C'est un jour nouveau qui se lève sur la Capitale. Le soleil éclipsé par la pointe du Palais, la grande avenue est rendue agréable d'accès pour le début de matinée, la chaleur n'y est pas insoutenable, contrairement aux plaines desquels tu viens, Aelith.
Pour la raison de ton choix, tu te retrouves en ville et, afin d'éviter la foule omniprésente, tu décide d'emprunter des ruelles pour te rendre à ta destination. Malheureusement, tu finis bien vite perdue et pire, dans une impasse, alors que derrière toi, un inquiétant cliquetis se fait entendre.
Fedora, tu passais justement par là. Intriguée par Aelith, tu as décidé de venir la saluer, au début par simple courtoisie, puis de manière un peu plus obsessionnelle. Tu veux en apprendre plus sur elle et sa singularité, pourtant, ton interlocutrice semble avoir développé un syndrome, rendant la discussion un peu plus compliquée. Il s'agit là d'un cas de Pédiophobie.
La pédiophobie est la peur des poupées ou, plus généralement, des fausses représentations d'êtres vivants telles que les mannequins ou les robots.
Exaspérée, Aelith jouait des coudes pour s’extraire de la foule bondée qui pullulait dans les allées pavées du Grand Marché. Elle songeait avec nostalgie à la quiétude du Village Perché, qu’elle n’avait pourtant quitté que depuis quelques semaines. Autour d’elle, les enfants piaillaient, les commerçants interpellaient les passants à vive voix, les vieillards radotaient inlassablement les mêmes potins. Et encore, si ce n’était que les voix ! Que dire des pots brisés, des charrettes grinçantes et des claquements de bottes sur les dalles ? Il allait sans dire : le grondement sourd des prédateurs qui rodaient autour de son camp deux nuits auparavant lui paraissait milles fois préférable au vacarme ambulant de la Capitale. Et après avoir passé la nuit précédente à remplir son gosier de rhum jusqu’à s’en tordre des boyaux, la jeune femme n’était plus disposée à modérer son tempérament aigri. Sans crier gare, elle revêtit son apparence semi-équine. La métamorphose arracha un sursaut aux passants les plus proches, qui s’écartèrent conformément à ses attentes. L’hybride parvint à s’extraire de la place au petit trot, non sans bousculer quelques bipèdes au passage.
Inspirant une grande goulée d’air frais, Aelith se glissa dans une ruelle attenante. Des battements sourds martelaient son crâne, conséquence infortunée de ses excès de la veille. La blonde secoua sa tête pour se ressaisir et se focaliser sur son objectif : la Guilde. En effet, revenue d’un séjour mouvementé au Temple, elle avait décidé de profiter de son passage par la Capitale pour y effectuer quelques quêtes. Après près de 10 ans à traquer des créatures dans la Grande Forêt, elle estimait qu’un peu de variété dans ses missions n'était pas de refus. Une poignée de journées à escorter des particuliers, rien de mieux pour prendre un peu de repos.
L’équidé sortit un parchemin vétuste de sa sacoche. Son souffle souleva un nuage de poussière qui raviva les grattements de sa gorge sèche. Irritée, elle redressa la carte d’un geste si rude qu’elle faillit la fendre en deux. Les inscriptions déjà ternies étaient à présent presque illisibles. Plissant vainement ses yeux, Aelith tenta de retrouver son chemin.
Le tavernier avait dit qu’elle se trouvait sur l’île Lutetia donc au… sud ?
Ah voilà le conservatoire ! C’est la bonne… direction ? Oui, oui, ce doit être ça !
Mais comment changer d’îlot ? Ah ! Voilà ce qui semble être un raccourci ! Ton sens de l’orientation ne te lâche jamais ma grande, on sent l’expérience ! Ton égarement dans le Temple n’est qu’une vieille histoire.
Ce pot de fleur me dit quelque chose...
Cette ruelle là aussi...
Un pas en avant, deux en arrière.
Non, non, je ne suis pas perdue, plus qu’ un virage et… et...
Et un mur, nervuré de lichen, lui faisait face. D’un geste rageur, la jeune femme déchiqueta son parchemin sans une once de regret. Ses oreilles étaient plaquées contre son crâne tandis que sa queue fouettait nerveusement le sol. Enfouissant son visage dans ses mains poussiéreuses, Aelith effectua quelques ronds sur elle-même pour calmer le mal de crâne qui ne cessait de la tourmenter. Un cliquetis attira soudain son attention, bientôt suivi de bruits de pas. La blonde leva son regard vers leur source. Un frisson la parcourut et elle ne put retenir un mouvement de recul. De toutes les créatures qu’elle avait croisé sur son chemin, peu nombreuses étaient celles qui lui avaient insufflé un tel effroi.
C'est forte de cette affirmation qu'elle marchait en pleine journée de marché, avançant entre les étales en arborant son grand, beau et effrayant sourire! Et même si certaines personnes la regardaient avec horreur, certains marchands qui commençaient à avoir l'habitude de l'apercevoir se risquaient à lui faire un petit sourire ou un signe de la main! Décidément, sa mère avait raison : il suffit de sourire à la vie et la vie finira par sourire également! Mais pas pour l'instant! Alors qu'elle marche, soudainement, elle se fait bousculer! Ne pesant pas grand chose du fait de sa transformation, la petite poupée se fait littéralement éjecter, Décollant du sol pour atterrir cinq bons mètres plus loin, touchant lourdement le sol, si lourdement que ses chaines se déploient, ses jambes et ses bras ne sont plus collés à son corps, sa tête non plus d'ailleurs! Ses membres se trouvent au bout de leur chaîne, à une vingtaine de centimètre de la poupée et sa tête pend mollement sur le coté de son corps ce qui fait qu'elle voit la responsable à l'envers alors que cette dernière avance entre les passants qui s'écartent.
Tout en remettant ses membres et sa tête, la petite mannequin se met à rire doucement. *Quelle drôle de jeune fille* Pense-t-elle. *Elle n'a pas l'air d'aimer la foule pour partir de cette manière.* Se dit-elle... Et c'est ainsi qu'elle décide de suivre l'inconnue aux attributs forts cavaliers! Après tout, elle va attirer l'attention elle aussi, certes pas de la même manière que Fedora mais tout de même, elle pourrait avoir besoin de l'aide de quelqu'un non? Il faut toujours aidé les gens dans le besoin! Alors, sans plus hésité, l'automate humain se met en route, la centaure ne sera pas très difficile à retrouver, il suffit de suivre les personnes qui s'écartent de son chemin après tout! Elle veut vraiment retrouver cette jeune fille, au départ cela part d'une bonne attention, la saluer, éventuellement l'aider! Fedora commence à bien connaître la capitale alors elle devrait pouvoir la guider si elle en a besoin! Mais plus elle marche, plus elle a des questions en tête! C'est qu'elle est curieuse la jeune noble, elle aime en apprendre plus sur les gens, sur le royaume, sur la faune et la flore! Malheureusement, plus elle avance et moins il y a de personnes à suivre... Elle marche au hasard des rues espérant retrouver la jolie inconnue mais... La capitale est grande elle a peu de chance non?
C'est ce qu'elle pense lorsque soudain, un bruit de pas lourd attire son attention, comme un cheval qui marcherait sur le sol de la capitale... *Un cheval!* Réalise-t-elle et sans l'ombre d'une hésitation, elle s'avance dans la ruelle pour découvrir, avec un certain plaisir, que la jeune fille du marché s'y trouve, faisant les cents pas visiblement. "Bonjour!" Clame-t-elle d'une voix joyeuse... Cependant, la demoiselle se tourne et l'expression que la poupée lit dans ses yeux lui est bien trop connue : la peur! Pourquoi? Elle est pourtant polie, elle dit bonjours avec joie alors pourquoi ce regard? Non, il n'est pas temps de se laisser décourager! Elle fait un premier pas, puis un second en jouant nerveusement avec ses doigts. "N'ai pas peur..." Essaie-t-elle de la rassurer. "Je m'appel Fedora! Et toi?" Continue-t-elle simplement. "Je t'ai vu sur la place du marché alors que tu courrais... Tu avais l'air d'avoir besoin d'aide... Puis-je t'aider? D’où viens-tu? Tu allais quelque part? Moi je me promenais! Je comptes bientôt partir pour le grand port tu sais! Ah mais... Ce n'est pas le sujet! Pourquoi tu es venue dans cette ruelle? C'est un cul de sac il n'y a pas grand chose ici..." Et voilà, comme toujours, Fedora parle trop, trop vite et de manière complètement désordonnée... Peut-être que son énergie arrivera à chasser la peur de la jeune inconnue lui faisant face après tout?
Épouvantée par l'apparence de son interlocutrice, Aelith entendit à peine son joyeux « Bonjour ! ». Son attention était focalisée sur les immenses pupilles rutilantes de l'inconnue qui lui semblaient pénétrer les tréfonds de son esprit. Quelques gouttes de sueur perlèrent sur son front et elle recula.
« N'approchez pas ! S'exclama-t-elle tandis que l'étrange jeune fille esquissait quelques pas timides dans sa direction. »
Sa voix, d'ordinaire si assurée, vacillait. Voilà qui n'était pas dans ses habitudes. Il n'était pas rare qu'elle soit anxieuse lors de ses quêtes, à l'approche de ses cibles. Il arrivait parfois que leur apparence la répugne ou l'intimide. Mais cette fois-ci, c'était différent. L'individue n'avait pas une conduite menaçante et son apparence était loin d'être aussi effroyable que celle des créatures qui peuplaient la Grande Forêt. Et pourtant... Aussi irrationnel que cela puisse paraître, quelque chose chez elle lui provoquait des sueurs froides. Aelith se reconnaissait dans l'attitude qu'avait eu son frère face à un fourmilion quelques années plutôt. L'insecte était des plus hideux, mais d'un dangerosité et d'une taille risible. Elle s'était allégrement moquée de son cadet à l'époque. Maintenant en proie au même mal, elle regrettait son insensibilité.
L'inconnue remarqua son trouble et tenta de la rassurer. Ces efforts furent infructueux. Tandis qu'elle s'exprimait, le regard de l'équidé était fixé sur ses dents effilées, aussi immaculées qu'un linceul. L'image du tissu mortuaire s'imposa dans son esprit et la fit frémir. Néanmoins, malgré son effroi, la jeune femme n'était pas dépourvue de fierté. L'idée de passer pour une couarde lui était insupportable. C'est pourquoi, faisant appel à sa bravoure, elle se redressa dignement et prit la parole.
« J-je m'appelle... Aelith, répondît-elle d'un ton aussi neutre possible »
Elle essayait de garder contenance en adoptant une posture orgueilleuse, mais son regard fuyant la trahissait. Elle ne parvenait pas à fixer les yeux rougeoyants son interlocutrice sans laisser transparaître son trouble. Celle-ci continuait de jaser sans pause, mais l'aventurière l'écoutait à peine. Son sourire aiguisé, sa taille de guêpe... tout dans son apparence l'angoissait. Son énergie débordante ne faisait qu'empirer ses appréhensions. N'y tenant plus, la jeune femme tenta de couper court à la conversation.
« Je n'ai pas besoin de votre aide, je peux retrouver mon chemin seule, mentit-elle. Je... je vais m'en aller. »
Elle aurait aimé pouvoir tourner ses talons et s'éloigner, mais malheureusement elle était -littéralement- dos au mur. Effleurant une paroi de la ruelle étroite, Aelith tenta de sortir de l'impasse tout en restant le plus loin possible de la terrifiante Fedora. Bien mal lui en prit. Un domestique de la demeure qu'elle frôlait choisit ce moment pour vider sa casserole d'eau bouillante par sa fenêtre. Il ne prit pas la peine de vérifier si un imprudent se trouvait sur la trajectoire du fluide. Après tout, c'était un cul-de-sac, personne ne passait jamais par là. Le liquide se déversa sur les pattes arrières de l'hybride, qui ne put retenir un cri de douleur. Elle se rua par réflexe, manquant d'envoyer valser – pour la seconde fois – la pauvre inconnue. Impuissante, l'aventurière se tourna vers celle envers qui elle avait été si dure jusqu'à présent.
« S'il vous plaît...aidez-moi! demanda-t-elle, quelque peu honteuse»
C'est donc à une distance sécuritaire, tant pour la jeune centauresse que pour la poupée elle-même que cette dernière s'adresse à son vis-à-vis, la rassurer est absolument nécessaire! Elle sait que c'est parfois difficile, après tout, elle sait à quoi elle ressemble et comment les gens réagissent la plupart du temps mais, elle a du courage à revendre la petite alors, elle ne compte pas se laisser repousser ainsi! Déjà parce que la jeune fille l'intrigue grandement! Certes sa propre apparence est bien plus étonnante, voir effrayante, mais il n'empêche que ce n'est pas tous les jours que l'on croise une personne à moitié cheval! Mais surtout parce qu'elle a elle-même longtemps errer dans les rues sans personne pour lui tendre la main... Bien qu'originaire de la capitale, sa connaissance des rues de la ville étaient plus que limitées il n'y a pas si longtemps, elle a apprit à se retrouver mais cela seule! Elle sait comme tous les recoins de la cité centrale du royaume peuvent être difficiles à connaître et à différencier lorsqu'on est ignorant de la topographie des lieux...
Est-ce le courage de la jeune inconnue ou la visible bonne humeur de Fedora? Elle ne saurait le dire avec précision cependant, la jeune fille finit par lui dire son nom : Aelith... "Aelith? C'est un beau nom! Moi j'aime bien en tout cas! C'est originale je ne connais personne de ce nom!
Enfin à dire vrai je ne connais pas grand monde mais bon..." Parle-t-elle pour rassurer la personne lui faisant face ou pour se rassurer elle-même? Une excellente question en réalité! Il faut avouer qu'il est particulièrement difficile de répondre à cette question! À moins que cela ne soit uniquement parce que cela lui fait plaisir de rencontrer quelqu'un? Cependant, son interlocutrice est catégorique : elle n'a pas besoin d'aide? Fedora s'arrête immédiatement de parler, baissant doucement les yeux suite à cette affirmation. Il est évident qu'elle a besoin d'aide mais, pourquoi voudrait-elle l'aide d'un monstre qui la regarde en souriant de son grand, beau et effrayant sourire? Elle va s'en aller? "D'accord..." Répond simplement la poupée d'une voix triste. *Pourquoi?* Se demande-t-elle. *Qu'ais-je fais de mal?* Se questionne-t-elle cependant, y a-t-il réellement une réponse à cette question lorsqu'elle est juste elle-même?
Elle s'écarte doucement pour laisser passer la jeune fille, inutile de la déranger plus longtemps si elle ne désire pas d'aide après tout. Cependant, alors que cette dernière rase le mur pour ne pas trop approché l'automate vivant, une personne se trouvant dans une maison adjacente lance de l'eau, apparemment bouillante, par la fenêtre! Touchant la jeune centauresse au niveau des pattes arrières, provoquant de la part de cette dernière un cri de douleur des plus sonores! La pauvre demoiselle se tourne, et demande ce qui lui coûte visiblement tout son courage et son honneur : que Fedora l'aide? La petite poupée n'écoutant que son grand coeur fait la seule chose qui lui vient en tête : elle s'avance vers cette jeune fille et lui fait un simple câlin. "Oh ma pauvre!" Dit-elle véritablement compatissante. "Est-ce que ça va?" S'inquiète-t-elle sincèrement... Puis, relevant la tête vers la personne se trouvant à l'étage et regardant d’où venait le cri, elle fronce les sourcils. "Vous pourriez faire attention! Vous avez brûlé cette pauvre demoiselle!" La personne en question, voyant cet incongru duo, s'empresse de fermer la fenêtre manquant d'un savoir vivre évident qui fait soupirer Fedora. La jeune fille se tourne vers la centauresse et la relâche, vu la peur de la demoiselle, peut-être que la prendre dans ses bras n'était pas la meilleure des idées? "Ne t'inquiètes pas! Bien-sûr que je vais t'aider! Où voulais-tu aller?"
La tristesse qui perçait au travers de la voix de Fedora lorsqu'Aelith avait refusé son aide avait fait naître en elle un sentiment de culpabilité. Son frère avait lui aussi subi des moqueries et été rejeté, en raison de son visage déformé par des brûlures. Il lui était désagréable de faire subir à autrui ce qui avait causé tant de peine à son cadet. Pourtant, une peur incontrôlable la poussait à s'éloigner.
Par la suite, demander de l'aide à l'effrayante inconnue n'avait pas été aisé, mais dans la panique et la douleur Aelith avait su surpasser sa peur. Le câlin qu'elle reçut en réponse lui arracha un frisson d'effroi. Piégée entre sa crainte et sa souffrance, elle resta raide et ferma les yeux pour faire abstraction de l'apparence de la jeune fille. Ses dents aiguisées étaient maintenant si proches de son épaule... Même si elle se savait sans danger, un sentiment désagréable de vulnérabilité la taraudait. Néanmoins, l'inquiétude sincère de Fedora lui permit de reprendre ses esprits. Elle hocha vaguement la tête lorsque cette dernière lui demandait si elle allait bien.
« J'ai besoin d'eau pour atténuer la brûlure avant que celle-ci n'empire ou ne s'étende, marmonna-t-elle. Ou d'un cataplasme... »
L'inconnue sermonna ensuite la personne responsable de sa blessure. Loin de s'inquiéter de son sort, le coupable referma hâtivement sa fenêtre. Furieuse, Aelith se promit de revenir réclamer réparation une fois soignée. Il n'était pas dans ses habitudes de laisser passer un tel manque de savoir vivre. L'homme ferait bien de fuir au plus vite s'il ne souhaitait pas goûter à ses sabots. La bienveillance de Fedora finit par détendre quelque peu l'équidé, mais ne suffit pas à chasser la répugnance que l'enlacement lui insufflait. Elle accueillit avec un soupir de soulagement la fin de l'étreinte.
« J'aimerais que vous m'indiquiez le chemin du point d'eau le plus proche. Ou éventuellement d'une boutique où je pourrais acheter rapidement de quoi me soigner. »
Ses jambes étaient un de ses meilleurs atouts en mission. Si elle voulait pouvoir pleinement profiter de ses capacités physiques dans les prochains jours, il fallait agir vite, avant que les lésions ne gagnent en profondeur. Aelith observa ses membres inférieurs endoloris. Décidément, les brûlures c'était de famille. Des cloques percées recouvraient sa peau rougeoyante. La blessure était loin d'être bénigne et il lui était difficile de se mouvoir convenablement. Elle grimaça en jetant un coup d’œil à la jeune fille qu'elle craignait tant. Il lui serait sûrement nécessaire de prendre appui sur elle pour avancer.
Pour faciliter son trajet, la jeune femme reprit forme humaine. La transformation fit flageoler ses jambes, et elle dû s'appuyer sur un mur pour ne pas déraper. Chaque pas esquissé lui donnait l'impression de marcher sur des aiguilles chauffées à blanc. Soufflant de mécontentement, Aelith frappa la paroi de son poing. Elle ne supportait pas de se montrer dans un tel était de faiblesse. Elle qui se considérait comme une aventurière aguerrie, la voilà bien meurtrie par un simple jet d'eau.
*Lui indiquer le chemin?* Pensa-t-elle... Oh bien-sûr elle pourrait faire cela cependant, est-ce sincèrement une bonne idée? Après tout, la jeune fille s'est tout de même déjà perdue une première fois! Peut-elle réellement se contenter de lui donner des directions et espérer qu'elle arrive à bon port? Cela semble peu probable surtout dans cet état! Bientôt, la jeune demoiselle change soudain de forme pour devenir une jeune femme ravissante! La jeune poupée la regarde de ses grands yeux et ne peut retenir un petit son admiratif. "Oh! Tu es trop jolie!" Affirme-t-elle! Non pas que Aelith n'était pas jolie alors qu'elle revêtait sa forme hybride cependant, ce n'était pas réellement la même chose! Dans son regard vide d'expression, Fedora avait surtout de l'admiration pour la jeune fille! Elle pouvait reprendre une forme humaine, elle parvenait à se transformer et à reprendre sa forme originale! Pourquoi la poupée n'y était jamais parvenue? Bloquée dans ce corps qui n'a absolument rien d'humain, à faire peur à tous y comprit à ceux qu'elle veut aider...*Non! Ce n'est pas le moment d'Avoir des idées noires!* Se dit-elle, en effet, il y a bien plus urgent!
La jeune quadrupède redevenue bipède semble en effet avoir du mal à porter son propre corps! Elle doit prendre appuie sur un mur pour pouvoir tenir debout! Un simple coup d’œil permet d'affirmer que cette blessure n'est pas anodine! Fedora n'est pas d'un naturel dirigeant, bien au contraire elle a tendance à rester dans son coin et à se laisser marcher sur les pieds, elle n'aime pas les conflits, déteste la violence et refuse d'imposer ses idées. Pourtant, à cet instant précis, elle dépose ses poings sur ses hanches et regarde la demoiselle en fronçant les sourcils. "Ne soyez pas ridicule!" Dit-elle. "Même si je vous indique le chemin, vous n'êtes pas en état de vous déplacer aisément!" Continue-t-elle sur le même ton avant de finalement sourire, retrouvant un air bien moins renfrogné. Elle tend la main à la jeune fille et soupire doucement avant de la regarder droit dans les yeux. "Je sais que je suis effrayante! Mais je ne te veux aucun mal... Il y a une fontaine non loin ainsi qu'un apothicaire sur la place commerçante! Laisses-moi t'aider à nous y rendre s'il te plait!" Non pas parce qu'elle voulait de la compagnie, pas non plus parce qu'elle voulait se sentir utile ou apprécier... Non, simplement parce que cette demoiselle avait besoin d'aide alors, la monstrueuse Fedora, l'effrayante Fedora mais surtout la gentille Fedora voulait l'aider!
Le compliment surprit à l'aventurière et l'attendrit. Peu à peu, sa reconnaissance envers Fedora prenait le pas sur sa peur. Sans être totalement à l'aise, elle réussissait à se comporter d'une manière plus amène qu'auparavant. Moins aveuglée par ses craintes, elle parvenait à déceler la lueur rassurante qui perçait au travers des prunelles écarlates de la jeune fille.
Aelith se renfrogna lorsque Fedora lui fit remarquer la précarité de sa situation.
« J'ai déjà été plus mal en point, Répliqua-t-elle. Ce n'est rien, c'est juste la transformation qui m'a un peu déstabilisée. Je peux encore marcher. »
Ce n'était que partiellement vrai, mais la jeune femme tenta de faire bonne figure en esquissant quelque pas tout en feignant l’indifférence.
« Mais c'est gentil à vous de proposer de m'accompagner, se radoucit-elle. Ce serait effectivement plus pratique, les chemins sont mal indiqués ici. »
Manière détournée d'avouer que son sens de l'orientation était défaillant. Fedora lui tendit sa main, qu'elle refusa d'un sourire mi-gêné mi-effrayé.
« Merci, mais je devrais réussir à me débrouiller avec le mur pour l'instant. »
Elle s'était habituée à la vision de son apparence, mais elle préférait éviter le contact physique tant que cela restait possible. Les deux jeunes femmes se mirent ainsi en route vers la fontaine, qui par chance se trouvait non loin. Aelith parvint à avancer tant bien que mal en prenant appui sur le mur, voire en posant sa main sur l'épaule de Fedora de temps à autre. Bien trop concentrée sur ses mouvements, elle resta silencieuse tout au long du trajet.
Une fois arrivée, l'aventurière se jeta dans le bassin sans crier gare, effrayant quelques oiseaux et surprenant les passants aux alentours. La sensation de l'eau fraîche sur sa peau lui arracha un soupir de soulagement. S'étendant davantage dans l'eau, elle éclaboussa quelques enfants adossés à la fontaine qui geignirent. Elle répondit malicieusement à leurs plaintes en les aspergeant davantage tout en tirant sa langue. Ils finirent par s'éloigner en trottinant, ce qui arracha un sourire à Aelith. Son regard glissa sur ses jambes et elle grimaça. Dans cet état, il leur faudrait quelques semaines de rétablissement avant de retrouver pleinement leurs capacités. Pour accélérer la régénération de sa peau, il lui serait nécessaire de se procurer un remède des plus onéreux. Par ailleurs, elle mettait sa main à couper que les apothicaires de la Capitale n'allaient pas se priver de faire gonfler les prix.
Résignée, elle reporta son attention sur l'inconnue.
« Merci de m'avoir amenée jusqu'ici.»
Ses mots étaient sincères, mais elle s'abstint de poser ses yeux sur Fedora pour éviter que sa peur ne se ranime. Poussée par sa curiosité, elle finit par l'interroger.
« Ton apparence... est-ce qu'elle est permanente ? s'enquit-elle en passant du vouvoiement au tutoiement sans en prendre conscience.»
La question était plutôt indiscrète, et pour le moins indélicate, mais l'aventurière n'avait jamais su manier habilement les mots.
Enfin, elle sourit simplement quand la demoiselle la remercie, que peut-elle faire de plus de toute manière? Pas grand chose c'est un fait vu la situation! De toute évidence, malgré sa gentillesse et ses tentatives, la demoiselle ne peut pas s'empêcher d'avoir peur! Cet éclat dans le regard de la jeune fille, elle ne le connaît que trop bien! Il faut croire que peu importe le coeur, elle reste un monstre aux yeux des autres mais qu'importe? Elle ne va pas se laisser abattre! Elle a proposé son aide et elle compte bien la lui offrir jusqu'au bout! Nous marchons vers la fontaine a un pas plus lent que prévu, il est évident que la jeune femme a du mal mais Fedora ne dit rien, pas même lorsqu'elle s'appuie parfois brièvement sur son épaule! Elle n'a pas l'intention de lui faire remarquer qu'elle agit de la sorte, elle serait capable de ne plus le faire par fierté ou simplement parce qu'elle se rendra alors compte qu'elle touche ce monstre qu'elle semble craindre!
Elles arrivent enfin jusqu'à la fontaine et ni une ni deux, la jeune fille saute dedans sous le regard des passant et le rire de la poupée! Elle a l'air gentille comme fille, dommage que Fedora lui fasse si peur! Bien malgré elle, la jeune automate se dit qu'elles auraient pu devenir amies s'il n'y avait pas une telle frayeur dans le regard de la belle équidé! Voir cela dans les yeux de quelqu'un est toujours difficile pour la jeune poupée, après tout même si elle en a l'habitude, cela lui fait toujours autant de peine! Soudain cependant, la question tombe : après un remerciement sincère même si elle ne regarde pas la demoiselle : sa transformation? Fedora soupire doucement et vient s'asseoir sur le bord de la fontaine, c'est rare qu'on lui demande! Généralement les gens fuient et n'ont donc pas le temps! Elle regarde vers l'horizon et hoche la tête.
"J'étais une jolie fille enfant! Elle affirme cela comme si elle répondait à la question posée. "J'avais de beaux cheveux foncés, des yeux ambrés et un petit nez retroussé! J'étais le genre de petite fille que l'on décrit comme mignonne quand on parle d'une enfant!" Elle dit cela en se tournant vers la jeune fille. "Puis j'ai découvert mon pouvoir! La capacité de me transformer en poupée et voilà le résultat... Je n'ai utilisé mon pouvoir qu'une unique fois et malheureusement, je n'ai jamais été capable de reprendre ma forme initiale donc oui, ma transformation est permanente..." Elle soupire doucement, le regard incapable d'afficher des émotions bien qu'il soit triste en ce moment. "On pense que les pouvoirs sont tous acceptés, que dans ce royaume dans lequel tout le monde en possède, il n'y aura pas de discrimination... Mais pourtant, quand on ressemble à cela!" Dit-elle en se désignant d'un geste de la main. "On n'est plus réellement humains! Voir la peur dans le regard des gens alors que, je ne fais qu'essayer de trouver ma place, c'est sans doute le plus difficile! Mais bon, on ne choisit pas son pouvoir hein?" Conclue-t-elle en souriant de ses grandes dents.
Une poupée. Une lueur de compréhension traversa le regard d'Aelith. Dès leur rencontre, l'épouvante l'avait frappée sans qu'elle ne puisse se l'expliquer. Elle ne parvenait pas à déterminer ce qui, au fond, lui insufflait un sentiment de répulsion si puissant. Mais maintenant, la situation s'éclairait. Au travers des traits de Fedora, elle se revoyait quinze années plus tôt, fêtant ses dix ans. A l'époque, un camarade de classe lui avait offert une magnifique poupée portant une robe écarlate. Elle s'était rapidement attachée au jouet, jusqu'à dormir en l'enserrant. Un série d'affreux cauchemars s'en était suivi, toujours plus glaçants de semaines en semaines. La poupée était au cœur de chacun de ses mauvais rêves. Ses parents eurent tôt fait de comprendre que celle-ci était enchantée. Après s'en être débarrassée, ses insomnies avaient cessé.
Chassant ses mauvais souvenirs, l'aventurière se reconcentra sur les propos de Fedora.
« Oui, c'est sûr. J'ai eu beaucoup de chance de mon côté : un pouvoir pratique et peu de difficulté à retrouver ma forme humaine... »
Aelith avait toujours eu conscience d'être privilégiée par rapport à d'autres, dont le pouvoir était tout à fait inutile. Mais elle n'avait jusqu'alors jamais réalisé que les aptitudes de certains pouvaient leur nuire à un tel point.
« Mais il y a certainement des moyens pour toi de tirer parti de cette apparence ! Inspirer la peur peut avoir son utilité dans certaines situations, ou professions. »
Néanmoins, elle doutait qu'user de la peur soit compatible avec l'altruisme profond de Fedora.
« Sans compter qu'il y a sûrement des aspects physiques utiles avec ton corps. Comme... ton cou non ? J'ai l'impression de voir une lueur argentée. »
Plus détendue, elle avait pris le soin de détailler davantage l'apparence de la jeune fille et son cou l'avait tout particulièrement intriguée.
«En tout cas, il est sûr qu'il sera toujours plus compliqué pour toi de nouer des liens amicaux sous cette forme. Mais au moins, je suppose que ça te permettra de faire facilement le tri entre les personnes suffisamment ouvertes d'esprit qui méritent ta confiance et... les autres. »
En toute honnêteté, elle ne savait pas réellement à quelle catégorie elle appartenait.
« Mieux vaut privilégier la qualité à la quantité, après tout. »
Sa précédente soirée alcoolisée lui revint en tête. Les choppes ne désemplissaient jamais, rougissant les joues et égayant les esprits. Elle avait profité de l'abondance jusqu'à l'excès et un puissant mal de tête suivi de nausées avait clôture sa journée. A y réfléchir, le rhum plus onéreux aux saveurs subtiles de l'auberge voisine était sûrement préférable.
Ses égarements lui donnèrent soif et elle estima qu'un verre ne serait pas de refus une fois soignée.
« Tu peux me mener à la boutique de l'apothicaire ? demanda-t-elle à Fedora, pressée d'aller s'enivrer. »
Une fois nommée et comprise, sa peur s'était considérablement affaiblie, lui permettant de converser avec plus d'aisance.
Inspirer la peur? Elle rit doucement à cette vision des choses. Sans nul doute que cela servirait des personnes mais pas la demoiselle! Elle qui ne fait que chercher sa place dans ce monde, qui veut uniquement être acceptée... Repousser les gens sans même le vouloir lui semble plus une malédiction qu'une chose qui pourrait lui servir! Sans oublier qu'elle est faible Fedora! Ce n'est qu'une jeune noble de dix-huit années qui a vécue dans le cocon familiale, seule endroit l'acceptant, durant toute sa vie! Elle ne sait pas se battre, elle ne sait même pas se défendre! Si elle fait peur à un groupe et que ces personnes la prennent pour un monstre et l'attaquent, elle ne pourra rien faire d'autre que d'encaisser et attendre que les choses ne passent! La plupart du temps c'est ce qu'elle fait avant de se recoudre en "pleurant" chez elle quand l’accalmie arrive... Par contre quand elle parle de son cou et des aspects pratique de son corps, Fedora sourit doucement en la regardant calmement.
"Je suppose." Dit-elle simplement. "Je ne ressens pas réellement la douleur lorsqu'on me frappe et je peux aisément recoudre mes coupures c'est un fait..." Affirme-t-elle, après tout cela est sans doute le plus grand avantage de sa condition. "Mon cou par contre, ne fait que me rendre plus monstrueuse aux yeux de certains..." Assure-t-elle. "Ma tête, comme mes membres, ne sont pas véritablement accrochés à mon corps... Ils y sont attachés par une chaîne de 20cm environs qui n'est qu'une chaîne ordinaire... Je ne les contrôle pas! De ce fait, je ne peux pas manger ou boire, je n'en ai pas besoin, je n'ai probablement pas d'organe, ne nécessite pas d'oxygène mais cela ne m'apporte rien! Rien de plus que des regards plus horrifiés et méprisants encore..." Conclue-t-elle tristement! Elle ne va pas faire la démonstration à la demoiselle, inutile d'effrayer plus encore cette jeune fille...
Plus compliqué de nouer des liens? Fedora sourit tristement à cette affirmation, effectivement c'est même pratiquement impossible! Elle le sait parfaitement! Les personnes qui méritent sa confiance? Elle regarde la jeune centauresse avec un regard vide mais lourd de sens! Cela fait treize années qu'elle est maudite par son pouvoir, elle n'a jamais rencontré personne capable de l'accepter... Quoi que, en disant cela, elle repense à sa rencontre précédente avec Faolan et un petit sourire, plus sincère, vient illuminer son visage... Il y a bien une personne finalement, l'exception qui confirme la règle en quelques sortes... Elle est sortie de ses pensées par la demande de la jeune femme! Revenant à elle, elle hoche vivement la tête en lui tendant une main pour l'aider à sortir de la fontaine.
"Bien-sûre! Je te l'avais promis!" Dit-elle avec sympathie. Même si elle doute que la demoiselle puisse passer totalement outre sa peur, elle ne compte pas l'abandonner! Au moins, elle ne la frappe pas! Elles se mettent donc en route, heureusement la boutique de l'apothicaire n'est pas très loin, elles doivent se frayer un chemin dans la foule de personnes qui sont sur la place commerçante en ce jour mais, cela n'a rien de très difficile, la plupart des gens s'écartent en regardant la poupée qui se promène! Elle suppose que cela peut être vu comme un point utile de son pouvoir même si elle ne l'apprécie pas trop! Elles entrent dans la boutique de l'apothicaire et la jeune poupée s'écarte pour laisser passer Aelith, elle a apprit depuis longtemps que les choses se passent plutôt mal quand c'est elle qui commence les discussions.
Vous pénétrez dans la boutique de l'apothicaire, en y découvrant une certaine ambiance à la limite du rustique. Les murs sont sales, le sol en piteux état, les étagères remplies de babioles et autres bizarreries innommables. En entendant la porte se fermer derrière vous, un homme, étonnement jeune, apparaît de derrière un rideau avec un sourire confiant, il vous invite à rejoindre le comptoir.
- "Qu'avons-nous là ... je sais, ne dites rien. Aelith Svanhilde, Fedora Sanward. Je sais pourquoi vous êtes là."
Il cherche un instant dans un tiroir et sort une fiole contenant un liquide bleuté reflétant la lumière.
- "Pour votre brûlure, quant à vous ..."
Il passe à l'arrière de sa boutique après avoir détaillé la poupée un instant, puis revient avec une autre fiole, dont le contenu était rose et plutôt épais.
- "Le remède pour la brûlure sera un cadeau, pour votre succulente présence, chères amies, cependant ... ce que je tiens là est un remède unique en Aryon, il pourrait ... sûrement, te rendre ta forme véritable, Fedora Sanward. Malheureusement, ce genre de médicament est extrêmement couteux ..."
Avec un regard en coin vers la poupée, plein de malice.
- "Tu es absolument ravissante ainsi, j'aimerais même te faire visiter l'arrière-boutique, puis, qui sait, tu seras peut-être charmée par l'endroit ..."
Tenant les deux fioles dans ses mains, il semble disposé à vous les offrir à condition d'entrer plus loin dans la pièce, cependant, votre instinct vous hurle de fuir tant qu'il est encore temps. Après tout, n'est-ce pas des poupées désarticulées qui semblent dépasser de derrière le rideau ?
Ne pas ressentir la douleur, se soigner aisément... voilà des capacités qu'Aelith, qui héritait d’égratignures à chacune de ses quêtes, enviait grandement à Fedora. Cependant, elle plaignait son incapacité à se sustenter. Comment pourrait-elle se passer des mets délicats, des pâtisserie exquises et onctueuses ainsi que des fruits juteux ? Sans oublier le rhum, la bière et les cocktails... L'idée lui faisait froid dans le dos.
Les deux jeunes femmes se mirent en route pour la boutique de l'apothicaire. Elles formaient un bien étrange duo : par son apparence de poupée, Fedora effrayait les passants, tandis que la blonde trempée jusqu'aux os et aux jambes rouges pleines de cloques attirait des regards dégoûtés. Néanmoins, l'aventurière apprécia tout particulièrement de voir la foule s'écarter sur leur passage.
En pénétrant dans la boutique, la jeune femme fut accueillie par une agréable odeur de vieux livres. Le décor était suranné et les meubles poussiéreux. Le manque de salubrité n'était pas forcément très rassurant de la part d'un apothicaire, mais cela ne dérangea guère Aelith qui était habituée à devoir s’accommoder de conditions d'hygiène douteuses. Cela lui faisait au contraire plutôt bonne impression : si l'établissement était modeste, les prix suivraient.
Un jeune homme ne tarda pas à les accueillir. L'aventurière fit la moue : faire face à un vieillard ramolli, ayant perdu le sens des affaires avec l'âge, aurait été préférable.
Sous ses yeux stupéfaits, le vendeur identifia les deux jeunes filles et apporta une fiole permettant de soigner sa brûlure. Un nœud se forma dans la gorge d'Aelith. La clairvoyance du commerçant lui déplaisait tout autant qu'elle la déconcertait.
« Comment connaissez vous nos noms et nos intentions ? »
Se contentant d'un clin d’œil en guise de réponse, le marchand poursuivit sa tirade, et ses paroles l’inquiétèrent davantage. Elle n'avait jamais été d'une grande sagacité, mais il était rare qu'un vendeur se montre généreux sans espérer pouvoir gagner davantage en retour. Il affirma posséder un remède qui pourrait permettre de rendre à Fedora son apparence originelle ; puis flatta cette dernière en lui proposant de se rendre dans l'arrière boutique. Avant que la poupée ne puisse lui répondre, Aelith prit la parole.
« J'ai connu des personnes ayant des difficultés à se transformer, mais je n'ai jamais entendu parler d'une telle potion, objecta-t-elle suspicieusement.
-Ce n'est pas étonnant ma chère, elle est très rare, c'est pourquoi on ne la trouve que dans certaines boutiques isolées. Mais, je comprends que vous puissiez douté de la qualité des mes produits. Laissez moi vous montrer leur efficacité. »
Il fit le tour du comptoir et débouchonna la fiole bleue. Apercevant le mouvement de recul d'Aelith, il déposa une goutte du liquide sur son propre doigt.
« Comme vous pouvez le voir, ce n'est pas dangereux. Tenez, essayez. »
Malgré son scepticisme, elle consentit à prendre le flacon et appliqua une faible quantité du fluide sur sa jambe gauche. En quelques secondes, la surface touchée s'éclaircit, retrouvant son aspect normal. L'effet était bluffant. Une fois la démonstration faite, le vendeur reprit rapidement la fiole. Visiblement, même s'il avait affirmé que le remède leur était offert, il ne souhaitait pas s'en séparer pour l'instant.
«Il vaut mieux que vous restiez assise quelques minutes, pour un meilleur effet, expliqua-t-il en pointant une chaise à l'aventurière. En attendant, tu m'accompagnes à l'arrière boutique, Fedora ?»
Aelith scruta le rideau vers lequel le marchand voulait emmener la poupée. Un étrange bras, semblable à celui d'un pantin, en dépassait. Inquiète, elle se tourna vers Fedora.
« Nous ferions mieux de partir. »
Il ne faut que peu de temps pour qu'un jeune homme débarque, il affiche un grand sourire alors qu'il nous fait signe d'approcher vers le comptoir... *C'est étrange...* Se dit-elle. *Il ne cesse de me regarder mais ne semble ni surpris, ni effrayé...* Pense-t-elle. C'est donc avec un certain sentiment de malaise qu'elle approche! Elle ne saurait véritablement l'expliquer, cela devrait sans doute lui faire plaisir de voir quelqu'un qui la regarde sans peur mais, est-ce à cause de l'habitude? Elle trouve qu'il y a dans l'atmosphère de cette rencontre quelque chose de malsain! Cependant, elle est là pour la jeune centauresse! Hors de question donc de faire demi-tour! Fedora n'est ni la plus courageuse, ni la plus sûre d'elle mais elle ne va certainement pas abandonner quelqu'un à qui elle a promit de l'aide!
Arrivé devant le comptoir, le mystérieux homme les accueille en les nommant? Comment peut-il savoir leurs noms? La jeune poupée est persuadée que, si elle en avait la possibilité, un frisson lui parcourait l'échine à ce moment! D'ailleurs, cela ne manque pas d'attirer la méfiance de sa compagne du jour puisque la jeune femme pose la question! Le vendeur, sourit en donnant pour seule réponse un petit clin d'oeil! Il évite de répondre à la question en plus! C'est de plus en plus étrange! Pire encore, il propose de donner à la demoiselle un produit pour soigner sa brûlure mais pas uniquement... sortant une flasque au contenu rose, il affirme que c'est un remède unique qui aurait, surement, la capacité de rendre à la poupée son apparence humaine! Elle ouvre grand les yeux, serait-ce possible? "Vraiment?" Demande-t-elle innocemment avant de secouer la tête. *Non non non! Ne sois pas stupide Fedora!* Tente-t-elle de se convaincre! Cela serait bien trop beau pour être vrai! Si un tel remède existait, sa famille l'aurait sans aucun doute trouver! Elle sait que, même s'il ne l'a jamais dis, son grand-père a dépensé une fortune à la recherche d'une solution à sa condition! La promesse de l'homme est beaucoup trop suspecte!
De plus, il ne demande même pas de cristaux en échange mais uniquement que la poupée le suive dans l'arrière boutique! Cette fois elle frissonne réellement! Il lui dit qu'elle est ravissante, le genre de compliment qui devrait lui faire plaisir, comme lorsque Faolan lui a affirmé qu'elle était belle cependant... Il y a chez cet homme quelque chose qu'elle n'apprécie pas! Le jeune père de famille était doux, gentil, il avait une aura solaire aux yeux de la poupée, une chaleur et une bienveillance naturelle! Elle ne ressent définitivement pas cela émanant de ce mystérieux vendeur! D'ailleurs elle n'est pas la seule! Aelith émet également quelques doutes quant à la véracité des propos de cet homme et ce-dernier décide donc de lui faire une démonstration en lui proposant d'essayer la potion contre les brûlures.
Il faut avouer que le résultat se voit à vue d’œil! En toute sincérité, on pourrait croire que la jeune fille n'a jamais subie la moindre brûlure! Cependant, pendant qu'ils parlent, Fedora regarde vers l'arrière boutique et ce qu'elle voit lui fait froid dans le dos! Des bras de poupée qui dépassent légèrement? Impossible de dire s'il y a un corps au bout de ces bras mais deux choses : soit l'homme a des fétiches étranges, soit être une poupée n'est pas bon dans cette arrière boutique! Dans les deux cas, Fedora ne veut pas le savoir! Elle fait un pas vers l'arrière mais se heurt malgré elle au vendeur! Ce-dernier dépose sur elle son regard alors qu'il possède un petit sourire en affirmant que Aelith doit patienter un peu pour que la potion soit plus efficace! Cette dernière signale qu'elles devraient partir mais Fedora ne sait que faire! Bien-sûr elle ne croit pas le vendeur mais elle ne veut pas que la jeune fille qu'elle accompagne ne soit pas pleinement guérie à cause d'elle...
"Pourquoi devrions-nous aller dans l'arrière boutique?" Demande-t-elle. "Ne pouvons-nous pas rester ici?"
"Cette potion est rare et affreusement chère ravissante Fedora! Je ne peux la laisser gratuitement! Je ne te demande qu'un petit service mais il faut que tu viennes avec moi! Tu vas peut-être vraiment aimer ce que tu vas découvrir tu sais..."
Un regard vers le vendeur, un vers Aelith! Elle veut fuir bien-entendu mais elle ne peut pas laisser la jeune fille en arrière et ne désire pas que sa blessure revienne... Elle fait un pas vers l'avant se rapprochant du comptoir et donc de l'arrière boutique mais s'arrête net! Aelith est dans le dos de l'homme, elle lui fait face, s'il tente quelque chose la chasseuse pourra sans doute l’arrêter alors, pour gagner le temps nécessaire à la guérison de la demoiselle, elle tente le tout pour le tout en le confrontant. "Pouvez-vous au moins m'expliquer pourquoi des bras de poupées dépassent du rideau avant?" Demande-t-elle sur un ton accusateur lui ayant demandé tout son courage!
Aelith perçut l'hésitation dans le regard de la poupée. Elle pouvait la comprendre. Même si elle était infime, il y avait une chance que la mixture de l'apothicaire soit bel et bien efficace. Et si c'était le cas, Fedora pouvait être libérée d'un immense fardeau.
Le vendeur sourit à la question de la poupée.
« Ne sois pas si inquiète, ma chère... Une boutique de couture était autrefois accolée à mon commerce. Quand elle a fermé, 15 ans auparavant, je l'ai rachetée pour agrandir mon établissement.
- 15ans ? s'étonna l'aventurière. Vous me semblez pourtant déjà bien jeune.
- Oui enfin, je veux dire, mon père, qui tenait ma boutique avant moi, l'a rachetée. En tout cas, la gérante n'avait plus besoin de ses mannequins, je les ai donc récupérés et conservés. De plus, elle cousait de nombreuses poupées, qui sont restées invendues : je les aies gardées.
- Quel intérêt pour un apothicaire de détenir des poupées ? s'enquit Aelith.
- Je n'ai jamais aimé jeter les vieilleries, comme vous pouvez le voir à l'aspect de mon commerce. »
Aux yeux de l'aventurière, il avait surtout l'air de ne pas aimer le nettoyage.
« Vous auriez simplement pu les offrir à des enfants du quartier, je suis sûre que cela aurait fait des heureux.
-Je préférais les utiliser comme décoration ici, ça me démarque des autres apothicaires.
-Dans ce cas, pourquoi les garder dissimulées derrière un rideau ?
-J'ai simplement fait le choix de les conserver dans mon espace personnel. Mais je serais ravi de vous les montrer.
-Je croyais que c'était une décoration pour attirer les clients ? »
L'apothicaire soupira et jeta un regard furieux à l'aventurière. « Assez ! Je n'ai pas à vous justifier mes choix. Je pensais qu'après l'incroyable efficacité de mon cataplasme, vous sauriez vous montrer reconnaissante et auriez la délicatesse de refréner vos indiscrétions. »
Après avoir inspiré un longue bouffée d'air frais, il reprit d'un ton moins sec.
« Ma chère Fedora, ma splendide Fedora, je ne te veux aucun mal. Je souhaite simplement partager avec toi quelques unes de mes créations, et je suis absolument certain qu'elles te plairont. Je sens en toi une sensibilité touchante, présente chez très peu d'entre nous. »
Tout en s'exprimant, il enfonça une main dans sa poche gauche, comme s'il y cherchait quelque chose.
«Ton regard est précieux pour moi, sois en assurée. Je ne te demande qu'une petite faveur qui ne te coûtera rien... »
Sur ces derniers mots, il s'approcha de la poupée en levant une main, comme s'il s'apprêtait à caresser son bras. Un mauvais pressentiment fit frisonner Aelith. Sa deuxième main était toujours enfouie au fond de sa poche, et qui savait ce qu'il pouvait bien en sortir ? Elle voulut se lever pour le stopper, mais ses jambes s'étaient soudainement engourdies. A mesure que la potion pénétrait dans sa peau, ses brûlures diminuaient, comme prévu. Mais, anormalement, la sensibilité de ses membres inférieurs s'amenuisait elle aussi.
Oh elle le sait qu'elle est en danger, elle le ressent dans tout son corps de poupée, elle en est absolument certaine! D'ailleurs le vendeur semble avoir ses réponses toutes prêtes comme si elle étaient préparés d'avance : quinze ans qu'il aurait racheté la boutique? La jeune fille assise sur sa chaise lui fait remarquer qu'il semble bien jeune pour cela et il change sa version, disant que c'était son père! Pourquoi garder les poupées? Il affirme qu'il aime les vieilleries? C'est possible vu l'état de l'établissement cependant, si la boutique appartenait à son père pourquoi dit-il encore que c'est lui qui a récupéré les mannequins? N'aurait-ce pas dû être son père? Ce-dernier aime-t-il les vieilleries? C'est possible mais cela semble particulièrement avantageux pour son histoire! Aelith relève toutes les petites erreurs. toutes les petites incohérences de son histoire, si bien qu'il finit par s'énerver ce qui fait reculer la poupée vivante d'un pas. *Il ment!* Se dit-elle absolument persuadée de ce fait. *Je dois fuir!* Pense-t-elle car elle se sent en danger mais un regard vers Aelith la bloque dans ce mouvement... Elle ne peut pas l'abandonner! Surtout que cette dernière semble vouloir bouger mais en être incapable...
L'homme s'approche, une main dans sa poche comme s'il s'apprêtait à en sortir quelque chose, l'autre tendue vers la poupée qui ne sait que faire alors, elle ferme les yeux en reculant d'un pas, que peut-elle faire d'autre? Elle ne peut pas juste courir et elle ne sait pas se battre alors, autant simplement détourner le regard et attendre que... Que quoi? Que ce qu'il veut lui faire - quoi que ce soit - passe? Elle a déjà était battue, malmenée, insultée... Que pourrait-il lui arriver de pire? C'est alors que la main de l'homme se dépose sur son bras, sa prise est forte, il ne veut visiblement pas qu'elle parte... C'est son deuxième "contact" avec un homme en l'espace de quelques jours, la première fois c'était un câlin des plus amicaux, il s'en dégageait une douceur agréable, une chaleur réconfortante alors qu'une pluie apaisante chassait ses peur et ses troubles... Ici, il n'y a rien de tout cela! Il n'y a que la froideur et la cruauté qu'elle se ressent! Dans un réflexe elle hurle! "Ne me touche pas! Tu n'es pas Faolan!" Pourquoi a-t-elle repensé au jeune homme? Elle l'ignore? Pourquoi hurler cette phrase en plus? Elle le sait encore moins! Elle rougirait sans doute suite à une telle affirmation normalement, elle rougira sans doute plus tard en se rendant compte de ce que quiconque entendant cette phrase penserait mais en attendant, par réflexe encore, elle ouvre les yeux, dégage son bras, pose ses deux mains sur le torse de l'homme et le pousse avec tout la force dont elle peut faire preuve!
L'homme, ne s'y attendant pas, perd l'équilibre par surprise, il pousse d'abord un petit cri en tombant, un second en touche le sol, il regarde ensuite affolé et sort sa main de sa poche, une seringue y est enfoncée la chute a propulsée le produit qu'elle contenait dans son propre organisme! Il pose un regard sur Fedora et tombe rapidement inconscient! Apparemment c'était un produit anesthésique aurait-il fonctionné sur Fedora? Elle l'ignore mais il avait visiblement l'intention de l'utiliser... Fedira regarde le corps immobile devant elle un petit moment, elle sait qu'il est encore vivant sa poitrine se levant et se baissant avec sa respiration... Soudain, les émotions s'entrechoquent, revenant dans la conscience de la jeune fille : la peur, la honte, la gêne, l'incertitude... Toute son adrénaline retombe et, incapable de pleurer, elle fait la seule chose que son corps de poupée lui permet de faire pour évacuer la pression : "WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHH" Elle hurle! Aussi fort qu'elle le peut, incapable de se contrôler ou de reprendre son calme après cette aventure qui est définitivement la plus effrayante qu'elle ait jamais vécue! Elle hurle si fort que finalement, la porte de l'établissement s'ouvre et un garde, qui patrouillait dans le coin entre dans la porte avec vitesse. "Que se passe-t-il ici? J'ai entendu des hurlements!" Ses yeux passent tour à tour sur un homme inconscient, une "fille" qu'il a déjà vu alors qu'elle venait se renseigner sur le capitaine du régiment sud en train de hurler et une femme assise sur une chaise! C'est définitivement la seule qui pourra lui expliquer la situation vu que la jeune poupée, si joviale, innocente et souriant la dernière fois qu'il l'a vue semble maintenant incapable de s'arrêter de hurler.
Aelith songea à envoyer sa dague sur l'apothicaire pour stopper son mouvement, mais Fedora fut plus rapide. La poupée repoussa violemment le vendeur, et ce dernier planta une seringue dans sa propre chair dans sa chute. Sous l'effet sédatif de la substance, il perdit conscience. Quelques secondes de silence s'installèrent, rapidement brisées par le hurlement de Fedora. L'aventurière chercha des paroles réconfortantes, mais resta finalement coite, jugeant qu'il valait mieux laisser la jeune fille extérioriser ses émotions avant toute chose. Un garde surgit finalement dans la boutique, alerté par le cri.
« Cet homme a agrippé le bras de cette jeune fille avec une seringue, mais l'a finalement enfoncé dans son propre corps lorsqu'elle s'est défendue, lui expliqua-t-elle. Il souhaitait l'emmener derrière ce rideau,rajouta-t-elle en pointant ce dernier du doigt. »
Le garde posa un regard suspicieux sur l'apothicaire évanoui et prit son pouls. Puis, il se releva et alla jeter un rapide coup d’œil derrière le rideau. Il ne l'avait ouvert que de quelques centimètres, si bien qu'Aelith ne parvint pas à apercevoir ce qui s'y cachait. L'homme sortit alors de la boutique, et héla deux autres gardes. Ceux-ci menottèrent l'apothicaire évanoui et l'emmenèrent avec eux. Le premier garde se rapprocha de l'aventurière.
«... Je comprends maintenant mieux la situation. Je vais alerter mes supérieurs pour qu'une enquête soit menée ici. Votre témoignage sera requis. Y a-t-il autre chose dont je dois être informé ?
-Il m'a donné un remède pour mes brûlures, mais cela a anormalement engourdi mes jambes.
-Je vois, je vais solliciter l'arrivée de soigneurs. Ça ira pour elle ? Demanda-t-il en désignant Fedora d'un signe de tête.
-Oui... je pense. Je vais aller lui parler, si vous voulez bien m'aider à me rapprocher d'elle. »
Le garde acquiesça et s’exécuta. Aelith le retint quelques secondes et lui demanda en chuchotant.
« Qu'avez vous vu derrière le rideau ?
-Vous savez, l'ignorance est parfois préférable. »
Un autre membre de la garde, visiblement plus gradé, pénétra dans l'établissement et héla son collègue. Ce dernier finit d'aider l'aventurière à s'installer et s'éloigna sans davantage d'explications. Maintenant adossée à un meuble à environ un mètre de Fedora, elle jeta un regard compatissant à cette dernière. Quelques mots réconfortants lui vinrent à l'esprit, mais ils lui semblaient bien creux. Finalement, elle sortit délicatement un pendentif argenté orné d’un saphir de son sac et le tendit à la poupée.
«Ça appartenait à ma grand-mère. Je voulais initialement la donner en offrande au Temple, mais les choses ne se sont pas passées comme prévu et... Je pense que ce serait bien que tu l'aies. Je trouve que le bleu du pendentif est apaisant. Il dégage comme un sentiment de paix et de sécurité... Mais en même temps, il représente une forme de courage pour moi, dont tu as fait preuve aujourd'hui. »
Sentant qu'elle s'égarait, elle reprit.
« Enfin, j'espère qu'il pourra t'apporter un peu de réconfort. Prends ça comme un remerciement pour m'avoir aidée aujourd'hui.... Et pour m'excuser d'avoir été un peu... rude. »
Ce n'était pas dans ses habitudes de faire des cadeaux si coûteux aux inconnus, mais son instinct lui soufflait qu'il était temps pour elle de léguer ce bijou. Et Fedora lui semblait, sans qu'elle ne puisse vraiment se l'expliquer, être la personne parfaite pour cela.
Suite aux explications de la jeune femme, le garde va voir derrière le rideau! Fedora aurait sans doute pu regarder depuis sa position mais, est-ce le hasard ou la chance, son esprit ne semble pas vouloir réaliser cette possibilité et elle reste immobile, tremblante et hurlante bien qu'un peu moins fort! L'apothicaire - s'il en était vraiment un - est arrêté et emmené à l'extérieur par deux autres gardes alors que, avec l'aide du premier garde arrivé, la jeune femme est menée jusqu'à la poupée qui n'a jusqu'alors toujours pas réagit... Doucement mais sûrement, elle commence à se calmer et en même temps, elle prend conscience de tout ce qui vient de se passer! Son action hasardeuse qui a eut la chance de passer, son hurlement qui a attiré un garde, sa chance de ne pas être seule pour expliquer cette situation irréaliste et cette vérité incroyable : elle est tiré d'affaire! L'homme ne pourra plus la toucher, il ne pourra plus lui faire du mal! En même temps, elle réalise ce qu'elle a pensé, ce qu'elle a crié en repoussant l'homme et baisse les yeux, si elle pouvait rougir elle devrait sans doute être couleur tomate à l'heure actuelle! Elle espère que le jeune cuisinier père de famille n'aura jamais vent de cette histoire, que penserait-il exactement?
Elle sort finalement de ses rêveries - si l'on peut appeler cela ainsi - lorsque Aelith lui parle! Relevant ses grand yeux de poupée sur elle, elle l'écoute avec attention comme tentant d'assimiler ses mots... *Quel beau bijou* Se dit-elle captivée par le bleu de la pierre... Avant de réaliser les propos de la jeune femme : elle veut le lui donner? Un objet si précieux? Mais pourquoi? Elle ne le mérite pourtant pas le moins du monde! C'est un cadeau bien trop important pour qu'il soit ainsi confié à la demoiselle selon elle! Elle secoue vivement la tête ainsi que les mains dans une réaction beaucoup trop enfantine! Difficile de penser qu'elle a déjà dix-neuf ans quand on voit ce genre de réaction. "Non non non!" Dit-elle. "Je ne peux accepter." Affirme-t-elle. "C'est un présent bien trop beau que je n'ai rien fait pour
mériter!" Conclue-t-elle... Certes elle est heureuse de l'offre mais, pourrait-elle réellement accepter un tel cadeau? Elle n'a pas fait preuve de courage, ce n'est qu'une succession de coïncidences qui les ont sortie de ce mauvais pas! Si l'homme ne l'avait pas touché, si elle n'avait pas eut la vision de Faolan à cet instant - elle ignore toujours la raison de cette pensée d'ailleurs - alors elle aurait sans aucun doute abandonné tout espoir et Lucy seule sait ce que cet homme serait en train de lui faire! Elle n'a pas été brave, juste affreusement chanceuse..."J'ai juste eu beaucoup de chance!" Car c'est ce qu'elle pense! Il n'y a aucun mérite dans son geste... Puis, réalisant, elle attrape la main de la demoiselle - attrapant le bijou qui se trouve prit entre leur mains au passage - et la regarde avec gravité. "Mais nous devrions pas rester là à parler! Ta jambe! ll faut voir un médecin! Qui sait ce qu'il t'a fait?"
Sans surprise, Fedora s’empressa de refuser le bijou.
« Ta modestie est admirable, mais je peux t’assurer que c’est ton courage qui t’a permis de surmonter tous les mauvais tours que le destin t’a joué aujourd’hui ! Tu peux être fière de toi. »
Aelith allait insister pour lui léguer le pendentif, lorsque la poupée revint avec inquiétude sur l’état de ses jambes.
« Ne t’en fais pas trop pour ça, l’effet est sûrement temporaire. Je serai requinquée en un rien de temps ! affirma-t-elle en souriant. D’ailleurs, le garde qui nous a trouvées m’a assuré qu’il allait solliciter des soigneurs. Ils ne devraient pas tarder à arriver. »
Effectivement, une guérisseuse ne tarda pas à les rejoindre. Elle inspecta les jambes de l’aventurière, et partit jeter un coup d’œil à la potion utilisée, que les gardes avaient trouvé sur le corps de l’apothicaire. Elle donna finalement à Aelith un cataplasme doré, en lui expliquant que d’ici quelques heures elle aurait totalement retrouvé sa sensibilité. Après avoir examiné brièvement Fedora et été payée, elle s’éclipsa.
Des inspecteurs de la Garde vinrent ensuite les questionner et elles réexpliquèrent de manière plus détaillée leurs mésaventures. Le temps de témoigner, l’aventurière avait retrouvé un contrôle de ses jambes suffisant pour pouvoir se déplacer. Lorsqu’elle sortit de la boutique en compagnie de la poupée, le crépuscule pointait le bout de son nez.
« Voilà une journée bien tumultueuse qui se termine, conclut Aelith en observant songeusement la voûte céleste. »
Les lueurs rougeoyantes du ciel fendues de rose et d’orange réchauffaient le cœur de l’aventurière après tant de mésaventures. A l’origine, elle s’attendait à une journée tranquille et barbante à étudier minutieusement les quêtes disponibles à la guilde… Visiblement, l’univers avait estimé qu’il n’était pas temps pour elle de se reposer.
Sur le trajet du retour, l’aventurière montra avec enthousiasme les différentes constellations qui se dessinaient dans le ciel à Fedora, les nommant et lui contant les légendes qui leur étaient associées. Elles atteignirent finalement le croisement où leurs chemins se séparaient.
« Même si notre rencontre a été, disons…. haute en couleurs, je suis ravie d’avoir pu faire ta connaissance. Nos routes se recroiseront peut-être dans d’autres conditions. »
Après l’avoir salué brièvement, elle tourna les talons… avant de se stopper brusquement au bout d’une dizaine de mètres. Une idée lui vint à l’esprit, et elle esquissa un sourire.
« Attrape ! Hurla-t-elle en lançant le pendentif en direction de la jeune fille. »
Sur ces mots, elle se hâta de disparaître dans une ruelle adjacente. Après tout, un cadeau ça ne se refusait pas !