Déplacement dans les couloirs. Silence le plus total. Heure : douze heures, vingt cinq minutes et trente deux secondes précisément. Arrivé devant le bureau de l’examinateur Samson. Taux d’efficacité : soixante douze pourcent. Un dossier sur le côté. A mon nom. Je le prends. Remarque : un dossier urgent à rendre pour le soir. Faire un rappel à quinze heures précises. Bureau suivant, examinateur Vr… Erreur. Nom de l’examinateur inexistant. Faille dans la mémoire. Intolérable. Archives à analyser pour pallier à cette erreur ultérieurement. Bruit sur la gauche. Mon regard balaie les lieux. Lumière sous une porte. Analyse du propriétaire. Callahan. Erreur. Probabilité de la présence de l’examinateur Callahan à cette heure dans son bureau : zéro virgule zéro cinq pourcent. Mise en vigilance. Je m’approche. J’ouvre la porte. Callahan. Là. Derrière son bureau. Cinq dossiers ouverts devant lui. Il jette un regard surpris dans ma direction. Cernes sous les yeux. Air fatigué.
-Monsieur Trovnik ?
Réponse professionnelle. Souvenir d’une deadline.
-Callahan, où est le rapport sur la mission des rats du grand port ?
-Elle est là. Je finissais un autre rapport et je comptais vous rendre tout d’un coup.
Regard sur la table. Plissement léger des yeux. Deux dossiers finis. Dernière occurrence d’une telle situation : données absentes. Incohérence des données d’activités. Mesure d’enquêtes.
-Vous n’allez pas bien Callahan ?
-Vous vous inquiétez pour moi ?
Sentiment non reconnu.
-Combien de dossier traitez vous, Callahan ?
-Des dossiers ? Je dois en avoir…. Si je ne me trompe pas… une dizaine… douze pour être précis.
Moyenne d’activité : cinq par semaines. Quotas dépassés. Erreur. Augmentation du niveau d’efficacité. Résultat satisfaisant. Erreur permise.
-Vous ne mangez pas, Callahan ?
-Je … n’ai pas très fin.
Moyenne des pauses repas durant plus d’une heure : cent pourcent. Incohérence. Plus grande efficacité au travail. Résultat satisfaisant. Incohérence tolérée.
-Bien. Je vous laisse les mettre sur mon bureau.
-Bien monsieur.
Docilité confirmée. Absence de comportement déviant. Hors des statistiques. Problème. Plus grande efficacité au travail. Résultat satisfaisant. Problème négligeable.
6e jour de la deuxième lune de la saison douce, an 1000.
-Tu sais, il y a pas de secrets. Si tu veux te forger un corps d’athlète comme le mien, il faut travailler, travailler et travailler.
-Ouai… Mais c’est fatigant !
-On obtient rien sans rien mon petit gars.
-Je sais bien, Patrick. Mais faut que je sorte. Que je bois des coups. Le boulot. J’ai une vie quoi.
-Moi aussi ! Il faut juste savoir faire la part des choses.
-Toi, t’es déjà superbement bien taillé, c’est facile, mais partir de rien, c’est l’enfer. Trop de choses à penser.
-Bah, viens faire de la muscu. Tu penses à rien. T’es juste dans l’effort. Un combat contre toi-même et les limites de ton corps.
-Je vais me blesser oui…
-Excusez moi ?
Je mer retourne. Un type. Je le reconnais. C’est Whiskeyjack. Un mec sympa. Très sympa. L’est examinateur. Bon, même si je l’aime bien, il fait une sacrée mine de déterrée. A ce demander quand est-ce qu’il a dormi pour la dernière fois. Il me regarde avec une once d’espoir dans le regard.
-Ah, Jack ? Qu’est ce qui se passe ?
-Tu as bien dit que le sport, ça ne faisait penser à rien.
-Ouai. Et c’est bien vrai. Je t’explique…
-Je marche.
-Hein ?
-Tu peux m’entraîner ? A la salle.
-T’entraîner ? Bah ouai je peux. Tu veux bosser quoi ?
-Tout.
-Tout ? Tu vas en baver. Tu vas finir tes journées à baver au sol.
-C’est ce que je veux.
-Ah ouai ? Un cœur à conquérir avant l’été ? P’tit Jack ?
-… pas exactement.
-Tu fais des cachotteries. Je creuse pas. Tu veux commencer quand ?
-Ce soir, c’est possible ?
-Ce soir ? T’es motivé ! Je peux pas ce soir, mais demain, c’est possible.
-Ok pour demain. Merci Patrick.
-De rien.
Et bah, il a pas le temps le Jack.
6e jour de la deuxième lune de la saison douce, an 1000, au soir.
Maitre rentré ! Maitre rentré ! Appelez copain ! Gratouiller ! Patouner ! Maitre venir ! Montez dessus ! Gentil ! Gentil ! Copain ! Copain ! Il m’appelle. Mon nom ! Mon nom ! Haaaylwinaaaa. Trop bien ! Frottez la tête ! Frottez les patounes ! Jchaaaaack venir ! Frottez aussi ! Sur la tête ! Sur les épaules ! Content ! Manger un morceau ! Gentil ! Trop bon ! Maître content ! Maître verser goutte sur nous ! Rigolo ! Maître trembler ! Content ! Monter dessus et Câlin ! Maître ! Plus gentil du monde !
12e jour de la deuxième lune de la saison douce, an 1000, au soir.
Je mets la dernière goutte avec une minutie d’horloger. Il s’agit pas de foirer le dosage. Ça risque de tout niquer. La goutte tombe. Pas une de plus. Le liquide pourpre tombe dans le liquide, virevoltant vers le fon de la bouteille, puis se dissipant dans le reste de la solution jusqu’à teinter de rose le contenant. J’hume la bouteille. Parfait. On doit titre à soixante dix pourcent d’alcool là. Un délice. Un Nectar. Je referme la bouteille. Hermétiquement. On frappe à la porte. Je finis ce que j’ai à faire. La précipitation est la mère des pires erreurs. Je range la bouteille dans la grille qui l’attendait, bien au frais. Pour une bonne occasion. Puis je sors et je viens ouvrir. Je tombe sur Jack. Qui ne m’a pas l’air dans son assiette.
-Oh, Jack !
-Salut Gégé.
-ça va ?
-On fait aller. Dis moi. T’aurais des trucs à me faire goûter.
-Oh, toujours, tu me connais !
-Ouai, c’est pour ça que je viens chez toi.
-Tu cherches un truc en particulier ?
-Un truc fort.
-Fort pour toi ou fort pour moi ?
-Pour toi.
-Ah oui… comme la semaine dernière quoi ?
-Voilà.
-Tu as déjà tout fini ?
-Ouai.
-C’était pas mal ?
-Ca a fait le boulot.
-J’ai tendance à oublier qui je suis avec ce genre de truc moi.
-C’est le but.
-Je t’en remets deux autres ? J’ai fait un mélange aux fruits rouges, c’est un plaisir.
-Merci Gégé, t’es un chic type.
-Dis moi… tu reviendras la semaine prochaine ?
-Ouai… probablement.
-Ok. Je te préparerais des trucs personnalisés.
-Merci. T’es un pote.
-Toi aussi.
-Allez, salut.
Il repart. Pas l’air dans son état normal, le Jack. Mais j’ai toujours dit que l’alcool était un remède à tout, je crois bien qu’il est du même avis.
19e jour de la deuxième lune de la saison douce, an 1000, tard.
On frappe. La porte s’ouvre. Je lève les yeux de mon almanach prévisionnel des réunions administratives de l’année 1005. C’est Callahan.
-Oui ?
-Voilà les cinq dossiers que vous attendiez, monsieur Trovnik.
-Posez ça là.
-Voilà. Je n’ai pas vu l’examinateur Anatole ce matin, il n’est pas là ?
-Il est malade. Il devrait revenir dans trois jours. Pourquoi Callahan ?
-Vous voulez que je prenne ces dossiers ?
Quantité de travail supplémentaire : quatre-vingt dix sept pourcent du travail quotidien optimal. Au cumule : dépassement des quotas. Problématique ? Aucune.
-Si vous insistez Callahan. Tant que vous ne confondez pas qualité et quantité.
-Vous inquiétez pas. J’ai un peu de temps, je préfère avancer le travail de la guilde.
Il s’en va. Vérification de l’horaire. Quatre heures après l’heure de départ habituel. Nombre de jour d’affilée que cette occurrence s’est produite : cinq. Pense-bête : modification des statistiques de fin de journée. Procédure à enclencher : félicitations du conseil. Issus du code réglementaire version sept douze. Article quatre. Pense bête : abroger article quatre lors d’une prochaine réunion. J’ouvre les dossiers. Recherche des erreurs. Temps alloués : trente minutes.
…
…
Analyse terminée. Aucune erreur trouvé. Félicitation du conseil confirmé. Demande officiel à rédiger demain matin, six heures. Efficacité de l’agent Callahan supérieur à tout ce qui a été enregistré jusqu’à maintenant. Hors meilleur agent de l’histoire de la guilde : agent Lou Trovnik.
22e jour de la deuxième lune de la saison douce, an 1000.
-Ah ! Jack ! Je pensais que t’arrivais demain !
-J’ai fait au plus vite. C’était ça ou passer une nuit de plus au village perché.
-Je te manque c’est ça ?
-On peut dire ça comme ça.
Quel coquin ce Jack. Il lui faut pas de temps pour se mettre en tenu de sport, dévoilant subtilement son corps. Il a commencé il y a peu, mais il met une ardeur presque romantique à la tache. Il ne prend jamais de pause ; pas plus que celles que j’impose. Jamais tire au flanc, toujours concentré, le regard presque fou. Il dit qu’il voudrait être comme moi. C’est sût que j’ai un physique plutôt avantageux. Qui de mieux que Patrick pour gérer la salle de sport de la guilde des Aventuriers ? Je vous avoue que voir débouler Jack dans la salle, ça a été une surprise. Généralement, les examinateurs évitent comme la peste le moindre effort, mais le Jack, c’est un vrai démon. Aucun état d’âme. Faut dire que quand il arrive, il parait pas déjà très frais. Le visage ravagé par la fatigue je dirais, mais il doit avoir autre chose. C’est que le Jack, il aime bien boire. Ça doit être ça. En tout cas, quand il est là, je le sens un peu plus heureux. Comme s’il mettait tout ces soucis derrière lui et qu’il n’y avait que le sport et lui. Parfois, je me demande s’il vient pas un peu pour moi. C’est vrai quoi. Faut dire que Jack, même s’il est pas très musclé, il est plutôt mignon. Mais vu la forme qu’il tient entre mes mains, je suis sûr qu’il deviendra une bête assez rapidement. J’ai bien fait de me poser ce genre de question. Le soir même, alors qu’on finissait comme d’hab’ à deux, seul, dans la salle, on est aller à la douche. Voilà qu’en plein milieu, il me claque dans les doigts et il s’effondre. Ni une, ni deux, je le récupère avant qu’il tombe, calant sa tête contre mes pecs. Et tu sais quoi ? Il ferme les yeux, posant sa joue sur ma peau et un petit sourire se dessine sur son visage. Plus tard, il a dit qu’il était fatigué, mais moi, je me fais peut être des idées, mais ce genre de truc, ça arrive pas par hasard. Il y a toujours un fond d’arrière pensée qui m’incite à penser qu’au-delà de son « coup de moue », Jack, il a apprécié la chaleur de mes bras. Et ça, je vais pas l’oublier.
26e jour de la deuxième lune de la saison douce, an 1000.
-Oh ! Jack !
-Salut Gégé.
-La même chose ?
-La même chose.
-Tiens, alors, celle là, c’est un mélange de…
-Pas le temps Gégé. On verra ça une autre fois. Salut.
-Sa…lut…
Dommage. J’avais une anecdote croustillante à promos de la liqueur aux trois châtaignes.
10e jour de troisième lune de la saison douce, an 1000.
-Oh ! Maître ? Ou partie Maître ? Jchaaaaak ? Ou partie Maître ?
-Sais pas Haaylwinaaa. Etait là. Tout gentil. Caresses. Boire Quisentfort. Câlin Tout bien. Puis lever. Partie !
-Jchaaaack ! Regarde ! Là ! Comme nous ! Comme nous !
-Coucou toi ! Qui toi ? Connaître Maître !
-Salut. C’est moi. Le … Maître.
-Maître ?! Toi être Maître ?!
-Pas possible !
-Moi me transformer en vous. Pas longtemps.
-Oh ! Super !
-Maître trop fort !
-Elina... ?
-C’est moi Haylwinaaa !
-Tu veux me … faire un câlin ?
-Owi Maître ! Faire un Câlin ! Câlin ! Maître ! Trop bien !
-Moi faire câlin aussi ?
-… Oui… aussi….
-Câlin ! Content !
-Gros câlin ! Gros gros câlin ! Trop bien !
-Monter dessus ! Rigolo !
-….
-Plus câlin Maître ?
-Mauvais câlin, Maître ?
-C’est pas ça…
-Pas aimer nous, Maître ?
-Méchant nous ?!
-Non. Vous êtes adorables.
-Aimer nous ?
-Oui… je vous …
-Content !
19e jour de troisième lune de la saison douce, an 1000.
J’entre dans le bureau de Callahan. Son sac est par terre. Eventré. Rappel de mission : deux jours au grand port, un jour en campagne, un jour en proche banlieue. Retour. Départ demain pour mission au village perché. Durée : trois jours. L’autre sac est derrière le bureau. Prêt. Analyse des destinations. Détail à signaler : Aucun départ pour Forteresse depuis deux mois. Quantité de travail accompli très importante : détail négligeable. Coïncidence. Callahan est assis. Concentré. Il ne m’a pas entendu rentrer.
-Callahan.
Il sursaute.
-Oh ! Monsieur Trovnik, je ne vous ai pas entendu rentrer.
Analyse. Etat de fatigue physique : avancé. Etat de fatigue moral : avancé. Conditions physique : transformé. Augmentation de la masse musculaire conséquente. Impact sur la rédaction des rapports : négligeable. Incohérence vis-à-vis de la tâche. Retour au sujet initial.
-Callahan. La demande concernant vos félicitations a été accepté. Vous recevrez ces félicitations lors d’une petite cérémonie officielle. Pas de petits fours ni de boisson. Je vous transmettrai la date ultérieurement.
-Félicitations… pour ?
-Votre travail exemplaire. Je ne pensais pas le dire à jour, Callahan, mais votre dévotion à la tache est impressionnante. Je ne sais pas ce qui s’est passé pour vous amener à ce changement, mais je ne peux que vous féliciter et féliciter ceux qui vous ont conduit à cette prise de conscience. Celle-ci a été grandement bénéfique pour la guilde. Félicitation.
Je me dois de l’applaudir. Je frappe dans mes mains. Une fois. Pas deux. Ça suffira comme cela. Il me regarde avec les yeux ronds, ce qui accentue ces cernes.
-Vous tacherez d’être présentable, Callahan. Un membre du conseil sera présent.
-Oui… oui… bien sûr… comme toujours…
Je repars. Je recompte le nombre de dossier sur son bureau. Quinze ? A nouveau, devoir mettre à jour les statistiques.
25e jour de troisième lune de la saison douce, an 1000.
Il est assis face à moi, les jambes écartées. Il me regarde avec une intensité telle que j’ai bien du mal à le lâcher des yeux. Regardez moi ces muscles ! Ça pousse comme pas permis ! Il doit avoir des prédispositions à être musclées, ce n’est pas possible autrement. Ou alors, il fait beaucoup d’effort pour moi. Légèrement penché en avant, il flexe son bras avec une précision millimétré sous le poids insolents de son haltère. La sueur dégouline sur son front et dans superbe moustache. Son torse est aussi brillant de sueur. Faut dire aussi que les beaux jours arrivent et que la chaleur commence à davantage se ressentir dans la salle. Les plus fragiles commencent à déserter, certains d’avoir ce qu’il fallait pour faire le malin sur les plages. Mais pas moi. Pas les habitués. Et pas Jack. Il insiste. Il combat ses propres limites. J’aime ce regard. Plus on avance dans la séance et plus il est sauvage. Fou. Totalement vide de toute emprise humaine. Ça me plait. Et j’aime à croire que Jack met en scène ses exercices pour exhiber son sublime corps en pleine transformation. Il est mon œuvre. Je l’ai modelé et je continuerais à le modeler à l’envie. J’ai peut être un certain complexe de possession vis-à-vis de Jack. Tiens, justement, un autre habitué vient lui parler et je me sens jaloux. Je m’approche.
-Laisse Jack ! Il a du travail !
-Je lui proposais juste d’aller boire un verre vu comme il a l’air impressionné par mes pecs.
-T’es pecs n’ont rien d’impressionnant, Fred. C’est pas comme ça que tu vas trouver grâce à mes yeux.
-Ouai. T’façon, tu n’as d’yeux que pour Jack.
-C’est faux !
-Ahah. Allez, j’y retourne.
Je reste un instant silencieux. Jack continue sa série jusqu’à souffler comme un bœuf et s’arrête. Massant son biceps. Il lève alors le regard vers moi.
-C’est vrai… que tu me regardes ?
Je le dévisage. Et pas que. Etrangement, je le trouve soudainement si faible. Comme un petit oiseau tombé d’un arbre. C’est devenu une bête, mais dans le fond, il est resté le Jack bon et un peu fragile qu’il était. Et c’est plutôt plaisant. Je me sens pousser des ailes alors qu’on se regarde. Un peu plus près. Alors je demande.
-Ca te dit, un verre ?
26e jour de troisième lune de la saison douce, an 1000.
-Salut Gégé.
-Ah. Jack.
-La même…
-Non.
-Hein ?
-Jack. T’es un pote. Mais tu peux pas continuer comme ça. Je peux pas te laisser.
-Allez, fais pas ton rabat-joie. C’est délicieux, comme toujours.
-Non Jack. Je sais bien que tu ne dégustes pas. Tu bois. Tu bois pour boire. Je le sais.
-… tu me surveilles ?
-C’est pour ton bien.
-Ah ouai, d’accord. Je vois le genre. Tu sais rien et tu te permets de me faire la morale.
-Jack. Quand tu veux on se fait une soirée dégustation comme avant. Mais ce n’est plus possible. Tu vas finir par boire des quantités qui m’inquiéteraient si c’était moi.
-Bah, on est pareil nous deux. Si ça t’inquiète pas encore, je peux.
-Non Jack. Tu le sais bien ; On l’a toujours su.
-Ouai. C’est cool quand ça t’arrange. Tu veux juste pas m’aider, c’est tout.
-Je t’aide en faisant ça.
-ET QU’EST-CE QUE T’EN SAIS ?
-Calme toi Jack.
-JE SUIS CALME ! C’EST TOI T’ENERVE POUR RIEN !
-Jack…
-Allez, files en une. Juste une. C’est la dernière.
-Non.
-Allez, s’il te plait ? PUTAIN Qu’est ce que tu veux ?
-Que tu ailles bien.
-De la thune ? T’en veux ? V’là. Prends.
-J’en veux pas.
-Alors c’est moi que tu veux ? Toi aussi ? Prends ! Je dis pas non !
-Jack… S’il te plait.
-Quoi ? DIS MOI ! QUOI ?
-ça passera Jack. Je suis désolé. Je sais que ça te passera.
-Quoi ? mais ?! Ferme pas la porte ! EH GEGE ! PUTAIN ! OUVRE LA PORTE ! T’AS DIT QUE T’ETAIS UN POTE ! JUSTE UN VERRE ! ALLEZ !
-…
-Pitié … Gégé… juste une dernière fois…. J’en ai besoin…
-Je regrette.
-Non Gégé ! Allez !
-…
-T’es là Gégé ! Dis moi que t’es là ! c’est une blague, c’est drôle. J’ai marché. C’est bon. Maintenant ouvre la porte.
-…
-Je m’excuse ! Voilà ! Pardon ! Pardon mille fois ! Allez ! Ouvre !
-…
-Non ?... Noon… Pas ça. Pas ça Gégé. Je veux pas. Je veux pas. Je veux pas Gégé.
-…
-Je veux pas la voir. Je veux pas. Tu comprends ? ça fait trop mal.
-…
-Gégé… non… s’il te plait…
-…
-S’il te plait…
-…
-S’il te plait…
30e jour de troisième lune de la saison douce, an 1000.
-Où Maître ? Où Maître ? Trois soleils ! Pas vu ! Maître mort ? Maître abandonné Jchaaaack et Haaylwinaa ? Maître perdu ! Triste ! Triste ! Seul ! partie ! Partie ! Vouloir Maître ! Vouloir Maître ! Câlin ! Comme avant ! ! Bien ! Pas câlin ! Pas bien !
-Elina ?
-Maître ?! Maître ! Maître revenu ! Maître comme moi ! Câlin ! Gros câlin !
-Pardon Elina.
-Pardonné ! Pardonné ! Maître trop bien ! Gros gros câlin !
-Je t’ai délaissé Elina. Ça n’arrivera plus.
-pas compris ! Mais content ! Gros câlin ! Poutou ! Poutou ! Trop content ! Bien ! Bizarre ! Drôle ! Quoi faire Maître ?
-Rien, Elina. Un gros gros câlin.
-Gros gros câlin ! Trop bien ! Câlin bizarre ! Mais aimer Maître ! Maître gentil ! Maître toujours Jchaaack et Haaaylwinaaaa. Câlin ? Pas câlin ! Pas câlin ! Arrêter Câlin !
3e jour de la première lune de la saison chaude, an 1000.
La porte n’est par fermée. J’entre. Je porte un mouchoir à mon nez et le léger parfum vient dissimuler les odeurs rances d’une vie bien négligée. La maison est sans dessus dessous. Sale. Sans vie. Mais il est là. Je le sais. Mes hommes de confiance m’ont assuré qu’il n’est pas sorti. Je monte. La chambre. La porte entrouverte. L’intérieur est à l’image du reste, sauf qu’il y a un corps immobile sur la couche, Massif. Hirsute. L’odeur est forte. Je déblaie, tremblotant après l’effort de l’escalier, une chaise et je m’y assoie. Elle grince. J’attends. Il sait que je suis là. J’attends. J’attends qu’il soit disposé à parler. Ce qui finit par arriver.
-Qu’essst ce que vous vouleeeez… ?
La voix est faible. Pâteuse. Horrible. Mais c’est la sienne.
-Vous n’êtes pas venu ce matin. Pour vos félicitations.
-Z’êêêtes quiii ?
-Conseiller Mallory.
-‘suis désolé…
-Merci.
-… pourquoi vouuus v’nez ?
-Monsieur Callahan. Ou je peux vous appeler Jack ?
-… moui.
-Jack. Je vous observe depuis un bout de temps. Les gens vous observent, Jack. Vous avez du charisme. Vous emportez les gens avec vous. Vous êtes sympathique Jack. Et ce serait être aveugle que de ne pas le voir.
-… la nature… v’là.
-Peut-être… mais ce n’est pas le sujet. Quoiqu’il en soit. J’ai fondé quelques espoirs en vous.
-… gnniieuh ?
-Même au milieu de ce dépotoir avec ce comportement déplacé, vous m’inspirez de la sympathie, Jack. Sachez le. C’est une capacité puissante que vous avez.
-Gnieu…
-Vous êtes un brillant examinateur. Mais vous n’êtes pas appeler à rester examinateur toute votre vie comme je ne suis appeler à rester conseiller jusqu’à la fin. J’étais examinateur dans ma jeunesse. Je vois un de moi en vous. Mais en mieux. Et je me dis que vous pourriez faire de grande chose pour la guilde.
-Hein ?
-C’est dommage. Ce matin, vous avez manqué que j’annonçais ma démission du conseil. J’aurais voulu que vous soyez là. Pour que vous repreniez mon flambeau. Pour que vous vous engagiez sur ce chemin.
-… Moua ?
-Oui. Vous, Jack. Vos talents sont indéniables. Et je sais de source sûre que vous êtes un homme qui a besoin de projet dans sa vie. Surtout maintenant. Il doit y avoir un choix dans le conseil. Il y a plusieurs candidats. Il faut se démarquer. Prouver que vous êtes le meilleur. Il vous faudra de l’engagement, de la détermination et du courage. Vous ne penserez qu’à ça. Et je sais que ça vous intéresse.
Il se redresse.
-Vous me suivez ?
-J’aime connaître sur qui je compte. Vous traversez une période difficile, mais ce n’est qu’une période. Elle passera. La guilde, elle, n’attend pas. Elle a besoin d’hommes compétents qui feront l’unanimité. Ou alors, d’autres gens moins… sympathiques prendront mon poste. Ils mettront la main sur du pouvoir au sein de la guilde et pourront toujours détourner ses moyens de son but premier. Je sais que vous ne seriez pas comme ça. Et je sais que vous avez les capacités de réunir le soutien pour vous mener au conseil et pour mener les projets qui vous tiendront à cœur. Car vous les feraient dans l’intérêt de la guilde.
-Laissez moi…
-Les candidatures sont ouvertes jusqu’à après demain. Réfléchissez y. Voyez large. L’intérêt de la guilde. Et vos intérêts à vous. Je ne vous crois pas capable de vous morfondre ici. Vous savez que j’ai raison ; Il vous faudra sortir. Et pour se sortir de là, il vous faut un but. Voilà ce but. Saisissez le. Vous n’avez rien à perdre, non ?
Il semble accepter l’argument, mais ne fait rien dans ma direction. Je soupire. Puis je me lève. Sur le pas de la porte, je me tourne à nouveau vers Jack. Seul. Immobile.
-Vous ne devez pas l’oublier Jack. Ce n’est pas comme ça que ça marche. Vous devez vivre avec. J’ai eu la chance de vivre avec l’être que j’ai aimé toute ma vie, mais le temps me l’a prise trop tôt. C’est dur. Je vous comprends. Mais oublier ne vous fait pas avancer. Ça vous fait reculer. A chaque fois, vous refaites face à la cruelle vérité. Sans cesse, le froid du poignard dans la plaie. Acceptez cette vérité et allez de l’avant. C’est lui faire honneur que de continuer à vivre. Qu’elle ne soit pas votre faiblesse, mais votre force. La force d’aller de l’avant. La force que tout ce qu’elle a pu faire pour le bien commun ne tombe pas dans l’oubli. N’offrez pas à ces ennemis le plaisir de voir son existence oubliée. Elle ne le mérite pas.
Jack reste immobile. J’ai un sourire triste.
-Au revoir, Jack. Je vous attendrai.
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