Début de la saison chaude

Mes pas me dirigent vers la caserne du village Perché. J’ai rarement mis les pieds là-bas d’ailleurs. J’ai beaucoup servi au régime de Forteresse mais juste quelques missions au Grand-Port ainsi qu’au Village Perché. Le Colosse était à la tête de ce régiment depuis maintenant quinze années mais je n’ai jamais eu l’occasion de parler avec celui-ci. C’était un ancien, reclus dans sa forêt et débarquement rarement à la Capitale, j’avais déjà assez de capitaines à gérer !

J’avais pris les anneaux de téléportation quelques minutes plus tôt avec mon familier Catosorus qui s’appelle Lucy. Une jeune monture qui ne peut pas encore soutenir mon poids mais pouvait déjà porter un enfant. Au fil des lunes, elle a gagné en autonomie et se rapproche peu à peu du statut d’une monture de guerre telle qu’on peut les connaître au régiment du Blizzard. J’étais accompagnée également de Loki, mon kitsune que j’ai adopté il y a une lune de cela. De la même couleur d’un renard et avec ses cinq queues, il avait déjà quelques années au compteur. Krystelle, une vétérinaire et propriétaire d’un refuge du Village Perché, m’a expliqué son parcours. Il fallait encore un peu de temps pour le dompter mais il se contentait pour l’instant de me suivre sans broncher. J’étais patiente et puis avec Lucy, ils faisaient un très beau duo. Il assure sa sécurité et c’est tout ce qui m’importait en plus de jouer ensemble.

J’étais maintenant devant le poste de contrôle de la Caserne. Deux gardes m’accueillent chaleureusement et je décline rapidement mon identité.

- Lieutenant Alnilnam ! On ne vous attendait pas.
- Oui, ça s’est fait comme ça. J’ai rendez-vous avec un supérieur à vous pour une affaire.    
- Oh, d’accord.
- Bienvenue à la caserne du Village Perché alors ! Profitez bien.

Leur bienveillance m’arrache un sourire mental mais je ne laissais rien paraître avant de me diriger vers les quartiers des officiers. Je marche ainsi quelques minutes me perdant à travers les différents bâtiments. Loki et Lucy restent curieux sur l’endroit. Ils ont l’habitude de la caserne du Myrmidon mais ici tout était bien différent. Ils croisent d’autres familiers et Lucy profite pour s’échapper pour dire bonjour à tout ce qui passe devant sa truffe. Protecteur, Loki restait derrière et je finis par donner un ordre télépathique pour qu’ils se remettent dans le rang. Quelques gardes me dévisagent, ne me reconnaissant pas car je porte les couleurs de mon bataillon. Equipée de mon armure légère, ma grande épée dans le dos, Lucy avait quelques sacoches sur elle, ainsi que Loky. J’avais une besace sans fond dans le dos, permettant de ranger le nécessaire de survie et quelques dagues. Ma seconde épée trônait à ma ceinture et on pouvait entendre le bruit des entrelacs de mon armure. J’ouvre alors la porte du bureau et un officier supérieur lève les yeux dans ma direction.

- Lieutenant Alnilnam du Myrmidon, je viens pour l’affaire de la secte des Gloots. Notre affaire commune.    
- Ah oui, ça. C’est vrai. C’est de pire en pire ses derniers temps. Je crois que les beaux jours les motivent !
- Nous n’avons pas les même impact à la Capitale mais effectivement, on entends ce nom jusqu’à nos murs.    
- Si nos petits nobles ne peuvent se déplacer sans se faire kidnapper, où va le monde !
- Je sais que nombreuses escortes sont organisées par la guilde. La garde ne peut pas prendre tout en charge.    
- Bah j’ai cru comprendre que vous deviez votre les indices sur leur dernière frasque, c’est ça ?
-   Oui, c’est pour cela que je suis venue. Voir si je peux trouver des correspondances.  
- Je vais vous donner un garde pour votre enquête. Une jeune recrue, ça lui fera du bien !
- Ahahaha, j’espère qu’elle connaît bien les lieux alors !      
-Elle est native du coin de mémoire, c’est la garde Mavrocordato, enfin vous verrez bien.
- Où, je peux la trouver ?      
- Vince, va accompagnez le lieutenant pour l’amener à Mavrocordato.
- Oui chef !

Je finis par quitter le bureau avec le subalterne, mes familiers derrière nous. Nous traversons le camps pendant quelques minutes avant de trouver un rassemblement de garde. Nous finissons par nous présenter et le garde de la Caserne prends la main.

- Mavrocordato, tu es assigné au Lieutenant Alnilnam pour les prochains jours. Elle est de la Capitale. Elle a besoin de tes services pour les patrouilles dans le coin.

Instinctivement, nous sommes détachés du groupe et nous étions enfin tous les trois.

- Enfin tu vois avec qu’elle  hein ! Lieutenant, je vous laisse.

Il fit un dernier salut militaire avant de me laisser seule avec la jeune recrue. Je passe quelques secondes à observer la garde qu’on m’a donné. Elle était jeune et n’avait pas l’allure d’un soldat.

- Lieutenant Bridget Alnilnam. Nous allons travaillons ensemble pour les prochains jours. Vous êtes Mavrocordato, c’est ça. On m’a dit que vous connaissiez les lieux. Je vous remets à vous donc.      

Je fis signe de m’accompagner pour trouver un endroit plus confortable pour discuter.

-  Avant de commencer, on m’a dit que vous étiez nouvellement affectée ici, c’est quoi votre spécialité ?    

Je continue ma marche pour trouver une table extérieure de libre. Ca serait parfait pour lui expliquer notre enquête et aussi qu’elle montre sur une carte les différents endroits que je veux voir.

Comment ça, elle ne connaissait pas les lieux comme sa poche et n’était pas natif du coin ? Cet officier supérieur ne connaissait pas donc ses hommes et avait sorti le premier nom qu’il avait en tête ? Peut-être confondait-il avec une autre recrue mais c’était trop tard, il m’avait assigné cette personne et je devrais m’y faire à mon plus grand désarroi. Bon au moins, elle savait faire d’autres choses qui me seront bien utile. C’était une éclaireuse, un bon point pour circuler dans la forêt. Les Belluaires avaient chacun leur spécialité à l’image du Blizzard. Leurs noms d’unité m’ont toujours fait rigolé entre les Faucons, Tortugrams, Tsy’lys et Ouranbos.

- Oh, vous êtes de l’unité des Faucons !      

Non pas que j’étais une grande spécialiste de tout ça. Mais en tant que gradée, il est dans mon devoir de connaître un peu les autres unités des autres régiments. Puis pour éviter d’être ridicule quand on me parle lors de réunions d’officiers.

- Oui donc, je viens pour l’affaire de la secte des Gloots sacrés. Nous avons eu quelques affaires similaires à la Capitale. Après avoir des recherches dans diverses archives, il semble que nous avons un peu le même procédée d’enlèvement.  J’ai préféré donc me renseigner directement ici et poursuivre l’enquête en collaborations avec les Belluaires.  

Puis un peu de balade n’a jamais fait de mal à personne. Ca faisait un certain temps que je voulais retourner dans le régiment où se trouve beaucoup de réhabilités. Le Capitaine Nottsen semblait apprécier ce genre de “ cas “ mais bon, il faut bien mettre ses gardes quelque part.

- Après pour les bonnes étoiles, je dirais que ces criminels ne sont pas les plus intelligents du Royaume. J’ai rapidement fait le rapprochement et puis je pense que Lucy m’a mise sur leurs routes. Je ne tolérais plus un enlèvement d’enfants entre les murailles de la Capitale.      .

Je connaissais de nombreux enfants dans mon quartier depuis que j’avais intégré de nouveau la garde de la Capitale. Ca pourrait être n’importe qui et évidemment, ce n’est pas les enfants de nobles qu’ont fait disparaître, loin de là !

-  Avez-vous des informations sur cette affaire ? Peut-être votre unité a déjà repéré des mouvements suspects dans certaines parties de la forêt ? Je sais que ce n’est pas la Cabale loin de là. On ne voit aucune cohésion dans leur enlèvement. Des rançons totalement aléatoires et j’en passe. D’ailleurs, les enfants sont retrouvés la plupart du temps mais refuse de parler de ce qu’y est passé là-bas dans ses grottes. J’ai essayé de regarder les cartes des environs, étudier la topographie existante mais rien ne présage la présence de ses grottes ou autres cavernes. C’est pour ça que je me remets à vous.    

J’entendis Lucy, ma jeune catosorus grognée. Un Rapidodo était passé non loin d’elle et elle voulait déjà s’amuser à l’attraper. Loki, grand frère qu’il était, avait placé sa patte sur elle pour éviter qu’elle ne fasse une énième bêtise. Je transmets une légère réprimande télépathique au félin avant de me concentrer de nouveau à la jeune femme brune.

- Pouvons-nous commencer dès maintenant nos investigations ? Le plus tôt sera le mieux non ?      

Me redressant tout en tenant mon épée à ma ceinture. Mes deux familiers se lèvent aussitôt et s’approchent de moi. Prêt à partir à l’aventure.

- Avez-vous besoin de prendre du matériel spécifique ? Prévenir votre responsable ? J’aimerai bien parler aux dernières victimes si possible.    

Peut-être qu’on aura plus détails sur leur enlèvement ainsi que le lieu qu’on les a retenu.

Je ne relève pas la remarque au sujet de Lucy, ce n’était pas l’endroit et surtout le moment pour débattre de cette phrase. Je le sais bien depuis que j’ai intégré la Garde, on me prends pour une désaxée pour ma foi pour Lucy, mère de notre patrie. Je me suis engagée sous ses ordres et elle veut que je rends le monde meilleur car telle était sa décision. Donc voir des cultes certes différents du mieux, anéantir tout ce que je prône, je ne peux m’y résoudre. Lucy prêche la fraternité, l’amour, libre à chacun d'idolâtrer qui on veut mais blesser, tuer des gens, non cela n’est point possible.

Je me renferme légèrement sur moi-même. Notre collaboration va être moins facile mais si ce n’est qu’un point de vue divergent qui nous sépare, ça sera finalement comme d’habitude. La feu capitaine Van Andrasil vouait une animosité sans faille contre Lucy ou plutôt le système des grandes prêtresses, ayant soi-disant perdu sa mère dans cette tragique histoire mais c’était encore la cupidité de certains hommes et non Lucy elle-même qui le voulait. Mais ça nous a pas empêché d’être des soeurs d’armes et amies, prête à mourir pour l’autre.

La jeune recrue me parle des dernières informations sur cette affaire. Elle semblait effectivement au courant et ça m’arrange. Je ne me voyais pas aussi interroger les différents officiers du coin pour compiler toutes les informations. Des usurpateurs copient les crimes et indiquent maintenant plusieurs possibilités de cachette. Xylia penche sur la grotte d’après les différents éléments de l’enquête, bon bah je vais encore finir proche du territoire du Blizzard avec ça. Je suis plus à l’aise avec la montagne que la jungle ou autre forêt étrange.

Nous nous apprêtons à rejoindre ses quartiers et je vois déjà son caractère se dessiner peu à peu. Une recrue qui malgré la présence d’un officier supérieur n’a pas forcément la langue dans sa poche même si ça reste tout à fait respectueux. Je sens qu’on ne va pas s’ennuyer puis en soit je ne suis pas sa supérieure, elle me doit que le respect minimum à mon rang et j’étais là comme invitée.

- Je vous suis alors.      

On passe à son dortoir et la jeune femme avait enfin sa tenue de parfait soldat des Faucons. Maintenant, on doit passer dans le bâtiment des officiers, encore, pour prendre les adresses des victimes ainsi que pour la grotte. Je restais donc un pas en arrière de la brune et me contente de suivre bêtement entre tous ses arbres. L’agencement de la Caserne était particulière en vue de la topographie des lieux. Mon bastion était une île citadelle, c’était assez simple comme fonctionnement. Un énorme rempart tout autour, un donjon, des douves, un pont-levis et hop là. Mais ici, comme un peu au Blizzard, on devait s’y faire à l’environnement. Forteresse avait sa caserne taillée dans le flanc de la montagne.

On entre alors dans un chalet et un caporal nous réceptionne.

- Oh un Myrmidon, vous venez pour quoi.
-  Nous venons consulter le dossier sur l’affaire du culte du Gloot. Pouvez-vous me donner le nécessaire ?    
- Bien sûr ma petite dame. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit une jolie branche comme vous ici.
- Je ne vois pas le rapport mais passez moi les documents.    
- Si on ne peut plus rigoler ici.

Loki, comprenant la situation avance légèrement et montre les dents avec Lucy sur le dos le mimant.

- On sort ses familiers pour se protéger ? Bien des lâches de la Capitale ça.

Automatiquement, ma main attrape le pommeau de mon épée et tends la pointe devant lui.

-  Faites attention à ce que vous dites Caporal. Je ne vous permets pas de juger mon bataillon.    
- Oh calmos. Je ne faisais que rigoler Lieutenant.

J’attrape les feuilles qui nous tends et me contente de les lire rapidement.

- Recrue Mavrocordato, pouvez-vous m’amenez dans le quartier nord s’il vous plait. Nous allons voir cette première famille. La famille Rojas, leur fils d’une dizaine d’années avait été porté disparu puis il est rentré il y a une demie-lune de ça. Je voudrais avoir ses ressentis.      

Un hochement de tête plus tard, nous voilà sorties et prenons la direction du nord de la Ville. J’avais très peu visité les environs donc je n’étais pas à même de m’orienter correctement entre tous ses arbres.

-    Vos supérieurs sont tous ainsi ou nous sommes tombés sur le pire de tous ?  

Une manière de commencer une petite discussion sur la route avant de retourner tête baissée dans le travail.

Ce que je retiens dans cette caserne ? Ce sont les subordonnées qui n’ont pas leurs langues dans leur poche. On dit que les têtes brûlés et autres défaillants s’y trouvent. Je comprends alors enfin les rumeurs et autres bruits couleurs dans mon bastion. Finir là-bas était pour certains une punition ou un moyen de se repentir mais pourquoi cette jeune garde y était ? Peut-être c’était son parcours d’intégration mais avec la langue pendue qu’elle a… elle va peut-être y rester pour le peu de respect qu’elle donnait à ses supérieurs surtout à la présence d’un autre.

Je la suis et entends une nouvelle fois ses commentaires sur Lucy. Ca m’offusque encore une fois mais je ne fis rien. Ce n’était pas le moment et commencez un débat sur ça n’était pas le lieu. Même si ses paroles tournent dans ma tête, j’essaye comprendre ce qu’elle me disait au sujet de ce fameux Pastis, de ses prières et autres actions enfin mes pensées furent vite arrêtées quand nous sommes devant la maison familiale. Les Rojas étaient accueillants comme beaucoup de familles d’ici. On présente nos plaques et rentrons bien rapidement dans la demeure. Encore une fois, je vois que l’annonce de “ Lucy “ gêne la jeune garde. Soit elle ne supporte pas Lucy, soit elle voue un autre culte ou que sais-je mais ça devenait presque “ amusant “ ce conflit indirect qui apparaissait au fil des mots de la journée.

-   Merci beaucoup Madame.    

Le jeune garçon arrive, souriant. On n’a pas l’impression qu’il a vécu un épisode traumatisant dans l’histoire, rien de là. Peut-être que les crimes qu’on les confère ne sont pas d’eux ou une branche d'extrémistes ordonnait des massacres. Un coup d’oeil à Xyla et je prends en main l’interrogatoire.

-  Bien petit homme. Dis moi, tu peux me raconter ta fameuse journée ?    

Le sourire ponctue tout de suite mon visage. Je deviens plus aimable et peu à peu, ma carapace de Lieutenant de la Garde tombe. Un enfant ne va jamais se confier à quelqu’un qu’il lui fait peur et je prends alors mon autre masque. Du moins, je faisais tomber celui-ci et montre mes quelques points faibles.

- Raconte tout même les choses insignifiantes. On m’a dit que tu allais au marché ce jour-là et que tu jouais avec une autre petite fille !      
- Oui Lola ! On voulait manger un gâteau que sa mère faisait à l’autre bout du marché !
- Oh je parie que c’est les gâteaux au miel non ? Les cornes de Kaetsu ?      
- Oh comment vous savez ça !
-    Un garde sait tout non ?  

Le jeune garçon se cache dans ses épaules. Je comprends alors sa gêne.

- Enfin que les choses sur l’enquête. Ce que tu fais quand tu t’amuse, ça je sais rien.      

Le garçon souffle tout doucement et jette de nouveau un coup d’oeil à nous deux.

- Donc tu as poursuis Lola et ensuite ?      

Il me raconte son histoire que j’ai pu lire dans le compte rendu. J’avais lu les grandes lignes mais je voulais sa version à lui et surtout ses propres mots.

Puis nous arrivions presque à l’étale de sa maman et nous avons un stand. Il avait dessiné des chantelunes mais surtout des Gloots dessus. Ils sont trop mignons les gloots non ?
-   C’est aussi bête qu’une loutre mais oui.    
- Moi plus tard je veux un gloot mais maman dit que ce n’est pas utile…
- Tu sais, les mamans ont souvent raison. Moi j’écoute la mienne et elle est toujours de bons conseils.      
Je pense aussi mais du coup, elle m’avait déjà dit de ne pas parler aux inconnus surtout aux nouveaux marchands mais ça sentait trop bon. Meilleurs que les Cornes de la maman de Lola. Alors nous sommes allés pour goûter et je me rappelle juste d’une main qui m’attrape et la gâteau dans la bouche.
-  Et Lola ?    
- Je l’ai entendu crier et partir. Moi je savais que j’avais fais une bêtise mais l’homme m’a fait manger le gâteau et après j’ai dormi.
-    Et ensuite ?  
- Bah je ne sais pas mais je me suis réveillé dans un truc sombre. Ca sentait le miel et le sirop de ambriosa. Enfin ça sentait bon comme les gâteaux.
-   Donc tu es gourmand ?    
- Oui mais ce n’est pas grave non ?
- Ca dépends mais non mais c’est meilleur de manger les gâteaux des mamans.      
- Plus jamais je mange des gâteaux de gens que je ne connais pas ! Plus jamais. Car le monsieur là-bas, il voulait que j’en mange de nouveau mais j’avais mal au ventre. J’avais peur. Le truc était sombre, c’était humide. Les gens chuchotaient. Je savais qu’il parlait de moi !
- Il disait quoi ?      
- Bah que je n’ai pas le bon enfant que le gâteau aurait dû me faire changer de couleur de yeux, que je n’étais pas l’élu et je ne pouvais aller à l’autel. Pourtant moi je ne veux pas dormir à l’hôtel, c’est pour les riches qui partent en vacances.
- Je comprends, je comprends. Alors donc tu peux me dire quoi d’autres ? Un petit gars comme toi, tu as dû voir d’autres trucs non ?    
- Bah il faisait sombre…
- La nuit, tu vois non ? Dis moi tout ce qui se passe par la tête.    
- Bah il y avait des dessins sur les parois et quand je suis sortie, les montagnes étaient à gauche et le soleil descendait. Mon papa m’a toujours dit de regarder ou se trouve la mousse sur les arbres. Ça sert toujours pour les chasseurs !
- Alors c’était de quel côté ?    
- Bah côté devant !
-  Donc soleil et montagne à gauche et devant. Je vois, je vois. Tu as marché longtemps avant de trouver le village.    
- J’étais sur un âne et non car je n’avais pas beaucoup faim.
-    Ils étaient combien ?  
- Pas beaucoup, vous deux auraient pu les taper ! Ils n’ont pas l’air fort eux par rapport à vous.
- La Garde Mavrocordato est une Faucon, elle est très forte.    
- Ah oui une Faucon ! Tu parles avec quel animal ? On m’a dit que vous étiez trop fort ! Un peu comme les Tsy’lys mais je préfère les Faucons, ils font moins peur.
- Ahahaha, vous avez vu. Vous avez déjà un fan.  Vous avez des questions à lui poser ? Vous avez devant vous un nouveau faucon !      

Je me mis à sourire et lance un clin d’oeil à ma collègue. Peut-être que le garçon avait quelques secrets à nous délivrer avant de partir à la recherche de cette fameuse grotte.

Les dernières informations données par l’enfant nous permet de dresser le profil des agresseurs. Ils n’ont pas l’air si mauvais qu’on le pense mais je ne sais pas ce qui arrive à l’élu dans ce cas-là. Nous avons surtout des enlèvements mais peu de disparitions définitives, les enfants sont souvent retournés quelques jours suivants.

On quitte enfin la maison familiale et nous nous dirigeons de nouveau dans la caserne. Ce qui était sur, il faut aller trouver cette grotte et le petit nous a donné quelques indices. J’ai cru comprendre que les gardes du Village Perché avaient déterminé une zone de recherche, il faudra juste invoquer Lucy pour nous faciliter la tâche.

- De toute façon, nous n’allons pas tenir un siège. On doit trouver l’entrée et faire de la surveillance pour déterminer leur force. Nous verrons plus tard ce qu’on peut faire mais nous avons une balade à préparer.      

Puis comme elle le dit si bien, les Tsy’ly nous prêteront des montures donc il ne reste juste à prendre quelques vivres et nous pourrons partir. Je passe devant une échoppe de gateaux sec typique de chez eux dont les fameuses cornes de Kaetsu. Je pointe du doigt la gourmandise et indique au vendeur de me mettre un gros paquet. Ca occupera mon estomac le temps de la route.

- Depuis le temps qu’on me parle de ça. A la Capitale, on a des revendeurs mais ce n’est pas pareil que d’acheter local.      

Le vendeur me remercie et me glisse une autre pâtisserie.

- Vous m’en direz des nouvelles.
- Bien sûr !      
- Bonne journée à vous.

Un hochement de tête plus tard, je suis toujours surprise de la convivialité qui règne ici. Le climat était agréable ici et peu sujet aux intempéries comme à Forteresse ou Grand-Port. Il est vrai que les petits villages autour de Forteresse, on est toujours bien accueilli mais je trouve qu’ici, c’est encore différent.

- Donc si on résume bien, nous avons une direction qui confirme les premières investigations de vos collègues. Ils cherchent un certain type d’enfants, peut-être que c’est en fonction de la source magique de celui-ci. Beaucoup avait le même âge mais il était de morphologie différente, que ce soit fille ou garçon. Est-ce qu’ils kidnappent des enfants au hasard ? Je crois que c’est une piste à privilégier. Un travail long et fastidieux en somme. Estimons nous heureuses qu’ils n’ont pas encore trouvé l’heureux élu.      

Sauf si il en faut plusieurs mais pour ça, il faut qu’on capture un de ses fanatiques. Nous arrivons à la Caserne et Xylia s’occupe de nous trouver des cheveux avec leur sacoche de transport. Une fois tout ça en place, on grimpe sur nos montures, mes familiers dans mon dos.

-  C’est la première fois que Loki et Lucy viennent se balader dans les environs. Je dois encore peaufiner le dressage de mon Kit-sune avec cette Chrystielle qui se trouve ici.    

Lucy part aussitôt devant pour joueur l’éclaireuse et son autre ami à quatre pattes la suit comme digne protecteur.

-  Vu que nous allons être tranquille pour les prochaines heures. Nous allons devoir passer un peu le temps.  Est-ce votre première grande enquête ici ? En plus qui plus est sur un culte occulte. Je ne connais pas votre avis sur les différentes religions de notre si beau royaume, mais ce fanatisme extrême qui ne prends pas en compte l’intégrité de l’homme, je ne trouve pas ça tolérable. Lucy prône la confiance, la fraternité et le partage.  Se sentir supérieur et faire des offrandes humaines pour satisfaire un dieu n’est pas tolérable à l’intérieur de nos frontières !  

En tant que garde, c’est notre devoir de protéger la population . En tant que fidèle de Lucy, c’est de mon devoir de partager l’amour de celle-ci, voilà ma mission. Nous continuons notre avancée, nous approchons peu à peu dans la zone pré-établi. Quand on rassemble les informations du garçon, ce n’est pas forcément une grotte, ça peut-être une doline ou autre Sinkhole qui a permis ensuite de faire des galeries souterraines. Il y avait peu de montagne près du Village Perché contrairement au Nord-Est, vers le territoire de Forteresse. Non, il fallait trouver des conditions géologiques adéquates donc il faut trouver d’anciennes mines ou autres galeries.


- Bon maintenant, nous avons le choix entre deux routes. Soit nous rentrons plus profondément dans la forêt vers l’Ouest soit on continue plus à l’Est avec des zones moins denses. La logique voudrait qu’on s'enfonce dans la végétation. Facile à se dissimuler. Il est aisé de faire un chemin et de faire une caravane avec quelques bêtes de trait.      

C’était finalement tout vu, nous partons vers l’Ouest. Juste à espérer que des éclaireurs nous ne tombent pas dessus.

Une affaire qui m’avait marqué plus que d’autres ? Oui il y en avait mais surtout une. J’en ai fais des missions de sauvetage quand j’étais au Blizzard, c’était même assez frustrant de ne pas être arriver assez vite pour sauver la personne. Le froid était notre pire ennemi ainsi que les divers prédateurs que trônent dans les mots et autres cols. Être en patrouille au Blizzard était synonyme de de mort. Voir des corps de randonneurs au fond d’un trou car ils se pensaient plus forts que les éléments puis ceux qui ont surestimé leur force offensive. Non, j’en ai vu des cadavres, des fous qui ont fait des complots et prient des gardes comme cobayes… oui c’était horrible mais pas autant que Elina...


- Je… oui j’ai connu une affaire qui m’a marqué personnellement. J’ai perdu une camarade et j’ai rien pu faire. Encore aujourd’hui, des zones d’ombre subsistent. Est-ce que j’aurai pu la sauver ? Elle n’avait aucune raison d’être là mais c’était un officier supérieur, je ne pouvais rien dire de plus malgré toute notre amitié. C’était une tête de mule mais nous avons fait de nombreuses missions ensemble, c’était quelqu’un de bien et ne méritait pas de mourir aussi jeune, surtout en sauvant ma vie.  

Encore aujourd’hui, je suis persuadée qu’elle a sauté devant cet homme de paille pour me sauver ou je me trompe encore une fois. Je dois la scène en boucle et je n’arrive toujours pas à comprendre.

- Quoi qu’il en soit, nous sommes de la Garde. Nous nous engageons au péril de notre vie, pour protéger les citoyens de ce royaume. Il n’y a de fumée sans feu mais passons.  

Mais si on pouvait diminuer les pertes humaines ainsi qu’éradiquer le mal qui empoisonne nos terres, ça serait mieux. On arrive à l’écurie et part dans la direction voulue. Mes familiers prennent les devants comme suggérer Xylia. Ca leur fera un peu d’entraînement mais je reste aux aguets néanmoins. Nous avançons au pas au début pour sortir du village pour ensuite prendre la direction de l’Ouest. Le temps était bien clément et ça ressemble à si méprendre à une ballade.

La jeune garde prenait la confiance peu à peu lors de notre enquête. Elle me rappelle une vieille connaissance. Nous faisions nos classes et elle aussi était prédestiné pour rentrer dans les Belluaires, il n’y avait pas pire tête de mule dans la promotion. Notre formateur n’en pouvait plus d’elle mais elle était une redoutable guerrière et surtout elle aussi, elle préférait le culte des astres. Nous avions un peu discuté de cela sans vraiment aller au plus profond de notre foi, de toute façon, il n’y avait rien à discuter.

- Effectivement, c’est assez personnel.

Je reprends quelques secondes mon souffle pour chercher mes mots. Certains m’ont traité de toutes de sorte pour ma foi indiscutable pour Lucy. J’étais destinée à suivre ce chemin, j’étais son épée mais peu de gens veulent le croire. C’est pourquoi j’ai arrêté de parler de ce point, personne ne le comprenait.

- Lucy m’a aidé dans ma jeunesse à comprendre le sens de ma vie. Ma mère m’avait destiné à être une mère au foyer sans me laisser mon libre arbitre. A l’aube de ma majorité sur Aryon, Lucy m’a délivré un message et m’a donné la force pour devenir sa combattante, elle m’a donné un but. C’était déroutant, je me suis renseignée et j’ai trouvé la foi dans sa bienséance.  

Je n’étais qu’une frêle femme mais elle m’a donné la force, le courage. J’ai passé mes classes, je suis montée au plus haut. Je ne suis plus la femme qui va attendre son mari aventurier comme était mon mère. J’étais indépendante, j’étais forte ! J’étais les bras de Lucy.

- Mais je pense que chacun voit son salut dans le culte qu’il aime. Je ne tolère pas des sectes comme celles du Gloot qui ne respecte pas l’homme, ni autres êtres vivants. Nous sommes là pour nous aimer, ni se sentir supérieur. Certains fidèles de Lucy ont outrepassé leur droit, c’est certain mais ceux qui sont vraiment fidèles à notre Mère, n’ont jamais fait du mal aux autres, ni dénigrer. Voilà ma façon de penser.  


Après qu’elle l’accepte, c’était son problème car mon familier vient de m’annoncer que nous n’étions pas seules. Je lève automatiquement mon poing, signe qu’on devait s’arrêter. Nos cheveux ont vite compris la situation. Lucy et Loki partent dans leur coin, cherchant la menace. Le catosorus m’indique une direction et je me dirige avec mon cheval. Je vois ce jeune garçon en panique qui essaye de fuir. Mon destrier le rattrape en quelques enjambées. D’un saut, je tombe au sol et attrape le col du jeune homme. Il avait la vingtaine, peu entraîné à faire ce genre de choses, il était paniqué.

- Tu nous espionnes ?
- Non, non… je m’étais perdu !
- Alors pourquoi nous fuir en nous voyant.  
- C’est votre gros chat ! Il m’a fait peur !
- Tu aurais pu crier et nous prévenir que tu étais là au lieu de fuir en silence. Ca ne sert à rien de mentir, tu nous surveillait alors parle. Qui t’a envoyé ici.  
- Je vous dis que non ! Je faisais que passer ! Ne me faites pas mal, j’ai rien fais de mal !
- Ah bon, peut-être que la Garde Mavrocordato a une autre idée de la situation. Je vous laisse faire.  

Je tire le col du garçon qui était plus petit que moi pour le présenter devant ma collègue. C’était sa première enquête, il fallait qu’elle s'entraîne pour les interrogatoires.

Je tenais le malotru par le col, il ne pouvait plus bouger et je laisse la jeune recrue faire son premier interrogatoire. Je me demande comment elle s’y prendre. Va-t-elle garder son sang froid, va-t-elle bafouiller ? Peut-être elle fera un excès de zèle devant une officier. Au lieu de ça, elle choisit une autre technique, pas du mauvais garde et gentil garde mais de mettre en défaut le jeune homme. Celui-ci se fait vite avoir quand il s’énerve sur les soi-disant Gloot. Je retiens de rire mais un sourire apparaît sur mon visage. Cette petite avait de l’idée et c’était finement joué.

Je vois qu’elle met vite un terme au brouhaha de l’homme avec une agilité hors pair. Je ne pensais pas les faucons aussi agile pour mettre hors d’état de nuire les suspects. Je sais que ce sont les patrouilleurs hors de la ville mais je les vois plus apte aux petits assauts et autres attaques sur convois. Après c’est mon avis mais quand elle me tends l’homme en question, je finis par lui demander.

- Vous prenez facilement vos aises à ce que je vois.

Sans lever le ton mais une simple remarque sur son soudain tutoiement et même directive envers moi. Je ne demande pas que mes hommes soient des moutons loin de là. Même si je ne suis aucunement sa supérieure, mes quelques barrettes, m’octroie un peu de respect. Certains officiers l’auraient déjà promis une sanction en rentrant à la Caserne mais un simple conseil avisé aura peut-être plus d’impact que la sanction.

- Il faudrait qu’il nous confirme leur lieu de rassemblement mais en vue de son état, ça ne va pas être possible. Rapprochons nous du village, nous donnerons le suspect à la première patrouille que nous croisons.

Ca nous feras certainement perdre une heure de notre temps mais il est fortement déconseillé de travailler seul. Les espions étaient formés pour faire cavalier seul et surtout étant la plupart du temps en civil, il était difficile de savoir qu’ils travaillent la couronne contrairement à nous et notre uniforme. On fait donc demi-tour, l’homme sur la selle d’Hamlet. On trouve facilement d’autres Faucons qui prennent notre colis.

- Amenez le rapidement à la Caserne, s’il vous plaît. On s’occupera de lui plus tard.

Maintenant que ça s’était fait, on retourne sur nos pas. Le délinquant avait peu de matériel donc l’entrée était proche et il suffirait de remonter sa piste. On se retrouve sur notre point d’altercation, on remets les pieds à terre tout en tenant les brides des chevaux.

- Bon allons vers cette fameuse grotte. Je propose qu’on s’approche à bonne distance, on accroche nos bêtes. On essaye d’estimer le nombre d’aller-venus et leur force.  

On marche tout doucement, les deux familiers en avant en tant qu’éclaireur comme tout à l’heure. On avance dans les fougères pendant une dizaine de minutes à une allure très lente quand Lucy me previent de la présence d’humains. J’attrape mes armes, j’accroche Hamlet et je fais signe d’avancer à Xylia. Sa tenue était plus adaptée que la mienne dans cette forêt mais si je reste discrète, on nous ne remarquera pas, je pense. On voit un groupe de deux hommes dans la trentaine avec une femme d’un âge équivalent. Ils étaient vêtues des tenues typiques du Village Perché, pas de signe distinctif mise à part cette cape d’un ton bleu nuit. Plutôt étrange pour un camouflage mais je laisse ça de côté.

Je m’accroupis et je demande d’en faire autant à la brune.

- Protégez moi quelques minutes, je vais prendre le contrôle de mon catosorus.

Lucy comprends aussitôt ma demande. Je lui dis d’avancer vers la troupe pour ensuite faire un partage de sens. Genoux à terre, je me concentre quelques secondes avant de prendre possession de ses yeux et son ouïe. J’essaye de m’habituer de nouveau à sa vue mais aussi sa taille. Au fur et à mesure de son avance, je finis par entendre leur conversation.

- Le grand chef est de plus en plus énervé, on ne trouve pas l’enfant.
- Peut-être qu’il ne se trouve pas au Village ?
- On a pourtant fait la Capitale aussi.
- Non mais je ne veux pas aller aussi à Grand-Port, trop de route et ça pue la marée basse.
- Tu as raison, les présages ont dit que c’était ici. Il faut être patient !
- La patience, la patience, ça fait six lunes qu’on fait que ça.
- Puis il va avoir notre rassemblement annuel, on attends la délégation de l’arbre sacré, c’est une trentaine de membres encore.
- Heureusement que c’est dans une lune. On aurait jamais tenue les délais puis les gens de l’arbre sacré. C’est une faction nouvelle mais ça ne veut pas dire qu’on doit plier les genoux quand nous arrivons.
- Je ne te fais pas dire puis bon quand l’Inquisitrice de l’ordre va venir, là on va devoir sortir le grand jeu.
- Chut tais-toi Bruno, on ne doit jamais parler d’elle. Tu veux être sacrifier à la prochaine lune toi ?
- Mais non, ne t’inquiète pas ! Sérieux, il y a des pinplumes et ce catosorus qui doit certainement chercher les petits chapardeurs.
- Catosorus ?

Je sentais leur regard sur moi enfin sur Lucy. Je me libère aussitôt de l’emprise de mon familier pour lui laisser le champs libre. Par télépathie, je lui dis de filer vers l’Est et de faire un grand détour pour nous retrouver. Les trois personnes ne savent pas quoi faire et préfèrent partir vers la grotte certainement.

On garde le silence quelques minutes pour être sûr que nous n’étions pas tombées dans un guet-apen. On prends alors la route inverse pour retrouver nos montures. Lucy arriva après et Loki fait un check-up exprès de son ami à quatre pattes.

- Bon, je crois que nous avons bien avancé. Je pense que notre petit randonneur à quelques petites choses à nous dire encore.