Boule de neige

Vous savez ce que Nora aime plus que la chasse ? Un paquet de choses, dormir, camper, prendre des bains de minuit en compagnie de quelqu'un qu'il ne touchera sûrement jamais ou bien même chercher son père inlassablement. Pourtant est-ce un prétexte pour ne faire que le reste et arrêter la chasse ? Il se le demande régulièrement, mais pour autant il faut manger et s'il voulait avoir une chance tant de trouver le véritable amour, ou trouver son paternel, bah fallait bien survivre en attendant quoi.

C'est ainsi que sur la piste d'un Talbuk bien spécifique, Nora engagea son voyage vers les montagnes. Qui sait, peut-être qu'il y trouverait son père ? Il était peut-être parti acheter du lait de Talbuk, lui aussi, et on l'a jamais vu revenir. A moins qu'il ne se soit perdu au-delà de la frontière en empruntant une rampe de décollage naturelle au bord de sa boule de neige improvisée, comme il l'avait déjà fait lui-même, cela pourrait au moins expliquer une partie de la génétique consistant à trouver les meilleurs plans pour se foutre dans la merde. En parlant de se foutre dans la merde, le jeune homme aperçut une drôle de brume se lever à l'approche du pied de la montagne. Soit ? Puisse la grêle tomber tant qu'on y est, la prochaine étape serait de croiser son père au pied de la montagne et d'aller faire du ski avec lui. Du ski ? C'est quoi d'ailleurs ? Aucune idée, le nom sonne pas mal, si un jour ils inventent un sport de saison froide avec des bâtons sur les pieds et dans les mains, ils devraient l'appeler comme ça.

Posant son sac à dos à ses pieds, Nora se dégourdit les jambes et les épaules. On aborde pas une montagne n'importe comment, aussi, faudrait être finement paré pour parvenir jusqu'à son précieux Talbuk au crin soyeux. Soudain, sortit de il-ne-sait où une voix plutôt amicale s'étonna de trouver un compagnon partageant le même route. Qui était cette femme, une sorte de voyante ? Elle aussi partageait la passion de la chasse ? Et bien évidemment, deux chasseurs sur la même bestiole, elle n'aurait aucune chance !

- "Ah, je vois que tu es également une femme de culture."

Elle renchérit alors avec ce qu'on pourrait dire être une proposition plutôt étrange.

- "'fin, sauf si tu ne veux pas de concurrence. Mais autant te le dire tout de suite, j'suis plus rapide que toi, heh. Sauf au lit, huéhuéhué."

Plissant la paupière, Nora tourna l'information dans tout les sens pour essayer d'y faire sens, en vain. Après tout, si cette personne voulait mettre un Talbuk dans son lit, grand bien lui fasse ! La mère du jeune homme lui avait apprit à ne jamais offenser les autres avec ses propres idées, c'est ce qu'on appelle la tolérance dans les nuances culturelle, bien élevé, Nora répondit donc ainsi.

- "Ahah, non au contraire, coopérons ! Mais, euh ... Je t'avouerais, les bestioles poilues dans mon lit, c'est pas mon délire, je te les laisse si tu y tiens tant !"

Jetant un coup d'œil vers le sentier ascendant, Nora prit alors la suite de la demoiselle aux goûts étranges et joyeusement, annonça ses intentions de chasse haut et fort.

- "On va s'les faire !"

Boule de neige

Nora s'était visiblement fourvoyé sur le compte d'Astrid. Leurs passion n'était pas muée par le même désir de chasser, le Talbuk légendaire au crin soyeux n'intéressait pas non plus Astrid, ce qu'elle voulait réellement ... C'était un Talbuk rasé ?! Vraiment, une femme admirable, entretenir sa propre bête pour avoir du poil toute l'année, en plus d'être extrêmement patiente, elle avait un cœur d'or. Partageant la même fougue que sa partenaire, l'aventurier tapota son épaule et leva le pouce avec un sourire complice, l'air de dire "On va faire un duo de choc, allons tondre les Talbuk ensemble."

La route s'étoffait d'une brume de plus en plus dense, si bien qu'on aurait presque pensé Astrid chauve avec ses cheveux blancs sur blancs. Quoique, elle était pâlotte aussi, alors c'était plutôt sa veste qui était démunie d'humaine. Par contre niveau tchatche, on n'avait pas perdu le fil ! Demandant son nom au garçon en l'appelant jeunot, il détailla de nouveau la demoiselle qui était au pire aussi vieille que lui, physiquement, à moins que la brume n'estompe des rides qu'il avait pas capté avant mais là, il y avait du business à faire ! Non, imaginez franchement, il suffirait de condenser l'air dans des petites jarres et les envoyer dans toute la contrée en les vendant à prix d'or ! D'après une expérience sociale, une bonne partie de la plèbe masculine serait prête à acheter l'eau de bain de certaines nobles, pourquoi pas l'air de montagne ? Mais revenant à la question importante, l'aventurier se présenta brièvement.

- "C'est Nora, et toi ?"

Avant même de pouvoir entendre sa réponse, Nora fut comme la demoiselle émerveillé par la scène, un ciel bien plus dégagé, une grande étendue ... attends, ils venaient de traverser un mur de brume, d'où allait sortir le boss intuable ? Ca se passe toujours comme ça dans les contes sur les chevaliers oignons, alors Nora était venu préparer ! S'apprêtant à taper ses meilleurs roulades dans la neige, il s'immobilisa pour capter un vieux, barbu, s'étant figé net en observant le jeune homme.

- "T...toi ? Ici… ?"

- "Le chevalier esclave Gael, hein ... C'est bien moi, maintenant prépare toi à affronter le dieu de la parade ... attends, il est où mon bouclier ?"

Cherchant sur lui un semblant de défense, il ne vit pas l'étreinte arriver et, enserré ainsi que sermonné par les dires maléfiques du Malin incarné dans cette pauvre coquille mortelle, Nora lui offrit son plus beau german supplex pour lui faire manger de la poudreuse.

- "Tes sortilèges ne fonctionneront pas sur moi, démon."

Il pointa du doigt vers le bas pour imposer sa domination et se retourna vers la meuf bizarre. Attends, Astrid ? Regardant à gauche, à droite, puis de nouveau à gauche avant de traverser la piste sur laquelle glissait les gens sur leurs bâtons, Nora rattrapa sa partenaire en appelant son ... Attends, elle s'appelle comment ?

- "HEY ! LA MEUF QUI AIME QUAND C'EST RASÉ !"

Bah oui, manque d'originalité et d'information résulte en un nom peu flatteur, mais si derrière il pouvait passer un message aux autres pour glorifier sa nouvelle amie avec un amour singulier des Talbuks, alors peut-être serait-elle comblée ! Puisque oui, apprécier c'est aussi offrir. Puis d'un coup d'œil vers le bâtiment ressemblant à un chalet, il aperçut sa compagnie et encore plus loin, une taverne dont le nom était écrit en énorme : "Le bouc brouteur". Un Talbuk, c'est comme un gros bouc ! Courant vers la drôle de demoiselle, Nora la rattrapa en peu de temps et renouvela sa tape sur l'épaule en lui attribuant le succès de la trouvaille.

- "T'es une rapide, t'as pas menti ! En plus t'as trouvé notre destination avant moi, je te laisserais l'honneur du premier tir dans ce cas !"

Car oui, un chasseur sait concéder le premier tir à un camarade qu'il respecte. Ils arrivèrent ainsi jusqu'aux portes d'une taverne mythique où la chasse était un sujet traité avec beaucoup de sérieux. Enfin, il espérait.

Boule de neige

Astrid semblait touchée de l'attention de Nora, car oui, le premier tir est un honneur, mais elle spécifia ne plus rien avoir entre les jambes pour tirer, tout naturellement, Nora en bon gentleman la rassura.

- "Oh, tu sais, si tu trouves la proie parfaite, j'te prêterais mon matos pour t'en occuper ! Bon, le miens est un peu dur à bander, mais on s'y fait vite, ahah !"

Tout jovial, il n'était pas du genre à prêter son arc à n'importe qui, mais Astrid semblait œuvrer pour la bonne cause, alors pour tirer sa proie, il lui prêterait volontiers main forte ! Puis la voilà qu'elle se présentait. Astrid ? Un nom peu commun, mais lui allant étrangement bien, puis elle l'avertit d'un orage dans la foulée. Un orage ? Par ce temps magnifique ? Quelle idée.

- "Un orage ? En voilà une qu'on Nora pas vu venir ..."

Bien trop inconscient de sa propre puissance, le garçon préféra écouter Astrid faire la discussion avec le malabar planqué sous sa trappe. Il faudrait un code ? Pour chasser ? Cela devrait être une espèce de club privé très prestigieux, mais le jeune homme n'en attendait pas moins de sa partenaire qui n'avait pas fait une seule faute de goût jusque-là. Le début d'une belle amitié en perspective pour deux amoureux de la Chasse Sauvage !

- "Eh bien, mon cher Gera ..."

Non, mauvais sorcelleur.

- "Chère Astrid, je te l'fais pas dire."

Puis prise d'une curiosité, elle aborda une demoiselle, abordant visiblement une discussion existentielle. Après tout, si cette femme ne pouvait pas reconnaître son mari, n'était-ce pas là la preuve même que ce qui importe n'est pas ce véhicule terrestre appelé corps, mais l'être ésotérique dissimulé au sein de celui-ci ? Une âme bien plus grande, bien plus sage, douée d'omniscience et omnipotence, alors ainsi ne resterait-il qu'à réveiller sa vraie puissance et briser les chaînes nous reliant à ce monde matérialiste, prendre notre envol ... Grâce à l'aide d'Astrid, un gamin prit presque le sien, avec une boule de neige derrière le crâne, abasourdit, Nora s'exclama.

- "C'EST L'EVEIL SPIRITUEL !!"

Puis sa partenaire de chasse prit la fuite, bafouant son nom.

- "ON S'CASSE NORARARA ! Oops, désolée, ma langue a fourché…."

- "Tu mens, c'était fait exprès !"

Détalant l'un à coté de l'autre, ils arrivèrent à l'entrée de la grotte où se trouvait deux étranges bateaux d'une facture étrangère, avec assez de place pour y allonger les jambes. Il n'y aurait que la tête qui dépassait. S'il s'avérait de grimper la montagne, ils auraient pu au moins fournir un chaudron à la place, ainsi qu'un marteau pour se déplacer, en plus de quoi ça aurait laissé l'occasion aux spectateurs de commenter l'ascension avec une voix irritante. Mais non, il fallait composer avec ce qu'on avait. Astrid étant plus rapide, il arriva après elle et admira leurs futurs véhicules. Deux barques, une jaune gardée par un jeune blond aux airs arrogants, ainsi qu'une blanche à rayures noires, gardée par un autre jeune brun aux apparences désinvoltes. Le blond prit la parole en premier.

- "Alors, vous voulez tenter la glisse ? J'suis Mazda du clan des Soleil Rouges et voici mon modèle de barque, j'ai nommé la FD3S. Elle possède une aérodynamique hors du commun et permet de monter super vite en vélocité dès la troisième !"

- "La troisième quoi ?"

- "La troisième coup de pagaie, bouffon, tu veux accélérer comment sinon ?"

- "Ça se tient."

- "J'vais plutôt laisser ta pote conduire mon bébé de technologie, arranges toi avec Trueno."

- "Trueno ?"

- "Moi."

Le deuxième mec à l'air blasé présenta son canoë.

- "C'est mon véhicule, comme une fille pour moi."

Nora se sentant gêné d'être le premier étranger à rentrer dans sa fille, il garda le silence avec une certaine retenue concernant sa proposition.

- "Mais t'as rien à craindre contre celle de Mazda, FD3S. J'ai modifié ma AE86."

- "C'est quoi déjà FD3S ?"

- "Foutu Dans 3 Swings, comme toi si tu cours contre MA barque."

- "Oh, et AE86 ?"

- "J'sais pas, j'ai pas trouvé de jeu de mot pour celle-là."

...

- "Mais tu as toutes tes chances, il faut que tu contrôle ton inertie et je peux t'aider pour ça. Tiens, prends ce verre d'eau."

Levant le coude, Nora termina le verre en deux gorgées.

- "Merci, j'avais soif."

- "Bon courage, futur champion."

Prenant place dans la barque de Trueno AE86, le jeune homme lança à Astrid un regard prêt à courir, il ne comptait pas la laisser atteindre l'arrivée avant lui.

Boule de neige

C'est sur un coup d'éclat et Karen la furie venant demander réparation pour son cadre magique que les deux canoës s'élancèrent dans une pente de glace. Le crissement de bois contre des parois solides et froides permettait d'accumuler une inertie remarquable et à bord de sa Trueno AE86, Nora tira la "pagaie à main" en lançant son véhicule pour prendre des angles en glissade latérale. Comme s'il avait pratiqué ce sport toute sa vie, il ne voyait rien l'arrêter. Sauf Astrid tapant une pointe, il avait donc passé la troisième et encore pire, dans un virage ! Mais la maitrise du coup de pagaie fit passer l'avant de la Mazda FD3S dans un renfoncement du coté intérieur du virage, permettant une conservation de l'inertie sans qu'Astrid ne perde le contrôle de son véhicule.

- "L-LE DRIFT PARFAIT ?!"

Deux spectateurs sur le côté, arrivés ici par nul ne sait quel moyen commentaient la scène.

- "C'est le FD3S des Soleils Rouge ! Le tout dernier modèle de Mazda ! Et derrière l'AE86 !"

- "A cette vitesse, ils ne passeront jamais les cinq virages consécutifs qui arrivent !"

Esquissant un sourire sûr de lui, Nora régla cette histoire en quelques coups de pagaie driftés et avait même presque rattrapé Astrid qui avait une tête d'avance, au cinquième virage, ils étaient quasiment côte à côte. Il était si concentré sur la course qu'il ne vit la brume qu'une fois en plein dedans, au moment où son véhicule avait finalement rattrapé celui de sa rivale de course. Puis ...

Plus rien.

La glace ne crissait plus sous le bois, si bien qu'il n'y avait plus de véhicule. A cette vitesse et sans trop savoir d'où, les deux coursiers furent projetés dans l'eau d'un lac au pied de la montagne, sans trop savoir comment ni par quelle sorcellerie vaudou. Regagnant la surface, Nora toussa l'eau dans ses poumons en ronchonnant.

- "AAaaaaAaaah ! Glurglurglurg ! J'ai déjà bu son verre d'eau, maintenant on me sers la tasse ... hein ?"

Remarquant le décor retourné à la normale, plus de neige, plus de canoë, juste une trempette de midi avec Astrid. Décidemment, les bains avec des meufs qu'il allait pas serrer, il en avait un paquet à sa collection. Estampillant sa carte de virgin d'une petite gourmette à l'effigie de la beaufette, Nora lui lança.

- "menfou c'est une égalité." En évoquant la course."

Puis avec un peu plus de sérieux, s'assura qu'elle se noie pas. Il avait encore besoin d'elle pour trouver le Talbuk parfait. Trainant à moitié la demoiselle sur la rive, il l'abandonna les pieds dans l'eau.

- "Sacrée prise monsieur Grills ! Ça c'est du maquereau comme on en fait plus, ahahah !"

Tentant de noyer sa tristesse derrière des blagues presque moins bonnes que celles d'Astrid, le garçon reprit une mine sérieuse et parla comme un commando de la garde.

- "Mission échouée ! On les aura la prochaine fois."

Puis offrant sa main pour relever la petite sirène, il proposa un petit remontant.

- "A défaut d'avoir le code, on irait pas boire un coup ?"