vapes après m’être pissée dessus, ou j'aurais fuis à toute vitesse en hurlant. Répondit la concernée avec un air dépité. Mais euh, un Fenrir hein ? Sacré rêve….euh, souvenir...La malédiction de ton grand-père te poursuit jusqu'à dans ton sommeil ? Ha.ha.ha.
Petite rire mécanique, montrant qu'elle était clairement mal à l'aise avec ce qui se passait en ce moment même. Elle n'avait envie que d'une chose : se réveiller.
-Moi je fais un rêve avec un enterrement. Je sais pas de qui. Peut-être le mien. Et sache que y'a personne qui porte le cercueil tout en dansant avec une musique entraînante, c'est bien dommage heh.
Maintenant qu'il y avait quelqu'un qu'elle connaissait, ça aurait été dommage de ne pas faire la blague. Bien sûr, elle n'osa pas lui dire que c'était l'enterrement d'Haydée, son ex-femme, et la grand-mère de la garde. Il y avait des chances qu'elles exploraient l'un des souvenirs de l'autre, et Astrid n'avait pas envie que Dahlia fasse un quelconque lien entre la citoyenne et son grand-père. En tout cas, pas pour le moment. Un jour ou l'autre, elle saurait la vérité, mais pas maintenant !
-Hmm? Mes troubles intestinaux ? S'étonna la femme à tout faire, avant de réaliser que c'était l'excuse qu'elle avait sortie pour rentrer chez elle. Elle s'exclama donc à toute vitesse : Aaaaaaaaaaaaaaaaaaah euh oui ! Oui. Une bonne grosse diarrhée ! Je suis restée aux chiottes un bon moment ! Ah si t'avais été là pour voir ça...Enfin non, ça aurait été dégueulasse ! Merdique même, c'est le mot ! Et toi ? T'es rentrée saine et sauve ? Ton supérieur t'a pas trop posé de question… ?
Puis elle réalisa quelque chose. Dahlia faisait face au Fenrir non ? Et Edmond s'était fait tuer par ce Fenrir. Donc….
-Eeeeh, dans ton rêve, tu t'es fait tuer et bouffer par un Fenrir ou pas encore ?
Est-ce que s'ils mourraient dans le rêve, ils mourraient en vrai aussi… ?
Naaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah. Ce serait un peu trop.
...pas vrai… ?
« Oui, à croire que les tragédies vécues par nos ancêtres sont gravées quelque part en nous, prêtes à ressurgir... Que leurs traumatismes font partie de leurs legs. »
Et quel héritage, pour Dahlia... Mais, à présent qu'elle avait vécu, d'une certaine façon, l'ultime combat héroïque qu'avait mené son grand-père avant de mourir, elle commençait à reconsidérer son aïeul un peu différemment. Car elle prenait la mesure de l'ampleur du courage qu'il avait déployé, pour accomplir ce haut fait. Elle appréhendait ce qu'il avait pu ressentir, en faisant front aussi longtemps face à ce fenrir... Et cet acte de bravoure et d'abnégation la plus totale n'était pas sans forcer son admiration, sous ce regard d'une acuité nouvelle.
Astrid lui apprit qu'elle rêvait, quant à elle, d'un enterrement. Elle côtoyait donc également la mort, à sa façon. Le parallèle était troublant. Peut-être cela expliquait-il en partie leur connexion ? La mention de la danse du cercueil fit sourire Dahlia.
« Regrettable, en effet... Ça devrait être instauré d'office dans les cérémonies mortuaires. »
La citoyenne l'informa de ses péripéties intestinales avec un certain sens du détail, mais elle semblait déjà aller mieux, ce qui rassura la garde. Ses troubles avaient peut-être été provoqués par le stress des derniers évènements qu'elles avaient enduré. Dahlia n'était pas médecin, mais cette tension nerveuse qui va jusqu'à vous ramoner les boyaux, elle la connaissait bien.
« Oui ça a été pour moi, j'ai l'habitude de noyer le poisson lors de mes échanges avec mes supérieurs, après toutes ces années de service... plus ou moins bien exécuté. »
C'était l'un des avantages - ou certainement l'unique - à ne pas être une garde toujours très assidue dans ses devoirs : Dahlia avait développé un certain talent pour rendre des rapports oraux à ses supérieurs, sachant leur donner du grain à moudre tout en éludant les détails trop préjudiciables ou compromettants. La question suivante d'Astrid la rappela à la dureté de son rêve.
« Non, pas encore mais ça ne saurait tard... »
« GRRRROAAAAAAAAAAARRRRRRRRRRRRRRRRRR »
Le fenrir se remettait justement en mouvement, après ce trop court répit. Ses babines, présentement retroussées sur ses crocs qui saillaient tels des pitons rocheux, étaient à deux doigts de la dévorer. Edmond allait rendre son dernier souffle... Et qu'allait-il advenir de Dahlia ? Ne risquait-elle pas de faire un arrêt cardiaque, dans son lit, en revivant ces derniers instants fatidiques, et face à la douleur extrême qui allait les accompagner ?
« Astrid... au cas où, si je ne me réveille pas, je voulais quand même te dire que... Ce fut un plaisir de te connaître. Un honneur, même, d'avoir rencontré la personne la plus... drôle d'Aryon. Et je crois que... »
Alors que les crocs du colosse étaient sur le point de la transpercer, Dahlia se redressa brutalement dans son lit, haletante, les yeux écarquillés sur la pénombre environnante. Sa bouche était aussi sèche que son pyjama et ses draps étaient imbibés du sel de sa sueur. S'y délitait, petit à petit, un fantôme fugace, celui du goût ferreux du sang. Mais son corps, qui était redevenu le sien de ce qu'elle pouvait constater, n'était visiblement pas blessé. Tout cela n'avait été qu'un rêve.
La citoyenne fut également contente d'apprendre que la garde n'avait pas eu de gros souci avec son supérieur, car après tout, elle l'avait un peu lâchée au pire moment d'une manière un peu (beaucoup) suspecte. Dans le cas contraire, l'ex-commandante aurait pu utiliser du peu d'influence qui lui restait encore et de ses contacts pour régler tout problème, mais bien sûr, elle était réticente à cette idée.
….Attendez attendez, pourquoi les paroles de Dahlia sonnaient comme si elle allait clamser et ne jamais se réveiller ? C'était pas possible hein ? Ça pouvait pas arriver pour de vrai ! Quoique, ce ne serait pas la première fois que ce serait arrivé...Elle avait déjà entendu des rumeurs à ce sujet…Prise de panique, Astrid tendit sa main vers la silhouette de son amie et courut vers elle :
-Dahlia ! Attends ! J'ai quelque chose à te dire aus…..
Et elle disparut. La jeune femme resta en plan pendant plusieurs minutes, réfléchissant aux probabilités de revoir Dahlia ou non. Est-ce qu'elle était encore vivante ? Est-ce qu'elle était morte dans son lit ? L'angoisse monta peu à peu en elle puis...finit par redescendre.
L'inquiétude ne servait à rien. Elle devait trouver un moyen de se réveiller, et d'aller directement voir la garde pour voir si elle allait bien.
Le problème était comment se réveiller.
Il y avait plusieurs choses à tester. La première chose étant….
Bien décidée, Astrid courut pour mettre son plan à exécution. Direction le palais ! Si elle pouvait l'attendre, elle pourrait…
-….oops.
Elle trébucha sur un caillou et vit le sol se diriger vers elle à toute vitesse….ou plutôt son visage qui se dirigeait vers le sol. Se préparant au choc elle ferma les yeux mais aucune douleur ne se fit ressentir. Bizarre ça. Elle qui était prête à voir des étoiles et à avoir un front douloureux….
Hésitante, Astrid ouvrit lentement un œil et vit un plafond au lieu du sol. Au lieu d'être sur de la terre dure et froide, elle était sur quelque chose de moelleux et de confortable. Au lieu d'être dans le corps d'une gamine pré-pubère, elle était dans le corps d'une jeune femme. Mais juste pour être sûre, elle se palpa la poitrine. Yep. Le corps d'une jeune femme. Et pour avoir palpée cette poitrine un nombre incalculable de fois, elle pouvait décemment conclure que c'était la sienne.
La citoyenne s'était réveillée du rêve. Pas de la façon qu'elle avait imaginée mais….
-Bah. C'est...un peu la honte....
Elle espérait que son amie allait bien.
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