Je ne sais pas dire depuis combien de temps nous voyageons. Si nous sommes à mis chemin ou pas, mais en tout cas nous avons eu le temps de faire un premier arrêt et dormis à la belle étoile accompagné d’un bon feu. Nous avons discuté, Aslander vérifiait mon état assez souvent pour s’assurer que ma bosse n’était qu’une simple bosse et rien d’autre. Pour ma part je réfléchissais à tout ce qui s’était passé entre nous et à moins que nous ayons été maudits, on a vraiment eu droit à des journées de merde lui et moi. Chaque fois qu’on se croise, quelque chose ne va pas ou il nous arrive que des emmerdes. Et en plus, à cause de cette fichue drogue j’ai rompu ma promesse envers ce dernier. De m’en tenir qu’à une fois, mais la drogue m’a fait perdre tout raisonnement et si je n’avais pas pensé au détraqué qui nous avait suivis partout, je me serais très certainement jeté sur place. Après tout nous avions la taverne pour nous seuls.

Pensé à cela, m’amène à me dire que nous n’avons pas pu mettre la main sur ce dernier. Peut-être que je devrais enquêter avec d’autres gardes? Ou en faire simplement la demande puisque je ne serai très certainement pas objective puisque cela m’atteint directement ainsi que mon ami assied derrière moi.

Je regarde le ciel légèrement nuageux et soupir d’aise. Ce calme, c’est tout ce que j’attendais et je ne peux pas nier que la compagnie est fortement agréable. Je suis contente de lui avoir pardonné en partie pour son mensonge et alors que je m’apprête à me tourner légèrement sur la selle pour lui parler, j’ouvre de grands yeux. Des nuages sombres se dirigent à toute vitesse sur nous et soudainement je suis happée par une bourrasque de vent suivie de prêt par la pluie qui nous trempe jusqu’à l’os. Mes cheveux se plaquent sur mon crâne et le ciel gronde en force.

« Trouvons un abri et vite! »

L’eau s’infiltre dans ma bouche chaque fois que je prononce un mot. Le ciel est zébré de lumière et sans prévenir un éclair foudroie le sol non loin de nous. Arlequin poussa un hennissement de peur tout en se cambrant et nous fait chuter. Aslander, étant derrière moi, amortit ma chute. Je roule sur le côté et me relève difficilement puisque la route est devenue boueuse et quand je regarde au loin, je ne vois rien du tout hormis la pluie.   J’aide mon camarade à se remettre sur pieds.

« ARLEQUIN! »

Une fois, deux fois, trois fois, il n’est toujours pas de retour.

« Essayons de suivre les traces de ses sabots! Il a peut-être trouvé un abri grâce à son don de voyance! »

Cela allait très certainement être ardu puisque la pénombre couplée au nuage et à la pluie rendait la vision particulièrement difficile dans toute cette noirceur. J’attrape Aslander par la main et j’avance prudemment sur la route.

« Ne nous perdons pas de vu non plus. »

Nos mains enlacées, nous tentons de suivre la route qui nous est difficile à voir. Le rideau de pluie nous empêchait de voir plus loin que notre nez, alors que l’accumulation d’eau avait transformé le sol en boue effaçant par la même occasion toute trace de sabot. Ma monture ne m’aurait pas abandonnée aussi bêtement s’il n’avait pas senti que nous approchions de quelque chose. Il serait très certainement revenu vers nous alors je me contente tout simplement de lui faire confiance bien qu’une partie de moi soit effrayée de l’avoir perdu à tout jamais. Je resserre mes doigts sur ceux d’Aslander et je lève un bras au-dessus de ma tête pour protéger mon visage d’être fouetter par les gouttelettes d’eau.

Des bruits réussissent à transpercer le vrombissement de la pluie qui se déchaîne couplé au vent, mais Aslander semble percevoir quelque chose; une lumière peut-être et change aussitôt de direction. Je me laisse entraîner et je me sens aussitôt soulager de voir que ma monture a effectivement trouvé refuge. Je pourrais m’assurer d’attacher sa sangle, mais le noble ne m’en donne pas la possibilité. Il nous entraîne aussitôt jusqu’à la porte de l’auberge pour que nous puissions y prendre refuge.

Mes vêtements sont trempés et gorgés d’eau alors que je dégouline sur le parquet de l’entrée. L’aubergiste nous accueille d’un drôle d’accent et Aslander ne se fait pas prier et demande une chambre. Je dois dire que passer la nuit ici ne me dérange pas. Nous pourrions prendre un vrai repas et profiter de la chaleur du lieu pour reprendre des forces. Bien sûr, je ne bronche pas lorsqu’il ne demande qu’une chambre parce que c’est ce que j’aurais tout simplement fait par habitude. Pas que je veuille absolument partager un lit avec ce dernier, mais disons que c’est bien moins cher et que je n’avais pas prévu les cristaux pour me payer une chambre.

Nous sommes maintenant en haut dans la chambre et je le vois paniquer un moment. Comme s’il venait de réaliser la demande qu’il avait faite. Une seule chambre n’impliquait qu’un seul lit.

« Tu sais dormir ensemble ne veut pas nécessairement dire que nous allons faire quoi que ce soit. Je…je ne regrette pas ce qu’il s’est passé entre nous, mais cela n’aurait pas dû se reproduire. »

Je pousse un léger soupir et un sourire étire mes lèvres alors que je dépose ma main contre son bras. Je sais pertinemment qu’il y a une attirance entre nous, mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’amour. Enfin, cela ne fait pas assez longtemps que je le côtoie pour que je puisse en dire, mais je dois dire qu’en ce moment, mon esprit est plutôt perturbé, je ne sais pas pourquoi, mais voilà. Je pense simplement qu’Aslander n’est pas le seul homme que mes yeux guettent.

« Je vais aller prendre une douche rapidement et me changer, puis je te laisse la place par la suite. Nous pourrons aller prendre un repas chaud et boire un peu. Qu’en dis-tu? »

Enfin, je prends une serviette dans l’armoire et me dirige donc vers la porte. Je me retourne une dernière fois avant de ne fermer celle-ci derrière moi.

« Ne garde pas tes vêtements mouillés et mets-les tout de suite à sécher! »

Et je ferme la porte sans la verrouiller. Je n’aime pas verrouiller ma porte pour la simple et bonne raison que s’il m’arrivait quelque chose, il était plus facile de pénétrer la pièce et de m’aider. Je me dévêtis et rentre aussitôt dans la douche.

L’eau qui coule sur mon corps est si apaisante. Je ferme les yeux, lève le menton et laisse ce dernier tomber contre mon visage. Je retiens mon souffle quelques instants et me détourne lorsqu’il est temps de reprendre ma respiration. Mes doigts glissent contre mes yeux enlevant le surplus et j’expire profondément. Je ne sais pas pourquoi, mais mes pensées se tournent vers la situation dans laquelle je me trouve. Que je le veuille ou pas, je sais qu’il pourrait y avoir quelque chose entre Aslander et moi. J’ai envie d’y aller, de m’y risquer au risque de m’y brûler, mais je sais que ce n’est pas nécessairement le bon choix. Nous nous sommes rencontrés sur un gros mensonge de sa part. Il m’a menti sur son identité et il n’a jamais eu besoin de moi pour une protection. Son but initial n’était que de m’amener jusqu’à sa chambre… Son plan à simplement évolué en cours de route et finalement, c’est moi qui me suis lancé sur lui sans penser qu’il n’y aurait plus que de l’amitié. Lorsque nous nous sommes revus la seconde fois, nous avons eu les symptômes de l’ivresse sans nécessairement avoir bu, alors je dois dire que la vérité a éclaté, mais même s’il ne semble pas être sûr de ce qu’il éprouve pour moi, je pense simplement que ce n’est qu’une attirance physique. Il est aventurier, je suis garde et seul Lucy ce qu’il me cache encore.

De l’autre côté, il y a la stabilité et l’honnêteté, mais je ne peux pas garantir que ce que je ressens est réciproque, mais nous sommes complices de bien des choses et en aucun cas nous n’avons eu le moindre rapprochement. C’est aussi mon supérieur et j’ai peur de ce que cela pourrait donner sur notre boulot. Je ne recherche pas de traitements de faveur, mais je me sens bien à ses côtés et tout comme avec Aslander, je peux être moi-même sans me sentir jugée par lui. Enfin, bien que parfois, il me donne l’impression de ne jamais être contant de ce que je dis ou fait. Au final, le choix ne revient qu’à moi et je ne peux pas jouer d’un côté où de l’autre et je préfère me briser moi-même que de briser l’un d’eux.

Les longues douches ne me font pas en réalité. Je me perds dans mes pensées et je réfléchis bien trop. Une fois sortie de celle-ci, je m’essuie rapidement et j’en ai presque oublié Aslander qui devait patiemment son tour pour se réchauffer. Alors je me dépêche, me sèche et entoure la serviette autour de mon corps.

Lorsque je sors, il n’est plus là… Je mets des vêtements rapidement et attends quelques minutes, mais il ne semble pas revenir, alors je mets mes bottes, même si elles sont légèrement mouillées et je descends sans oublier la clé. Je balaie les tables et ce dernier semble assis au comptoir en train de boire?

Je m’approche de ce dernier alors que sous lui se trouve une flaque d’eau qui continuait de s’agrandir et je constate le verre qu’il a en main et surtout la clé qui se trouve à ses côtés. Je m’appuie sur le comptoir à ses côtés et l’observe calmement.

« Tu vas tomber malade! Tu ne devrais pas être ici en train de boire! »

Quelque chose s’est produit pendant ce temps ou ai-je dit quelque chose qu’il ne fallait pas?

« Quelque chose de tracasse, Aslander? » demandai-je alors en déposant ma main contre son bras.

Aslander sent l’alcool, je ne sais pas dire combien de verre il a bu, mais lorsqu’il me regarde, je vois quelque chose en ses yeux. Je ne sais pas dire ce que je vois, mais l’éclat qui avait pourtant brillé à de nombreuses reprises ne semblait plus là. Non, plus terne, plus mélancolique. Lui demander si quelque chose le tracassait était simplement une façon pour qu’il s’ouvre à moi et me parle. Il soupire et me souris, deux choses qui ne vont pas ensemble et je réalise que je lui ai fait subir la même chose tout à l’heure en lui mentionnant que ça n’aurait jamais dû se reproduire.  Je ne suis pas plus honnête que lui en fin de compte, car je sais que ce qu’il dit est en partie un mensonge, parce qu’il est trop fier et ne voudra jamais me dire ce qu’il se passe réellement entre ses deux oreilles. Éviter d’autres problèmes, profiter pour boire un verre? Dans cette tenue et complètement, trempe aussi, oui tout à fait. C’est la première chose à laquelle j’aurais pensé voyons, mais je me tais. Je le regarde silencieusement prendre la clé de la seconde chambre et ne le retiens pas. Je n’en ai pas le droit. Peut-être est-ce mieux ainsi?

Enfin, le tavernier semble me retenir et me serre un verre en m’expliquant qu’Aslander avait quelque chose de lourd sur le cœur. Je roule doucement des yeux, alors que je prends place sur un tabouret qui n’a pas été trempé par mon compagnon de voyage. Je porte doucement le verre à mes lèvres alors que je souffle des narines en essayant de ne pas rire jaune.

« Y’a pas que les hommes qui peuvent avoir du mal, vous savez! Les femmes aussi et je n’ai pas l’intention de lui tordre un bras pour qu’il me parle alors que je ne suis même pas sûre d’être prête à écouter ce qu’il a à me dire. »

Être franche avec Aslander, il me semble l’avoir été. J’ai apprécié tous les moments passés avec ce dernier, même ce que j’ai pu oublier et me souvenir par la suite. Mais dans tous les cas, nous n’aurions pas dû recoucher ensemble. Éviter de torturer nos esprits, nos corps en la présence de l’un et de l’autre. Je veux avoir du bon temps avec ce dernier et ne pas avoir de pensée lubrique en sa présence. Je ne veux pas me laisser guider par mes envies.

Enfin, je finis, mon verre remercie, le vieil homme et pousse un gros soupir. Qu’est-ce que je dois faire. Aslander a certainement besoin de temps pour lui, mais l’homme semble me pousser à aller lui parler. S’il a choisi la fuite, peut-être qu’il a besoin que je perce l’abcès?

Je glisse donc mes mains dans mes poches et m’avance alors vers le couloir où l’aventurier était parti et je m’arrête devant la porte quarante-quatre et l’ouvre après avoir cogné à cette dernière.

« Aslander, c’est moi, Khalie. Tu me laisses entrer? Je crois qu’on doit parler toi et moi. »

J’ouvre doucement la porte et passe la tête avant que cette dernière ne soit complètement ouverte. Étrangement, je ne vois pas Aslander dès le premier balayage, mais j’entends quelque chose bouger. Un froissement de vêtement ou bien quelque chose qui frotte au sol et finalement je l’entends me parler. Sa voix semble sèche, mais troubler par ces sentiments qu’il refuse de me dire. Parler serait inutile selon lui, car ce qui devait être dit avait déjà être dit et il reprend mes mots. À ce moment, je me sens déchirée. Il m’aime vraiment? Moi, la petite rebelle à l’allure de gothique qui se prend la tête avec tout le monde? Moi qui ne réponds parfois que de mes pulsions. Pourtant…Je ne sais plus quoi penser, mais lorsque je le vois, genoux poser au sol à se tenir la tête entre ses mains, je ne réfléchis pas et je fonce.

La porte se referme derrière moi alors que je me dirige à ses côtés. Je me jette à genoux de son côté droit et entoure ses épaules de mes bras pour le serrer contre moi. Ma joue appuyer contre le dessus de son crâne, je ferme les yeux et reste un moment dans cette position sans réaliser que je me berçais avec ce dernier. Je dois clarifier la situation même si cela nous fera du mal à tous les deux. Nous aurons besoin de guérir et de prendre du temps chacun de notre côté. Peut-être qu’il ne voudra plus croiser ma route, peut-être m’évitera-t-il au croisement d’une rue ne daignant pas me jeter un regard, mais je prendrai sur moi.

Je tourne ma tête déposant alors le dessous de ma mâchoire contre le dessus de sa tête.

« Si tu ne veux pas parler, alors écoute-moi. »

Mes mains glissent contre ses épaules et je me déplace finalement pour être en face de ce dernier. Je dois le regarder dans les yeux puisque je me dois d’être totalement honnête avec Aslander.

« Tu es quelqu’un de précieux à mes yeux, mon premier ami depuis bien longtemps. Nous nous rencontrons toujours dans de drôles de situation et même après avoir appris la vérité, je voulais toujours être ton amie. Ces derniers jours ont été très mouvementés… Une créature à essayé de nous tuer, on a essayé de nous noyer grâce à une barrière magique, ensuite que dire des sosies et du détraqué qui nous a piégés et drogué. Il ne faut pas oublier ma perte de mémoire étrange… Tout ça, ça n’a fait qu’augmenter le lien précieux qui nous unit. Je veux que tu sois heureux, te voir sourire, t’aider et te soutenir en cas de besoin. »

Je ne lui demande rien en retour et je ne recherche rien en retour. C’est moi qui ai possiblement tout fichu en l’air dès le premier baiser que nous avions échangé lors de notre première nuit, mais je ne peux pas l’obliger à rester auprès de moi surtout avec ce que je m’apprête à dire par la suite. Je pousse un soupir plutôt tremblant et lève les yeux vers le plafond, alors que je sens ma gorge et ma poitrine se comprimer. Mes lèvres se mettent à trembler alors que mes yeux s’emplissent de larmes.

«  Je…je t’aime beaucoup, Aslander, mais certainement pas de la même façon que tu le voudrais. J’aimerais te dire que tout ira bien que je suis là pour toi, mais si je suis la cause de ta souffrance, ce ne serait que t’enfoncer plus profondément un couteau dans ta plaie déjà meurtrie. »

Les larmes qui s’accumulaient doucement sous mes yeux se mirent alors à glisser contre mes joues. J’inspire un bon coup, j’essaie de reprendre une stabilité, mais cela n’a que pour effet d’accentuer mes tremblements.

« Tu as besoin de temps pour toi et…moi aussi, je le crois. Alors ne m’en veut pas pour ce que je vais faire, d’accord? »

Je le regarde une dernière fois, approche mon visage du sien et dépose un simple baiser sur son front avant de ne m’éloigner de ce dernier. Je me soulève du sol et j’ai l’impression de peser des tonnes, que mon corps est lourd et qu’il ne souhaite pas me suivre, mais je me fais violence, car c’est la bonne chose à faire.

« Je retourne à ma chambre… »