Que dit le kiripik ?

Le mot trainait en Aryon qu'une certaine praticienne avait quelques soucis, de l'ordre d'une invasion d'insectes dans un champ de fleur thérapeutique empêchant toute récoltes. La rumeur était sur les panneaux d'affichages et même placardé dans le fond de certaines tavernes, ce qui attira l'attention du jeune homme fut une conversation entre deux femmes d'âge mur, partageant leurs inquiétudes sur le sujet.

- "C'est, semblerait-il, les plantations de beodassa de Miss Weiss."

- "Luz Weiss ? Le médecin ? C'est horrible, c'est chez elle que j'achète tous mes médicaments ..."

- "Le prix des remontants va enfler, je ne pourrais plus me procurer à ce rythme ..."

Nora s'avança et se présenta.

- "Excusez-moi, mesdames. J'ai entendu la rumeur concernant les problèmes de cette Dame Weiss. Je suis aventurier et cherche du travail, savez-vous où je pourrais rencontrer ce médecin ?"

C'est ainsi que de fil en aiguille, le jeune homme pu s'entretenir avec une femme agréable lui indiquant les termes d'un contrat qu'il venait de former avec elle. Une fois les informations en main, il quitta son bureau pour effectuer tout ses préparatifs et partir à pied en direction de la plantation.




Riche de ses nouvelles connaissances après un long entretien avec un herboriste, Nora arriva premier, armé jusqu'aux dents de concentrés de citronnelle et autres remèdes, dans une plantation déserte où l'on entendait régulièrement siffler les désagréables insectes à ses oreilles. Pressant le pas, il rencontra une dénommée Mérova Khashanov – rapidement évoquée par Dame Weiss comme étant la gérante de la plantation. Invité dans une pièce avec trois parchemins sur la table, sa première question, après des salutations rapides, fut celle-ci.

- "Vous devez être l'aventurier, monsieur Eos ? Nous allons attendre les autres avant de commencer. Asseyez-vous."

Sur un ton directif, l'aventurier ne s'exprima pas plus que nécessaire, attendant plutôt "les autres" comme les avait annoncés la gérante. Il était bien sûr au courant qu'il ne serait pas seul, mais concernant l'identité de ses partenaires, il n'avait aucune idée de qui franchirait la porte d'entrée d'ici quelques instants. Il se tint donc sagement sur son tabouret, observant la porte d'entrée, prêt à saluer les prochains arrivants.

Que dit le kiripik ?

L'attente ne fut pas longue. Bientôt, deux femmes vinrent à la rencontre de la patronne et de l'aventurier patientant sagement sur son tabouret. La première ne lui inspirait pas confiance, une femme aux cheveux clairs et aux pupilles et lèvres bien trop sombres à son goût. Ses oreilles aussi pointues que son sourire lui laissa une pointe d'amertume lorsqu'elle se présenta comme une certaine Saryna. Accompagnée d'un petit dragon, il semblait aussi imbu de lui-même que sa maîtresse bien que – il était sûrement vite partit en besogne. Il ne savait rien de cette femme sinon qu'elle avait l'air étonnement sûre d'elle, son exact opposé à lui qui privilégie la discrétion et l'humilité en toute circonstances. Ceci ne le freina cependant pas d'aller à sa rencontre pour s'apprêter à lui serrer la main. Il n'en eut pas le temps, la porte s'ouvrait de nouveau sur une autre femme.

Celle-ci répondait au nom de Xylia, son nom cependant fut un peu long et le jeune homme n'ayant de mémoire que pour les choses qui lui tenaient à cœur, il ne se tenait pas trop rigueur de ne pas arriver à s'en souvenir. Xylia ferait donc parfaitement l'affaire. Quant à elle, inspirant nettement plus confiance que leur seconde étrange partenaire. Avec un sourire franc et un air légèrement candide, elle effectua un salut militaire. Aux présentations l'aventurier répondit.

- "Enchanté, Saryna, Xylia. Nora, aventurier au sein de la Guilde. C'est un plaisir de travailler avec vous."

Il valait mieux être trop que pas assez formel, après tout. Il renonça également aux poignées de main par la même occasion au profit d'informations de la part de Merova. En leurs offrant chacun un plan présent sur la table qu'ils purent consulter à mesure des explications. Ils avaient donc repéré trois nids, des zones isolées et avaient démarqués les points d'eau. Excellent, car cela aiderait le chasseur à pousser son investigation de son côté. Lorsque tout fut en ordre, le jeune homme prit la parole en premier.

- "Je n'ai aucun talent particulier en ce qui concerne l'extermination des spécimens, je m'occuperais donc d'enquêter sur les zones vertes et prendrais en charge le nid au nord-est. Ce qui vous laisse les deux nids au sud et les points d'eau à vérifier, si vous n'y voyez aucune objection, évidemment."

Sur ces bonnes paroles, il fit basculer son sac de son épaule et en sortit des concentrés de citronnelle. Prenant lui-même quelques goûtes de l'onguent pour en mettre dans son cou et sur ses poignets – les seuls parties exposées de son corps – il invita ses partenaires à faire de même.

- "Les kiripiks n'aiment pas ce genre d'odeur, si vous ne voulez pas terminer couvertes de piqures, servez-vous." A l'intention de Merova cette fois-ci, "Par la suite je vous en fais don, vos ouvriers seront sûrement soulagés d'avoir un répulsif sur eux pour reprendre le travail."

L'effet psychologique, tout ça.

C'est ainsi que le jeune homme emprunta la sortie en premier, direction le nord-est pour mener son investigation autour des zones vertes qu'il traverserait en passant. Bien évidemment, il n'y avait pas de halo magique détourant chaque zone et il dû se fier à son instinct et sa bonne vue pour identifier les endroits où la vermine pullulait le moins. La tâche ne fut d'ailleurs pas si compliquée, suffisait de ne plus entendre le vrombissement incessant pour en être sûr, le chasseur commença alors à inspecter le sol à la recherche d'indice.

Écartant un bouquet de beodassa plutôt imposant, il gratta la terre du bout des doigts à la recherche de traces animales, ou encore de la présence de petits insectes parasites qui feraient concurrence aux vils suceurs de lymphe. Il n'en fit rien. Avança vers le prochain bouquet, il se baissa encore sous la barre du mètre cinquante pour avoir une meilleure visibilité et bingo ! Voici une partie du mystère résolu. De la menthe sauvage. Discrète, se fondant à merveille avec le reste de la tige ce qui expliquerait qu'elle n'ait pas été remarquée, au moins visuellement parlant, puisque l'odeur, elle était présente en ayant le nez au-dessus. Fouillant un peu plus dans les nids voisins, il pu trouver d'autres pieds de la même plante et les laissa en place. Une fois débarrassé des nuisibles, il en ferait part à Merova pour qu'elle puisse les faire retirer au besoin. Maintenant, sa prochaine étape était d'atteindre et trouver le nid de kiripik. Très probablement dans un coin discret au bord de l'eau, il faudra être vigilant pour ne pas le manquer. Il envoya une pensée aux deux femmes l'accompagnant, avaient-elles unis leurs forces ? Ou avaient-elles, comme lui, préféré se séparer pour couvrir plus de zone ? Enfin, pas comme si ça changerait quoi que ce soit à ce qu'il comptait faire par la suite.

Que dit le kiripik ?

L'onguent semblait faire effet, car aucune piqure ne vint perturber Nora, pour l'instant, le plus gênant restait alors cet insupportable bruit sifflant spontanément d'une oreille à l'autre lorsqu'un spécimen trop curieux s'approchait du jeune homme. Bien heureusement, ceux-là ne se posaient même pas sur la peau de l'aventurier et continuèrent à voler au-dessus des pieds de beodassa déplorant l'absence de plante répulsive entremêlées avec leurs propres racines, quoique, c'est plus les ouvriers qui en avaient quelque chose à faire pour le coup.

Sans perdre son objectif de vue, une petite mare formée naturellement, légèrement en contrebas du champ de fleur, Nora attrapa de son sac son mortier et pilon ainsi que du basilic et des feuilles séchées d'une plante partageant l'odeur citronnée de sa pommade, une variété de géranium permettant également de repousser les kiripik. Ecrasant pour réduire en une fine poussière sa mixture le temps d'arriver au bord de l'eau, il pesta sur son manque de prévoyance et la quantité trop peu suffisante pour couvrir tous les nids, au moins celui-ci serait débarrassé sans flammes, mais bon, ce n'est pas le genre d'incident qu'il laisse se produire et il en tira une mine contrariée.

- "Voyons, qu'avons-nous là ..."

Pour lui-même une fois à quelques mètres d'un potentiel nid, il marmonna en scrutant la surface de l'eau de gauche à droite, la première analyse était comme il le supposait, insuffisante. Se baissant pour lever une à une les touffes d'herbes trempant dans l'eau, il examina minutieusement chaque recoin à la recherche de petites formations ressemblant à mi-chemin entre des œufs de poisson en plus petit, et des alcôves comme celles des ruches d'abeille. L'analyse prit fin aussitôt que le jeune homme leva une grande feuille appartenant à une plante sauvage, pour y voir agglutiné sous celle-ci l'objet de sa recherche.

Un nid, plutôt bien fourni, comptant par centaines ses œufs à la surface de l'eau, il y avait même des larves sous cette dernière, attendant patiemment de passer au stade de nymphe avant de devenir à leurs tours des kiripik. Éparpillant une partie de sa mixture à la surface de l'eau, il s'assurait au moins de ralentir nettement la prolifération, maintenant, il faudrait se débarrasser des œufs. L'absence de poisson dans la mare n'était évidemment pas un avantage, aussi devrait-il en parler avec Merova à son retour à la cabane pour prendre des mesures de sécurité pour le futur. Il attrapa donc les nids dans un bout de tissu et s'assura de s'en débarrasser au plus proprement possible. Se redressant, il jeta un œil aux autres points d'eau, ceux-ci n'étant pas répertoriés comme abritant des nids sur le plan, mais ne sait-on jamais, valait mieux prévenir que guérir. Il reprit alors sa marche vers l'objectif suivant en explorant du regard la végétation environnante, à la recherche de nouvelles plantes pour éloigner la peste.

Que dit le kiripik ?

A son grand regret, il n'y avait aucune plante répondant à ses critères. Après tout, si ça avait été le cas, les ouvriers n'auraient pas eut à faire engager des personnes extérieures pour débarrasser l'endroit des nuisibles et l'invasion n'aurait pas été aussi importante. Détaillant du regard chaque petite marre et écartant tout les nuisibles qu'il y trouvait, le chasseur remonta lentement le long du champ en direction du sud, s'apprêtant à retrouver ses partenaires aussitôt en aurait-il fini de son côté.

C'est ainsi qu'en répétant les mêmes opérations chaque fois qu'il trouvait un nouveau nid, écartant et disposant des œufs puis lancer un peu de son produit dans l'eau, il arriva à peu près à mi-chemin du champ lorsqu'il aperçut les deux femmes. Saryna avait elle entamé une transformation qui fit filer un frisson le long de la colonne de Nora, n'aimant pas spécialement les araignées de base. En y pensant, la demoiselle serait parfaite pour chasser les spécimens adultes pendant que lui s'occuperait de purifier les eaux stagnantes. Xylia elle était presque à mi-mollets dans l'eau et semblait remplir la même tache que l'aventurier, à l'exception qu'elle n'avait rien à lancer dans l'eau. Examinant le fond de son mortier, il n'aurait pas assez pour lui proposer d'en mettre, ainsi il faudrait intégralement purger chaque bassin à la main, ce que l'aventurier fit jusqu'à se retrouver assez proche de ses partenaires pour leurs adresser de nouveau la parole.

- "Vous avez progressé ? Je me suis occupé du nid et purifié les mares jusqu'ici."

Terminant de nettoyer son coin et essorant son tissu, il approcha jusqu'à finir pas trop loin de Xylia, annonçant son intention.

- "Je vais t'aider, ce bassin est plutôt large."

Se déchaussant et l'imitant en retirant ses affaires susceptibles de tremper dans l'eau, il commençant à sortir au maximum des insectes sous forme de larve et d'œufs.

- "On ne peut pas détruire ces mares sans conséquence pour les cultures de beodassa, tu n'as vu aucun poisson dans les autres étendues d'eau ?"

A l'intention de la jeune garde, sans pour autant lever les yeux de là où il avait les pieds. Limitant ses mouvements pour ne pas lever la terre et brouiller sa vision du fond de l'eau, il s'avérait plus difficile que prévu de nettoyer une étendue plus large, ainsi il était plutôt content de pouvoir donner un coup de main ici, toutes les autres qu'il avait traité avant étant bien plus petites que celle qu'ils débarrassaient actuellement.

Que dit le kiripik ?

Xylia évoqua l'absence de poisson dans les autres mares, mais bien plus inquiétant, l'obstruction des courants naturels qui devaient éviter ce genre de problème. L'aventurier ne soupçonna pas un sabotage lui-même, mais bien un problème à régler tant qu'ils étaient là, pour le coup. Cette opération devait coûter à la patronne des chantiers et à Luz Weiss, alors afin de ne pas leur nuire, Nora nota mentalement d'évoquer ce sujet à Mérova en lui proposant un système de petits barrages pour contrôler les écoulements et préserver la biodiversité sans pour autant infliger un courant permanent aux petites bestioles aquatique autre que les kiripiks. Certes, ces derniers participaient à la régulation de l'environnement, avec une place bien à eux dans la nature, mais la surpopulation aurait pu causer bien plus de tord s'il n'avait pas été géré rapidement.

L'aventurier termina plutôt rapidement de nettoyer l'étendue d'eau à l'aide de sa partenaire garde et une fois que cela fut finit, il gratta avec le talon de sa botte des petites mottes de terre dans les voies d'écoulement, responsable de la stagnation des points d'eau. Tout avait l'air plus propre, aussi à l'œil nu, les tissus avaient visiblement filtré une partie de la pollution et cela était pour le mieux, une bonne chose de faite donc. Jetant un œil vers Saryna qui s'était bien occupée de capturer une large partie des nuisibles de taille adulte, le chasseur dû se faire la réflexion pour constater que le vrombissement incessant s'était plus ou moins tut, remplacé par celui étouffé des ailes collées à ... quelconque produit utilisait l'hybride araignée. Il restait bien évidemment quelques spécimens trop peu curieux, mais ils finiraient bien assez tôt par se perdre dans les pièges dressés par la femme au regard sombre.

En s'assurant que ses partenaires puissent l'entendre, l'aventurier proposa alors à ces dernières, d'un ton distinct avec un air de soulagement.

- "Vous avez fait un excellent travail, sans vos talents, j'aurais fait pâle figure à chasser les kiripiks seul. Bon travail à vous. Nous devrions faire un rapport à Mérova, si vous avez terminé, bien entendu."

Et sur ces mots, il s'éloigna de la culture pour rejoindre le sentier emprunté par les ouvriers, cette fois-ci à l'intention de Xylia, il lui glissa.

- "Tu m'as aidé à confirmer mes doutes, concernant l'état des mares. Tu as l'air à l'aise avec les rapports alors si ça ne t'embête pas ... je veux bien que tu t'occupes de faire le topo à la patronne. Comment dire, l'élocution et moi on n'est pas vraiment copains ..."

En joignant les mains avec une mine de supplique, il lui confia une tâche pour laquelle il n'était visiblement pas à l'aise, son délire à lui, c'est plutôt d'épauler un partenaire, du moins dans les domaines où il manque de confiance. Ainsi ils purent se hâter vers la baraque dans laquelle ils s'étaient retrouvés plus tôt. Combien de temps était passé déjà, quelques heures ? Cette tâche n'avait pas été de tout repos, mais elle avait au moins le mérite d'avoir été remplie, puis quelle chance d'avoir une araignée pour attraper les adultes ... son regard sur cette créature si singulière allait peut-être changer, qui sait.